Messager Évangélique:Le songe de Nebucadnetsar

De mipe
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Lisez Daniel 2

Avant d’entrer dans le sujet qui va nous occuper, nous voudrions d’abord répondre en quelques mots à une objection trop souvent répétée contre l’étude de la prophétie. On dit : Laissez là ces mystères ; occupez-vous de choses plus importantes ; travaillez à votre salut, à votre sanctification, au service de Dieu dans ce monde… ; et on croit appuyer ces paroles de l’autorité des Écritures, en ajoutant : « Les choses secrètes sont pour Dieu » (Deut. 29, 29).

Oui, certainement, les choses secrètes sont pour Dieu ; elles lui appartiennent à Lui seul ; — aussi n’est-ce pas à l’étude des choses secrètes que nous vous invitons : ce dont nous voulons vous entretenir ici, n’est pas secret ou caché — c’est une révélation. Une chose révélée n’est pas un secret, ou plutôt n’est plus un secret, car révéler, c’est faire connaître ou expliquer des choses jusqu’alors cachées, ainsi que cela nous est dit emphatiquement dans le chapitre que nous avons sous les yeux : « Mais il y a un Dieu aux cieux qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nebucadnetsar ce qui doit arriver aux derniers temps. Ton songe et les visions de ta tête sur ton lit sont telles… » (v. 28) et encore aux versets 29 et 30 : « Tes pensées, ô roi, te sont montées dans ton lit touchant ce qui arriverait ci-après ; et celui qui révèle les secrets, t’a révélé ce qui devait arriver. Et ce secret m’a été révélé, non point par quelque sagesse qui soit en moi plus qu’en aucun des vivants, mais afin de donner l’interprétation au roi, et afin que tu connaisses les pensées de ton cœur ».

Recherchez d’ailleurs la portion de l’Écriture où se trouve cette expression : « les choses secrètes sont pour Dieu », et vous reconnaîtrez que Dieu, au lieu de vouloir nous détourner de l’étude de la prophétie, déclare au contraire, que si les choses secrètes sont pour Lui, les choses révélées sont pour nous et nos enfants à jamais. Il y a des choses secrètes qu’il ne nous appartient pas de connaître, et que le Dieu de gloire s’est réservées pour Lui-même ; — mais dans les richesses de Sa grâce, ce même Dieu nous a révélé les choses dont nous devons avoir l’intelligence et dont Il veut nous faire jouir selon les desseins de Sa sagesse. Ces choses, Il a voulu qu’elles fussent écrites dans Sa Parole « pour nous et nos enfants à jamais », et elles ne sont plus secrètes : elles sont révélées. Dieu porte notre attention sur elles, Il nous donne les secours de Son Esprit pour les étudier et déclare bienheureux celui qui garde les paroles de la prophétie[1]. Puissions-nous donc être enseignés pour comprendre les détails du songe ou de la vision dont nous allons nous occuper.

« Tu contemplais, ô roi ! — et voici, une grande statue ; — et cette grande statue, dont la splendeur était excellente, était debout devant toi — et elle était terrible à voir. La tête de cette statue était d’un or très fin ; — sa poitrine et ses bras, d’argent ; — son ventre et ses hanches, d’airain ; — ses jambes, de fer, et ses pieds, en partie de fer et en partie de terre. — Tu contemplais jusqu’à ce qu’une pierre fut coupée sans main, laquelle frappa la statue en ses pieds de fer et de terre, et les brisa. — Alors furent brisés ensemble le fer, la terre, l’airain, l’argent et l’or, et ils devinrent comme la paille de l’aire d’été que le vent transporte çà et là ; et il ne fut plus trouvé de lieu pour eux ; mais cette pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne et remplit toute la terre. — C’est là le songe » (v. 31-36).

Cherchons d’abord à graver dans notre pensée les traits principaux de cette grande image de la vision de Nebucadnetsar : l’esquisse que nous en donne ici le Saint Esprit est parfaitement simple.

