Traité:Qu’est-ce aujourd’hui qu’une assemblée de Dieu

De mipe
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F. Prod’hom

Afin de pouvoir répondre à cette question, nous examinerons successivement la portée des trois expressions scripturaires suivantes : « L’Assemblée de Dieu », « les assemblées de Dieu », « la table du Seigneur ».

L’Assemblée de Dieu

L’Écriture désigne, par ce nom, tantôt l’Assemblée universelle, tantôt une assemblée locale. Appliqué à l’Assemblée universelle, nous le trouvons employé, pour la première fois, dans l’exhortation que Paul adresse aux anciens de l’assemblée d’Éphèse (Act. 20, 28). Il est évident qu’à la fin du passage l’apôtre embrasse dans sa pensée l’Église entière et non pas seulement l’assemblée locale d’Éphèse : « Pour paître », dit-il, « l’Assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils ».

Le même apôtre, écrivant à Timothée, lui dit : « Afin que tu saches comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Assemblée du Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité » (1 Tim. 3, 15). S’adressant aux Corinthiens, il exhorte les saints à se conduire de manière à ne devenir « une cause d’achoppement ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’Assemblée » (1 Cor. 10, 32). Ailleurs, Paul exprime le sentiment d’humiliation qu’il éprouve à la pensée d’avoir persécuté et dévasté l’Assemblée de Dieu (1 Cor. 15, 9 ; Gal. 1, 13). Dans tous ces passages, il s’agit de l’Assemblée universelle.

À côté du paganisme et du judaïsme déchu, il existait donc sur la terre une Assemblée que Dieu s’était acquise et qui Lui appartenait en propre. Il se l’était acquise par le sang de Son propre Fils. Au milieu d’un monde partagé entre les Juifs rejetés de Dieu et les adorateurs des démons, elle était la maison de Dieu, l’Assemblée du Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité. Quelle dignité et quelle position !

Lorsque, sortant du judaïsme ou du paganisme, une âme était amenée à Christ, non seulement elle entrait en possession du salut, mais elle devenait une partie intégrante de cet ensemble qui était de Dieu et qui appartenait à Dieu.

Les assemblées de Dieu

C’est ainsi que sont désignées, dans les épîtres de Paul, les assemblées locales, c’est-à-dire la réunion ou l’ensemble, dans diverses localités, des personnes qui appartenaient à l’Assemblée de Dieu universelle. L’apôtre Paul, parlant d’une seule de ces assemblées locales, lui donne le même titre qu’à l’Assemblée universelle. Ainsi ses deux épîtres aux Corinthiens sont adressées « à l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe ». La même expression avec le même sens se trouve en 1 Corinthiens 11, 22 et 1 Timothée 3, 5.

Dans d’autres passages, l’apôtre parle de l’ensemble des assemblées locales en divers lieux et les désigne par l’expression : « les assemblées de Dieu » (1 Cor. 11, 16 ; 1 Thess. 2, 14 ; 2 Thess. 1, 4). Dans chacune des localités diverses où se trouvaient des âmes sauvées, l’ensemble de ces personnes qui appartenaient à Dieu, constituait une « assemblée de Dieu », expression dans ce lieu de l’Assemblée de Dieu universelle. Toutes ensemble ces assemblées étaient « les assemblées de Dieu ».

Telle était l’assemblée de Corinthe. Dieu avait une assemblée dans cette ville. Paul avait apporté l’évangile dans cette cité païenne, renommée par sa richesse, son luxe, sa science, et surtout par son effrayante corruption. C’est là qu’il avait travaillé, étant dirigé et encouragé par le Seigneur qui lui avait dit : « Ne crains point, mais parle et ne te tais point, parce que je suis avec toi ; et personne ne mettra les mains sur toi pour te faire du mal, parce que j’ai un grand peuple dans cette ville ». Et l’apôtre « demeura là un an et six mois, enseignant parmi eux la parole de Dieu » (Act. 18, 1-18). Au milieu du paganisme et des vices horribles qui en résultaient, à côté de la synagogue juive en ruine, Dieu avait à Corinthe Son assemblée, composée de tous ceux qui avaient reçu le Seigneur Jésus pour leur Sauveur. Du moment qu’une personne était sauvée, elle entrait dans l’Assemblée de Dieu. Il aurait été impossible de trouver à Corinthe une âme, ayant reçu Christ, qui fût en dehors de l’Assemblée de Dieu (nous ne parlons pas ici des cas de discipline). Là et ailleurs, le Seigneur, de même qu’à Jérusalem, ajoutait à l’Assemblée ceux qui étaient sauvés. L’idée ne serait venue à personne qu’une âme sauvée pût rester en dehors de l’unique assemblée que Dieu avait dans un endroit. L’assemblée était unique, que l’on se réunît en un ou en plusieurs locaux.

