Livre:Études sur la Parole — Jérémie

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destinées à aider le chrétien dans la lecture du saint LivreJ.N. Darby

Le livre du prophète Jérémie a un caractère différent de celui d’Ésaïe. On n’y trouve pas le même développement que présente celui-ci sur les conseils de Dieu à l’égard de cette terre. Il y a bien, il est vrai, des jugements relatifs aux nations ; mais la majeure partie se compose de paroles adressées directement à la conscience du peuple au sujet de son état moral au moment où le prophète lui adresse la parole, et en vue du jugement qui le menace. Juda avait abandonné l’Éternel ; car sa repentance sous Josias n’était qu’extérieure, et sous les rois suivants sa dégradation fut complète. Le prophète avait le cœur surchargé de douleurs, par l’effet de son amour pour le peuple, et du sentiment profond de la relation de ce peuple avec l’Éternel, sentiment qui produisait un combat continuel dans son âme déchirée par la pensée de la valeur du peuple en tant que peuple de Dieu, et une sainte jalousie pour la gloire et les droits de Dieu que Son peuple foulait aux pieds. C’était une plaie incurable dans son cœur. Il avait intercédé pour le peuple, il s’était mis à la brèche pour lui devant l’Éternel ; mais il voyait bien que tout était inutile, que le peuple ne voulait pas de Dieu, et rejetait le témoignage dont Il l’avait chargé. Dieu Lui-même ne voulait plus écouter les prières faites en faveur d’Israël. C’est sous cette impression que Jérémie prophétise. Triste tâche, en effet, qui faisait du prophète un véritable homme de douleur. Et quoiqu’il pût toujours dire que, s’il se repentait, le peuple serait reçu en grâce, il savait bien toutefois que le peuple ne pensait seulement pas à se repentir. Deux choses le soutenaient dans un service si pénible (car quoi de plus pénible que d’annoncer au peuple bien-aimé de Dieu son jugement, à cause de son iniquité ?). Premièrement, l’énergie de l’Esprit de Dieu qui remplissait son cœur et le forçait à annoncer le jugement de Dieu, malgré la contradiction et la persécution auxquelles il était en butte. Puis, la révélation de la bénédiction finale du peuple selon les conseils immuables de Dieu. Après avoir ainsi brièvement indiqué l’esprit qui a présidé au témoignage rendu par Jérémie, dont nous trouverons des preuves et des détails en parcourant ses prophéties, examinons maintenant avec suite ces prophéties elles-mêmes.

Il est bien connu que, dans la traduction des Septante, l’ordre des prophéties est bien différent de celui qui se trouve dans la bible hébraïque. Mais je ne vois aucune raison pour ne pas accepter ce dernier. Il n’est pas douteux que l’ordre chronologique n’y est pas observé ; les noms des rois[1] dans la série des chapitres en sont la preuve évidente. Mais il me semble que là même où il y a une confusion chronologique, il existe un classement des sujets, et que ce classement est selon la pensée du Saint Esprit.

Les vingt-quatre premiers chapitres ont un caractère un peu différent de ceux qui suivent. Jusqu’à la fin du chapitre 24, c’est un raisonnement, un plaidoyer moral avec le peuple. Au chapitre 25, se trouve une prophétie formelle du jugement de plusieurs nations par Nebucadretsar, et après cela, nous trouvons des prophéties beaucoup plus distinctes l’une de l’autre, et liées à des détails historiques.

Les chapitres 30 à 33 sont des prophéties où abonde la promesse des bénédictions assurées aux derniers jours. Depuis le chapitre 39, c’est le récit des événements qui ont suivi la prise de Jérusalem, et celui du jugement de l’Égypte et de Babylone.

Distinguons maintenant les diverses prophéties que contient le livre de Jérémie, chapitres 1, 2-6, 7-10, 11-13, 14-15, 16-17, 18-20, 21-24, 25, 26, 27 (lisez verset 1 : Sédécias au lieu de Jehoïakim), 28, 29, 30-31, 32, 33 (celui-ci cependant se lie au précédent), 34, 35, 36-37, 38, 39, 40-44, 45, 46, 47, 48, chapitre 49 versets 1-6, versets 7-22, versets 23-27, versets 28-29, versets 30-33, versets 34-39 ; chapitres 50-51, chapitre 52. Le dernier chapitre n’est pas de Jérémie lui-même.

Rien de plus frappant en fait d’affliction que celle du prophète. Il est angoissé ; son cœur est brisé. On voit aussi que Dieu a choisi un esprit naturellement faible, facilement abattu et découragé, en le remplissant de Sa force, afin que la misère, les plaintes, l’écrasement du cœur, cette indignation d’un caractère faible qui sent l’oppression sans pouvoir s’en délivrer ni la surmonter, s’exprimant devant Lui, rendissent témoignage contre le peuple, dont la méchanceté invétérée appelait Sa vengeance. L’affliction du Christ, dont l’Esprit inspirait celle de Jérémie, était infiniment plus profonde ; mais Sa communion parfaite avec Son Père a fait que les angoisses, qui dans le cas de Jérémie ont éclaté en plaintes, n’ont été exprimées par Jésus qu’en secret à Son Père. Il est très rare d’en trouver l’expression dans les évangiles. Jésus y est tout entier en grâce pour les autres[2]. Dans les Psaumes, nous voyons davantage ce qui se passait dans Son cœur. Dans le cas de Jérémie, il était convenable que cette angoisse du résidu fidèle fut exprimée devant Dieu. Pour ce qui est du Seigneur, Sa perfection absolue et le calme qui accompagne la perfection dans Ses voies par la présence de Dieu, quelles que soient d’ailleurs les angoisses intérieures du cœur, ne permettaient pas qu’Il se répandît en plaintes devant les hommes. Il rend grâces en même temps qu’Il adresse des reproches. La sympathie pour les autres convenait à la position de Jésus. On voit que le précieux Sauveur n’y a jamais manqué.

Mais il convenait aussi que le Saint Esprit nous présentât l’épanchement du cœur du fidèle qui avait besoin de cette sympathie. Ce n’est pas qu’il n’y eût de la faiblesse dans le cœur qui s’épanchait ; mais si l’Esprit s’en rendait l’organe, il est évident qu’il devait l’exprimer tel qu’il était. Sans cela, c’eût été inutile et faux. Jérémie, par conséquent, intervient personnellement dans les prophéties, beaucoup plus que cela n’a lieu pour tout autre prophète[3]. Il représente le peuple dans sa vraie position devant Dieu, tel que Dieu peut le reconnaître, étant devant Lui dans ce caractère afin de voir si, recevant de Dieu ce qui s’appliquait à cette position et exprimant les sentiments qu’elle inspirait, il était possible d’atteindre la conscience et d’attirer le cœur du peuple. Il est bien entendu que l’expression de ces sentiments était selon l’Esprit, et qu’elle s’accompagnait des prophéties les plus directes et les plus positives sur la manière dont le peuple devait être traité de la part de Dieu. Il est bon de remarquer aussi qu’une grande partie de ce livre s’adresse à Dieu et non au peuple. Cette position de Jérémie comme représentant des vrais intérêts du peuple ou du résidu devant Dieu, fait qu’il est envisagé quelquefois comme s’il était Jérusalem elle-même, et d’autres fois comme un résidu qui en est séparé et mis à part pour Dieu.

Mais ces points seront développés plus convenablement, quand nous en viendrons aux passages qui m’en ont suggéré la pensée. La période pendant laquelle Jérémie a prophétisé, a été assez longue ; elle embrasse tout le temps de la décadence d’Israël, depuis l’année qui a suivi celle où Josias commença à purifier Jérusalem et tout le pays, jusqu’à la destruction finale de la ville par l’armée des Chaldéens, et même elle se prolonge un peu au-delà, et finit à l’époque où le prophète fut entraîné en Égypte. Cette période qui dépasse quarante ans a été tout entière de détresse et d’angoisses. Car, malgré la piété réelle de Josias, la réforme du peuple ne fut qu’extérieure, ainsi que nous allons le voir, en sorte que cette apparence de piété ne faisait que rendre plus grande l’angoisse de celui qui envisageait les choses avec les pensées et les sentiments de Dieu. « Et l’Éternel ne se détourna pas de sa grande colère, à laquelle les péchés de Manassé avaient donné lieu ». Cependant la prophétie distingue les deux périodes, savoir : le règne de Josias, et ceux des rois ses successeurs.

Il n’y a pas de date indiquée pour les vingt premiers chapitres. Il est probable que la plupart d’entre eux ont été révélés sous le règne de Josias. Des raisonnements moraux, la peine de cœur du prophète, et des avertissements solennels sur l’invasion qui viendrait du nord, en font le sujet. Les chapitres 20 à 24 n’ont pas d’ordre chronologique, et sont composés de prophéties données probablement à diverses époques. Ils contiennent le jugement des différentes branches de la maison de David, l’une après l’autre, ainsi que celui des faux prophètes qui trompaient le peuple ; ils se terminent par la révélation du sort si différent de ceux qui avaient été emmenés captifs à Babylone, et de ceux qui entouraient Sédécias à Jérusalem.

