Traité:Josaphat

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

C.H. Mackintosh

En retraçant le récit inspiré dont se composent les chroniques des maisons d’Israël et de Juda depuis la période de leur séparation sous Roboam, il est aisé de voir ce qui les distingue l’une de l’autre. Depuis Jéroboam jusqu’à Osée ce n’est, durant cette succession de rois, qu’une triste énumération de souverains qui faisaient ce qui est mauvais devant l’Éternel, et nous cherchons en vain une exception. La conduite de Jéhu qui, lui, avait déployé tant de zèle et d’énergie à détruire les idoles, prouva plus tard que son cœur n’était pas droit devant Dieu. Il paraît en effet que le culte des faux dieux avait jeté de profondes racines chez le peuple d’Israël et que cette malheureuse nation avait perdu tout sentiment moral lorsqu’elle fut emmenée captive au-delà de Babylone et dispersée parmi les Gentils.

Il n’en fut pas de même pour Juda ; car son histoire offre d’heureuses exceptions, rayons bénis émanant de cette lampe que Dieu, dans Sa grâce, avait accordée à Jérusalem à cause de David, Son serviteur. La vie d’hommes tels que les Josias, les Asa, les Joas, les Ézéchias dont le cœur était voué au service du sanctuaire et qui, par conséquent, exerçaient une saine influence autour d’eux, rafraîchit l’âme et la console.

C’est de l’un d’eux que je désire m’entretenir un peu, m’en remettant au Seigneur pour que, par Son moyen, nous retirions instruction et profit des enseignements que nous fournit Sa Parole.

Josaphat se présente à nous au chapitre 17 du second livre des Chroniques. Nous y voyons Dieu dans Sa grâce établissant Son serviteur roi sur Juda, et le peuple le reconnaissant comme tel.

Le premier acte de Josaphat fut de se fortifier contre Israël. Ceci mérite notre attention. Israël et son roi furent plus tard comme un piège tendu sous les pas de Josaphat, mais au commencement de sa carrière, au moment de sa première fraîcheur, il put fortifier son royaume contre la puissance d’Israël. Or, on observe souvent ce fait dans l’histoire d’un chrétien ; le mal qui, dans la suite, aura le plus d’attrait pour lui, est souvent celui dont il s’était d’abord le plus soigneusement gardé. Combien il serait heureux que l’esprit de vigilance augmentât avec la connaissance que nous acquérons de nos tendances, de nos inclinations ! Hélas, ce n’est pas toujours le cas, bien au contraire, car il arrive fréquemment que le chrétien, après quelques années de vigilance, se permet des choses devant lesquelles sa conscience aurait reculé autrefois. Peut-être lui semble-t-il que c’est renoncer à un esprit de légalité, mais ne serait-ce pas plutôt étouffer les scrupules d’une conscience délicate ? Il serait vraiment triste que le fait d’avoir acquis des vues plus larges sur la vérité produisît l’insouciance et affaiblît en quelqu’un le sentiment de ce qui est droit aux yeux de Dieu, et que des principes élevés tendissent à rendre négligent, mondain et relâché, celui qui une fois avait mis en pratique la séparation d’avec le monde et le renoncement à soi-même.

Un tel se trompe sur le motif qui le fait agir. Croître dans la vérité, c’est croître dans la connaissance de Dieu ; et cette connaissance mène à la sainteté pratique. Il est donc à craindre que la conscience qui laisse passer, sans les réprouver, des actions qu’elle ne se serait pas permises auparavant, ne s’endurcisse en essayant de se soustraire à l’influence qu’exercerait sur elle la vérité et ne finisse par être entraînée par la puissance néfaste du mal.

La scène qui se déroule dans le chapitre 17 est remplie d’intérêt. Josaphat conserve non seulement les conquêtes d’Asa, son père, mais grâce à ses efforts, il réussit à augmenter la prospérité du royaume. Tout y est bien ordonné. « Et l’Éternel fut avec Josaphat parce qu’il suivit les premières voies de David, son père, et qu’il ne rechercha point les Baals ; mais il rechercha le Dieu de son père et il marcha dans ses commandements et non pas selon ce qu’Israël faisait. L’Éternel affermit donc le royaume entre ses mains ; et tous ceux de Juda apportaient des présents à Josaphat, de sorte qu’il eut de grandes richesses et une grande gloire. Et appliquant de plus en plus son cœur aux voies de l’Éternel, il ôta encore de Juda les hauts lieux et les bocages ».

« Il appliqua de plus en plus son cœur aux voies de l’Éternel » ; là était le secret de sa prospérité. Quand on applique son cœur aux voies de l’Éternel, tout va bien.

Au chapitre 18, il y a un tout autre état de choses. La prospérité de Josaphat est devenue un piège tendu devant ses pas par Satan. « Or Josaphat ayant beaucoup de richesses et d’honneur fit alliance avec Achab ».

Nous avons déjà fait remarquer que Josaphat s’était préparé à repousser les attaques du dehors en fortifiant son royaume, mais l’ennemi, pour en venir à ses fins, s’y prend d’une façon inattendue, il essaie de gagner son cœur. Il ne se présente pas à lui sous l’aspect d’un lion mais sous celui du serpent. Achab avait mieux réussi par le moyen de « ses brebis et de ses taureaux » que par celui de ses engins de guerre. S’il avait déclaré la guerre à Josaphat, ce dernier aurait eu recours à l’Éternel ; mais Achab s’en garde bien. Josaphat a fortifié son royaume contre les attaques, mais son cœur est resté accessible aux séductions. Ceci est bien solennel ; si le mal se présente sous une certaine forme, nous faisons souvent un grand effort pour y résister, mais nous le laissons prendre pied lorsqu’il se masque sous d’autres dehors. Josaphat s’était premièrement fortifié contre Israël, et maintenant il fait alliance avec lui. Pourquoi ce changement ? Y avait-il quelque amélioration dans la conduite d’Achab ? S’était-il tourné vers le Seigneur et son cœur s’était-il attendri ? Nullement ; il était encore le même, mais la conscience de Josaphat avait perdu de sa délicatesse première. Il s’était approché du mal, il l’avait touché et en avait subi la contagion.

« Il fit alliance avec Achab ». Là était le mal, un mal opérant lentement, il est vrai, mais qui produirait ses fruits tôt ou tard. « Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l’Esprit, moissonnera de l’Esprit la vie éternelle » (Gal. 6, 8). Ce résultat est inévitable. La grâce peut triompher en pardonnant le péché, mais celui-ci portera ses fruits en son temps. Le Seigneur efface le péché de David dans l’affaire d’Urie, mais l’enfant meurt ; puis Absalom suscite une révolte et s’empare du trône de son père.

Il en sera toujours ainsi, si nous semons pour la chair nous moissonnerons la corruption ; la chair ne peut produire autre chose.

