Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse

De mipe
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Chapitre 1

Versets 1-3. — Tout chrétien qui a l’intelligence spirituelle de la Parole de Dieu, doit avoir remarqué plus ou moins pleinement le caractère particulier du livre dans l’étude duquel nous entrons maintenant. « Révélation de Jésus Christ que Dieu lui a donnée ». Le Seigneur Jésus est évidemment envisagé ici, non pas dans la place d’intimité qui est à Lui comme Fils unique dans le sein du Père, mais dans une place qui se trouve comparativement à une certaine distance vis-à-vis de Dieu. C’est bien Sa révélation, mais néanmoins c’est une révélation que Dieu Lui a donnée. Cela ressemble un peu à la remarquable expression que nous lisons en Marc 13, 32, qui en a embarrassé un si grand nombre : « Mais, quant à ce jour ou à cette heure, personne ne le sait, pas même les anges qui sont au ciel, ni même le Fils, mais le Père ». Dans tout cet évangile Jésus est le serviteur Fils de Dieu ; et la perfection d’un serviteur consiste à ne pas savoir ce que son maître fait — à ne savoir, si nous pouvons parler de la sorte, que ce qui lui est dit. Ici Christ reçoit une révélation de la part de Dieu ; car, quelque exalté qu’Il soit, c’est la position qu’Il a prise comme homme qui ressort éminemment dans l’Apocalypse. Et ce qui rend cela d’autant plus remarquable, c’est que de tous les écrivains inspirés du Nouveau Testament, aucun n’insiste sur la gloire souveraine et divine de Jésus avec autant d’abondance que saint Jean dans son évangile. Dans l’Apocalypse, au contraire, c’est le même saint Jean qui décrit Sa gloire humaine dans les détails les plus grands et les plus complets. En restant fidèle à ce point de vue, l’Apocalypse est destinée « à montrer à ses esclaves, les choses qui doivent arriver bientôt ». Quelle différence entre ce langage et celui de Jean 15 ! « Je ne vous appelle plus esclaves » ; et celui aussi de Jean 16 parlant de l’Esprit : « Celui-là me glorifiera, car il prendra du mien et vous l’annoncera » ; « Tout ce qu’a le Père est mien ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend du mien et qu’il vous l’annoncera ». Aussi voyons-nous tout le long de cet évangile, du commencement à la fin, que le but du Saint Esprit est de donner aux disciples le titre et la conscience de leur position comme fils, avec et par Jésus, le Fils de Dieu dans le sens le plus élevé. C’est ainsi que nous lisons au chapitre 1, 11, 12 : « Il vint chez soi, et les siens ne l’ont point reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu » ; et qu’après Sa mort et Sa résurrection, le Seigneur dit, chapitre 20, 17 : « Va vers mes frères, et leur dis : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Naturellement ils étaient serviteurs aussi, et il n’y avait pas l’ombre d’un désaccord en cela. Cependant la différence des relations est immense ; et c’est à la plus basse des deux que l’Apocalypse s’adresse. La raison en est, je présume, en partie parce que Dieu révèle dans ce livre une certaine suite d’événements terrestres avec lesquels leur position la plus basse est le plus en harmonie (leur position plus élevée de fils étant plus appropriée à la communion avec le Père et avec le Fils) ; et en partie parce que Dieu semble ici préparer la voie pour en agir avec Son peuple dans le dernier jour, quand leur position comme Ses esclaves sera plus ou moins manifestée, mais non pas la jouissance d’une position d’intimité comme fils : c’est à l’intervalle qui suivra le départ de l’Église de ce monde que je fais allusion.

Les paroles qui suivent confirment fortement ce que nous venons de dire ; car le Seigneur « les a envoyé signifier par Son ange, à Son esclave Jean ». C’est-à-dire, que la communication prophétique est faite, non pas directement, mais par le moyen d’un ange ; et il n’est pas non plus fait mention de Jean comme du « disciple que Jésus aimait — qui aussi, durant le souper, s’était penché sur le sein de Jésus », mais comme de « son esclave » « qui a rendu témoignage de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus Christ, de toutes les choses qu’il a vues ». Il est bon de faire remarquer que le mot et, qui dans les versions ordinaires précède ce dernier membre de phrase, doit disparaître entièrement, ce qui ne fait pas une petite différence dans le sens ; car cette partie de la phrase : « toutes les choses qu’il a vues » ne doit pas être considérée comme une troisième division du témoignage de Jean ajoutée aux deux autres, mais plutôt comme expliquant et limitant ce qu’il faut entendre par la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ. Les visions de Jean constituaient la parole et le témoignage dont il est question ici. La vraie manière de rendre le passage est celle-ci : « Qui a rendu témoignage de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus Christ — de toutes les choses qu’il a vues ». Comparer chapitre 22, 8.

Combien encore la révélation de Dieu que nous trouvons ici et le témoignage que Jésus rend dans ce livre, sont différents de ce que nous trouvons dans l’évangile de Jean ! La Parole de Dieu là, est le Seigneur Jésus Lui-même qui, au commencement, était auprès de Dieu, et était Dieu : l’expression parfaite et personnelle de Dieu, et cela non pas simplement comme Créateur de toutes choses, mais en grâce parfaite. « En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes ». « Et la Parole fut faite chair et habita au milieu de nous (et nous vîmes sa gloire, gloire comme d’un fils unique de la part du Père) pleine de grâce et de vérité ». Dans l’Apocalypse, au contraire, même lorsqu’il est parlé de Lui comme la Parole de Dieu, c’est comme l’expression du jugement divin, parce que dans tout son ensemble, le livre est éminemment un livre de jugement. « Il était vêtu d’une robe teinte dans le sang ; et son nom s’appelle la Parole de Dieu » (Apoc. 19, 13). De même aussi, dans l’évangile, c’est au Père que Jésus rend témoignage, comme c’est partout la joie du Père de rendre témoignage du Fils. Et même, vers la fin de Son ministère, le Fils Lui-même résume la substance et le caractère du témoignage qui se trouve là dans ces quelques paroles : « Celui qui m’a vu, a vu le Père » (Jean 14, 9). Tout cela place dans un plus grand contraste les traits distinctifs de l’Apocalypse ; car le nom même du Père ne se présente que rarement dans toute l’étendue du livre, et lorsqu’il s’y trouve, ce n’est pas dans le but de révéler Son amour, comme Père, à Sa famille. Dans les chapitres 1 ; 3 et 14 il est fait mention de Lui comme tel, mais en rapport avec Jésus seulement. Le grand sujet du livre, c’est la manifestation de Dieu dans Ses jugements ici-bas, en rapport avec la manifestation du Seigneur Jésus « Roi des rois et Seigneur des seigneurs ».

« Bienheureux est celui qui lit, et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites, car le temps est proche ». Quelle grave erreur pour des chrétiens, en présence d’une déclaration pareille, de juger inutile ce livre ou quelqu’une de ses parties, et d’estimer qu’on peut le mettre de côté en toute sûreté, soit comme trop difficile à comprendre, ou, si on le comprend, comme n’ayant pas de portée pratique sur l’âme ! C’est une chose bien remarquable, certes, que le soin particulier avec lequel le Seigneur l’a recommandé, non seulement ici au commencement, mais à la fin où nous lisons : « Ces paroles sont certaines et véritables, et le Seigneur, le Dieu des saints prophètes, a envoyé son ange, pour montrer à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt. Et voici, je viens bientôt : bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Ne semble-t-il pas que la prescience du Seigneur a anticipé dans de tels avertissements la négligence avec laquelle ce livre serait traité par les serviteurs, et qu’Il voulait par là les prémunir solennellement contre elle, en recommandant le livre à leur attention et à leur étude d’une manière aussi énergique ? Pour le dire en passant, il est un peu remarquable qu’une recommandation analogue à celle que nous avons ici se trouve à la fin de 1 Thessaloniciens, qui était la première des épîtres de Paul, et celle qui, plus que toutes les autres, développe la grande vérité de la venue du Seigneur (1 Thess. 5, 27). En Apocalypse 1, 3, le Seigneur prend soin d’encourager toute classe possible de personnes qui pourraient venir en contact avec ce livre. Non seulement l’individu qui le lit est déclaré bienheureux, mais la même bénédiction est prononcée sur ceux qui entendent ses paroles et qui gardent (ou observent) ce qui y est écrit. Et je suis bien certain que le Seigneur ne manque pas d’encourager Ses saints qui comptent sur Sa fidélité et Sa bénédiction assurées. Il n’a jamais cessé de faire sortir du bien de son usage, et particulièrement dans les temps de danger, et nonobstant tout mépris et toute fausse interprétation.

Je suis convaincu que les objections que l’on fait à l’étude de la prophétie proviennent d’une racine, quelquefois profondément cachée, d’incrédulité, qui suppose que toute la bénédiction que l’on peut retirer d’un sujet, dépend de la mesure dans laquelle il se rapporte immédiatement à nous ou aux circonstances dans lesquelles nous sommes. Aussi, lorsque j’en entends s’écrier qu’elle n’est pas essentielle, je voudrais leur demander : essentielle à quoi ? S’ils veulent dire que la prophétie n’est point essentielle au salut, j’en conviens. Mais alors dans quelle position se trouvent ces contradicteurs ! Leur sollicitude à n’examiner que ce qu’ils estiment indispensable au salut, montre qu’ils n’ont pas conscience du salut eux-mêmes, et que ce besoin de leur âme est la seule chose à laquelle ils soient sensibles. Or, nous tenons tous que ce n’est pas la prophétie, mais l’évangile, qu’il faut présenter aux inconvertis. La venue de Christ en gloire, qui est le centre de la prophétie non accomplie, doit être pour leurs cœurs un sujet d’épouvante, au lieu d’être simplement une question intéressante, et à discuter. Mais pour le croyant, la venue du Seigneur est « cette bienheureuse espérance ». Nous attendons du ciel le Fils de Dieu, et nous L’attendons non pas seulement sans anxiété aucune, mais avec joie, parce que nous savons qu’Il est ce « Jésus qui nous délivre de la colère qui vient ». Tandis que, pour tout homme qui n’a pas la paix par la foi en Son sang, occuper son esprit, soit de l’espérance de l’Église, soit des événements dont la prophétie traite, ne constitue qu’une diversion dont l’ennemi peut faire un terrible usage, si ce n’est pas une preuve de la mort complète de sa conscience quant à sa propre condition devant Dieu — quoique je sois loin de prétendre que Dieu ne peut pas faire servir cette vérité à la réveiller. D’un autre côté, la connaissance de la prophétie nous est indispensable pour apprécier comme il faut la gloire de Christ et la gloire qui doit être révélée. Faire peu de cas de la prophétie, c’est donc mépriser à son insu cette gloire et la grâce qui nous l’a fait connaître : c’est la démonstration la plus manifeste de l’égoïsme de nos cœurs qui voudraient que toute parole de Dieu se rapportât à nous directement et non pas à Christ.

Dieu suppose que Ses enfants aiment à être entretenus de tout ce qui glorifiera le Seigneur Jésus Christ. Le résultat aussi est bien frappant et sérieux : quand c’est Christ qui est l’objet de nos cœurs, tout est paix ; mais si notre propre bonheur constitue notre première pensée, il y a toujours mécompte et incertitude.

Une autre forme sous laquelle se produit cet égoïsme, et contre laquelle il faut se tenir en garde, parmi ceux qui entendent les paroles de cette prophétie, c’est l’idée que ses visions se rapportent à l’Église — que les sceaux, les trompettes et les coupes, par exemple, sont d’une haute importance et d’un grand intérêt, parce qu’ils nous concernent nous-mêmes (c’est-à-dire l’Église), soit dans le passé, soit dans l’avenir. Mais c’est là une erreur fondamentale ainsi que nous pouvons le voir d’après les paroles du verset que nous avons sous les yeux. Car le motif allégué en faveur de l’importance qu’il y a à faire attention à ce livre n’est pas que le temps est venu, ou que nous nous trouvons dans les circonstances décrites, mais bien qu’elles sont proches : « car le temps est proche ». S’il pouvait être profitable aux saints de Dieu, dans les jours de l’apôtre, quoique les jugements ne les concernassent pas personnellement, il peut pour le moins nous être aussi utile à nous-mêmes. Que le Seigneur nous donne d’apprécier de plus en plus la position dans laquelle Il nous a placés, d’être tranquillement instruits de ces choses à l’avance.

Versets 4-6. — « Jean, aux sept assemblées qui sont en Asie »[1]. Déjà les trois versets que nous avons considérés nous révèlent, dans une certaine mesure, les traits particuliers de ce livre qui sont évidements distincts de ceux que présentent les autres parties du Nouveau Testament. Dieu revient sensiblement aux principes d’après lesquels Il avait agi dans les temps de l’Ancien Testament. Chacun peut s’apercevoir que le sujet ici n’est point l’édification positive de l’Église, non plus que la manifestation des voies spéciales de Dieu en grâce, mais bien le jugement du mal, soit dans les églises, soit dans le monde. Aussi, en parfait accord avec cela, voyons-nous Dieu se présenter à Son peuple sous un aspect et sous un titre différents. « Grâce et paix vous soient de la part de celui qui est, qui était, et qui vient ». C’est exactement ce qui, dans le Nouveau Testament, correspond à Jéhovah dans l’Ancien. C’était Dieu se révélant comme Celui qui ne changeait pas ; le même hier, aujourd’hui et éternellement, et qui agissait au milieu d’Israël selon Ses voies immuables. Mais maintenant Dieu parle dans le langage des Gentils et traduit, pour ainsi dire, ce nom de Jéhovah qui ne leur avait été jamais communiqué ainsi auparavant, en ces expressions : « Celui qui est, qui était, et qui vient ». Il va en revenir à Son ancien peuple d’Israël ; mais avant qu’Il le fasse, il faut nécessairement qu’Il s’exécute sur cette masse professante qui s’appelle elle-même l’Église, un jugement qui la balaie. Et lorsque Dieu aura mis de côté les églises, Il introduira de nouveau Israël — non plus sur le principe de la loi, mais sur celui de la grâce. La loi prononçait la sentence de mort sur l’homme pécheur, mais la grâce de Dieu l’a exécutée sur la personne du Fils de Dieu. Nous le lisons dans Hébreux 2, 9, « de sorte que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour chacun ». De même que dans la mort du Seigneur Jésus Christ, Dieu a exprimé Sa haine pour le péché avec plus de force qu’en toute autre chose, ainsi en proportion, et comme réponse à cette mort, la grâce coule maintenant avec le plus d’abondance. En ce jour-là Israël connaîtra aussi cela pour lui-même.

La manière dont le Saint Esprit est introduit ici forme un trait caractéristique du livre, aussi frappant que celle dont il a été parlé du Seigneur Jésus Lui-même. « Grâce et paix vous soient… et de la part des sept Esprits qui sont devant son trône ». C’est le même Saint Esprit dont il est parlé dans d’autres portions de la Parole de Dieu comme d’« un seul Esprit », qui est mentionné ici comme « les sept Esprits qui sont devant son trône ». Il en est parlé comme d’« un seul Esprit », là où il est question du corps qui est un, de l’Église, comme en Éphésiens 4, 4. Mais ici c’est par l’expression de « les sept Esprits » qu’Il est désigné, parce que lorsque Dieu aura terminé sa grande œuvre dans l’Église, Il retranchera infailliblement le Gentil infidèle, et ne rassemblera plus Juifs et Gentils en un corps sur la terre. Au contraire, Israël doit être élevé au-dessus des Gentils. Ce sera un état de choses tout à fait différent, et en conséquence le Saint Esprit est envisagé dans la variété de Ses opérations (comme Il est en connexion avec le Messie en Ésaïe 11) et non dans Son unité céleste. Il est ajouté « qui sont devant son trône » parce que le gouvernement de Dieu fait le grand sujet de ce livre.

En général, lorsque nous trouvons le souhait « grâce et paix vous soient » c’est « de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ ». Mais dans ce passage l’ordre est différent : d’abord c’est « de la part de Celui qui est, qui était et qui vient » ; c’est-à-dire Jéhovah ; ensuite « de la part des sept Esprits », etc. ; et enfin, « de la part de Jésus Christ », etc. La raison pour laquelle l’ordre habituel est abandonné ici, c’est, je pense, parce qu’il y est question de Jésus, non pas tant comme notre Seigneur, ni dans Sa gloire divine comme Fils de Dieu, mais spécialement en rapport avec la terre et avec Ses droits légitimes sur le monde. Il est « le témoin fidèle », tous les autres témoins ont été infidèles ; Lui seul a été le fidèle témoin pour Dieu sur cette terre. Mais en outre, Il était « le premier-né d’entre les morts » — la première personne qui fût entrée dans la vie de résurrection, de cette merveilleuse manière que la corruption ne peut jamais toucher. « Étant ressuscité d’entre les morts, Il ne meurt plus ; la mort n’a plus d’empire sur lui ». De plus, « Il est le Prince des rois de la terre ». Toutes ces choses néanmoins sont rattachées avec ce qu’Il était, est, et sera en tant qu’homme. C’est Jésus envisagé dans Ses rapports avec la terre.

Mais remarquez combien ce qui suit est beau. Aussitôt que Jésus est présenté à l’Église, et est annoncé comme « le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts et le Prince des rois de la terre », elle ne peut se contenir plus longtemps. Les saints interrompent, si nous pouvons nous exprimer de la sorte, le message de Jean, et éclatent en un cantique de louange — « À lui qui nous aime et nous a lavés de nos péchés dans son sang, et nous a faits un royaume de sacrificateurs pour son Dieu et Père ; à Lui gloire et force aux siècles des siècles ! Amen ! ». C’est ainsi en effet que le texte correct donne ce passage : « À Lui qui nous aime », et non pas « qui nous a aimés ». C’est parfaitement vrai que Christ a aimé l’Église, et s’est donné Lui-même pour elle, comme Éphésiens 5 le fait voir ; et aussi qu’Il m’a aimé et s’est donné pour moi, comme nous le lisons en Galates 2. Mais le chapitre premier de l’Apocalypse me montre l’amour actuel de Jésus. Ce n’est pas qu’Il soit toujours à nous laver de nos péchés : Il nous a lavés par Son sang une fois pour toutes, et ainsi n’a pas à nous laver de nouveau. Naturellement il y a pourtant aussi la purification pratique journalière, le lavage d’eau par la Parole, mais ce n’est pas de cela qu’il est question ici. C’est une œuvre accomplie et qui dure jusqu’au bout à Sa gloire. Mais qu’il est précieux de savoir que, pendant que c’est ici le livre même qui nous révèle les voies et les moyens par lesquels Dieu allait mettre de côté Son peuple infidèle, et juger le mal du monde, de savoir, dis-je, qu’au milieu de tout cela nous pouvons regarder en haut dans une pleine confiance en Son amour actuel, qui toujours demeure, et nous écrier : « À Lui qui nous aime et nous a lavés de nos péchés dans son sang… À Lui gloire et force aux siècles des siècles ! Amen ! ».

Verset 7. — Après la salutation, « grâce et paix vous soient », etc. vient une interruption. C’est la voix des saints célestes qui éclatent en un chant de louange. Nous trouvons ensuite verset 7 ces solennelles, mais précieuses paroles : « Voici, Il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui ». Ceci ne fait pas partie du cantique, mais est un témoignage qui en est tout à fait distinct. Nous avons toujours ces deux choses : ce qui constitue la communion d’un saint de Dieu, et ensuite aussi ce qui est ou devrait être son témoignage.

La communion les uns avec les autres est une chose heureuse ; mais c’est la présentation de Christ et la connaissance de notre portion en Lui qui produisent le culte. Outre cela, le croyant est instruit par Dieu de ce qui vient sur le monde : et ceci est une partie de notre témoignage, mais ce n’est pas la chose dont le cœur devrait être le plus rempli. Vous ne trouverez jamais beaucoup de communion chez une personne occupée seulement de la prophétie. Ce serait très mauvais de mépriser la prophétie, et celui qui le fait tombera sûrement dans un piège ou dans un autre. Mais si quelqu’un est constamment occupé des détails de la prophétie, il n’y aura jamais chez lui de la puissance pour le culte, et il ne sera pas nécessairement délivré par là des voies du monde. On peut être capable de parler fort bien touchant les Juifs, le jugement de la bête, etc., et marcher néanmoins avec le monde. Mais si notre cœur est occupé de Jésus, et que ces choses-là viennent comme sur un arrière-plan, nous trouverons alors que le Saint Esprit nous montrera « les choses qui vont arriver ». C’est ainsi qu’il est dit en 2 Pierre 1, 19 au sujet de la parole de la prophétie : « À laquelle vous faites bien d’être attentifs ». Il importe extrêmement que je voie ce qui va arriver, et que je ne me laisse pas aller à une marche aisée ici-bas. Ce ne doit jamais être une consolation pour ceux qui suivent le courant du monde, de savoir que le Seigneur vient le juger. Mais il y a quelque autre chose qui devrait faire les délices de l’âme : l’aurore commençant à luire, et le lever de l’étoile du matin dans nos cœurs. Pierre ne parle point ici du jour qui vient sur le monde, mais veut prouver que la parole de la prophétie est une lampe admirable jusqu’à ce que vous ayez trouvé la lumière céleste, et l’étoile du matin levée dans vos cœurs — c’est-à-dire, l’espérance de la venue du Seigneur Jésus Christ comme la portion propre de l’Église, et qui n’est jamais présentée dans l’Écriture comme un événement prophétique. Christ attendu et connu comme quelqu’un qui peut venir à tout moment pour nous prendre à Lui, telle est notre bienheureuse espérance. C’est l’apôtre Paul qui expose particulièrement l’espérance de l’Église. Jean aussi regarde à Christ comme à l’Époux — à ce qu’Il est pour le cœur. Lorsque le Seigneur Jésus Christ vient pour nous prendre à Lui, Il n’est pas dit venir « avec les nuées ». La nuée était le symbole de la présence de Dieu en jugement. « Voici il vient avec les nuées ». C’est une révélation connue des saints célestes, et qui fait partie de leur témoignage, mais ce n’est point leur joie propre, la part de leur communion. « Oui, Amen ».

L’épître aux Colossiens expose très pleinement l’association des saints avec Christ (chap. 2 ; 3). Il est ma vie, et je suis un avec Lui. Ainsi, du moment que je trouve que Christ, mon Sauveur, est mort au monde, je deviens aussi mort au monde. Je ne trouve pas seulement que mon trésor là est jugé, mais je vois juger la religion même du monde, parce que Christ a été repoussé par la religion du monde. Quand Il viendra sur les nuées, tout œil Le verra. Mais tel ne sera point le cas lorsqu’Il viendra chercher Son Église. Maintenant Dieu rassemble les amis de Christ autour de Son nom. L’Église est un corps qui est appelé pendant que Christ ne se voit point, et le chrétien, ayant sa portion en Lui maintenant, est caché avec Lui. « Votre vie est cachée avec Christ en Dieu ».

Dans ce verset, il ne s’agit donc pas du Seigneur venant rencontrer les siens et les réunir à Lui-même dans l’air ; mais, « tout œil le verra… et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui ». Quand le Seigneur viendra prendre Son Église, ce sera bien différent. Dieu nous a unis au Seigneur Jésus Christ dans le ciel selon toute l’efficace de Sa mort et de Sa résurrection. Pour autant qu’il s’agit de l’esprit, cela est vrai dès à présent, et ce sera vrai du corps lui-même lorsque Christ viendra. La résurrection de Christ m’appelle à vivre complètement pour Dieu, comme la mort de Christ me fait être aussi mort en principe au monde que si j’étais déjà réellement enseveli. Hélas ! nous avons à reconnaître combien tristement nous manquons. Néanmoins, dit l’apôtre, « votre vie est cachée », etc. C’est la vie de Christ que vous avez reçue en vous. Aussi longtemps que Christ est caché, vous êtes cachés aussi. Mais le temps vient où ce ne sera plus le cas. « Quand le Christ, qui est votre vie, sera manifesté, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui en gloire ». Lorsque Christ viendra prendre Son Église, aucun œil ne Le verra si ce n’est ceux pour lesquels Il viendra. Le monde ne verra Christ que lorsqu’Il viendra en gloire, amenant Ses saints avec Lui — révélé du ciel avec les anges de Sa puissance, en flammes de feu, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu (les Gentils) et contre ceux qui n’obéissent pas à l’évangile du Seigneur Jésus Christ (les Juifs). Si le monde devait voir Christ venant seul en gloire avant que l’Église soit prise à Lui, il ne serait pas vrai que « quand Christ, qui est notre vie, sera manifesté, alors vous aussi serez manifestés avec lui en gloire ». Lorsque Christ est caché, vous êtes cachés ; lorsque Christ apparaîtra, vous apparaîtrez aussi. Il n’est pas possible que le monde voie Christ venant prendre les saints, parce qu’autrement il Le verrait sans eux et avant eux ; tandis que le tout premier moment de Son apparition doit être celui de notre apparition avec Lui. Et cela ne repose pas seulement sur un mot, c’est la doctrine de tout le passage, et elle est confirmée par d’autres preuves dans tout le Nouveau Testament.

