Traité:Le siège de Samarie

De mipe
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Au lecteur

Dans les pages qui suivent, le récit du siège de Samarie est employé comme une illustration de vérités importantes, abondamment et explicitement révélées, d’ailleurs, dans d’autres portions de l’Écriture. La Parole de Dieu est aussi certaine dans ses menaces que dans ses promesses — en tant que pécheurs perdus, nous ne pouvons absolument être sauvés que par grâce — l’œuvre expiatoire de Christ est l’unique fondement de la paix du pécheur avec Dieu — c’est par la foi que l’on jouit de cette paix — la foi en Christ est accompagnée d’un renoncement complet à toute confiance en soi-même — c’est un devoir, pour tous ceux qui ont goûté combien le Seigneur est bon, de faire connaître à d’autres la bonne nouvelle de l’évangile — l’incrédulité, qui rejette le témoignage de Dieu, est ce qui, seul, scelle la perdition du méchant : telles sont les grandes et solennelles vérités ici exposées, d’après le récit sacré qui leur sert comme de cadre. Que, dans Son infinie miséricorde, Dieu veuille que, par la puissante efficace du Saint Esprit accompagnant la lecture de ces pages, elles contribuent à toucher la conscience et le cœur de plusieurs de ceux qui les liront !

Le siège de Samarie (2 Rois 6, 24 à 7, 20)

Samarie était la capitale du royaume d’Israël ou des dix tribus. Bâtie par Omri, l’un des méchants rois d’une méchante race, elle devint le siège de la royauté de son fils Achab, dont il est écrit, qu’il « s’était vendu pour faire ce qui déplaît à l’Éternel ». À cause de son impiété un jugement fut prononcé soit sur lui, soit sur sa maison ; mais par un effet du long support de Dieu, l’exécution en fut ajournée aux temps de ses coupables descendants et successeurs sur le trône.

Le roi, dont il est question dans la portion des Écritures indiquée dans notre titre, est Joram, fils d’Achab. Il ne paraît pas être allé aussi loin que son père, ou que son frère décédé, Achazia, dans la voie de l’impiété déclarée et de la révolte directe contre Dieu. Il ôta la statue de Baal que son père avait faite ; mais il adhéra au péché national et constant des dix tribus — au culte des veaux que Jéroboam avait établi ; « il ne s’en détourna point ». Il nous apparaît comme un homme à propre justice, se confiant en des formes extérieures de piété et en des pratiques de dévotion ; mais si sa piété eût été celle du cœur — si sa dévotion eût été celle qui découle d’une connaissance réelle de la grâce de Dieu — il ne se serait pas contenté de l’abandon des formes les plus grossières de l’idolâtrie, telles que son père les pratiquait ; il aurait, de plus, entièrement renoncé au grand péché national, par lequel les dix tribus s’étaient éloignées de Dieu. C’était là le grand différend entre Dieu et la nation ; aussi longtemps que celle-ci persistait dans cette voie, rien ne pouvait détourner le déplaisir de Dieu. Aussi, ce fut dans les jours de ce roi à propre justice — de ce roi qui, aux yeux de l’homme et comparativement à d’autres, était meilleur que la plupart de ses prédécesseurs — que les premières gouttes de la pluie de la colère divine, qui menaçait le peuple apostat, commencèrent à tomber. Nous verrons, hélas ! dans l’histoire qui va nous occuper, de combien peu de valeur est cette dévotion toute extérieure.

Le récit que nous voulons méditer est une démonstration de plus d’une vérité que le cœur de l’homme est toujours lent à croire, savoir, que la haine de Dieu contre le péché est une réalité. C’est là un fait des plus sérieux que l’Écriture ne voile ni ne dissimule. Le jugement est, il est vrai, pour Dieu « une œuvre étrange » ; Il en parle Lui-même comme de « son travail, son travail inaccoutumé » (És. 28, 21) ; mais quand Il se lève pour le jugement, « les hommes superbes qui viennent au secours, sont abattus sous lui » (Job 9, 13). La Parole de Dieu ne connaît pas cette fausse tendresse qui voudrait cacher le danger ou qui cherche à l’amoindrir par des explications, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour y échapper. Non, ses déclarations sont aussi positives que solennelles. En voici quelques-unes : « Les méchants seront rejetés en arrière dans le séjour des morts, toutes les nations oublieuses de Dieu » (Ps. 9, 17). « À moins que vous ne vous convertissiez, vous périrez tous de même » (Luc 13, 3). « La colère de Dieu se révèle du ciel sur toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité dans l’injustice » (Rom. 1, 18). « Le Seigneur Jésus sera révélé du ciel avec les anges de sa puissance, dans un feu de flamme, exerçant la vengeance sur ceux qui ne connaissent point Dieu, et sur ceux qui n’obéissent point à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ ; lesquels subiront leur peine, une ruine éternelle, de devant la face du Seigneur et de devant la gloire de sa force » (2 Thess. 1, 7-9). Sans doute, cher lecteur, Dieu est « tardif à la colère ». « Il use de long support, ne voulant pas qu’aucun périsse » ; mais Sa colère est d’autant plus terrible que les coups en ont été plus longtemps différés. « Parce que j’ai crié, et que vous avez refusé d’ouïr ; parce que j’ai étendu ma main, et qu’il n’y a eu personne qui y prît garde ; et parce que vous avez rejeté tout mon conseil, et que vous n’avez point agréé que je vous reprisse ; moi aussi, je me rirai de votre calamité ; je me moquerai quand votre effroi surviendra » (Prov. 1, 24-26). De ce que le jugement est retardé, les hommes concluent qu’il ne viendra jamais. « Voilà ce que tu as fait, et je suis resté muet. Tu t’es figuré que je suis réellement tel que toi. Je te reprendrai, et mettrai le tout devant tes yeux ». Comme l’avertissement qui suit immédiatement ces paroles est miséricordieux ! « Prenez donc garde à ceci, vous qui oubliez Dieu, de peur que je ne mette en pièces, sans que personne délivre » (Ps. 50, 21, 22).