Au chapitre 1, le prophète est revêtu de sa charge. Connu avant sa naissance, il avait été établi de l’Éternel pour porter Sa parole aux nations. Mais dès l’entrée, les craintes de Jérémie se manifestent ; l’Éternel l’encourage en l’assurant qu’Il serait avec lui. Il met Ses paroles dans sa bouche, et l’établit prophète sur les nations, pour déraciner et planter. Deux visions lui sont révélées, lesquelles résument la charge prophétique qui lui a été communiquée, et annoncent que bientôt Jérusalem serait cernée par les peuples du nord. Or, dans ces circonstances, Jérémie est placé en présence d’un peuple rebelle, aux résistances duquel il doit s’attendre. Néanmoins il devait tout lui déclarer ; et l’Éternel, pour ajouter plus de poids à l’encouragement qu’Il avait donné au prophète, y joint une menace en cas de désobéissance, à savoir que s’il reculait, effrayé par ses ennemis, il serait confondu et épouvanté par l’Éternel Lui-même, en leur présence. Mais Il ajoute qu’Il serait avec lui, s’il accomplissait la tâche qui lui était confiée. Les versets 6-8, et 17, 18, montrent quel était l’esprit craintif du prophète que l’Éternel a dû fortifier ainsi.

Le chapitre 2 renferme l’appel le plus touchant adressé au peuple à Jérusalem ; il n’exige pas d’explication, mais il mérite l’attention sérieuse du cœur. Il rend témoignage de la manière la plus frappante à la bonté et à la tendresse du Seigneur. Seulement, nous n’avons ici que la comparaison entre l’état actuel du peuple et ce qu’il avait été originairement, en tant que planté par l’Éternel, et puis Ses voies d’amour, sans aucune mention de la venue du Seigneur. Christ n’est pas en vue, ni les desseins de Dieu, comme dans le prophète Ésaïe, bien que nous les trouvions plus loin, mais la responsabilité du peuple vis-à-vis des voies touchantes de la grâce divine est mise bien plus pleinement en évidence ; et au chapitre suivant, il est question de la bénédiction finale.

Le chapitre 3 a le même caractère ; il est réellement une continuation du même discours, seulement il renferme des détails sur la conduite d’Israël et de Juda, et proclame la restauration d’Israël par la bonté souveraine et la bénédiction des derniers jours quand il sera ramené à Dieu. Remarquez seulement qu’avant son plaidoyer avec Israël, le Seigneur fait observer qu’il n’y avait personne qui Le recherchât ni qui soupirât après Lui ; ni le peuple ni les sacrificateurs ne disaient : « Où est l’Éternel ? ». Car une fois le jugement exécuté sur Israël, Dieu peut épancher Son cœur en témoignage de grâce. Ceci donne nécessairement aussi une place à Juda, les deux devant être unis. La fin du chapitre s’étend dans les termes les plus touchants sur l’esprit qui sera produit par la grâce en Israël, pour qu’il soit ramené, et la manière dont Dieu le recevra. Versets 24, 25 : le prophète devient la bouche pour confesser l’état du peuple au moment où il parle. C’est ce chapitre qui contient la révélation solennelle que, quant au peuple, la réforme accomplie sous Josias n’était qu’hypocrisie. Ces deux chapitres forment une sorte d’introduction générale, qui fait ressortir les voies et le jugement d’Israël et de Juda, et leur restauration par la grâce. Au chapitre 1, nous avions vu Jérémie établi dans ses fonctions de prophète.

Le chapitre 4 reprenant le sujet des chapitres 2 et 3, et l’appliquant au peuple de ce temps, déclare que s’il se retourne ce doit être vers l’Éternel Lui-même, et que ni formes ni demi-mesures, ne lui seront d’aucun profit. Après le verset 4, le prophète annonce le jugement certain de Dieu, qui viendrait du nord et tomberait, en destruction, sur Jérusalem.

Chapitre 5. — Il y est démontré que le péché et l’iniquité sont universels. Pauvres, riches, tous y participent. L’Éternel ne visiterait-Il pas ? Cependant Il n’opérera pas une destruction totale. La source du mal, ou du moins ce qui l’entretient, est signalée. Les prophètes prophétisaient le mensonge, et les sacrificateurs dominaient par leur moyen. — Le chapitre 6 continue ce témoignage rendu contre le mal ; en même temps il fait connaître quelle était la position de Jérémie au milieu de toutes ces iniquités. Versets 11-27, le jugement est clairement annoncé. La conduite des faux prophètes est de nouveau signalée. L’arrivée de Nebucadnetsar en jugement est distinctement prédite dans ces deux chapitres.

Le chapitre 7 commence une nouvelle prophétie rendue spécialement en vue du temple, qui, au lieu d’être une sauvegarde ainsi que le voulait un peuple sans conscience, était devenu une démonstration de plus de son iniquité. Ils devaient penser à Silo, car la maison de Dieu serait aussi renversée. Juda serait rejeté tout comme Éphraïm l’avait été, et Dieu ne voulait pas entendre parler d’intercession en faveur de Son peuple. Il voulait l’obéissance et non pas le sacrifice. Un peuple qui s’adonnait à l’idolâtrie ne faisait que souiller Sa maison, quand il s’y rendait.

Chapitre 8. — Mais Israël avait moins d’intelligence que les oiseaux, qui connaissent du moins la saison qui leur convient, tandis qu’Israël ignorait le jugement de l’Éternel. Depuis le verset 18 jusqu’au chapitre 9, 2, le prophète expose sa profonde douleur. À partir du verset suivant, il annonce le jugement, dont seront également atteintes les nations voisines. En vue de ce jugement, il exhorte chacun à ne pas se glorifier dans l’homme, mais dans la connaissance de Dieu, versets 23, 24.

Au chapitre 10, les idoles et les vanités des nations sont mises en contraste avec l’Éternel. Les versets 19-25 contiennent l’affliction du prophète qui parle de la désolation de Jérusalem, comme s’il était lui-même la ville désolée, et demande à Dieu que Ses dispensations soient châtiment et non pas excision. Le lecteur fera bien de remarquer que la répétition des débats de Dieu avec Israël (variés dans leur forme, mais ne donnant point lieu à beaucoup de remarques pour être compris) est la preuve la plus touchante de la bonté de Dieu, qui multiplie Ses appels vers un peuple pervers et rebelle, se levant de bon matin, comme Il le dit Lui-même, pour lui faire entendre Sa voix.

Quelques remarques se présentent à l’occasion du chapitre 11. Dieu traite encore Israël sur le pied de la responsabilité, lui rappelant l’invitation à Lui obéir qui lui avait été adressée depuis sa sortie d’Égypte. Il va faire venir sur le peuple le mal dont Il l’a menacé. Il ne veut pas que Jérémie intercède. Il nomme cependant encore Israël Sa bien-aimée. Mais corrompue maintenant, qu’a-t-elle à faire dans Sa maison ? Quelle qu’elle ait pu être pour Lui, le jugement allait venir. À la fin du chapitre, Jérémie se présente dans la position du résidu fidèle ayant le témoignage de Dieu. Sa position rappelle constamment celle de Christ dans les Psaumes. L’Esprit de Christ évidemment s’exprime fréquemment par sa bouche, mais à mon sens, dans des termes quelquefois plus relatifs aux circonstances personnelles de Jérémie, et par là même, moins profonds et moins rapprochés des sentiments de Christ, quoique l’intention soit la même, que dans les Psaumes. Jérémie, à cause de sa fidélité et de son témoignage, était en butte aux machinations des méchants. Le Seigneur lui révèle ces choses, et selon la justice qui caractérise l’état du résidu, Jérémie réclame la vengeance de Dieu[4] ; c’était le moyen de délivrer le résidu. Il annonce le jugement de ces hommes méchants par la parole de l’Éternel. Dans le psaume 83, on trouve les mêmes principes et la même méchanceté des ennemis de Dieu, seulement ces ennemis sont des Gentils, et la sphère des pensées est plus étendue : toutefois, Israël et la connaissance de l’Éternel sont le but de la prière qui y est contenue (comp. aussi chap. 9 et Ps. 65). Dans Jérémie, l’intercession occupe plus de place. Le psaume parle de jugement (comp. aussi Ps. 69, 6, 7 et Jér. 15, 15). Les paroles du psaume sortant de la bouche même de Christ, la demande concerne d’autres, et est infiniment plus touchante. Le rapprochement de ces passages aidera à faire saisir le rapport entre la position de Jérémie et celle du résidu dépeinte dans le psaume. On peut comparer aussi le psaume 73 et le commencement du chapitre 12. Ce dernier chapitre fait partie de la même prophétie que le précédent. Jérémie plaide avec Dieu au sujet de Ses jugements, mais d’une manière humble et soumise, que Dieu accueille en lui faisant sentir (pénible nécessité) plus profondément le mal dans lequel était plongé le peuple. Mais soutenant aussi la foi du prophète par l’intérêt personnel qu’Il lui témoigne, Dieu lui fait comprendre qu’Il avait abandonné Son héritage. C’est pourquoi, il ne fallait pas s’étonner si les choses allaient ainsi. En même temps, Il révèle Ses intentions de bénédiction à l’égard de Son peuple et même des nations[5] parmi lesquelles il serait dispersé, si elles apprenaient les voies de l’Éternel.

