Écho du Témoignage:Le déclin et ses symptômes

De mipe
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On lit dans la Parole de Dieu : « Les cheveux blancs sont déjà parsemés en Éphraïm, et il n’en a rien connu ». Le déclin manifeste et complet n’arrive pas tout à coup et subitement. Au contraire, il y a presque toujours une longue série de symptômes, indiquant une situation d’âme qui souvent n’est constatée que lorsqu’il n’y a plus moyen de la dissimuler. Il est donc de toute importance pour notre bon état spirituel que nous sachions discerner ces symptômes dès leur début. Si nous consentions à nous juger nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. S’il y a en nous assez de spiritualité pour discerner et sentir les premiers indices de l’affaiblissement, ils sont aussitôt reconnus et réprimés. On ne sanctionne pas, on n’encourage pas les sentiments ou les dispositions qu’on reconnaît être coupables. Nous ne cédons au mal que quand notre sensibilité spirituelle est assez émoussée pour ne pas le voir, ou bien que tout en le voyant, certaines circonstances nous le font juger excusable.

La lumière est ce qui manifeste tout. « Dieu est lumière, et il n’y a en lui nulles ténèbres ». « Nous sommes lumière dans le Seigneur ». En effet, si nous marchons dans la lumière, nous nous tenons près de Dieu, et nous voyons les choses comme Il les voit Lui-même. Peut-être n’en sommes-nous pas entièrement nets, mais nous les voyons ; et, les voyant en Sa présence, nous nous éloignons de ce qui n’est pas en harmonie avec Sa pensée. Si, au contraire, nous marchons dans les ténèbres, « nous n’avons pas communion avec Lui ».

Il ne s’agit donc pas seulement d’avoir une bonne conscience, qui nous permet de marcher librement devant Dieu ; il s’agit de communion — d’une communion de pensées et d’esprit avec Dieu. Or, si nous ne sommes pas dans la lumière, nous ne pouvons jouir de ce privilège ; et si nous sommes dans la lumière, tout est manifesté comme Dieu veut le manifester. Nous comprenons quelle est la véritable ligne de démarcation, et nous l’acceptons pleinement. Cette soumission nous donne liberté devant Dieu et une communion toujours plus intime avec Lui. Les ténèbres, c’est ce qui ne saisit pas la lumière. Quand je suis dans la lumière je me juge moi-même, je découvre tout ce qui est contraire à Dieu ; et me tenant dans cette lumière qui est ma défense et mon armure, je ne suis pas jugé. Il est possible que le frère dont la marche est faible à cet égard puisse conserver une certaine mesure de paix dans sa conscience, et assez d’activité dans le service du Seigneur. Mais si cette incapacité à nous juger nous-mêmes continue, nous serons jugés par le Seigneur, qui inflige ce jugement de plusieurs manières.

Il sera utile et instructif de considérer d’après l’Écriture les symptômes précurseurs du déclin, car un homme averti se tient sur ses gardes. Le premier symptôme et le plus alarmant est l’esprit de mécontentement et de murmure. L’application de ce verset : « Étant contents de ce que vous avez présentement », va bien au-delà des choses temporelles. Le texte cité par l’apôtre nous montre qu’il est question aussi du pouvoir de l’homme. « De sorte que nous pouvons dire avec assurance : Le Seigneur m’est en aide, et je ne craindrai pas ce que l’homme pourrait me faire ». C’est à cause de l’aide du Seigneur que nous ne craignons rien de ce que l’homme « peut faire ».

Il arrive souvent qu’on ne se rend pas compte, dans le principe, des funestes effets de cet esprit de murmure ; et cependant, si le mal n’est pas reconnu et jugé, il se développe avec une si effrayante rapidité qu’on est presque disposé à regarder ce mécontentement comme une vertu digne d’éloge.

On demandera sans doute si un chrétien doit être satisfait de ce qui n’est pas en harmonie avec les conseils et la volonté de Dieu ? Non, certainement ; mais si tel est le motif de votre mécontentement, il s’exprimerait d’une manière tout autre que le mécontentement charnel ; quoique ce dernier s’abrite souvent sous le couvert et le nom de l’autre. Le zèle pour la cause de Dieu se manifeste par une affection plus tendre pour les saints, et une plus complète séparation d’avec le monde.