Nebucadnetsar a vu une grande image comme une figure humaine : rien n’y manque depuis la tête, la poitrine, les bras, le ventre et les hanches, jusqu’aux jambes, aux pieds et aux orteils. La splendeur de l’ensemble était excellente et d’une majesté terrible. Mais cette figure n’était pas composée d’une seule matière : il y avait en elle quatre parties distinctes, formées chacune d’un métal différent, et dans la dernière il y avait encore un mélange de terre. La tête était d’or ; la poitrine et les bras, d’argent ; le ventre et les hanches, d’airain ; les jambes, de fer, et les pieds, en partie de fer et en partie de terre de potier. — Ensuite une pierre arrachée sans main d’une montagne frappe l’image en ses pieds, de telle sorte que l’image toute entière est brisée et réduite en poudre que le vent disperse sans qu’il se trouve de lieu pour elle. — Alors la pierre elle-même devient une grande montagne et remplit toute la terre. — « C’est là le songe ».

Le Dieu des cieux, le révélateur des secrets avait ainsi fait connaître au roi Nebucadnetsar ce qui devait arriver au dernier temps (v. 28, 29). Mais quel était donc le sens de cette vision, et quelles étaient ces choses qui devaient arriver ci-après, dans la suite des temps ; ces choses que le Dieu des cieux voulait donner à connaître par le moyen de la grande statue et de la pierre détachée sans mains ?

Les voici, telles que le prophète nous en donne lui-même l’interprétation : « C’est là le songe. — Nous dirons maintenant son interprétation en la présence du roi : Toi, ô roi ! tu es le roi des rois, à qui le Dieu des cieux a donné l’empire, la puissance, la force et la gloire ; et en quelque lieu qu’habitent des enfants des hommes, des bêtes des champs, et des oiseaux des cieux, il les a donnés en ta main, et t’a fait dominer sur eux tous : tu es la tête d’or. Et après toi, il s’élèvera un autre royaume moindre que toi ; et ensuite un autre troisième royaume d’airain qui dominera sur toute la terre. Puis un quatrième royaume aura la force du fer ; ainsi que le fer brise et met en pièces toutes choses… ; oui, comme un fer qui met en pièces, il brisera et pulvérisera le tout » (v. 36-40).

Dieu qui ne nous appelle pas à prédire ou à deviner l’avenir, ne nous abandonne pas non plus à nos propres ressources pour ce qui concerne l’interprétation de la grande vision du roi Nebucadnetsar. Il nous expose Lui-même, par la bouche de Son prophète, le sens de la vision, et éclaire ainsi d’une vive lumière les points les plus importants du songe. Outre ces explications, nous trouverons, dans le livre de Daniel et dans toute l’Écriture, d’autres renseignements relatifs au même sujet et qui nous aideront dans nos recherches. Que le Seigneur nous préserve de nous laisser entraîner au-delà de ce qui est expressément déclaré, même là où nos déductions pourraient paraître les plus plausibles et les plus probables.

Ayant maintenant devant nous la grande image du songe, suivons pas à pas l’interprétation que nous en donne la Parole divine.

1° Le prophète nous parle, en premier lieu, de la tête d’or : « Toi, ô roi ! tu es le roi des rois, à qui le Dieu des cieux a donné l’empire, la puissance, la force et la gloire… tu es la tête d’or » (v. 38).

C’est donc Nebucadnetsar, le roi de Babylone, ou à proprement parler, l’empire babylonien, qui est la tête d’or, car immédiatement après le passage que nous venons de citer, nous lisons : « Et après toi, il s’élèvera un autre royaume moindre que toi ; et ensuite un troisième royaume d’airain qui dominera sur toute la terre ; puis un quatrième royaume aura la force du fer… ». Les quatre métaux, nous le voyons, représentent quatre royaumes, dont le premier est celui de Nebucadnetsar, l’empire babylonien ou chaldéen.

Les « temps des nations » ont ainsi commencé, la puissance est donnée par Dieu à un roi des Gentils, à Nebucadnetsar d’abord, et puis à trois autres royaumes qui doivent s’élever successivement sur la terre « jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis ». L’importance de ce fait quant aux voies de Dieu à l’égard de la terre et du gouvernement de ce monde, est grande à tous égards.