Le chapitre 13 rappelant de quelle manière Dieu avait lié Israël à Son cœur, annonce le jugement terrible dont le peuple serait comme enivré, et, par la menace de ce jugement, l’invite à la repentance, montrant aussi sa désespérante iniquité et la douleur profonde du prophète à la vue de l’obstination du peuple (comp. Luc 19, 41). Ce zèle du prophète pour la gloire de l’Éternel, contre le mal et contre le peuple qui Le déshonorait, et cette touchante affection pour lui comme le peuple de l’Éternel, signale partout d’une manière frappante l’œuvre de l’Esprit de Christ. Comparer Moïse (Ex. 32, 27, 28, 31, et suiv.)  ; et Paul (Rom. 9 ; 10, 1 ; 1 Thess. 2, 15, 16), seulement ici, sous la grâce, le jugement n’est pas réclamé ; comparer aussi Christ Lui-même (Matt. 23, 31-37).

Le chapitre 14 se rapporte à une famine qui a eu lieu dans le pays. La désolation de Jérusalem par la famine et par l’épée y est aussi annoncée. Mais remarquez ici la touchante intercession contenue aux versets 7-10 et 17-22 ; et la douleur profonde de l’Esprit de Christ, qui s’exprime par la bouche du prophète, car en toute leur affliction Il a été affligé. Remarquez aussi un autre élément caractéristique de l’état du peuple, signalé par l’apôtre Pierre, et pour les derniers jours par le Seigneur Lui-même, savoir les faux prophètes.

Le commencement du chapitre 15 répond à la fin du chapitre 14 ; mais le premier renferme un enseignement remarquable et des principes très instructifs. L’Éternel déclare que si Moïse et Samuel, dont l’amour et la foi en intercession pour Israël, n’avaient point été égalés entre tous les serviteurs de Dieu qui s’étaient tenus devant Lui pour le peuple, si ces deux conducteurs bien-aimés étaient présents, néanmoins Dieu ne pourrait pas tenir le peuple pour agréable. Qui aurait pitié de lui ? L’Éternel Lui-même l’abandonnerait. Depuis le verset 10, nous trouvons la vraie position du résidu dans un pareil cas, instruction des plus touchantes pour nous-mêmes.

Jérémie se plaint de son sort, au milieu d’un peuple dont la peine était un poids pour son cœur, et dont la haine en même temps s’acharnait sur lui sans cause. On voit, versets 11-14, qu’il représentait le peuple aux yeux de Dieu, mais en même temps que le résidu fidèle est séparé de la masse des méchants. Depuis le verset 15, le résidu se présente à Dieu comme étant ainsi séparé, et comme portant en même temps la douleur de la plaie du peuple, en même temps qu’il demande le jugement des méchants adversaires de la vérité. En réponse, il reçoit des directions précises sur la marche qui convient au fidèle dans une semblable position. La parole mangée, digérée dans le cœur, est la puissance qui détermine cette marche, verset 16.

Au lieu de l’associer à l’esprit des ennemis et des moqueurs, qui trouvaient dans l’état abominable et hypocrite de ceux qui portaient le nom de peuple de Dieu le sujet de leurs moqueries, l’effet de la Parole dans le cœur était sans doute de l’éloigner de cet état du peuple, mais aussi par l’amour qu’il lui portait de l’isoler comme s’il était lui-même sous l’indignation de Dieu, comme s’il était lui-même le peuple. La Parole qui révélait les relations de Dieu et du peuple, et montrait au peuple ses privilèges et ses devoirs, forçait le prophète à juger l’état du peuple, et à en sentir toutes les conséquences, dans la conscience du jugement de l’Éternel, jugement terrible pour son cœur, dans la mesure dans laquelle il réalisait le lien étroit d’affection et de bénédiction qui attachait Dieu à Son peuple dans son état normal et qui caractérisait cet état. « Tu m’as rempli d’indignation », est le langage du prophète (v. 17, 18).

Dans les versets 19-21, les instructions précises de Dieu sont données à l’égard de cet état. Dieu s’adresse aussi à Jérémie, comme s’il était ce peuple qu’il représentait ainsi en esprit devant Lui, et en même temps selon sa foi individuelle. Il dit premièrement : « Si tu te retournes, si tu reviens vers moi, je te ramènerai, et tu te tiendras devant moi ». Cette porte ouverte jusqu’à ce que les hommes la ferment, est toujours dans les voies de Dieu, quoiqu’Il sache bien que l’homme ne voudra pas en profiter.

Est-ce tout, pendant que le mot de « aujourd’hui » (Ps. 95) est prononcé et que la porte est ouverte, que d’inviter le peuple rebelle à revenir ? Non ; il y a autre chose à faire pour le fidèle. « Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche ». Voilà au milieu de la ruine amenée par la rébellion du peuple de Dieu, l’œuvre bien particulière du fidèle pénétré de la Parole. Les pensées de son âme étant la reproduction de cette Parole et des affections de Dieu qui s’y révèlent, peut-il rejeter le peuple en masse comme méchant ? Cela ne saurait être. Peut-il l’accepter dans son état de rébellion, d’autant plus coupable qu’il appartient à Dieu ? Non plus. Il doit savoir faire ce que Dieu fait, tenir compte de tout ce qui est bon, et si c’est trop tard pour tout conserver, ne jamais condamner ce qui est de Dieu. Son œil pénétrant ne perd jamais de vue ce qui est de Lui. Les affections du prophète s’y portent aussi.

Mais Dieu est Celui qui pense d’après Ses pensées, et qui sait agir d’après Sa volonté, qui s’attache à ce qui est précieux, le reconnaît et le sépare de ce qui est méprisable. Ce n’est pas précisément le jugement de Dieu à l’égard du mal ; mais lorsque le mal rend le jugement imminent, l’énergie de l’Esprit et la force de la Parole nous conduisent à nous attacher au bien, à le discerner, à le séparer du mal, avant que le jugement survienne. Satan, s’il le peut, confondra le bien et le mal ; si on sait les séparer, on sera comme la bouche de Dieu. Dieu les séparera en jugement, en frappant le mal. Chez le fidèle, l’Esprit de Dieu le fait, en séparant ce qui est précieux de ce qui est méprisable.

Il y a un troisième principe ; c’est qu’une fois séparé de la marche des rebelles par l’intelligence spirituelle, on ne doit pas penser un seul instant à retourner vers eux. « Qu’ils reviennent vers toi ; mais toi ne retourne pas vers eux ». Enfin, dans cette position, le fidèle est, de la part de Dieu, comme une muraille d’airain. Il a contre lui les rebelles qui se vantent du nom de peuple de Dieu ; mais ceux-ci ne prévaudront point, car l’Éternel est avec lui. Sa délivrance est promise à Jérémie.

Mais cette promesse, dont l’application immédiate concerne le prophète, contient une instruction des plus précieuses pour nous, eu égard au principe qu’elle renferme pour nous diriger dans des temps pareils : il faut de la patience, mais le chemin est clairement tracé. La porte est toujours ouverte de la part de Dieu. La séparation du précieux d’avec ce qui est méprisable nous rend comme la bouche de Dieu. Refus absolu de retourner vers les infidèles. Tels sont les principes que Dieu pose ici. La Parole reçue dans le cœur en est la source. Mais en même temps ces principes sont bien loin d’avoir pour effet le mépris du peuple déchu. Au contraire, le cœur du fidèle prend sur lui toute la douleur de la position dans laquelle se trouve le peuple de Dieu, ou de ce qui en tient publiquement la place.

Au chapitre 16, l’Éternel enseigne Jérémie à éviter toute relation de famille avec le peuple, et à cesser tout témoignage d’intérêt à l’égard de ce qui se passait dans son sein. Car Lui-même avait rompu entièrement avec Israël ; Il ferait cesser Ses témoignages au milieu de lui, et le jetterait hors de son pays. Mais après tout, par la grandeur du mal qu’Il ferait venir sur eux, Il ferait oublier la délivrance d’Égypte par la délivrance, plus grande encore, de ce mal même. Car Dieu devait faire grâce et rassurer Son peuple après tout. Mais Il commencerait par tirer vengeance de son iniquité. Enfin, les nations elles-mêmes viendraient et reconnaîtraient le vrai Dieu, le Dieu d’Israël.