Dans le cas de Josaphat ce ne fut qu’au bout de plusieurs années que se manifestèrent les conséquences du faux pas qu’il avait fait. « Et au bout de quelques années il descendit vers Achab à Samarie. Et Achab tua pour lui et pour le peuple qui était avec lui un grand nombre de brebis et de taureaux et il le porta à monter contre Ramoth de Galaad ». Satan connaît le terrain, il sait si le mal a pris racine et si le cœur est prêt à répondre à la tentation ; aussi n’ignorait-il pas que l’alliance conclue entre le roi de Juda et le roi d’Israël avait préparé le premier à aller plus loin dans le mal. Quand un chrétien s’allie avec le monde, il s’expose à se laisser entraîner par lui, à adopter une manière d’agir contraire aux enseignements de Christ. David avait accepté la ville de Tsiklag du roi Akish, puis il se joignit à Akish pour combattre Israël (1 Sam. 27, 6). Le monde ne donnera jamais rien à un enfant de Dieu sans beaucoup exiger de lui en retour. Puisque le roi de Juda avait souffert qu’Achab tuât pour lui des brebis et des taureaux, il ne pouvait lui refuser la faveur qu’il demandait. Pour conserver notre indépendance d’action, évitons donc d’être redevables au monde. Josaphat n’aurait pas dû se mettre en relation avec Achab, il aurait dû se conserver pur. Le Seigneur n’était pas avec Achab, quoiqu’il ait paru désirer de recouvrer une des cités de refuge tombées au pouvoir de l’ennemi. Josaphat aurait dû savoir qu’il ne faut pas faire le mal pour qu’il en advienne du bien. Si nous nous joignons au monde dans ses entreprises, il faut nous attendre à être entraînés avec lui dans les cataclysmes résultant d’un esprit d’indépendance et de révolte.

La ville de Ramoth de Galaad avait jadis été désignée comme ville de refuge pour les meurtriers (Deut. 4, 43), et l’expédition d’Achab avait pour but de la reprendre au roi de Syrie. Au fond, on aperçoit le piège tendu par l’ennemi, se souciant peu de la ville pourvu qu’il parvînt à détourner un enfant de Dieu du sentier de la justice et de la séparation d’avec le monde. Satan a toujours trouvé qu’au moyen d’œuvres pies il en venait mieux à ses fins auprès des enfants de Dieu.

D’abord il se montre très raisonnable dans ses propositions, il n’engage pas le croyant à se joindre au monde pour accomplir de mauvais desseins, parce qu’il sait qu’une conscience délicate reculerait devant un mal aussi ostensible, mais il attire peu à peu sa victime dans le piège, en faisant miroiter à ses yeux les avantages de telle ou telle action accomplie sous le manteau de la religion ou de la charité.

Il existe cependant une vérité qui, si le chrétien agissait d’après elle, le délivrerait de la tentation de temporiser avec les hommes du monde. L’apôtre Paul nous enseigne par le Saint Esprit, que les incrédules sont « incapables de toute bonne œuvre » (Tite 1, 16) ; cela suffit au cœur obéissant ; nous ne devons pas nous joindre à ceux qui sont représentés sous ce jour. Peu importe ce qu’ils se proposent, que ce soit une œuvre charitable ou une œuvre accomplie dans un but religieux, l’Écriture nous dit qu’ils sont « incapables », quoiqu’ils professent de connaître Dieu. Ces paroles devraient suffire. Dieu ne peut accepter ni reconnaître les œuvres ou les offrandes de ceux dont le cœur est éloigné de Lui, et l’Église ne devrait pas s’associer avec eux, même lorsque leur but est louable. « Conserve-toi pur toi-même » est une exhortation qui nous convient à tous. « Voici, obéir vaut mieux que sacrifice ; se rendre attentif vaut mieux que la graisse des moutons » (1 Sam. 15, 22). Il aurait infiniment mieux valu pour Josaphat, et aux yeux de Dieu cela aurait été bien plus acceptable, qu’il se tînt à l’écart et ne se joignît pas à Achab pour reprendre Ramoth de Galaad aux Syriens.

Cependant, il devait être instruit par une triste expérience ; et c’est ainsi que nous apprenons généralement nos leçons. Parfois, nous parlons aisément de certaines vérités qu’en réalité nous ne connaissons guère. Quand, au commencement de sa carrière, Josaphat s’était fortifié contre Israël, il se doutait peu que, plus tard, il tomberait dans le piège du pire des Israélites. Notre seule sauvegarde est d’être en communion avec Dieu, au sujet du mal même. Si nous considérons le mal à l’aide de la lumière qui émane de Dieu, nous voyons le principe qui est la base d’une action tout aussi bien que cette action elle-même. Si ce principe est faux, quelque louable que puisse paraître l’acte qui en découle, sachons nous abstenir d’y prendre part. Il est vrai que pour agir ainsi, il faut que l’âme se tienne près de Dieu, il faut beaucoup de spiritualité, de jugement de soi-même, d’esprit de prière et de vigilance. Que le Seigneur nous accorde cela, ainsi qu’une conscience plus éclairée et plus délicate !

Nous nous rendons bien peu compte des tristes conséquences d’une faute commise par un enfant de Dieu. Nous n’en voyons pas toujours les tristes résultats, mais l’ennemi sait bien en tirer parti, en nuisant non seulement à celui qui s’est laissé entraîner au mal, mais à ceux qui en sont les témoins et qui en subissent l’influence. Josaphat, en tombant lui-même dans le piège, y précipita les autres. « Moi, je suis comme toi », avait-il dit ; puis il avait ajouté : « Et mon peuple comme ton peuple ». Sur quel terrain se met-il, lui homme de Dieu, et où place-t-il son peuple, le peuple de Dieu !

Telles avaient été ses paroles ; mais heureusement pour lui, elles ne se vérifièrent pas jusqu’au bout ! Dieu ne le jugea pas comme Il avait jugé Achab ; là était sa véritable sauvegarde au moment où il subissait la terrible conséquence de sa conduite téméraire. Quoiqu’il se fut joint à Achab pour favoriser ses plans, la fin de sa carrière ne fut pas celle d’Achab. Il ne fut pas, comme Achab, percé d’un dard, les chiens léchant le sang qui coulait de sa blessure. Le Seigneur avait fait la différence.

Mais n’oublions pas que lorsqu’un croyant se joint au monde dans une entreprise qui a pour but la religion ou quelque œuvre charitable, c’est comme s’il lui disait : « Je suis comme toi ». Que le lecteur chrétien se demande à lui-même : Puis-je loyalement dire une pareille chose ? Suis-je disposé à la faire ? Cela ne servira à rien de prendre pour excuse qu’il ne faut pas juger les autres. Josaphat aurait dû juger. Jéhu le prophète ne va-t-il pas à sa rencontre avec ces paroles : « Est-il possible que tu aies donné des secours au méchant et que tu aimes ceux qui haïssent l’Éternel ? ». S’il n’avait pas exercé son jugement, comment aurait-il discerné quel était l’impie, quel était le méchant ?