Voyons d’abord de quelle manière l’esprit de murmure conduit au déclin de la vie spirituelle. Si je suis profondément convaincu que le Seigneur ne m’abandonnera pas, je ne m’occupe pas de moi-même ; je me repose en paix sur le fait que Celui qui est plus puissant que moi s’occupe de moi, et qu’Il m’a dit : « Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point ». Et en conséquence, l’état de mon âme et toute ma conduite rendent témoignage à cette vérité : « Le Seigneur m’est en aide ; je ne craindrai point ce que l’homme pourra me faire ». Ce n’est pas seulement du contentement que je ressens, mais une joyeuse et inébranlable confiance en mon Dieu.

Il serait difficile d’énumérer les diverses manières par lesquelles le premier symptôme se manifeste, tant elles sont étranges, subtiles et variées ; mais je pose en fait, que tout enfant de Dieu qui s’est égaré du droit chemin reconnaîtra dans l’esprit de murmure une des causes principales de son déclin. On se préoccupe du moi ; et on cherche par suite à se procurer plus d’avantages que Dieu n’a voulu nous en accorder. Ce fut là le péché d’Acan. Il voulut s’approprier ce qui appartenait à Dieu ; il n’était pas satisfait de sa part ; il se recherchait lui-même.

Tous ceux qui lisent ces lignes admettent que c’est lorsqu’ils tentèrent Christ par leurs murmures, que les enfants d’Israël comprirent pour la première fois, par la morsure des serpents brûlants, que le murmure conduit à la mort ; que ce fut ce même esprit qui fut éveillé en Ève dans le jardin d’Éden par les suggestions de Satan ; et que le seul remède à ce mal se trouve dans la vie donnée par Dieu à la foi.

L’origine du mécontentement des enfants d’Israël provenait de ce qu’ils regardaient comme une nourriture insuffisante la manne que Dieu leur donnait dans le désert. « Notre âme, dirent-ils, est ennuyée de ce pain si léger » ; ils tentèrent Christ. Or, ce qui est de nos jours analogue à la manne, c’est Christ pour nous et avec nous, rien que Christ, pendant notre pèlerinage au travers du désert. Tout ce que l’apôtre redoute pour les Colossiens et contre quoi il cherche à les prémunir, c’est l’abandon de cette vérité capitale. La retenir, c’est tout simplement s’emparer de la promesse : « Je ne t’abandonnerai point ». Or, il est évident qu’on ne saurait jamais voir une âme qui trouve sa complète satisfaction en Christ, souffrir des atteintes du déclin spirituel ; tandis qu’au contraire, lorsqu’on rencontre quelqu’un qui se plaint de ses ressources, de son intérieur, de son travail, de sa santé, de ses frères dans la foi, peu importe ce qui peut être le sujet de ses murmures, on peut être convaincu qu’il est fatigué de la manne, que son regard n’est plus attaché sur Christ, et que déjà le premier symptôme de la décadence spirituelle s’est déclaré. En effet, qu’est-ce qui suit de près ces murmures ? Qu’est-ce qui suit toujours l’expression d’un sentiment de besoin ? Assurément s’il existe quelque énergie dans le caractère, si l’on a quelque capacité, s’il se présente quelque occasion propice, on fera des efforts pour porter remède à ce besoin ou pour s’en débarrasser. Quand nous apercevons un besoin, notre première pensée est de chercher à y satisfaire ; et il y est satisfait dans la proportion de l’énergie et de l’intelligence que nous possédons. Si d’insurmontables obstacles nous empêchent de réaliser ce désir, nous devenons la proie d’une sourde irritation ; mais si au contraire nous sommes soumis au Seigneur, nous ne connaissons pas ces impatiences, parce que nous trouvons notre complète satisfaction en Christ, et que nous vivons dans cette région où le sentiment du besoin n’entre pas (Jean 4, 14). Nous comprendrons facilement, en étudiant l’histoire de quelques saints, quel a été le besoin qui a amené chez eux l’affaiblissement spirituel, par l’empreinte que leurs efforts pour y subvenir ont laissée sur leur vie.