L’Assemblée, avons-nous dit, est de Dieu. Son caractère subsiste indépendamment de ce que sont pratiquement les personnes qui la composent[2]. Si l’on n’a pas saisi cette vérité, on ne saurait comprendre ce que l’Assemblée est en elle-même. Dans la première épître aux Corinthiens, nous lisons : « Méprisez-vous l’Assemblée de Dieu ? » (1 Cor. 11, 22). C’était aux individus composant l’Assemblée que s’adressaient ces paroles. L’apôtre distingue donc entre eux et l’Assemblée.

Un des caractères de l’Assemblée est de subsister d’une manière permanente. Elle n’existe pas seulement quand ceux qui la composent sont réunis. À Corinthe, comme ailleurs, elle demeurait l’Assemblée, alors même que l’on n’était pas réuni, bien que le fait fût affirmé d’une manière positive et visible quand on se trouvait ensemble, réunis « en assemblée » (1 Cor. 11, 18).

C’est en considérant ce que l’assemblée de Corinthe est en Christ, que Paul la reconnaît comme l’Assemblée de Dieu. S’il n’avait regardé qu’aux individus, le triste état pratique de la plupart d’entre eux l’aurait empêché de reconnaître l’Assemblée, et il n’aurait pu s’en occuper. Mais même, lorsqu’il considère les individus en Christ, ils sont pour lui « les sanctifiés dans le Christ Jésus, saints par appel [de Dieu] » (1 Cor. 1, 2). Plus loin (v. 4-9), l’apôtre énumère tout ce que le Seigneur leur a donné : le témoignage du Seigneur était confirmé au milieu d’eux par tous les dons de grâce que Christ leur avait communiqués ; ils ne manquaient d’aucun de ces dons pendant qu’ils attendaient la révélation du Seigneur Jésus ; et malgré la connaissance qu’avait Paul de leur fâcheux état moral, s’appuyant sur la fidélité de Dieu, il peut dire : « Notre Seigneur Jésus Christ vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables dans la journée de notre Seigneur Jésus Christ ».

Prenant pour point de départ ce que l’Assemblée est en elle-même — « l’Assemblée de Dieu » — l’apôtre signale et réprime tout le mal qui est au milieu des Corinthiens et qui est en désaccord avec le caractère saint et divin de l’Assemblée. Il agit sur leurs consciences et leur montre leur responsabilité comme Assemblée de Dieu. Par la bonté du Seigneur, les circonstances dans lesquelles se trouvait l’assemblée de Corinthe ont donné lieu à des directions positives pour tous les temps et tous les lieux, durant la période de l’existence de l’Église sur la terre. Car, avec les Corinthiens, l’apôtre embrasse « tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur, et le nôtre ». Ainsi un chrétien, où qu’il se trouve, n’a aucune autorité à faire valoir pour se dispenser d’obéir aux enseignements de cette épître, relativement à la position et à la marche de l’Assemblée de Dieu.

Au chapitre 18 de l’évangile de Matthieu, le Seigneur nous apprend que l’Assemblée a l’administration de Son autorité, de sorte que, dans l’Église sur la terre, nul ne peut prétendre à une autorité supérieure. Ce qu’elle lie ou délie, comme Assemblée au nom de Jésus, avec la présence personnelle du Seigneur et l’action du Saint Esprit, est lié et délié dans le ciel.