Et ce ne sont pas seulement les avertissements et les déclarations de l’Écriture, qui font connaître la haine de Dieu pour le péché et Sa détermination de le punir. Nombre de faits sont rapportés, dans lesquels, au moyen de jugements temporels et visibles, Dieu a manifesté Son aversion pour le péché. Le poison mensonger du serpent : « Vous ne mourrez nullement », n’a pas été laissé sans antidote dans sa funeste action sur les âmes des hommes. Le déluge, la subversion de Sodome, les plaies d’Égypte, la destruction des Cananéens, sont tout autant de témoignages rendus à cette vérité ; il est impossible que le péché demeure impuni. Et dans l’histoire d’Israël, combien d’événements analogues et d’événements frappants, nous sont présentés. Le siège de Samarie en est un. Bien des siècles auparavant, Dieu avait déclaré aux Israélites quelles seraient les conséquences de la rébellion, qui les atteindraient. Il leur avait dénoncé plaie sur plaie, calamité sur calamité, qui devaient fondre sur eux dans le cas où ils transgresseraient Ses lois. Il avait même prédit, qu’ils seraient réduits à une telle extrémité qu’ils en viendraient jusqu’à égorger et à dévorer leurs propres enfants : « La femme la plus tendre et la plus délicate d’entre vous, qui n’eût point osé mettre la plante de son pied sur la terre, par délicatesse et par mollesse, regardera d’un œil malin son mari bien-aimé, son fils et sa fille, et la taie de son petit enfant qui sortira d’entre ses pieds, et les enfants qu’elle enfantera ; car elle les mangera secrètement dans la disette de toutes choses, à cause du siège et de la détresse dont ton ennemi te serrera dans toutes tes villes » (Deut. 28, 56, 57). Cette épouvantable prédiction fut-elle accomplie ? Oui, cher lecteur, quelque effrayant que fût le châtiment qu’elle annonçait, il n’était pas trop effrayant pour que Dieu craignît d’en menacer Son peuple, comme d’une juste rétribution de la méchanceté obstinée de ce peuple, et si, aux yeux de Dieu, il n’était pas trop effrayant comme menace, il ne l’était pas davantage lorsque, Sa patience n’ayant servi à rien, il ne restait plus qu’à infliger ce châtiment. Soyez-en sûr, Dieu n’emploie pas de faux épouvantails — Il ne fait pas des menaces qu’Il ne soit pas prêt à exécuter, lorsque le temps du jugement est arrivé. S’Il a dit que des horreurs, telles que celles qui sont décrites en Deutéronome 28, seraient le partage d’Israël impénitent, eh bien ! nous avons l’accomplissement de cette menace dans le récit dont nous nous occupons. Dieu a-t-Il dit que les conséquences de l’impénitence finale et de l’incrédulité ne sont rien moins qu’une perdition éternelle ? Vous savez bien qu’Il l’a dit. Eh bien ! soyez sûr, cher lecteur, qu’il en sera positivement ainsi. Ne vous séduisez pas vous-même, ne vous laissez pas séduire par l’idée que Dieu est trop miséricordieux pour punir l’incrédule d’un malheur éternel. Il est si vrai et si fidèle, qu’Il n’aurait jamais prononcé une telle sentence sur ceux qui rejettent l’évangile, si l’impossibilité d’y échapper n’eût pas été la simple et pure vérité. Que le Seigneur préserve nos lecteurs de se faire une idée aussi fausse et aussi pernicieuse de la miséricorde de Dieu !

C’est l’accomplissement sur Samarie de l’effroyable menace de Deutéronome 28, que nous avons citée, qui précipita, pour le roi coupable, la catastrophe, et mit en évidence la valeur réelle de sa piété apparente. Il savait employer le nom de l’Éternel, et « comme il passait sur la muraille, il déchira ses vêtements, ce que le peuple vit ; et voilà, il avait un sac sur sa chair en dedans ». L’orgueil pharisaïque et la propre justice peuvent mener deuil et jeûner — ils peuvent prendre un air triste et s’imposer une quantité d’austérités arbitraires. Mais ensuite, ils s’imaginent que tous ces actes doivent les recommander à Dieu et créer quelque droit à Sa faveur. C’était évidemment le cas pour Joram. Il n’était pas un hardi blasphémateur ; il n’était pas non plus indifférent aux souffrances de son peuple. Au contraire, il y compatissait vivement, et par ses humiliations et ses jeûnes, il espérait engager le Seigneur à éloigner les afflictions sous lesquelles gémissait ce peuple. Ces afflictions étaient, en effet, bien graves. « Il y avait une grande famine dans Samarie ; car voilà, ils l’assiégèrent si longtemps, que la tête d’un âne se vendait pour quatre-vingts pièces d’argent, et la quatrième partie d’un kab de fiente de pigeon, pour cinq pièces d’argent ». Et ce n’était pas là le pire. « Comme le roi d’Israël passait sur la muraille, une femme lui cria, en disant : Ô roi, mon seigneur ! délivre-moi. Et il répondit : Puisque l’Éternel ne te délivre point, comment te délivrerais-je ? Serait-ce de l’aire ou de la cuve ? ». Comme cette ironique réponse exprime bien l’amertume de son âme ! Le rire sauvage d’un maniaque témoigne parfois d’un angoisse plus profonde, que les plus lamentables plaintes. Il en était ainsi dans ce cas. Ces paroles du roi revenaient à ceci : « T’imagines-tu que les aires sont tellement chargées de grains — que les cuves regorgent tellement du fruit de la grappe — que je puisse t’aider au moyen de l’aire ou de la cuve ? À moins d’un miracle, à moins que l’Éternel ne te délivre, comment le pourrais-je ? ». Il était donc déjà sur la pente du désespoir.