Chapitre 17. — Dans ces graves circonstances, ce qui importait au plus haut point, était d’avoir confiance en l’Éternel. Celui qui, faute de cette confiance, s’appuyait sur le bras de la chair, ne verrait pas venir le bien. Pour le présent, la colère de Dieu était embrasée et ne s’éteindrait point. Comment se fier à un cœur trompeur et méchant ? L’Éternel le sonde pour donner à chacun selon ses œuvres. Le prophète, au nom du peuple, se jette dans les bras de l’Éternel, et en vue de la méchanceté des adversaires qui se moquaient du témoignage de Dieu, il en appelle à Dieu. Il n’avait pas désiré le jour terrible qu’il annonçait, ni, de son propre mouvement, abandonné les soins paisibles qu’il devait au peuple, pour suivre Dieu dans ce témoignage. Il demande à Dieu, dont le terrible jugement devait châtier le peuple, que ce jugement ne fût pas une terreur pour lui. Dieu était la source de son espérance pour le jour de la calamité. Quel tableau de la condition du résidu dans les derniers jours, et dans tous les temps de la position de celui qui est fidèle, lorsque le peuple de Dieu ne veut pas écouter Son témoignage. Cependant, comme le temps est encore appelé aujourd’hui, Dieu, dans Sa longue patience, ouvre la porte de la repentance au peuple et à son roi, s’ils ont encore des oreilles pour entendre.

Chapitre 18. — Cette porte, ouverte à la repentance, est pleinement constatée devant le peuple, dans cette prophétie, versets 1-10. Mais le peuple, plein de hardiesse dans le mal, méprise la patience merveilleuse de Dieu, et se livre à son mauvais train, par lequel Satan lui ôte tout espoir du côté de Dieu. Dieu annonce son jugement par le prophète, et Son témoignage provoque l’expression d’une conscience endurcie dans la certitude et l’immutabilité de ses privilèges et des bénédictions attachées aux ordonnances dont Dieu avait doté Son peuple, et par lesquelles Il entretenait Ses relations avec lui. Quel affreux tableau d’aveuglement ! L’influence ecclésiastique est toujours plus grande au moment de l’endurcissement de la conscience contre le témoignage de Dieu, parce que l’incrédulité qui, après tout, tremble, s’abrite derrière la stabilité présumée de ce que Dieu a établi, et fait des formes apostates un mur contre le témoignage du Dieu qu’elles cachent, en attribuant à ces ordonnances la fermeté de Dieu Lui-même. La conscience dit trop pour laisser à l’incrédule l’espoir d’être bien avec Dieu, lors même que Dieu lui ouvre Son cœur. Il n’y a plus d’espoir, dit-il. Il continuera à mal faire, et puis la loi ne se perdra pas chez le sacrificateur, ni le conseil chez le sage, et les faux prophètes ayant l’oreille du peuple, le peuple ajoute : ni la parole chez le prophète. Je trouve l’avertissement de ce chapitre très solennel. Il n’est guère possible de supposer un tableau plus terrible de l’état du peuple professant. Le prophète demande son jugement ; il parle dans l’esprit du résidu, foulé aux pieds par la méchanceté des adversaires du Seigneur.

Les chapitres 19 et 20 nous montrent le jugement de Jérusalem dans des termes qui n’exigent pas beaucoup d’explications. Le dernier nous fournit un échantillon de l’opposition des sacrificateurs, et des souffrances de Jérémie, ce qui n’empêche pas Jérémie de dénoncer le sacrificateur lui-même et de répéter ce qu’il avait dit de Jérusalem. Mais l’effet de ses souffrances sur son cœur nous est aussi montré. Il a été comme forcé par l’Éternel de rendre ces témoignages ; il n’a pas (et il en est de même du résidu) l’esprit de franche volonté qui se réjouit dans les souffrances par la puissance du Saint Esprit. Il est le sujet de perpétuelles moqueries. On le guettait pour avoir quelque chose à lui reprocher, de sorte qu’il aurait voulu se taire ; mais la parole de l’Éternel était comme un feu dans ses os. Tout cela se comprend, c’est-à-dire la profonde iniquité, hélas ! des hommes qui portent le nom de peuple de Dieu, la manière dont un cœur faible recule devant cette iniquité, et dans ces occasions, la parole est trop forte en elle-même pour qu’on puisse la renfermer au-dedans de soi. Mais avec cette crainte, il avait cependant la conscience que l’Éternel était encore avec lui, et il demande encore la vengeance, qui, en effet, est la délivrance et la seule délivrance de ceux qui ont le témoignage de Christ dans une telle position. Cette délivrance est chantée au verset 13, mais, dans les versets 14-18, nous voyons jusqu’à quel point le chagrin personnel peut pousser les âmes soumises à une semblable épreuve.

Voyez la même chose dans Job, qui nous offre le tableau du même état, c’est-à-dire celui d’une âme éprouvée par toutes les malices de Satan, sans qu’elle possède la pleine connaissance de la grâce dans le sentiment de son néant et l’oubli de soi-même : ce sera précisément l’état du résidu aux derniers jours. Christ est le modèle de la perfection dans ce qui répondait aux circonstances d’épreuve, dont Il a pleinement éprouvé et senti la réalité lorsqu’Il dut subir pour d’autres ce qui posa le fondement de la grâce pour eux.

Chapitres 21-23. — À l’occasion de la demande de Sédécias, qui voulait savoir si le Seigneur interviendrait en faveur du peuple contre Nebucadnetsar, l’Esprit de Dieu a réuni les témoignages rendus à l’égard de tous les membres de la famille de David, qui ont présidé, pour ainsi dire, à la ruine de Jérusalem : Joakhaz, 22, 10-12 ; Jehoïakim, 22, 13-19 ; Jéconias, 22, 20-30. Le jugement de Sédécias avait été prononcé au chapitre 21, et après qu’il a été annoncé, ainsi que nous l’avons vu ailleurs, que la porte était toujours ouverte à la repentance et la bénédiction prête pour une marche selon Dieu (chap. 21, 12 ; 22, 2-5), le jugement est prononcé de nouveau, et les sentences déclarées de la part de Dieu sur les divers rois. Enfin (chap. 23) l’expression de l’indignation de l’Éternel contre ces mauvais pasteurs, donne lieu à la déclaration qu’Il en susciterait un selon Son cœur, savoir le vrai fils de David, le Messie. La juste indignation et le jugement de Dieu sont exprimés dans les termes les plus forts.

Deux choses attirent notre attention au chapitre 24. Premièrement, la soumission au jugement, quand Dieu l’exécute, est la preuve de l’intelligence à l’égard de Sa Parole, de la vraie spiritualité. Le manque de foi s’appuie non sur la stabilité des promesses, mais, sous prétexte des promesses, sur la stabilité des ordonnances et des hommes qui en jouissent. Ceux qui se soumettent à ce jugement de Dieu sur l’infidélité de l’homme, jugement qui convient à la jouissance de ces promesses et à la mise de côté des ordonnances dont Dieu n’a pas garanti la stabilité, mais, en rapport avec lesquelles l’homme eût joui des promesses s’il eût été fidèle, ceux-là jouiront de l’effet plein et entier de ces promesses auxquelles il est impossible que Dieu ne soit pas fidèle. La seconde chose à remarquer, c’est que, lorsque Dieu veut encourager la foi de ceux qui se soumettent à Son jugement, amenés par la soumission à cette sainte conviction que l’homme l’a mérité, Il ne s’arrête à rien en deçà de l’accomplissement plein et entier des promesses, qui dépend de Sa propre fidélité, quelle qu’ait été l’infidélité de l’homme, accomplissement dont l’homme ne peut jouir et ne jouira qu’à la condition d’une œuvre de Dieu en lui, qui le mette dans un état convenant à l’accomplissement de ces promesses (voyez v. 6, 7). La position du peuple, au moment des prophéties de Jérémie, fournissait une occasion évidente pour le développement de ces deux principes ; car le peuple et la famille de David avaient entièrement manqué à la fidélité envers Dieu. C’est bien affligeant, bien humiliant, quand il faut reconnaître que les ennemis de Dieu ont raison. Une seule chose console, c’est que Dieu a raison (Éz. 14, 22, 23), et qu’à la fin Il ne peut manquer d’accomplir les promesses de Sa grâce.

