Traité:Comment Dieu répond aux prières

De mipe
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H. Rossier

A. Il y a longtemps, mon cher ami, que je vous vois assister à nos réunions d’évangélisation. Votre assiduité me semble prouver que vous avez un réel désir de trouver le salut et la paix.

B. Certainement ; mais je commence à désespérer de les trouver jamais. Voici des années que je prie Dieu de me les donner et Il ne me répond pas.

A. Permettez-moi de vous lire ce passage : « Demandez et il vous sera donné ; cherchez et vous trouverez ; heurtez et il vous sera ouvert ; car quiconque demande reçoit, et celui qui cherche trouve, et à celui qui heurte il sera ouvert » (Matt. 7, 7-8). Croyez-vous réellement cette parole ?

B. Je la crois, mais, comme je vous l’ai dit, j’arrive enfin à en douter, puisque, depuis si longtemps, j’ai demandé le salut sans le recevoir.

A. Ce que vous venez de dire, cher ami, devrait vous convaincre que vous ne croyez pas à la Parole de Dieu. Dieu a dit : « Quiconque demande reçoit » et vous dites : « Je demande et je ne reçois pas ». Sans vous en douter, assurément, vous faites Dieu menteur. Ne devriez-vous pas vous demander si, peut-être, quand vos prières restent sans réponse, la cause n’est pas en vous-mêmes et dans la manière dont vous priez ? Eh bien ! la vérité est que l’échec que vous éprouvez provient de vous et non pas de Dieu. Vous ne priez pas par la foi. « Or tout ce qui n’est pas sur le principe de la foi est péché » (Rom. 14, 23). Les demandes que vous adressez à Dieu autrement que par la foi, c’est-à-dire en doutant de Sa Parole, sont péché, d’après cette même Parole. Est-ce donc le péché que vous pensez présenter à Dieu pour qu’Il vous réponde ? Ne comprenez-vous pas que c’est dans votre propre cœur que gît l’obstacle et non pas dans le cœur de Dieu, quand vous vous adressez à Lui ?

B. Que me faut-il donc faire ? Vous me plongez dans de nouvelles incertitudes.

A. Il vous faut croire simplement ce que Dieu vous dit. Il ne vous a jamais commandé de prier pour être sauvé, mais de croire. La prière selon Dieu ne précède par la foi, mais l’accompagne : elle n’a aucune valeur si elle n’est pas une prière de foi. C’est pourquoi Jésus dit : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez et il vous sera fait » (Marc 11, 24). Et Jacques dit encore : « Qu’il demande avec foi, ne doutant nullement… » et, s’il en est autrement, « que cet homme-là ne pense pas qu’il recevra quoi que ce soit du Seigneur » (Jacq. 1, 6-7). C’est certainement là ce qui vous manque. Le diable a toute sorte de conseils subtils à vous donner ; il voudrait vous persuader qu’il vous faut prier pour croire, tandis que Dieu nous dit qu’il faut croire pour prier. Vous avez déjà fait l’expérience que la première alternative vous mène tout simplement à l’incrédulité au sujet de la Parole de Dieu.

B. Je comprends ce que vous me dites, mais alors, comment faire pour croire ? J’ai beau m’efforcer de croire, je n’y arrive pas.

A. Ici encore, mon ami, vous commettez une grave erreur. Dieu ne vous a pas dit de vous efforcer de croire. C’est Lui qui cherche à gagner votre confiance en vous révélant dans Sa Parole ce qu’Il a fait pour vous. Cette confiance est précisément la foi, « la foi qui vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend par la parole de Dieu » (Rom. 10, 17). Pourquoi donc ne croyez-vous pas ? Pourquoi, car cela revient au même, n’avez-vous pas confiance en ce que Dieu vous dit ? C’est ici que se montre l’état désespéré de votre cœur. Vous ne pouvez pas croire, parce que, sans le savoir, vous ne voulez pas croire. Votre cœur naturel a une volonté qui s’élève contre celle de Dieu et ne peut se soumettre à ce que Dieu vous dit (Rom. 8, 7). En présence de ce misérable état, et si vous en réalisez l’horreur, que vous reste-t-il à faire, sinon de vous écrier : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera ? » (Rom. 7, 24) ? C’est ce cri que, depuis de longues années Dieu attend de vous, ce cri de la foi qui sera votre salut. Du moment que votre conscience sera atteinte, un besoin pressant s’emparera de votre cœur : Vous crierez, c’est-à-dire que vous prierez. Jusqu’ici vous avez eu confiance dans vos efforts : le moment vient où vous saurez que Dieu seul peut vous délivrer, et cette assurance n’est pas autre chose que la foi, au cri de laquelle Dieu répond toujours par le salut et la délivrance.

