Livre:Christ dans la gloire/Chapitre 11
Le grand but de l’épître aux Hébreux est de présenter Christ dans la gloire, comme notre grand souverain sacrificateur, et amenant plusieurs fils à la gloire. Un bref résumé le montrera clairement.
Les chapitres 1 et 2 présentent les gloires de la personne de Christ et Sa place dans le ciel.
Les chapitres 3 à 8 Le présentent comme le grand souverain sacrificateur, soutenant les siens sur la terre, tandis qu’Il les conduit vers leur demeure céleste.
Les chapitres 9 et 10, jusqu’au verset 18, présentent la sacrificature de Christ, ouvrant le ciel au croyant et rendant le croyant propre pour ce lieu.
Le chapitre 10, versets 19 à 23, montre que nous avons accès au ciel, où Christ est entré, pendant que nous sommes encore sur la terre.
Le chapitre 11 retrace le sentier de la foi, qui mène à Christ dans le ciel.
Le chapitre 12 parle des différents moyens utilisés par Dieu pour garder nos pieds sur ce sentier.
Le chapitre 13 montre que le sentier céleste est en dehors du monde religieux et que la part actuelle de ceux qui appartiennent au ciel est une part d’opprobre.
Il apparaît ainsi clairement que, dans cette épître, Christ est vu dans le ciel, et que les croyants sont vus comme un peuple céleste — participants à l’appel céleste — courant une course qui commence sur la terre et se termine dans le ciel.
Dans ce dernier chapitre de l’épître, il nous est rappelé que nous sommes encore dans le corps, et par conséquent exposés aux liens et aux afflictions ; que nous sommes encore dans les relations de la vie, qui doivent être respectées ; que nous avons des besoins temporels, qui doivent être satisfaits. Mais tout en étant sur la terre, nous sommes considérés comme en dehors du monde religieux. Si nous partageons avec Christ Sa place de faveur dans le ciel, nous devons être prêts à accepter Sa place d’opprobre sur la terre. Si nous avons le privilège d’entrer à l’intérieur du voile, nous avons aussi le privilège et la responsabilité de sortir hors du camp. Ainsi les exhortations de ce dernier chapitre ont toutes pour but de produire une conduite qui sied à ceux qui partagent avec Christ Sa place de rejet sur la terre. Mais il faut nous souvenir que ces exhortations concernant la vie courante montrent clairement qu’être hors du camp ne signifie pas être hors de ce qui est naturel.
v. 1, 2 — La première exhortation envisage le cercle chrétien gouverné par l’amour. Ce n’est pas l’amour naturel qui aime ceux auxquels on est attaché par les liens de la nature, aussi juste cela soit-il à sa place, mais c’est l’amour fraternel, la part de ceux qui sont unis ensemble comme frères en Christ. Nous avons à veiller à ce que cet amour demeure. Le danger est que l’amour, qui s’exerce spontanément quand survient l’épreuve ou la persécution, s’affaiblisse dans la vie ordinaire parmi ceux qui sont journellement au contact les uns avec les autres. Le contact quotidien nous amène à découvrir les petites faiblesses et les particularités les uns des autres, et cela peut avoir pour effet de refroidir notre amour. L’amour est ainsi surtout mis à l’épreuve par ceux qui sont le plus près de nous. Avec ceux-là, nous avons à veiller à ce que l’amour fraternel demeure, et en particulier à l’exprimer pratiquement par l’hospitalité.
v. 3 — Cet amour fraternel peut en outre s’exprimer dans une communion pratique avec les enfants de Dieu qui pourraient se trouver prisonniers pour l’amour de Christ, ou avec ceux qui sont maltraités. Nous avons à nous souvenir de ceux-ci comme ayant nous-mêmes des corps qui sont exposés à souffrir par des liens ou par de mauvais traitements.
v. 4 — De plus, tandis que nous sommes sur la terre, il faut tenir compte des relations de la vie. Le mariage, qui est le plus intime de tous les liens humains, ne doit pas être méprisé, mais tenu en honneur et gardé pur. Toute violation de la sainteté, ou rupture du lien du mariage, rencontrera le jugement, soit gouvernemental soit éternel.