Lot, qui avait besoin de pâture pour son bétail, en trouvait dans les plaines de Sodome. Jacob désirait goûter le repos après sa fuite de Paddan-Aram, et Sichem se présenta à propos. Israël perdit Moïse de vue, et s’accommoda fort bien du veau d’or ; Acan, ne recherchant que sa satisfaction personnelle, s’appropria ce qui appartenait à Dieu.

En résumé, c’est presque toujours un désir inassouvi qui conduit au déclin. Au lieu de se reposer avec une parfaite satisfaction dans la plénitude de Christ, on s’occupe des efforts qu’il faudra faire pour atteindre le but qu’on s’est proposé ; car telle est bien toujours, pour sûr, la manière d’agir de Satan : il essaie tout d’abord de bien pénétrer le cœur du sentiment de quelque besoin ; et plus tard, quand l’objet de notre convoitise s’est emparé de notre imagination, il nous suggère une voie inique par laquelle nous pourrons l’obtenir.

C’est un triste symptôme de déclin quand, préoccupés ainsi de nous-mêmes, nous perdons de vue que Christ nous garde et nous suffit pleinement. Les moyens que nous employons pour satisfaire au besoin que nous avons ressenti manifestent notre véritable idée à son sujet. En Galatie c’était la loi, à Colosses le philonisme. Peu importe. On a perdu de vue la position en Christ ; et les choses qu’on recherche pour combler cette lacune, révèlent clairement la nature du besoin qu’on veut satisfaire. N’est-ce pas là en principe perdre le premier amour ? perte qui rend tout progrès impossible. Car, lors même qu’il n’y ait pas de grandes lumières, le premier amour donne à Christ la place prééminente dans le cœur et dans la vie.

Quelle sera pour notre marche la conséquence de notre penchant à nous créer une position qui nous semble répondre à nos besoins ? Il nous faudra ériger un autel qui convienne à notre condition. La conscience parle encore, mais la pensée de Dieu sera modifiée pour convenir aux circonstances que notre cœur a le désir de réaliser. Cette modification aura lieu sans que nous nous en rendions compte et aussi naturellement que l’effet suit la cause qui le produit. Si ma conscience agit, il faut ou que je m’élève à la plus haute intelligence des droits que Dieu a sur moi, car c’est dans le sentiment de Ses droits que consiste la conscience ; ou bien que j’abaisse la vérité jusqu’à mon propre niveau. Dans le premier cas, j’occuperai la place où Dieu veut que je sois selon la révélation qu’Il a faite de Lui-même, et ainsi je marcherai dans la pleine vérité de Christ, jugeant toutes choses, et m’élevant par Sa grâce au-dessus des désirs de la chair. Tandis qu’au contraire, si j’ai cédé à l’esprit de mécontentement, il faut ou que ma conscience s’endurcisse, ou bien que je me fasse une idée de Dieu qui corresponde à la position que je me suis faite. Comment me résoudre à m’arranger une manière de vivre que je saurais positivement être désapprouvée de Dieu ? Il faudrait n’avoir ni conscience ni Dieu, ou bien accepter de parti pris une mauvaise conscience ; ce qui serait ou le naufrage quant à la foi, ou une chose intolérable, et est un pas de plus dans la voie du déclin. Mais tout se simplifie si je modifie à ma guise le caractère de Dieu, car alors ma conscience demeure tranquille et la chair n’est pas jugée.

Lot en sa qualité « d’homme juste », avait indubitablement quelques rapports avec Dieu pendant son séjour à Sodome. Sans ces relations il lui eût été impossible d’y demeurer ; et d’ailleurs il eût été lui-même envahi par le mal. Mais ces rapports étaient bien au-dessous de sa vocation — de la parole adressée à Abraham ; c’étaient des relations complètement différentes ! Et en conséquence il dut se faire de Dieu une idée tout autre que celle sous laquelle sa vocation Le lui présentait, et de beaucoup inférieure.