B. Hélas ! quand je m’interroge, je trouve, je vous l’assure, que ce besoin existe chez moi, mais à peine puis-je le distinguer maintenant, tant il est faible et incomplet. Dieu voudra-t-Il répondre à ce qui se dessine à peine dans mon cœur, à des prières mêlées de tant de doutes et d’incrédulité ?

A. Combien je suis heureux de vous entendre parler ainsi !

B. Heureux ! Ne devriez-vous pas plutôt pleurer et gémir sur l’état de mon âme ?

A. Je ne le peux, car ce que vous venez d’exprimer est précisément la foi dont je vous parle, une foi très petite, à n’en pas douter, une foi comme celle du lépreux qui croyait à la puissance de Jésus et doutait de Son amour : « Si tu veux tu peux me rendre net » ― une foi comme celle du père de l’enfant lunatique qui croyait à l’amour du Sauveur et doutait de Sa puissance : « Si tu peux quelque chose, assiste-nous, étant ému de compassion » (Matt. 8, 2 ; Marc 9, 22). Mais, dites-moi si jamais le Seigneur a repoussé la demande faite avec la plus petite foi possible ? Bien loin de là, Il lui accorde les mêmes privilèges qu’à la plus grande. Toujours, comme dans les deux cas que je vous ai cités, la guérison complète, le pardon des péchés, le salut en ont été la suite ; non pas un salut proportionné au degré de foi, mais un salut complet accordé au plus petit signe de confiance du pécheur dans le Sauveur.

B. Ô cher ami ! la lumière commence à se faire ! Oui, comme ce père, au pied de la montagne, je puis m’écrier avec larmes : « Je crois, Seigneur ; viens en aide à mon incrédulité ! ». Je vois que je ne puis compter ni sur ma volonté, ni sur mes efforts, ni même sur mes désirs, mais que je puis compter sur Son amour et sur Sa puissance pour me sauver.

A. Vous venez, mon ami, de prononcer la prière de la foi. Vous avez trouvé le Sauveur !

Un an après

A. Soyez le bienvenu, cher frère ! Voici une année que je ne vous ai vu, depuis l’heureux jour où vous avez trouvé la paix avec Dieu.

B. Vous vous étonnerez peut-être d’apprendre que ce qui m’amène est le même sujet dont nous parlions ensemble il y a un an. J’ai, en effet, trouvé la paix avec Dieu et je jouis beaucoup de Sa grâce, mais, au sujet de la prière de la foi, je suis souvent préoccupé de ce que la réalité semble être en contradiction avec la Parole de Dieu. Permettez-moi de vous présenter ma difficulté en quelques mots. Je suis bien certain qu’une prière chrétienne, digne de ce nom, doit toujours avoir lieu par le Saint Esprit (Jude 20), et par la foi, et que cela devrait toujours caractériser nos entretiens avec Dieu quand nous nous approchons de Lui, mais…