v. 5, 6 — Nous avons aussi des besoins temporels à satisfaire, mais nous devons veiller à ce qu’ils ne deviennent pas une occasion d’avarice. Soyons satisfaits des circonstances présentes dans lesquelles Dieu nous a placés. La raison donnée est très précieuse : quelles que soient nos circonstances, le Seigneur est avec nous. Il a promis : « Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point ». S’Il parle ainsi, nous pouvons répondre, pleins de confiance : « Le Seigneur est mon aide et je ne craindrai point : que me fera l’homme ? ». Ces derniers mots sont bien une question. Si le Seigneur est mon aide, que peut faire l’homme ?
v. 7 — Nous avons à nous souvenir de ceux de nos conducteurs qui ont disparu de cette scène. Ce verbe « souvenir » est différent de celui qui est employé dans le verset 3. Là c’est le souvenir pratique de ceux qui sont dans le besoin ; ici c’est la mémoire de ceux que nous risquons d’oublier. Il est juste que nous nous souvenions d’eux, car ils nous ont annoncé la Parole de Dieu. De plus, nous avons à considérer l’issue de leur conduite. S’ils ont annoncé la Parole de Dieu, ce n’était pas pour attirer des âmes à eux-mêmes, mais à Christ dans le ciel. Nous avons d’autre part à imiter leur foi — non leurs particularités, leurs manières, ou même leur ministère.
v. 8, 9 — Dans les versets 8 et 9, nous passons des conducteurs qui nous ont quittés, à Jésus Christ qui demeure. D’autres passent, d’autres changent, mais « Jésus Christ est le même, hier, et aujourd’hui, et éternellement ». Nous parlons parfois des grands hommes de Dieu qui nous ont précédés, comme si, avec leur départ, nous étions presque laissés sans ressource. En parlant ainsi, nous courons involontairement le danger de manquer d’égards envers Christ. Ils ont passé, mais Lui demeure, avec l’amour parfait de Son cœur et la puissance parfaite de Sa main. Il est aussi la Tête, qui met une sagesse parfaite au profit des membres de Son corps. Il n’y a pas une difficulté qu’Il ne puisse nous rendre capables de vaincre, pas un danger dont Il ne puisse nous préserver, pas une question qui pourrait se poser qu’Il ne puisse régler. Il est notre appui et notre ressource — notre tout. L’épître s’ouvre et se termine par la présentation de Christ comme Celui en qui il n’y a aucune variation. Dans le premier chapitre, Il est salué comme Celui qui demeure et qui ne change pas — « Tu demeures » et « Tu es le même ». D’autres passent, mais Il demeure ; d’autres changent, mais Il reste le même. Puisque Christ est notre ressource, ne soyons pas « séduits par des doctrines diverses et étrangères ». Avons-nous des oreilles qui nous démangent ? Sommes-nous en quête d’une lumière nouvelle ? Alors prenons garde que notre recherche incessante de quelque chose de nouveau ne nous écarte de Jésus Christ.
C’est « la grâce » active de Christ qui établit et soutient l’âme, et non pas les « doctrines diverses et étrangères », qui semblent être une bonne nourriture intellectuelle, mais qui ne s’adressent qu’à l’esprit et qui, par conséquent, ne profitent pas à ceux qui s’en occupent. La vanité de la chair convoite ce qui est nouveau et cherche à s’exalter en présentant la Parole d’une manière différente de tout ce qui a été enseigné auparavant ; il en résulte que les conducteurs qui ont précédé sont rabaissés ; l’âme n’a plus Jésus Christ devant elle comme Celui qui ne change pas ; on risque d’être séduit par des doctrines étrangères.
Nous sommes ainsi amenés au grand sujet du chapitre — la place que Christ a ici-bas. Nous avons appris qu’Il est avec nous ; nous savons qui est cette personne glorieuse qui est avec nous ; nous allons apprendre maintenant où Il est par rapport au monde religieux, afin de pouvoir prendre notre place avec Lui.
v. 10-12 — Pour introduire ce grand sujet, un contraste est établi entre le judaïsme et le christianisme. Dans le système juif, il y avait en effet un chemin prescrit pour s’approcher extérieurement de Dieu, auquel les Gentils comme tels n’avaient aucune part. Maintenant l’autel — le moyen de s’approcher de Dieu — appartient exclusivement aux chrétiens, et ceux qui se trouvent sur le terrain juif n’y ont aucun droit. Nous apprenons par le chapitre 9 (v. 14) que Christ, « par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu sans tache », afin que nous ayons la conscience purifiée des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant. Et encore au verset 15 de notre chapitre, qui se rattache au verset 10, nous lisons : « Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges ». Christ et Sa croix constituent notre autel. Le sacrifice qui règle la question du péché est le chemin d’accès par lequel le croyant s’approche de Dieu comme adorateur. Il est clair que ceux qui restaient liés aux autels juifs méprisaient en fait le grand sacrifice de Christ. Ils s’attachaient aux ombres et ignoraient la substance. Ils n’avaient évidemment aucun droit à participer à l’autel chrétien — Christ et Son sacrifice.