Dans la mort de Christ, nous sommes morts au monde ; en Sa résurrection, nous sommes ressuscités, et en conséquence nous devons avoir nos cœurs fixés aux choses célestes avant que nous les voyions. Et il y a plus que cela. Christ ne doit pas être toujours caché : Il va être manifesté, et, quand Il le sera, nous serons aussi manifestés en même temps que Lui. Il est évident qu’il faut que Christ et l’Église aient été ensemble avant d’être manifestés au monde, s’ils doivent apparaître ensemble. Cela est incontestablement enseigné en Apocalypse 19, où il nous est dit (v. 11) : « Je vis le ciel ouvert, et voici un cheval blanc ; et celui qui était monté dessus appelé fidèle et véritable », etc. « Et les armées qui sont au ciel, le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur ». Le cheval est l’emblème du pouvoir ; le cheval blanc, d’un pouvoir prospère, victorieux. C’est le Seigneur Jésus Christ venant en jugement, ce qui sera le temps où Il viendra dans les nuées du ciel. Ces armées qu’on voit Le suivant du ciel, vêtues de fin lin, ne sont pas les anges. Le texte déclare que le fin lin (bussinon) est la justice des saints. Et ce qu’il y a de remarquable, c’est que partout où les anges sont décrits au chapitre 15, « comme vêtus d’un lin pur et éclatant », un terme différent (linon) est employé. Ce sont les saints célestes qui sont mentionnés dans le chapitre 19 comme les armées du ciel, etc. Ils étaient donc dans le ciel avant que la voie fut ouverte à Christ pour sortir en jugement ; et ils Le suivent du ciel quand Il vient. Je ne doute pas que les anges ne soient aussi dans Son cortège, ainsi que cela ressort d’autres passages ; mais il ne semble pas qu’il soit question d’eux ici.

Il y a dans la seconde venue du Seigneur deux périodes très importantes et très différentes : la venue de Christ pour recueillir à Lui Son peuple, et c’est là ce que l’Église doit attendre constamment ; et Sa venue pour juger le monde après qu’Il aura pris déjà les saints célestes, et que la méchanceté sera ensuite venue à son comble. Alors les cieux s’ouvriront tout à coup, et le Seigneur Jésus Christ viendra, et l’Église avec Lui, apparaissant ensemble dans les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. Demande-t-on : Quand tout cela se fera-t-il ? Il ne fut point dit à Israël quand il devait être délivré de la servitude d’Égypte. Le Seigneur allait les délivrer, mais Il ne le leur expliqua pas avant que cela eût lieu. De même, le Seigneur va mener l’Église au ciel par Son avènement. De plus, Il viendra et jugera la méchanceté du monde, et alors l’Église viendra avec Lui.

Verset 8. — Ici, il me semble que nous avons Dieu comme tel, plutôt que le Seigneur Jésus[2], exprimant les titres divers de Sa gloire comme une espèce de sceau de ce qui précède et une base pour ce qui suit et à quoi ils sont une introduction. « Moi je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, qui est, qui était et qui vient, le Tout-puissant ». Le premier nom est évidemment très convenable au livre qui clôt si admirablement les communications écrites de Dieu. Ce devait être profondément nécessaire aux saints de se souvenir de ce caractère-là de Dieu et de tous les autres exprimés ici, soit pour nous avant l’arrivée de l’épreuve, soit pour ceux qui seront appelés à la traverser.

Verset 9. — « Moi, Jean, qui suis aussi votre frère et qui participe avec vous à l’affliction, au règne et à la patience de Jésus Christ ». Ils sont tous liés ensemble. C’est avec intention que Jean parle de lui-même non comme membre du corps de Christ, mais comme leur frère et comme leur coparticipant dans l’affliction, peut-être à cause que après le départ de l’Église, il y aura des saints sur la terre et qui seront nos frères : il prend place avec eux. Quels que soient nos privilèges particuliers, le Saint Esprit aime de nous voir entrer autant que possible dans la position des saints de Dieu, dans tous les temps. Le livre de l’Apocalypse fut écrit pour l’Église juste au moment où elle tombait dans un état de ruine. Le chapitre 6 présente quelques-uns de ces coparticipants de l’affliction. Mais ce qu’ils disent prouvent qu’ils ne font point partie de l’Église. « Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang ? », etc. Nous trouvons dans le cas d’Étienne l’appel à Dieu qui appartient proprement au chrétien : « Seigneur ne leur impute point ce péché ». Le chrétien est toujours appelé à souffrir dans le monde. Ces saints de l’époque apocalyptique comprendront que le Seigneur est sur le point de juger, et ils Lui demanderont de le faire. Ce serait mal de le demander maintenant, car c’est encore le temps de la grâce. La foi règle toujours son langage sur ce que Dieu fait, et Il agit maintenant en grâce et non en jugement. Nous sommes appelés à sortir de la voie du monde, et nos cœurs devraient être rattachés à tout ce qui est glorieux et céleste ; car c’est l’objet actuel de Christ. Les robes blanches données dans le chapitre 6, à ces âmes qui avaient souffert, sont une marque évidente de l’approbation de Dieu. Elles devaient se reposer jusqu’à ce que leurs frères, qui devaient être mis à mort comme elles l’avaient été elles-mêmes, fussent accomplis. Le jugement doit prendre son cours alors.

« L’affliction, le règne et la patience ». Le royaume de Christ sera établi en puissance quand l’affliction et la patience auront complètement cessé. Mais à présent les circonstances de ce royaume sont la tribulation. Le royaume des cieux tel qu’il est présenté en Daniel, etc., n’était pas un mystère : il signifie le royaume des cieux sur la terre. Au lieu de trouver quand Il vint Sa place légitime comme Messie, Christ fut rejeté et monta dans le ciel ; et c’est là que viennent les mystères du royaume des cieux. Il en résulte qu’il doit y avoir souffrance, affliction et patience même dans le royaume de Christ. Lorsque Christ viendra en gloire, tout cela prendra fin. Ce sera alors le royaume et la puissance (voir Apoc. 12). Maintenant c’est le « royaume et la patience en Christ ». Cette expression « patience » est remarquable. Nous avons communion avec Jésus dans cette attente patiente : nous attendons ce qu’Il attend. Un homme qui est né de nouveau maintenant ne se trouve point dans le royaume et la puissance, mais dans le royaume et la patience en Christ Jésus. De là vient que la conséquence naturelle d’un tel état de choses c’est la souffrance ici-bas. Aussi voyons-nous ici Jean jeté dans l’île de Patmos pour la Parole de Dieu et pour le témoignage de Jésus Christ.

C’est ainsi que Jean ne s’adresse point aux églises proprement dans son caractère d’apôtre, mais comme leur frère et leur compagnon, dans l’affliction, et le règne et la patience en Christ Jésus. Une chose remarquable que le christianisme a amenée, c’est que Dieu nous a ouvert un autre royaume d’un ordre différent du royaume terrestre, ou juif, un royaume dans lequel il y a de l’affliction, eu égard aux circonstances naturelles, et une espérance patiente comme la grande grâce qui correspond à cet état de choses et qui le distingue. Mais l’Église s’est dérobée à sa position de souffrance et de patience ; elle a recherché et pris dans le monde une position de puissance ; — position qui avait appartenu de droit uniquement aux Juifs, et qui, à cause des péchés d’Israël avait été dévolue aux empires gentils par la souveraineté divine. En présence de la chute et du mal, il ne convient à personne de parler haut ; et là où il y a réellement séparation d’avec le mal, il ne se trouvera rien de semblable. Partout où il s’agit de cesser de mal faire, il est de toute nécessité qu’on regarde au Seigneur, de peur qu’on ne dise : « c’est là ce que j’ai fait et ce que d’autres n’ont pas fait ». Dites plutôt que tout est de la grâce du Seigneur. Mais les chrétiens qui ont le désir de se tenir séparés du mal qui existe autour d’eux, sont en grand danger de se prévaloir un peu de ce qu’ils font quelque chose que d’autres ne font point. En présence du mal que nous avons quitté, et de celui que nous avons à juger en nous-mêmes, ce n’est pas le temps d’avoir de nous des pensées élevées. Lorsque Dieu déploiera la puissance envers la terre, les siens auront communion avec Lui dans ce qu’Il fera, comme ce fut le cas au pays d’Égypte, dans le désert, et en Canaan. Mais dans le christianisme, il ne s’agit pas de puissance sur la terre, mais de Jésus crucifié en faiblesse, et de puissance exercée pour Le ressusciter d’entre les morts. Il y aura de nouveau un terrible déploiement de la puissance de Dieu quand Il jugera non seulement les vivants mais aussi les morts. Mais pour nous, le feu de la colère de Dieu est tombé sur Christ, Son jugement a été sur la tête de Son Fils bien-aimé.

Et maintenant, c’est la gloire céleste que Dieu est occupé à imprimer sur le cœur des siens. Il forme leur caractère par ces deux grandes choses que nous trouvons en Christ : l’une est la croix, et l’autre la gloire dans laquelle Il a été pris désormais. C’est avec ce qu’Il a fait en Christ qu’Il veut que nous ayons communion. Christ devrait être aussi complètement empreint sur nos cœurs et dans nos voies que la loi l’était sur les tables de pierre. La vie d’une créature peut se perdre, mais ce que le chrétien possède est la vie de Christ — et la vie de Christ peut-elle jamais périr ? Christ a passé par la mort, afin de donner une vie d’un caractère tel que la mort ne pût la toucher. Lorsque l’Éternel Dieu fit l’homme, Il le fit de la poussière de la terre, mais Il souffla dans ses narines le souffle de la vie ; et c’est pour cela que l’âme est immortelle. L’homme a reçu cette vie directement du souffle de l’Éternel Dieu. Le péché cependant peut l’atteindre, et aussi la mort seconde — la misère éternelle dans le lac de feu pour l’âme et pour le corps. Mais la vie que Christ souffla après qu’Il fut ressuscité des morts (Jean 20, 22) était une vie que la mort ne pouvait jamais vaincre, ni plus jamais assaillir, sur laquelle rien n’avait droit ; et cette vie est celle de tout croyant. Et pourtant, il y en a qui s’imaginent que la vie d’un croyant peut se perdre ! Tout ce que je puis dire, c’est que Dieu n’en agit pas, avec ceux qui pensent ainsi, conformément aux pensés qu’ils ont de Lui. La vie est aussi forte dans l’arminien que dans le calviniste, parce que c’est la vie de Christ. Lorsqu’un homme a conscience d’avoir manqué et d’avoir péché contre Dieu, il est en grand danger de penser que c’en est fait de sa bénédiction. Mais non ; vous avez marché contrairement à la vie et contrairement à celui qui en est la source ; mais la vie elle-même est encore là, et ne saurait être atteinte ; elle est éternelle. Si on est occupé à regarder au-dedans de soi, à sa vie spirituelle, on n’aura jamais de consolation. C’est ici la preuve que je suis chrétien, c’est que j’ai reçu le témoignage de Dieu à Son amour pour moi en Jésus.

« Je fus en esprit, dans la journée du Seigneur ». Le « jour du Seigneur » (en grec, Kuriakê, jour seigneurial, dominical, dimanche) n’est pas du tout la même chose que « le jour du Seigneur » hêmera tou Kuriou de 2 Thessaloniciens 2, 2, et autres passages. La même expression (Kuriakos) était employée pour désigner la cène du Seigneur, parce que ce n’était point un souper ordinaire, mais un saint mémorial du Seigneur, et d’institution divine. Pareillement, le jour du Seigneur n’est point un jour ordinaire, mais un jour particulièrement mis à part, non comme commandement, mais comme expression du privilège le plus élevé, pour le culte du Seigneur. Le sabbat était le dernier jour que Jéhovah réclamait de la semaine de l’homme ; le jour du Seigneur est le premier jour de la semaine de Dieu, et dans un sens, pouvons-nous dire, de l’éternité de Dieu. Le chrétien commence par le jour du Seigneur, afin que cela donne, pour ainsi dire, un caractère à tous les jours de la semaine. En esprit le chrétien est ressuscité, et chaque jour appartient à Dieu ; en conséquence il doit ramener au modèle de ce commencement béni, le jour du Seigneur, tous les jours qui suivent dans la semaine. Rabaisser le jour du Seigneur au niveau d’un autre jour, ne fait que manifester avec quel plaisir le cœur se livre à tout ce qui est de nature à emporter un petit morceau de Christ. Celui qui obéit à Christ seulement parce qu’il est obligé de le faire, ne possède absolument pas l’esprit d’obéissance. Nous ne sommes pas sanctifiés seulement pour l’aspersion du sang, mais aussi pour l’obéissance de Jésus Christ — pour l’obéissance de fils sous la grâce, non pour celle de simples serviteurs sous la loi. La licence qui méprise le jour du Seigneur est détestable, mais ce n’est pas une raison pour que les chrétiens lui enlèvent son caractère, en confondant le jour du Seigneur, le jour de la création nouvelle, avec le sabbat de la nature ou de la loi.

En ce jour-là donc, de brillantes visions de gloire passèrent devant les yeux du prophète. D’abord Jean nous parle de ce qu’il vit en cette occasion : c’est ce que nous avons dans le reste du chapitre premier (v. 12-20). C’était la vision de la gloire de la personne de Christ au milieu des sept chandeliers d’or. « Les choses qui sont » (v. 19) nous sont présentées dans les chapitres 2 et 3 qui décrivent la condition de l’Église en ce temps-là. La troisième division de l’Apocalypse renferme « les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Le mot « ensuite » est très vague ; car il peut signifier des milliers d’années après. L’expression « après celles-ci » rend beaucoup mieux le sens de la phrase. Elle désigne les choses qui suivront immédiatement « les choses qui sont » maintenant — c’est-à-dire, qui se passeront immédiatement après l’économie de l’Église. Celles-là, nous les trouvons à partir du chapitre 4 jusqu’à la fin du livre. Les « choses qui sont » continuent encore (dans l’application la plus importante du livre). Et qu’est-ce qui suivra ? « Les choses qui doivent arriver après celles-ci », lorsque l’Église aura cessé d’exister sur la terre.

Considérons un peu ce que vit l’apôtre. Avant tout, il entend derrière lui « une grande voix comme d’une trompette, disant », etc. « Et je me tournai pour voir la voix qui m’avait parlé, et, m’étant tourné, je vis sept chandeliers d’or ». Évidemment c’était en analogie avec le luminaire du tabernacle ; seulement en ce cas-ci, les luminaires étaient séparés, de sorte que le Seigneur pouvait marcher entre eux. Au milieu des sept chandeliers Jean voit « quelqu’un semblable au Fils de l’homme ». Jean 5 nous apprendra la portée de ceci, et pourquoi il est question en cette circonstance du Fils de l’homme et non du Fils de Dieu. Le Fils de Dieu est celui qui vivifie, parce qu’Il est une personne divine ; Il vivifie en communion avec le Père. Donnant ainsi la vie, Il est appelé le Fils de Dieu ; mais en tant que Fils de l’homme, Il exécute le jugement, parce que Dieu veut qu’Il soit honoré dans la nature même dans laquelle l’homme L’a outragé. Cela nous montre en même temps la portée de ce que nous trouvons dans l’Apocalypse. C’est comme Fils de l’homme sur la terre que Christ est présenté ici, et comme tel Il va exécuter le jugement sur les sept églises aussi bien que, dans peu, sur le monde. La « robe qui allait jusqu’aux pieds », dont Il était vêtu, n’exprime pas l’activité dans l’œuvre à accomplir, mais bien plutôt la dignité du jugement sacerdotal. L’« or » de la ceinture était le symbole de la justice divine, comme le lin est celui de la justice humaine. Le verset 14, comme je le suppose, doit commencer ainsi : « Mais la tête et les cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige ». De sorte que, tout en étant le Fils de l’homme, et étant vu dans le vêtement et la position du sacrificateur occupé à discerner et à juger, on voit aussi en Lui les emblèmes de la gloire divine, comme cela ressort de la comparaison de ce passage avec Daniel 7. Ce qui est dit par Daniel de l’Ancien des jours, est appliqué par Jean au Fils de l’homme — l’Ancien des jours étant le Dieu éternel. Jean voit ici que le Fils de l’homme est Lui-même l’Ancien des jours. Celui qui a écrit : « la Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu » et « la Parole fut faite chair », etc., voit aussi maintenant, dans une vision prophétique, l’humanité se combiner avec les emblèmes propres à la divinité, dans la personne du Fils de l’homme. La tête et les cheveux « blancs comme de la laine blanche, comme de la neige » expriment la plénitude de la sagesse divine. « Les yeux, comme une flamme de feu » désignent la pénétration qui le caractérisait. « Les pieds étaient semblables à de l’airain », etc. Ils ne pouvaient contracter aucune souillure, et sont inflexibles dans la force de jugement (v. 12-15).

Tel est Christ personnellement. Dans le verset 16, ce qui est décrit est relatif. Et « il avait dans sa main droite sept étoiles », l’emblème des anges, ou représentants de ceux qui ont l’autorité au milieu d’elles, des sept églises. La parole de jugement sortait de Sa bouche — parce que dans le Seigneur Jésus Christ, prononcer la parole, c’est en même temps frapper le coup. « Il a dit, et ce qu’il a dit a eu son être ». « Son visage était comme le soleil quand il luit dans sa force ». Les anges des assemblées étaient représentés comme des « étoiles », seulement comme subordonnés naturellement au Seigneur. L’autorité suprême est dans le Seigneur ; elle est universelle dans son étendue, et les étoiles sont dans les églises, Ses luminaires administrateurs, qu’Il maintient par Sa puissance. Il juge par Sa Parole ceux qui l’ont ou qui la rejettent.

Lorsque Jean voit cette merveilleuse vision du Fils de l’homme, il tombe à Ses pieds comme mort. Mais le Seigneur met Sa droite, puissante pour soutenir, sur Son pauvre serviteur qui est là tout tremblant, et même comme mort devant Lui, et lui dit : « Ne crains point, je suis le premier et le dernier, et le vivant, et j’ai été mort, et voici, je suis vivant au siècle des siècles ». Si le Seigneur Jésus Christ ne fût pas mort, nous ne L’eussions pas connu dans ce caractère béni et cette énergie de vie dans lesquels Il est maintenant — la vie avec plus d’abondance. Le christianisme présente Christ comme ayant passé par la mort, et comme ressuscité en triomphe pour Dieu et pour Son peuple. Jean va entendre parler de jugements ; mais la connaissance que la droite de Celui qui était vivant aux siècles des siècles avait été sur lui, et les paroles de Sa bouche, lui donneraient force et courage pour tout ce qui devait arriver. Et c’est dans cet esprit-là que ce livre a été écrit et devrait être lu. « Voici, je suis vivant aux siècles des siècles, et je tiens les clés de la mort et du hadès ». L’ordre de ces deux derniers mots dans le texte ordinaire est une erreur. Le hadès suit la mort ; il ne marche pas devant elle (Apoc. 6). Voyez aussi le chapitre 20 où la mort et le hadès sont mentionnés plusieurs fois dans leur ordre régulier. Il en est de même ici dans les manuscrits qui ont le plus d’autorité. Quand le Seigneur déclare qu’Il tient les clés de la mort et du hadès, Il insinue qu’Il est le maître absolu de tout ce qui appartient à la vie, soit pour le corps soit pour l’âme. C’est pourquoi, aussi, au verset 19, il faut intercaler un petit mot qui ajoute un peu à la force et à la connexion de ce qui est dit. « Écris, donc, les choses que tu as vues », etc. Parce que je suis ressuscité d’entre les morts, et que je suis vivant à toujours, et l’unique maître de la mort et du hadès, écris donc. Celui qui avait commandé à Jean d’écrire (v. 11, 19) était le Fils de l’homme avec les caractères de l’Ancien des jours ; mais Il était aussi le Seigneur vivant, le Seigneur ressuscité, la sécurité contre la terreur et la mort, Celui qui fortifiait Ses serviteurs en présence de la gloire : « Écris donc, les choses » etc. La nature humaine pouvait bien être confondue à la vue de tout ce qui apparaissait ; mais Celui qui était révélé à Jean se caractérisait Lui-même à la fois comme Dieu, et comme l’homme qui avait passé par la mort, et avait détruit son pouvoir pour les siens. Et cela devait être écrit — cette révélation de Jésus, comme Il avait été vu par Jean, ainsi que l’état présent de l’Église, et les choses qui le suivraient (v. 17-19).

Le verset 20 explique le mystère des étoiles et des chandeliers comme il a été déjà indiqué. C’est le lien de connexion entre la vision de Christ et le jugement de l’Église, ou maison de Dieu sur la terre (Apoc. 2 ; 3) aussi longtemps que son existence là est reconnue comme l’objet de Son gouvernement. Après cela, c’est le jugement du monde de la part du trône de Dieu dans le ciel et c’est respectivement des Juifs et des Gentils, mais jamais des églises, que traite cette partie du livre. À mesure que nous avancerons, on verra tout cela plus clairement.

Chapitre 2

Versets 1-7. — Le chapitre précédent se terminait par ces mots : « Les sept étoiles sont les anges des sept assemblées, et les sept chandeliers que tu as vus sont les sept assemblées ». Il résulte évidemment des versets 4 et 11 du chapitre 1, et de ce qui suit, que c’est aux sept églises qui existaient alors dans la province d’Asie, que ceci s’appliquait originairement. Mais tout en reconnaissant qu’il y avait des raisons particulières de s’adresser à ces églises locales, je n’ai pas le moindre doute qu’elles furent choisies dans le dessein, d’une portée plus vaste, de tracer le tableau des divers états dans lesquels l’Église en général se trouverait successivement, depuis les jours apostoliques jusqu’au terme de son existence sur la terre. De là vient que la vision comprenait sept chandeliers, sept étant le symbole bien connu de quelque chose de complet dans l’ordre spirituel. Il pouvait y avoir d’autres églises aussi bien ou mieux connues, et le grand apôtre des Gentils s’était déjà expressément adressé à l’une de ces sept ; mais Éphèse est prise de nouveau, et six autres églises lui sont associées de manière à présenter une esquisse mystique et parfaite des traits moraux les plus importants qui se trouvaient alors dans l’Église, et qui en même temps devaient se développer d’une manière successive dans l’histoire subséquente du corps professant sur la terre[3]. Bien des choses qui sembleraient fort importantes aux yeux des hommes et même des chrétiens sont laissées de côté, car le Seigneur ne voit pas comme l’homme voit.

Mais on verra, je pense, qu’Il a placé en première ligne les traits, bons ou mauvais, qui devaient réapparaître, et qu’Il a fait très convenablement ressortir ce qu’Il prévoyait devoir être de la plus haute importance pour celui qui aurait des oreilles pour entendre jusqu’au moment de Son retour. Et cette application étendue me semble confirmée avec force par la clause relative à ces églises dans la triple division que donne le chapitre 1, verset 19. Elles sont désignées, comme « les choses qui sont ». Sans doute, elles existaient alors au temps de Jean ; mais si elles devaient continuer d’exister, et si les semences qui étaient alors semées, devaient germer encore plus dans la suite, et donner une signification encore plus grave aux paroles et aux avertissements de notre Seigneur, cette expression « les choses qui sont » était encore plus convenable pour désigner l’état de l’Église sur la terre tel qu’il existait alors. C’est ainsi qu’Éphèse est le premier grand exemple de déclin par suite du relâchement ou abandon du premier amour. Mais n’était-ce pas là un fait notoire pour toute la chrétienté, considérée comme un tout, avant que le dernier apôtre eût délogé pour être avec le Seigneur ? S’il s’est trouvé dans ces jours-là et plus encore dans les temps postérieurs, un pareil état moral, quoi de plus convenable et de plus naturel que de faire tourner des circonstances morales au profit d’un enseignement général ? Ainsi encore, sans mettre en question que le message adressé à Smyrne s’appliquait parfaitement à ce temps-là, il est aisé de voir qu’il fait admirablement ressortir les grandes et réitérées persécutions qui éclatèrent sur les chrétiens de la part des païens. De même l’élément que Balaam figure se montrerait naturellement avec une netteté plus grande, lorsque, au lieu de persécuter l’Église, le monde la protégerait. Vient ensuite Jésabel : elle constitue un immense progrès dans le mal ; mais quoique dans les jours où l’Apocalypse fût écrite, il existât sans aucun doute des choses qui donnaient lieu à ces allusions, peut-on nier que l’esquisse fût remplie d’une manière bien frappante après que le trône du monde eut établi le christianisme par ses édits, et que, à une époque plus avancée encore, l’église professante eut contracté une alliance coupable avec ce qui n’est, au fond, que paganisme et inimitié pour la vérité de Dieu ? Ce coup d’œil jeté sur le chapitre 2 fera voir, tout rapide qu’il est, pourquoi je considère ces églises comme ayant une portée prophétique réelle, quoique indirecte, sur les diverses conditions subséquentes de l’Église, telles qu’elles se présentaient au jugement scrutateur du Seigneur. Il est clair, d’un autre côté, que la véritable position de l’Église, celle dans laquelle habituellement elle attend du ciel le Seigneur, eût été faussée, si ce rapport avait été marqué au point d’être apparent dès le principe, et de donner, si l’on peut s’exprimer ainsi, une histoire claire et chronologique ; car le Seigneur n’a parlé nulle part à l’Église, ni à son sujet, de manière à lui faire nécessairement attendre des siècles sur la terre. Naturellement, le Seigneur savait qu’il en serait ainsi ; mais Il n’a rien révélé qui fût de nature à mettre obstacle à la pleine jouissance de la bienheureuse espérance du retour du Seigneur comme perspective immédiate. Et il en est de même ici.

Quelques-uns ont pris avantage de ce manque de netteté pour nier que ces sept églises eussent ce caractère de succession et de prolongation de temps auquel j’ai fait allusion ; mais l’évidence apparaîtra plus entière à mesure que nous examinerons chaque église en particulier. Une autre considération qui doit avoir un grand poids, c’est qu’après ces deux chapitres, il n’est plus fait allusion nulle part à l’existence d’églises sur la terre. Dans les remarques finales du livre (22, 16), le Seigneur dit qu’Il a envoyé Son ange pour rendre témoignage de ces choses dans les assemblées ; mais dans toute la série des visions et dans tout ce qui est donné à entendre de la condition des hommes ici-bas, après Apocalypse 3, il est gardé, relativement à l’Église sur la terre, le silence le plus inexplicable si l’Église s’y trouve réellement : rien de plus simple si cet état de chose a pris fin. Tout cela s’accorde parfaitement avec le chapitre 1, 19 : « Les choses qui sont, et les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Lorsque c’en est fini avec les églises, et qu’on ne les voit plus comme telles sur la terre, la partie proprement prophétique du livre commence à avoir son cours. Il semble, en outre, que l’introduction d’un nouvel état de choses n’implique pas nécessairement le rétablissement de ce qui avait existé avant lui. En un mot, après l’apparition de l’état de choses nouveau, il peut y avoir encore coexistence de l’ancien, et chacun d’eux peut continuer dans sa propre sphère. En voilà assez sur les églises dans leur ensemble. La responsabilité sur la terre est le sujet dont il s’agit : non pas les privilèges de l’Église ou des saints en Christ, mais l’obligation sous laquelle les églises se trouvent de Le représenter, et l’appréciation qu’Il fait de leur état.