A. Souffrez, cher ami, que je vous interrompe avant d’aller plus loin. Il me semble que votre pensée sur la prière des enfants de Dieu est quelque peu restreinte et pourrait entraver la liberté de vos entretiens avec Dieu. Ayant été scellé du Saint Esprit, il va sans dire que vos prières doivent porter ce caractère, et, quant à la prière de la foi, vous savez que, lors de votre conversion, elle seule a pu obtenir une réponse. Mais il y a bien des cas où nos requêtes ne sont pas des prières de foi proprement dites, c’est-à-dire des prières faites avec la certitude d’un exaucement. Nous avons pourtant toute liberté de les présenter et nous sommes même exhortés à le faire sans aucune restriction, car il nous est dit : « En toutes choses exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces » (Phil. 4, 6). Nous ne savons, dans ce cas, quel sera leur exaucement, ni même si elles seront exaucées. Ne connaissant pas l’intention de notre Dieu, nous ne pouvons insister auprès de Lui pour qu’Il nous réponde selon nos désirs. Ce n’est donc pas, dans ce sens, une prière de foi, mais plutôt celle d’un enfant qui a pleine liberté d’accès à son père, et, sachant qu’il s’intéresse aux moindres détails de ce qui le touche, vient épancher ses inquiétudes dans son sein ; certain que, s’il y a quelque chose à faire, son père interviendra et que, s’il n’y a rien à faire, la chose reste désormais entièrement entre ses mains, qu’il en prend la responsabilité et ne l’oubliera pas. Le cœur dépend entièrement de Lui et de Son amour ; on ne trouve peut-être aucun exaucement, mais « la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, garde nos cœurs et nos pensées dans le Christ Jésus » (Phil. 4, 7).

B. Je vous remercie de cette rectification que vos paroles apportent à ma pensée, mais ce n’est pas proprement ce qui m’embarrasse. La Parole est aussi affirmative que possible quant à l’exaucement des prières présentées avec foi, tandis que, dans la pratique, je trouve qu’un grand nombre de ces prières ne sont pas exaucées. Comment concilier ce fait avec les déclarations si absolues de la Parole ? Faut-il conclure qu’il y a des limites ? Le passage de Jean 15, 7 me semble montrer qu’il n’y en a aucune : « Vous demanderez ce que vous voudrez et il vous sera fait » ; 1 Jean 5, 15 paraît dire la même chose : « Si nous savons qu’il nous écoute, quoi que ce soit que nous demandions, nous savons que nous avons les choses que nous lui avons demandées ».

A. Votre difficulté vient, me semble-t-il, de la confusion que vous faites entre la prière de la foi et son exaucement. Il n’y a aucune limite quelconque à l’exaucement de la prière de la foi, mais il y a, en effet, certaines restrictions ou plutôt limitations, posées à cette dernière.

Les deux passages que vous citez ne disent pas précisément ce que vous leur faites dire et, si vous les lisez attentivement, vous verrez que s’ils sont absolus quant à l’exaucement, ils posent des conditions quant à la prière de la foi. La première condition est que cette prière n’ait rien à faire avec la volonté de l’homme. Vous comprenez facilement que je ne puisse venir dire à Dieu : « Fais ce que je veux ». Même si ma volonté humaine était parfaite, ce qui est impossible, puisque j’ai le vieil homme en moi, dont la volonté est inimitié contre Lui, je ne pourrais, comme homme dépendant, Lui dire : Fais ma volonté. Le Seigneur Jésus nous en donne le merveilleux exemple en Gethsémané. Homme parfait, Il ne pouvait accepter d’être séparé de Son Dieu et rejeté par Lui, de voir s’interrompre, ne fut-ce qu’un instant, la communion avec Son Père, aussi dit-Il : « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite ». La volonté de Son Père était de donner pour nous Son Fils unique. Lui, soumet, si j’ose parler ainsi, Sa volonté parfaite à cette volonté parfaite ! Jamais nous ne pourrons nous trouver dans une telle position ; car il faut que notre volonté, toujours mauvaise en elle-même, soit obligée de se soumettre à la volonté de notre Père par la puissance de la vie nouvelle que nous possédons et par l’Esprit de notre Dieu.

J’en viens aux passages que vous avez cités. En Jean 15, 7, quand le Seigneur parle de demander ce que nous voudrons, Il met deux conditions à notre prière : d’abord que nous demeurions en Lui, le vrai cep dont nous sommes les sarments sur la terre ; ensuite que Ses paroles, expression de toutes Ses pensées, demeurent en nous. Lorsque ces deux conditions sont remplies, la vieille nature ne pourra avoir aucune place dans nos prières, et ce qui caractérise la chair, c’est-à-dire une volonté opposée à Dieu, sera pratiquement supprimé de nos demandes. Alors, ayant la pensée de Christ, nous ne pourrons vouloir que ce que Dieu veut, et nos prières en seront l’expression.