Il demande pourtant à la femme quelle est la cause de sa douleur. « Qu’as-tu ? » lui dit-il, et en réponse elle lui fait connaître son différend avec sa voisine. « Et elle répondit : Cette femme-là m’a dit : Donne ton fils, et mangeons-le aujourd’hui, et nous mangerons mon fils demain. Ainsi nous avons bouilli mon fils, et l’avons mangé, et le jour d’après je lui ai dit : Donne ton fils, et mangeons-le ; mais elle a caché son fils ». Ce récit, presque trop déchirant pour être transcrit du volume inspiré dans les pages d’un écrit humain, remplit jusqu’au bord la coupe de l’angoisse et manifeste pleinement ce qui est dans le cœur du roi. Il avait jeûné, il s’était vêtu d’un sac, avec la pensée qu’en agissant ainsi, il ferait de l’Éternel son débiteur. Tant qu’il lui restait quelque espérance de réussir par ces moyens, il pouvait garder ses apparences de piété ; mais quand il voit que les choses en viennent à cette extrémité — que ses prières ne sont point entendues — que le sac qu’il porte ne lui sert de rien ; quand il voit que, malgré tout cela, le siège devient toujours plus serré — la famine toujours plus accablante — il s’abandonne au désespoir, et devient l’ennemi déclaré de ce Dieu que naguère il prétendait invoquer et servir. Dieu Lui-même est hors de sa portée ; mais il y a un homme, qu’il sait être identifié avec le nom et la cause de Dieu ; et c’est sur lui — le prophète Élisée — qu’il projette de décharger la colère dont son cœur est enflammé contre Dieu Lui-même. « Dieu me fasse ainsi, et même y ajoute, si aujourd’hui la tête d’Élisée, fils de Shaphath, demeure sur lui ». Le prophète était, à Samarie et, l’on peut dire, en Israël, l’homme qui, dans ce temps, était le plus près de Dieu ; et c’est sur lui que le monarque veut se venger. Élisée, assis dans sa maison, informe ceux qui l’entourent de l’approche du messager du roi ; il leur parle du bruit des pieds de son maître qui le suit immédiatement. Comme le prophète parlait encore, le roi arrive et dévoile le mystère de ce soudain changement. « Il dit : Voici, ce mal vient de l’Éternel, qu’attendrai-je plus de l’Éternel ? ». Il s’était complu dans l’idée illusoire qu’il avait servi Dieu et s’attendait à Lui ; mais maintenant que la coupe de la calamité est comble, au lieu de s’humilier dans son cœur en reconnaissant sincèrement qu’il avait mérité tout cela, il dépouille la retenue qu’il s’était imposée et accuse ouvertement Dieu de tout ce qui lui arrive. « Ce mal vient de l’Éternel ! Qu’attendrai-je plus de l’Éternel ? ». « Je pensais l’avoir ému à compassion par mes jeûnes et mes prières ; mais je vois à présent qu’il est inexorable — ce mal vient de Lui, mais je me vengerai ! ». Comme la propre justice et le meurtre des enfants de Dieu se tiennent de près ! Qu’était Caïn, le premier qui trempa ses mains dans le sang de son frère ? Était-il un profane déclaré, un impie ? Non, il était — à sa manière — un adorateur de Dieu. Il avait son autel, sur lequel il présenta son offrande. Qu’est-ce qui le poussa à tuer son frère ? Ce fut le renversement de ses espérances de propre justice. Quand il vit que le sacrifice de son frère était agréé et le sien rejeté, il conçut et exécuta cette horrible action. De même dans le cas dont nous nous occupons. Joram se figurait de se rendre agréable à Dieu par ce qu’il appelait son service de Dieu ; et quand il voit la main du jugement s’appesantissant de plus en plus sur lui, jusqu’à ce que, selon lui, il ne pourrait pas en supporter davantage, alors le masque tombe — le dévot devient un meurtrier et, dans sa haine contre Dieu, il fait vœu de se venger sur le prophète de Dieu.