Avant Nebucadnetsar le vainqueur des Juifs, le destructeur de Jérusalem et du temple, c’était la nation juive qui avait reçu de Dieu cette première place au milieu de tous les peuples. « Quand Dieu partagea les nations, quand il sépara les enfants des hommes les uns des autres, il établit les bornes des peuples, selon le nombre des enfants d’Israël » (Deut. 32, 8), et : « Tous les peuples verront que le nom de l’Éternel est réclamé sur toi (Israël), et ils auront peur de toi… » ; « l’Éternel te mettra à la tête et non à la queue, et tu seras seulement dessus, et non point dessous » (Deut. 28, 10, 13). La gloire de Salomon nous présente un accomplissement de ces déclarations : « Ainsi le roi Salomon fut plus grand que tous les rois de la terre, tant en richesse qu’en sagesse ; et tous les habitants de la terre recherchaient de voir la face de Salomon pour entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son cœur ; et chacun d’eux lui apportait son présent… tous les ans » (1 Rois 10, 23, 25). — Dieu avait un peuple et un royaume à Lui sur la terre ; Il avait choisi le peuple juif pour être Son peuple et Jérusalem pour le lieu de Son habitation ; les rois d’Israël étaient établis sur le peuple comme les oints de Jéhovah, ils gouvernaient selon les lois que Lui-même avait proclamées, et Sa présence manifestée dans le temple, au-dessus de l’arche, où était renfermée la loi de Dieu, sanctionnait leur autorité.

Mais les siècles s’étaient succédé, et Israël, comme nation, n’avait fait qu’avancer dans la voie du mal ; ils avaient suivi le train des nations que Jéhovah avait chassées de devant eux, ils avaient dédaigné Ses statuts et Son alliance ; ils avaient roidi leur cou en dépit de tous Ses avertissements ; ils s’étaient fait des simulacres de fonte, avaient planté des bocages et s’étaient prosternés devant toute l’armée des cieux : ils s’étaient vendus pour faire ce qui déplaît à Jéhovah afin de l’irriter (comp. 2 Rois 17, 7 et suivants). C’est pourquoi Dieu les rejeta et les livra entre les mains de leurs ennemis, comme nous le disent en peu de mots les premières lignes du livre de Daniel : « En la troisième année de Jehoïakim, roi de Juda, Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint contre Jérusalem et l’assiégea, et le Seigneur livra en sa main Jehoïakim, roi de Juda… ». Le peuple juif ne devait plus être désormais à la tête des nations sur la terre, ni même être libre et indépendant sous ses propres rois ; le pouvoir suprême sur la terre appartenait désormais aux « nations » : — « les temps des nations » commençaient, ces temps pendant lesquels, jusqu’à ce qu’ils fussent accomplis, Jérusalem devait être foulée par les nations (voyez Luc 21, 24).

Il est essentiel de remarquer ici que si Dieu dépouille Israël, comme peuple, du pouvoir sur la terre, et transfère ce pouvoir aux nations, Dieu cependant ne fait pas des nations Son peuple, ni de leurs rois Ses rois, ni de leur royaume Son royaume ; la gloire de Jéhovah qui a quitté le temple et Jérusalem (Éz. 10, 18-19 ; 11, 23), n’a point été transportée à Babylone ; elle a quitté la terre. À Babylone, là où règne Nebucadnetsar, il n’y a ni gloire de Jéhovah, ni sacrifices au vrai Dieu, ni loi de Jéhovah ; Nebucadnetsar, par un des premiers actes de son pouvoir, établit l’idolâtrie et punit de mort celui qui refuse son culte à l’idole. Cependant quel que soit le caractère profane des empires des nations, quels que soient les traits sous lesquels le prophète nous les présente de nouveau au chapitre 7 en particulier, les empires des nations et leurs rois sont établis de Dieu, et tout homme leur doit, comme tels, obéissance et honneur : celui qui leur résiste résiste à l’ordonnance de Dieu (Rom. 13, 1-7).

Dans la personne de Nebucadnetsar, le roi de Babylone, l’empire des Gentils a commencé ; il est « la tête d’or », comme dit Daniel.

2° Voyons maintenant ce que nous lisons au sujet du second empire qui devait s’élever après celui des Babyloniens ou Chaldéens, cet empire de la poitrine et des bras d’argent.

L’interprétation qui suit l’exposé du songe de Nebucadnetsar, ne nous dit rien de ce second empire, si ce n’est ceci : « Après toi, il s’élèvera un autre royaume moindre que le tien » (v. 39) ; mais au chapitre 5, nous trouvons d’autres renseignements. Nebucadnetsar avait été remplacé dans sa charge royale par son fils ou petit-fils, Belshatsar. Celui-ci, au milieu d’une fête et de scènes de débauche, dans lesquelles il avait profané les vases sacrés du temple de Jérusalem, vit une main mystérieuse tracer sur la muraille, ces mots : Mené, Mené, Thekel, Upharsin, qui furent interprétés par Daniel comme suit : « Mené, Dieu a calculé ton règne et y met fin ; Thekel, tu as été pesé à la balance et tu as été trouvé léger ; Pérès, ton empire sera divisé et donné aux Mèdes et aux Perses » (chap. 5, 25 et suivants). Et il arriva ainsi : « En cette même nuit, Belshatsar, roi de Chaldée, fut tué, et Darius, le Mède, prit le royaume » (chap. 5, 30, 31).