Le chapitre 25 termine, pour ainsi dire, cette partie de la prophétie, en donnant un résumé général du jugement de Dieu sur la terre, qu’Il placera entre les mains de Nebucadnetsar. L’application immédiate aux événements déjà accomplis, ne présente pas grande difficulté. Mais on en trouvera, si l’on veut y introduire aussi une allusion aux derniers jours. Premièrement Israël, à qui la porte avait toujours été ouverte, est jugé. Le chapitre commence en annonçant le jugement de Dieu sur Jérusalem, parce qu’elle avait refusé d’écouter l’appel à la repentance, qu’Il lui avait fait adresser pendant vingt-trois ans. Et qu’on remarque ici la dureté du cœur du peuple qui s’obstine dans le mal, et refuse de fléchir son cou devant le témoignage de Dieu, malgré toute la peine que Dieu s’est donnée, si l’on ose ainsi parler, pour l’avertir. Et, en effet, c’est ainsi que Dieu parle : « L’Éternel vous a envoyé tous ses serviteurs, les prophètes, se levant de bonne heure et les envoyant, et vous n’avez pas écouté » (voyez 2 Chron. 36, 15). L’Éternel avait toujours proposé au peuple une pleine et abondante bénédiction, s’il se repentait ; mais le peuple ne voulait pas se repentir. Le prophète annonce que l’Éternel va amener toutes les nations du nord, sous la conduite de Nebucadnetsar, contre Jérusalem et contre les nations voisines, qui certainement, boiraient toutes la coupe du jugement que l’Éternel avait mixtionnée pour elles. Jérusalem servirait le roi de Babylone pendant soixante-dix ans, et après cela le roi de Babylone lui-même serait jugé et puni, ainsi que Jérémie avait prophétisé contre toutes ces nations ; car le jugement qui devait commencer par Jérusalem serait un jugement universel. Ce qui devait arriver immédiatement, c’était le jugement des nations situées autour de la Palestine et ensuite celui de Babylone, instrument de ce jugement. Mais le fait que la ville qui était appelée du nom de l’Éternel devait être désolée, impliquait le jugement de toutes les nations. Par conséquent, dans l’action symbolique de la prophétie, toutes les nations qui étaient en rapport avec Israël, toutes celles qui étaient connues au temps d’alors, sont forcées de boire la coupe. Mais les termes dont la prophétie fait usage s’étendent à toutes les nations de la terre. L’application historique du verset 26 ne va pas plus loin que ce qui est arrivé par le moyen de Nebucadnetsar, roi de Shéshac, qui devait boire la coupe après les autres. Mais le chapitre contient un principe de jugement universel. Le mal universel est exposé dans les versets 29-38. La seule question qui puisse s’élever, c’est de savoir si, dans cette destruction ultérieure de tous les royaumes de la terre, l’expression roi de Shéshac s’applique à une nation qui possédera le même territoire, ou si elle concerne uniquement Nebucadnetsar. Je doute qu’elle s’étende à d’autres qu’à ce roi[6]. Le tableau du jugement général termine la première partie de la prophétie. Ce qui suit fournit des faits de détails et concerne des cas particuliers[7].

Le chapitre 26 commence cette série de détails, par une prophétie qui se rapporte au commencement du règne de Jehoïakim ; le peuple déjà dans le péché est averti qu’il échappera s’il se repent. Nous avons vu constamment ce caractère attaché aux prophéties de Jérémie, comme si Dieu disait : Aujourd’hui si vous entendez ma voix. Les circonstances rendaient urgent cet appel à la repentance ; car, en effet, si Israël ne se repent pas, il en sera de la maison de l’Éternel comme de Silo ; nous trouvons ici ce dont Dieu avait averti le prophète. On combat contre lui, mais, ainsi que l’Éternel l’en avait assuré, on n’a pas le dessus sur lui. On voit que c’est le parti ecclésiastique qui excite le peuple contre le témoignage de Dieu qu’Il fait rendre par la bouche du prophète. Mais Dieu tourne le cœur du prince et du peuple en sa faveur, il y en avait aussi qui tenaient compte des voies de l’Éternel ; leur intelligence n’allait pas loin, mais c’était suffisant pour le salut ; ils craignaient Dieu. On peut remarquer ici, que la conscience saisissait la parole de Dieu dans son application immédiate ; sans doute le mal irait en augmentant, et une fois parvenu à maturité, le jugement s’accomplirait, car Dieu ne frappe point avant que l’iniquité soit au comble ; ce serait alors qu’aurait lieu l’accomplissement de la prophétie. Mais la conscience sous l’influence de la Parole prend connaissance des principes qui sont jugés par elle, même alors que tout n’est pas mûr pour le jugement, et que ce dernier est momentanément suspendu (voyez v. 18, 19).

Les chapitres 27 et 28 vont ensemble ; ce qui en fait le sujet principal, c’est la soumission au chef des Gentils que Dieu exigeait des Juifs. Mais, avant d’insister sur ce point, je ferai remarquer les soins que Dieu prend de Son peuple, en l’avertissant à chaque nouveau pas qu’il fait vers le jugement. On se souvient que Sédécias s’est attiré ce jugement en se révoltant contre le roi de Babylone. Au commencement de son règne, l’Éternel envoie Sa parole par Jérémie pour avertir tous les rois du voisinage et Sédécias lui-même, qu’ils avaient à se soumettre ; que s’ils se soumettaient, ils demeureraient en paix dans leurs pays, que, dans le cas contraire, ils seraient chassés et périraient.

Remarquons maintenant quelle place, comme créateur de la terre, de l’homme et des bêtes, Dieu donne au roi de Babylone. Dieu a livré pour un certain temps à Nebucadnetsar les nations et toutes les bêtes des champs. Il veut établir cette puissance centrale et universelle : la nation qui ne s’y soumettrait pas, se constituerait en opposition contre Dieu même, et serait écrasée (comp. Dan. 2, 38, où les oiseaux des cieux sont ajoutés à sa domination). Tout ce qui était sur la terre était soumis à ce roi de la terre, ce chef impérial pris d’entre les Gentils. C’était un gouvernement voulu de Dieu, qui avait abandonné Jérusalem, et ne la protégerait plus, à moins qu’elle ne se soumît à ce gouvernement. Il paraît que les rois des pays voisins tramaient quelque complot avec Sédécias pour secouer le joug du roi de Babylone ; c’est à l’occasion de l’envoi de leurs ambassadeurs que la prophétie a été donnée, Dieu manifestant Sa volonté que tous se soumissent à ce joug, car c’était Lui-même qui l’imposait.

Ce fait que Dieu a confié la puissance dans ce monde, à un homme, est très remarquable. Pour ce qui concerne le dépositaire de la royauté en Israël, il a été mis à l’épreuve au sujet de l’obéissance à Dieu, et il n’a pas su jouir du bonheur qui y était attaché. Maintenant Dieu abandonne ce gouvernement direct du monde (tout en restant souverain en haut), et, rejetant Israël qu’Il avait choisi d’entre les nations, lesquelles Il avait groupées autour de lui et du trône qu’Il avait placé au milieu de lui, Il assujettit le monde à un chef ; ainsi, confiant la puissance à l’homme, Il le soumet à une nouvelle épreuve, à savoir, s’il saurait reconnaître Dieu qui l’avait rendu maître de faire sa volonté dans ce monde, et qui Lui-même favorisait sa puissance en obligeant tous les hommes à s’y ranger, et aussi s’il saurait rendre heureux les hommes qui lui étaient soumis.

Je n’entre pas ici dans les détails de l’histoire de cette épreuve de l’homme ; ils appartiennent à l’étude de Daniel. Nous savons que l’homme a manqué, que, inintelligent et présomptueux, il a ravagé le monde et opprimé le peuple de Dieu, foulé Son sanctuaire et préparé pour lui-même un jugement d’autant plus terrible, que Satan le poussera à y résister et l’aidera dans sa rébellion. Nebucadnetsar seul répond en tout point au tableau qui précède. C’est la tête d’or. Dieu lui avait directement confié le gouvernement du monde. Cyrus occupe personnellement une place spéciale et plus honorable sous certains rapports ; mais l’empire des Perses n’a fait que remplacer celui qui existait déjà ; les sources et le caractère de la puissance vont toujours se détériorant, à mesure qu’on s’éloigne de Dieu et de Son don.

Les faux prophètes comme les faux docteurs s’opposent à la vérité, précisément là où Dieu met Son peuple à l’épreuve. Ils peuvent se servir de toutes les autres parties de la vérité pour tromper, et paraître avoir plus de foi en elles. Il est clair qu’ils n’ont jamais le secret de l’Éternel. Mais quelles que soient les apparences, ils n’arrêtent ni ne détournent Dieu du chemin dans lequel Il veut marcher. Cependant la position du vrai prophète est pénible ; il peut pour le moment sembler être réduit au silence ; car le mensonge populaire possède le cœur du peuple. Jérémie a dû s’en aller. Toutefois, pendant le combat entre la vérité et l’erreur, Dieu intervient souvent par d’éclatants témoignages. La mission du prophète dans le gouvernement du monde et par rapport à la marche du peuple, est toujours le témoignage d’un jugement qui va fondre sur l’infidélité.