Nous n’avons certainement pas le droit de juger ceux qui sont dehors, mais il nous incombe d’user de discernement au sujet de ceux avec lesquels nous entrons en relation. Cela n’implique nullement une idée de supériorité personnelle. Ce n’est pas : « Retire-toi, n’approche point de moi, car je suis plus saint que toi » ; mais je dois me retirer parce que « Dieu est saint ». Ceci est le véritable principe. C’est à cause de ce que Dieu est, et non à cause de ce que nous sommes, que nous devons nous séparer d’un mal reconnu : « Soyez saints, car moi je suis saint ».

Toutefois Josaphat ne maintient pas cette séparation et, comme nous l’avons fait remarquer, en y manquant lui-même il entraîna les autres à le faire, ce dont nous pouvons retirer un précieux enseignement.

L’influence qu’il exerçait était sans doute considérable, à cause du dévouement dont il avait fait preuve et qui lui avait assuré la confiance et l’affection de son peuple. Il les avait méritées et il est juste que l’on en témoigne à ceux qui s’efforcent de marcher dans la droiture ; cependant, malgré cela, il faut veiller à ne pas se laisser entraîner par l’influence personnelle de quelqu’un, car la chose peut devenir dangereuse. Josaphat, du reste, connaissait cette influence ; il aurait pu dire : « Moi, je suis comme toi », et s’arrêter là, mais il se sent assez sûr de son pouvoir pour ajouter : « et mon peuple comme ton peuple ». Ce pouvoir qu’il exerce de son propre chef, fait de lui un instrument docile pour le mal, et Satan le sait. Il ne s’adresse pas à un homme du commun peuple de Juda, mais il choisit le plus distingué, le plus influent, sachant bien que s’il réussit à lui faire quitter le droit chemin, d’autres le suivront. Et il ne se trompa pas.

Plusieurs diront sans doute : Quel mal peut-il y avoir à se joindre à l’expédition d’Achab ? S’il y en avait, un homme aussi honnête que Josaphat ne s’y serait sûrement pas engagé ; aussi longtemps que nous le verrons à notre tête, nous pouvons être tranquilles. Si tel n’était pas le langage de quelques-uns au temps de Josaphat, c’est certainement celui qu’on tient de nos jours. Comment peut-il y avoir du mal à telle ou telle chose, quand nous voyons tant d’hommes pieux en être occupés ? Ce raisonnement est faux. Vis-à-vis de Dieu, nous sommes responsables d’agir d’après un principe divin, quoiqu’en puisse dire autrui. Nous devrions par Sa grâce et en toute humilité, mais avec décision, pouvoir donner une raison motivée pour la ligne d’action que nous avons adoptée, et cela sans avoir à nous en rapporter à la conduite des autres. Nous savons d’ailleurs que les hommes pieux peuvent se tromper et même commettre le mal ; donc, ils ne peuvent nous servir de guide. « Il se tient debout ou il tombe pour son propre maître ». Nous avons surtout besoin d’un jugement sain, d’une conscience éclairée par la Parole de Dieu, d’un sentiment juste de notre responsabilité personnelle et d’une grande honnêteté d’intentions.

Il y a, il est vrai, peu de personnes qui, comme Josaphat, occupent une position dans laquelle ils puissent exercer une influence aussi grande que lui ; et pourtant la conduite d’un membre de Christ, quelque infime qu’il soit, affecte tout le corps. C’est là une vérité trop oubliée de nos jours.

Il est triste que la grande doctrine de l’unité de l’Église sur la terre soit si peu comprise, si peu mise en pratique par les enfants de Dieu les plus spirituels et les plus intelligents. Toutefois la cause en est évidente. Nous considérons cette doctrine comme étant en rapport avec l’état actuel de l’Église plutôt qu’avec celui qui nous est présenté dans le Nouveau Testament, aussi cette unité nous est-elle devenue peu compréhensible. Si, au contraire, nous prenons l’Écriture pour guide, toute difficulté à cet égard disparaîtra. Nous y lisons : « Lorsqu’un des membres souffre, tous les autres membres souffrent avec lui ». On ne saurait dire que, dans un sens, ce principe existât au temps de Josaphat parce que, à proprement parler, le corps de Christ n’existait pas alors. Tous ses membres étaient inscrits dans le livre de Dieu lorsqu’il n’y en avait encore aucun ; avant la fondation du monde, ils étaient dans la pensée de Dieu ; mais Son dessein à leur égard n’avait pas encore été exécuté. Ainsi quoique beaucoup se soient détournés de la bonne voie à cause de l’influence de Josaphat, on ne pourrait appliquer à leur sujet le passage cité plus haut ; car tous ne souffraient pas de l’action de l’un d’eux parce qu’ils appartenaient au même corps ; seulement, l’exemple de l’un d’eux les avait induits à sortir du droit chemin. Cette distinction est importante. Il n’y a pas un membre de l’Église, quelque obscur qu’il soit, dont la conduite n’affecte pas tous les membres dans une certaine mesure. Nous avons tous été baptisés dans un même Esprit pour n’être qu’un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit hommes libres ; et nous avons tous été abreuvés d’un même Esprit. Donc si un chrétien est négligent dans sa conduite, s’il ne marche pas en communion avec Dieu, s’il abandonne la prière, s’il ne veille pas, ne se juge pas, tout le corps en souffre ; si, en revanche, il conserve la vigueur spirituelle et un bon état d’âme, il contribue à la bénédiction de tous.

Ce ne fut pas sans lutte que Josaphat céda aux sollicitations d’Achab. On voit que sa conscience n’était pas tranquille quand il dit : « Enquiers-toi aujourd’hui, je te prie, de la parole de l’Éternel ».

Mais combien il était superflu de demander d’être guidé dans son entreprise lorsqu’il s’était déjà prononcé en annonçant à Achab qu’il pouvait disposer de lui et de son peuple comme de lui-même ! N’est-ce pas une moquerie que de prier Dieu de nous montrer notre chemin lorsque, en définitive, nous avons déjà décidé ce que nous ferons ? Et pourtant cela nous arrive bien fréquemment. Nous prenons la résolution de poursuivre une ligne de conduite et puis nous demandons à Dieu de nous montrer ce que nous avons à faire. Tout ceci est bien triste, car c’est honorer Dieu des lèvres tandis que le cœur est en pleine révolte contre Lui. Au lieu d’obtenir de Dieu qu’Il nous guide, ne devrions-nous pas plutôt craindre qu’un esprit menteur ne soit envoyé pour nous induire en erreur ? Achab, lui, n’était pas embarrassé pour trouver des conseillers ; il se hâte de rassembler quatre cents prophètes qui étaient prêts à lui donner les conseils qui lui plairaient. « Monte, lui disent-ils, et Dieu livrera Ramoth de Galaad entre les mains du roi ». C’était ce qu’il désirait. Nous ne devons pas nous étonner qu’il fut satisfait de prophètes tels que ceux-ci, car ils répondaient bien à son désir.

