Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 5

De mipe
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Chapitre 9

Une remarque préliminaire que je désire présenter, c’est que ce chapitre nous fournit occasionnellement une preuve que les trompettes ne coïncident pas avec les sceaux. C’est dans une grande parenthèse (Apoc. 7) à la suite du sixième sceau, que nous avons vu sceller les serviteurs de Dieu, tandis qu’il est fait allusion à cet acte, non pas après mais avant la sixième trompette. Il ne pourrait en être ainsi s’il y avait parallélisme entre les deux séries de jugements. La conséquence naturelle, et, je crois, véritable, qui en découle, c’est que les sceaux avaient terminé leur cours avant que les trompettes eussent commencé le leur, de sorte que lorsque la cinquième trompette donne le signal du premier « malheur », les hommes de la terre en ressentent le tourment prédit, ceux qui avaient été scellés étant simplement l’objet d’une allusion comme à des personnes qui se trouvent au milieu de la scène où sévit le fléau, mais qui en sont préservées. Comment pourrait-il y avoir ordre de ne nuire qu’aux hommes qui n’avaient pas le sceau de Dieu, si le sceau n’avait pas encore été empreint ? Et s’il l’avait été déjà, il ne saurait exister de parallélisme respectivement entre les sceaux et les trompettes, et ces deux séries de faits ne sauraient pas non plus se rapporter à la même époque. Elles se suivent, et ne marchent pas de pair ; et comme nous l’avons vu, le dernier sceau n’est que le prélude du silence qui se fait dans le ciel immédiatement avant que commence la nouvelle série des jugements divins. Comment cela pourrait-il se faire, si elles devaient s’accomplir simultanément, et côte à côte pour ainsi dire ? Car si les premiers sceaux se suivent incontestablement dans un ordre régulier, le septième doit être le dernier dans l’accomplissement aussi bien que dans la vision ; mais au lieu de figurer, comme les sceaux précédents, un pas nouveau dans l’action de Dieu en providence, le septième ne consiste qu’en une courte pause qui a lieu dans le ciel et qui introduit une autre classe, d’une nature plus sévère, des jugements décrétés. Nous en venons maintenant à la cinquième et à la sixième de ces trompettes, c’est-à-dire aux deux premières de malheur auxquelles le chapitre 9 est consacré.

« Et le cinquième ange sonna de la trompette ; et je vis une étoile tombée du ciel sur la terre, et la clef du puits de l’abîme lui fut donnée. Et il ouvrit le puits de l’abîme : et une fumée monta du puits, comme la fumée d’une grande fournaise ; et le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits. Et de la fumée il sortit des sauterelles sur la terre, et il leur fut donné un pouvoir semblable au pouvoir qu’ont les scorpions de la terre. Et il leur fut dit qu’elles ne nuisissent ni à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais aux hommes qui n’ont pas le sceau de Dieu sur leurs fronts » (v. 1-4).

L’étoile tombée du ciel sur la terre est un dignitaire en état d’apostasie ; car c’est bien un personnage réel que ce symbole désigne, comme le font voir les paroles suivantes : « et la clef du puits de l’abîme lui fut donnée ». L’allusion à Ésaïe 14, 12, où le roi de Babylone se voit l’objet de cette mordante apostrophe : « Comment es-tu tombée des cieux, étoile du matin, fille de l’aube du jour ?… Et cependant on t’a fait descendre au sépulcre, au fond de la fosse », paraît évidente. Ici ce n’est pas sa sentence comme en Ésaïe, mais l’autorité qu’il lui est permis d’exercer sur l’abîme, terme qui exprime la source du mal et de la misère d’un caractère satanique. « Il ouvrit le puits de l’abîme, et une fumée monta du puits comme la fumée d’une grande fournaise » — symbole d’une énergie d’erreur qui obscurcit l’esprit de l’homme. « Le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits ». L’autorité suprême et toutes les influences sociales saines se ressentent au plus haut degré de sa ténébreuse efficace. Et ses effets ne se bornent pas là. « De la fumée il sortit des sauterelles », figure d’actifs instruments de rapine, et qui sont revêtus d’un singulier pouvoir de causer du tourment « semblable au pouvoir qu’ont les scorpions de la terre ». L’ordre qui leur est donné montre très clairement, à mon avis, l’erreur de ceux qui prennent ces sauterelles dans le sens littéral. Elles ne devaient pas nuire à l’herbe de la terre, etc., c’est-à-dire, à ce qui est leur nourriture naturelle, s’il s’agit de sauterelles véritables. Les hommes devaient être le point de mire de ces pillards symboliques — les hommes, à l’exception de ceux qui étaient marqués du sceau de Dieu. Et encore ces maraudeurs devaient-ils, non pas les tuer, mais les tourmenter durant cinq mois (v. 5). « Et leur tourment est comme le tourment du scorpion quand il frappe l’homme. Et en ces jours-là les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront point, et ils désireront de mourir et la mort s’enfuira d’eux » (v. 6). Rien sur la terre ne saurait dépasser l’angoisse de conscience qui déchirera leurs victimes : et la peinture qui nous est faite de leur misérable état est plus forte encore que celle que Jérémie trace (chap. 8, 3) de l’état de désolation et de dispersion des Juifs, dans tous les lieux où le Seigneur les avait chassés dans Son amer déplaisir.