Chapitre 29. — D’un autre côté, le prophète console ceux qui, par le jugement de Dieu, sont soumis au joug qu’Il leur a imposé. Les Juifs à Babylone doivent demeurer en paix, cherchant paisiblement la prospérité de la ville où ils sont captifs. Le temps de la délivrance viendra. L’esprit de rébellion sera puni. Enfin, après avoir insisté sur la soumission du peuple au jugement, Dieu révèle Ses propres pensées de grâce. Cette soumission était nécessaire, vu le péché d’Israël, car Dieu a dû maintenir Son caractère, et ne pas s’identifier avec les voies d’un peuple rebelle. Mais il fallait qu’Il se manifestât tel qu’Il est, dans Sa grâce. L’exécution du jugement, l’état de ruine où se trouvait Israël, font d’autant plus ressortir toute la vérité et tout l’éclat de la grâce de Dieu.

Quelques détails sur les circonstances qui accompagnent le jugement et l’étendue de ses effets, méritent notre attention, ainsi que le caractère que Dieu y déploie.

Au chapitre 30, Dieu ordonne à Jérémie d’écrire dans un livre les paroles de jugement qu’il avait entendues ; car Dieu voulait rétablir le peuple. Or cette délivrance trouve Israël au plus fort de la détresse. C’est la première chose qui soit présentée au prophète. Nul jour n’est comparable à ce jour de la détresse de Jacob. C’est le jour dont parlent Matthieu 24, et Marc 13. Mais, dans cette extrémité, Dieu vient au secours de Son peuple, et, après avoir exécuté le jugement, Il agit d’après Ses propres conseils en grâce, de sorte que sa délivrance est pleine et entière. Israël servira l’Éternel son Dieu, et David son roi. La ruine était complète, la blessure incurable (v. 12) ; nul remède ne pouvait la guérir ; c’était Dieu qui avait frappé Son peuple à cause de la multitude de ses péchés. Toutefois, Il est avec Son peuple pour le sauver, et par conséquent tous les peuples qui ont profité de Sa colère pour dévorer Israël, seront eux-mêmes dévorés. Sion sera rebâtie sur son ancien emplacement, la joie et la paix régneront dans ses demeures ; les gouverneurs du peuple seront d’entre ses enfants. Israël sera le peuple de l’Éternel, et l’Éternel sera son Dieu. Enfin, un principe que nous avons vu clairement posé dans Ésaïe est annoncé ici, à savoir que le jugement tomberait sur le méchant ; que ce jugement sortait d’abord pour frapper le peuple de Dieu, puisqu’il était méchant, et qu’il devait en subir la conséquence. Mais partout où serait le méchant, ce jugement l’atteindrait. Là où serait le corps mort, là aussi s’assembleraient les aigles.

Chapitre 31. — Mais ce n’était pas seulement Juda, auquel Jérémie adressait ses prophéties, qui devait être rétabli ; toutes les familles d’Israël jouiraient de cette bénédiction. L’Éternel serait leur Dieu ; elles seraient Son peuple. Peu de mots suffiront pour fixer l’attention du lecteur sur les principaux points de cette belle prophétie. Toutes les tribus y sont comprises, mais toutes en relation renouvelée avec Sion. C’est une délivrance opérée par l’Éternel, et par conséquent une délivrance complète. La faiblesse n’empêche pas d’en jouir. C’est une délivrance qui fond le cœur, produit des larmes et des supplications, mais qui ôte tout sujet de larmes ; il ne reste que celles que la grâce a produites. Ils ne seront plus languissants ; leur âme sera comme un jardin arrosé ; ils seront rassasiés de biens par l’Éternel. Éphraïm s’est repenti (car Dieu tient à lui faire sentir qu’Il ne l’a jamais oublié) ; l’Éternel a toujours pensé à Son enfant égaré. Juda sera la demeure de la justice et la montagne de Sa sainteté. Ceci s’effectuera en vertu d’une nouvelle alliance, et non d’après celle qui fut donnée à la sortie d’Égypte. La loi sera mise dans leur cœur ; tous connaîtront l’Éternel ; tous leurs péchés seront à jamais oubliés. Si je renverse les ordonnances de la création, dit Dieu, alors Israël sera rejeté à cause de tout ce qu’il a fait. Enfin, le Seigneur annonce en détail le rétablissement de Jérusalem.

J’ajouterai que, dans le verset 22, je ne vois autre chose que l’expression de la faiblesse. Israël, faible même comme une femme, possédera et surmontera toute force, vu que la force se manifeste dans ce qui est la faiblesse même.

Ce chapitre et le suivant donnent en général le témoignage prophétique de la restauration d’Israël. Le chapitre 32 s’applique aux circonstances des Juifs assiégés à Jérusalem, en prenant occasion de la ruine immédiate qui les menaçait par la présence de Nebucadnetsar, pour annoncer les conseils immuables de Dieu en grâce à leur égard. Jérémie avait annoncé que la ville serait prise et Sédécias emmené captif. Mais l’Éternel lui a fait acheter des terres, comme preuve que le retour du peuple était assuré. L’iniquité des peuples et de la ville depuis le commencement est mise en évidence ; mais, maintenant que le désespoir du péché prévoyait bien sa ruine, l’Éternel annonce non seulement un retour de la captivité mais en outre la pleine efficace de Sa grâce. Il donnera au peuple un même cœur pour Le servir à jamais. Sa relation avec Dieu, comme Son peuple, sera pleinement établie : cela aura lieu selon l’efficacité d’une alliance éternelle. L’Éternel prendra plaisir à lui faire du bien. Il le plantera dans le pays, de tout Son cœur et de toute Son âme. C’est Lui qui a fait venir le mal, en jugement ; c’est Lui qui va faire venir tout le bien qu’Il a prononcé.

Le chapitre 33, tout en répétant le témoignage de ces bénédictions, insiste particulièrement sur la présence du Messie ; il annonce que le germe de justice germera à David en exécutant la justice et le jugement sur la terre ; Juda sera sauvé, et Jérusalem demeurera en assurance ; Son nom sera « l’Éternel, notre justice ». David ne manquera point de fils assis sur le trône de la maison d’Israël (et non de Juda seulement), ni la maison de Lévi, de sacrificateurs. L’alliance de l’Éternel avec les cieux et la terre serait rompue, avant que cette alliance avec David vînt à l’être. Quel que fût le désespoir du peuple, jamais l’Éternel ne rejetterait Jacob, ni David Son serviteur. Il fera retourner ses captifs et aura compassion d’eux. Le lecteur remarquera combien complète est cette révélation de la délivrance, dans ses objets : d’abord Juda, qui était particulièrement en question, puis Israël tout entier, ensuite le pays, et puis le Messie, et la sacrificature. Pour soulager ceux de Babylone, les Juifs captifs sont encouragés à une espérance certaine comme conséquence de leur repentance (chap. 29) ; mais, en général, Juda est uni à Israël dans la même délivrance. Ils sont envisagés comme un seul. En effet, après le chapitre 29, à part le chapitre 31, 23, 24, où Éphraïm avait déjà été spécifiquement distingué, et le chapitre 33, 7, 10, 16, où il s’agit de la grâce présente à cause du siège — à part, dis-je, ces deux chapitres, c’est Israël qui est toujours nommé le premier lorsqu’il est question des deux peuples, et Dieu se glorifie dans le nom de « Dieu d’Israël ».

Jérémie ne parle pas de la réjection du Messie. Il s’occupe des péchés présents, et des desseins futurs dans lesquels entre le Messie.

Avec ce chapitre se termine la seconde partie du livre de Jérémie, à savoir la révélation de l’effet de la pleine grâce de Dieu envers Israël ruiné, effet qui s’effectuera selon Ses conseils d’amour et qui sera parfait selon ces conseils.

Chapitre 34. — À l’occasion d’un renouvellement d’iniquité, la prophétie annonce la ruine certaine du peuple. Cependant Sédécias, tout en étant emmené captif à Babylone, y mourra en paix[8]. Dans les chapitres qui suivent, nous avons quelques détails sur la rébellion obstinée qui a amené la destruction de Jérusalem et de tout Juda.

Chapitre 35. — L’obéissance des Récabites est mise en évidence pour faire ressortir le péché de Juda persévérant dans la désobéissance malgré les appels et la patience de Dieu. Dieu n’oublie pas l’obéissance qui glorifie Son nom ; la famille des Récabites ne viendra jamais à s’éteindre.