Voilà l’explication de la seconde partie de la statue : le royaume d’argent, c’est l’empire médo-perse qui allait succéder à l’empire babylonien. Mais ce second royaume devait être inférieur au premier, comme l’argent est inférieur à l’or — « un autre royaume moindre que le tien » (v. 39) ; — et cette déclaration prophétique s’accomplit par ce fait, entre autres, que le monarque médo-perse était soumis aux lois des Mèdes et des Perses. Nous lisons au chapitre 6, 12 : « La chose est arrêtée d’après la loi des Mèdes et des Perses qui est irrévocable », et un peu plus loin (v. 15) : « la loi des Mèdes et des Perses est que tout décret et toute ordonnance que le roi aura établi, ne se doit point changer »[2]. La puissance des rois médo-perses était ainsi amoindrie et inférieure à celle que possédait Nebucadnetsar personnellement.

3° La troisième partie de la statue comprenait le ventre et les hanches ; elle était d’airain ; et le prophète nous dit dans son interprétation : « Et ensuite un autre troisième royaume, qui sera d’airain, lequel dominera sur toute la terre » (v. 39). Le chapitre 8 nous donne plus de détails encore sur ce royaume : « Et j’élevai mes yeux et regardai ; et voici, un bélier se tenait devant le fleuve et il avait deux cornes… ; et je vis ce bélier heurtant des cornes contre l’occident, et contre l’aquilon, et contre le midi ; et aucune bête ne pouvait subsister devant lui, et il n’y avait personne qui pût délivrer de sa main, mais il agissait selon sa volonté et se portait avec fierté. Et je regardais, et voici, un bouc venait de l’occident sur le dessus de toute la terre, sans toucher la terre ; et ce bouc avait entre les yeux une corne qui paraissait beaucoup, et il vint jusqu’au bélier qui avait deux cornes, lequel j’avais vu se tenant devant le fleuve ; et il courut contre lui dans toute sa fureur ; et je le vis comme il s’approchait du bélier ; et s’irritant contre lui, il heurta le bélier et brisa ses deux cornes ; et le bélier n’avait aucune force pour tenir ferme contre lui ; et il le jeta par terre et le foula, et nul ne pouvait délivrer le bélier de sa puissance » (chap. 8, 1 et suiv.). Puis aux versets 20 et 21 nous lisons : « le bélier que tu as vu, qui avait deux cornes, ce sont les rois des Mèdes et des Perses, et le bouc velu, c’est un roi de Javan (Grèce) ; et la grande corne entre ses yeux, c’est le premier roi ».

Le troisième empire nous est ainsi bien clairement désigné : l’empire d’airain, c’est l’empire grec, le troisième royaume qui devait avoir domination sur toute la terre et qui devait s’élever après celui des Mèdes et des Perses.

4° La Parole nous a fourni, comme nous venons de le voir, tous les renseignements nécessaires, pour nous faire connaître quels sont les trois premiers empires qui devaient se succéder selon la révélation de Dieu : les royaumes des Babyloniens ou Chaldéens, des Médo-Perses et des Grecs ont passé devant nous. C’est dans l’Écriture encore que nous allons rechercher les détails qui nous sont donnés sur le quatrième et dernier des royaumes des nations.

Le Seigneur, dans un passage auquel nous avons déjà fait allusion, déclare que Jérusalem sera foulée par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis (Luc 21, 24), et le caractère constant des empires des nations, en effet, à commencer par Nebucadnetsar, c’est qu’ils dominent sur Jérusalem. D’après la déclaration du Seigneur Lui-même, « les temps des nations » n’étaient point encore accomplis au moment où Il parlait, et les Romains étaient les maîtres de la Judée. Nous trouvons dans l’évangile de Luc, qu’« en ces jours-là un décret fut rendu de la part de César-Auguste, portant que tout le monde fut enregistré » (Luc 2, 1), et devant Pilate les principaux sacrificateurs déclarent eux-mêmes qu’ils n’ont « point d’autre roi que César ». Or César était l’empereur romain.