Josaphat n’aurait cependant pas dû les considérer comme envoyés de l’Éternel, ainsi que le prouvent ses paroles : « N’y a-t-il point encore ici quelque prophète de l’Éternel ? ». S’il avait été fidèle au Seigneur, il aurait refusé à ces faux prophètes le droit de donner des conseils. Mais hélas, ne pouvant prendre sur lui de blesser Achab en agissant avec fidélité vis-à-vis de ces imposteurs, il encourageait pleinement la religion du monde et de ses ministres. N’étaient-ils pas tous des hommes comme il faut ? C’est vraiment déplorable de tomber dans un état d’âme qui rende incapable de rendre un témoignage fidèle contre les ministres de Satan. Il faut être large, il ne faut blesser personne, il y a partout des personnes pieuses, entend-on dire fréquemment. Mais la vérité est la vérité, et nous ne devons pas la confondre avec l’erreur. Dans le fond, ce n’est que le désir secret d’être en bons termes avec le monde, qui nous pousse à juger le mal avec autant d’indulgence. Or, si nous voulons être au mieux avec lui, faisons-le sur notre propre responsabilité et non aux dépens de la vérité de Dieu. On entend souvent répéter qu’il faut présenter la vérité sous son aspect le plus attrayant, ce qui revient à dire qu’on peut faire d’elle ce qu’on veut, lui faire prendre toutes les formes qu’on désire, l’agrandir ou la rapetisser selon le goût et les habitudes des personnes auxquelles on s’adresse et qui ne demanderaient pas mieux que de la bannir complètement.

Mais on ne peut traiter la vérité de la sorte et jamais on ne pourra la faire descendre au niveau du monde. Ceux qui font profession de la posséder peuvent chercher à la travestir à leur gré, mais quoiqu’il en soit, elle restera ce qu’elle est, sûre, sainte, infaillible, et elle témoignera fidèlement contre tout ce qui est du monde et de ses voies ; elle parlera distinctement, si toutefois sa voix n’est pas étouffée par les pratiques de ses faux partisans. Quand Josaphat, pour complaire à Achab, s’était abaissé jusqu’à déclarer que ses prophètes étaient des hommes de Dieu, qui aurait pu voir dans sa conduite un témoignage rendu à Dieu ? Tous paraissaient être descendus au même niveau et l’ennemi des âmes semblait être vainqueur ; la voix de la vérité s’était tue, les imposteurs faisaient encore entendre leurs fausses prédictions, Dieu était oublié.

Il en sera toujours ainsi, la vérité et la mondanité ne peuvent marcher de compagnie ; il ne peut y avoir d’accommodement et tous les efforts qu’on fera pour essayer de les adapter l’une à l’autre seront vains. Que la vérité reste sur son divin piédestal et que les enfants de Dieu se rallient autour d’elle ; qu’ils invitent les pécheurs à venir les rejoindre, mais qu’eux ne s’abaissent pas à adopter les occupations, les habitudes et la manière de faire d’un monde déchu ; et qu’ils n’enlèvent pas ainsi toute son autorité à la Parole de Dieu qu’ils professent de prendre pour guide. Il vaut mieux franchement laisser les autres s’apercevoir du contraste qui existe entre la vérité de Dieu et notre conduite que d’essayer de se persuader à soi et à autrui qu’elles marchent de pair tandis que dans le fond il n’en est rien. Nous nous imaginons peut-être qu’en nous conformant à leurs habitudes nous faisons apprécier la vérité aux personnes mondaines ; mais bien loin d’y réussir de cette manière, nous l’exposons à la moquerie et au mépris. Josaphat ne favorisa certainement pas la cause de la vérité en se conformant aux vues d’Achab et en reconnaissant les prétentions des faux prophètes. Celui qui s’allie au monde deviendra l’ennemi de Christ et de Ses disciples ; il ne peut en être autrement, car « l’amour du monde est une inimitié contre Dieu. Qui voudra donc être ami du monde se rend ennemi de Dieu ».

L’histoire de Josaphat en est une preuve frappante. Il devint l’ami et le compagnon d’Achab qui détestait Michée, un serviteur de Dieu et, quoiqu’il ne l’ait pas persécuté lui-même, il était présent lorsqu’on frappa le prophète du Seigneur et que l’on mena en prison cet homme qui ne voulait pas mentir pour plaire à un méchant roi et être d’accord avec quatre cents méchants prophètes. Quels durent être les sentiments de Josaphat quand il vit que son frère dans la foi était battu et emprisonné à cause de sa fidélité en élevant la voix contre une expédition dans laquelle il était lui-même engagé ! Cependant la position où ses relations avec Achab l’avaient placé était telle qu’il ne pouvait éviter d’être le témoin de ses actions iniques et même de s’y associer. Quand quelqu’un s’unit ainsi au monde, il ne peut le faire à moitié ; car l’ennemi n’est pas satisfait de demi-mesures, au contraire, il poussera à franchir toutes les bornes un croyant qui n’est plus en communion avec Dieu. On ne se laisse généralement gagner que peu à peu par le mal ; d’abord on lui entr’ouvre la porte, puis on la lui ouvre toute grande ; l’eau qui suintait par quelque petite ouverture pratiquée dans une digue s’est enfin forcé un passage ; et que de ravages n’exerce-t-elle pas sur son chemin ! On s’est laissé attirer par le mal, au lieu de s’en éloigner ; on s’en est rapproché, et, fasciné par lui, l’on finit par s’y plonger. Une intervention directe de Dieu peut seule alors en retirer le malheureux qui se perd. D’abord Josaphat s’était allié par mariage avec Achab, puis il avait accepté son hospitalité ; ensuite il s’était décidé à s’associer avec lui pendant la bataille de Ramoth de Galaad. Il avait dit à Achab : « Moi, je suis comme toi » ; et Achab l’avait pris au mot, car il lui annonce qu’il se déguisera et qu’il ira au combat ; mais il faut que lui, Josaphat, se revête de ses habits royaux. Celui-ci renonce si complètement à garder son individualité qu’à peine les capitaines des chariots l’ont-ils vu qu’ils s’écrient : « C’est ici le roi d’Israël ». Quelle terrible position pour Josaphat d’être trouvé à la place du pire des rois d’Israël et d’avoir été pris pour lui ! N’est-ce pas là une triste preuve du danger qu’il y a à s’associer avec des hommes du monde ? Il était bien heureux pour Josaphat que le Seigneur ne le prit pas au mot quand il avait dit à Achab : « Moi, je suis comme toi » ! Dieu faisait une différence entre Josaphat et Achab quoique le monde les prît l’un pour l’autre. C’était la grâce de Dieu qui avait mis cette différence et la conduite de Josaphat aurait dû prouver ce que la grâce avait fait de lui. Mais que le Seigneur en soit béni, « Il sait délivrer de l’épreuve ceux qui l’honorent » et ce fut cette grâce souveraine qui délivra Son pauvre serviteur du mal où il s’était plongé, mal qui l’aurait mené droit à sa perte si la main de Dieu n’avait été étendue pour le sauver. « Josaphat cria et l’Éternel vint à son secours et Dieu fit qu’ils s’éloignèrent de lui »[2].