Après cette courte préface, nous en viendrons plus particulièrement à Éphèse. Observons d’abord, qu’il est dit à Jean d’écrire à l’ange de l’église qui se trouve là ; ce n’est plus « aux saints et fidèles qui sont à Éphèse dans le Christ Jésus » que la lettre est adressée ; ni aux saints avec les surveillants et les serviteurs, comme dans le cas de l’église de Philippes. Pourquoi cela ? Les voies du Seigneur sont toujours pleines de grâce, mais elles sont justes aussi, et l’Église était une chose en chute, de sorte qu’Il ne pouvait plus s’adresser à elle avec la même familière tendresse qu’auparavant. C’est pourquoi, comme l’Église s’est éloignée de Dieu de la façon la plus sérieuse, Jean doit adresser sa lettre, non pas à l’église, mais à son ange ou représentant. Les anges dont il s’agit dans ces épîtres étaient des hommes, et ne doivent pas être confondus avec les êtres d’une nature spirituelle qui sont appelés de ce nom[4]. L’apôtre Jean est employé par le Seigneur à leur envoyer un message, et Dieu agirait contrairement à toutes Ss voies en employant un homme comme messager auprès des anges proprement dits. Les anges servaient souvent d’intermédiaires entre Dieu et l’homme, mais jamais les hommes entre Lui et les anges. Je crois, en outre, que l’ange à qui cette lettre est adressée, tout en étant un homme, n’occupe pas nécessairement une position officielle telle que celle d’un évêque, etc. Ce pouvait être un évêque, ou non. L’ange implique toujours l’idée de représentation. Nous trouvons dans l’Ancien Testament l’ange de Jéhovah, l’ange de l’alliance, etc., et il est fait mention en Daniel d’anges qui étaient identifiés avec Israël, etc. Le Nouveau Testament parle d’anges des petits enfants qui voient dans le ciel la face de leur Père, expression par laquelle il faut évidemment entendre leurs représentants. C’est ainsi qu’en Actes 12, on disait de Pierre, que c’était son ange. J’en conclus donc qu’ici l’ange, tout en étant un homme, est d’une manière ou d’une autre, le représentant de l’assemblée. En conséquence, il pouvait être dit : « j’ôterai ton chandelier », etc. Voir sous ces mots une position officielle déterminée prêterait à beaucoup d’objections, non pas seulement parce que ce serait introduire une nouveauté, mais parce que cette nouveauté serait en opposition avec tout ce que l’Écriture enseigne ailleurs relativement à l’assemblée. Mais je n’ai aucun doute qu’il se trouve de fait dans les assemblées une ou plusieurs personnes que le Seigneur associe à l’assemblée d’une façon toute spéciale, et comme la caractérisant : cette personne est moralement identifiée avec l’assemblée, et reçoit du Seigneur soit louange, soit condamnation, selon l’état de l’assemblée. Ici l’état de l’assemblée est directement imputé à l’ange. Le fait que c’est à lui que parle le Seigneur, et non à l’assemblée, place pour ainsi dire cette dernière à une plus grande distance de Lui. Qu’est-ce qu’un fait pareil ne nous dit pas de la terrible condition dans laquelle l’Église était tombée ! Le Seigneur ne pouvait plus s’adresser directement à ces assemblées. Il avait parlé sans intermédiaire même aux Corinthiens ; car, quelque coupables qu’ils fussent, ils ne s’étaient pas ainsi détournés de Lui. Mais ici, le message consiste en ces paroles désolantes : « Tu as abandonné ton premier amour ». Pourtant, si Christ n’avait pas une église fidèle, au moins Il avait un fidèle serviteur dans la personne de Jean : et c’est à lui qu’il est parlé en tout premier lieu. Et qu’on se souvienne toujours que depuis lors l’Église ne s’est jamais relevée de cette chute et de cette position relativement éloignée. L’Église, la maison de Dieu, est dans un état complet de ruine ici-bas ; et dans un état pareil, la première chose qui nous convienne, c’est de le sentir.

Ceci ne touche en aucune manière la question du salut éternel ; mais c’est abuser de la certitude du salut que de s’en servir pour amoindrir nos obligations envers Dieu. De fait, il n’existe jamais, avant la conversion, de profond sentiment du péché ; car s’il pouvait en exister alors, il serait accompagné d’un complet désespoir. Mais quand nous avons reçu notre pardon et que nous sommes dans une paix parfaite, nous pouvons regarder à notre péché et le juger pleinement. Un ange saint ne connaît pas Dieu comme nous devrions Le connaître — je ne dis pas comme nous Le connaissons, quoique ce soit vrai aussi. Un ange pénètre dans les merveilles de la puissance de Dieu « obéissant à la voix de sa parole » ; mais les choses profondes de Dieu se montrent, chose merveilleuse à dire, au sujet de notre péché, et dans la personne de Son Fils unique, « vu des anges » il est vrai, mais en relation vivante avec nous.

Le Seigneur se présente à Éphèse comme « celui qui tient les sept étoiles dans sa droite, qui marche au milieu des sept chandeliers d’or » (v. 1). Il est venu pour examiner, pour juger — non pas encore naturellement le monde des impies — mais l’assemblée qui est à Éphèse. Quelle différence entre l’aspect sous lequel Il nous est présenté ici, et celui sous lequel nous Le voyons, et l’Église aussi, en Éphésiens 1 et 2 ! Là, Il est assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes, et Dieu nous y a fait asseoir aussi ensemble dans les lieux célestes en Christ Jésus. Ici, Il marche au milieu des chandeliers. Sa main est indispensable, car personne que Lui ne pourrait faire face aux difficultés. Mais n’est-ce pas quelque chose de solennel qu’Il soit présenté de cette manière à cette même église, à laquelle Paul avait ouvert la plénitude de Sa grâce céleste, et la plénitude de la bénédiction qui lui appartenait en Christ ? Et maintenant, le voilà obligé, pour ainsi dire, de marcher et de revendiquer les droits de Son autorité, non point parmi ceux qui ne L’ont pas connu, mais là où l’on avait jadis si bien connu Son amour — maintenant, hélas ! oublié et déshonoré.

« Je connais tes œuvres, et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants, et que tu as éprouvé ceux qui se disent être apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs, et tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu as travaillé » (v. 2, 3). Ainsi, il se trouvait là plusieurs choses louables. Il y avait de la patience, et c’est le premier signe, sinon le plus grand, que Paul donne de son propre apostolat. Il y avait plus encore : car rien n’est plus facile à lasser que la patience, quand elle a soutenu beaucoup d’épreuves. Mais ici, à Éphèse, on persévérait dans la patience (comp. v. 2, 3). En outre, là où il y a de la patience, il peut y avoir tendance à passer par-dessus le mal, ou du moins à supporter les méchants. Mais ce ne fut pas le cas ici. Les Éphésiens avaient supporté des afflictions pour le nom de Jésus, mais ils ne pouvaient supporter les méchants, et ils avaient éprouvé ceux qui prétendaient à la position la plus élevée, celle d’apôtres, et les avaient trouvés menteurs ; ils avaient continué de cette manière, et ne s’étaient point lassés. Qu’il est doux de voir le Seigneur dans Sa douleur, si nous pouvons parler de la sorte dans le désappointement de Son amour, commencer ainsi par tout ce qu’il y avait de bien ! Mais tout en trouvant chez eux des choses qu’Il pouvait louer, Il avait contre eux qu’ils avaient perdu leur premier amour. Ils n’avaient plus la conscience de l’amour du Seigneur pour eux, et il en était résulté que leur propre amour pour Christ avait pâli. C’était leur appréciation de l’amour du Seigneur qui les rendait capables d’aimer.

Puis-je précisément faire remarquer, que le mot « quelque chose » ajouté dans les versions ordinaires au verset 4 paraît affaiblir le sens ? Il pourrait suggérer l’idée que le Seigneur n’avait que peu de chose contre eux, tandis que, dans la vérité, Il était extrêmement affligé. Ne pas sentir Son amour, et par conséquent ne pas le Lui rendre, était la chute la plus profonde, surtout chez ceux qui en avaient autrefois joui. Mais maintenant il s’était éteint, et qu’en résulterait-il avec le temps ? « Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et te repens, et fais tes premières œuvres, autrement je viens à toi promptement, et j’ôterai ton chandelier de son lieu à moins que tu ne te repentes ». Il est beaucoup plus facile d’avoir du zèle pour agir que pour se repentir. Mais cela même ne saurait satisfaire le cœur de Jésus, à moins qu’ils ne revinssent à leur premier amour qui avait produit leurs premières œuvres : sinon il faut que le chandelier soit ôté. Je doute, tant pour des raisons externes que pour des raisons internes, que le mot « promptement » doive se trouver dans le verset 5. Car lorsque le Seigneur vient pour juger les voies des siens, peut-on dire que c’est ainsi qu’Il vient ? Quand Il vient, soit pour combattre contre les Nicolaïtes, soit pour nous prendre avec Lui, c’est promptement sans contredit (Apoc. 2, 16 ; 3, 11 ; 22, 7, 12, 20). Mais Il donne du temps pour la repentance, même s’il s’agit de Jésabel, et combien plus à Ses chers Éphésiens.

L’enlèvement du chandelier n’implique point que l’église ne pourrait pas continuer en apparence comme auparavant, mais qu’elle perd sa place comme témoin pour le Seigneur digne de confiance. Rien ne saurait tenir lieu de la proximité avec le Seigneur, soit pour l’église, soit pour l’âme. Et cette proximité était perdue désormais, non pas simplement pour l’assemblée d’Éphèse, mais même dès lors, pouvons-nous dire, je pense, pour l’Église en général. Le témoignage extérieur pouvait bien continuer, mais ce n’est pas là ce que le Seigneur apprécie le plus, quoiqu’Il l’apprécie, en tant qu’il est simple, sincère et fidèle. Cependant Il ne peut pas ne pas estimer avant tout des cœurs qui Lui sont consacrés, le fruit de Son propre amour, de Son amour personnel, parfait, qui s’immole lui-même. Il a sur la terre une épouse qu’Il désire voir sans autre objet que Lui-même, et se conservant pour Lui pure du monde et de ses voies. Dieu nous a appelés pour cela ; Il ne nous a pas appelés pour le salut seulement, ou pour Lui être en témoignage par une vie de piété, quoique cela soit éminemment vrai et important, mais par-dessus tout, pour Christ — comme une épouse pour Son Fils ! Ce devrait être là certainement notre première et notre dernière pensée, notre pensée continuelle et la plus chère ; car nous sommes fiancés à Christ, et Il a, Lui du moins, prouvé la plénitude et la fidélité de Son amour pour nous. Mais que dire du nôtre ?

En regardant à Christ, l’Église apprend à se tenir dans la poussière, tout en se réjouissant toujours néanmoins dans le Seigneur. Le sentiment de la chute en nous-mêmes et dans les autres serait accablant, si ce n’était que nous avons le droit de trouver notre joie en Celui qui n’a jamais failli, et qui, malgré tout, nous aime, nous, qui avons rendu pour Lui un si faible, si infidèle témoignage. Le vrai moyen de ne pas nous retirer sans avoir été bénis et fortifiés, c’est d’aller à Lui, même pour de pénibles confessions. Nous Lui devons de reconnaître et de sentir notre péché ; mais être occupés de notre péché simplement ne donne jamais de la force. Christ doit posséder la gloire, et assurément Celui qui nous a délivrés de la colère à venir, qui peut nous sauver de l’enfer, a le pouvoir de nous délivrer de tout bourbier. Pour un chrétien, faire confession de son péché, s’attacher à Jésus, c’est maintenir le nom de Celui qui vient à son secours, et alors la victoire est sûre.

Mais quelle consolation et combien elle est propre à rassurer, de voir qu’à la suite du reproche qu’Il a dû adresser, le Seigneur parle encore de choses qui peuvent avoir Son approbation ! « Mais tu as ceci, que tu hais les œuvres des Nicolaïtes, lesquelles, moi aussi, je hais » (v. 6). Le nicolaïsme semble avoir consisté dans l’abus de la grâce. Les saints d’Éphèse avaient failli au devoir de demeurer attachés au bien, mais ils avaient communion avec le Seigneur dans l’horreur du mal. On dit souvent : « Il n’y a pas d’église parfaite sur la terre ». Je voudrais demander en réponse, ce qu’on entend par « une église parfaite ». Se trouvera-t-il un chrétien qui ose me dire que nous ne devons pas viser à tout ce qui est conforme à la sainteté de Dieu ? Je réclame précisément pour l’Église ce que l’on est tenu de m’accorder pour tout chrétien individuellement. Comme il se trouve assurément des fautes dans l’individu, il y en aura aussi dans l’Église. Mais alors il y a cette bénédiction que, comme le Saint Esprit habite dans l’individu pour le guider et le bénir, ainsi le même Esprit habite dans l’Église, et Christ la purifie par le lavage d’eau, par la Parole. Il y a deux choses dans l’Assemblée aussi bien que dans l’individu — le Saint Esprit qui est la puissance du bien, et la chair qui convoite contre Lui. De même que, dans un homme, on peut dire que l’âme est répandue dans tout le corps dont elle anime toutes les parties ; ainsi en est-il de l’Esprit dans l’Église de Dieu. Lorsqu’on prétend qu’il faut tolérer le mal parce qu’il n’y a pas d’homme qui soit exempt de péché, c’est de l’antinomianisme ; et je crois que c’est là le principe même des Nicolaïtes. De même que l’individu doit se tenir prêt à aller à la rencontre du Seigneur, sans laisser rien qui ne soit réglé au moment de Sa venue, pareillement le Seigneur attend la même chose de l’Assemblée, parce qu’il y a dans l’Église de Dieu une puissance divine contre le mal.

Vient ensuite la promesse précédée de l’avertissement. « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées : À celui qui vaincra, je lui donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de mon Dieu » (v. 7).

Il y a eu le paradis de la création où l’homme fut placé et mis à l’épreuve ; mais il tomba. Les églises étaient tombées aussi. Mais maintenant une nouvelle scène s’ouvre. Ce n’est plus le jardin d’Éden, mais le paradis de Dieu — « de mon Dieu », dit le Seigneur Jésus. Et il ne renferme pas d’arbre qui puisse introduire la douleur et la mort. L’arbre de vie seul y est. L’église d’Éphèse était déchue, il est vrai, de son premier amour : mais quand même elle ne compterait qu’un seul membre qui sentît bien et profondément l’injure faite à la grâce du Seigneur, un seul membre qui vainquît, cette promesse était donnée à ce membre pour la consolation et pour la joie de son âme. Et la grâce du Seigneur est tout aussi parfaite aujourd’hui. Puisse-t-il n’y avoir ici personne qui n’ait des oreilles ; et s’il y en a qui en aient, puissent-ils écouter et vaincre !

Versets 8-11. — À Éphèse, nous avons vu l’Église abandonner sa première position. L’état qui suit est d’une nature différente. L’église de Smyrne est dans la détresse ; les saints de Dieu souffrent. Ils ont pensé peut-être que la terrible persécution qui leur était survenue était quelque chose d’étrange : mais il est plus vrai, au contraire, que le cœur du Seigneur est contristé par un chrétien qu’Il laisse exempt de souffrance pour Son nom. Le Seigneur avait Lui-même connu la tribulation au plus haut degré : mais, dans Son cas, ce n’était que l’épreuve du bien qui était en Lui et la manifestation de Sa perfection. Et tout pauvres que nous sommes, nous pouvons aussi connaître l’épreuve indépendamment du mal qui est en nous. Dans les châtiments qu’Il dispense à un chrétien, le Seigneur a deux sortes de motifs : ou bien c’est parce qu’il y a quelque chose de mal, ou qu’il y a danger de mal, danger peu senti par le chrétien. Lorsque David fut hors de sa tribulation, il tomba dans un piège ; et c’est quand il se trouva dans la détresse qu’il épancha son cœur, sous l’inspiration du Saint Esprit bien entendu, en ces doux accents que nous lisons aujourd’hui avec tant de charme. Il est dangereux pour l’âme de désirer sortir de l’épreuve. Le but de l’épreuve peut être de nous montrer ce que nous sommes en réalité, ou, ce qui vaut mieux, de prouver ce que Dieu est pour nous, et ce qu’Il nous est ; mais elle est aussi envoyée pour nous empêcher de tomber dans le péché, et, dans Son amour, le Seigneur détourne souvent de cette manière le mal qu’Il voit et que nous ne voyons pas. Je ne doute point qu’il y ait une autre espèce de souffrances plus profondes, savoir la communion avec les souffrances de Christ, qu’il ne faut pas confondre avec la fidèle discipline du Seigneur, quoiqu’elles puissent, je pense, être trouvées parfois réunies.

Il semble qu’à Smyrne le Seigneur veut pourvoir à ce déclin du premier amour qui était survenu, et dans ce but Il envoie la tribulation. Une telle conduite de Sa part, grâces Lui en soient rendues, n’est pas extraordinaire, car Il est bon et fidèle. Et dans quel caractère parle-t-Il à cette église ? « Le premier et le dernier qui a été mort et qui vit, dit ces choses ». Avant tout, Son titre est celui d’une personne divine. Ici l’Esprit réclame pour Jésus ce qu’Ésaïe avait auparavant réclamé pour Jéhovah (És. 41, 4). Et qu’y avait-il qui ne pût point être revendiqué pour Lui, pour Celui « qui a été mort et qui vit » ? Quelle consolation pour ceux qui étaient dans l’épreuve. Qui est-ce qui s’adresse à eux dans leur affliction ? Celui qui s’était trouvé au plus profond de la souffrance et avait passé par la mort elle-même ; Celui qui était le premier et le dernier, et qui avait formé toutes choses, c’est Celui qui avait été mort et qui de nouveau était vivant. Et c’est auprès de Celui-là même que dans mon épreuve j’ai à me réfugier. Cela fait voir quel rapport il y a entre la résurrection des morts et la consolation de ceux qui sont dans l’épreuve (comp. 2 Cor. 1, 5). Jésus était Dieu, mais Il était homme aussi. Il fut l’homme éprouvé par la souffrance, et Il était l’homme triomphant, et comme tel Il était capable de les consoler dans leur affliction. « Je connais tes œuvres et ton affliction, et ta pauvreté (mais tu es riche), et l’outrage de ceux qui se disent être juifs et qui ne le sont pas, mais qui sont la synagogue de Satan » (v. 9). Le mot « juif » est pris ici dans un sens figuré. C’était le nom de la nation qui avait été connue anciennement comme le peuple de Dieu, au-dessus de tous les autres ; et ces symboles étaient empruntés à l’Ancien Testament. Il semble que celui-ci désigne des personnes qui, ayant pris position d’enfants de Dieu, étaient retournées à leur religion héréditaire. D’un côté, il y avait cette détresse extérieure que le Seigneur permettait pour leur bénédiction, et de l’autre, il y avait des gens qui professaient les principes juifs (Phil. 3, 2). Mais le Seigneur dit : « Ne crains rien des choses que tu vas souffrir ». Ne vous occupez point de ce que l’on dit, ni de ce que l’on fait contre vous. « Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés ». C’est ainsi que, par la grâce de Dieu, l’ennemi lui-même est employé comme instrument pour le bien des enfants de Dieu dans les persécutions qu’il soulève contre eux. D’un autre côté, il n’y a rien qui serve plus efficacement à Satan pour les détourner, qu’une espèce de tranquille, commode demi-christianisme. Que Dieu garde les siens d’avoir deux visages, deux caractères, en sorte qu’il ne leur arrive jamais d’être mondains avec les mondains, et de prendre ensuite l’air et le langage d’un chrétien avec ses frères !

Ce n’est pas pour le Seigneur une chose nouvelle que de faire ainsi concourir à la bénédiction de Ses saints les efforts et l’inimitié de Satan. La même chose se voit dans le cas de Job ; et même l’épreuve de ce serviteur du Seigneur fut beaucoup plus profonde. À chacun de ces assauts successifs de la part de Satan, Job conserva son intégrité et bénit le Seigneur ; mais le Seigneur fit connaître Job à Job lui-même — précisément la chose qui était nécessaire pour qu’il réalisât la bénédiction de lâcher le moi pour le Seigneur. Ensuite il lui montra Dieu, et à la fin Job fut aussi profondément consolé qu’il s’était profondément abaissé.

Job ne pensait point qu’il était trop occupé de lui-même ; et c’était précisément cela que Dieu avait à lui montrer. Il aimait à rappeler le temps où les fruits de la piété qui se manifestaient en lui attiraient le respect et l’estime des hommes. Mais Dieu lui montra combien c’était une chose mauvaise de regarder aux effets de la grâce en lui-même ou sur les autres. Ce que l’ennemi de Dieu et de l’homme ne put point effectuer, les amis de Job le firent. Il avait pu tenir ferme contre les tentations de Satan, mais il fut provoqué à la folie par ses amis venus pour prendre part à sa douleur, et qui donnèrent leurs malencontreux avis. Quand quelqu’un parle beaucoup de la grâce, on peut être sûr qu’il n’en est pas entièrement rempli. Job même dut être mis dans la fournaise pour découvrir qu’il y avait en lui beaucoup d’autres choses que la grâce. Mais quoique Satan l’eût tenté sans succès, et que ses amis l’eussent seulement provoqué, quand le Seigneur intervient, Job est aussitôt complètement humilié. Il se voit à la lumière de la présence de Dieu, et s’écrie : « Mon œil t’a vu. C’est pourquoi j’ai horreur de moi-même, et je me repens sur la poudre et sur la cendre ». Mais la fin du Seigneur est pour le moins aussi bonne que Son commencement. Il est toujours miséricordieux et plein de tendres compassions. C’est lorsque Job ne pense plus rien de lui-même que la grâce prend véritablement son cours, et qu’il prie pour ses amis. « Et l’Éternel tira Job de sa captivité quand il eut prié pour ses amis ».

Smyrne succède à Éphèse. Comme je l’ai déjà donné à entendre, l’église de Smyrne s’appliquerait, à mon avis, au temps où l’Église fut appelée à passer par la tribulation qui suivit l’époque apostolique — les persécutions infligées aux chrétiens par les empereurs romains, etc. « Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés : et vous aurez une affliction de dix jours » (v. 10). Les souffrances des chrétiens, la manière dont ils moururent pour Christ, sont les quelques points lumineux, les quelques brillantes manifestations de la vie dans le deuxième siècle et au commencement du troisième.

« Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie » (v. 10). C’est une doctrine importante que celle qui est relative à la diversité de gloire réservée aux serviteurs de Dieu. Car, tandis qu’il est essentiel de maintenir que la même grâce qui a pardonné le brigand sur la croix est précisément celle-là même qui a sauvé Paul de Tarse, ce serait néanmoins une grande erreur de supposer que le brigand aura, dans la gloire, la même récompense que saint Paul. Cependant, nous ne devons point être effrayés en entendant dire au Seigneur : « Je connais tes œuvres » : car quoique les vaisseaux qui doivent contenir la bénédiction puissent ne pas avoir une capacité égale, la petite coupe se trouvera aussi pleine que la grande, et pleine, si je puis m’exprimer ainsi, des mêmes matériaux de joie et de bénédiction. Dans l’état de gloire, il ne sera naturellement plus question d’épreuve, de fidélité ou d’infidélité. Mais il existe des différences spirituelles avant que nous y soyons, et lorsque nous y serons, les distinctions dans le royaume de Christ répondront au caractère et à la mesure du service accompli ici-bas, quoique il faille réserver aussi la souveraineté de Dieu.

Puis venait la parole suivante de consolation bien appropriée aux fidèles de Smyrne : « Celui qui vaincra n’aura point à souffrir de la seconde mort » (v. 11). Ne craignez point la première mort : elle n’est qu’une servante pour vous introduire dans la présence de Dieu. La seconde mort ne vous touchera point. Le Seigneur est comme ce bois de jadis qui fut jeté dans les eaux de Mara : Il est descendu pour nous dans les eaux les plus amères de la mort qui ont été par là changées pour nous en eaux douces et rafraîchissantes.

Versets 12-17. — Ici le Seigneur s’annonce à l’église de Pergame comme Celui qui était armé de la puissance qui scrute toute chose par la Parole de Dieu, la parole de jugement. Dans l’Apocalypse, l’épée aiguë est au commandement du Seigneur Jésus comme l’instrument du jugement. Ce que fait l’épée dans la main de l’homme, la parole pénétrante de jugement le fait, et le Seigneur l’applique avec puissance : elle décide toutes les questions qui ont à faire avec Lui. Il y a toujours un grand et beau rapport entre l’aspect ou le titre sous lequel le Seigneur se présente et l’état de l’église à laquelle Il s’adresse. C’était parce que la Parole n’avait plus dans l’Église cette énergie vivante de jugement, que le Seigneur Jésus prend soin de montrer qu’elle n’avait jamais perdu son efficace entre Ses mains. Comme la première église nous présente le déclin déjà entré même dans les jours de l’apôtre Jean, et Smyrne le temps des persécutions de la part des païens, de même nous avons ici un état de choses tout à fait différent. Pergame est la scène du pouvoir de Satan pour flatter et séduire, pouvoir dont il fit usage aussitôt après que la violence de la persécution se fut épuisée. Ce plan de l’ennemi était plus dangereux que le second ; car lorsque nos cœurs sont poussés à quelque chose de mal, rien ne prouve mieux que Dieu est contre nos voies que le fait qu’Il nous abandonne à notre volonté. « Éphraïm s’est associé aux idoles, abandonne-le ». Dans le cas de Smyrne, c’était tout le contraire : là le Seigneur arrêtait la puissance de Satan au moyen de la persécution du dehors que Dieu faisait servir à empêcher les progrès de la corruption au-dedans.