C’est donc l’empire romain qui est le quatrième royaume, le royaume de fer. Et si un doute pouvait subsister à cet égard, voyons ce que Daniel nous raconte de cet empire. Après avoir dit dans la description de la statue, que « ses jambes étaient de fer et ses pieds en partie de fer et en partie de terre », le prophète ajoute dans l’interprétation : « puis un quatrième royaume aura la force du fer, ainsi que le fer brise et met en pièces toutes choses ; oui, comme le fer qui met en pièces, il brisera tout… » (v. 40). Fort comme le fer, voilà pour la puissance, pour la force de ce royaume ; et comme le fer brise et met en pièces toutes choses,… voilà pour le caractère subjuguant et destructeur de l’empire. Le fer ne représente-t-il pas la force, la sévérité, l’inflexibilité ? N’était-ce pas là le caractère de l’empire romain ? Ne parle-t-on pas encore aujourd’hui du joug de fer des Romains ? de leurs lois de fer ?

Mais la Parole ajoute : « Et quant à ce que tu as vu que les pieds et les orteils étaient en partie de terre à potier, et en partie de fer, c’est que le royaume sera divisé » (v. 41). Le royaume devait donc être un royaume qui serait divisé, et qui devait être divisé avant même que la pierre ne vînt le frapper et le réduire à néant : l’état de morcellement devait durer ; les matériaux devaient être séparés et pourtant parties intégrantes de ce qui composait une fois le tout. N’est-ce pas là ce qui est advenu de l’empire romain ? L’empire d’Orient, les pays qui portent maintenant les noms de France, d’Espagne, d’Allemagne, d’Italie, d’autres encore ne sont-ils pas les fragments de cet immense territoire qui subissait les lois de Rome ? C’est ainsi que le royaume fut divisé.

Il y a plus de détails encore : « Et il y aura en lui de la force du fer, selon que tu as vu le fer mêlé à de la terre de potier ; et ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie de terre, c’est que ce royaume sera en partie fort et en partie faible ; mais ce que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier, c’est qu’ils se mêleront par semence humaine ; mais ils ne se joindront point entre eux, ainsi que le fer ne s’allie pas avec la terre » (v. 41-43). Le fer et l’argile sont là, mais ces deux éléments, bien que mélangés ensemble « par semence humaine », par la masse des peuples et des générations des hommes, ne se joindront point réellement et d’une manière définitive : « car le fer ne s’allie pas à la terre ». On peut combiner et mélanger différemment ces deux éléments, le pouvoir d’un seul, le pouvoir qui vient d’en haut, et la masse du peuple et sa puissance, mais ces éléments n’en demeurent pas moins toujours distincts. Malgré toutes les tentatives qui ont été faites, les parties divisées de l’empire romain sont restées désunies, le royaume est resté et doit rester en partie fort et en partie faible ; l’argile est interposée au milieu du fer dont elle ébranle la cohésion et la force : les intérêts divers et opposés des diverses classes de la société, en concourant ensemble à l’exercice du pouvoir, en minent le prestige et la puissance ; s’ils peuvent se mélanger diversement « par semence humaine », ils ne peuvent se joindre d’une manière réelle et définitive. — L’empire présente alors ce singulier caractère exprimé dans l’Apocalypse : « La bête qui était n’est plus, et toutefois… elle est » (Apoc. 17, 8).

5° Après avoir rappelé à Nebucadnetsar la grande image qu’il avait vue, le prophète continue ainsi : « Et tu contemplais, jusqu’à ce qu’une pierre fut coupée sans main, laquelle frappa la statue en ses pieds de fer et de terre, et les brisa » (v. 34).

Les quatre monarchies des nations ont passé devant nous, l’or, l’argent, l’airain, le fer ; nous sommes arrivés aux jours du mélange de fer et de terre, et soudain la pierre tombe, frappant la statue en ses pieds de fer et de terre. Le grand événement au-devant duquel le monde s’avance, c’est l’intervention de la pierre : « Et au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la souveraineté ne sera donnée à aucun autre peuple, mais il pulvérisera et anéantira tous ces royaumes ; mais lui-même subsistera éternellement, selon que tu as vu que de la montagne une pierre a été coupée sans mains, et qu’elle a mis en pièces le fer, l’airain, la terre, l’argent et l’or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui arrivera ci-après ; et le songe est véritable et son interprétation est sûre » (v. 44, 45). La pierre vient frapper la statue, en ses pieds de fer et de terre, et réduit tout en poudre ; lancée avec indignation du trône de la Majesté qui est dans les cieux, elle tombera sur les extrémités de cette grande et terrible image, et elle réduira en poudre celui sur qui elle tombera.