La congrégation juive était extérieurement le peuple de Dieu sur la terre, composé de la descendance d’Abraham. Ainsi, pour participer à ce système religieux, la naissance naturelle dans la lignée d’Abraham était une nécessité absolue. La question de la nouvelle naissance n’était pas soulevée. Dans ce système, Dieu faisait l’épreuve de l’homme ; aussi ce système s’adressait-il sans équivoque à l’homme naturel. Ses cérémonies splendides, son rituel compliqué, ses édifices magnifiques étaient tout à fait conçus pour faire appel à l’esprit de l’homme naturel. C’était une religion terrestre, avec un sanctuaire terrestre et une gloire terrestre. Il ne s’y attachait aucun opprobre ; au contraire, elle donnait à l’homme une position élevée dans le monde et une part sur la terre ; mais le système comme tel ne donnait à l’homme ni position ni part dans le ciel.
Quelle différence avec le christianisme ! Nous y sommes bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. Nous avons une place magnifique dans le lieu le plus beau de l’univers de Dieu — une place dont la bénédiction infinie ne peut être mesurée que par Christ Lui-même, Celui qui paraît dans le ciel même pour nous devant la face de Dieu. Mais si le christianisme nous donne la place de Christ dans le ciel, il nous donne aussi actuellement la place de Christ sur la terre. Les richesses de Christ dans le ciel entraînent l’opprobre de Christ sur la terre. La place au-dedans du voile avec Christ en haut implique la place hors du camp avec Christ ici-bas. Le système juif est ainsi en contraste absolu avec le christianisme. Le judaïsme donnait à l’homme une grande place sur la terre, mais pas de place au ciel ; le christianisme donne au croyant une grande place au ciel, mais pas de place sur la terre, sinon une place d’opprobre.
Quelle est donc la place de Christ sur la terre ? Elle est clairement indiquée dans ce passage par le mot « hors » utilisé trois fois dans les versets 11 à 13. Dans le verset 11, nous avons l’expression « hors du camp » ; dans le verset 12, « hors de la porte », et dans le verset 13, de nouveau « hors du camp ».
Que devons-nous entendre par cette expression : « hors du camp » ? Nous pouvons relever, pour faciliter la compréhension du passage, que le verset 11 présente le type ; le verset 12, Christ, l’antitype ; et le verset 13, l’application pratique au chrétien. En relation avec le type, deux faits sont mentionnés, deux faits qui nous sont présentés avec plus de détails en Lévitique 4, chapitre auquel le verset 11 se réfère. Dans ce passage, nous apprenons qu’une fois le taureau égorgé, le sacrificateur devait tremper son doigt dans le sang et faire aspersion du sang devant l’Éternel dans le sanctuaire ; puis le corps devait être emporté hors du camp, « dans un lieu net, là où on verse les cendres », et brûlé sur du bois (Lév. 4, 6, 12).
Le camp était composé d’un peuple extérieurement en relation avec Dieu. « Hors du camp » est un lieu où il n’y a pas de relation reconnue avec Dieu, ni non plus avec les hommes. C’est soit le lieu du jugement de la part de Dieu, soit celui de l’opprobre de la part des hommes. Vu à la lumière du jugement, c’est le lieu de l’abandon — l’abandon de Dieu. Ce sont « les ténèbres de dehors », qu’aucun rayon de lumière ne viendra jamais percer, qu’aucun amour ne pourra jamais réjouir ; où il n’y a pas de compassion pour soutenir, pas de miséricorde pour soulager. Le corps du sacrifice pour le péché brûlé « hors du camp » présente de façon appropriée le saint jugement de Dieu quant au péché. Jésus est allé là. Pour sanctifier Son peuple par Son propre sang, Il a souffert hors du camp ou, comme la Parole le dit : « hors de la porte », car lorsque Christ est mort, la ville avait remplacé le camp. Pour que nous puissions avoir la place de la bénédiction, à l’intérieur du voile, Il a dû prendre notre place sous le jugement, hors du camp. Le jugement que nos péchés exigeaient devait être subi, avant que nous puissions en être affranchis pour vivre à la satisfaction et à la louange de Dieu.