Mais il est question, dans l’Écriture, d’un plus haut et plus affreux degré de la méchanceté humaine. Le roi d’Israël ne connaissait personne qui fût plus près de Dieu qu’Élisée. Or, dans l’accomplissement du temps, Dieu envoya Son Fils, dans la personne duquel Dieu s’approcha assez de l’homme, pour que tout ce qu’il y avait dans le cœur de l’homme envers Dieu se manifestât immédiatement vis-à-vis de Son Fils. Eh bien ! quel fut l’accueil qui Lui fut fait ? Quand, dans la plus humble condescendance et dans l’amour le plus tendre, Il revêtit la nature de l’homme, pour se faire l’infatigable serviteur de ses besoins, le médecin de ses maladies et le consolateur de ses peines — quand Il allait de lieu en lieu faisant du bien, et guérissant tous ceux qui étaient sous la puissance du diable — comment fut-Il reçu par ceux qu’Il venait servir ? Eux aussi, pour compléter le parallèle, étaient le peuple religieux d’alors. Comment accueillirent-ils le Fils bien-aimé de Dieu ? Comment répondirent-ils à tout l’amour avec lequel Il venait habiter au milieu d’eux ? La réponse, telle qu’Il la donne Lui-même, la voici : « Ils ont vu, et ils ont haï et moi et mon Père ». La réponse, telle qu’elle est dans leurs bouches, la voici : « Ôte, ôte, crucifie-le, crucifie-le », tel est le cri de rage par lequel ils demandent Son sang. « Et ils l’emmenèrent pour le crucifier ».

Qu’est-ce que Dieu fit en retour de cette abondance d’iniquité ? Quelle fut la réponse de Dieu à ces manifestations de la haine du cœur de l’homme contre Lui ? Quand Joram était sur le point de faire mourir le prophète, est-ce que Dieu arrêta son bras par les foudres de Sa colère ? Quand les hommes eurent mis à mort le propre Fils de Dieu, est-ce que Dieu les balaya immédiatement avec le balai de la destruction ? Non ; dans l’un et l’autre cas, « là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé ». Quant à Joram, Dieu oppose à sa fureur le témoignage de Sa propre bonté, de Sa grâce. « Alors Élisée dit : Écoutez la parole de l’Éternel. Ainsi a dit l’Éternel : Demain, à cette heure-ci, on donnera le sat de fine farine pour un sicle, et les deux sats d’orge pour un sicle, à la porte de Samarie ». C’est comme si le Seigneur eût dit : « Maintenant que votre vrai caractère est mis en évidence, que vous vous êtes montrés un ennemi déclaré de Dieu, je puis agir librement selon ma souveraine grâce et rendre immédiatement l’abondance à la ville affamée. Tandis que vous jeûniez et que vous portiez un sac sur le corps, une semblable intervention de ma part aurait pu paraître une approbation ou une récompense de vos actes de propre justice ; mais maintenant que vous êtes prêts à tuer mon prophète, un pareil malentendu n’est plus possible. La délivrance de la ville ne peut que magnifier les richesses de ma grâce, et la grâce aura son cours ».

Mais quelque merveilleux que fût ce triomphe de la grâce, il ne peut pas supporter la comparaison avec la grâce manifestée en la croix du Christ. Jamais encore la haine de l’homme pour Dieu ne s’était signalée comme elle le fit à la mort de Jésus. Lorsque l’indignation générale est réveillée et excitée par quelque récit de cruauté ou d’injustice de l’homme envers son prochain, vous entendrez beaucoup de gens exprimer hautement leur étonnement sur le long support de Dieu — ils sont surpris, disent-ils, que Dieu puisse supporter un monde où se passent de telles abominations ! Le supporter ! Un jour Dieu, du haut des cieux, était témoin du meurtre de Son Fils bien-aimé ! La miséricorde même que Jésus avait témoigné aux malheureux devenait, dans la bouche de la multitude, un sujet de raillerie et d’outrages contre Lui. « Il a sauvé les autres, disait-on, il ne peut se sauver lui-même ». Telle était la scène que Dieu contempla une fois d’en haut. Or qu’est-ce qui s’ensuivit ? Fut-ce la soudaine destruction des meurtriers, et du monde dont ils étaient les représentants ? Non, ce fut en la croix que la plus complète expression de l’inimitié de l’homme fut rencontrée par le déploiement de la plénitude de l’amour de Dieu. Le sang répandu par les mains des méchants fut accepté comme l’expiation des péchés de l’homme, et Dieu fit proclamer que quiconque de la race humaine coupable se confierait en ce précieux sang, recevrait le pardon de ses péchés et la participation à la vie, au bonheur et à la gloire du Seigneur Jésus Christ Lui-même. Quel langage pourrait décrire la grâce ici manifestée ! Si l’inimitié déclarée de Joram contre Dieu rendait évident que la délivrance de Samarie était « par grâce et non par les œuvres », le ministère de la réconciliation, envers un monde coupable du meurtre du Fils bien-aimé de Dieu, est assurément l’expression la plus élevée de la grâce souveraine. « Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec soi », et quand ce monde eut répondu à ces offres de paix par le meurtre de Son Fils incarné, au lieu d’en prendre immédiatement vengeance, Il envoie de nouveaux messagers, qui s’écrient : « Nous sommes donc ambassadeurs pour le Christ, comme si Dieu exhortait par notre moyen ; c’est pour le Christ que nous supplions, disant : Soyez réconciliés avec Dieu ».

Ce n’est pas ici une pure continuation ni une répétition des appels adressés avant la mort de Christ. La proclamation du pardon est maintenant basée sur ce fait. Les mains des méchants ont été, il est vrai, les instruments de la mort du Christ ; mais ce que l’évangile proclame, c’est le rôle de Dieu dans cette œuvre merveilleuse : « Car celui (Christ) qui n’a pas connu le péché, il (Dieu) l’a fait être péché pour nous, afin que nous, nous devenions justice de Dieu en lui ». Ah ! l’on peut bien dire en vérité : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ».