La signification de cette partie de la vision est toute simple ; mais à combien d’interprétations erronées n’a-t-elle pas donné lieu ! N’entend-on pas souvent parler de la pierre qui tombe, comme de l’évangile qui progresse jusqu’à ce qu’il remplisse toute la terre ? N’a-t-on pas supposé encore, que le coup porté avait commencé par le don du Saint Esprit le jour de la Pentecôte, que la pierre croissait aux dépens du métal de la statue, s’incorporant ainsi la substance de celle-ci jusqu’à ce que le métal tout entier, devenu partie intégrante de la pierre, celle-ci remplisse toute la terre ? Mais quel rapport y a-t-il entre de pareilles interprétations et la prophétie elle-même ? Croit-on réellement que la pierre destructrice puisse représenter l’évangile de grâce et de paix ? — son action, celle de la patience et de la foi des saints ? — la réduction en poudre de la statue, sa transformation en pierre ? La Parole de Dieu est claire sur tous ces points : écoutons ses déclarations.

Et d’abord, quant à l’époque à laquelle la pierre doit frapper la statue, que nous est-il dit ? — La pierre doit tomber sur les pieds de fer et de terre : non point sur les jambes de fer qui représentent l’empire romain au moment de sa force et de sa puissance, mais « en ses pieds de fer et de terre » (v. 34), c’est-à-dire sur le royaume divisé, en partie fort et en partie fragile. Puis quand la pierre tombe, nous voyons qu’elle brise et réduit en poudre la statue et tous ses royaumes, et qu’il n’est plus trouvé de lieu pour eux. C’est donc évidemment d’un jugement qu’il s’agit ici, non point d’une conversion et d’une vie d’entre les morts ; — et d’un jugement qui, au lieu de venir au monde comme l’évangile, lorsque l’empire romain était à l’apogée de son union et de sa puissance, tombe sur l’empire au temps des dix rois (v. 44), sur les pieds de fer et de terre, quand l’empire est divisé, en partie fort et en partie fragile.

La pierre peut-elle davantage, comme on l’a dit, grandir aux dépens de la statue par une absorption du métal de celle-ci, ce métal ayant entièrement disparu avant que la pierre commence à croître ? La Parole nous montre que la pierre prend la place de la statue, mais elle ne dit nulle part qu’elle doive être composée ou augmentée des matériaux de celle-ci, que le vent, au contraire, prit et dispersa au loin, tellement qu’« il ne fut plus trouvé de lieu pour eux » (v. 35).

Qu’est-ce donc que « la pierre coupée sans main », et quelle est son action sur la statue ?

Ceux qui connaissent un peu les Écritures savent que, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament, il est plus d’une fois parlé de Christ comme d’une pierre. Ainsi dans la Genèse : « Il l’a fait être le pasteur et la pierre d’Israël » (Gen. 49, 25) ; et dans les Psaumes : « La pierre que ceux qui bâtissaient avaient rejetée, est devenue la principale pierre du coin » (Ps. 118, 22), et puis encore dans Ésaïe : « Voici, je mettrai pour fondement une pierre en Sion, une pierre éprouvée, la pierre de l’angle, précieuse, pour être un fondement solide » (És. 28, 16). Ces passages sont cités par les apôtres, par le Seigneur Lui-même comme se rapportant à Lui (voyez Matt. 21, 42-44 ; Act. 4, 11 ; Rom. 9, 33 ; Éph. 2, 20).