Lorsque Jacob s’établit à Sichem, il éleva un autel à El-Élohé-Israël. Le patriarche se place là au-dessous de sa vocation ; mais pendant qu’il demeure dans la condition qui convient à la chair, sa conscience, tout en conservant quelques rapports avec Dieu, les règle de manière à ce que sa marche n’en soit pas troublée. Il ne s’occupe pas de Dieu en tant que Dieu, non plus que de Ses conseils et de Ses desseins. Il obéit seulement à un sentiment d’égoïsme en ce qui le regarde, lui Jacob, personnellement. Mais quand Dieu n’est pas considéré dans cette proximité où Il s’est révélé Lui-même, bien des corruptions sont tolérées. C’est ce que nous apprenons du fait qu’aussitôt que Jacob, en réponse à l’appel de Dieu, se leva pour se rendre à Béthel, il dit à sa famille : « Ôtez les dieux des étrangers qui sont au milieu de vous, et purifiez-vous, et changez de vêtements ». Lorsqu’on se rapproche de Dieu, les choses qu’on se permettait au temps où l’on vivait dans Son éloignement deviennent intolérables ; une vie affaiblie, relâchée, est donc la preuve la plus certaine que l’âme n’est pas en rapport avec Dieu. Prenons-y garde, et craignons de nous laisser aller à cet esprit de murmure qui nous est si naturel ; car dès que nous y cédons, nous avons perdu notre véritable vocation. Et alors, afin de conserver la paix de notre conscience, nous n’hésitons pas à mutiler la révélation de Dieu et à l’accommoder à la position charnelle que nous voulons maintenir. Ce mal est plus grave et plus fréquent que nous ne le supposons. Certes, c’est une chose bien mauvaise que de perdre de vue nos privilèges propres et notre position ; mais lorsque, pour rester dans un certain état avec une conscience à l’aise, nous limitons et rabaissons la révélation de Dieu (car nous ne connaissons Dieu que dans la mesure que nous recevons la révélation qu’Il a donnée de Lui-même), c’est profondément triste. Mais il en est toujours ainsi. L’individu, qui a recherché son propre bien-être, soit en se choisissant quelque agréable retraite, soit en s’entourant de l’estime d’autrui, en s’éloignant de Christ, le seul objet digne de notre contemplation, et digne que nous soyons satisfaits en Lui, ne tardera pas à adopter des idées sur Dieu, qui s’accorderont avec la position inférieure qu’il a prise ; et il n’en saurait être autrement s’il ne doit pas perdre toute conscience.

Quand Marc quitta l’apôtre Paul, je ne doute pas qu’il n’ait trouvé un palliatif pour sa conscience dans une atmosphère inférieure ; celle de la circoncision (Colossiens 4). Ce fut la cause principale du déclin en Galatie et à Colosses. Quand on a perdu Christ de vue, on admet en soi quelque autre chose pour prendre Sa place ; si ce n’est pas la justice de Dieu ce sera la nôtre, ou bien nous chercherons à étouffer la voix de la conscience. Barnabas aussi, dans sa discussion avec Paul, se trouva associé avec Marc sur le même terrain charnel, et ils se rendirent ensemble en Chypre, la patrie de Barnabas. Et assurément quand les disciples d’Asie se furent détournés de Paul et eurent lâché des vérités plus élevées, ils durent nécessairement, s’ils voulaient retenir une certaine mesure de conscience, interpréter, proclamer, enseigner à leur manière la Parole révélée, afin qu’elle ne se trouvât pas en opposition trop directe avec leur état de décadence. Ceux qui, dans l’église d’Éphèse, avaient abandonné leur premier amour, se trouvaient parmi ces disciples infidèles ; et certainement ils avaient travaillé et violenté la révélation pour la faire descendre au niveau de leur état, car autrement ils n’auraient pu avoir leur conscience à l’aise, bien que, sans doute, ils cherchassent à l’élever à une grande hauteur par leur zèle à « éprouver ceux qui se disaient apôtres, et à juger les méchants ». Ils regardaient en bas avec beaucoup de zèle, parce que leur regard n’était plus dirigé en haut. Ce qu’ils faisaient était bien ; mais cependant, comme dans le cas de Pierre allant pêcher, ce zèle se déployait dans une direction qui était plus selon les hommes et leur propre chair à eux, que selon Christ. Toutes les fois que ce qui est visible absorbe une âme, l’invisible qui devrait être l’objet de sa continuelle préoccupation est méconnu. Il en résulte que l’enfant de Dieu perd nécessairement sa vraie place de privilège que lui faisait l’appel de Dieu, lorsqu’il poursuit un but personnel ; et en poursuivant un pareil but, il doit nécessairement, s’il a conservé un peu de conscience, modifier la révélation selon son propre état, afin de conserver quelque relation avec Dieu.