Mais il est ajouté une autre description. « Et la ressemblance des sauterelles était semblable à des chevaux préparés pour le combat, et sur leurs têtes il y avait comme des couronnes semblables à de l’or, et leurs faces étaient comme des faces d’hommes. Et elles avaient des cheveux comme des cheveux de femmes, et leurs dents étaient comme des dents de lions ; et elles avaient des cuirasses comme des cuirasses de fer, et le bruit de leurs ailes était comme le bruit de chariots à plusieurs chevaux courant au combat ; et elles ont des queues semblables à des scorpions et il y avait des aiguillons dans leurs queues ; et leur pouvoir était de nuire aux hommes cinq mois. Elles ont sur elles un roi, l’ange de l’abîme, dont le nom est en hébreu, Abaddon ; et en grec, Apollyon » (v. 7-11). Ce n’étaient pas simplement des pillards, mais il y avait en elles une énergie belliqueuse et elles réclamaient pour leur carrière victorieuse la juste sanction de Dieu, dont elles portaient extérieurement la ressemblance et la gloire, tandis qu’en réalité elles étaient complètement assujetties à l’homme et aussi à Satan. La férocité leur est propre, et leurs cœurs sont endurcis contre tout sentiment de pitié dans leur rapide carrière. Mais leur pouvoir le plus funeste se trouvait dans le venin de mensonge qui les suivait. C’était l’efficace d’une fausse doctrine, représentée par l’aiguillon de la queue d’un scorpion. Et comme nous le savons par un autre passage, « le prophète enseignant mensonge, c’est la queue ». Enfin, leur roi est l’ange de l’abîme, le même peut-être que l’étoile tombée qui avait la clef du puits. Dans ce cas, c’est un destructeur au caractère satanique, quoique non pas Satan en personne. C’est dans ce monde actuel que le diable est ainsi exalté, il est son prince ; mais il est aussi le prince de l’autorité de l’air et le dieu de ce siècle. Dans l’abîme, il sera lié comme un prisonnier pour une longue durée ; et dans l’enfer, il sera tourmenté à toujours, l’objet le plus misérable qui s’y trouvera, et nullement l’ange ou le roi de personne. Ce sont là des rêves de poètes ; mais l’Écriture ne parle pas ainsi.

« Et le sixième ange sonna de la trompette, et j’entendis une voix sortant des quatre cornes de l’autel d’or qui était devant Dieu, laquelle dit au sixième ange qui avait la trompette : Délie les quatre anges qui sont liés sur le grand fleuve Euphrate. Et les quatre anges qui étaient préparés pour l’heure, le jour, le mois et l’année, furent déliés afin de tuer la troisième partie des hommes. Et le nombre des armées à cheval était de deux myriades de myriades : j’en entendis le nombre. Et je vis aussi les chevaux dans la vision, et ceux qui étaient montés dessus, ayant des cuirasses de feu, et d’hyacinthe, et de soufre ; et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions, et de leur bouche sortaient du feu, de la fumée et du soufre. Et la troisième partie des hommes fut tuée par ces trois fléaux, par le feu, la fumée et le soufre qui sortaient de leur bouche. Car le pouvoir des chevaux est dans leur bouche et dans leurs queues ; et leurs queues sont semblables à des serpents ; et elles avaient des têtes, et par elles ils nuisent. Et le reste des hommes qui n’avaient point été tués par ces plaies, ne se repentit pas non plus des œuvres de leurs mains pour ne pas adorer les démons, et les idoles d’or, et d’argent, et d’airain, et de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher, et ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs empoisonnements, ni de leur fornication, ni de leurs larcins » (v. 13-21).