Vous retrouvez la même pensée quand il est question de « demander en Son nom » (Jean 15, 16 ; 16, 23-26). C’est parce qu’en Son absence Il nous laisse avec le Saint Esprit sur la terre, que nous pouvons présenter nos prières avec le même caractère et de la même manière que Lui quand Il était ici-bas et, de plus, en Son nom, auquel le Père ne refuse rien.

Le deuxième passage que vous avez cité (1 Jean 5, 14-15), est sujet aux mêmes limitations. Il dit : « C’est ici la confiance que nous avons en Lui, que si nous demandons quelque chose selon Sa volonté, il nous écoute ; et si nous savons qu’il nous écoute, quoi que ce soit que nous demandions, nous savons que nous avons les choses que nous lui avons demandées ». L’apôtre suppose ici quelqu’un qui croit au nom du Seigneur et qui possède la vie éternelle (v. 13), car il dit : « Je vous ai écrit ces choses afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu ». Alors il est censé prier de manière à demander toute chose selon Sa volonté. La volonté de l’homme est supprimée pour faire place à celle de Dieu, parce que nous possédons Sa nature. En somme, il nous est toujours recommandé de présenter toutes nos requêtes à Dieu ; et encore de prier avec foi, avec la certitude que nous recevons les choses demandées — mais jamais en comptant que nous serons exaucés si nous mélangeons dans nos prières ces deux choses incompatibles : la foi et notre propre volonté.

B. J’approuve ce que vous dites et j’ai déjà fait en partie ces expériences, mais, après tout, je reste placé sous la crainte de m’approcher de Dieu par la prière, et de Lui faire des demandes qui Lui déplaisent, auxquelles Il devra répondre par un refus ou un silence humiliants, ou par un exaucement plus humiliant encore, qui pourrait devenir pour moi un jugement terrible, car je ne puis me cacher que l’état habituel de mon cœur est un mélange de foi et de propre volonté.

A. Je comprends et j’honore vos scrupules, cher frère, mais ce qui est consolant pour nous tous, c’est que si ce mélange existe dans nos prières, c’est Dieu qui distingue toujours entre la foi et les pensées du cœur, deux choses que, dans notre infirmité, nous sommes peu capables de séparer l’une de l’autre. Pour mon compte, je connais peu de cas qui m’aient prouvé les merveilles de Sa grâce comme ceux où, répondant parfaitement à la prière de la foi, Il refusait de répondre à l’expression de ma volonté que je n’avais pas su en séparer. S’Il avait répondu à cette dernière (et Il aurait pu le faire pour me châtier), j’aurais perdu toutes les bénédictions dont Il avait dessein de me combler. Mais notre Père, le Dieu de miséricorde, ne consent pas à se laisser entraver par notre incrédulité dans Ses conseils de grâce.

Permettez-moi de vous raconter à ce sujet deux faits, dont le second a fait époque dans ma vie. Voici le premier :

Madame C., jeune mère de famille, aimée de tous pour ses charmantes qualités, mais indifférente aux choses de Dieu, quoiqu’elle connût l’évangile, n’avait jamais eu de travail de conscience, ni un vrai désir de connaître le Seigneur. Lors d’une épidémie de fièvre typhoïde elle tomba si gravement malade que, dès le début, les médecins qui la soignèrent jugèrent son cas à peu près désespéré. Un état comateux s’était déclaré ; elle ne reconnaissait personne et ne répondait par aucun signe d’intelligence à ceux qui lui adressaient la parole.