« N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : la pierre que ceux qui bâtissent, ont rejetée, est devenue la maîtresse pierre du coin : celle-ci est de par le Seigneur, et est admirable devant nos yeux ?… Et celui qui tombera sur cette pierre sera brisé, et celui sur qui elle tombera, elle le broiera » (Matt. 21, 42-44). Les Juifs tombèrent sur la pierre ; elle fut pour eux une pierre d’achoppement et de chute ; ils bronchèrent contre elle, et furent brisés ; mais elle tombera sur « les nations » et les réduira en poudre. C’est une chose merveilleuse et solennelle : Jésus est la pierre. À Sa première venue, Il est une pierre de fondement à ceux qui croient et une pierre d’achoppement à l’incrédulité (1 Pier. 2, 6-8) ; mais à Sa seconde venue en gloire et en puissance, Il est une pierre qui tombe et réduit en poudre tout ce qui se trouve sous elle. Jésus, seul vrai fondement de la foi et de l’espérance, est une pierre solide, admirable devant les yeux de ceux qui croient, une pierre éprouvée qui résistera aux vents et à la tempête, un sûr fondement : la maison bâtie dessus ne tombera jamais, car elle est bâtie sur le roc. Christ, le rocher éternel, voit les vagues de ce monde et ses tempêtes se heurter et jaillir en vain à Ses pieds ; Il s’élève bien au-dessus d’elles, et elles se brisent à sa base : « quiconque tombera sur cette pierre sera brisé » ; — mais celui qui bâtit sur ce roc « ne sera jamais ébranlé ». Aucune vague n’a balayé jamais ce rocher-là, si ce n’est lorsque Lui, Jésus, a porté nos péchés ; alors le Saint Esprit dit de Lui : « Un flot appelle un autre flot au son de ses cataractes ; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi » (Ps. 42, 7). Mais Il a ôté nos péchés, par le sacrifice de Lui-même, et le Fils du Dieu vivant est un sûr rocher : Celui qui croit, dit Ésaïe à la suite du passage que nous avons cité à l’égard de la pierre, ne se hâtera point ; tous s’enfuiront, mais lui ne sera ni troublé, ni épouvanté, il ne craindra aucun mal. Le méchant fuit, même quand personne ne le poursuit ; mais celui qui croit, gardé dans la paix, demeure debout et subsiste jusqu’à la fin ; « il ne se hâtera point ».

À Sa seconde venue, car Il reviendra d’en haut où Il est monté, Jésus Christ, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, apparaîtra sur les nuées du ciel pour juger les nations de la terre et « il les mettra en pièces comme un vase de potier ». « Sur quiconque cette pierre tombera, elle le réduira en poudre ». « Tu contemplais jusqu’à ce qu’une pierre fut coupée sans main, laquelle frappa l’image en ses pieds qui étaient de fer et d’argile, et elle les brisa : alors furent brisés ensemble le fer, la terre, l’airain, l’argent et l’or et ils devinrent comme la paille de l’aire d’été que le vent transporte çà et là ; et il ne fut plus trouvé aucun lieu pour eux » (v. 34-35). La pierre, comme la foudre, frappe l’image en ses pieds, le royaume de fer, et dans la dernière période de l’existence de celui-ci, quand il est divisé et en partie fort et en partie fragile.

Ainsi se termine l’existence de la quatrième monarchie, et sont accomplis les temps des nations. « Dans les jours de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, dont la souveraineté ne sera donnée à aucun autre peuple (comme cela avait eu lieu pour les royaumes précédents, dont l’un avait succédé à l’autre) ; mais il pulvérisera et anéantira tous ces royaumes, mais lui-même subsistera éternellement, selon ce que tu as vu que de la montagne une pierre a été coupée sans mains » (v. 44, 45). « La pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne qui remplit toute la terre » (v. 35).

Ce royaume qui est ainsi établi, c’est le royaume du ciel, non plus de la foi seulement, mais un royaume visible à tous les yeux, extérieur, et actuel : le Dieu du ciel doit le fonder ; il n’est pas encore venu, mais quand les temps des nations seront accomplis, alors Dieu replacera Son trône à Jérusalem et rétablira Son peuple d’Israël ; et le monde lui-même verra le Fils de l’homme venant dans son royaume ; en personne Il s’en est allé, en personne Il reviendra, car de la même manière qu’Il a été vu allant en haut, de la même manière Il doit revenir (Act. 1, 11). « Et l’Éternel sera roi sur toute la terre ». « Le grand Dieu a fait savoir au roi ce qui se passera ci-après, et le songe est certain, et son interprétation sûre » (v. 45).




  1. Comp. Dan. 9, 2 ; 1 Pier. 1, 10-12 ; 2 Pier. 1, 19-21 ; Apoc. 1, 3.
  2. Voyez aussi le verset 8 de ce même chapitre ; et comparez le chapitre 3 du livre d’Esther, où la puissance de la noblesse médo-perse se montre bien visiblement.