Lorsqu’après deux tentatives restées infructueuses, le frère, qui reprenait pour le gagner un autre frère coupable d’offense envers lui, avait dû en appeler à l’Assemblée, toutes les ressources étaient épuisées. Il n’y avait pas un quatrième moyen d’action, parce qu’il n’existait sur la terre aucune autorité supérieure à celle du Seigneur, conférée aux deux ou trois réunis au nom de Jésus.

Il est important de remarquer que la même autorité pour lier et délier, donnée par le Seigneur à Pierre, comme apôtre (chap. 16, 19 du même évangile), est confiée aux deux ou trois assemblés au nom de Jésus.

En poursuivant l’examen des enseignements de la première épître aux Corinthiens au sujet de la marche de l’Assemblée de Dieu, nous voyons que les deux autorités mentionnées ci-dessus, celle des apôtres et celle de l’Assemblée, ne se remplaçaient pas l’une l’autre, mais agissaient chacune à sa place respective. L’apôtre dirigeait et stimulait l’Assemblée comme telle, mais pour l’engager à faire son devoir.

Paul, dans l’exercice de son autorité apostolique, n’agit pas en lieu et place de l’Assemblée, à l’occasion de l’incestueux (chap. 5). Il montre bien que, comme apôtre, il avait l’autorité pour livrer quelqu’un à Satan (v. 3-5). Il l’a fait en d’autres occasions (1 Tim. 1, 20). Ici, il déclare que, comme apôtre, il a jugé qu’un tel homme devait être livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit fût sauvé dans la journée du Seigneur Jésus. Mais ce jugement de l’apôtre ne dispensait pas l’Assemblée d’agir comme telle. Au lieu d’agir pour elle, Paul stimule la conscience des Corinthiens, afin de leur faire sentir leur responsabilité comme Assemblée. Il leur reproche (v. 2) de ne pas avoir mené deuil. L’Assemblée ne s’était pas humiliée, et ainsi ne pouvait voir clair pour agir à l’égard du mal et du coupable. Si l’apôtre jugeait pour lui-même de livrer un tel homme à Satan, l’Assemblée avait tout autre chose à faire : c’était d’ôter du milieu d’elle le méchant.

Ce mal, au milieu des Corinthiens, était du levain qui faisait lever toute la pâte. L’Assemblée en était souillée, à cause de la solidarité existant entre ceux qui la composaient. Il fallait qu’elle se purifiât de ce vieux levain pour être une nouvelle pâte. Ce qui oblige une assemblée à se purifier du mal, c’est qu’en sa qualité d’Assemblée de Dieu, elle est sans levain (v. 7). Étant telle, l’Assemblée est sous la responsabilité de se maintenir pure dans sa marche pratique. Si quelque mal s’introduit dans son sein, l’Assemblée entière est souillée, et non pas la personne coupable seulement : « un peu de levain fait lever toute la pâte ». Une assemblée qui tolérerait l’adultère dans son sein, serait, pour ainsi dire, une assemblée adultère. Il en serait de même de l’ivrognerie, des blasphèmes, ou de tel autre péché. Mais si l’assemblée se purifie en ôtant le mal, elle se retrouve pratiquement être une nouvelle pâte, de laquelle le levain a été ôté. Elle doit l’ôter, puisqu’en soi-même son caractère comme Assemblée de Dieu est d’être sans levain.

Remarquons les trois prescriptions que donne l’apôtre, dans ce chapitre 5. En premier lieu, il faut s’humilier, mener deuil. Jamais une assemblée n’aura le discernement nécessaire pour agir à l’égard du mal et du coupable, si préalablement elle ne s’est pas humiliée en acceptant, comme étant sien, le mal commis dans son sein. Ensuite, l’assemblée ôtera le méchant du milieu d’elle ; c’est son acte ; il résulte de son humiliation. Le vieux levain étant ôté, la pâte se trouve purifiée. La troisième prescription se rapporte à la conduite que l’on doit tenir à l’égard du méchant après son exclusion. Non seulement il est exclu de la table du Seigneur, mais l’apôtre dit : « Ôtez le méchant du milieu de vous-mêmes ». Il ne fallait pas avoir de commerce avec lui ; on ne devait pas même manger avec un tel homme ; on ne pouvait conserver avec lui les relations extérieures qu’on est obligé d’avoir avec les mondains (v. 10, 11).