Nous faisons bien d’arrêter nos cœurs avec adoration sur ce fait qui dépasse l’entendement : Christ a été dans l’abandon et les ténèbres ; Il a poussé ce cri solennel : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Pensons à ce que cela signifie : Lui, le juste — le seul juste — abandonné de Dieu. Jamais auparavant, ni depuis lors, aucun homme n’a connu une telle mort. Quand Dieu a-t-Il jamais abandonné le juste ? Les pères se sont confiés en l’Éternel et ils ont été délivrés (Ps. 22, 4). Bien des hommes de foi ont subi les moqueries et les coups, les liens et la prison ; d’autres ont été dans le besoin, affligés, maltraités ; mais pas un seul n’a été abandonné. Au milieu de leurs souffrances, ils étaient soutenus par la grâce, fortifiés par l’Esprit de Dieu et réjouis par la conscience de la présence du Seigneur. La lumière du ciel et l’amour du Père remplissaient tellement leur âme qu’au milieu de leur martyre, ils quittaient le monde la joie dans le cœur et des chants sur les lèvres — pas un seul n’a été abandonné. Mais ici, nous voyons un homme qui est abandonné, quelqu’un qui peut dire à Dieu : Pourquoi te tiens-tu loin de mon salut ? Il crie à Dieu, mais doit constater : « Tu ne réponds point ». Abandonné de Dieu ! Il n’y a pas de secours en Dieu, pas de réponse de Dieu.
Et pourquoi a-t-Il été abandonné ? Seul Celui qui a proféré ce cri peut donner la réponse — « Et toi, tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d’Israël » (v. 3). Dieu est saint : voilà l’explication sublime de l’abandon de la croix ; ce n’est pas simplement que l’homme est mauvais, mais Dieu est saint. C’était Dieu, non pas l’homme, que le Juste avait devant Son âme sainte, lorsqu’Il a connu le terrible abandon de la croix. Le grand propos de Dieu est d’habiter au milieu des louanges de Son peuple — un peuple rendu propre, par l’œuvre de Christ, à se tenir devant la face de Dieu. Pour introduire ce peuple dans la faveur de Dieu, Christ a connu l’abandon. Quand Il a livré Son âme en sacrifice pour le péché, le plaisir de l’Éternel a commencé à prospérer en Sa main (selon És. 53, 10). Pour l’éternité, il y aura un peuple « à la louange de la gloire de sa grâce » (Éph. 1, 6), un peuple amené à l’intérieur du voile, parce qu’une fois, dans le cours du temps, Jésus a connu l’abandon hors du camp.
v. 13 — Nous en venons maintenant à l’exhortation pratique : « Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ». Mais ici, remarquons bien que ce lieu en dehors n’est plus vu comme celui du jugement de la part de Dieu, mais comme celui de l’opprobre de la part de l’homme. Nous ne sommes pas appelés à sortir sous le jugement de Dieu, mais nous sommes appelés à sortir sous l’opprobre des hommes. Sainte victime, Il a subi le jugement de Dieu ; patient martyr, Il a enduré l’opprobre des hommes. Nous ne pouvons pas partager les souffrances qu’Il a connues de la main de Dieu, mais c’est notre privilège d’avoir part aux insultes qu’Il a reçues des mains des hommes. Il est sorti hors du camp pour porter notre jugement ; nous sortons hors du camp pour porter Son opprobre.
La question se pose alors : Qu’est-ce qui a valu à Christ cet opprobre ? Le psaume 69, versets 7 à 9, donne la réponse. Là nous entendons le Seigneur dire : « Le zèle de ta maison m’a dévoré ». Il était zélé pour Dieu au milieu d’une nation qui haïssait Dieu, et en conséquence Il a été traité comme un « étranger » et un « inconnu ». Son zèle L’a amené dehors, dans l’opprobre et la honte. Il représentait Dieu dans un monde qui haïssait Dieu. Sa présence parmi les hommes leur donnait une occasion d’exprimer leur haine. Ils concentrèrent sur Christ leur haine envers Dieu ; comme le Seigneur l’a dit : « À cause de toi j’ai porté l’opprobre » ; et encore « les outrages de ceux qui t’outragent sont tombés sur moi ».