C’est la voix du Seigneur, sans aucun doute, qui se fait entendre d’entre les cornes de l’autel d’or. Mais quel son solennel, et par-dessus tout, par le lieu d’où il retentit ! Car d’ordinaire cet autel est le témoin spécial de l’intercession toujours efficace de Christ. C’est de là que le parfum montait devant Dieu. Lorsqu’un individu avait péché, que ce fût un des principaux ou quelque personne du commun peuple, le sang de l’offrande pour le péché était mis simplement sur les cornes de l’autel d’airain. Mais lorsque la congrégation était coupable, le sacrificateur avait ordre de mettre du sang de la victime sur les cornes de l’autel d’or ; car la communion du peuple, considéré comme un tout, était interrompue et avait besoin d’être rétablie. Combien est différent ce que nous trouvons ici ! Une voix sortant des quatre cornes de l’autel d’or, commande à l’ange de la sixième trompette de délier les quatre anges qui, jusqu’à ce moment, étaient liés près de l’Euphrate. Ils avaient été préparés là pour l’heure, le jour, le mois et l’année afin de tuer la troisième partie des hommes. Ils avaient été préparés, non pas durant ce temps, beaucoup moins après qu’il eût expiré, mais en vue de lui : lorsque cette heure, et ce jour, et ce mois, et cette année arrivèrent, ou plutôt, quand ils furent venus à leur terme, ces anges étaient prêts pour l’œuvre de carnage qui leur était assignée.

Et cependant, si c’est une chose terrible d’entendre un tel signal sortir de l’autel d’or, qu’il est consolant de penser que, dans le jugement, tout est ainsi minutieusement arrangé et préordonné par le Seigneur ! C’est Lui qui le premier donne l’ordre, et qui le donne à l’ange saint ; ensuite l’ange délie les quatre qui sont liés sur l’Euphrate. Le mauvais ange ne peut agir qu’au moment et dans la mesure où le bon le lui permet, et les anges saints, quelqu’excellents en force qu’ils puissent être, ne font qu’exécuter les commandements du Seigneur, obéissant à la voix de Sa parole. C’est une étrange idée que celle qui voudrait identifier les quatre anges que nous avons ici avec ceux qui retenaient les vents au chapitre 7, puisqu’il s’agit d’un contraste, non d’une ressemblance. Ici ils ne retiennent pas, mais sont retenus, ce qui n’est dit nulle part des saints anges. Là ils se tiennent aux quatre coins de la terre aussi séparés les uns des autres que possible ; ici ils sont tous liés dans le même lieu.

Quant à la nature même du second malheur, il n’est pas destiné comme le premier à tourmenter les hommes, mais à les tuer. Ce n’est pas que l’élément de la prophétie de mensonge ne se trouvât pas dans celui-ci aussi bien que dans celui-là, « car le pouvoir des chevaux », est-il dit, « est dans leur bouche et dans leurs queues ; et leurs queues sont semblables à des serpents, et elles avaient des têtes et par elles ils nuisent » : c’est-à-dire, par l’erreur pleine de venin qu’elles propagent et laissent derrière elles, et cela d’après un plan plus méthodique que dans le malheur figuré par les sauterelles, celles-ci ayant des queues semblables à des scorpions et des aiguillons, tandis que les queues des chevaux sont semblables à des serpents et ont des têtes. Mais le pouvoir des chevaux était aussi dans leur bouche. « Et je vis aussi les chevaux dans la vision, et ceux qui étaient montés dessus ayant des cuirasses de feu, et d’hyacinthe et de soufre ; et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions, et de leur bouche sortaient du feu, et de la fumée et du soufre ». C’est la puissance judiciaire de Satan, dans la mesure que Dieu la permet. En outre, il y a une énergie guerrière, et une activité de combats et de destruction qui dépassent de beaucoup ce que le malheur précédent renferme en ce genre. Celui-là était d’une nature spirituelle — dans le sens du mal, cela va sans dire ; celui-ci est d’un caractère plus séculier, quoiqu’il traîne à sa suite les ravages provenant des mensonges de l’ennemi. Il semble aussi plus varié dans sa nature, surtout que nous pouvons en juger par ceux qui en sont les principaux agents ; car il n’y en avait qu’un en tête de l’autre, et il y en a quatre dans celui-ci.