Après cela, le dieu de ce monde promit aux chrétiens toute sorte d’avantages mondains. L’empereur lui-même offrit de devenir chrétien, quoiqu’il différât le baptême jusqu’à son lit de mort. Rien ne prouve avec plus d’évidence combien l’Église était entièrement déchue, et combien elle s’était éloignée du nom du Seigneur, que son acceptation des conditions de l’empereur et du patronage du monde. Ceux même qui étaient sauvés avaient perdu complètement de vue ce qu’était l’Église, comme n’appartenant pas au monde, mais étant du ciel. L’empire romain était essentiellement la puissance du monde. L’Église avait été appelée pour être le témoin vivant de deux grandes choses : premièrement, de l’amour de Dieu, et secondement, de la ruine du monde. Mais quand nous voyons l’Église donner la main au monde, tout est fini, et l’Église tombe tout droit dans l’esprit de ce siècle. Si sous quelques rapports il y a gain pour le monde en cela, il y a perte pour l’Église en toute manière ; et il ne faut point s’en étonner ; car c’est au prix de la volonté et de la gloire de Christ. C’est bien « le trône » de Satan qui est le sens de la phrase. Le terme original est le même que celui qui est employé pour « siège » aussi bien que pour trône dans d’autres portions de ce même livre ; mais ici c’est bien proprement un « trône », parce qu’il est parlé de Satan sous le rapport de l’autorité. Il est évident que tout cela décrit d’une manière exacte l’état des choses au temps de Constantin. Au lieu d’être sur le bûcher et dans la souffrance pour Christ, l’Église était maintenant unie au monde dans une simple profession de christianisme ; car, comme le monde ne pouvait pas s’élever réellement jusqu’à elle, elle dut descendre au niveau du monde. Rien d’étonnant que là-dessus le Seigneur dise : « Tu habites là où est le trône de Satan ». Néanmoins, Il reconnaît tout ce qu’Il peut, même là où se trouve cette misérable association — Son Assemblée habitant là où est le trône de Satan. Ces chrétiens tenaient encore ferme Son nom et n’avaient pas renié la foi qui avait sauvé leurs âmes ; mais c’était tout. Ils venaient précisément de sortir de la grande persécution dans laquelle Antipas avait été mis à mort. Mais à présent, au lieu de souffrir, l’église de Pergame habitait tranquillement avec le monde. Comme Lot, ils affligeaient aussi leurs âmes justes à cause de l’impiété de ceux au milieu desquels ils vivaient.

En conséquence, le Seigneur met en avant les choses à l’égard desquelles Il avait à les avertir. « Tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam » (v. 14). Quel est le trait principal que nous apercevons en Balaam ? Sa cupidité le conduisit à frayer avec le méchant roi de Moab et à le servir en maudissant le peuple de Dieu. Après que Dieu lui a donné une réponse, il n’en va pas moins encore une seconde fois vers Dieu, parce que son cœur voulait suivre son propre chemin. Et c’est une chose bien solennelle de voir que si Dieu vous abandonne, vous pouvez obtenir ce que vous désirez. Plus tard, Balaam tombe dans un mal encore pire. C’était certes un homme dont le cœur n’était pas avec Dieu. Il dit quelques choses vraies, mais il n’avait pas son esprit à ces choses. Il parle toujours de dehors, pour ainsi dire, comme un homme misérable, loin de la bénédiction qu’il voyait. « Je le vois, mais non pas maintenant ; je le contemple, mais non pas de près ». Il poursuit ainsi pas à pas, jusqu’à ce qu’il se prête à être le corrupteur, par le moyen du monde, même des élus de Dieu. C’est ainsi qu’il en fut de l’Église. Les philosophes eux-mêmes commencèrent à s’occuper de la vérité chrétienne, et nous trouvons dans les écrits des pères une grande partie de ce que nous avons ici. Ce que la fornication est dans les choses morales, le commerce illicite des chrétiens avec le monde le fut dans les choses de Dieu. Il y eut, je n’en doute pas, des témoignages dont on ne fit que très peu de cas, sauf dans le ciel ; mais un des hommes qui exercèrent l’influence la plus étendue et la plus durable, Augustin, était véritablement un saint de Dieu, et quoique ce ne soit pas beaucoup dire, la plus grande lumière de l’église d’occident. Il avait tenu ferme le nom de Christ et n’avait point renié Sa foi. Tout le monde est d’accord que ces épîtres s’appliquaient dans l’origine aux églises auxquelles Jean écrivait : mais beaucoup ne voient pas qu’elles s’appliquent aussi aux différentes périodes de l’Église et en décrivent les divers états successifs.

La doctrine des Nicolaïtes[5] paraît être un mal du dedans, comme celle de Balaam en était plutôt un du dehors. C’était maintenant érigé en principe et en doctrine. La lettre à Éphèse parle des œuvres des Nicolaïtes ; mais la chose alla plus loin et plus profond. C’était une corruption de la grâce, un changement de la grâce en dissolution. Rien de plus terrible que cet abus de la grâce par ceux qui la connaissent et qui la prêchent. Et si nous sondons nos cœurs et nos voies, nous reconnaîtrons que c’est là ce que nous sommes tous enclins à faire. Le Seigneur nous a complètement rendus libres par la mort de Son Fils, et quel droit cet amour ne possède-t-il pas sur nos cœurs ? Ne nous arrive-t-il pas fréquemment d’en agir avec la grâce de Dieu envers nous, de la même manière que nos enfants en agissent à notre égard dans leur plus grand endurcissement, quand ils considèrent tout comme affaire de droit ? Quoique la création ait été assujettie à la vanité par suite du péché d’Adam, il n’y a pas cependant de mal moral rattaché aux bêtes, etc. Mais il n’en est pas de même pour l’homme. Connaissant le mal, il ne laisse pas de continuer à vivre dans le mal ; et même après que nous avons obtenu la certitude de la délivrance, si la joie du salut a passé, en quelque mesure nous nous mettons à faire servir la grâce du Seigneur à notre propre satisfaction. C’est là, quand on poursuit sans conscience dans cette voie, ce qui constitue le nicolaïsme. Dieu entendait que Sa grâce nous liât complètement à Lui-même. Nous pouvons voir une personne tomber dans le mal, et c’est là, certes, une chose bien triste chez un chrétien ; mais il y a une bien plus grande quantité de choses mauvaises que les autres ne voient pas. Dieu nous fournit l’occasion de nous juger nous-mêmes, quand personne d’autre, peut-être, ne sait rien du mal que nous jugeons en nous. Si nous ne le jugeons pas, alors la fin ici-bas est que le monde nous juge ; et nous pouvons tenir pour sûr, qu’il faut qu’il y ait eu une masse énorme de mal secret, pour que Dieu permette que nous fassions une chute telle que le monde même juge notre conduite comme mauvaise. Mais il ne faut pas nous décourager. C’est justement là où la vérité est prêchée et retenue avec le plus de fidélité, que Satan s’efforcera d’introduire la pire des hérésies pour attirer l’opprobre sur le témoignage de Dieu. Si un homme tombe du faîte le plus élevé, sa chute, naturellement, sera d’autant plus terrible, comme aussi elle sera beaucoup plus manifeste pour le monde, que s’il était simplement tombé dans la plaine.

Le Seigneur ne dit point : « Je combattrai contre toi par l’épée de ma bouche », mais « contre eux » (v. 16). À la vérité, l’épée du jugement peut agir en ôtant par la mort les membres de l’église, comme cela eut lieu pour les saints de Corinthe qui furent jugés par le Seigneur ici-bas, afin que plus tard ils ne fussent pas condamnés avec le monde. La discipline chrétienne n’a pas pour but d’ôter ceux qui ne sont pas chrétiens du milieu de ceux qui le sont ; mais en l’exerçant, l’assemblée envisage plutôt sa purification de chrétiens qui marchent mal, afin de maintenir dans son sein l’honneur et la sainteté du Seigneur. La miséricorde est le grand motif de la discipline, après le maintien du caractère de Christ dans l’Église. C’est le fond des voies du Seigneur envers nous, et certainement il en devrait être ainsi de nous à l’égard des autres.

Le mélange de l’Église avec le monde eut pour conséquence immédiate d’isoler le chrétien fidèle. L’Église n’est devenue invisible que par le péché. Ce n’était pas l’intention de Dieu, non plus que selon Son cœur, qu’elle le fût jamais, quoique je croie que tout a été permis et ordonné avec sagesse. Dieu ne fit point une lumière pour qu’elle fut cachée, mais pour qu’elle fut mise sur un chandelier. Néanmoins le fait était tel désormais : le catholicisme régnait, si vous prenez le point de vue à longue portée, et bientôt frayait la voie au papisme. Au saint dont le cœur est sincère au milieu de cette ruine et de cette confusion, « je donnerai », dit Jésus, « à manger de la manne cachée » (v. 17). La manne représente Christ Lui-même, tel qu’Il descendit du ciel et prit une place d’abaissement dans le monde. C’est la place que Christ prit ici-bas qui est rappelée à ceux qui se laissaient glisser dans le monde. La manne cachée a trait à l’usage qui fut fait de la manne pour l’arche : on en porta dans le lieu saint une certaine portion comme mémorial devant Dieu.

Le sens de cette promesse n’est pas simplement que nous participerons en Christ, et pour en jouir avec Lui, à toute Sa gloire, selon qu’Il est exalté en haut, et qu’Il sera manifesté devant le monde ; mais que Dieu nous donnera une communion spéciale avec Christ tel qu’Il était ici-bas. Ce qu’il y aura de particulièrement doux dans la gloire, ce sera de sentir que le Bien-aimé qui nous aura introduits dans toute la jouissance et toute la paix du ciel, est Celui-là même que nous avons connu dans tout Son sentier et Sa réjection dans ce monde, avec lequel nous y avons participé toujours ici avec tant de faiblesse, nous nourrissant de Lui, comme de notre portion même à présent. Le caillou blanc était la marque d’un entier acquittement. Puissions-nous regarder ainsi en avant à Christ ; et que Dieu nous donne de savourer Ses propres délices en Son Fils, tel qu’Il était ici-bas dans Sa position de rejeté des hommes ! Puissions-nous, de plus, posséder le caillou blanc, la portion des fidèles dans un état de choses, tel que celui de Pergame, où l’église et le monde se réjouissaient ensemble. Quand ils seront dans la gloire, ces fidèles jouiront de la même nourriture qui les soutient maintenant. Christ sera votre nourriture même dans la gloire et vous aurez le caillou blanc « et sur le caillou, un nouveau nom écrit que nul ne connaît que celui qui le reçoit » ; c’est-à-dire l’expression de la satisfaction du propre cœur de Christ à l’égard de la manière dont vous avez souffert pour Lui et L’avez servi ici-bas. Assurément ce que le cœur appréciera le plus, c’est ce que Christ donnera entre Lui-même et le cœur seulement — ce que nul ne connaîtra que nous-mêmes et Lui. Puissions-nous posséder des marques de l’amour que nous avons pour lui, lors même que personne ne dût les connaître maintenant que Lui-même.

Versets 18-29. — Il se fait, dans ce chapitre, un grand changement qui commence avec l’épître à Thyatire. Dans les trois premières églises l’avertissement (« que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ») précède la promesse ; mais les quatre dernières possèdent la promesse avant d’être invitées à écouter.

Or, il doit y avoir une raison pour cela, une raison sage et suffisante pour laquelle le Saint Esprit ait adopté dans les trois premières épîtres un arrangement uniforme, et s’en soit écarté et en ait adopté un autre aussi uniforme dans les quatre dernières. Rien n’a lieu par hasard dans la Parole de Dieu. Comme toutes Ses voies envers l’homme ainsi que toutes les œuvres de la création portent l’empreinte de Son dessein dont Il les a revêtues Lui-même, à plus forte raison en est-il de même de cette Parole qui développe Ses voies et manifeste Sa gloire morale. Cette considération est pour nous d’une importance pratique immense : car souvenons-nous en, le secret de la force est dans une connaissance de Dieu et de Ses voies en Christ, enseignée par l’Esprit. Entrer dans les pensées et les sentiments de Dieu tels qu’ils sont manifestés dans ce qu’Il fait et ce qu’Il dit dans la révélation qu’Il a donnée Lui-même de Lui, et jouir de ces pensées et de ces sentiments, voilà ce qui gagne et garde le cœur du croyant, le purifie et lui donne de la force. Israël ne comprit pas les voies, et en conséquence ne comprit jamais le cœur de Dieu, et son propre cœur s’égara, comme il est dit : « C’est un peuple dont le cœur s’égare ; car ils n’ont point connu mes voies » (vers. angl.). Moïse, au contraire, appréciait le cœur de Dieu, et en conséquence il est dit à son sujet que « l’Éternel a fait connaître ses voies à Moïse ».

Dans les trois premières églises, l’invitation à écouter est donc adressée formellement à toute l’assemblée dont il s’agit ; mais dans les quatre dernières, le changement de place qui a eu lieu pour elle semble indiquer plus de réserve : le Seigneur ne s’attend plus, pour ainsi dire, à ce que quelqu’un écoute, excepté ceux qui vaincront, et à partir de là, cette classe est distinguée du reste. Le mal avait maintenant gagné le corps professant, et la promesse n’est plus présentée et ne pouvait plus l’être dans son ancienne forme qui ne faisait aucune distinction. Nous recueillons de celle qui survient ici qu’un résidu commence à être de plus en plus clairement indiqué.

Quelque chose d’analogue se présente ailleurs. C’est ainsi que dans les paraboles de Matthieu 13, les trois dernières sont incontestablement distinguées des précédentes, et s’adressent à un degré supérieur de spiritualité. Les quatre premières furent prononcées dehors à la multitude, les trois dernières le furent dans la maison aux disciples seulement. Toutes les fois que nous trouvons dans la Bible une série de paraboles, de visions, ou de choses semblables groupées ensemble comme le sont celles-là, il y a d’ordinaire, pour ne pas dire invariablement, une ligne de démarcation entre celles qui commencent avec une portée générale, et celles dont l’application devient plus spéciale et plus restreinte à mesure que nous approchons du terme. Cela est vrai d’une manière frappante de ces épîtres apocalyptiques, dont les quatre dernières séparent les vainqueurs de la masse infidèle qui les entoure. En un mot, la formation d’un résidu fidèle, qui d’abord n’était, je suppose, séparé que d’une manière morale du corps qui portait le nom du Seigneur, maintenant, hélas ! contrairement à la vérité, devient de plus en plus nette. En Thyatire, il semble que l’Esprit de Dieu rend ce principe clair et pleinement manifeste, comme il apparaîtra désormais.

Le Seigneur Jésus se présente ici dans Son caractère de Fils de Dieu, suivi d’une description empruntée généralement à la vision que l’apôtre avait vue dans le chapitre 1. « Écris aussi à l’ange de l’assemblée qui est à Thyatire : le Fils de Dieu qui a ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l’airain très luisant, dit ces choses » (v. 18).

Si nous nous reportons à ce que les Écritures disent du Seigneur Jésus ainsi considéré, deux choses nous frappent plus particulièrement. Comme Fils de Dieu, Il est la source de la vie, et Celui qui la donne souverainement (Jean 5). La vie que nous tirons par la foi (car celui qui croit a la vie éternelle) du Seigneur Jésus Christ, est la vie dans une efficace telle que les corps mêmes de ceux qui la possèdent en Lui, sortiront des sépulcres en résurrection de vie ; tandis que les autres qui ne l’ont pas en doivent sortir en résurrection de jugement (Jean 5, 28, 29). Dans la résurrection de jugement nul ne saurait être sauvé. Nul chrétien ne paraîtra devant le tribunal de Christ comme un criminel qui va être jugé. Tous les chrétiens y comparaîtront (comme il faut que tous les hommes y comparaissent) ; mais le résultat devant le monde sera, nonobstant en certains cas la perte de leur récompense, leur glorieuse manifestation comme hommes justifiés. Mais s’il s’agissait pour vous ou pour moi de comparaître afin de voir si nous sommes justes, et si nous pouvons échapper ainsi à la condamnation, pourrait-il y avoir pour nous un rayon d’espérance ? Malgré cela, il ne saurait jamais y avoir, ou du moins il ne devrait jamais y avoir un doute à l’égard du salut absolu de ceux qui ont la vie dans le Fils de Dieu et par Lui. Le tribunal de Christ les manifestera clairement comme des personnes justifiées ; mais nous n’avons pas à attendre notre comparution devant le tribunal pour savoir que nous sommes justifiés : nous déshonorons la grâce de Dieu et l’œuvre de Son Fils, en ne sachant pas maintenant ce « dont le Saint Esprit nous est aussi un témoignage ». La foi possède dès à présent et ici-bas un droit divin à une pleine justification, conformément à la valeur et à l’acceptation du Seigneur Jésus aux yeux de Dieu.

Ceci m’amène à la seconde des choses auxquelles j’ai fait allusion comme se rattachant au « Fils de Dieu ». Il donne la liberté aussi bien que la vie. « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres » (Jean 8, 36). Ce sont là les deux grands aspects de la bénédiction qui caractérise Jésus comme Fils de Dieu. Il procure non pas seulement la vie, mais aussi la liberté. Non pas qu’elles aillent ensemble toujours ou nécessairement : car, comme on l’observe trop souvent, un homme peut posséder la vie spirituelle, et néanmoins être dans un triste esclavage. C’est aussi ce que nous pouvons voir, en Romains 7. Une personne convertie possède la vie, mais peut être en même temps le plus misérable des hommes pour ce qui regarde son expérience propre. « Misérable homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? ». Nous trouvons au chapitre 8 la réponse de la grâce. « Car la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». Maintenant, la liberté va avec la vie du Fils de Dieu ; car Il est le Seigneur ressuscité qui mourut pour moi et m’affranchit de tous les droits de la loi et de toute autre chose qui pouvait faire obstacle à ma bénédiction. Le serviteur ne demeure pas toujours dans la maison ; il peut recevoir avis de la quitter ; mais pareille chose n’arrive jamais au fils. Et c’est à ce titre, comme fils, que Dieu nous place dans Sa maison, dans une position de pleine et sainte liberté.

Quel titre propre à faire réfléchir sérieusement, mais combien précieux, le Seigneur eut à prendre là, surtout si ce n’était pas seulement les besoins d’alors de l’assemblée de Thyatire qui occupaient Son cœur, mais s’Il se représentait, en outre, cet état d’éloignement de la vérité, et même ces profondeurs de Satan, qui caractérisèrent les siècles du Moyen-Âge ! À Éphèse, lorsque les apôtres avaient presque tous disparu du monde, déclin du premier amour ; à Smyrne, la persécution de la part des pouvoirs païens ; puis à Pergame, ce qui est évidemment signalé, c’est l’époque où le christianisme obtint la prépondérance dans le monde, et où par conséquent l’Église consomma et ratifia la perte de sa sainte et céleste séparation sur la terre. La puissance du monde ne remporta jamais de plus grande victoire que lorsqu’elle fut vaincue extérieurement par la croix, lorsque le monde romain fut traité comme né de Dieu, simplement en vertu de la profession du nom de Christ dans le baptême, lorsque, en un mot, devant le soleil levant de la chrétienté tomba en apparence le paganisme, mais en réalité le christianisme. Il se peut que, sous bien des rapports, cet événement ait été une grâce pour le genre humain, comme certainement il a été le plus grave qui se soit accompli dans le gouvernement du monde depuis le déluge ; mais qui pourrait estimer la perte que firent les saints et le déshonneur qui rejaillit sur leur Seigneur, lorsque le corps chrétien échangea la position, dans laquelle il est appelé maintenant à souffrir en grâce, en attendant d’être dans la gloire avec Christ à Sa venue, contre une position actuelle d’autorité dans le monde, et même sur le monde ? Avec Thyatire, nous arrivons à une période encore plus sombre — conséquence naturelle de la jouissance pour un peu de temps de ces plaisirs du péché. Quand l’empire se rangea sous la profession chrétienne et revêtit magnifiquement la croix de la splendeur de l’or, il en résulta non seulement que les enfants de Dieu furent comblés de cavernes et de faveurs, au lieu d’avoir à errer, vêtus de peaux de brebis et de chèvres, ou à se cacher dans les cavernes et les trous de la terre, mais que leurs ennemis furent inévitablement attirés, que l’état moral dont Balaam est l’expression se développa et l’homme courut avidement après l’erreur pour une récompense. Mais l’état de choses qui a son symbole dans Jésabel est pire encore que celui-là et typifie d’une manière frappante la sanguinaire et idolâtre prophétesse qui chercha à être la maîtresse universelle dans les siècles de ténèbres, comme on les appelle, et qui certes étaient bien ténébreux en effet. C’est de cet état de choses que l’église de Thyatire était d’avance, je crois, la remarquable figure.

Mais le Seigneur aime à louer tout ce qu’Il peut, et c’est dans une sombre époque qu’Il prend plaisir à pouvoir donner Son approbation à quelque chose. « Je connais tes œuvres, et ton amour, et ta foi, et ton service (car tel est l’ordre véritable), et ta patience, et que tes dernières œuvres surpassent les premières » (v. 19). « Mais j’ai contre toi, que tu laisses faire à la femme Jésabel qui se dit prophétesse, et enseigne, et égare mes esclaves, en les entraînant à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles ». Ainsi, il y avait beaucoup d’énergie, et un esprit de service dévoué ; mais en même temps, le mal le plus grave menaçait l’assemblée de Thyatire et déjà alors était à l’œuvre.

Quand Jésabel était assise en reine en Israël, la ruine et la confusion se trouvaient partout ; mais le Seigneur ne laissa pas de se susciter à Lui-même un témoignage convenable. C’est alors que nous trouvons un Élie et un Élisée, et même un autre témoin là où naturellement on pouvait le moins s’y attendre, dans la maison même où le mal régnait en souverain : quelqu’un qui cacha dans une retraite et nourrit les prophètes du Seigneur persécutés par Jésabel. Comme le Nouveau Testament nous montre des saints dans la maison de César, de la même manière précisément il y eut jadis un Abdias qui craignait fort l’Éternel, établi sur la maison d’Achab « qui s’était vendu pour faire ce qui déplaît à l’Éternel, selon que sa femme Jésabel l’induisait ». C’est aussi alors qu’il y eut ce résidu de sept mille qui n’avait pas fléchi le genou devant Baal. Sans doute que le Seigneur eût dit de ce résidu ce que nous lisons dans l’épître à Thyatire : « Tes dernières œuvres surpassent les premières ». La méchanceté de ceux qui entouraient ces fidèles ne faisait que rendre leur fidélité plus précieuse au Seigneur ; et peut-être, pouvons-nous ajouter, les loue-t-Il davantage que s’ils avaient vécu dans des jours moins difficiles : précisément de la même manière que, d’un autre côté, il ne peut pas ne pas traiter plus sévèrement le mal commis dans un temps spécial de lumière et de grâce. Que d’Ananias et de Sapphira il y a eu depuis les jours de la Pentecôte qui n’ont pas été visités d’une manière aussi ouverte et avec aussi peu de ménagements que lorsque une grande grâce reposait sur tous ! C’est là une pensée encourageante pour nous qui nous savons exposés, non pas, il est vrai, à l’orage de la persécution, mais à une saison bien plus périlleuse. Il n’y a jamais eu de temps où l’homme ait eu meilleure opinion de lui-même, et c’est là un péché d’autant plus grave que le témoignage de la vérité de Dieu au fait opposé a été répandu au loin de toute part. Je ne nie pas qu’il se fait aujourd’hui de grands efforts parmi les chrétiens. Mais « l’obéissance vaut mieux que le sacrifice, et se rendre attentif vaut mieux que la graisse des moutons » ; et jamais il n’y a eu moins de soumission à la volonté de Dieu qu’en ce temps-ci. L’esprit d’association est très répandu, et cela sonne bien ; on prend beaucoup conseil ensemble ; mais faire alliance est une chose, et s’appliquer à garder l’unité de l’Esprit en est une autre bien différente. Et voici ce que le Seigneur déclare : « Je regarderai à celui qui est affligé, et qui a l’esprit brisé, et qui tremble à ma parole ». Ce qui est réellement important pour les chrétiens, ce n’est point de se trouver ensemble, seraient-ils même tous les chrétiens, mais d’être ensemble dans la voie du Seigneur, et n’ayant pour but que la gloire du Seigneur, « seule chose » qu’ils aient à faire. N’y en eut-il que deux ou trois réunis ainsi en Son nom, Il nous a assuré Lui-même que Sa présence et Sa bénédiction seraient là, malgré toutes les apparences contraires ; tandis que lors même que nous nous trouverions ensemble deux ou trois mille, si ce n’était pas en obéissance immédiate au Seigneur Jésus, nous ne recueillerions en définitive que la douleur et la honte, quoiqu’il eût put sembler un temps. Si nous cherchons à plaire aux hommes nous ne saurions être serviteurs de Christ.