C’est ici le moment critique dans la vie de Josaphat. Il avait enfin les yeux ouverts sur la position dans laquelle il s’était mis ; du moins il en apercevait le danger bien qu’il n’eût peut-être pas conscience de toute la portée de sa conduite. Se voyant entouré des capitaines de la Syrie, il comprend les conséquences de la faute qu’il avait commise en prenant la place d’Achab, et sa seule ressource est en ce Dieu auquel il n’a pas obéi. Heureusement qu’il peut regarder à Lui dans sa détresse, qu’il peut crier à Lui dans son angoisse ! S’il n’en avait pas été ainsi, la flèche de l’ennemi aurait infailliblement atteint son but et le sort de la malheureuse victime aurait montré une fois de plus qu’on ne s’associe pas impunément au mal. « Josaphat s’écria » et son cri fut ouï du Seigneur dont l’oreille est toujours tendue pour écouter l’appel de ceux qui L’invoquent dans leur détresse. « Pierre, étant sorti, pleura amèrement ». L’enfant prodigue se dit : « Je me lèverai et m’en irai vers mon père. Et le père courant à lui, se jeta à son cou et le baisa ». C’est ainsi que Dieu va toujours à la rencontre de ceux qui, sentant qu’ils se sont creusés des citernes crevassées qui ne contiennent pas d’eau, retournent à Lui, la source des eaux vives. Oh ! si tous ceux qui s’aperçoivent qu’ils se sont en quelque mesure détournés de Christ et se sont laissés glisser dans le courant de ce monde, pouvaient seulement rebrousser chemin et retourner en toute humilité et contrition à Celui qui dit : « Voici je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte j’entrerai chez lui et je souperai avec lui et lui avec moi ».

Comme il fut différent le cas d’Achab ! Quoique blessé mortellement, il se soutint dans son chariot jusqu’au soir, espérant cacher sa faiblesse et voulant à tout prix atteindre son but. On ne le voit donner aucun signe de repentir. Il ne verse pas une larme de contrition, il ne lève pas un regard vers le ciel. Telle avait été sa vie, telle fut sa mort ; il mourut comme il avait vécu, en faisant ce qui est mauvais devant l’Éternel. C’est en vain qu’il s’efforça de se soutenir ; la mort l’avait saisi, et quoiqu’il luttât pour sauver les apparences, il mourut dans le temps que le soleil se couchait.

Terrible fin que celle d’un homme qui s’était vendu pour faire ce qui déplaît à l’Éternel ! Qui voudrait, de plein gré, se constituer le sectateur d’un système où règne tout ce qui caractérise le monde ? Celui qui apprécie à sa juste valeur une vie simple et pure et qui désire avoir une fin paisible et heureuse, se mettra-t-il à la poursuite de ce qui occupe, de ce qui absorbe le monde ? Et enchaînera-t-il sa destinée à celle des malheureux qui n’ont pas d’espérance ?

Lecteur chrétien, efforçons-nous, avec l’aide de Dieu, de secouer l’influence que le monde exerce sur nous et évitons ses voies. Nous nous doutons peu de la manière subtile dont il nous enlace. D’abord l’ennemi nous fait abandonner nos habitudes de simplicité chrétienne ; puis, peu à peu, nous suivons le courant des pensées mondaines. Oh ! puissions-nous, avec une conscience délicate, veiller jalousement à l’approche du mal, de crainte que les paroles du prophète ne puissent s’appliquer à nous : « Les hommes honorables étaient plus éclatants que la neige, plus blancs que le lait ; leur teint était plus vermeil que des pierres précieuses et ils étaient polis comme un saphir » ; mais — tel est le triste changement — « leur visage est plus obscur que la noirceur ; on ne les reconnaît plus par les rues ; leur peau tient à leurs os, elle est devenue sèche comme du bois » (Lam. 4, 7).

Maintenant, examinant le chapitre 19, nous y voyons les résultats bénis de l’épreuve par laquelle Josaphat avait passé. « Il revint plein de santé dans sa maison à Jérusalem ». Heureuse délivrance ! L’Éternel s’était interposé, Il l’avait délivré du piège de l’oiseleur, et son cœur devait déborder de reconnaissance envers Celui qui lui avait fait la grâce de le distinguer d’Achab quoiqu’il lui eût dit : « Moi, je suis comme toi ». Achab était descendu dans la tombe plein d’humiliation tandis que Josaphat retournait chez lui en paix. Mais quelle leçon il avait apprise et quel moment solennel cela avait été pour lui que d’avoir failli glisser dans le précipice !

Cependant, le Seigneur avait un mot à lui dire au sujet de ce qu’il avait fait. Quiqu’Il lui eût permis de retourner « plein de santé » à Jérusalem, n’ayant pas souffert que l’ennemi lui fît du mal, Il voulait parler à sa conscience à propos de son péché ; Il voulait l’éloigner du champ de bataille et lui parler à l’oreille : « Et Jéhu, fils de Hanani, le voyant, sortit au-devant de lui et lui dit : Est-il possible que tu aies donné du secours au méchant et que tu aimes ceux qui haïssent l’Éternel ? C’est pourquoi l’Éternel est irrité contre toi ». C’était une bien grave remontrance et elle produisit son effet, car Josaphat fit encore la revue de son peuple depuis Beër-Shéba jusqu’à la montagne de l’Éternel et il les ramena à l’Éternel, le Dieu de leurs pères. « Toi donc, quand tu seras converti, affermis tes frères ». Ainsi fit Pierre, ainsi fit Josaphat. Oh ! comme il est heureux que des manquements, des fautes mènent, par la miséricorde divine, à un résultat pareil ! La grâce infinie de Dieu peut seule le produire. Quand, après avoir vu Josaphat entouré des capitaines syriens, nous le trouvons parcourant son royaume pour enseigner à son peuple la crainte de Dieu, nous ne pouvons nous empêcher de nous écrier : « Qu’est-ce que le Dieu fort a fait ? ». Josaphat était précisément l’homme qui pouvait parler ainsi. C’est celui qui a expérimenté dans sa personne les terribles conséquences de la légèreté, qui peut le mieux dire : « Prends garde à ce que tu feras ». Après s’être repenti, Pierre, qui lui-même avait renié le Seigneur, devint l’instrument choisi pour ramener ceux qui en avaient fait de même et pour leur parler de ce sang précieux qui avait purifié sa conscience du péché qu’il avait commis. Josaphat, lui aussi, étant revenu de la bataille de Ramoth de Galaad, alla faire entendre à ses frères ces paroles de sérieux avertissement : « Regardez ce que vous ferez ». Lui, venait d’échapper au piège, il le connaissait donc et pouvait dire aux autres comment l’éviter.