« Et le reste des hommes qui n’avaient point été tués par ces plaies ne se repentit pas » etc. Leçon humiliante et qu’il est bien de ne pas oublier ! Dieu a envoyé jugement sur jugement, d’abord sur les circonstances des hommes, et ensuite sur les hommes eux-mêmes, et dans ce dernier cas, tourment, puis enfin la mort : mais c’est en vain. L’homme est tel qu’après tout cela il ne se repent point de ses iniquités, qu’elles soient commises dans le domaine religieux ou dans le domaine moral.

Le lecteur s’apercevra que je ne cherche simplement qu’à présenter le trait principal de chaque malheur, selon que j’en suis capable, de manière à aider, en quelque mesure, les âmes à comprendre la prophétie. Ceci, qu’il s’en souvienne, est une chose très différente de l’application d’une prophétie. La question des personnes, des lieux, ou des temps auxquels il est fait allusion, peut être profondément intéressante, mais elle est subordonnée à l’intelligence du livre.

Pour ma part, je ne doute pas que l’application que l’on fait d’ordinaire des sauterelles aux Sarrasins, et des cavaliers de l’Euphrate aux Turcs, ne soit bien fondée. Mais nous avons vu maintes fois que l’accomplissement de l’Apocalypse ne saurait proprement avoir lieu avant que les saints célestes soient enlevés au ciel, et que le peuple terrestre soit une fois de plus l’objet des voies de Dieu sur la terre et dans son propre pays, quoique nullement à l’exclusion du témoignage divin et de son efficace bénie parmi les Gentils. Conformément à ce dernier accomplissement, l’accomplissement final, le second malheur serait accompli, je suppose, dans les premiers ravages des armées du Nord-Est (de l’Assyrien), comme le premier le serait par l’action séductrice de l’Antichrist dans la Palestine. Je pense que lorsque la prophétie sera réalisée dans toute sa précision, la scène sur laquelle ces mystérieuses sauterelles doivent exercer leur amer mais passager tourment, sera le pays où les Juifs seront réunis en ce temps-là, mais, pour ce qui est de la masse, dans l’incrédulité. C’est naturellement à eux, et très probablement à leur pays, que se rapporte ce qui est dit de ceux qui ne sont pas scellés. Car on remarquera que sous cette trompette-ci, il n’est pas fait mention de « troisième partie » pour donner à entendre quelle sera la direction du malheur, ni de quelque autre chose que je sache sauf que les scellés en sont garantis : le reste des Juifs était encore dans l’aveuglement judiciel, et est l’objet implicite de ce jugement. Si ce sont les mouvements préliminaires de ces deux pouvoirs que ce chapitre nous présente, chacun d’eux est aussi décidément opposé à l’autre qu’ils le sont tous deux au Seigneur Jésus : ils doivent être successivement jugés et détruits quand Il arrive avec puissance et avec gloire. Il est intéressant d’observer que le même chapitre 14 d’Ésaïe auquel je me suis référé dans l’explication de l’étoile tombée du ciel (c’est-à-dire du principal personnage dans le premier malheur), traite aussi de l’ennemi assyrien que je juge être le parfait accomplissement de ceux qui figurent sous le second malheur. « L’Éternel des armées a juré en disant : S’il n’est fait ainsi que je l’ai pensé, même comme je l’ai arrêté dans mon conseil, il tiendra ; c’est que je froisserai le roi d’Assyrie dans ma terre, je le foulerai sur mes montagnes ; et son joug sera ôté de dessus eux, et son fardeau sera ôté de dessus leurs épaules. C’est là le conseil qui a été arrêté contre toute la terre, et c’est là la main étendue sur toutes les nations. Car l’Éternel des armées l’a arrêté dans son conseil ; et qui l’empêcherait ? Et sa main est étendue, et qui la détournerait ? » (v. 24-27). La différence est qu’Ésaïe nous donne la fin de la carrière de cet ennemi pour la délivrance d’Israël, tandis que saint Jean nous en montre plutôt le commencement et le cours comme un fléau sur le judaïsme et la chrétienté, l’un et l’autre en apostasie. Ce serait une erreur que de limiter Ésaïe à l’histoire du passé, ou de voir dans le passé plus qu’un type de l’avenir, quelque important qu’il ait été en son jour. En effet, dans l’histoire, l’Assyrien tomba le premier et Babylone ne subit sa sentence que longtemps après. Dans la prophétie, au contraire, c’est le dernier représentant de Babylone (c’est-à-dire, la bête de la crise) qui est détruit le premier, et puis celui qui répond à l’Assyrien, le grand chef des nations, viendra à sa fin et personne ne lui donnera du secours. C’est ainsi qu’il est écrit en Ésaïe 10, 12 : « Mais il arrivera que quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, j’examinerai le fruit de la grandeur du cœur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux », etc. Notre chapitre de l’Apocalypse nous donne un aperçu des commencements de la carrière politique de l’Assyrien, sinon de l’Antichrist, ou de leurs entreprises respectives.