Voici donc comment un apôtre agit envers une assemblée : il l’exhorte, il cherche à réveiller sa conscience et lui montre sa responsabilité. Il reconnaît la compétence qu’elle a de la part du Seigneur pour ôter le méchant, tellement que, plus tard, lorsqu’il engage les Corinthiens à ratifier leur amour à l’égard de ce même homme (2 Cor. 2, 5-11), il ne lui donne pas le nom de frère, tant que l’Assemblée, comme telle, ne l’a pas réintégré. Pour Paul, il est encore « un tel homme ».

Ainsi nous voyons qu’aux temps apostoliques, il existait deux autorités, l’autorité individuelle conférée aux apôtres et celle conférée aux assemblées, par la présence du Seigneur au milieu d’elles. Depuis le départ des apôtres, toute autorité individuelle a cessé dans l’Église. Mais l’autorité que le Seigneur communique à l’assemblée — ne fût-elle composée que de deux ou trois personnes — cette autorité[3] subsiste et subsistera, aussi longtemps que ceux qui sont rassemblés avec le Seigneur au milieu d’eux, seront sur la terre.

La table du Seigneur

C’est dans les assemblées de Dieu qu’est dressée la table du Seigneur pour la fraction du pain. Nous voyons cela dès le commencement (Act. 2 ; 20). C’est à la table du Seigneur que la communion des saints entre eux a son expression, car c’est là que tous ont communion avec Christ, comme dit l’apôtre : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps du Christ ? Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10, 16, 17). Se réunir régulièrement pour lire la Parole de Dieu et s’édifier ensemble, sans la table du Seigneur et la fraction du pain, n’aurait pas exprimé le fait de la communion collective ; des rassemblements de chrétiens n’ayant pas d’autre but que lire et s’édifier, n’auraient pas été des assemblées constituées comme telles. La table du Seigneur dressée au milieu de ceux qui sont assemblés au nom de Christ, démontre qu’ils forment une assemblée de Dieu, et que cette assemblée a son existence propre. La table du Seigneur dressée dans les diverses assemblées de Dieu, est aussi ce qui établit et démontre leur solidarité, car elles professent par là avoir le même Seigneur, et sont participantes de la même coupe et du même pain. Enfin, sans la table du Seigneur, il n’y aurait point eu de discipline.

Le chapitre 10 de la première épître aux Corinthiens nous parle de la table du Seigneur, tandis que le chapitre 11 s’occupe de la cène du Seigneur. La table du Seigneur (v. 21) est mise en contraste avec la table des démons, dressée dans les temples des idoles, pour manger des sacrifices qui, bien qu’offerts aux idoles, l’étaient en réalité aux démons.

Le verset 17 de ce chapitre nous fait connaître qu’à la table du Seigneur, se trouve exprimée l’unité du corps de Christ sur la terre : « Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain ». Nous, les membres du corps de Christ qui sommes plusieurs, c’est-à-dire tous les membres du corps, nous sommes un seul pain, un seul corps. Voilà le grand principe proclamé à la table du Seigneur, et le terrain sur lequel elle est dressée. Il n’y a qu’un pain de la cène et il n’y a qu’un corps de Christ sur la terre. Les saints réunis autour de la table du Seigneur à Corinthe, exprimaient bien leur communion et leur solidarité locale, mais ils n’étaient pas rassemblés autour de la table en qualité de membres de l’assemblée de Corinthe[4], mais en qualité de membres du corps de Christ. Ainsi, par la fraction du pain, ils exprimaient à la fois leur communion entre eux à Corinthe, et l’unité du corps de Christ. Il en était de même dans toutes les assemblées de Dieu sur la terre.

La table était « la table du Seigneur » et non celle des saints. Le Seigneur seul avait l’autorité sur Sa propre table. Les saints s’y trouvaient réunis en leur qualité de membres du corps, afin qu’en annonçant Sa mort, en se souvenant de Lui, ils exprimassent en même temps, par cette fraction du pain entre eux, l’unité de Son corps sur la terre. Mais chacune des assemblées était responsable de veiller à ce que les droits du Seigneur sur Sa propre table fussent maintenus.