C’est donc, à ce qu’il me paraît, au moment où le Seigneur a devant Ses yeux l’état d’une église qui pouvait bien préfigurer le sombre développement d’un jour à venir (durant lequel les saints seraient dans un grand esclavage et où une action complètement étrangère s’exercerait au milieu d’eux, les persécutant, tandis que l’autorité de Christ serait nulle dans la pratique), c’est, dis-je, à un pareil moment, que le Seigneur met en avant Son titre de « Fils de Dieu » dont les yeux étaient comme une flamme de feu et les pieds comme de l’airain très luisant. Jadis Pierre L’avait confessé pour le Christ, le Fils du Dieu vivant ; et là-dessus, immédiatement après l’avoir déclaré bienheureux et l’avoir solennellement nommé du nom nouveau qu’Il lui avait donné, le Seigneur ajoute : « Sur ce rocher je bâtirai mon assemblée ». Maintenant hélas ! le Seigneur anticipe le jour où l’église professante perdrait l’équilibre et se mettrait virtuellement à Sa propre place à Lui, alléguant que c’était elle, la dame, et non pas Lui, le Seigneur, qui devait être écoutée dans les matières de foi. En conséquence, nous Le voyons ici revendiquer Sa gloire personnelle et les attributs de Son jugement inflexible et qui scrute tout, pensée sérieuse mais consolante pour ceux des siens qui se trouveraient au milieu de cette triste confusion, et parfaite ressource que leur procurait Sa sagesse pour les délivrer de ce qui allait s’établir, ou était déjà établi. C’est aussi de la même manière que Sa promesse (v. 26, 27) devait les préserver de rechercher un royaume actuel, un soi-disant millénium spirituel sans Christ, où ils auraient soit la liberté de jouir du monde, soit même le droit de le gouverner.

Dans l’église de Thyatire il se trouvait des personnes fidèles, aimantes et zélées particulièrement pour les bonnes œuvres ; mais il y avait aussi cette tache terrible, qu’on y souffrait « cette femme Jésabel ». Jésabel, comme nous l’apprenons ici, était une fausse prophétesse qui enseignait et induisait les serviteurs de Christ à commettre fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles. C’était pire que l’iniquité de celui qui aima le salaire d’injustice, un pas plus en avant même dans la voie de Balaam. « Et je lui ai donné du temps afin qu’elle se repentît, et elle ne veut pas se repentir de sa prostitution. Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande affliction, s’ils ne se repentent de ses œuvres ; et je ferai mourir de mort ses enfants ; et toutes les assemblées connaîtront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous donnerai à chacun selon vos œuvres » (v. 21-23).

Que pouvait-il y avoir de plus abominable que le mal que nous voyons ici ? Jésabel, comme c’était connu de tous, ajouta la violence à la corruption, fut la conseillère du meurtre, l’active ennemie de tous les témoins de Dieu, la protectrice en public et en particulier des prêtres des idoles et des prophètes de Baal. Et maintenant, il y avait dans Thyatire ce qui, au yeux du Seigneur, figurait la sombre et cruelle idolâtrie qui devait être expressément enseignée et imposée par une prétendue autorité infaillible au sein de l’église professante. Même à ce moment-là le germe actuellement existant ne pouvait être caché à Celui dont les yeux étaient comme une flamme de feu. Jésabel était là, et « ses enfants » aussi. C’était une source de mal profonde et permanente. Mais le jugement qui devait la frapper, elle et toute sa race, était sévère quoiqu’il pût paraître avoir tardé. Le Seigneur discerne divers degrés de relation avec le mal ; mais aucun ne resterait impuni.

Les mots « quelque peu de chose », au verset 20, doivent disparaître. Il ne s’agissait pas d’un petit sujet de plainte, mais bien d’un qui était d’une gravité et d’une complication extraordinaires. Cette phrase se glissa là du verset 14, je pense, et il se trouve d’ailleurs entre les deux versets assez de ressemblance pour qu’un copiste ait eu l’idée de leur complète assimilation. Mais un examen plus attentif montre, ainsi que nous l’avons vu, que la différence entre eux est grande, surtout si nous devons lire « ta femme Jésabel ». Le péché de fornication ou d’adultère est ici le symbole de ce commerce impie avec le monde qui, pour le chrétien ou pour l’Église, est une relation analogue à celle qu’aurait constitué pour un Israélite le mariage avec une Cananéenne. L’action de manger des choses sacrifiées aux idoles montre la communion avec ce qui se rattachait directement à la puissance de Satan ; « car les choses que les nations sacrifient, elles les sacrifient à des démons et non pas à Dieu ». Et c’est une chose facile d’avoir communion avec les démons, quoique les hommes y attachent peu d’importance et que les chrétiens jugent sainement de son énormité.

Outre celle qui était le principal instrument de la corruption et la source du mal, il est fait mention de deux classes de personnes qui étaient positivement coupables : les serviteurs de Christ qu’elle induisait à un commerce criminel avec le monde, et ceux qui étaient la postérité directe de Jésabel, « ses enfants ». Le Seigneur en agirait avec chacun selon ses œuvres. Il était le juste juge, et il faut que l’homme, comme tel, soit jugé, et que tous, saints ou pécheurs, soient manifestés devant Son tribunal. Combien n’est-il pas remarquable cependant que le Seigneur évite de dire que les saints seront jugés. « Je vous donnerai à chacun », dit-Il, « selon vos œuvres ». Il en est de même au chapitre 22, 12, et bien d’autres passages semblables. D’un côté, il nous est déclaré positivement que le croyant ne viendra pas en jugement (car, Jean 5, 24 signifie jugement et non pas « condamnation », quoique certainement tel en doive être le résultat). De l’autre côté, nous savons par Apocalypse 20, 12, 13, que les prêchants doivent se trouver devant le trône, et là, être jugés selon leurs œuvres. Leur résurrection est une résurrection de jugement (et en effet de condamnation) en contraste avec celle des justes qui est une résurrection de vie. Ainsi, il est certain que si je suis jugé pour le salut ou pour la perdition, conformément à ce que mes œuvres méritent, il faut que je sois perdu, car j’ai péché et j’ai le péché ; néanmoins, il est également sûr que le Seigneur n’est point injuste pour oublier l’œuvre et le travail de l’amour, et ainsi Il donnera à chacun selon ses œuvres. Christ Lui-même, l’amour de Christ, est le seul bon motif d’un chrétien en quoi que ce soit, mais il y a des récompenses pour ceux qui ont souffert pour Christ, ou qui ont été chassés pour la justice ou pour le nom de Jésus.

Le résidu apparaît avec une grande clarté dans le verset qui suit : « Mais je vous dis à vous, savoir, aux autres (litt. au reste, au résidu), qui sont à Thyatire » (v. 24), paroles qui nous montrent quelques fidèles, qui sont appelés « les autres », le reste, distingués de la masse dans Thyatire. Le Seigneur avait parlé de Ses serviteurs qui avaient été induits à jouer avec le mal de Jésabel, et des propres enfants de cette méchante femme, classe pour laquelle il n’y avait aucune miséricorde à attendre de Lui. Puis Il s’adresse à une autre classe, le résidu : « Je vous dis à vous, les autres (le reste) ». Le corps extérieur corrompu continue, et il y a un résidu que désormais le Seigneur avait particulièrement en vue. Il les suppose ignorants, peut-être, et dit seulement « autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan (comme ils disent), je ne mets pas sur vous d’autre charge, mais seulement tenez ferme ce que vous avez, jusqu’à ce que je vienne » (v. 24, 25). Tout cela n’était peut-être que négatif, mais ils s’étaient gardés purs de ce mal, et en tenant ferme le peu qu’ils avaient, ils auraient sûrement leur récompense à la venue du Seigneur. Dans ces siècles de ténèbres, il y eut des personnes qui souffrirent pour Christ et qui Lui rendirent témoignage. Tels furent les Albigeois et les Vaudois ; et je considère la phrase : « vous, les autres, qui êtes dans Thyatire », comme se rapportant à ces diverses associations persécutées qui retinrent avec force ce qu’elles avaient reçu de Dieu. Elles ne possédaient pas de grandes connaissances, mais elles étaient un résidu séparé et souffrant du mal répandu autour d’elles, du mal de Jésabel. La consolation qui leur est présentée ne consiste pas dans quelque promesse d’amélioration dans l’état de l’Église, mais bien dans une espérance qui est en dehors de tout sur la terre, savoir la venue personnelle de Christ.

Il ne saurait y avoir en quelques mots une esquisse plus admirable que celle que nous avons ici. Ce n’est pas aussi une chose peu remarquable que le livre de l’Apocalypse ait été autant prisé par ces saints. À la vérité, il en a été toujours plus ou moins ainsi aux époques de persécution : non que ce soit là le meilleur motif, car c’est lorsque le Seigneur amène Son peuple à attendre Son retour que ce livre est le plus apprécié ; mais Sa tendresse pour les siens dans la souffrance en un temps de ténèbres est extrêmement douce au cœur ; et quelle promesse ! — « Et celui qui vaincra et qui gardera mes œuvres jusqu’à la fin, je lui donnerai autorité sur les nations », etc. (v. 26, 27). Ce que l’Église du Moyen-Âge rechercha avec arrogance et méchanceté, les saints qu’elle persécuta ou méprisa doivent néanmoins le posséder lors de la venue et du règne de leur Seigneur, et en conséquence cette venue et ce règne sont présentés ici comme l’objet convenable de leur espérance. L’église coupable ne fut pas plus cruelle envers les véritables saints qu’ambitieuse de puissance sur le monde. Mais il est bon d’attendre la voie et le temps du Seigneur. C’est lorsque la puissance terrestre aura été mise de côté et jugée, que ceux qui ont souffert avec Christ régneront avec Lui. Mais la promesse va plus loin que l’autorité sur les nations, et le pouvoir de les paître avec une verge de fer… selon que Christ aussi a reçu de Son Père. « Et je lui donnerai l’étoile du matin » (v. 28). Ceci est très précieux ; ce n’est pas seulement la promesse d’être associé à Christ au jour de Son pouvoir, où la force des hommes sera brisée comme les vaisseaux d’un potier, mais « de nous réunir ensemble à lui » avant ce jour-là.

Le lever du soleil appelle l’homme à ses laborieuses occupations, mais l’étoile du matin brille pour ceux-là seuls qui ne dorment pas comme les autres, pour ceux qui veillent comme des enfants de lumière et du jour. Sans aucun doute nous serons avec le Seigneur quand le jour de gloire se lèvera sur le monde ; mais l’étoile du matin précède le jour, et Christ ne dit pas seulement : « Je suis… l’étoile brillante du matin » ; mais « je donnerai l’étoile du matin ». Il viendra et recevra Ses saints célestes avant qu’ils soient manifestés avec Lui en gloire. Puissions-nous Lui être fidèles en refusant les aises, les honneurs et le pouvoir du siècle présent ! Puissions-nous Le suivre en portant notre croix et en renonçant chaque jour à nous-mêmes. Il ne nous oubliera pas lors de Son jour, et avant de venir, Il nous donnera l’étoile du matin.

Chapitre 3

Versets 1-6. — Tout lecteur intelligent doit s’apercevoir, je pense, que nous entrons avec ce chapitre dans un ordre de choses complètement nouveau, ou du moins que c’est une espèce de nouveau point de départ. Il est vrai que les traits que nous avons signalés dans le chapitre qui précède peuvent exister encore et être constatés en même temps que ceux qui sont révélés ici. Il se peut, par exemple, que ce qui caractérisait l’église d’Éphèse, l’abandon du premier amour, continue encore. Partout où il y a persécution de la part des puissances du monde, l’épître à Smyrne peut avoir son application. De même Pergame se trouve partout où Satan cherche à séduire l’Église par l’amour du gain ; et là où existent les maux d’une corruption plus avancée, de l’idolâtrie et de la persécution intérieure, c’est Thyatire que vous avez. Mais quoique tous ces divers états puissent se présenter dans un temps ou dans un autre, et même coexister à un moment donné, ce n’en est pas moins une condition différente qui nous est présentée en Sardes, et une condition qui répond à l’état général du protestantisme après la Réformation. Ce n’est plus un mal aussi manifeste, comme l’idolâtrie ou les autres horreurs décrites précédemment : mais ce qui s’offre désormais à nos yeux était un état de choses de formes extérieures et plus régulières et d’un aspect orthodoxe. Comme les quatre églises du chapitre deuxième font suite l’une à l’autre et décrivent ce qui a existé avant l’apparition de Luther, à son tour Sardes décrit ce dont la Réformation fut suivie, lorsque le feu et la terreur de la vérité et la première fraîcheur de la bénédiction eurent passé et qu’un froid formalisme se fût établi. La manière dont le Seigneur se présente est merveilleusement appropriée à un état pareil. « Celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles dit ces choses ». Cette expression « les sept esprits de Dieu » a trait à la plénitude de puissance de l’Esprit de Dieu considéré dans Ses diverses perfections, et dans les diverses voies dans lesquelles Il opère, non seulement dans l’Église, mais aussi envers le monde. Au chapitre 5, lorsque tout ce qui concerne les églises est fini, le Seigneur Jésus est représenté d’une manière symbolique comme un agneau immolé, ayant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés sur toute la terre — le Saint Esprit en tant qu’agissant en vue du gouvernement de la terre. Ce n’est point le Saint Esprit dans toute la plénitude de la bénédiction dans laquelle Il a introduit l’Église dans son unité. Mais quelle que fût la condition de l’Église, le Seigneur Jésus était Celui qui avait toute la puissance de l’Esprit de Dieu, et c’est Lui seulement qui possède toute l’autorité extérieure. Il n’y a pas eu deux choses plus séparées que celles-là au temps de la Réformation. Il y avait à cette époque un vaste corps se nommant l’église, qui réclamait le pouvoir de décider de tout en qualité d’épouse de Christ ; et on mettait aussi fortement en avant la prétention à l’infaillibilité, parce que ceux qui prétendaient au droit absolu comme vicaires de Christ de régler les affaires de l’Église, de décréter la doctrine, etc., devaient naturellement être infaillibles. Ce corps avait été à l’œuvre pendant des siècles, attirant le pouvoir à lui ; mais à la fin la lutte s’engagea, et il fut démontré que c’était le plus grand assemblage de mal contre Dieu et contre Son Fils, qu’il y eût eu jamais sur la terre. Il a pu, dans les jours les plus mauvais, renfermer dans son sein de véritables saints de Dieu, et quelques-uns, tels que Cyprien, ont même, je pense, contribué à lui faire obtenir cette fausse position d’autorité : saint Bernard, par exemple, sanctionna la persécution des Vaudois. Mais il est bon de se souvenir qu’il ne saurait y avoir de séduction plus grande que de demeurer dans une position mauvaise, parce que nous y trouvons de véritables saints de Dieu ; car la grande visée de Satan est d’obtenir que les personnes pieuses fassent de mauvaises choses. Quand, à la fin, la crise arriva et qu’une certaine partie du monde se souleva contre ce mal horrible, on sépara la pensée de l’autorité ecclésiastique de celle de la puissance spirituelle. Au lieu d’un corps qui les réclamait l’une et l’autre, le désordre se mit partout, et on se soumit au pouvoir du monde pour s’affranchir de la domination du pape.

Le protestantisme eut donc toujours tort dès le début sur la question ecclésiastique, parce qu’il considéra le pouvoir civil comme revêtu de l’autorité ecclésiastique ; en sorte que si, sous la papauté, le gouvernement du monde avait appartenu à l’Église, le monde devint désormais dans le protestantisme le gouverneur de l’Église. Il ne s’agit point de la question de l’état et de l’Église, question beaucoup trop étroite et trop basse pour qu’un chrétien la discute. La grande affaire pour lui est de se trouver dans le sentier de Christ, en Lui donnant gloire. « Je connais tes œuvres, que tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Ces paroles ne sont autre chose que la description des institutions religieuses extérieures qui furent l’effet de la Réformation parmi ceux qui n’étaient pas réellement chrétiens. Le Seigneur Jésus signale ce qu’Il désapprouve dans le protestantisme.

Dans les pays protestants, il y a eu toujours une certaine mesure de liberté de conscience. Mais le but de Dieu n’est pas simplement que l’âme soit délivrée de maux grossiers ou de petits détails ; c’est qu’elle garde vis-à-vis de Dieu la position convenable, et qu’elle laisse au Seigneur Sa gloire et Sa voie — la liberté d’opérer par le Saint Esprit, conformément à Sa volonté. Quand Il a la place qui Lui appartient, le fruit précieux de ce fait en amour et sainte liberté le fait sentir d’une manière bénie. Ce dont nous avons besoin, c’est la liberté du Saint Esprit, et non une liberté humaine provenant des autorités du monde, quoique Dieu nous garde de dire un mot contre les autorités qui existent et qui agissent dans leur sphère. C’est le péché des chrétiens de les avoir mises dans une fausse position. Le Seigneur Jésus touche au fond même de toute l’affaire dans la manière dont Il se présente à l’église de Sardes. Qu’il s’agisse de la puissance spirituelle ou de l’autorité extérieure qui en découle, le Seigneur la revendique toute comme Lui appartenant. Nous avons vu dans la lettre à Éphèse qu’Il tenait les sept étoiles dans Sa main droite, mais ici les deux choses sont réunies, la puissance spirituelle intérieure et l’autorité extérieure. Il a les Esprits de Dieu et les étoiles. Il n’est pas dit ici qu’Il tient les étoiles dans Sa main droite, mais qu’elles sont à Lui, aussi bien que la plénitude de la capacité spirituelle.

Dans la plus grande partie des églises protestantes, on a laissé, pour ainsi dire, les sept étoiles dans les mains des puissances qui existent. D’un autre côté, ceux qui se révoltaient contre ce mal tombaient dans le mal non moins triste de traiter l’Église comme si c’était elle qui avait les sept étoiles sous sa garde. L’Écriture ne renferme absolument rien à l’appui de la doctrine d’après laquelle soit le monde, soit l’Église aurait en ses mains cette sorte d’autorité. Le Seigneur Jésus la possède encore tout entière. Il ne l’a point abandonnée, et la seule chose qu’il faille, c’est que l’Église reconnaisse ce qu’Il est, et Il agira en conséquence. Quand il y aura la foi pour Le reconnaître dans Sa place de Tête de l’Église, Il fournira assurément à tous les besoins. S’Il prête l’oreille au plus faible cri de Son agneau, n’entrera-t-il pas dans les besoins les plus pressants de l’Église, qui est toujours Son objet de prédilection ? Ce n’est que dans la gloire céleste qu’Il a pris Son caractère de Chef de l’Église, et Il est là non pas seulement pour être Chef, mais afin d’agir comme tel. Or, en quoi consiste Sa fonction de chef de l’Église ? Il exerce l’autorité en ayant des personnes pour agir sous Lui ici-bas, et le résultat en est l’existence du gouvernement et des dons dans l’Église de Dieu, choses qui ne sont point atteintes par l’état de ruine de l’Église. En prévision du temps où on secouerait l’autorité illégitime du corps qui s’appelait l’Église, et de toute la confusion qui suivait, le Seigneur se présente comme Celui qui est au-dessus de tout cela. Quelle que puisse être ici la condition des choses, la force est en Christ ; et nous la trouverons en regardant non à l’état de l’Église, mais à Christ.

Lorsque les apôtres étaient ici-bas, ils étaient autorisés à agir pour Christ d’une manière toute spéciale ; mais après leur départ, la source réelle de l’autorité en vertu de laquelle ils avaient agi, subordonnés à Christ, ne fut point tarie ; le Seigneur Jésus l’a encore tout entière sous Sa garde. Il y avait à Sardes le nom de vivre, mais en réalité c’était la mort. C’est de leur condition en tant que corps et non comme individus que parlait le Seigneur. « Sois vigilant, et affermis ce qui reste encore qui s’en va mourir, car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites (complètes) devant mon Dieu ». Là encore, nous avons un trait frappant de ce qui eut lieu dans le protestantisme. Dans le désir d’éviter l’abus que le système romain avait fait des œuvres, les chrétiens ne leur donnèrent évidemment pas dans leurs pensées la place qui leur est due chez ceux qui ont été amenés à Dieu, car Dieu attend des siens une marche toute particulière et très séparée de celle que les autres suivent ; ce qu’Il reproche à Sardes, c’est d’avoir manqué en cela. Les saints de Dieu, même à Thyatire, étaient approuvés de Dieu pour leur zèle, nonobstant tout le mal qui était là. Leurs dernières œuvres surpassaient les premières. Le protestantisme a affaibli l’idée de l’obéissance sous le prétexte qu’on ne saurait trouver « la perfection » soit dans l’Église, soit dans l’individu. Aussi, partout où le protestantisme a prévalu, le niveau des œuvres a-t-il été considérablement abaissé ; mais notre Dieu entend que Ses enfants prennent la perfection pour la mesure d’après laquelle ils doivent se juger — je ne dis pas qu’ils doivent atteindre. Il y a en Lui la grâce pour remédier aux fautes ; mais c’est tout autre chose de s’arrêter bas en partant, parce qu’on n’a pas devant les yeux le niveau divin. Le Seigneur en revient toujours à cela.

Il vaut mieux, en cherchant à avoir ce niveau devant nous, faillir à le réaliser, que de réussir toujours, si nous l’avons abandonné. Car qu’est-ce que le Seigneur estime le plus, sinon un cœur qui a besoin de Lui plaire ? Supposez un enfant qui vienne à son père et lui dise : « Vois quelle jolie chose j’ai faite » ; si son père lui avait commandé de faire quelque chose de différent, ne lui dirait-il pas : « Est-ce ce que je voulais que tu fisses ? ». Le Seigneur a Sa volonté, et c’est elle qui pourvoit à nos premiers besoins, et qui est la source même de notre salut. Mais elle est bien loin de la pensée naturelle du cœur qui n’aime pas de se soumettre à la volonté d’un autre, disposition qui n’est rien moins qu’une partie du mensonge de l’ennemi. C’est évidemment la volonté de Dieu qui a accompli notre sanctification par Celui qui a dit : « Voici, je viens pour faire ta volonté ». En Romains 10, l’apôtre met la manière dont nous avons part à la chose en contraste avec les sentiments des Juifs. Leur pensée était que s’ils accomplissaient tout ce qu’ils pouvaient de la loi, Dieu était miséricordieux et accomplirait le reste : mais l’apôtre fait voir que le salut se trouve dans la soumission à la justice de Dieu. La volonté de Dieu est la source même et la puissance de notre bénédiction, non seulement en matière de pardon, mais tout le long du chemin. Prenez les voies de Dieu dans l’Église. Ce sont là les sujets qui furent particulièrement négligés par la Réformation. La vérité, quant à ce qui concerne l’individu, telle que la justification par la foi, fut proclamée avec force et sur une large échelle ; mais elle devint le grand sujet que l’ont eut en vue, et la conséquence fut que les gens ne surent jamais qu’ils étaient entièrement justifiés. Du moment que je fais de ma bénédiction l’unique ou la principale chose que je cherche dans la Bible, je ne connaîtrai jamais rien comme il faut ; mais si ce sont les pensées de Dieu, ce qu’Il a en vue que je recherche, je saurai aussitôt que je suis certes sauvé et béni. Je ne puis regarder à la croix de Christ sans voir en même temps ma complète ruine et ma parfaite délivrance. Tant qu’un homme doute d’être aussi mauvais que Dieu le déclare, il aura à attendre avant de jouir des richesses de Sa grâce ; mais si je m’abandonne sans hésiter entre les mains de Dieu, il n’y a pas une bénédiction qui ne coule pour moi. Nous nous voyons aussi mauvais ou pires qu’Israël, et nous sommes placés alors dans un cercle de bonté et de miséricorde supérieure à tout ce qu’Israël ait jamais possédé.

À la Réformation, tout cela fut comparativement perdu de vue ; et en se dégageant du terrible filet du papisme, on tomba dans le péché de placer la puissance ecclésiastique entre les mains de l’autorité civile. D’un autre côté, d’autres qui évitaient ce mal, firent de ce qu’ils regardaient comme une véritable église, le dépositaire de cette puissance ; tandis que c’est Christ Lui-même opérant encore par le Saint Esprit, qui maintient Sa seigneurie, vérité qui est enseignée au long dans les épîtres. En supposant que quelqu’un agit comme pasteur ou comme docteur, par quelle autorité doit-il le faire ? Tandis que ceux qui devaient veiller aux affaires locales étaient établis dans leur office par les hommes ; jamais, dès le commencement, il n’a rien existé de semblable partout où il s’agissait de ministère spirituel. Même, quand il fut question de choisir un successeur au siège vacant de Judas, les apôtres ne firent pas le choix eux-mêmes ; ils le remirent de leurs propres mains dans celles du Seigneur (Act. 1). Et lorsque plus tard le Seigneur choisit un autre apôtre, nous trouvons, il est vrai, « un Ananias » envoyé pour le baptiser, mais rien absolument de nature à suggérer la pensée que Ananias ou toute autre personne l’ait fait apôtre. Dans ce qui est dit plus loin (Act. 13) de l’imposition des mains aux apôtres Paul et Barnabas, il ne s’agissait point de donner des ordres ou une mission ; car ce fut fait par des hommes qui leur étaient inférieurs sous le rapport des dons et de la puissance spirituelle ; mais c’était tout simplement un acte par lequel leurs frères les recommandaient au Seigneur avant leur départ pour un voyage missionnaire particulier vers les Gentils. Nous sommes en droit d’attendre que le Seigneur conserve Son autorité dans l’Église. Dans tous les âges, nous Le voyons secourir Ses bien-aimés et faire Son œuvre par Ses serviteurs. Quand quelqu’un éprouve le besoin de prêcher, il pense naturellement qu’il lui faut une autorisation ; mais si nous recourons à quelque autorité, il faut que ce soit à l’autorité compétente. Et quoiqu’il puisse se trouver un caractère fort respectable selon le monde, là où se trouvent ces titres extérieurs, cette question s’élève toujours : le Seigneur a-t-Il voulu qu’une autorisation fût nécessaire à quelqu’un pour pouvoir prêcher dûment l’évangile ? Les apôtres établissaient des anciens et des diacres ; mais ces personnes pouvaient être prédicateurs et docteurs, ou ne l’être pas ; leur office d’ancien ou de diacre était tout autre chose. Philippe fut un prédicateur de l’évangile, mais ce fut parce qu’il possédait un don de la part de Christ comme Chef de l’Église, et non point parce qu’il était un des « sept ». On s’est habitué à l’abandon des principes de Dieu ; et on appelle cette manière d’agir « l’ordre », parce que c’est la coutume qui prévaut aujourd’hui dans l’église professante. Et c’est ainsi que lorsque nous abandonnons les vrais principes, nous n’avons qu’une mauvaise pratique. Le Seigneur attache une grande importance à ce que nous Le reconnaissions comme Celui qui a dans Ses mains toute la puissance et toute l’autorité. Du moment que je reconnais cela, cela oblige ma conscience. Si je sais qu’une chose est mauvaise, ma conscience est liée : il se peut que je ne sois pas en état de voir tout de suite quel est le droit chemin à prendre ; mais le premier pas est évidemment de se retirer de ce qui est mal, et ceci est d’obligation positive.