Dans le système de l’application de ces visions à l’histoire d’une manière plus vague et dans une période prolongée, application que je conçois être entrée dans le plan divin les concernant, on peut demander comment ce chapitre doit être compris. J’ai déjà fait voir brièvement comment les premières trompettes nous amenaient jusqu’à l’extinction de l’empire romain en occident. Poursuivant la même ligne de pensées, la cinquième trompette porte d’une manière distincte sur les malheurs dont les Sarrasins furent les instruments, comme la sixième est relative à la furieuse attaque des Turcs. Par suite, on admet volontiers que l’étoile tombée du ciel a trait d’une manière générale à Mahomet qui fut l’instrument de Satan pour ouvrir sur le monde la porte aux séductions de l’abîme avec tous leurs effets ténébreux. La description que fait saint Jean convient certainement dans plusieurs de ses principaux traits, non pas au développement graduel du mal au sein de la chrétienté sous le double rapport de la doctrine et des mœurs, mais à cette armée de pillards qui, embrassant avec ardeur le symbole inspiré par l’enfer du faux prophète arabe, s’élança dans son ambitieuse et fanatique carrière. Je ne puis accepter toutefois sans en beaucoup rabattre, la signification que l’on a donnée, en fait de lieux et de nations, aux sauterelles et aux scorpions, aux lions et aux chevaux, aux faces d’hommes, aux cheveux de femmes, et aux cuirasses de fer. Il est évident, par exemple, que la nation dont la rapide et dévastatrice incursion en Palestine est décrite en Joël 2 (prototype des sauterelles de l’Apocalypse) n’a rien à faire avec les Sarrasins ou l’Arabie, mais est plutôt l’armée du Nord, « l’Assyrien », dont les prophètes juifs parlent si souvent. Comparez aussi Nahum 3, 17, qui confirme cette pensée. Un raisonnement parfaitement semblable s’applique à l’usage que font les Écritures du terme « scorpions », comme en Ézéchiel 2, 6, où il est employé dans le sens figuré de même qu’ici, mais sans avoir trait le moins du monde aux voleurs du désert. Pour ce qui est « des chevaux », la vision des guerriers de l’Euphrate qui suit immédiatement, réfute l’idée qu’il faut y voir une allusion géographique ; car les Turcs appartiennent à une race tout à fait distincte et sont sortis d’une contrée différente ; et cependant les chevaux occupent ici une place aussi proéminente que dans la vision de leurs devanciers[1]. Puis, dans l’une nous trouvons les têtes, dans l’autre les dents de « lions ». Aussi, tout cela réfute-t-il l’idée que ces symboles soient d’un usage exclusivement distinct, pour ne pas parler des applications différentes qu’en font d’autres passages. La vérité est que le Saint Esprit trace un tableau symbolique juste et complet, et ne s’astreint en aucune manière aux animaux, etc., particuliers au pays.