Mais revenons à notre récit. L’homme de Dieu avait déclaré que, dans vingt-quatre heures, il y aurait abondance de vivres à la porte de Samarie. Au milieu des multitudes mourant de faim, qui étaient ceux qui, les premiers, profiteraient de cette abondance ? C’étaient quatre hommes qui, tout en partageant avec leurs concitoyens les calamités dont tous souffraient également, portaient encore en eux-mêmes un mal qui les rendait plus sensibles que d’autres à l’énorme fardeau de ces calamités. Ils étaient dans un état plus désespéré que nul autre dans la ville, et ils en avaient la conscience. Ils étaient lépreux et, comme tels, séparés du reste des habitants. Ils se tenaient à l’entrée de la porte ; et certes, si l’on vendait à des prix exorbitants la plus révoltante nourriture, il n’était guère probable que l’on pensât à pourvoir aux besoins de pauvres lépreux. « Or il y avait à l’entrée de la porte quatre hommes lépreux, et ils se dirent l’un à l’autre : Pourquoi demeurons-nous ici, jusqu’à ce que nous mourrions ? Si nous parlons d’entrer dans la ville, la famine y est, et nous mourrons là ; et si nous demeurons ici, nous mourrons aussi. Maintenant donc venez, et glissons-nous au camp des Syriens ; s’ils nous laissent vivre, nous vivrons ; et s’ils nous font mourir, nous mourrons ». Que les voies de Dieu sont admirables ! On peut bien dire que l’extrémité de l’homme est l’opportunité de Dieu. C’est aussi l’opportunité de la foi, et quelque peu de vraie foi qu’il pût y avoir dans la conclusion à laquelle arrivèrent ces lépreux, leur résolution désespérée est une frappante représentation des émotions qui souvent précèdent et accompagnent les premiers actes de foi. Toutes les ressources ordinaires étaient épuisées, se tenir tranquille, ou entrer dans la ville, n’offrait, l’un et l’autre, aucune perspective que celle d’une mort certaine ; se rendre au camp des Syriens pouvait être pour eux un moyen de salut ; sinon, la mort — d’ailleurs leur partage assuré — est le pire qui puisse leur arriver — ils ne peuvent que mourir. Quel tableau des sentiments avec lesquels maint pécheur chargé, tremblant, désespéré, est tombé aux pieds de Jésus, avec les mots, pour ainsi dire, de ces lépreux sur les lèvres : « Je ne puis que périr ; et si je dois périr, que je périsse au moins aux pieds du Seigneur ! ».

Mais, là, nul n’a jamais péri ! Dieu avait déjà auparavant pensé à ces pauvres lépreux près de mourir, et Il avait opéré, dans le camp des Syriens, une œuvre qui devait apporter la délivrance à la ville de Samarie. Tandis que les habitants étaient à bout d’expédients, et leur roi dans un complet désespoir, Dieu Lui-même avait combattu pour eux, en faisant entendre aux Syriens un grand bruit, qui leur apparut comme celui d’une puissante armée qui s’avançait contre eux, ce qui les remplit d’une telle terreur, qu’ils avaient laissé leurs tentes, et s’étaient enfuis pour sauver leur vie, en abandonnant derrière eux tous leurs trésors et toutes leurs provisions. Les lépreux ne savaient rien de tout cela, quand ils prenaient leur résolution désespérée de se rendre au camp des Syriens. Dieu, sans doute, leur avait mis la chose au cœur, car Lui savait que l’armée des Syriens avait été mise en fuite et dispersée. Les lépreux savaient que, dans le camp syrien, il y avait des provisions, par le moyen desquelles ils pouvaient être préservés de mourir de faim ; et il était possible que les Syriens eussent pitié d’eux et les laissassent vivre ; tout ce qu’ils craignaient en approchant du camp, c’était que les Syriens les fissent mourir. Mais il n’y avait plus de Syriens. Il y avait des provisions en abondance, et les Syriens s’étaient enfuis ! Déjà la bataille avait été livrée ; déjà la victoire avait été remportée ; et au lieu des ennemis qu’ils avaient sujet de craindre, ils trouvent des tentes remplies de vivres pour leur besoin actuel si pressant, et abondance de provisions pour l’avenir, sans qu’il se rencontre un seul ennemi pour leur en disputer la possession.