La liaison entre la fin du deuxième verset (« je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu ») et ce qui suit (« souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu » etc.) est extrêmement douce. Le Seigneur leur rappelle ce qu’ils avaient reçu de Dieu Lui-même au commencement. Loin de nous la pensée que parce que les choses ne sont point comme elles étaient alors, toute église a le droit de se gouverner comme elle l’entend. Ce serait une véritable rébellion de prétendre que, parce que la reine ne demeure pas en Irlande, les Irlandais sont maîtres de se donner telles lois qu’ils voudront ; de même il est aussi mauvais ou pire de penser que puisque les choses sont changées, que les apôtres n’y sont plus, et que la confusion est survenue dans l’Église, les gens sont libres d’abandonner la Parole de Christ et d’accomplir leur propre volonté : le Seigneur nous a laissé la sienne. La Parole même de Dieu qui m’annonce ce que j’étais autrefois, mais que je suis lavé, sanctifié, et justifié au nom du Seigneur Jésus et par l’esprit de notre Dieu, cette même portion de la Parole entre dans toutes les questions relatives à l’Assemblée et à la manière dont le Saint Esprit opère en elle par qui Il veut (1 Corinthiens). Il est possible qu’il n’y ait point de langues, de dons de miracles, ni de guérisons ; mais le Saint Esprit est-Il ici ? Ce qu’Il continue de faire, Il le fait conformément au même principe, et en vertu de Sa même présence qu’au commencement, quoique ce soit dans une mesure de puissance bien différente.

Remarquez aussi, qu’il est parlé de la venue du Seigneur comme d’un sujet de menace pour le monde. « Si donc tu ne veilles pas, je viendrai sur toi comme un larron », etc. (v. 3). Il viendrait sur eux quand ils ne s’y attendraient pas — subitement et pour leur malheur. Ils s’étaient unis au monde et ils devaient prendre garde d’avoir la même portion que le monde. Si vous avez choisi les aises du monde, vous avez à redouter le même jugement que lui. Ce n’est pas dans ce sens que le Seigneur parle à l’Église de Sa venue. C’est, en réalité et dans toute l’étendue des termes, sur la masse professante et non sur les véritables croyants, que le Seigneur viendra comme un larron. « Toutefois tu as quelques noms à Sardes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ; et ils marcheront avec moi en vêtements blancs, car ils en sont dignes. Celui qui vaincra, celui-là sera vêtu de vêtements blancs » (v. 4, 5). Le Seigneur leur présente cette douce consolation, que comme ils avaient cherché à agir fidèlement sur la terre, ils marcheraient avec Lui en vêtements blancs. Comme ici-bas ils avaient marché dans la pureté, ils apparaîtraient en haut devant Dieu dans la pleine justification de leurs voies. Mais il n’est question en cela que des individus : l’état de l’église considérée comme un tout était évidemment mauvais. Dès qu’on s’est convaincu que l’association dont on fait partie est contraire à la Parole, on devrait sentir ce qui est dû au Seigneur et y avoir égard. Il semblerait incroyable, si on ne savait pas qu’il en est ainsi, qu’il y a eu et qu’il y a des hommes de Dieu, guides du troupeau, qui non seulement restent dans le mal dont ils ont connaissance, mais encore lui cherchent un palliatif dans les circonstances d’un juste Asa ou d’un pieux Josaphat, qui cependant n’ôtèrent pas les hauts lieux. Quelle triste chose que les révélations solennelles de Dieu soient ainsi tordues de manière à les faire servir au but de l’ennemi, et qu’un avertissement réitéré soit employé pour la justification du péché. « La lampe du corps c’est l’œil : lors donc que ton œil est simple, tout ton corps aussi est éclairé ; mais lorsqu’il est mauvais ton corps aussi est ténébreux. Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres ». Ce n’est pas assez d’avoir des pensées justes et ensuite d’en rester là ; si le Seigneur a donné un jugement, n’est-ce pas dans le but que nous y conformions notre marche ? Satan cherche à faire paraître bien triste le sentier du Seigneur, comme il colore une marche mondaine d’un semblant d’humilité, d’ordre et de choses semblables. Mais la Parole rend toute chose claire aujourd’hui, comme la puissance le fera dans peu, même pour le monde.

Puissions-nous marcher à présent avec le Seigneur, et sûrement nous marcherons plus tard avec Lui en vêtements blancs ! Au lieu de l’effacer, Il confessera notre nom devant Son Père et les saints anges.

Versets 7-13. — Le ton de l’épître à Philadelphie me semble confirmer l’idée que nous avons émise au sujet de Sardes, que dans cette portion de l’Apocalypse (chap. 3) ce n’est pas tant l’Église primitive, ou celle du Moyen-Âge, qui nous est présentée, que ce qui se passe, ou se développe dans les temps modernes. Ce nouvel état de choses commence par Sardes ; ce n’est pas un mal flagrant qui le caractérise, mais un trait d’une triste et fatale nature — c’est un état de choses négatif. Toute personne sincère qui a mûrement réfléchi sur le protestantisme doit savoir que c’est là la chose affligeante que nous avons à reconnaître, nous qui avons été protestants, et qui par conséquent en partageons la honte. On s’attache trop, au moins d’une manière trop complaisante pour le moi, à certains sujets de controverse qui cachent en grande partie nos besoins et nos fautes propres ; on tire vanité d’être purs de certains maux, tels que la suprématie du pape, l’infaillible autorité de l’église, le culte de la vierge, des saints et des anges, la doctrine de la messe, du purgatoire, etc. Mais en supposant que sur tous ces sujets-là, on soit dans des sentiments parfaitement orthodoxes, on pourrait se trouver dans mille maux d’un autre caractère, et, en dépit de toute orthodoxie extérieure, avoir un cœur tout à fait étranger à l’amour et à la gloire du Seigneur. C’est précisément ce que nous avons vu en Sardes — le nom de vivre, mais néanmoins mort. De même qu’en Israël, lorsque le Seigneur était sur la terre, l’ancienne idolâtrie avait passé, l’esprit immonde avait quitté la maison et n’y était plus retourné ; ainsi l’état de la maison balayée et ornée correspond bien à ce qui suivit la Réformation. Mais il faut distinguer entre cela et l’œuvre que Dieu donna à faire aux réformateurs. Que nul ne parle de manière à déprécier ces hommes, soit Luther, soit les autres ; mais quoique Dieu fût à l’œuvre avec eux dans ce grand mouvement, il eût été meilleur et plus saint qu’ils eussent laissé les gouvernements terrestres aux fonctions qui leur sont propres. Sans doute, leurs protecteurs les garantirent de la persécution et leur assurèrent les honneurs ; mais au lieu d’aider à l’œuvre de Dieu, cela devint un grand obstacle. Et ainsi, lorsque la ferveur du premier zèle eût passé, l’état de choses répondit à l’église de Sardes.

En Philadelphie, nous trouvons quelque chose de tout à fait différent. La première chose qui nous frappe, ce n’est point ce que fait, ou ce qu’a le Seigneur, mais ce que le Seigneur est Lui-même. S’il y a quelque chose qui délivre d’un sec et froid dogmatisme, c’est, je le sens, la personne du Seigneur Jésus apprécié d’une manière toute spéciale. Je le vois dans l’épître à Philadelphie : le Seigneur s’y présente d’une manière plus personnelle que dans aucune autre de Ses épîtres. Il est vrai qu’Il y est dit avoir la clé de David ; mais avant qu’il soit question de cela, Il déclare qu’Il est le saint et le véritable. Le caractère du Seigneur ne se montre pas dans les autres épîtres sous le même point de vue moral. Ce que nous avons ici, c’est, à mon avis, ce que le Seigneur a opéré dans l’Église durant ces dernières années. L’impulsion donnée à l’évangélisation par la dissémination de la Bible et par les travaux missionnaires, a caractérisé l’Église extérieurement ; mais au-dedans l’Esprit s’est servi du sentiment qu’avaient les saints de son état de ruine pour les conduire à la Parole, et par là, à une plus pleine appréciation de la personne de Christ — l’unique objet dans lequel nous puissions trouver le repos par le Saint Esprit, comme Il était le repos du Père quand Il marchait ici-bas.

Il y a quelque chose d’extrêmement beau dans la manière dont le Seigneur se fait ainsi connaître après l’épître à Sardes qui était dans un état mondain de mort. Christ s’est fait connaître Lui-même, et Il est la résurrection et la vie. Et qu’est-ce qui pourrait communiquer une vie nouvelle, placer l’Église dans l’attitude qui lui convient, ou amener un résidu à la marche et aux sentiments convenables à un temps de ruine, si ce n’est le Seigneur se présentant Lui-même personnellement ? C’est ce qui caractérise l’évangile de Jean : la personne même du Seigneur Jésus-Christ, non pas seulement dans Ses droits propres, mais comme baptisant du Saint Esprit dans l’exercice du pouvoir miséricordieux qui convient à Sa gloire. Dans sa première partie, il place devant nous la personne de Christ ; et dans la seconde, l’autre Consolateur que le Seigneur devait envoyer du ciel lorsqu’Il s’en serait allé. Il est beau de voir ainsi la place que l’évangile de Jean occupe dans les écritures de Dieu. Il fut écrit fort tard, le dernier de tous les évangiles, et en vue d’un temps de déclin. Il n’y est pas question de Jérusalem ou des Juifs comme objets immédiats de Dieu, même sous le rapport du témoignage. Il en est fait mention comme d’un peuple mis de côté, avec lequel Dieu n’a rien à faire pour le moment. Aussi le Seigneur parle-t-Il de la Pâque comme d’une « fête des Juifs », etc. En Matthieu, au contraire, nous voyons Israël reconnu pour la vérité de Dieu. Le sanglier de la forêt peut ravager et la bête dévorer, mais c’est encore le pays d’Israël ; et Jérusalem est appelé la sainte cité même quand il s’agit de la mort et de la résurrection de Christ. Dans l’évangile de Jean, tout cela est fini. Non seulement Jérusalem et les Juifs perdirent tous leurs droits sur Dieu, L’ayant abandonné comme Jéhovah, et ayant aussi abandonné la loi et les prophètes, mais ils avaient rejeté Christ ; et même quand le Saint Esprit vint, ils Le rejetèrent aussi et ne voulurent plus L’écouter, de sorte qu’il n’y avait aucune ressource. Dieu s’était manifesté de toutes les manières possibles. Aucune manifestation de Dieu, l’homme étant sous la loi, ne pouvait faire aucun bien. Les individus se saisissaient tout ce temps de la grâce de Dieu, mais la nation était sous la loi. Le point de départ de l’évangile de Jean est que tout était ténèbres, et que la vraie lumière brille là, quoique les ténèbres ne la saisissent point. « En elle était la vie ». Cela demeure toujours vrai, quoique ce soit en jugement que Celui qui est la lumière et la vie agit ici.

Mais revenons aux églises. Il y avait eu successivement abandon du premier amour, souffrance de la part de la puissance païenne, tentation de Satan au moyen du pouvoir du monde, action séductrice de Jésabel entraînant à l’idolâtrie, et en un mot, toute sorte de mauvais commerce avec le monde et la persécution. Mais à présent voici un état tout moderne — pureté au-dehors, mais le cœur abandonné à lui-même (voyez 2 Tim. 3). C’est Sardes qui nous présente ce tableau : quelques-uns marchent purement, mais non entièrement soumis de cœur au Seigneur. Mais se contentera-t-Il de cela ? Il faut que le Seigneur se suscite à Lui-même un témoin, et la seule manière par laquelle Il peut rendre quelqu’un propre à être Son témoin, c’est en se présentant Lui-même aux affections. Aussitôt que nous voyons le Seigneur Lui-même, il y a de la force pour Le servir avec joie.

Ici, le Seigneur dégoûté de l’état de Sardes vient, disant en quelque sorte : « J’ai besoin de posséder le cœur — il faut que je l’aie ». Il écarte le voile introduit par le péché de l’église professante. Quand on voit ce Bien-aimé, pour ainsi dire, un peu plus près, il y a quelque chose qui répond (mais, hélas, avec quelle faiblesse !) à Son désir de posséder le cœur, et ce sera parfaitement accompli quand nous Le verrons tel qu’Il est.

« Tu as peu de force ». Ce n’est pas la coutume de Dieu de communiquer une grande mesure de force dans un temps de ruine générale. À l’époque du retour de la captivité de Babylone, le Seigneur agit beaucoup en grâce. Il n’y eut pas extérieurement de la puissance ; au contraire, tout était chez les Juifs d’une apparence si méprisable, que leurs ennemis disaient, en se moquant, qu’un renard romprait leur muraille. Mais nous les voyons animés du même esprit que celui qui se montre dans Philadelphie. Ils ne construisent pas de fortifications pour se garantir des Samaritains (l’Éternel était une muraille de feu autour d’eux) ; mais la première chose qu’ils érigent, c’est un autel au Seigneur. Le Seigneur était le premier objet de leurs cœurs. S’Il était leur rempart, ils pouvaient attendre avant d’en construire un autre. On ne vit rien parmi eux qui rappelât l’ange frappant les premiers-nés, ni miracle opéré en leur faveur, ni promesse de plaies devant frapper leurs ennemis : mais cette parole leur est adressée : « Mon esprit demeure au milieu de vous, ne craignez point ». Toutes les fois qu’Israël avait peur de ses adversaires, il était sans force ; mais quand il regardait au Seigneur, il oubliait les ennemis. De même aujourd’hui, c’est quand nous nous appuyons sur Lui, que les cœurs de ses adversaires sont le plus saisis de terreur. Un cœur sincèrement adonné au Seigneur est ce qui parle à la conscience des autres. Quelle joie de savoir que le cœur du Seigneur était tourné vers eux ! C’est là ce qui produit des sentiments convenables envers Lui, et les uns envers les autres. Le nom même de cette église exprime la relation que le Seigneur avait établie ; et il importe beaucoup de se souvenir que c’est une relation sainte que nous soutenons les uns avec les autres. Il est sûr néanmoins que des personnes qui ont réciproquement de la sollicitude pour leurs intérêts célestes ne seront pas indifférents les uns envers les autres sous les autres rapports, quoique l’Église ne soit pas un club dont les membres sont prêts à se prêter mutuelle assistance, qu’on ait raison ou qu’on ait tort. Ce serait là du socialisme, de la franc-maçonnerie, et non la fraternité selon le Seigneur.

Les premières paroles sont la clé de toute l’épître : « Le saint, le véritable » (v. 7). Voyez la première épître de Jean. Cette expression n’est pas fréquemment employée à l’égard du Seigneur, mais nous la trouvons là. Dans le deuxième chapitre de cette épître, il est écrit à l’adresse des jeunes enfants de la famille de Dieu : « Vous avez l’onction de la part du Saint, et vous connaissez toutes choses ». Le saint, le véritable a tout ce qu’il leur faut. Il pouvait y avoir de la faiblesse chez eux, mais Il a la clé de David. Dans la généalogie de notre Seigneur en Matthieu se lit l’expression : « David, le roi », et on ne trouve pas cette désignation : « le roi », ajoutée au nom de Salomon ou de tout autre. La raison en est que c’est par David que la royauté s’est d’abord caractérisée en Israël. Il était l’homme selon le cœur de Dieu. Et pour ce qui est de David marchant dans la foi, il ne pouvait rencontrer de difficultés sur son chemin. Il est vrai que le type se montra imparfait — il n’y a pas de type parfait, parce que le type n’est pas Christ, quoiqu’il soit un témoin de Christ. C’est l’homme qui fait défaut ; mais là où la puissance de Dieu opéra en David des choses brillantes, bénies et bonnes, nous trouvons le germe, pour ainsi dire, de ce qui se montre pleinement dans le Seigneur. La « clé » de David représente sa puissance, le moyen par lequel il eut accès à tout ce qu’il possédait. C’est ainsi qu’il est dit (És. 22) : « Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule ; et Il ouvrira, et il n’y aura personne qui ferme, etc. ». Telle était la conséquence, il avait tout sous sa main ; c’était à lui à prendre soin de tout.

Le Seigneur se présente comme ayant la clé de David. Ils ne devaient donc pas regarder au pouvoir du monde, ni à l’homme ; car si Christ avait la clé, c’est de cela qu’ils avaient besoin. L’énergie de l’homme, Jésabel, les faux prophètes pouvaient être à l’œuvre autour d’eux, mais il y avait ce Bien-aimé, le saint et le véritable ; et Il était d’autant plus nécessaire qu’ils étaient faibles. Ils avaient si peu de force que peut-être, ils n’étaient pas même capables d’ouvrir la porte ; mais Il leur dit qu’Il la leur avait ouverte ; Il les avait fait sortir au large, et il n’y avait rien qui ressemblât à la servitude ou à la gêne. Il est évident que le Seigneur est désigné ici selon ce qu’Il est personnellement et moralement ; non pas seulement comme la grande source de la sainteté et de la vérité, mais comme le saint et le véritable. Nous trouvons l’un et l’autre de ces caractères dans la première épître de Jean : « nous sommes dans le véritable, savoir, dans son Fils Jésus-Christ » ; mais cela va plus loin encore, « il est le Dieu véritable et la vie éternelle ». C’est donc la personne qui est placée devant eux : c’est ce qu’ils désiraient ardemment. Ils appréciaient Christ. Ils avaient le désir de Le connaître davantage, et Il connaissait leur cœur. C’est ainsi qu’il est dit : « Si ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé ». Ils étaient las de ce qui n’était que la forme de la piété ; ils savaient qu’il était possible d’être perdu ou de déshonorer le Seigneur dans l’orthodoxie aussi bien que dans le monde. Ils se tournent vers le Seigneur, et Il se présente Lui-même comme le Saint et le Véritable ; non pas comme leur étant contraire, mais comme rempli de tendresse et de grâce, et plaçant devant eux une porte ouverte, et leur donnant l’assurance que personne ne la fermerait.

« Tu as peu de force, et tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom » (v. 8). Il y a là trois déclarations à leur sujet. Ils sont dans un état qu’aucune marque, aucune puissance extérieures ne signalent. Ils sont inconnus au monde comme Il l’était Lui-même, mais ils ont gardé Sa Parole ; et plus que cela, ils n’ont point renié Son nom. Considérez ce que c’est que garder la Parole de Christ. Il est évident qu’on s’était écarté de Sa Parole. Il est possible qu’elle eût circulé ; mais avait-elle été l’objet d’une tendre affection ? L’avait-on aimée, l’avait-on sondée, comme on cherche un trésor caché ? Est-ce en vue d’elle, et pour la mieux comprendre, qu’on se réunissait pour prier et lire ? Il s’agit ici d’un mouvement dans l’Église où la personne du Seigneur devient plus que jamais l’objet du cœur et où la Parole est mieux traitée comme Sa Parole. Ce n’est pas simplement l’évangélisation, toute précieuse qu’elle est à sa place, que nous avons en Philadelphie, mais un cercle intime de saints qui aiment, servent, adorent Christ pour Lui-même.

Cette épître nous révèle aussi la valeur du nom du Seigneur Jésus. En 1 Corinthiens 1, ce n’est pas aux Corinthiens seuls que le Saint Esprit s’adresse, mais « à tous ceux qui en tout lieu invoquent » ce nom. En d’autres termes, la première épître aux Corinthiens n’est, pas plus que la seconde, d’une application particulière : elle est pour tous les chrétiens en quelque lieu que ce soit. De fait, c’est de toutes les épîtres celle où la teneur générale de l’adresse est le plus fortement marquée ; et la raison en est peut-être que l’Esprit de Dieu prévoyait qu’elle serait, plus que toute autre, mise de côté. En ces temps où il n’y a pas de manifestation extraordinaire de puissance, les gens pourraient dire : Cette épître-là n’est pas pour nous, elle appartient à une époque qui est passée. Il est vrai qu’il n’y a pas lieu à donner des règles pour l’exercice du don des langues, si vous ne l’avez point reçu. Mais nous avons le Saint Esprit, et béni soit Dieu, l’Église ne saura jamais ce que c’est que d’être sans le Saint Esprit. Reportez-vous à son heure la plus sombre — le Moyen-Âge, le romanisme, etc. Le Saint Esprit était toujours là, non pas, à la vérité, justifiant le mal ou sanctionnant la désobéissance, mais Il était là pour l’assurance de la foi, conformément à la déclaration du Seigneur : « Il demeurera avec vous éternellement ». L’idée d’attendre que le Saint Esprit soit de nouveau répandu sur nous est entièrement fausse : c’est là l’espérance juive. Adresser une telle demande, c’est, pour l’Église, nier qu’elle soit l’Église. Ce peut être bon pour elle de se prosterner devant le Seigneur et de reconnaître qu’elle a agi comme si elle ne l’avait pas. Mais bénissons Dieu de ce que nous avons l’Esprit non seulement comme habitant dans les individus, mais comme nous liant ensemble pour être une demeure de Dieu. À la vérité, la manifestation de ce fait n’a plus lieu, mais néanmoins le fait demeure ; absolument de la même manière qu’en parlant d’un homme qui se trouve dans de mauvaises circonstances, on dit qu’il est ruiné, quoique l’homme existe encore. C’est un motif de nous humilier d’autant plus, parce que l’Église possédait l’Esprit et qu’elle a mal marché néanmoins. On a beau dire : S nous avions maintenant une Pentecôte et que le Saint Esprit fût envoyé de nouveau, nous marcherions comme il faut ; le fait est qu’après avoir eu le Saint Esprit le jour de la Pentecôte, on s’est dévoyé et on est tombé. Ce que Dieu nous demande maintenant, ce n’est pas d’attendre de nouveaux dons de puissance, mais de nous humilier devant Lui de ce que nous avons marché, même comme chrétiens, en opposition à Sa volonté de la manière la plus triste, et de ce que, quoique nous eussions le Saint Esprit, un veau d’or a succédé à un autre au point qu’il y a autant de péché qu’il y en a eu en Israël. C’est là ce que le Seigneur nous appelle à sentir. Philadelphie sympathisait avec Lui.

Ce que l’Esprit présente dans cette église est donc évidemment une compagnie méprisée, mais la Parole de Christ particulièrement appréciée, et Son nom maintenu. Nous avons appris que l’Église n’est jamais obligée de marcher dans le péché. « Que tout homme qui prononce le nom du Seigneur se retire de l’iniquité ». Il peut y avoir iniquité morale et convoitises mondaines ; et qu’y a-t-il d’aussi mauvais que l’iniquité de l’Église, si ce n’est ce qui est contre la personne même de Christ ? Si on marche contrairement à l’ordre extérieur de l’Église, c’est mal, mais ce n’est pas à comparer avec le péché commis contre la personne du Seigneur Jésus. Ce péché-là est toujours le pire, et celui qui éprouve les âmes. Le premier de tous les devoirs est que le cœur soit sincère pour Christ. C’est ce que Dieu attend.

Ici Christ se présente donc personnellement à l’Église, non pas en exprimant Son amour d’une manière générale, mais en manifestant une affection particulière de Son cœur pour eux. De là vient qu’il est dit : « Je les ai aimés ». Le Seigneur aime tous les siens, mais il est également vrai qu’Il a des affections spéciales. Il peut y avoir un lien particulier entre Lui et les saints qui sont particulièrement en danger ou dans l’épreuve. Sa grâce éloigne les obstacles et fait qu’on en jouit dans sa force. Ils connaissent Sa place dans la gloire, mais ce qui touche leurs cœurs, c’est qu’Il les aime au milieu de toute cette gloire. Son amour, voilà la base et la source de leur amour.

« Tu as peu de force ». Je sais que vous êtes faibles ; mais vous avez « gardé ma parole et n’avez pas renié mon nom ». Remarquez ici le lien personnel — « ma parole », « mon nom ». Le nom de Christ saisi par l’âme est le salut. Lorsque le cœur s’est soumis à Son jugement sur le péché, Dieu place Lui-même devant cette âme le nom de Christ ; et quand elle trouve qu’elle n’a pas de nom sur lequel s’appuyer pour se tenir devant Dieu, Il lui dit : Il y a ici un nom, le nom de mon Fils. La foi suppose un homme qui s’abandonne lui-même comme ne valant rien, et qui dit : « Dieu a été bon pour moi, quand j’ai été méchant pour lui ». Dieu a mis ce nom comme une pierre fondamentale pour le pauvre pécheur. Elle semble faible ; elle est appelée une « pierre de trébuchement », comme elle l’est pour l’incrédulité ; mais je dois croire en elle. Si je ne fais que regarder à l’évangile, je suis perdu, parce que dans ce cas, je raisonne à son sujet ; mais si je le crois, je suis sauvé. Que fit Abraham ? Il ne raisonna pas ; il ne considéra pas son corps qui était amorti, mais il donna gloire à Dieu. S’il s’était senti fort, il aurait pu se donner gloire à lui-même. Tel est le grand but en vue duquel Dieu travaille : que nous connaissions notre propre néant.