Grand ami de la famille et voyant le danger croître de jour en jour, je ne cessais de demander à Dieu sa guérison. Je me disais : Dans l’état où elle se trouve, cette pauvre jeune amie ne peut entendre le message de la grâce ; il faut que Dieu la ranime pour qu’elle puisse l’écouter et se tourner vers Lui. Il est un Dieu Sauveur : Il ne veut pas qu’aucun pécheur périsse. En Le suppliant de guérir la malade je Lui demande une chose qui est en accord avec Sa volonté : oui, la prière de la foi la sauvera et ses péchés lui seront pardonnés. Il y avait certainement, vous l’avouerez, de la foi dans cette demande, mais vous distinguez, sans doute, la part de propre volonté que contenaient ces raisonnements. Moi, je ne la distinguais pas. Partagé entre mon affection pour la mourante et le désir de sa conversion, je dictais à Dieu, sans m’en douter, le moyen de concilier ces deux choses.

La maladie s’aggravait ; jour et nuit, cependant, je continuais mes supplications. Enfin il n’y eut plus de doute ; l’heure de la mort allait sonner. La dernière nuit je m’offris à veiller la malade. Seul dans la chambre éclairée par une veilleuse, j’étais accablé sous le poids de mes tristes pensées. J’avais prié, par la foi, du fond du cœur, et Dieu n’avait pas répondu ! La mourante, toujours plongée dans le coma, couchée sur le flanc, me tournait le dos. Je compris enfin que je n’avais qu’une seule chose à demander à Dieu. Me mettant à genoux je priai : « Seigneur, révèle-toi à cette âme ! Mon Dieu, ne permets pas qu’elle quitte ce monde sans avoir trouvé ton salut ! Toi seul tu peux faire cette œuvre : tu es tout-puissant pour parler à l’âme de cette mourante, malgré son état d’insensibilité. Ô Dieu ! que le seul nom donné aux hommes, par lequel ils puissent être sauvés, pénètre jusqu’à son cœur, comme une lumière suprême, le nom du Sauveur, le nom de Jésus Christ… ». Comme je venais de prononcer ce nom, car ma prière avait été proférée à voix intelligible, soudain la mourante se retourne, fixe longuement sur mes yeux les siens où brillait la clarté d’une complète intelligence ; un sourire paisible illumine sa face, puis lentement, paisiblement, elle se retourne sur le flanc, et peu de minutes après elle exhalait le dernier soupir… C’est ainsi que Dieu répondit à la prière de la foi, tout en refusant d’exaucer celle de ma propre volonté !

Le second fait est plus remarquable encore :

Le chef d’une riche famille américaine, obligé de retourner pour quelques mois à ses affaires, m’avait confié sa femme, sa belle-sœur et ses trois enfants qu’il chérissait. La dernière surtout, une petite fille de quatre ans, était la joie et l’orgueil de la famille, aussi le père ne manqua-t-il pas, à son départ, de me la recommander tout particulièrement. La mère, sujette à des crises de mélancolie, avait besoin d’être ménagée et mise à l’abri des émotions ; la belle-sœur se contentait de ce que le monde appelle sa religion sans désirer en connaître davantage.

Quatre semaines après le départ du père une double pneumonie infectieuse atteignit la petite fille, idole de sa famille. Toutes les sommités médicales furent appelées. Sept jours s’écoulèrent sans issue favorable. Sept autres longues journées, toujours plus angoissantes, les suivirent. L’arrêt fatal fut prononcé. Dès le premier jour j’épanchais mes angoisses devant Dieu. Le sentiment de ma lourde responsabilité vis-à-vis du père, la crainte du désespoir de la mère, pouvant tourner à la folie, la confiance que l’on m’avait témoignée compromise, tout cela et encore bien d’autres considérations, me poussait à des prières continuelles. Pendant mes longues nuits d’insomnie je criais à Lui : « Vois mes angoisses, mes difficultés ; aie égard au désespoir des parents, aux reproches du père appelé trop tard. Au nom de Jésus, guéris cette enfant ! Tu ne refuses rien à ce nom par lequel je t’invoque ! ». Et toujours se renouvelaient mes plaintes et mes supplications.