Selon moi, c’est une intention morale, et non pas géographique, qu’il faut voir dans ces visions, et la manière dont tant d’écrivains les expliquent fait perdre à l’Écriture de sa force réelle en occupant l’esprit de choses qui, dans l’ordre naturel, peuvent être vraies en partie, mais qui ne sont pas, je crois, ce que le Saint Esprit a en vue. Aussi ne semble-t-il pas presque un jeu de voir dans les faces d’hommes, les cheveux de femme, et les couronnes semblables à de l’or, une allusion à la barbe ou à la moustache, en compagnie d’une chevelure littéralement flottante, surmontée d’un turban ? Tandis que si l’on prend ces choses comme des emblèmes du caractère moral des personnes dont il s’agit, la dignité de la Parole divine est maintenue et sentie. Les sauterelles désignent naturellement des multitudes innombrables, exerçant leurs ravages dans des limites déterminées, mais plus remarquables encore par les tourments que cause l’aiguillon d’une fausse doctrine. Ceux qui n’avaient pas le sceau de Dieu, les hommes de la terre, furent les victimes du fléau, mais il avait pour but la propagation d’une doctrine par des conquêtes : non pas l’extinction de la prospérité, mais plutôt son maintien aux dépens de la vérité, et cela pendant une période déterminée. La circonstance qu’elles ressemblaient à des chevaux préparés pour le combat, exprime leur attitude agressive, et leurs couronnes semblables à de l’or semblent donner à entendre la foi dont elles se vantaient en leur mission divine de justice et de victoire. Leurs faces d’hommes, mais avec des cheveux de femmes, peuvent signifier que, nonobstant toute leur prétention d’agir avec autorité au nom de Dieu, elles n’en étaient pas moins assujetties à une autorité purement humaine, et non pas à Dieu après tout. Dans leurs cuirasses de fer, leurs dents de lion, le bruit de leurs ailes, je vois des figures de l’inébranlable courage de leur fanatisme, leur plus forte armure, et des féroces déprédations qui accompagnaient leur expédition d’une rapidité merveilleuse. Le nom hébreu de leur roi confirme, à mon avis, la pensée qu’il s’agit là pleinement d’une dévastation spéciale des Juifs, comme aussi son nom grec peut impliquer un rapport avec l’empire d’Orient. J’ai fait ainsi ressortir la signification spirituelle des émissaires du premier malheur, en exposant surtout ce que l’on pouvait supposer préfigurer l’accomplissement qu’il a eu dans le passé, et selon lequel les cinq mois doivent naturellement être pris comme des mois d’années. Mais je proteste contre l’arbitraire qu’il y a à interpréter une partie du récit dans le sens littéral, et l’autre dans le sens figuré. Si nous l’examinons attentivement, je le répète, tout ce que l’on peut admettre, c’est qu’il y a eu un commencement d’accomplissement partiel. Il est manifeste, en effet, que le prophète de La Mecque ressemblait davantage à un astre qui se lève, qu’à un dignitaire tombé ; Mède, avec les anciens auteurs en général, y voient Satan, comme d’autres le pape, etc. De plus, l’ordre de ne pas tuer est très difficile à concilier avec la politique exterminatrice des expéditions des Sarrasins ; et quelques auteurs fort estimés ont doublé le terme de cent cinquante ans, à cause qu’il est mentionné deux fois (mais comp. Apoc. 20) en vue d’obtenir une solution plus plausible. Mais, ainsi que d’autres l’ont montré suffisamment, cette conséquence peu probable que l’on tire de la double mention des cinq mois a elle-même ses difficultés.