Remarquez aussi quel est le trait de caractère de l’Éternel qui a frappé Josaphat. « Il n’y a point d’iniquité dans l’Éternel, notre Dieu, ni d’acception de personnes, ni de réception de présents« . Or, le cadeau que lui avait fait Achab paraît avoir été un piège pour lui. « Et Achab tua pour lui et pour le peuple qui était avec lui, un grand nombre de brebis et de taureaux, et il le porta à monter à Ramoth de Galaad ». Ce cadeau l’avait bien disposé en faveur d’Achab et il se laissa facilement persuader par ses arguments. Pierre, lui, s’était aussi chauffé au feu du souverain sacrificateur, puis il avait renié son Seigneur. Nous ne pouvons guère combattre les arguments et les suggestions du monde pendant que nous en respirons l’atmosphère morale et que nous acceptons ses flatteries. Nous devons nous tenir à distance, rester indépendants et alors seulement nous serons en mesure de rejeter ses offres et de triompher de ses séductions. Il est instructif cependant de remarquer comment Josaphat, après qu’il eut reconnu la folie de sa conduite, appuie sur la beauté d’un trait de caractère divin, qui n’avait pas été le sien.

C’est une grande sauvegarde contre toute tentation que d’être en communion avec Dieu ; car il n’existe pas de mal, par lequel nous puissions être tentés, qui n’ait son opposé en Dieu, et nous ne pouvons éviter le mal qu’en contemplant le bien. Ceci est une vérité très simple, mais profondément pratique. Si Josaphat avait été en communion avec Dieu, il n’aurait pas recherché la société d’Achab. Voici, en effet, la seule manière de juger de nos relations avec le monde. Demandons-nous : Nos associations peuvent-elles marcher de front avec notre communion avec Dieu ? Telle est réellement la question. Quelle triste chose que de se dire : Ne puis-je jouir de tous les bienfaits qui découlent de la foi, au nom de Christ, et pourtant déshonorer ce nom en m’associant aux gens du monde et en me mettant sur leur terrain ? Comme la difficulté est facilement résolue, si nous la soumettons à Dieu et laissons à Sa Parole le soin de la trancher ! « Est-il possible que tu aies donné du secours au méchant et que tu aimes ceux qui haïssent l’Éternel ? ». La vérité arrache le voile dont le cœur, qui n’est pas en communion avec Dieu, a revêtu les choses. C’est seulement lorsqu’elle jette ses rayons pénétrants sur notre sentier, que nous voyons tout sous son vrai jour. Remarquez la manière dont la vérité divine exposa les actions d’Achab et de Jézabel. Jézabel aurait voulu jeter un beau manteau sur sa révoltante méchanceté. « Lève-toi », dit-elle au roi, « mets-toi en possession de la vigne de Naboth Jizreélite, qui avait refusé de te la donner pour de l’argent, car Naboth n’est plus en vie, mais il est mort ». C’est ainsi qu’elle jetait un masque sur sa conduite ; mais comment le Seigneur, Lui, l’avait-Il envisagée ? « Ainsi a dit l’Éternel : N’as-tu pas tué et même ne t’es-tu pas mis en possession ?… ». Autrement dit : N’as-tu pas commis un meurtre et un vol ? Dieu veut la réalité ; les hommes et les choses reprennent leur vraie place et sont jugés à leur juste valeur ; le clinquant, l’affectation, la présomption, tout tombe à Ses yeux ; la vérité nue seule reste. Il en fut de même pour Josaphat ; à vue humaine, ses intentions auraient pu passer pour bonnes, tandis que Dieu en juge autrement et qu’Il déclare que Josaphat donne du secours au méchant et aime ceux qui haïssent l’Éternel. Les hommes applaudissaient peut-être à ses actions, mais « l’Éternel était irrité contre lui ».

Cependant Josaphat avait lieu d’être reconnaissant de la leçon salutaire que lui avait attiré sa chute. Elle lui avait enseigné à marcher dans la crainte de l’Éternel et à s’efforcer d’enseigner aux autres cette crainte. Ce n’était pas peu de chose. Il est vrai qu’il avait appris cette leçon d’une manière bien triste, bien pénible, mais comme il est précieux pour nous que nos fautes aient servi à dessiller nos yeux et que nous voyions les terribles conséquences qu’il y a pour nous de nous être alliés au monde ! Plût à Dieu que nous le sentions davantage ! Oh ! si seulement nous étions plus pénétrés de la vérité du fait que rien n’est plus néfaste pour l’âme que les liaisons mondaines, et que notre tendance naturelle est d’être fortement influencés par elles ! Nous pourrions alors dire aux autres avec plus d’autorité : « Prenez garde à ce que vous ferez », et encore : « Agissez courageusement et l’Éternel sera avec ceux qui seront gens de bien ».

Au chapitre 20 nous trouvons Josaphat dans des circonstances bien plus heureuses qu’au chapitre 18. Il est ici au fort de l’épreuve. « Après ces choses les Moabites et les Ammonites vinrent (car avec les Moabites il y avait des Ammonites) pour faire la guerre à Josaphat ». Mais nous craignons bien moins pour lui lorsqu’il est en butte aux hostilités de l’ennemi que lorsque nous le voyons être l’hôte d’Achab et l’objet de ses égards. C’est à juste titre car, dans le premier cas, il aura recours au Dieu d’Israël, tandis que dans le second il va tomber dans le piège tendu par Satan. L’attitude d’un homme de Dieu est d’être en opposition complète avec les ennemis du Seigneur et non d’être d’accord avec eux. Nous ne pouvons jamais compter sur Son approbation ou sur Sa direction, si nous nous joignons à Ses adversaires. Nous voyons comme il était superflu de la part de Josaphat de demander conseil au Seigneur pour une entreprise qu’il savait être mauvaise. Mais maintenant il n’en est plus ainsi. C’est sérieusement qu’il « se disposa à rechercher l’Éternel et qu’il publia un jeûne par tout Juda ». Voilà de la réalité. Pour le croyant, il n’y a rien de tel que l’épreuve lui venant du monde pour l’engager à s’en séparer. Quand le monde sourit, nous courons le danger d’être attirés par lui ; mais lorsqu’il fronce le sourcil, nous cherchons un refuge dans notre forteresse, et ceci est heureux et salutaire pour nous. Josaphat n’avait pas dit à un Moabite ou à un Ammonite : « Moi, je suis comme toi » ; il savait bien que cela n’était pas et eux du reste n’y auraient pas tenu. Or pour nous il est bien préférable de reconnaître notre véritable position vis-à-vis du monde.

Dans la requête de Josaphat à Dieu il y a trois points saillants.

Le premier parle de la puissance de l’Éternel.

Le second rappelle à l’Éternel la promesse faite à Abraham au sujet du pays de Canaan.

Le troisième Lui expose les efforts que fait l’ennemi pour chasser de la terre promise la postérité de celui qui avait aimé le Seigneur.

Cette prière est aussi instructive qu’elle est précieuse et pleine d’intelligence divine. Josaphat a recours à la justice du Dieu d’Abraham pour décider de sa cause et de celle de son peuple attaqué par des ennemis, qui l’avaient toujours été, les Ammonites, les Moabites et ceux du mont Séhir.