La pauvre mère était profondément accablée et passait ses journées dans les larmes. Le quinzième jour je lui proposai de prier auprès du lit de l’enfant. Nous nous agenouillâmes. Sans aucune hésitation je demandai au Seigneur de faire ce miracle, de rendre cette enfant à ses parents, afin que, voyant Son amour et Sa puissance, ils crussent en Lui et Lui donnassent leur cœur. La mère sanglotait, répétant les paroles de cette instante prière. La nuit était très avancée quand je la quittai.

De bonne heure je me rendis auprès de l’enfant. Quelle ne fut pas ma joie — je ne dirai pas ma surprise — de la trouver assise dans son lit, jouant avec sa poupée. Elle m’accueillit d’un bon sourire, demanda à déjeuner et mangea de grand appétit. La fièvre extrême jusque-là avait complètement disparu.

« Dieu a fait ce miracle », dis-je à la mère toute heureuse et reconnaissante de ce brusque changement. Je me retirai le cœur rempli d’actions de grâces.

Dans la soirée une voiture vint me chercher en toute hâte, l’endroit étant assez éloigné de la ville. Dès mon entrée dans la maison, des cris perçants frappèrent mon oreille. Une heure auparavant, sans aucun symptôme avant-coureur, une méningite foudroyante s’était déclarée. Jusqu’à une heure du matin je tins ce pauvre petit corps entre mes bras ; des convulsions mirent fin à cette fragile existence.

Ce fait, cher frère, vous frappe-t-il comme moi ? Dieu avait répondu à la foi contenue dans ma prière, en guérissant l’enfant pour une journée, et cependant Il l’avait reprise à Lui car Il ne voulait pas répondre à ce que ma demande contenait de volonté insoumise. J’avais eu la folie de Lui dicter ce qu’Il avait à faire ; Il avait des desseins de grâce qu’Il ne pouvait laisser entraver par la volonté de l’homme.

La leçon que je reçus alors fut bien plus complète encore, et me montra le peu de confiance que mon pauvre cœur incrédule avait dans l’amour du Père. Les conséquences de cet événement douloureux furent incalculables. La première fut la conversion de la pauvre mère qui, loin de tomber dans le désespoir, comprit le but du Seigneur dans son affliction et reçut Jésus comme son Sauveur. La tante de l’enfant passa d’une religion de formes à une foi vivante et, pendant bien des années, fut un fidèle témoin de Christ. Le père, arrivé trop tard pour retrouver son enfant, mit entre mes mains une somme considérable qui, pendant un grand nombre d’années, servit au soulagement d’enfants malades, et, par des secours matériels, ouvrit à l’évangile la porte de beaucoup de maisons. Un an après son retour dans sa cité natale, le père tomba malade et, sur le point de quitter ce monde, confessa le Sauveur, faisant remonter à la mort de son enfant chérie le premier appel qu’il avait reçu de Dieu.

N’est-il pas vrai que toutes ces bénédictions auraient été perdues si Dieu avait agi selon ma volonté ? Des faits pareils nous engagent à demander avec foi, sans douter aucunement, et à pouvoir dire, en nous relevant de notre prière : « Nous avons les choses que nous avons demandées ». Il nous engage, d’autre part, à nous défier complètement des meilleures pensées de notre cœur naturel qui, malgré les plus belles apparences, ne fait jamais autre chose que de ne pas se soumettre à la volonté de Dieu.

B. Combien je désire avoir reçu par ces faits l’instruction qu’ils vous ont apportée à vous-même. Ils m’enseignent clairement une autre chose, c’est que les prétentions, si fréquentes de nos jours, à la guérison par la foi et par la prière, si ces faits ne s’expliquent pas par des phénomènes de suggestion, ne sont le plus souvent que des actes de propre volonté qui devraient plutôt humilier, qu’exalter ceux qui s’en glorifient. Je dis cela, sans douter aucunement que, dans le cas particulier, « la prière de la foi sauvera le malade, que le Seigneur le relèvera, et que, s’il a commis des péchés (qui lui aient attiré cette discipline) il sera pardonné » (Jacq. 5, 15).

Que Dieu nous garde, attachés strictement aux enseignements de sa Parole. Elle seule a le pouvoir de nous préserver des dangereuses tendances de nos propres cœurs !