Le chapitre 36 nous fournit encore un exemple de l’obstination des rois de Juda à mépriser le témoignage et l’appel de Dieu. Jérémie est enfermé, mais Dieu ne saurait manquer de moyens pour adresser Son témoignage aux hommes, quels que soient leurs efforts pour y échapper. Baruc est employé pour écrire la prophétie de Jérémie et la lire premièrement au peuple, ensuite aux principaux, et enfin au roi lui-même. Mais le roi, endurci dans ses mauvaises voies, détruit le rouleau. Jérémie, par la décision de Dieu, fait écrire les mêmes paroles et d’autres encore, car Dieu, dans Sa bonté, ne néglige aucun moyen pour atteindre la conscience du peuple, si c’est possible ; mais tout demeure inutile.

Le chapitre 37 nous présente Sédécias dans le même état de désobéissance ; les apparences religieuses sont maintenues, et à l’occasion d’un moment de relâche qui lui procure quelque espoir, le roi fait demander, par le prophète, à l’Éternel, des réponses à ses requêtes, mais les circonstances favorables par lesquelles il semblerait que le méchant peut échapper au jugement, ne changent pas la certitude de sa parole. Jérémie a voulu profiter de l’occasion pour se soustraire au jugement qui devait s’exécuter contre la ville rebelle ; mais cela ne sert qu’à manifester la haine du cœur contre le témoignage de Dieu, et, accusant Jérémie de favoriser les ennemis, parce qu’il annonçait le jugement dont ils devaient être l’instrument, les principaux du peuple le font mettre en prison. Sédécias montre quelque conscience en l’en faisant retirer[9]. En général il y a plus de conscience dans Sédécias, personnellement, que chez quelques autres des derniers rois de Juda (voyez v. 21 et chap. 38, 14, 16). Peut-être était-ce la raison qui lui fait accorder les quelques paroles de faveur et de miséricorde contenues au chapitre 34, 5. Mais sa faiblesse rendait les mouvements de sa croyance impuissants à le faire marcher dans le chemin de l’obéissance (comp. 38, 5-18). C’est de cette faiblesse que ce dernier chapitre nous présente l’histoire. Cependant, au milieu de toute cette scène de misère et d’iniquité, on trouve quelques rares exemples d’hommes justes, et Dieu se souvient d’eux, quelque terrible que soit Son jugement ; car Son jugement est terrible, parce qu’il est juste. Ébed-Mélec, qui a délivré Jérémie, est épargné, chapitre 39, 16. Baruc aussi conserve la vie. Sédécias même est soulagé par quelques paroles d’encouragement, comme nous l’avons vu, quoiqu’il ait dû subir les conséquences de ses fautes. Les voies de Dieu sont toujours parfaites, et si Ses jugements sont comme un torrent dévastateur, quant à l’homme, cela n’empêche point que tout, jusqu’au plus petit détail, ne soit dirigé par Sa main, et le juste échappe. La prison est même une sauvegarde pour Jérémie, et l’Éternel daigne non seulement épargner Ébed-Mélec, mais lui envoyer un témoignage direct de Sa faveur, par la bouche de Son prophète, afin qu’il comprenne la bonté de Dieu, en qui il s’était confié.

En outre, les chapitres 39 et suivants présentent l’histoire de la confusion et de l’iniquité qui ont régné au milieu du résidu qui ne fut pas emmené captif à Babylone, afin qu’il fût dispersé, et qu’il n’y eût rien qui ne subît pleinement le jugement que Dieu avait prononcé. Cependant si, à cette dernière heure, ce résidu se fût soumis au joug de Nebucadnetsar, la paix eût régné dans le pays, et ces quelques restes en eussent joui tranquillement. Mais les uns se révoltent, et les autres craignent la conséquence de leur folie ; il n’y a aucune idée de confiance dans l’Éternel. Ils consultent Jérémie, mais refusent d’obéir à la parole que l’Éternel leur prononce par sa bouche. Ils se réfugient en Égypte pour échapper à Nebucadnetsar, et ils y vont pour tomber sous l’épée, dont ils n’eussent point été atteints en Judée, s’ils fussent demeurés soumis au roi de Babylone. En Égypte, ils se vouent à l’idolâtrie, pour que la colère de Dieu vienne sur eux, jusqu’au bout. Dieu cependant épargnera aussi un petit résidu de ceux-ci ; mais le Pharaon Hophra, leur confiance, sera livré entre les mains de Nebucadnetsar, comme l’avait été Sédécias.

Le chapitre 45 contient la prophétie qui concerne Baruc, et dont nous avons déjà parlé.

Le chapitre 46 et les suivants renferment des prophéties contre les Gentils, situés dans le voisinage de la Judée, et contre Babylone elle-même. Dans les prophéties qui concernent les nations, on trouvera les caractères suivants : le jugement ne se rapporte pas aux derniers jours, comme dans Ésaïe, mais conformément à l’esprit général du livre, il a pour objet la destruction des diverses nations, afin que la domination d’un seul empire soit établie. C’est ainsi que, pour la Judée, le jugement est exécuté dès à présent.

Mais il y a une différence à l’égard du rétablissement des nations aux derniers jours. À cette époque, l’Égypte, Élam, Moab, Ammon, sont rétablis ; Édom, Damas, la Philistie, Hatsor, ne le sont pas. La raison de cette différence se présente sans difficulté : l’Égypte et Élam ne font pas partie du pays d’Israël ; Dieu, dans Sa bonté, aura compassion de ces pays ; ils seront habités et bénis sous Son gouvernement. Lors de l’entrée du peuple en Canaan, Ammon et Moab ont dû être épargnés : ce n’étaient point des Cananéens maudits, et, quelque triste que fût leur origine, ils étaient parents de la race d’Israël ; le pays leur avait été conservé, quoique jusqu’à la dixième génération, ils ne pussent être admis dans la congrégation du peuple de Dieu (Deut. 23, 3). Lorsque Dieu mettra fin à la domination confiée à Nebucadretsar et à l’empire des Gentils, ces nations rentreront dans les terres qui leur ont été accordées. Mais, quoique Édom ait été épargné, et qu’il dût même être admis au milieu d’Israël à la troisième génération, comme sa haine contre Israël a été sans bornes, il sera totalement détruit dans le jugement de ces jours-là (comp. Abdias, en général, et le verset 18 en particulier). Son pays fera partie d’Israël, et il en faisait partie en effet, quoique lui-même ait été épargné au commencement, comme frère d’Israël ; mais hélas ! il a abusé de cette grâce, de sorte que le jugement sera plus terrible sur lui que sur les autres. Damas, Hatsor et la Philistie faisaient partie de la terre d’Israël proprement dite. Ces nations disparaissent comme nations distinctes, quant à leur territoire. À la fin du jugement de l’Égypte, Dieu envoie à Israël des paroles d’encouragement. Israël s’était appuyé sur le Pharaon, lorsque Nebucadretsar avait attaqué Jérusalem. La puissance égyptienne paraissait la seule capable de balancer celle de Babylone. Mais Dieu avait ordonné la chute de l’Égypte, qui aurait volontiers pris la première place tandis qu’elle était réservée à Babylone. Le pays d’où Israël a été tiré (c’est-à-dire le monde envisagé comme homme, dans son caractère naturel d’indépendance, et organisant dans sa propre force) aimerait prévaloir sur la corruption idolâtre et les principes babyloniens ; mais ceux-ci doivent avoir leur force jusqu’au temps ordonné de Dieu, et où Dieu les jugera. Or Israël s’étant appuyé sur l’Égypte, a dû en apparence partager sa perte. Mais Dieu veillait sur lui ; il reviendra de sa captivité et demeurera en paix. Dieu jugera les nations, Il châtiera Israël avec mesure. Son peuple ne sera pas condamné avec le monde. Les voies de Dieu en gouvernement sont bien dignes d’attention dans ce cas-ci. L’abus de la grâce amène les plus terribles jugements. Il en a été ainsi avec Édom.