Il y a cette différence entre le fait qui nous occupe et le cas d’un pauvre pécheur qui cherche un refuge auprès de Jésus, que, tandis que les lépreux n’avaient pas une parole de Dieu qui les assurât qu’ils trouveraient la délivrance au camp des Syriens, le pécheur a la Parole de Dieu, qui lui déclare que le salut se trouve en Christ et en Christ seul ; et cependant, en fait, oh ! qu’ils sont peu nombreux ceux qui vont à Christ, à moins d’y être, en quelque sorte, forcés par le sentiment de leur complète ruine, et de l’état totalement désespéré dans lequel ils se trouvent ! Combien n’en est-il pas parmi vous, chers lecteurs chrétiens, qui pourraient attester que, tant qu’il restait en vous quelque confiance en qui que ce soit ou en quoi que ce soit, vous refusiez d’aller à Jésus ! Aussi longtemps que vous mettiez encore quelque espérance en vos œuvres, ou en votre repentance, ou en des ordonnances, ou en quelque autre chose, c’était en vain que Christ vous était présenté. Mais quand vous avez compris que votre cas était sans espérance — quand tous vos refuges de mensonge vous ont manqué — quand vous en êtes venu à ne voir que transgression derrière vous — souillure au-dedans — jugement au-devant de vous — un Dieu justement offensé au-dessus de vous — un béant abîme de tourments au-dessous de vous, et personne pour vous secourir ni à droite ni à gauche — alors peut-être, vous vous êtes dit à vous-même : « Je suis sans espérance, misérable, perdu ; mais Dieu parle de salut en Christ — mais Christ dit : Celui qui vient à moi, je ne le jetterai point dehors ; — donc il y a encore de l’espoir pour moi ! Dans tous les cas il n’y en a point ailleurs. Il est impossible que je périsse, si je me confie en ces miséricordieuses paroles — et je suis sûr de périr si je ne le fais pas ». Combien de chrétiens peuvent se rappeler de semblables exercices d’âme ! Néanmoins quoique ce soit souvent en tremblant que l’âme s’abandonne à Christ, et au témoignage que Dieu Lui rend, quand ce témoignage est une fois reçu, comme l’âme se réjouit en éprouvant que ses espérances sont infiniment plus que réalisées, et qu’il ne lui reste plus de motifs de craindre. Nous pouvons en avoir eu auparavant une faible, extrêmement faible idée ; mais le fait est, que lorsque nous sommes amenés à risquer, pour ainsi dire, nos âmes sur le témoignage que Dieu a rendu de Son Fils, nous les confiions à une œuvre depuis longtemps accomplie — à une victoire depuis longtemps remportée ; œuvre, victoire, des fruits et du butin desquelles, nous sommes par grâce rendus participants.

Ni le roi, ni les citoyens, ni même les quatre lépreux ne savaient rien de ce qui se passait en dehors de la ville, dans le camp des Syriens ; mais Dieu connaissait tout cela ; et c’était sur cette connaissance de Dieu qu’était basé le témoignage du prophète, lorsqu’il déclarait que, dans moins de vingt-quatre heures, l’abondance régnerait dans la ville affamée. De même, cher lecteur, c’était chose inconnue soit à vous soit à moi, que Jésus était mort. Ceux-là même qui avaient été les témoins oculaires de ce fait, en ignoraient la prodigieuse importance et l’immense signification. C’est là, cher lecteur, que tout ce qui s’opposait au salut du pécheur a été surmonté. C’est là qu’a été accomplie l’œuvre puissante, au moyen de laquelle est infailliblement assuré le salut immédiat, éternel, de tout pécheur quelconque qui, par grâce, croit en Jésus.

Dès que les lépreux étaient entrés à l’un des bouts du camp, ils avaient vu qu’il « n’y avait personne ». Aucun de ces ennemis qu’ils redoutaient ! Au lieu de cela, « ils vinrent dans une tente, ils mangèrent, ils burent, ils prirent de là de l’argent, de l’or, et des vêtements, et ils s’en allèrent, et les cachèrent. Après quoi ils retournèrent et entrèrent dans une autre tente, et prirent de là aussi des mêmes choses, et s’en allèrent et les cachèrent ». Ainsi, cher lecteur, si, désespérant de trouver le salut où que ce soit ailleurs, vous remettez votre âme à Christ, en croyant le témoignage que Dieu a rendu de Son Fils, vous verrez que tous vos ennemis ont été par Lui combattus et vaincus, et que vous n’avez plus qu’à partager avec Lui les dépouilles de la victoire que Son bras seul a remportée. Est-ce la loi que vous craignez ? « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en étant fait malédiction pour nous ». Est-ce la colère que vous redoutez — la colère de Dieu à cause du péché ? Christ l’a endurée à votre place. « Ta colère pèse sur moi, et tu m’as accablé de tous tes flots », disait-Il à Dieu sur la croix. Est-ce le péché qui vous angoisse ? « Maintenant il a été manifesté une fois, en l’achèvement des siècles, pour l’abolition du péché, au moyen du sacrifice de lui-même ». Est-ce la mort qui vous effraie ? Il mourut, « afin que, par le moyen de la mort, il rendît impuissant celui qui a le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et qu’il délivrât tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient pendant tout le cours de leur vie condamnés à l’esclavage ». Est-ce la sainteté de Dieu qui vous remplit de terreur ? C’est à Dieu Lui-même que l’œuvre expiatoire de Christ a été offerte ; et ce précieux sacrifice L’a tellement satisfait, qu’Il a ressuscité Jésus d’entre les morts et L’a placé à sa droite. C’est Dieu Lui-même qui vous annonce l’efficace du sang purifiant de Christ, en vous déclarant que « par lui, quiconque croit est justifié de toutes choses ». « C’est Dieu qui justifie ». Si complète est la victoire de Christ, les résultats en sont si précieux pour le pécheur qui croit en Jésus, que, comme l’apôtre, il peut dire : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? ». Vie, justice, adoption ; l’Esprit Lui-même comme sceau, onction, arrhes ; pleine participation avec Christ à toute la bénédiction et la gloire à laquelle, comme homme ressuscité, Il a été élevé : telles sont, entre autres, les grâces dont sont enrichis ceux qui reçoivent le témoignage de Dieu touchant Jésus.