Voilà comment étaient constituées les assemblées au temps apostolique, et quelle était la pensée du Seigneur relativement à Sa table.

Venons-en maintenant à notre question :

Qu’est-ce, aujourd’hui, qu’une assemblée de Dieu ?

Peut-on, aujourd’hui, au milieu de la ruine de l’Église, comme témoignage sur la terre, se rassembler sur le même terrain et d’après les mêmes principes qu’au temps apostolique ? Un chrétien soumis à la Parole répondra humblement : « Oui », car la Parole de Dieu est pour tous les temps et pour tous les lieux. L’abandon, par l’Église, des principes divins, ne les a pas abrogés. Tandis que tout ce qui est de l’homme passe et se flétrit, la Parole de Dieu est « vivante et permanente » (1 Pier. 1, 23-25). Nous avons déjà fait remarquer que la première épître aux Corinthiens, qui renferme les directions du Saint Esprit relatives à l’ordre intérieur d’une assemblée, ne s’adressait pas seulement à l’assemblée des Corinthiens, mais à toute l’Église professante, « à tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre ». Pourrions-nous douter que ces directions ne s’appliquent à toute la durée de la période de l’Église sur la terre, à tout le temps durant lequel on peut y trouver de ceux qui invoquent le nom du Seigneur ? D’autres considérations établissent qu’il en est ainsi.

Le Seigneur a-t-Il érigé Sa table seulement pour le temps apostolique ? Non ; la cène du Seigneur se célèbre jusqu’à ce qu’Il vienne (1 Cor. 11, 26), et la table du Seigneur, exprimant l’unité du corps, est un fait inhérent à toute la durée de l’existence du corps de Christ sur la terre. Il ne peut exister une époque, durant la période de l’Église, où les circonstances rendraient impossible la réalisation du verset 17 du chapitre 10 de la première épître aux Corinthiens. De même, tant qu’il se trouvera deux ou trois chrétiens obéissant à la Parole et rassemblés au nom de Jésus, selon le chapitre 18 de Matthieu, ils auront l’autorité et la présence de Jésus au milieu d’eux, et cela est bien encourageant dans un temps de ruine.

Ce n’est pas que nous n’ayons pas à compter avec la ruine et à en mener deuil : au contraire. Les chrétiens qui, par grâce, ont compris que, malgré tout, les membres du corps de Christ peuvent aujourd’hui se rassembler selon les principes scripturaires, ceux-là ne se considèrent pas comme le rétablissement de la primitive église, mais, au milieu de la ruine, comme des débris debout sur le terrain immuable de la Parole de Dieu.

Bien qu’il soit possible de se rassembler aujourd’hui sur les mêmes principes que les assemblées de Dieu au temps des apôtres, un tel rassemblement de chrétiens dans une localité quelconque, ne pourra nullement s’intituler « l’assemblée de Dieu de cette localité », parce que cette expression comprend, dans la pensée de Dieu, tous les enfants de Dieu qui l’habitent, comme c’était le cas à Corinthe. Aujourd’hui, hélas ! ils se trouvent généralement, dans la même localité, dispersés au sein des diverses organisations ecclésiastiques établies par l’homme. Mais si « deux ou trois » sont rassemblés selon les principes scripturaires, ils représentent l’Assemblée de Dieu dans le lieu où ils se trouvent, et y ont, comme tels, les privilèges et la responsabilité de l’Assemblée de Dieu. Or, si ceux-là ne peuvent se dire « l’Assemblée de Dieu », comme la composant eux seuls, ils sont cependant « une assemblée de Dieu », et tous ceux qui sont nés de Dieu dans cet endroit, devraient se trouver avec eux, sur ce terrain ; — c’est la pensée de Dieu à leur égard. Mais il serait difficile, sinon impossible aujourd’hui, de découvrir tous les enfants de Dieu habitant une même localité. On ne serait jamais certain de les avoir tous trouvés. Ainsi, on n’aurait probablement pas la pensée d’en chercher dans l’église romaine, qui, cependant, en renferme. Il faut donc s’en remettre à la toute-science du Seigneur ; Lui les connaît, selon cette parole : « Toutefois, le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens » (2 Tim. 2, 19). Quel contraste entre cette parole et celle du commencement des Actes : « Et le Seigneur ajoutait tous les jours à l’Assemblée ceux qui devaient être sauvés » (Act. 2, 47). Alors, comme nous l’avons déjà vu, il n’y avait pas de méprise possible. À Jérusalem, à Corinthe et ailleurs, tous les rachetés étaient ajoutés à l’Assemblée de Dieu.