Mais est-ce là l’unique usage du nom de Christ ? Non ; Il rassemble autour de Lui-même. Jésus est le grand objet, le point d’attraction autour duquel le Saint Esprit assemble. Supposez qu’il s’agisse de l’introduction d’une personne qui suit les vues calvinistes, ou les vues arminiennes, comme on les appelle, n’ayant jamais bien appris la ruine de l’homme ; vous direz peut-être : « Je n’aime pas qu’on me trouble ». Mais la question est ce que dit Christ. N’a-t-Il pas le pouvoir de juger cette question ? L’a-t-Il laissée à notre discrétion ? Christ a scellé de Son nom cette personne et en conséquence je dois la recevoir. Un autre arrive et dit : « J’apprends que vous recevez tous les chrétiens ; mais je ne crois pas que Christ fût exempt de chute, soit dans Sa nature, soit quant à Sa relation avec Dieu ». « Non », telle est ma réponse ; « vous ne pouvez faire servir le nom de chrétien à déshonorer Christ ». Mais toutes les fois que quelqu’un fait humblement confession du nom de Christ (qu’il appartienne à l’église établie, ou qu’il soit dissident, la question n’est pas là), nous sommes tenus de le recevoir. C’est une chose fort triste que toutes ces dénominations diverses soient dans l’Église : elles prendront toutes fin bientôt. Mais il ne nous faut pas contredire le nom de Christ maintenant. Le nom du Seigneur est là et c’est un passeport dans toute l’Église. Il ne s’agit pas de nous joindre quelqu’un ; il nous est joint certes, s’il est uni à Christ. Il est vrai que le Seigneur a Ses serviteurs, mais nous ne reconnaissons dans l’Église aucun autre centre que Christ.

Un autre usage du nom de Christ se trouve dans la discipline. Quel est le but de la discipline ? Ce n’est point de maintenir notre caractère, mais de laisser au nom de Christ la place et l’honneur qui lui appartiennent, en conservant à ce nom tout son éclat, même là où est le trône de Satan. Dans le camp même de l’ennemi, il se trouve un nom qui ne saurait être abaissé. Le Saint Esprit est là, non pas simplement pour nous donner de la consolation, mais nous ayant délivré de toute inquiétude à l’égard de nos péchés, Il nous donne liberté pour nous occuper de Christ et travailler dans Son service. Ce dont il s’agit dans le maintien de la discipline, c’est de savoir s’il faut se retirer de l’iniquité. Jamais le Seigneur ne reconnaît comme l’Église un état de choses où l’iniquité est sanctionnée. C’est une chose bien différente qu’il y ait du péché, et que le péché soit sanctionné. Toute sorte d’iniquité peut surgir : cela eut lieu dans les églises apostoliques. L’incestueux fut retranché à Corinthe parce qu’il était chrétien, comme il est dit : « afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus ». On aurait pu croire, d’après la terrible nature de son péché, qu’il n’était pas possible que ce fût un chrétien. Le Saint Esprit nous montre par là que si un chrétien s’écarte de Christ, il est capable de tout excepté d’aller positivement contre Christ Lui-même. Car je pense que le Saint Esprit nous garderait toujours de cela. Comme dans le cas du jugement de Salomon, la fausse mère était résolue à avoir, à tout prix, sa moitié de l’enfant, tandis que la mère réelle aimait mieux céder la sienne que de laisser toucher à sa vie. Mais il peut arriver à un chrétien (quelque contraire à la nature des choses que cela soit) de tomber dans un état où il n’a pas de saines pensées au sujet de Christ ; et quand il s’y trouve, de manière à ne pas avoir un juste sentiment du nom de Christ, quel bien peut-il provenir de lui ? Il n’en était pas ainsi des saints de Philadelphie. Ils ne reniaient pas Son nom ; et le Seigneur emploie à leur égard les expressions d’amour les plus tendres. Partout où l’on avait des prétentions ecclésiastiques, la remarque en a été faite avec raison, on était contre eux. Ils étaient regardés avec dédain par ceux qui se disaient Juifs, mais touchant lesquels Christ fait cette déclaration : « Je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds » etc. (v. 9). Les Philadelphiens se trouvaient au milieu d’une profession qui n’avait rien de réel, et le Seigneur leur promet de les défendre par Sa propre puissance. Qu’il est précieux de ne pas chercher à nous défendre nous-mêmes, mais d’aller en avant avec le Seigneur !

Il est d’une importance extrême de bien voir que la gloire du nom de Christ n’obligera jamais à choisir entre deux maux, et c’est, à mon avis, ce que Dieu a voulu nous faire sentir dans ces derniers temps. Il y a un sentier hors du mal. Non que la chair de l’homme ne puisse introduire le mal ; mais si quelqu’un persiste dans quelque péché, vous dites qu’il ne marche pas comme un chrétien ; il ne saurait être reconnu comme chrétien, quoique nous puissions prier pour lui, etc. Supposez encore une réunion de chrétiens. Le mal entre ; je ne puis pas dire que ce ne sont pas des chrétiens. Non, mais je puis introduire l’autorité du nom de Christ pour ôter le mal : Christ possédant l’autorité d’une manière absolue, c’est à nous à nous soumettre entièrement à Lui. L’Église appartient à Dieu. Si elle était à nous, nous pourrions faire nos propres règlements ; mais malheur à celui qui veut soumettre l’Église de Dieu à ses propres règles ! C’est là, à ce qu’il paraîtrait, ce que sentirent les saints de Philadelphie : ils appréciaient l’autorité du nom de Christ ; ils avouaient leur faiblesse, mais ils savaient que le nom de Christ était assez fort pour les garder. Qu’avaient-ils à redouter ? En reconnaissant le nom de Christ pour centre de rassemblement, nous ne prétendons pas que le mal n’entrera point : mais nous confiant dans la puissance du Seigneur Jésus et de Son Esprit, nous ne voulons pas sanctionner le mal. Laissons seulement la porte ouverte pour que le Seigneur entre. Il peut y avoir bien des choses propres à mettre notre patience à l’épreuve, mais nous n’avons qu’à nous attendre au Seigneur. C’est là ce que le Seigneur veut, que nous ayons confiance en ce qu’Il est et ce qu’Il a, en prenant dans l’esprit de prière la place de la faiblesse et de la dépendance, quelque pénible que ce puisse être.

« Tu as gardé la parole de ma patience », etc. (v. 10). Évidemment le Seigneur contemple, à l’occasion de ces églises, l’état de choses qui existera à la fin ; et comme l’heure de la tentation est encore à venir, la place est laissée pour l’application de cette promesse aussi à la fin. « Tu as gardé la parole de ma patience ». Christ vient pour prendre Son Église, et ensuite pour être le juge de toute la terre. Mais nous n’attendons pas des signes. Dieu, dans Sa miséricorde, en accordera aux Juifs, mais l’Église n’a jamais été appelée à se guider dans ses pensées sur ce qu’elle voyait, comme Thomas. « Bienheureux sont ceux qui n’ont point vu et qui ont cru ». C’est quand on ne voyait plus le Seigneur que l’Église est née dans le monde ; et depuis lors elle a été dans l’attente, mais jamais elle n’a dû faire dépendre de certains signes son espérance. C’est lorsque Christ prit Sa place en haut comme tête, que Son corps, l’Église, fut formé ; car il ne pouvait y avoir de corps que premièrement il n’y eût une tête. Dieu veut que l’Église attende Christ Lui-même, et non pas des signes. Il fera entendre Sa voix. Et les morts en Christ ressusciteront… et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Christ attend cela avec patience. Autant que j’ai pu le voir, le Seigneur ne parle pas de Sa venue, comme s’il devait y avoir quelque chose de hâté en elle. Il attend avec patience que le moment en arrive. Il tarde dans Son amour pour qu’il ait une prolongation de miséricorde pour le monde et pour que des âmes puissent Lui être amenées. L’Église sait qu’Il attend et elle est appelée à la même patience pour avoir communion avec Lui dans Sa patience.

« Je te garderai de l’heure de la tentation » (v. 10). Ce n’est point ici la portion des Juifs. Pour eux, lorsqu’arrive le temps de l’épreuve, le Seigneur leur dit : « Viens, mon peuple entre dans tes cabinets », etc. Notre place est celle d’Abraham. Il n’eut point à fuir vers la petite Tsoar comme Lot qui fut, il est vrai, sauvé du jugement, mais pas tant à son honneur. Le Seigneur avait un saint dont les pensées étaient aux choses du ciel, aussi bien qu’un saint qui pensait aux choses de la terre. Abraham ne se trouva jamais dans cette heure de tentation. Ainsi l’Église sera gardée de l’heure qui vient. Telle est notre confiance — non pas simplement que nous serons gardés durant et à travers cette heure, mais que nous le serons de l’heure elle-même. Prenez une autre figure de ce jugement, le déluge. Énoch fut complètement préservé du déluge, tandis que Noé fut porté sur ses eaux. C’est ainsi que dès le commencement Dieu nous donne des témoignages bénis de cette double manière d’être préservés, d’un côté comme Énoch et Abraham, en esprit, et de l’autre comme Noé et Lot. Ces derniers se trouvèrent dans les circonstances de l’épreuve ; et tel sera le cas du résidu converti d’Israël à l’époque des terribles jugements. L’espérance du chrétien est d’être avec le Seigneur dans le ciel, et c’est ce que l’Église doit attendre. Et certainement le cri est là : « Voici, l’époux vient, sortez à sa rencontre ». Je vous le demande, êtes-vous sortis ? Il y en eut dont il est dit, non pas que c’étaient des croyants lorsque le cri se fit entendre, mais qu’ils étaient sortis. Avez-vous abandonné tout ce qui est contraire à Christ ? Ce que vous savez — non pas ce que je sais — Lui être contraire ? Je vous demande si vous êtes prêts à aller au-devant de Lui. Dans ce cas vous n’avez rien à craindre. Tenez pour sûr que rien de ce que votre pauvre volonté désire retenir ne vaut la peine d’être gardé. C’est gain que de sortir de tout pour aller à la rencontre du Seigneur ; c’est joie que d’être dans Son sentier. Ce cri a-t-il rempli votre cœur ? Ne vous contentez pas de dire : « J’ai de l’huile dans mon vaisseau, et il importe peu où je suis ». Pensée égoïste et impie ! Dieu veuille que tel ne soit pas votre sentiment ! Il m’a sauvé pour que je pense à Lui. Il désire que je sorte pour aller au-devant de Lui — que je chérisse la précieuse pensée de Sa venue. Maintenant, gardez-vous Sa Parole ? Vous le savez. C’est là une question entre votre conscience et le Seigneur. Quand vous aurez gardé ce que vous connaissez, vous en apprendrez davantage, et vous trouverez que Son service n’est que joie et liberté.

« Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne ». C’est là une parole précieuse. Le Seigneur annonce qu’Il vient comme un voleur par rapport à Sardes qui avait pris le monde pour son maître : laissant ainsi au monde souillé la place du Seigneur. Pour Philadelphie, Il vient comme quelqu’un qui a une couronne à donner. Le Seigneur Lui-même venant à notre rencontre, est le joyau qu’Il nous a donné à garder. Que le Seigneur nous donne de le tenir ferme, afin qu’il ne nous soit pas enlevé ! Nous sommes faibles maintenant, mais le Seigneur dit : « Si vous vous contentez d’être maintenant dans la faiblesse, je vous ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu ». Une colonne est l’emblème de la force, de ce qui soutenait le temple, en contraste avec la faiblesse. Il est dur de se contenter d’être faible ; et c’est rassurant pour la chair de sentir sous soi la puissance du monde. Mais si nous consentons à paraître faibles maintenant, le Seigneur nous déclare ce qu’Il fera pour nous alors : « Je vous ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu » (v. 12). Selon que j’ai connu mon Dieu, je vous mettrai en communion avec moi. Vous vous contentez d’attendre ma venue, et personne ne prendra votre couronne. Pour ceux qui pensent à Christ maintenant, Christ pensera alors à toute la joie qu’Il peut leur donner. Puisse être là notre consolation pendant que nos cœurs l’attendent !

Versets 14-22. Nous avons vu le contraste signalé qu’il y a entre l’état de Sardes et l’ordre de choses précédent. Une grossière corruption, le mal manifeste, la persécution, la haine de la sainteté et de la vérité de Dieu avaient régné dans Thyatire, quoiqu’il s’y trouvât un résidu, et un résidu fidèle. Si Thyatire représente les siècles de ténèbres où le Seigneur avait Ses saints fidèles cachés dans les réduits et les coins du monde, nous avons en Sardes un état de choses d’une bonne apparence — le nom de vivre, et la mort presque partout ; cependant il y en avait même à Sardes qui n’avaient pas souillé leurs vêtements. S’il se trouve une distinction aussi marquée entre Sardes et Thyatire, il y a aussi une ligne de démarcation profonde entre Philadelphie et Laodicée.

Considérons le caractère que Dieu attribue à cette église, et ce qu’Il manifeste de sa condition. Si parmi ces églises il y en a deux qui soient en contraste l’une avec l’autre d’une manière plus marquée, ce sont précisément ces deux dernières. La raison en est, je pense, que lorsque Dieu agit d’une manière spéciale, qu’Il manifeste Sa grâce sous une nouvelle forme et sous un jour nouveau, cela amène toujours à sa suite, depuis la chute de la chrétienté, une ombre particulièrement obscure. C’est ainsi que Philadelphie présentait un brillant tableau. Il y avait de la faiblesse, mais on était parfaitement en paix, car le Seigneur avait ouvert la porte, et Il la tiendrait ouverte. Mais quelle différence nous trouvons quand nous considérons Laodicée ! Ce n’est plus le Seigneur veillant aux besoins des saints de Philadelphie, ayant la clé de David, et se présentant comme l’objet de leurs affections, comme le Saint et le Véritable, dans Sa grandeur morale qui faisait appel à toute l’adoration de leur cœur. Il parle ici d’une toute autre manière : « L’amen, le témoin fidèle et véritable dit ces choses », etc. Ce qui n’était qu’une profession orgueilleuse allait prendre fin. Il était « l’Amen », le seul sur lequel on pût s’appuyer, l’unique « fidèle et véritable témoin » quand tous les autres avaient failli. Ce fait que Christ se présente comme le témoin fidèle et véritable, suppose que ceux auxquels Il écrivait n’étaient pas fidèles. La lettre à Philadelphie n’impliquait point cela à l’égard des membres de cette église. Pauvres qu’ils étaient, ils prenaient la place de la faiblesse ; et comme ils avaient pensé à Sa Parole et à Son nom, le Seigneur leur dit : Lorsque je vous aurai dans mon temple, j’écrirai sur vous « mon nouveau nom » et je vous ferai être une colonne « dans le temple de mon Dieu ». Il ne dit pas le trône, expression qui aurait signifié la puissance, mais le temple qui exprime une pensée plus profonde que le trône. Le temple est le lieu du culte, où Dieu est exalté dans la gloire de la sainteté. Précisément comme lorsqu’il s’agit du culte à rendre à Dieu, nous voyons David porter un éphod. Sa propre femme qui voyait en lui le gendre de son père Saül, du roi, le méprisa parce qu’il n’était pas sorti en un vêtement convenable à la royauté. Mais le cœur de David était occupé de Dieu, et à ses yeux c’était son plus grand honneur de porter l’éphod et de pouvoir s’approcher ainsi du Seigneur. De même à Philadelphie : c’est là que se trouvaient particulièrement ceux qui avaient l’intelligence du culte, parce qu’ils appréciaient la personne et le caractère du Fils de Dieu ; et c’est ce qui attire le cœur. Voyez l’aveugle-né (Jean 9) : il adora Jésus lorsqu’Il se fut révélé à lui comme le Fils de Dieu. C’est là une chose dans laquelle même les vrais chrétiens entrent fort peu. On peut recevoir des faveurs de la main de Dieu, et Lui en rendre grâce, et néanmoins connaître peu ce qui est réellement le culte. Le culte est quelque chose de plus élevé et de plus rapproché du Seigneur. Il n’apprécie pas simplement les faveurs qui nous sont dispensées de Dieu, mais il apprécie surtout ce qu’est le Dieu qui nous les accorde. Le vrai culte est toujours cela. Le Père cherche des adorateurs, mais c’est pour les attirer à la source d’où a coulé la grâce. Pour ce qui est du mot de culte lui-même, il n’est point employé dans la lettre à Philadelphie (sauf au verset 9 où il l’est dans un sens tout autre, pour exprimer simplement que ceux qui aujourd’hui étaient des moqueurs, auraient à s’humilier et à rendre honneur à ceux qu’ils avaient méprisés). Le culte consiste à s’approcher de Dieu, dans l’appréciation non seulement de ce qu’Il fait, mais de ce qu’Il est ; et ce qui nous rend toujours capables de rendre culte, c’est la pleine, la simple connaissance de notre position de proximité avec Dieu, de l’œuvre de Christ et de ses résultats bénis en notre faveur.

Job n’était point dans la présence de Dieu lorsqu’il était tout occupé de lui-même (« Quand l’oreille qui m’entendait… et l’œil qui me voyait… »). Nous pouvons bien dire qu’il était dans la présence de lui-même et non dans celle de Dieu. C’est toujours un pauvre signe, que d’être occupé de soi. Le Seigneur ne veut pas que nous nous arrêtions à contempler le changement opéré en nous ; ce ne serait pas là oublier les choses qui sont derrière, ce qui, pour le dire en passant, ne signifie pas l’oubli de nos péchés, mais celui de nos progrès. Si le Seigneur nous a donné de faire un pas en avant, c’est pour que nous soyons plus près de Lui, et que nous croissions dans la connaissance de Dieu. Par là, il y aura toujours progrès dans la connaissance de nous-mêmes, mais ce ne sera jamais à l’effet de nous admirer. Par le fait même que nous appartenons à Christ, Il est l’objet qui heureusement nous garde dans l’humilité. Lorsque Job fut à la fin amené réellement dans la présence de Dieu, il se trouva dans la poussière. Il ne savait pas ce que c’était que d’adorer Dieu complètement, jusqu’à ce qu’il fut amené là, lorsque son œil vit Dieu. Auparavant, il avait regardé plutôt à ce que Dieu avait effectué en lui, mais à présent il se voyait comme n’étant rien. Et c’est après cela que nous le trouvons intercédant même pour ses amis, et que nous avons les holocaustes, etc. C’était là l’esprit d’intercession et aussi de culte. Il me semble que tel était l’esprit auquel avait été amenée l’église de Philadelphie. Ses membres avaient l’intelligence du culte, parce que, selon leur mesure, ils connaissaient Celui qui était depuis le commencement. Le Seigneur aime que nous soyons forts en Christ, que nous croissions en Lui. À Laodicée, on ne pensait nullement à cela — on ne songeait pas à entrer dans les richesses de la grâce du Seigneur. Il n’y a rien à l’égard de quoi nous devons sentir autant combien nous sommes pauvres, comme à l’égard du culte, justement à cause que nous pouvons un peu l’apprécier. C’est le sentiment spirituel, quoique la mesure en soit certes bien faible, qui nous rend sensibles à notre peu de puissance pour le culte. Tenez pour sûr que c’est l’esprit de culte qui constitue notre véritable pouvoir dans le service : selon ce que le Seigneur dit en Jean 10 : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; et il entrera et sortira, et trouvera de la pâture ». Ce n’est plus la bergerie juive et l’esclavage de la loi, mais la parfaite liberté, le privilège d’entrer pour rendre culte, et de sortir pour l’activité du service, trouvant partout nourriture et bénédiction. Qu’il est doux de penser que l’heure approche où nous entrerons pour ne plus jamais sortir de nouveau ! Ce sera toujours le service en relation immédiate avec le Seigneur Lui-même — la jouissance de la présence de Dieu et de l’Agneau — le culte éternel !

Mais quels sont ceux pour lesquels c’est là une agréable et heureuse promesse ? Ceux qui avaient apprécié le culte et en avaient joui ici-bas. Comme il est dit dans le psaume 84 : « Ils te loueront encore » (vers. angl.). Le lieu où demeurait le Seigneur était empreint même dans les cœurs de ceux qui y allaient, « au cœur desquels sont les chemins battus ». Ils devaient se trouver au lieu où Dieu était, et demeurer là. Le Seigneur ne se révèle pas ici de la même manière personnelle, mais ce sont plutôt certaines qualités, certains titres qui Lui appartiennent, qui nous sont présentés. Il était « l’Amen ». Quant à eux, ils avaient manqué en tout — ils avaient été un témoin infidèle, et Il était assez bon pour leur dire : « Vous n’avez pas répondu à une seule pensée de mon cœur. Je viens maintenant me présenter à vous comme tout ce que vous devriez être ». Il était aussi « le commencement de la création de Dieu » (v. 14). La chrétienté est un témoin rejeté. Christ est en relation avec la création nouvelle. « Je connais tes œuvres, c’est que tu n’es ni froid, ni bouillant » (v. 15). C’est le latitudinarisme. Ce n’est pas l’ignorance qui rend latitudinaire, mais le cœur qui reste indifférent à la vérité après que la vérité lui a été présentée. On ne veut pas de la vérité, parce qu’on sent qu’elle doit avoir pour conséquence, si on la suit, le sacrifice et la séparation d’avec le monde. Il nous faut user de support avec l’ignorance d’un cœur honnête, sincère, partout où elle se trouve ; mais l’indifférence pour la vérité est une chose tout autre, et odieuse aux yeux du Seigneur.

Le latitudinarisme n’est donc jamais la condition des âmes simples et droites, mais bien celle des personnes qui ont entendu la vérité et qui ne sont pas préparées pour la croix. La vérité de Dieu doit être une pierre de touche pour les cœurs. Elle n’est pas simplement quelque chose que j’ai à apprendre, mais elle me met à l’épreuve. Si la brebis est dans une condition saine, elle entendra la voix du Berger, et n’entendra pas même la voix des étrangers ; mais si la brebis n’aime pas le son de la voix du Berger, et va après d’autres, elle s’embrouille tellement qu’elle est à peine capable de Le distinguer d’eux. Ce mal surgit dans Laodicée, et à ce qu’il me semble provient du mépris que l’on a fait du témoignage rendu dans l’église précédente. Laodicée est le fruit du rejet du témoignage qui formait Philadelphie. Là, Christ se montrait Lui-même, et au cœur qui Le recevait, Il disait : « Comme mon nom a été tout pour vous sur la terre, ainsi je vous donnerai mon nouveau nom au temps de la gloire. Toute affection vraie et bénie que j’ai produite dans vos cœurs ressortira dans la gloire avec un éclat plus brillant ». Mais pour Laodicée, le Seigneur lui dit : « Tu n’es ni froid ni bouillant ». Il faut qu’il y eût quelque chose qui réchauffât un peu ces personnes, puisque leur état n’était pas entièrement froid. Elles manquaient d’honnêteté, de droiture. Laodicée est précisément le dernier état de choses que le Seigneur ne peut plus supporter : c’est un temps où l’on avait en un certain sens possédé beaucoup de vérités, mais sans que les cœurs fussent touchés par elles. Si le cœur avait été sincère en quelque petite mesure que ce fût, malgré son ignorance il aurait joui de ce qui était venu du Seigneur. Ce n’est pas des « pères » mais des « jeunes enfants » qu’il est dit en 1 Jean 2, qu’ils ont une onction de la part du Saint, et qu’ils connaissent toutes choses. La capacité pour juger de ce qui n’est pas de Christ, dépend de la sincérité du cœur pour Lui. C’est ce qui fait que le plus jeune croyant, s’il a l’œil simple, peut discerner avec certitude là où le théologien se perd dans des généalogies sans fin.

Tout esprit qui rabaisse et renie Christ (le Christ de Dieu) est de l’antichrist. Il y a eu, il y a maintenant plusieurs antichrists, et c’est où Christ a été nommé qu’il faut les attendre. Si Christ n’eût pas été connu, il n’aurait pu y avoir d’antichrist, l’ombre noire qui a suivi la vérité ; et si le Seigneur est à l’œuvre dans cette voie de miséricorde, Satan est à l’œuvre aussi. Être « tiède », c’était être faux, en prétendant à la vérité ; et le Seigneur dit : « Je m’en vais te vomir de ma bouche ». Il ne se trouve pas ailleurs, que je sache, une pareille expression de mépris employée par le Seigneur. Est-ce de cette manière que nous mesurons les choses ? Nous aurions dit probablement que c’est de l’état de Jésabel qu’il fallait être le plus inquiet ; mais eussions-nous pensé qu’être tiède était le pire de tous les états ? Et c’est celui-là pourtant qui excita toute l’indignation du Seigneur ; et c’est Lui seul qui est sage. « Parce que tu dis : je suis riche et je suis dans l’abondance », etc. (v. 17). Ces paroles sont la preuve évidente qu’à Laodicée on avait beaucoup entendu parler de la vérité. On s’estimait riche. La diffusion de la connaissance extérieure de Dieu est ce qui hâte la dernière crise — le jugement final de Dieu et la mise de côté de tout ce qui porte faussement et bénévolement Son nom.