Pour ce qui concerne le second malheur, la première difficulté qui se présente dans le système de l’application de l’Apocalypse à une longue période, consiste dans le sens à donner aux quatre anges qui étaient liés sur l’Euphrate. La plupart des écrivains protestants l’appliquent à quatre puissances musulmanes successives ou contemporaines. Mais, dit M. Elliot (Horæ A. I, pages 461, 462), « à l’examen, toutes ces interprétations sont trouvées inadmissibles. Comme c’est par un seul et même acte que dans la vision les quatre anges sont déliés et reçoivent leur commission, de même les agents dont ils sont les symboles doivent nécessairement avoir été déliés et chargés de leur mission dans un seul et même temps : considération qui à elle seule semble exclure toute succession dans les agents de destruction, telle que celle que Vitringa, et Woodhouse après lui, ont mise en avant dans leur explication. Et pour ce qui est des dynasties turques contemporaines, que nous nous reportions à la liste donnée par Mède et par Newton après lui, ou à celle de Faber et de Keith, d’après Mills et Gibbon, on ne saurait en montrer quatre qui aient agi de concert dans la destruction de l’empire grec, qui fussent toutes établies sur l’Euphrate, qui existassent au temps que l’on assigne à l’ordre donné aux quatre anges — ou qui aient continué d’exister jusqu’au moment où l’ordre donné fut accompli dans la destruction de l’empire grec. En un mot, l’incompatibilité avec les faits de l’histoire de toutes les tentatives de solution, a été jusqu’ici, dans la pensée des interprètes de la prophétie les plus attentifs et les plus savants, comme une meule de moulin, pour ainsi dire, au cou de toute la théorie qui applique cette vision aux Turcs ». Voilà, du moins, un aveu plein de candeur, surtout si nous considérons qu’il s’agit d’une prophétie à l’égard de laquelle on s’est généralement accordé plus que pour aucune peut-être de l’Apocalypse. Mais quelle est la vue que l’on suggère et qui doit laisser intacte l’application générale ? La ressource d’intelligences angéliques surhumaines dirigeant l’action subordonnée des hommes, et cela sans rapport avec le nombre des instruments terrestres employés. De fait, M. Elliot identifie ces anges de l’Euphrate avec les anges introduits en parenthèse dans le sixième sceau (chap. 7), et raisonne d’après la supposition que les jugements des précédentes trompettes étaient les résultats probables de leur action. Mais cela, évidemment, n’est pas en harmonie avec le système qui ne veut pas voir un ange, mais Mahomet, dans l’étoile qui tombe du ciel sous le premier malheur : l’harmonie exigerait, ce semble, que si l’ange de l’abîme dans la trompette précédente représente un homme, ces quatre-ci doivent représenter des chefs semblables. Ces anges sont certainement en contraste avec les anges dont l’office était plutôt de retenir les vents que d’exciter leur souffle dévastateur. Toutes les circonstances secondaires confirment l’idée qu’ils sont distincts les uns des autres. Puis, l’usage que l’on fait du feu, de la fumée, et du soufre qui sortaient de la bouche des chevaux, comme s’ils préfiguraient l’artillerie turque ; des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre, comme si c’était une allusion aux vêtements de guerre, de couleur écarlate, bleue et jaune, des Ottomans ; et des queues de chevaux semblables à des serpents ayant des têtes, comme emblème des pachas turcs, me paraît aussi incompatible avec les autres parties de l’Apocalypse, que (le dirai-je) grotesque en lui-même. Je ne nie pas l’application des cavaliers et des chevaux aux anciennes invasions des Turcs, en tant que distincts de leurs prédécesseurs Sarrasins, se vouant à leur œuvre de destruction dans l’empire d’Orient, romain ou grec, d’une manière bien plus systématique, et avec des résultats bien plus durables. Dans leur terrible carrière, ils respiraient, dans une mesure qui n’était pas petite, conjointement avec la vieille séduction diabolique, un esprit infernal de jugement ; et telles qu’étaient leurs armes, telle était leur armure. C’est sur cette puissance particulièrement satanique, non pas semblable au scorpion maintenant, mais semblable au serpent, que le Saint Esprit attire l’attention comme sur la grande source du mal. L’action morale, l’action du faux prophète est là, et elle est aussi revêtue d’autorité, car les queues avaient des têtes, et par elles elles nuisent. Dans toute la sphère où il leur fut permis d’agir, le résultat fut l’entière abolition de la profession chrétienne, pendant que le reste, hélas ! ne prit pas garde à l’avertissement. Mais tous ces traits embrassent, d’après mon jugement, des éléments encore plus terribles que tout ce que l’on a vu encore sur la terre ; de sorte que tout me confirme dans la conviction que nous devons attendre un autre et dernier accomplissement de ces scènes symboliques, dans le dernier fléau qui doit tomber sur la corruption et l’idolâtrie de l’orient.



  1. L’Égypte est la première puissance renommée dans l’histoire pour ses chevaux (Ex. 6). Ainsi, elle en était le grand marché du temps de Salomon (1 Rois 10, 28), comme Togarma le fut pour Tyr (Éz. 27, 14). Voyez Ésaïe 31, 1, 3. En Zacharie ils symbolisent les divers empires.