Le chrétien est appelé à accepter la place que l’homme a donnée à Christ et à sortir ainsi du système religieux qui convient à l’homme naturel, système qui, dans ce passage, est appelé le camp. Le camp, comme nous l’avons vu, était composé d’un peuple extérieurement en relation avec Dieu, avec un ordre terrestre de sacrificateurs qui se tenaient entre le peuple et Dieu. Il avait un sanctuaire terrestre et un rituel ordonné. Ce système est brièvement décrit en Hébreux 9, 1-10, où il nous est dit qu’il ne donnait à celui qui rendait le culte ni l’accès à Dieu, ni une conscience purifiée ; et nous pouvons ajouter qu’il ne comportait pas d’opprobre.
En contraste avec le camp juif, la compagnie chrétienne est composée d’un peuple qui n’est pas dans une relation simplement extérieure avec Dieu par la naissance naturelle, mais qui est en relation vitale avec Lui par la nouvelle naissance. Il n’y a plus une classe spéciale mise à part comme sacrificateurs, mais tous les croyants sont sacrificateurs. Au lieu d’un sanctuaire terrestre, le chrétien a le ciel même. En outre, le christianisme donne une conscience purifiée et l’accès à Dieu. Au lieu de s’adresser à l’homme naturel, il met entièrement de côté l’homme dans la chair et entraîne par conséquent l’opprobre de Christ dans un monde qui L’a rejeté.
Nous souvenant de ces différences caractéristiques entre le camp juif et la compagnie chrétienne, nous pouvons facilement tester les grands systèmes religieux de la chrétienté. Ces systèmes religieux, nationaux ou non conformistes, portent-ils les caractéristiques du camp ou celles du christianisme ? Hélas ! sans aucun doute, la vérité nous force à reconnaître qu’ils sont faits sur le modèle du camp. Ils ont leurs sanctuaires terrestres, de même que leur ordre spécial de sacrificateurs consacrés humainement, se tenant entre le peuple et Dieu. Ces systèmes, comme tels, ne peuvent pas donner une conscience purifiée, ni l’accès à Dieu dans le ciel même. Ils reconnaissent l’homme dans la chair ; ils conviennent à l’homme dans la chair ; ils sont constitués de manière à recevoir l’homme dans la chair et par conséquent, dans ces systèmes, il n’y a pas d’opprobre.
Devons-nous alors conclure que de tels systèmes constituent le camp ? À strictement parler, non. On peut considérer qu’ils sont pires, dans la mesure où ils ne sont que des imitations formées sur le modèle du camp, avec certaines adjonctions chrétiennes. À son origine, le camp a été établi par Dieu ; puis, s’étant corrompu, il a été rejeté par Dieu. Par contre, ces grands systèmes ont été créés par les hommes — souvent, il est vrai, des hommes tout à fait sincères et pieux, agissant dans les meilleures intentions. Si les croyants juifs étaient exhortés à sortir hors du camp, combien plus incombe-t-il au croyant d’aujourd’hui de sortir hors de ce qui est simplement une imitation du camp.
Mais une difficulté surgit dans l’esprit de plusieurs, du fait que de nombreux chrétiens véritables se trouvent dans ces grands systèmes religieux. On avance : Est-ce que cela peut être mal de rester dans des groupements où il y a tant de chrétiens vrais et dévoués ? En réponse à cette difficulté nous pouvons demander : Faut-il se laisser gouverner par ce que les chrétiens font ou par ce que Dieu dit ? Sans aucun doute, l’obéissance à la Parole de Dieu est pour chaque croyant l’obligation suprême. Si d’autres n’ont pas la lumière de cette Parole, ou le courage d’affronter l’opprobre et la souffrance que l’obéissance peut entraîner, faut-il à cause de cela rester dans une position que la Parole de Dieu condamne ? Certainement pas.