Mais dans quel but, mes frères, de telles richesses de grâce nous sont-elles accordées ? Cette question est naturellement réveillée par ce que notre récit rapporte de ces quatre lépreux. Ils commencent par apaiser leur faim ; ensuite ils s’enrichissent des dépouilles du camp ennemi ; puis il leur revient à l’esprit qu’il y avait, dans la ville, d’autres gens à qui cette abondance était destinée aussi bien qu’à eux-mêmes. « Alors ils se dirent l’un à l’autre : Nous ne faisons pas bien ; ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et nous ne disons mot ! Si nous attendons jusqu’à ce que le jour soit venu, l’iniquité nous trouvera ; maintenant donc venez, allons, et faisons-le savoir à la maison du roi ».

Or n’y a-t-il pas, chers lecteurs chrétiens, des âmes qui périssent, et pour lesquelles nous aussi nous devons être des messagers de « bonnes nouvelles », par le fait même que, par grâce, nous connaissons nous-mêmes les « bonnes nouvelles » ? Il convient, sans aucun doute, que nous soyons d’abord au clair et en repos quant à notre propre salut. Il convient que nous nous soyons approprié, par la foi, ces dépouilles conquises pour nous sur la mort et sur l’enfer, par Jésus, le puissant vainqueur de l’une et de l’autre. Dieu ne chargera jamais d’annoncer les bonnes nouvelles de Son salut, quelqu’un qui ne jouit pas de ce salut. Avec tout cela la question reviendra toujours : Est-ce uniquement pour notre propre sûreté et notre bonheur que le Christ nous a été révélé, et que nous avons été faits participants du Christ ? Assurément non. Ce jour est réellement un jour de bonnes nouvelles, et ce n’est pas bien à nous de ne rien dire.

Cher lecteur, qui que vous soyez, si vous avez goûté que le Seigneur est bon — si vous avez mangé de la chair et bu du sang du Fils de l’homme — pensez aux âmes affamées, auxquelles est inconnue cette nourriture céleste, propre à donner la vie ainsi qu’à la maintenir. Pensez à elles avec compassion, et parlez-leur des choses merveilleuses qui vous ont été dévoilées. Il n’est besoin ni de talents particuliers ni d’instruction savante pour s’employer à ce ministère d’amour. Les lépreux se bornent à exposer tout simplement les faits : « Nous sommes entrés dans le camp des Syriens ; et voilà, il n’y a personne, et on n’y entend la voix d’aucun homme ; mais il y a seulement des chevaux attachés, et des ânes attachés, et les tentes sont comme elles étaient ». Cela suffisait. Des tentes remplies de provisions, et pas un seul ennemi pour en disputer la possession, c’était la vie et le salut pour une ville dont la famine consumait les habitants. Tout ce qu’il fallait, c’était d’être informé où se trouvait une telle abondance. Il en est précisément de même des âmes qui sentent leur état de misère et de perdition. Ce dont elles ont besoin, ce n’est ni d’éloquence ni de science, mais c’est de connaître comment Dieu répond à leurs doutes angoissants, et aux gémissements de leurs cœurs agités sous le poids du péché. Cette réponse, ne pouvez-vous pas la leur donner ? Ne pouvez-vous pas leur dire comment tombèrent les chaînes dont vous étiez autrefois liés ? Ce qui vous délivra du fardeau dont vous étiez accablés ? Où vous avez trouvé pardon et paix, liberté et sainte joie ? Ne pouvez-vous pas leur montrer le jardin où Jésus fut en agonie et sua des grumeaux de sang ? — la croix sur laquelle Il dit : « C’est accompli », après quoi Il rendit l’esprit ? — le sépulcre vide, où les femmes et Ses disciples cherchèrent en vain Son corps au matin du troisième jour ? N’auriez-vous rien à dire du sceau rompu — de la pierre rouléedes gardes qui étaient comme mortsdes anges qui attestent qu’Il n’est pas là, mais qu’Il est ressuscitédes linges sur la terre, et du mouchoir plié dans un lieu à part — témoignant qu’Il s’était relevé de Son lit d’humiliation avec le calme, la tranquillité et la liberté d’esprit d’un vainqueur ? Auriez-vous oublié ces paroles : « Paix vous soit », qu’Il prononça en paraissant au milieu de Ses disciples timides et tremblants et en leur montrant Ses mains et Son côté ? Ne pourriez-vous pas parler de Son ascension à la droite de Dieu, et du témoignage du Saint Esprit envoyé du ciel, déclarant que Son sang répandu sur la terre a été accepté dans les cieux, où il garantit une place, un trône, une patrie à tout pauvre coupable qui cherche un refuge sous l’aspersion de ce sang ? Ces choses ne sont-elles pas plus merveilleuses que des tentes abandonnées, qu’une surabondance du pain qui périt, et toute l’opulence d’un camp syrien par-dessus ? C’est vraiment un jour de bonnes nouvelles, et nous ne devons pas nous taire. « C’est maintenant le temps favorable ; voici maintenant le jour du salut ! ». Que Dieu veuille accorder la grâce, soit aux lecteurs soit à l’écrivain de ces pages, que le reste de cette courte journée de notre vie sur la terre soit employé à proclamer ces nouvelles bénies !