Il reste encore Babylone. Or, dans Jérémie, tous les jugements sont envisagés en rapport avec la mise de côté des nations indépendantes et l’établissement de l’empire unitaire des Gentils, sujet capital de cette prophétie. Par conséquent le prophète s’occupe spécialement du sort de l’empire comme établi de Dieu, de son vivant. Le sujet de sa prophétie, c’est Babylone et la terre des Chaldéens ; c’est le jugement de cet empire, jugement destiné à tirer vengeance de l’oppression d’Israël par Nebucadretsar qui avait cassé ses os, chapitre 50, 17. Cependant la délivrance d’Israël, lors de la destruction de Babylone, est présentée comme un gage et un avant-goût de sa délivrance complète et finale, chapitre 50, 4, 5, 19, 20, 34 (voyez aussi chap. 51, 19, 21), car la destruction de Babylone est le jugement de ce que Dieu avait établi Lui-même comme empire gentil. C’est pourquoi, même historiquement, son jugement a été accompagné de la délivrance d’Israël et de la destruction de l’idolâtrie par un homme suscité pour accomplir la justice de Dieu, ce qui n’a nullement été le cas des autres empires, quoique sans doute aussi leur existence fût due à la providence de Dieu. Mais, pour leur cas, ce n’était pas l’établissement de l’empire par Dieu Lui-même, qui le confie à l’homme sous sa responsabilité. L’homme placé dans cette position a complètement manqué : il a tyrannisé le peuple de Dieu, établi une idolâtrie obligatoire, et corrompu le monde par son moyen. Envisagé comme en possession de l’empire du monde qui lui avait été confié, il a été jugé et Babylone est tombée. Il est important de bien saisir cette vérité à l’égard de ce premier empire. En principe, la délivrance d’Israël en est la conséquence, quelles qu’aient été ensuite les voies de Dieu (voyez aussi le caractère de ce jugement, chap. 50, 28, 33, 34). Le chapitre suivant nous fournit aussi des principes importants qui, se rattachant à cette prise de Babylone, proclament la fidélité immanquable de Dieu envers Israël, chapitre 51, 5, malgré ses péchés. C’était la vengeance de l’Éternel pour les temps qu’Il signalait et dont la connaissance était laissée au discernement spirituel, capable de faire l’application de la prophétie, dont les éléments sont assez clairement fournis par ces deux chapitres, notamment les assauts que les nations livreront à la ville et qui doivent être, pour ceux qui auront des oreilles, le signal de la quitter. Il y a plus, la chute de Babylone était un jugement prononcé sur l’idolâtrie. La portion de Jacob, l’Éternel, pouvait châtier Son peuple, mais Il n’était pas comme les vanités des Gentils. Après l’avoir châtié, Il ferait ressortir Sa justice en contraste avec les Gentils qui l’opprimaient, et enfin se servirait de Son peuple comme d’un instrument de guerre. Depuis le verset 25, on voit que c’est de la Babylone de ces temps-là qu’il est question : une preuve toute particulière nous en est fournie à partir du verset 29, par les circonstances historiques qui y sont mentionnées.

Le dernier chapitre ne fait point partie du prophète proprement dit. On y trouve les faits relatifs à la destruction de Jérusalem et du temple. D’après ce qui précède, ce qui est dit de Babylone sera facilement compris.

Je résume ici les principes, à cause de leur importance. L’empire de Babylone, à la suite de l’infidélité de la famille de David, a été établi par Dieu Lui-même, et le gouvernement du monde lui a été confié. Or, Babylone a non seulement opprimé Israël, mais elle a établi l’idolâtrie et corrompu le monde. Celui qui aurait dû être adorateur du vrai Dieu et l’instrument de Sa puissance, a établi l’influence de l’ennemi autant qu’il l’a pu. Dieu l’a jugé ; l’empire établi par Dieu Lui-même a été totalement renversé. Ce jugement a été exécuté contre l’orgueil de l’homme et contre l’idolâtrie ; il a amené la délivrance d’Israël. À cette occasion, Dieu a déclaré ce qu’Israël était pour Lui, et ce qu’il serait aux derniers jours. Mais le sujet traité est la Babylone d’alors. Après cela, Dieu a permis que d’autres puissances eussent le gouvernement du monde, comme empire universel, jusqu’à l’accomplissement final de tous Ses desseins. Ces empires ont dû subsister selon Sa volonté, être abaissés ou élevés selon qu’Il le trouvait bon. Mais aucun n’a précisément tenu la place que tenait Babylone ; aucun n’a été formellement établi à la place d’Israël, et la destruction d’aucun d’eux n’a été l’occasion du rétablissement de ce peuple. La parole de la prophétie nous fait savoir qu’à la fin des temps le jugement du dernier empire aura cet effet. Le jugement dont Babylone a été l’objet en a été une espèce de signe, de même que son caractère moral a commencé la triste histoire de ces monarchies, et leur a servi de modèle sous bien des rapports, quant au mal qui devait se développer jusqu’à la fin. Mais, pour comprendre les principes fondamentaux de cette histoire et les voies de Dieu, il faut conserver claire et distincte dans son esprit la place que ce premier empire a tenue dans Ses voies. Outre l’immense fait de la substitution de l’empire confié à l’homme, pour l’exercice immédiat du gouvernement de Dieu sur la terre, il est très frappant de voir dans ce livre le témoignage constant que Dieu suscite, ainsi que les avertissements qu’Il envoie aux rois les uns après les autres, et au peuple et aux sacrificateurs, enfin la patience de l’amour et de l’intérêt de Dieu.



  1. Au chapitre 27, Jehoïakim devrait être Sédécias (voyez verset 12 et chapitre 28, 1).
  2. Comp. Matthieu 26, où la chose se voit de la manière la plus frappante. Il est bien précieux de voir en Christ ce résultat parfait, et en même temps tout ce qui se passait dans Son cœur comme homme, sensible qu’Il était aux circonstances extérieures et ainsi profondément exercé dans Son âme intérieurement. Le travail intérieur parfait, produit une tranquillité parfaite dans la marche au-dehors, Dieu étant pleinement introduit dans tous deux. Si nous évitons, en quoi que ce soit, d’aller jusqu’au fond des choses avec Dieu, le cœur n’est pas capable d’agir pour Lui ; il ne l’est que si tout était en ordre : et alors seulement la paix accompagne nos actions. Combien il est précieux cependant de voir la réalité de la nature humaine de Christ dans tous les exercices intimes de Son esprit.
  3. Jonas offre quelque chose d’analogue ; mais les circonstances du prophète ne forment chez lui qu’un épisode, et ne se lient pas au témoignage dont il était chargé, si ce n’est par le seul principe de la grâce.
  4. La justice, aussi bien que l’amour, caractérise le saint, et a sa place là où il y a des adversaires de cet amour et de la bénédiction du peuple bien-aimé. Il ne s’agit pas de l’évangile, des voies présentes de Dieu en grâce souveraine, mais de l’esprit prophétique en rapport avec le gouvernement de Dieu. C’est pourquoi, dans l’Apocalypse, les saints réclament la vengeance.
  5. On voit en même temps l’amour immanquable de Dieu pour Son peuple, et le lien de Sa fidélité qui ne saurait être brisé. Il appelle les nations qui environnaient le pays qu’Il avait donné à Son peuple, Ses voisins. On voit aussi le rejet de tout ce système de nations dont Israël était le centre de la part de Dieu, et qui succombe lorsque Israël qui en était la clef de voûte est ôté, verset 14. Puis ces nations seront rétablies ainsi qu’Israël et bénies, à condition qu’elles reconnaissent le Dieu d’Israël, l’Éternel. Christ réunira les deux systèmes : celui d’avoir des nations autour d’Israël comme centre et celui de la suprématie individuelle du Roi des rois dans Sa personne. Il sera l’homme seul à qui tout l’empire est confié, et Israël sera rétabli, ainsi que les diverses nations avec leurs rois, chacune en son pays et dans son lieu, comme avant Nebucadnetsar, excepté Édom, Damas, Hatsor, et Babylone elle-même, c’est-à-dire les nations qui sont sur le territoire d’Israël. Babylone qui a absorbé et remplacé toutes les autres, doit disparaître par le jugement de Dieu, pour leur faire place de nouveau (comp. chapitre 46 et suivants).
  6. Dans tous les cas, le jugement ne me semble pas aller plus loin que l’oppression des nations par le roi des Gentils, suscité à la place du trône de Dieu à Jérusalem, et la propre destruction de ce roi, à la fin de sa carrière d’iniquité.
  7. La destruction de Babylone est d’une importance particulière ; d’abord, comme substituée par Dieu Lui-même à la place de Son trône à Jérusalem, puis comme étant la seule puissance des Gentils directement établie par Lui, quoique toute autorité soit de Lui. Les autres royaumes remplacèrent Babylone providentiellement. C’est pourquoi, quelque partiellement que le principe se montre, Jérusalem est restaurée lors de la destruction de Babylone, et la même puissance qui juge Babylone, rétablit de nouveau le peuple de Dieu dans la cité sainte. Babylone, son établissement, son autorité et sa destruction, embrassait l’ensemble des voies directes de Dieu envers les Gentils, et en puissance envers Son peuple. Tout le reste n’entra que comme un prolongement accessoire.
  8. Le gouvernement exact de Dieu se montre ici d’une manière remarquable. Sédécias avait juré par le nom de Jéhovah, et avait violé Son serment : il est jugé comme profane. Mais on voit au chapitre 38, 5, 19, 25, qu’il aurait voulu écouter Jérémie et qu’il ne l’a pas osé : Dieu en tient compte, et la miséricorde est exercée à son égard.
  9. Voyez la note précédente.