De plus, s’il est vrai qu’au milieu des professants sans vie qui composent en majeure partie ces grands systèmes, il y a des saints de Dieu dévoués, le fait qu’il y en ait n’est pas dû au système dans lequel ils se trouvent, mais à la grâce souveraine de Dieu qui travaille toujours pour la bénédiction des âmes, malgré le système. Ces croyants ne sont pas le produit du système dans lequel ils se trouvent, pas plus qu’ils ne lui donnent son caractère. D’autres ont fait remarquer que la position de ces âmes est illustrée d’une manière frappante par le résidu pieux au sein de Thyatire. Cette église portait la marque de Jésabel et ses enfants. Mais il y avait à Thyatire ceux qui n’étaient pas les enfants de Jésabel. Ils n’étaient pas le produit de ce système de mal, et ce n’étaient pas eux qui le caractérisaient. Il semble bien que ce soit là, dans une grande mesure, la position des saints qui restent dans ces systèmes humains. Et bien que l’amour nous fasse avoir pour eux tous les égards, néanmoins, en face de l’exhortation claire à sortir hors du camp, nous devons dire que leur position est grave. Il ne nous appartient pas de juger les motifs qui retiennent plusieurs de sortir. L’ignorance de la vérité, le manque d’une foi simple, la crainte de l’homme, la peur des conséquences, les préjugés de l’éducation et des associations religieuses, pour ne pas parler de motifs plus bas, peuvent en retenir plusieurs. Mais peut-être que l’influence la plus puissante pour retenir les âmes dans ces systèmes est la crainte naturelle que nous avons tous d’être dans l’opprobre. Prendre place en dehors des grands systèmes religieux de la chrétienté, aux côtés d’un Christ rejeté, et des pauvres, des faibles et des méprisés de ce monde, cela entraîne l’opprobre. Et devant cela, on recule.
N’y a-t-il donc aucune puissance pour nous rendre capables de vaincre cette crainte de l’opprobre ? Certes il y en a une ! N’est-elle pas l’attachement à Christ ? « Ainsi donc, sortons vers lui ». Cette exhortation est de la première importance, car elle nous donne une raison positive pour quitter un ordre de choses portant le caractère du camp. Sortir de ce que nous avons appris à reconnaître comme étant mauvais, c’est seulement négatif ; et personne ne saurait vivre de ce qui est négatif. Sortir « vers lui hors du camp » implique certes la séparation du mal, mais c’est bien davantage ; c’est la séparation pour Christ. C’est une séparation qui nous donne un objet positif.
Si ce n’était afin d’avoir Christ pour objet, l’acte de se séparer serait du sectarisme : ce serait simplement quitter un camp et chercher à créer un camp amélioré. C’est en fait la véritable histoire des grands mouvements dissidents. De vrais chrétiens ont pris conscience du mal et de la corruption de ce à quoi ils étaient rattachés, et ils ont saisi certaines vérités importantes : ils se sont aussitôt séparés et ont constitué un groupement pour protester contre l’erreur et maintenir une vérité. Mais ce n’est là que constituer un autre camp, qui, avec le temps, devient aussi mauvais que celui qu’ils ont quitté à l’origine. Quelque précieuse que soit la vérité, que ce soit la vérité de la venue du Seigneur, la vérité de la présence et de l’habitation du Saint Esprit en nous, ou la vérité du seul corps, si nous nous séparons des systèmes religieux qui nous entourent simplement pour maintenir ces grandes vérités, nous ne faisons que former des sectes. De tous les côtés, nous voyons que c’est ce qui a eu lieu. Des chrétiens sont exercés quant à la sainteté et aussitôt ils forment une ligue pour la sainteté ; ils sont réveillés quant à la vérité du Saint Esprit et ils ne peuvent s’empêcher de constituer une ligue pentecôtiste ; ils sont réveillés quant à la vérité de la venue du Seigneur et ils forment une Mission de la seconde venue ; ils saisissent la vérité du seul corps et ils en arrivent à former une secte pour maintenir cette grande vérité.
Il y a une manière, et une seule, d’être gardé dans la séparation du mal tout en maintenant la vérité sans sectarisme : c’est de sortir « vers lui ». Il est la Tête du corps, et tous les systèmes religieux proviennent du fait qu’on ne tient pas ferme le Chef. Il y a une signification profonde et une riche instruction, comme aussi un avertissement solennel dans ces paroles du Seigneur : « Celui qui n’assemble pas avec moi, disperse » (Luc 11, 23). J.N. Darby, écrivant sur ce verset, dit ceci : « Ce ne sont pas les chrétiens, c’est Christ qui est devenu le centre divin. On peut rassembler des chrétiens, mais si, dans l’esprit de chacun, ce n’est pas Christ qui rassemble, on disperse. Dieu ne connaît pas d’autre centre d’union que le Seigneur Jésus ; Lui seul doit être l’objet de nos cœurs, et Lui seul peut être le centre. Tout ce qui ne rassemble pas autour de ce centre, pour Lui et de Sa part, disperse. On peut rassembler, mais ne pas assembler avec Christ, c’est disperser. Nous sommes par nature si essentiellement sectaires que nous avons besoin de veiller pour ne pas tomber dans ce piège. Je ne puis faire de Christ le centre de mes efforts, s’Il n’est pas le centre de mes pensées » (Notes sur l’évangile de Luc).