Mais nous n’avons pas encore tiré de notre récit toutes les instructions qu’il nous donne. Il nous offre un exemple bien sérieux des conséquences de l’incrédulité. En effet, là même où ces conséquences ne sont pas complètement ruineuses pour l’âme, nous voyons l’incrédulité contribuer à retarder le moment de la délivrance. Quand le rapport des quatre hommes lépreux est annoncé au roi, au lieu d’y voir l’accomplissement de la parole d’Élisée, l’intervention de la puissance et de la grâce de Dieu pour la délivrance de la ville, tout ce que son esprit sombre et défiant peut y discerner, c’est un stratagème des Syriens pour la destruction des habitants de Samarie. Les Syriens savent que ces derniers sont affamés, ils cherchent à les attirer hors de la ville par l’espoir de trouver des vivres ; et puis, de quelque embuscade où ils se tiennent cachés, ils fondront sur les Israélites et les égorgeront ! Oh ! que l’incrédulité est habile à se tromper ! Elle peut jeûner et porter la haire, elle peut courber la tête comme le jonc ; mais quand la Parole de Dieu prédit la délivrance, et que ceux qui en ont déjà joui la proclament, l’incrédulité, dans son impie désespoir, sait tirer des motifs de découragement des faits mêmes, par le moyen desquels la délivrance a été accomplie. Heureusement pourtant que, parmi ceux qui entourent le roi, il y a des serviteurs que la famine a rendu plus sages que le roi lui-même, en sorte que, d’après leur conseil, des messagers sont expédiés pour s’assurer de l’exactitude du rapport des lépreux. Le chemin se trouve couvert de vêtements, de hardes, de provisions, tellement qu’il ne reste plus aucun doute quant à la fuite de l’armée syrienne ; bientôt l’abondance du camp est transportée dans la ville, et cette parole de l’Éternel est accomplie à la lettre : « On donna le sat de fine farine pour un sicle, et les deux sats d’orge pour un sicle, selon la parole de l’Éternel ».

Mais il y eut un homme bien malheureux qui, alors que cette parole avait été prononcée, l’avait traitée avec dédain et mépris : — « Quand l’Éternel ferait maintenant des ouvertures au ciel, cela arriverait-il ? ». Quelle affreuse présomption ! Le Dieu qui ne peut mentir déclare que cela sera ; tandis que ce « capitaine, sur la main duquel le roi s’appuyait », dit que cela ne peut être ! Il faudrait, pour que la chose arrive, qu’il se fît des ouvertures au ciel, s’écrie-t-il ironiquement. Cela arrivera, dit le prophète, et il aurait pu ajouter : sans qu’il y ait des ouvertures au ciel ; mais il ajoute : « Voilà, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point ». Et cette parole aussi fut accomplie. C’est le camp des Syriens qui doit fournir l’abondance que cet homme présomptueux déclarait ne pouvoir être obtenue qu’au moyen d’ouvertures dans le ciel. La parole de Dieu s’accomplit, les vivres arrivent en profusion jusque sous les yeux de ce moqueur. Or remarquez avec quelle solennelle exactitude se réalise cette vérité, qu’un seul iota ni un seul trait de lettre de la Parole de Dieu ne peut passer. Le roi donne charge à ce capitaine de garder la porte, où il est pressé par une telle masse de gens, qu’il est foulé par eux et qu’il en meurt. « Or lorsque l’homme de Dieu avait parlé au roi, en disant : Demain au matin, à cette heure-ci, on donnera à la porte de Samarie les deux sats d’orge pour un sicle, et le sat de fine farine pour un sicle ; ce capitaine-là avait répondu à l’homme de Dieu, et avait dit : Quand maintenant l’Éternel ferait des ouvertures au ciel, ce que tu dis pourrait-il arriver ? Et l’homme de Dieu avait dit : Voilà, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point. Il lui en arriva donc ainsi ; car le peuple le foula à la porte, de sorte qu’il mourut ».

Que le Seigneur te préserve, cher lecteur, d’un semblable jugement ! La Parole de Dieu t’est maintenant adressée, te garantissant pardon, paix, liberté, vie éternelle, bénédiction inflétrissable avec Christ, si seulement tu crois en Lui. Il se peut que jusqu’ici tu aies été indifférent à ce témoignage de l’amour de Dieu. Il se peut que ton cœur y sont encore insensible ou que, comme ce capitaine samaritain, tu le rejettes encore ; mais prête l’oreille à cette parole, avant de mettre de côté les pages qui sont sous tes yeux. Si tu vis et meurs en rejetant la Parole de Dieu, le jour est proche où tu verras que tout ce que tu viens d’entendre est la vérité. Oui, « tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point ». Le Sauveur que tu as méprisé, tu L’apercevras alors dans la gloire : oui, et tu verras, avec Lui et dans la même gloire que Lui, plusieurs de ceux qui, à ton jugement, ont été d’aussi grands et même de plus grands pécheurs que toi. Mais, par grâce, ils ont reçu le témoignage que tu méprises et rejettes. Ils le trouvent véritable à leur éternel bonheur. Tu le verras de tes yeux, mais tu n’en goûteras point !

Veuille le Seigneur, dans Sa miséricorde, faire que cet avertissement te pousse à comprendre, avant qu’il soit trop tard, la folie aussi bien que l’impiété de l’incrédulité. Que le Seigneur te donne de connaître le jour de ta visitation, et d’entendre (pendant qu’elle parle encore) la voix de Jésus, qui déclare : « Celui qui vient à moi, je ne le jetterai point dehors ».