La foi agit toujours ainsi, et le résultat sera toujours le même. « Ils viennent, dit-il, nous chasser hors de ton héritage que tu nous as fait posséder ». Comme c’est simple ! Ils voudraient prendre ce que tu nous as donné. C’était pour ainsi dire en appeler à Dieu pour qu’Il maintienne Sa promesse. « Notre Dieu, ne les jugeras-tu pas ? Car il n’y a point de force en nous pour subsister devant cette grande multitude qui vient contre nous et nous ne savons ce que nous devons faire, mais nos yeux sont sur toi ! ».

Nous pouvons dire avec certitude que la victoire était assurée à celui qui pouvait parler ainsi à l’Éternel. Et Josaphat le sentit lui-même, car « il établit des gens qui chantassent à l’Éternel et qui louassent sa sainte magnificence ; et marchant devant l’armée ils disaient : Célébrez l’Éternel car sa miséricorde demeure à toujours ». La foi seule pouvait entonner une hymne de louange même avant que la bataille eût commencé.

La foi compte toujours sur la promesse. Et la foi qui avait donné à Abraham l’assurance que Dieu mettrait sa postérité en possession du pays de Canaan, cette foi donna à Josaphat l’assurance qu’Il l’y maintiendrait. C’est pourquoi il n’attendit pas d’être vainqueur pour chanter un cantique de louanges à son libérateur ; ne possédait-il pas déjà la victoire ? De même, dès l’entrée au désert, la foi avait pu dire : « Tu as conduit par ta miséricorde ce peuple que tu as racheté ».

Mais quel spectacle étrange pour les ennemis de Josaphat, que celui de cette troupe de gens munis d’instruments de musique au lieu d’armes ! C’était un peu le même genre de lutte qu’adopta Ézéchias lorsqu’il se revêtit d’un sac au lieu d’une armure (És. 37, 1)[3]. Car il avait passé par la même discipline, il avait combattu sous la même bannière.

Si seulement, sur ce principe-là, nous résistions aux tendances, aux manières, aux maximes dont le monde actuel est imbu ! « Et prenant par-dessus tout cela le bouclier de la foi, par le moyen duquel, vous puissiez éteindre tous les dards enflammés du malin ».

Quelle différence il y a entre Josaphat prenant la place d’Achab, à Ramoth de Galaad, et Josaphat luttant avec le secours du Seigneur contre ses ennemis les Moabites ! Le contraste existe dans tous les détails, soit dans la manière dont il cherche le secours et la direction du Seigneur, soit relativement aux procédés de la lutte ; et quant au résultat final, comme il est différent ! Au lieu de pousser un cri où se peignait toute son angoisse, toute sa détresse, nous le voyons unissant sa voix à un chœur de louanges, exaltant le Dieu de ses pères qui lui avait donné la victoire sans combattre, puisque ses ennemis s’étaient détruits les uns les autres — ce Dieu qui l’avait fait sortir de la sombre vallée d’Acor pour le conduire dans celle de Beraca. Contraste frappant ! Puisse cet exemple nous engager à rechercher avec plus de décision le sentier de la séparation et de la dépendance ! Que nous sachions nous appuyer davantage sur la grâce et la fidélité du Seigneur ! La vallée de Beraca, c’est-à-dire louange, est toujours celle où l’Esprit de Dieu voudrait nous conduire ; mais Il ne peut nous mener auprès des Achab de ce monde pour leur aider à atteindre leur but. « Sortez du milieu d’eux et vous en séparez, dit le Seigneur, et ne touchez point ce qui est impur, et je vous recevrai ; et je serai votre père, et vous serez mes fils et mes filles, dit le Seigneur, le Tout-puissant » (2 Cor. 6, 17, 18).

Il est surprenant de constater comme la mondanité met obstacle à l’esprit de louange ou plutôt le détruit, chez le croyant. S’il persistait dans cette voie, il éprouverait un jour un sentiment de profonde angoisse et, peu à peu, il renoncerait même jusqu’aux dehors de la piété. Heureusement pour Josaphat qu’il s’arrêta à temps. Il fut humilié, puis relevé et amené à jouir d’une plus grande bénédiction.

Mais comme il serait déplorable que quelqu’un se plongeât dans la mondanité espérant qu’après tout, dans son propre cas, la solution serait aussi heureuse que dans celui de Josaphat. Quelle présomption, quel fol espoir ! Celui qui apprécie à sa valeur ce qu’est une vie paisible, pure, exempte de blâme devant Dieu et devant les hommes, pourrait-il accueillir cette pensée ? Il est vrai que le Seigneur sait délivrer l’homme pieux de la tentation, mais est-ce à cause de cela que nous irons délibérément nous y plonger ? Que Dieu nous en garde !

Et cependant qui peut sonder l’abîme du cœur humain, les profondeurs de sa malignité ; qui est-ce qui saurait dérouler ses mille replis cachés ? Peut-on concevoir que Josaphat, après des enseignements aussi solennels, recommencerait à s’allier avec l’impie pour favoriser ses projets ambitieux ? Celui-là seul peut le croire qui connaît son propre cœur. Hélas, pourtant ! « Après cela Josaphat se joignit à Achazia, roi d’Israël qui ne s’employait qu’à mal faire. Et il s’associa avec lui pour construire des navires pour aller à Tarsis ; et ils firent les vaisseaux à Étsion-Guéber. Alors Éliézer, fils de Dodava, de Marésha, prophétisa contre Josaphat, disant : Parce que tu t’es joint à Achazia, l’Éternel a défait tes ouvrages. Les navires furent donc brisés et ils ne purent point aller à Tarsis » (2 Chron. 20, 35-37).

Voilà ce qu’était l’homme ; une pauvre créature faible, imparfaite, trébuchant à chaque pas, se précipitant toujours à la poursuite de quelque nouveau hochet ou de quelque mal. À peine Josaphat venait-il de se remettre des suites désastreuses de son alliance avec Achab, qu’il s’associe avec Achazia. Ç’avait été avec peine, ou plutôt, ce n’était que grâce à l’intervention miséricordieuse de l’Éternel qu’il avait échappé aux flèches des Syriens, et le voilà se joignant déjà aux rois d’Israël et d’Édom pour combattre les Moabites !

Tel était Josaphat, telle fut sa carrière. Quelques bonnes choses furent trouvées en lui, mais son grand piège c’était l’association avec le monde. L’enseignement que nous pouvons retirer de sa vie est de prendre garde à ce danger-là. Nous avons bien besoin en réalité que ces paroles résonnent souvent à nos oreilles dans toute leur solennité : « Sortez du milieu d’eux et soyez-en séparés ». Nous ne pouvons être dans l’intimité de ceux qui pratiquent le mal sans en être affectés à notre tour ; et nous ne pouvons nous mêler au monde et nous laisser gouverner par ses principes et ses maximes, sans en souffrir nous-mêmes et sans que notre témoignage ne s’en ressente.