Nous avons vu que le Seigneur promet d’être avec chacun des siens individuellement, mais Il n’a jamais fait la promesse qu’Il sanctionnera par Sa présence les systèmes dans lesquels il se trouvera beaucoup des siens. Au contraire, Il est en dehors de ces systèmes, dans le lieu de l’opprobre. Il est avec nous individuellement, mais sommes-nous avec Lui collectivement ? « Sortons » implique une compagnie rassemblée autour de Christ.
v. 14-21 — Nous ayant ainsi exhortés à sortir « vers lui hors du camp », l’écrivain indique quelques-unes des bénédictions et des faveurs dont peuvent jouir ceux qui obéissent à cette exhortation. On verra qu’en ce lieu, de nombreux privilèges peuvent être goûtés — et de nombreux enseignements scripturaires observés — avec une plénitude que ne peuvent connaître ceux qui restent dans le camp. Nous apprenons ainsi que ceux qui sortent pour s’assembler autour de Christ sont envisagés comme portant certaines caractéristiques :
1° C’est une compagnie de pèlerins. « Nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir ». Nous pouvons, hors du camp, revêtir notre caractère distinctif d’étrangers et de pèlerins. Un étranger est quelqu’un qui n’a pas de cité permanente ici-bas ; un pèlerin, quelqu’un qui recherche la cité à venir. Nous pouvons, hélas ! tout en étant hors du camp, ne pas être fidèles à notre caractère de pèlerins ; mais être dans le camp et porter ce caractère sont deux choses pratiquement incompatibles (v. 14).
2° C’est une compagnie d’adorateurs. « Offrons… sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges ». Combien il est difficile, dans le camp, d’adorer Dieu en esprit et en vérité ! Hors du camp, il est possible de trouver non seulement des individus qui adorent, mais une compagnie d’adorateurs (v. 15).
3° Les croyants rassemblés hors du camp sont une compagnie dans laquelle on se préoccupe des besoins matériels. C’est ainsi que nous sommes exhortés à pratiquer la bienfaisance et à faire part de nos biens (v. 16).
4° C’est aussi une compagnie dans laquelle on veille sur les âmes. Ainsi, nous devons obéir à nos conducteurs et nous soumettre à ceux qui cherchent le bien de nos âmes (v. 17).
5° C’est une compagnie qui prie, dans laquelle les conducteurs veillant sur les âmes sont soutenus par les prières des saints. Si les saints ont besoin du ministère des conducteurs, ceux-ci ont besoin des prières des saints (v. 18, 19).
6° C’est une compagnie dans laquelle il est possible de faire la volonté de Dieu et ainsi de Lui être agréable (v. 20, 21).
7° C’est enfin, une compagnie à la gloire de Jésus Christ : « auquel soit la gloire aux siècles des siècles » (v. 21).
L’épître s’ouvre d’une manière triomphante avec Christ dans la gloire. Ensuite nous avons une compagnie de croyants amenés à la gloire ; et maintenant, l’épître touchant à sa fin, nous apprenons que le désir de Dieu est que ceux qui se rendent vers la gloire prennent place hors du camp avec Christ sur la terre, et soient ainsi pour Sa gloire dans le temps, comme ils le seront dans l’éternité.
Qu’elle est précieuse, la vérité ainsi présentée dans l’Écriture, d’une compagnie de personnes qui sont sorties vers Christ hors du camp, portant Son opprobre ! Ils ont le caractère de pèlerins ; ils sont une compagnie d’adorateurs ; on s’occupe des besoins matériels et on veille sur les âmes ; la prière a sa place parmi eux, et ils sont ici-bas pour le plaisir de Dieu et pour la gloire de Christ. Hélas ! combien peu nous avons montré ce tableau. Néanmoins, malgré tous nos manquements, allons de l’avant, cherchant à revêtir ces caractères. Ne nous contentons pas d’un niveau moindre.