Voilà, soyez-en sûrs, ce qui explique la lenteur de tant de chrétiens à comprendre et à saisir des vérités plus élevées, ainsi que la manière imparfaite et l’indifférence avec lesquelles d’autres les tiennent et les professent. Ils commencent d’abord de se dévoyer en se laissant aller à poursuivre un but personnel, et ensuite il leur faut modifier la vérité pour l’approprier à leur condition, ou bien leur conscience serait troublée ; et si leur conscience est troublée et qu’ils ne lui donnent pas satisfaction, il faut, ou bien qu’ils la mettent entièrement de côté, et alors c’est le naufrage quant à la foi (1 Tim. 1, 19), ou qu’elle soit « cautérisée ». Le premier cas a lieu chez ceux dans l’âme desquels il existe une œuvre réelle, et le dernier chez ceux où il n’en existe pas. Quand un chrétien suit une ligne de conduite et se laisse aller dans un piège qu’un exercice de conscience eût suffi à manifester sous leur véritable jour et à réprimer aussitôt, il n’y a pas de remède, il faut qu’il fasse naufrage ; en d’autres termes, il faut, puisqu’il a perdu toute capacité de se gouverner, qu’il devienne inutile et fasse naufrage. Il n’a pas gardé la conscience en rapport avec la foi. Ce qu’il croyait, il a négligé ou refusé de s’en servir comme d’un droit que Dieu avait sur lui. Le sentiment de ce droit de Dieu, il l’a dépouillé, et par là il est devenu tel qu’un vaisseau sans gouvernail, le jouet des vents et des vagues.

« L’homme de Dieu » qui fut séduit par le vieux prophète de Béthel (1 Rois 13), en est un exemple. S’il avait tenu sa conscience en harmonie avec sa foi, il n’eût pas été entraîné à la désobéissance. L’appel adressé à la chair triompha de ses scrupules. Il résista à sa conscience, il oublia les droits de Dieu sur lui et sa chute fut profonde : il devint un pauvre naufragé.

Pierre aussi n’exerça pas sa conscience à propos de ce que le Seigneur Jésus lui avait dit. Il dut souffrir, quoique à un moindre degré, parce qu’il succomba à un sentiment de crainte. L’autre céda à une incitation adressée à sa convoitise. Dans tous les naufrages spirituels qui se sont accomplis sous nos yeux, il est facile de découvrir l’un ou l’autre de ces éléments ; le désir du bien-être charnel ou la crainte d’autrui. C’est sous des formes nombreuses et variées que ces éléments peuvent agir dans nos âmes. Les uns se recherchent eux-mêmes comme Acan ; « d’entre vous-mêmes, il se lèvera des gens qui annonceront des choses pernicieuses afin d’attirer après eux ». Chez un autre, ce peut être l’amour de la popularité, le désir d’obtenir l’estime de chrétiens influents. Chez un autre, ce sont la recherche des aises de la vie, la douceur des liens de famille, et ainsi de suite. Il est rare que ces éléments apparaissent dans une phase charnelle. Parfois, cependant, il en arrive ainsi ; mais dans tous les cas l’assoupissement de la conscience ouvre la voie à la chute suprême et à la confusion.