Je voudrais encore faire remarquer pour conclure qu’on éprouve comme un soulagement en lisant ces paroles : « Et Josaphat s’endormit avec ses pères » (chap. 21, 1). Car nous le sentons à l’abri des pièges, des artifices de l’ennemi des âmes. Puis on peut encore lui appliquer ces paroles consolantes : « Bénis sont ceux qui meurent au Seigneur, car ils se reposent de leurs œuvres ». De leurs œuvres, c’est vrai, mais aussi de leurs luttes et de leurs tentations.



  1. Voir une autre traduction.
  2. Le lecteur aura sans doute remarqué que, dans le passage ci-dessus, l’écrivain inspiré donne à Dieu deux titres différents. Le mot « Éternel » fait ressortir Son caractère miséricordieux, agissant en grâce, vis-à-vis de Son serviteur dans la détresse ; tandis que celui de « Dieu » exprime l’autorité toute-puissante avec laquelle Il retient les capitaines syriens. Il est presque superflu de faire remarquer que cette distinction est toute divine. C’est sous le caractère de l’Éternel qu’Il se révèle au peuple qu’Il a sauvé, supportant sa faiblesse, suppléant à ses besoins ; tandis que comme Dieu, Il tient le cœur des hommes dans Sa main omnipotente et les dirige selon Sa volonté. Une personne inconvertie parle généralement de Dieu et non de l’Éternel, car il lui semble, sans qu’elle s’en rende bien compte à elle-même, qu’Il exerce Sa puissance à distance et qu’il n’existe pas entre elle et Lui de relation intime. Josaphat connaissait Celui qui lui venait en aide, alors que les capitaines syriens ne savaient pas qui les avait forcés à s’éloigner de lui.
  3. L’orgueilleux roi des Assyriens était aux portes de Jérusalem avec une immense armée jusque-là victorieuse, et il aurait été urgent qu’Ézéchias, ayant revêtu son armure, ceint son épée et monté sur son chariot, se plaçât à la tête de son armée ; mais non, Ézéchias était différent, en cela, de la plupart des rois et des capitaines ; il avait trouvé une place forte, ignorée de Sankhérib, découvert un champ de bataille où il pouvait vaincre sans coup férir. Or, voici l’armure dont il s’était recouvert. « Et il arriva que sitôt que le roi Ézéchias eut entendu cela, il déchira ses vêtements et se couvrit d’un sac, et il entra dans la maison de l’Éternel ». Voilà les armes avec lesquelles il allait lutter contre le roi d’Assyrie ! Quels étranges moyens de défense ! Mais ce sont ceux du sanctuaire. Qu’aurait dit Sankhérib s’il avait vu ce à quoi son adversaire avait recours pour pouvoir lui résister ? Jamais il n’avait eu à faire à un homme qui, au lieu d’endosser sa cuirasse, se couvrait d’un sac et qui, au lieu de conduire son chariot sur les champs de bataille, se rendait au temple pour y tomber à genoux. Aux yeux du roi des Assyriens, cela aurait paru une étrange façon de guerroyer.  »Où, dit-il, sont les rois de Hamath, d’Arpad, et autres ? ». Ceux-là, il les avait affrontés à sa manière, comme il le faisait toujours, mais jamais un antagoniste tel qu’Ézéchias ne s’était présenté à lui. En réalité, le fait seul d’avoir conscience de sa propre faiblesse et la certitude qu’il avait de ce qu’« un bras de chair » était impuissant pour le délivrer, donnèrent à Ézéchias le courage et la confiance nécessaire pour la lutte. Il croyait que Jéhovah ferait tout, lui rien, et c’était son secret. Il le prouve en déployant la lettre de Sankhérib devant l’Éternel. Animé par la foi, Ézéchias se retire, pour ainsi dire, et laisse à Jéhovah le soin de combattre à sa place. Ce n’est plus lui dont il est question, il se déclare incapable et abandonne sa cause à Celui qui seul peut la prendre en main. C’est pourquoi il se revêt d’un sac, signe d’incapacité complète. Il montre par là qu’il sent son impuissance absolue. Il dit au Seigneur que Sankhérib a blasphémé Son nom et il en appelle à Lui pour qu’Il prenne Sa propre cause en main, étant certain qu’en L’implorant ainsi, Dieu délivrera Son peuple. Représentez-vous cette merveilleuse scène, transportez-vous dans le sanctuaire et considérez-y ce pauvre homme faible, solitaire, à genoux, se répandant en supplications devant Celui qui habite entre les chérubins ; pas de préparatifs de guerre, pas de revues de troupes ; les anciens d’entre les sacrificateurs, couverts de sacs, passent et repassent en allant du roi au prophète Ésaïe ; tout indique la faiblesse, l’abaissement. D’autre part, il y a là, aux portes, un puissant conquérant conduisant une nombreuse armée avide de butin. Sûrement, à vue humaine, il n’y a plus d’espoir pour Ézéchias ni pour Jérusalem ; Sankhérib et ses fiers guerriers vont, en un clin d’œil, engloutir cette pauvre petite troupe. D’abord Sankhérib, dans sa déclaration de guerre, s’était placé sur le même terrain qu’Ézéchias (És. 36, 4-7). Les réponses qu’Ézéchias avait faites, il les lui reproche, croyant lui enlever le sentiment de confiance qui résulte du devoir accompli, puis il ajoute : « Et maintenant, suis-je monté sans l’ordre de l’Éternel contre ce pays-ci pour le détruire ? L’Éternel m’a dit : Monte contre ce pays-là et le détruit ». Voilà qui était mettre la foi d’Ézéchias à l’épreuve ! Il faut qu’elle passe par la fournaise ; il ne suffit pas de dire que nous avons confiance en l’Éternel, il nous faut prouver que nous l’avons en réalité, et cela lorsque tout, en apparence, est contre nous. Comment Ézéchias accueille-t-il ces paroles orgueilleuses ? Eh bien ! avec la calme dignité de la foi : « ils se turent et ne répondirent pas un mot, car le roi avait donné cet ordre : vous ne lui répondrez rien ». Tel fut le maintien du roi aux yeux du peuple ou plutôt, tels sont le calme, l’empire sur soi-même, la dignité que donne la foi en présence des hommes, tandis que devant Dieu, celui qui la possède sent toute sa petitesse, tout son abaissement. L’homme de foi peut dire à son prochain : « Arrêtez-vous et voyez la délivrance de l’Éternel », et en même temps, tout en regardant au Seigneur, jeter un cri qui exprime toute son impuissance (voyez Ex. 14, 13-15). Il en fut de même du roi de Juda dans ce moment terrible, dans cette crise décisive. Écoutez-le lorsque, dans la retraite du sanctuaire, seul avec Dieu, il se répand en supplications et dit son angoisse à Celui dont l’oreille est prompte à écouter et qui est prêt à secourir (És. 37, 15-20).