C’est pourquoi, il est bon que ceux qui, de nos jours, sont, par grâce, rassemblés scripturairement, sachent qu’ils ne peuvent aucunement prétendre composer à eux seuls l’Assemblée de Dieu de leur localité. Il faut qu’ils embrassent dans leur pensée tous les autres enfants de Dieu, connus et inconnus, en regrettant pour eux qu’ils ne soient pas à leur place dans l’Assemblée. Mais, de leur côté, ces enfants de Dieu, dispersés ou inconnus, sont censés avoir dans leurs mains la Bible, la Parole de Dieu, et se trouvent, par conséquent, sous la responsabilité d’obéir aux directions qu’elle leur donne, quant au rassemblement des saints comme membres du corps de Christ. Ils sont responsables de suivre les prescriptions contenues dans la première épître aux Corinthiens, et, par conséquent, pour être fidèles, ils ont à se séparer de ce qui ne répond pas à ces directions.

C’est Dieu qui, par Son Esprit, rassemble au nom de Jésus, autour de ce centre divin. La volonté de l’homme n’a rien à introduire, rien à organiser, rien à prétendre dans ce rassemblement. Une dénomination quelconque, par le fait même qu’elle est une dénomination, ne se trouvant pas rassemblée au nom de Jésus, sur le pied de l’unité du corps de Christ, ne peut prétendre ni à être l’Assemblée de Dieu de l’endroit où elle se trouve, ni même à y être une assemblée de Dieu. Elle est nécessairement une assemblée de l’homme, une organisation humaine établie sur un principe d’indépendance à l’égard de la vérité de Dieu.

Ce n’était pas seulement un privilège pour toute âme née de Dieu à Corinthe ou ailleurs, de se joindre à l’Assemblée de Dieu ; ce n’était pas non plus une affaire de goût ou de choix, mais un acte d’obéissance au Seigneur. Chacun de ceux qui croyaient au Sauveur prenait sa place avec ceux qui se réunissaient en Son nom et au milieu desquels Il avait garanti Sa présence. Il en est de même aujourd’hui. Si deux ou trois, dans une localité, sont rassemblés au nom de Jésus, ils réalisent, non quant à la totalité des enfants de Dieu, mais moralement, le rassemblement de nous-mêmes (Héb. 10, 25), le vrai rassemblement des saints comme membres du corps de Christ.

Ce rassemblement n’est pas du tout, au milieu de toutes les sectes, la meilleure secte qui existe et que l’on puisse considérer comme se rapprochant le plus de la pensée de Dieu ; ce n’est pas non plus la meilleure manière de se réunir, en contraste avec d’autres ; mais c’est le seul mode de rassemblement ; la Parole n’en connaît pas d’autre ; en faire partie est un acte d’obéissance au Seigneur et à Sa Parole.

La question pour un chrétien aujourd’hui n’est donc pas de chercher un rassemblement à sa convenance, car ce serait un choix selon sa propre volonté ; ni non plus le lieu où il lui semblerait que son âme est le mieux nourrie, bien que cela ait son importance à sa place ; mais, pour toute personne appartenant au Seigneur, la question devrait être : « Où est le rassemblement des saints comme membres du corps de Christ, en dehors de toute secte quelconque ? Où est la table du Seigneur ? ». « Oui », devrait dire chaque enfant de Dieu, « c’est dans ce rassemblement-là que le Seigneur m’assigne ma place ; rien n’est remis à mon choix, ni à mon goût, mais j’ai à obéir au Seigneur ! ».