Je ne veux pas poursuivre aujourd’hui ce sujet plus loin, quoiqu’il y ait encore un dernier degré à franchir, celui où la conscience est cautérisée, et où l’on devient réprouvé quant à la foi. C’est là qu’aboutit la marche fatale que nous venons de considérer, à moins qu’on ne revienne sur ses pas, et que par un effet de la grâce la conscience ne soit rendue capable de reprendre ses droits. Il en fut ainsi de Jacob à Sichem quand le Seigneur lui dit : « Lève-toi, monte à Béthel », et de Pierre, quand le regard de Jésus l’amena à la repentance.

Mon but a été simplement de décrire les commencements du déclin. J’ai voulu attirer l’attention sur cette dangereuse tendance ; mais je ne suivrai pas le sujet jusqu’à la rébellion ouverte de l’apostasie. Mon intention sera remplie si je puis amener les saints à se juger eux-mêmes, à s’exercer au discernement du bien et du mal, afin de veiller et de se garantir des premiers symptômes du déclin. Tant que le regard est attaché sur Christ, tant que le cœur est occupé des choses d’en haut, il n’y a pas d’affaiblissement possible. Mais du moment que nous nous préoccupons des choses de la terre, le déclin commence. Aussi, plus je désire en être préservé, plus je recherche avec ardeur le ministère de la Parole, les entretiens qui me maintiendront en communion avec Christ, en complète séparation d’avec le monde.

Peu importe ce dont je puis être occupé ; que ce soit de mes propres besoins, de ceux d’autrui ou même de ceux de l’Église en tant que sur la terre, du moment où je suis occupé de choses terrestres, le déclin a commencé. Du moment où le pouvoir de l’homme me préoccupe, j’ai perdu le sentiment du secours du Seigneur. La grandeur même de nos privilèges actuels et de notre position propre nous expose d’autant plus au péril aussitôt que nous lâchons pied. Plus une chose est pure, plus il faut la conserver avec soin ; et vous ne verrez jamais le désir de modifier la vérité, ni paresse ni inaptitude à la recevoir sous sa forme la plus élevée, à moins que le cœur ne soit rempli de projets et de désirs qui ne sont pas en harmonie avec elle. Et, dans ce cas, nous le répétons de nouveau, l’intelligence la rejette ou bien elle l’altère afin que la conscience soit à l’aise. Le dernier pas, la mise de côté de la conscience, ne se fait que lorsqu’on fuit la lumière de la présence de Dieu en vue de poursuivre en toute liberté et sans plus être retenu par aucun frein l’accomplissement de la volonté du cœur.

En jetant un regard en arrière, il nous sera toujours facile de découvrir les commencements du déclin ; d’abord ce sont les plaintes, le mécontentement — comme dans le cas d’Absalom — qui le signalent ; ensuite peut-être le désir, sous prétexte de santé, de devoirs de famille, de besoin de solitude, de nous préparer quelque part une retraite agréable, ou bien encore de nous soustraire aux ennuis, à la responsabilité de l’Église, et même de l’évangélisation. Peu importe sous quelle forme il apparaît, le commencement est toujours le même ; on vise à se procurer quelque chose qu’on ne possède pas, ou à devenir soi-même un centre ; qu’il s’agisse des aises de la chair comme chez Samson, ou de l’orgueilleuse importance du moi comme dans Jonas. Christ est tenté : on ne se repose pas en Lui, comme suffisant pleinement à la vie et au cœur. Et qu’on ne dise pas que bien d’autres agissent ainsi, ou même peut-être font pis encore. C’est vrai ; mais voici la différence : c’est qu’ils en ont toujours été là. Si quelqu’un n’a jamais fait de progrès spirituel et n’a jamais beaucoup avancé dans la lumière, on ne saurait proprement appeler sa recherche de lui-même un déclin. Je parle ici de ceux qui ont avancé, et qui ont ensuite rétrogradé de la position avancée qu’ils avaient eue en un temps.

Veuille le Seigneur nous accorder toute grâce pour discerner les premiers symptômes du mal. Et alors nous serons guidés par Sa grâce dans une bien heureuse dépendance de Christ, nous ferons Sa volonté, nous vérifierons en nous-mêmes l’efficace de cette promesse : « Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point », et nous expérimenterons comment, au milieu de tout, Son bâton et Sa houlette suffisent richement à nous consoler.