Il ne peut donc exister plusieurs catégories d’assemblées de Dieu, pas plus que deux Églises ou deux corps de Christ sur la terre. Pour la même raison, il ne saurait y avoir plusieurs tables du Seigneur. Comme nous l’avons vu, il n’y a que « la table du Seigneur » (1 Cor. 10, 21) exprimant l’unité du corps (v. 17). Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps. De même qu’il n’y a qu’un pain de la cène, et non point deux, il n’y a aussi qu’un seul corps de Christ sur la terre (Éph. 4, 4). En rompant ce seul pain ensemble, les membres du corps expriment l’unité de ce corps. Il n’y a pas d’autre manière scripturaire de rompre le pain. Toute table dressée pour la cène en dehors de ce principe, n’est pas la table du Seigneur, c’est une table de l’homme, exprimant (sciemment ou non) l’indépendance à l’égard de ce principe scripturaire. C’est une chose digne de l’attention de tout membre du corps de Christ. On ne se rend pas assez compte de la gravité de ce fait, qu’une table indépendante est une négation des droits du Seigneur sur Sa propre table et sur Sa propre cène.

Toutefois, nous ne voudrions pas dire que, pour les âmes pieuses et sincères devant Dieu, il n’y ait, là où les éléments de la cène sont conservés comme le Seigneur les a institués, un vrai mémorial de Sa mort dont ces âmes jouissent individuellement, bien qu’elles se trouvent à une table indépendante ; mais on ne peut dire que ce soit réellement la cène du Seigneur[5], non plus que cette table n’est celle du Seigneur, et ces âmes ne sont pas à leur vraie place pour jouir de tous leurs privilèges comme membres du corps de Christ.

Il ne suffit donc pas d’être au clair sur la grande vérité que la cène n’appartient qu’aux vrais enfants de Dieu, que les personnes inconverties n’y ont aucune part, et que l’on ne peut faire corps avec des inconvertis pour célébrer la mort du Seigneur. Non, ce n’est pas tout que de ne célébrer la mort du Seigneur qu’avec des enfants de Dieu réunis en dehors du monde. Les enfants de Dieu sont membres du corps de Christ ; ils ne peuvent disposer à leur gré de la cène du Seigneur. Il faut qu’en prenant entre eux la cène, cet acte collectif soit aussi l’expression de l’unité du corps, sans cela on ne peut pas prétendre se trouver à la table du Seigneur.

Quel moment, pour tant de chers membres du corps de Christ, si tout à coup ils découvraient, à la lumière de la Parole, que la table où ils prennent place pour rappeler la mort du Seigneur, n’est réellement pas la table du Seigneur ! « Est-il possible », s’écrieraient-ils, « que nous nous soyons arrogé le droit de dresser notre table… la table de notre système, de notre organisation ? ». D’autres auraient à confesser : « C’est la table de notre schisme !… ». Quel pressant besoin n’éprouveraient-ils pas tous de ne s’asseoir désormais qu’à la table du Seigneur, et d’être réunis à leur vraie place comme Assemblée de Dieu ! De quelle importance il est de comprendre ce que c’est que l’Assemblée de Dieu et la table du Seigneur !

Que le Seigneur Lui-même nous donne d’être simples devant Sa Parole, et que l’obéissance soit ce qui nous caractérise jusqu’à Son retour !



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1887.
  2. Non pas que leur état pratique soit une chose indifférente, car elles doivent marcher comme Christ a marché (1 Jean 2, 6) ; mais nous parlons ici du caractère propre de l’Assemblée.
  3. Nous ne voulons pas dire que l’assemblée soit en elle-même une autorité ; elle est soumise au Seigneur ; mais le Seigneur, par le fait qu’Il est présent au milieu d’elle, lui communique Son autorité.
  4. L’expression de membre d’une assemblée est inconnue dans la Parole.
  5. La cène du Seigneur est nécessairement inséparable des vérités qui se rattachent à l’Assemblée. Le fait qu’elle est la cène du Seigneur indique suffisamment que les hommes ne peuvent en disposer à leur gré.