Verset 17. « Et tu ne connais pas que tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle », etc. Tel était l’état des Laodicéens, parce qu’ils avaient rejeté le témoignage de Dieu. Le témoignage de Dieu produit toujours en celui qui le reçoit le sentiment de son néant, mais n’affaiblit jamais sa confiance en Dieu. Il peut y avoir des pierres de touche pour la foi et le cœur — les épîtres de Jean en sont remplies — mais l’Esprit de Dieu ne conduit jamais quelqu’un à douter que Dieu soit pour lui. Il peut travailler, et sûrement Il le fera, dans quelqu’un qui s’est détourné du Seigneur, afin de le ramener ; Il peut nous faire sentir notre faiblesse ; mais ce n’est nullement Sa manière d’agir que de produire le doute dans l’âme ; et lorsque nous nous livrons à la défiance, c’est toujours un signe que la chair est à l’œuvre, « convoitant contre l’Esprit ». Partout où est l’Esprit de Dieu, Il tend à rendre l’homme capable de s’humilier entièrement, et de juger la folie de la chair et d’y renoncer. Il y a, et il doit y avoir, réalité, et zèle, et sincérité, dans la présence de Dieu. « Je suis riche, et je suis dans l’abondance, et je n’ai besoin de rien ». Mais l’Esprit de Dieu déclare que ce n’est là que présomption charnelle, le cœur ne connaissant pas son dénuement, et refusant la grâce. Il y avait eu une chaleur momentanée qui avait rendu cet état aussi odieux au Seigneur. Mais c’est là précisément ce que font les hommes qui parlent de l’Église de l’avenir. Selon eux, les premiers temps sont l’enfance de l’Église ; ensuite elle est devenue un grand méchant enfant ; et maintenant ils attendent une Église de l’avenir où l’homme ne sera plus sujet, mais agira pour lui-même — agira comme un homme. — Hélas ! à quoi toutes ces aspirations n’aboutiront-elles pas ? Car Dieu sera laissé complètement en dehors de la prétendue Église, et on se sera débarrassé de Son autorité. Tel est l’esprit qui maintenant travaille sur une vaste échelle. Et les enfants de Dieu sont tièdes à l’égard d’une œuvre pareille ? à l’égard de l’exclusion de la vérité de Dieu ? Souvenez-vous de ce que le Seigneur dit ici : « Je m’en vais te vomir de ma bouche ». Ce serait une erreur grossière de supposer qu’il n’y avait pas de chrétiens parmi eux. Mais ce n’est pas d’individus qu’il s’agit, mais de l’assemblée, et comme telle le Seigneur déclare qu’Il la vomirait de Sa bouche. On ne peut se rassembler en grandes masses sans que l’esprit de Laodicée en résulte, s’Ii n’est pas aussi la source d’un rassemblement de ce genre. De nos jours, l’Esprit de Dieu ne rassemble pas avec une grande puissance, et que le Seigneur soit béni, si quelques-uns se réunissent autour de Son nom ! Que les enfants de Dieu se souviennent qu’ils doivent répondre au Seigneur Jésus Christ, qu’ils soient ou non représentés par Laodicée, qu’ils tiennent pour Christ ou pour ce qui porte simplement le nom de Christ, comme un voile pour l’indifférentisme. Néanmoins le Seigneur ne les abandonne pas : « Je te conseille, dit-il, d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu », etc. (v. 18). En général, l’or est le symbole de ce qui est divin, de la justice divine ; et le vêtement blanc, ou de lin, désigne la justice des saints, comme nous le voyons par le chapitre 19. La justice divine était sortie de leurs pensées : ils n’appréciaient ni la justice de Dieu, ce qu’un chrétien est fait en Christ, ni la justice pratique à laquelle mène l’Esprit. Aussi leur conseille-t-Il d’acheter de Lui l’or véritable et des vêtements blancs, afin qu’il y eût la sainteté qui leur convenait devant les autres. « Et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies ». Là était le secret. Ils ne voyaient rien comme il faut, pas même le besoin qu’ils avaient de la justice divine. « Pour moi, je reprends et châtie tous ceux que j’aime ; aie donc du zèle et te repens » (v. 19). Tenez pour certain que c’est là ce que la voix du Seigneur fait entendre aujourd’hui. Ici, hélas ! c’était ce dont les Laodicéens avaient besoin. Le Seigneur s’occupe des siens : Il place constamment devant eux quelque chose de nature à leur donner d’humbles pensées d’eux-mêmes, et ne leur dit pas de faire ou d’entreprendre quelque œuvre nouvelle, mais les appelle « à se repentir ». Il ne leur demande point de déployer leurs ailes pour un essor plus grand vers l’avenir, mais d’examiner où ils en sont et de se repentir.

Souffrir pour Christ et avec Christ est un privilège beaucoup plus élevé que de faire quelque chose. Quand l’apôtre Paul demande : « Que ferai-je ? », le Seigneur répond : « Je te montrerai combien tu dois souffrir », etc. C’est là ce que le Seigneur apprécie tout particulièrement — non pas nos souffrances comme hommes, mais nos souffrances pour Christ.

Ici c’étaient des personnes aussi dégradées qu’orgueilleuses, qui étaient invitées à avoir du zèle et à se repentir, à s’humilier devant Dieu au sujet de leur triste condition. Mais le Seigneur fait entendre aussi une parole de grâce : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe » (v. 20). C’est pourtant une chose bien solennelle que le Seigneur fût là, prenant ainsi la position de quelqu’un qui est dehors. Néanmoins Il était prêt à entrer où Il trouvait une âme sincèrement à Lui. « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui », etc. Est-il nécessaire de dire que ceci ne s’adresse point au monde pour ceux qui doivent être sauvés ? En Jean 10, le Seigneur se présente dans une grâce parfaite, disant : « Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé », etc. Mais ici, c’est à l’église qu’Il parle. Il n’avait point de sympathie pour leur contentement d’eux-mêmes. Il se tenait dehors, frappant à la porte pour le cas où il se trouverait dedans un cœur qui ne serait pas trop occupé des circonstances, choses et personnes, et qui Lui ouvrirait. À quelqu’un de tel, Il dit : « J’entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi ». Mais en tout cela, il ne s’agit que des individus. En présence d’un complet abandon de la vérité, devons-nous dire : « Il n’y a point d’espérance » ? Nullement : le Seigneur se tient à la porte et Il frappe. Il est possible qu’il n’y en ait pas beaucoup qui répondent à Son appel, mais il y en aura quelques-uns, et voici la promesse : « Celui qui vaincra, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme j’ai vaincu, et je me suis assis avec mon Père sur son trône ». On se trompe en supposant que c’est là une promesse comparativement glorieuse : nous sommes portés à penser ainsi, parce que naturellement nous attachons du prix à l’éclat. Mais ce n’est pas la puissance que Dieu estime le plus. Son saint amour manifestant Son caractère divin, surtout dans l’abaissement de Christ descendant jusqu’à l’homme et mourant pour lui — voilà, plutôt que la puissance ou la gloire, la mesure selon laquelle il faut apprécier. Il Lui était infiniment plus facile de faire mille mondes que de donner Son Fils pour qu’Il souffrît. Je ne mets pas en doute tout ce que renferme de grâce une telle promesse faite au vainqueur de Laodicée, nonobstant un mal pareil, mais notre association avec Christ dans le royaume ne constitue pas la plus grande bénédiction dont nous sommes appelés à jouir. Et la promesse dont il s’agit ne va pas au-delà. Ce que nous aurons avec Christ et en Christ Lui-même est beaucoup plus précieux. En Jean 17, 23, le Seigneur fait voir que la manifestation de la gloire a pour but Sa justification devant le monde. Toute la gloire qui doit être révélée dans l’avenir est destinée à être une preuve pour le monde, afin qu’il connaisse que le Père nous aime comme Il a aimé Son Fils. Mais pour nous, nous sommes autorisés à le savoir à présent par le Saint Esprit. Nous n’avons pas attendu jusqu’alors pour connaître cet amour qui nous a donné la gloire — bénédiction plus profonde que la manifestation au monde, ou que les trônes dans le royaume. L’affection personnelle du Seigneur pour les siens est une portion meilleure que tout ce qui doit être déployé devant les hommes ou les anges.

Le Seigneur termine ici ce qui est relatif aux églises : Il était arrivé à la dernière phase. La sagesse de Dieu nous a donné dans ces chapitres ce qui n’exige pas, pour être compris, une grande mesure d’intelligence. Tout ce qu’il faut, c’est d’avoir l’œil fixé sur Christ. Outre les messages destinés aux églises locales du temps de saint Jean, nous avons vu dans ces épîtres une esquisse de toute l’histoire de l’Église jusqu’à la venue du Seigneur. Car, à proprement parler, ce ne sont pas les lettres adressées par ordre du Seigneur aux sept églises, mais les églises elles-mêmes et leurs anges qui constituent « les choses qui sont », c’est-à-dire la condition actuelle des choses aux jours de Jean. Tout en étant originairement rattachées aux faits qui existaient alors, les épîtres vont bien au-delà, et s’étendent par une application morale prolongée jusqu’au temps où il n’y a plus d’assemblée reconnue, la dernière (quoiqu’il y ait eu de la miséricorde pour les individus) ayant été sommairement rejetée par le Seigneur, dans son caractère de témoignage public. Après cela, il n’est plus jamais fait mention des églises sur la terre. Au contraire, la toile s’abaisse, et c’est une scène entièrement nouvelle qui s’offre à nos regards. Le voyant ne se tourne plus pour voir Celui qui parlait derrière lui sur la terre, mais il entend la même voix en haut, dans le ciel, où il est maintenant invité à monter. Le gouvernement du monde de la part du trône dans le ciel, les circonstances et les faits qui l’accompagnent et qui en résultent, telles sont les choses qui se déroulent quand la période assignée à la condition de l’Église a pris fin. Nous trouvons des saints dans le caractère individuel, soit parmi les douze tribus d’Israël, soit issus de toutes les nations mentionnées comme telles, mais cela ne fait que rendre le contraste encore plus frappant. Désormais, quand ils sont un peu particulièrement désignés, ils sont nommés comme Juifs et comme Gentils, à cause qu’il n’y avait plus d’Église sur la terre ; car la signification et l’essence même de l’Église est qu’il n’y a ni Juif ni Gentil, parce qu’ils sont tous un en Christ. Je crois que les détails des sept épîtres renferment l’instruction pratique la plus grande. Il est vrai que l’Esprit les adressait aux églises ; mais « celui qui a des oreilles » a expressément ordre de faire attention, et cela, aux appels du Seigneur envoyés à eux tous.

Note

Il peut être bon, maintenant que nous connaissons la portée des sept épîtres, de signaler les objections faites par l’évêque Newton contre leur signification la plus large. « Plusieurs prétendent, et parmi eux des hommes aussi savants que More et Vitringa, que les sept épîtres constituent une prophétie d’autant de périodes successives, et d’états de l’Église, depuis le commencement jusqu’à la fin de tout. Mais il ne paraît pas qu’il y ait, ou qu’il doive y avoir, sept périodes de l’Église, ni plus ni moins. Ces épîtres renferment aussi plusieurs caractères internes qui étaient particuliers à l’église de cet âge, et ne peuvent s’appliquer aussi bien à celle de quelque autre temps. Entre autres arguments contre cette manière de les entendre, il y a aussi cette raison évidente, que ce même livre décrit le dernier état de l’Église comme le plus glorieux de tous, tandis que dans le dernier état que nous présentent ces épîtres, l’état de Laodicée, l’Église est représentée comme malheureuse, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nue » (œuvres de Newton, vol. 1, p. 549, éd. 1782).

Maintenant, il est clair que ces mots : « il ne paraît pas » sont plutôt une assertion qu’une preuve. Pourquoi ne paraît-il pas ? D’autres pourraient faire la même objection, et peut-être avec tout autant de force, contre les sept sceaux, les sept trompettes, et les sept coupes. Il a plu à Dieu de spécifier dans chacun de ces cas sept points saillants, pour ainsi dire, comme Son récit complet de chacun. « Les principaux sujets de ce livre », venait précisément de remarquer l’évêque, « sont composés de sept, sept églises, sept sceaux, sept trompettes, sept coupes ; selon que le nombre sept était aussi un nombre mystique dans tout l’Ancien Testament ». Si cette réponse est satisfaisante pour les sept coupes, pourquoi ne l’est-elle pas pour les sept épîtres ? Sans doute, il peut falloir plus de spiritualité pour un juste discernement dans le dernier cas que dans le premier, une de ces deux séries se rapportant à des jugements extérieurs dans le monde, tandis que l’autre prend connaissance de telles et telles conditions spirituelles remarquables, bonnes ou mauvaises, dans l’histoire de l’Église, comme le Seigneur a trouvé bon de les signaler. Aussi pouvait-on, a priori, s’attendre à trouver parmi les chrétiens une plus grande divergence de jugement dans leur manière d’appliquer Apocalypse 2 et 3, que dans leurs vues à l’égard des autres parties du livre. Lors même donc que ce que dit Newton sur le manque d’accord touchant les diverses périodes de l’Église, serait véritable, le principe général n’en demeurerait pas moins ferme. Mais tel n’est point le cas : et il y a un accord frappant à l’égard des trois ou quatre premières églises. Naturellement, nous n’insistons pas sur cet accord comme s’il devait faire le moins du monde autorité, mais comme une réponse suffisante à l’accusation de désespérante divergence mise en avant par l’évêque Newton. Il serait facile de répliquer par les systèmes si contraires d’interprétation des sceaux, des trompettes et des coupes. Il est singulier, cependant, que l’évêque rende témoignage dans la page suivante à la signification mystique de l’épître à Smyrne. Car « l’affliction de dix jours » est expliquée là de la plus grande persécution que l’Église primitive ait jamais endurée, la persécution de Dioclétien qui dura dix ans, et affligea cruellement toutes les églises orientales. Sentant qu’une telle application, non pas dans les promesses qui s’y rattachent, mais dans le corps de l’épître, est fatale à l’application exclusivement littérale qu’il en fait, l’évêque admet là-dessus que « la partie relative aux promesses ou aux menaces prédit quelque chose de leur condition future », et affirme que « dans ce sens, mais non pas dans un autre, ces épîtres peuvent être appelées des épîtres prophétiques » (p. 550). Mais comment s’arrêter là, une fois que vous reconnaissez, comme il le fait pour l’épître à Smyrne, une portée qui s’étend au-delà de l’église purement locale de ce temps, une fois que vous y faites entrer tout l’Orient, et que vous reportez sa date au commencement du quatrième siècle ? Et certes, cette terrible persécution ne fut pas limitée en Orient, car tout l’empire, sans en excepter l’Espagne et la Bretagne, se souilla du sang chrétien. Si le principe est vrai dans une de ces épîtres, pourquoi ne le serait-il pas dans toutes ? Et, de fait, le déclin général n’est-il pas signalé aussi clairement dans la lettre à Éphèse, que la persécution l’est dans celle à Smyrne ? Et Pergame ne décrit-elle pas les influences corruptrices de l’exaltation mondaine de l’Église, d’une manière aussi manifeste que Thyatire exprime l’orgueilleuse et obstinée fausse prophétesse du papisme ? Sans doute, le caractère peu satisfaisant que notre Seigneur rattache à Sardes doit être pénible et embarrassant pour ceux qui ne voient que le protestantisme ordinaire et son honnête orthodoxie. Et peut-être voit-on encore avec plus de déplaisir un autre témoignage subséquent au protestantisme, qui place ceux qui le portent dans la faiblesse et le mépris, en dehors du monde religieux, avec la venue de Christ comme leur bénie et encourageante espérance. Mais il est évident que le tableau de la dernière assemblée, dans sa déplorable tiédeur et le rejet qu’en fait le Seigneur, était la grande difficulté pour l’évêque Newton, à cause de son incompatibilité avec sa théorie touchant le dernier état de l’Église, « décrit dans ce livre même comme le plus glorieux de tous ». Mais c’est là une erreur complète. L’Apocalypse ne décrit jamais l’Église sur la terre après Laodicée. La glorieuse description à laquelle fait allusion l’évêque est probablement celle que nous trouvons en Apocalypse 19-21, où l’Église tout entière est glorifiée en haut. En un mot, cette raison est évidemment sans force. L’épouse de l’Agneau doit régner, mais cela n’est point en contradiction avec le témoignage solennel de l’épître à Laodicée, que le dernier état de la chrétienté ici-bas doit être comme celui d’Israël avant elle, « pire que le premier ». Le témoignage général du Nouveau Testament tout entier confirme le témoignage porté par cette portion particulière, comme cela ressort de Luc 17, 26-37 ; 2 Thessaloniciens 2, 1-12 ; 2 Timothée 3, 1-5 ; 2 Pierre 2 et 3 ; 1 Jean 2, 18 ; Jude 11-19.

Chapitre 4

Nous sommes maintenant arrivés à la partie strictement prophétique du livre de l’Apocalypse. Les sept assemblées forment ensemble ce que le Saint Esprit nomme « les choses qui sont ». Et le Fils de l’homme a été vu jugeant la maison de Dieu sur la terre, représentée par les églises d’Asie. Elles existaient au temps de Jean, et, d’une manière mystique au moins, elles ont une existence continue et, jusqu’à un certain point, successive, aussi longtemps qu’un témoignage est rendu par le corps professant sur la terre. Si l’application de ce qu’elles signifiaient littéralement appartient au passé, leur portée comme représentant l’Église dans son existence prolongée continue encore.

Au chapitre 1, 19, il nous est dit que, outre « les choses que tu as vues », et « les choses qui sont », il y a une troisième division : « les choses qui doivent arriver ci-après » (vers. angl.). Le mot « ci-après » est vague, tandis que le sens indiqué paraît précis : il faut lire, « les choses qui doivent arriver après celles-ci », comme signifiant ce qui doit suivre après que l’Église a pris fin sur la terre. Son histoire actuelle se clôt ici, bien qu’il lui soit réservé une meilleure existence dans le ciel, et qu’elle doive régner aussi sur la terre au jour de la gloire milléniale. Nous arrivons donc à cette partie toute prophétique. Les chapitres 4 et 5 sont une espèce de préface aux « choses qui doivent arriver après celles-ci ». Leur grand objet est de nous montrer, non les événements qui surviendront sur la terre, mais l’attitude ou l’aspect sous lequel Dieu apparaît, et la position de ceux qui sont le plus près de Lui pendant la durée des événements futurs, c’est-à-dire, la crise du présent siècle. Il me faut m’arrêter un peu sur le premier de ces chapitres.

« Après ces choses je vis, et voici une porte fut ouverte dans le ciel, et la première voix (que j’avais ouïe, comme d’une trompette, parlant avec moi), » etc. (v. 1). Ici, « la première voix » ne veut pas dire la première des voix qui allaient maintenant parler, ainsi que plusieurs l’ont étrangement pensé, mais la voix que Jean avait déjà entendue au chapitre 1 — la voix de Celui qui était au milieu des sept chandeliers d’or. Elle lui parle encore comme la voix d’une trompette, toutefois non plus de la terre, mais du ciel. Il y avait là une porte, et c’est de cette porte que la voix parlait — en sorte que cette portion du livre fait supposer que pour le moment c’en est fait avec la terre, et que la scène a lieu en haut. Ce n’est pas simplement que les saints rendent témoignage sur la terre ; mais la voix parle du ciel, montrant les choses qui doivent faire suite à la condition de l’Église sur la terre, en ce moment-là arrivée à son terme. « Monte ici et je te montrerai les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Puis il est rapporté que Jean fut sur-le-champ en Esprit (v. 2), c’est-à-dire qu’il se trouva dans un état caractérisé par la puissance du Saint Esprit, de manière à entrer dans les scènes nouvelles qu’il avait désormais à contempler.

« Et voici un trône était placé dans le ciel, et sur le trône quelqu’un était assis. Et Celui qui était assis », etc. Dieu, comme tel, n’est pas nommé dans cette description, excepté comme Celui qui est assis sur le trône. Il va nous montrer quel était l’aspect sous lequel apparaissait Celui qui était assis sur le trône, tandis qu’il y a en Dieu ce qu’aucun homme n’a vu, ni ne peut voir ; c’est la représentation, d’une façon symbolique, de la gloire de Dieu. Il peut revêtir quelque forme qu’il Lui plaît ; mais pour autant qu’Il en permet ici le déploiement, c’est celle à laquelle répond la figure de ces pierres précieuses. Au chapitre 21, l’Épouse, la nouvelle Jérusalem, descend « du ciel d’auprès de Dieu », « ayant la gloire de Dieu », et « son luminaire était semblable à une pierre très précieuse, comme à une pierre de jaspe cristallin », etc. Il est de toute évidence que ceci ne saurait être la gloire essentielle de Dieu. Cela indique plutôt, je pense, qu’il ne s’agissait pas d’une gloire humaine, mais d’une gloire divine. Il y a en Dieu ce qu’Il peut conférer à la créature, et il y a ce qui est incommunicable. Ici la gloire divine est mise pour contraster avec la gloire de la créature, non pas celle qui dérogerait à la majesté de Dieu, mais celle qui en serait un reflet. Son luminaire était comme une pierre de jaspe ; la muraille aussi était de jaspe (v. 18), ainsi que le premier fondement (v. 19)[6]. L’aspect général de la cité était comme de jaspe. Ceci répond un peu, je pense, à ce qui nous est présenté dans le chapitre 4, de la vue dont il fut donné à Jean de jouir, de Celui qui était assis sur le trône. En Romains 5, 2, il est dit que non seulement nous avons accès à la grâce de Dieu dans laquelle nous nous tenons fermes, mais que nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. La gloire de Celui qui était assis sur le trône, en tant qu’elle pouvait être contemplée par la créature, est présentée sous la figure du jaspe et du sardius (v. 3). Et quand l’Église apparaîtra dans la gloire de Dieu, sa lumière sera comme de jaspe. C’est-à-dire, que c’est la pensée de la gloire de Dieu, et non de celle de l’homme, qui est présentée à l’esprit. Même au « jour éternel », on ne verra jamais que Dieu abandonne ou abaisse la dignité de Sa propre divinité ; car il y aura toujours une distance infinie entre Dieu et les créatures les plus élevées. Cependant il y a de la ressemblance entre la gloire de Dieu, telle que l’homme la voit, et la gloire que l’Église revêtira bientôt. Et ceci correspond exactement aux paroles de notre Seigneur dans l’évangile de Jean (17, 22, 23) : « Et la gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi ; afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé ».

Mais outre la manifestation de la gloire divine, il y avait un arc-en-ciel autour du trône. Ceci ramène évidemment nos pensées vers l’alliance que Dieu a traitée, non avec Son peuple d’Israël, mais avec la terre en général. L’alliance avec Son peuple est mentionnée pour la première fois au chapitre 11 de ce livre, où l’on voit le ciel ouvert et dans Son temple l’arche de Son alliance. Ce n’est pas la nouvelle alliance elle-même ; car lorsqu’elle sera établie il n’y aura point de tremblements de terre, d’éclairs et de tonnerres, etc. : ce sera le jour de paix et de bénédiction pour Israël. Mais au temps marqué par la vision, Dieu fera voir qu’Il a égard à Son alliance. Ici l’arc-en-ciel indique que Dieu se souvient de Son alliance avec la terre. L’arche dont il est parlé au chapitre 11 indique que Dieu se souvient de Son alliance avec Son peuple. Dieu va exercer des jugements sur la terre et sur ceux qui avaient la responsabilité d’être Son peuple. Mais Il prend la peine de montrer, avant qu’un seul jugement tombe, qu’il y a de la miséricorde en réserve. Avant qu’Il touche à la création, il y a le signe de Son alliance avec la terre ; tout comme on voit l’arche de Son alliance quand Il est forcé de frapper de plaies Son peuple d’Israël. L’arc-en-ciel témoignait que Dieu n’avait pas oublié Son ancienne parole — Il ne saurait oublier. L’arc-en-ciel est le signe de la miséricorde. Il mesure les cieux, et embrasse, sur la terre et dans la mer, tout ce que Dieu a placé sous cette miséricordieuse garantie, dont Il a mis le signe dans cet arc merveilleux. Mais ici nous trouvons l’arc-en-ciel non seulement sur le monde, mais encore autour du trône dans le ciel. Ce n’est pas là sa place habituelle ; mais il était doux pour Jean, au milieu de toute cette splendeur, de voir Dieu désireux de remplir son cœur de confiance. Il n’avait pas simplement la vision de ce qui allait arriver sur la terre ; mais il voit l’arc-en-ciel dans la sphère de la manifestation et de la puissance divines, en haut. Dieu nous montre Sa propre gloire, et en même temps l’arc-en-ciel nous déclare que Dieu est véritable — que c’est à dessein qu’Il amène l’homme à penser au gage donné après le grand jugement d’autrefois ; et d’autant plus que, pour rassurer nos cœurs, Il le met maintenant dans cette place particulière, où jamais auparavant on n’avait vu d’arc-en-ciel. Mais quoique particulière, que pourrait-il y avoir de plus significatif, car il s’agit du trône de Dieu, le Tout-puissant, le Créateur, le Maître souverain de toutes choses ? Il est peut-être inutile de remarquer que, naturellement, aucune de ces choses n’arrivera d’une manière littérale ; mais la vision était comme un panorama, plaçant tout devant les yeux du prophète — vivante et admirable façon de transmettre ce que Dieu voulait enseigner ! Quand on est entièrement établi dans la grâce de Dieu, rien n’est plus important que l’étude de ce livre ; mais ce peut être nuisible aux âmes qui ne sont pas ainsi fondées dans la grâce, de s’absorber dans l’Apocalypse.

Nous avons donc premièrement le trône de Celui qui est le centre et la source de toute l’action, la gloire et la majesté de Dieu étant représentées par le symbole du jaspe et de la sardoine ; et ensuite il y a l’arc-en-ciel, emblème familier de la fidélité de Dieu envers la création. L’arc-en-ciel était d’un genre particulier, « semblable, à le voir, à une émeraude » (v. 3). Il serait difficile d’avoir des couleurs plus opposées que celles qui représentent la majesté divine, et l’émeraude si agréable aux yeux. Le Saint Esprit produit sur nous par ces simples symboles une vive impression ; car ce livre n’a pas été écrit pour les savants, mais en vue des saints dans l’affliction. Il a été remarqué, même par des hommes du monde, que l’Apocalypse était spécialement le livre recherché par les chrétiens persécutés ; et il me semble que, tandis que ceux-là s’égarent, ici comme partout, qui en font un champ de recherche et de spéculation humaines — il doit présenter une brillante idée générale à l’esprit d’un croyant illettré qui regarde à Dieu et désire la gloire de Son Fils.

La première pensée que m’a suggérée ce chapitre est que le véritable lieu d’où l’on puisse considérer toutes les choses qui devaient arriver après les églises, c’est le ciel. Ce n’est pas sur la terre, ou de la terre, que nous pouvons bien juger de ces événements. C’est d’en haut qu’il nous faut apprendre et regarder. Si nos pensées sont aux choses de la terre, nous n’aurons jamais l’intelligence de ces événements. Si je ne suis qu’au niveau de la scène sur laquelle les jugements se passent, je m’efforcerai de tirer le meilleur parti de toute chose et d’éviter les jugements ; je n’entrerai pas par la porte ouverte dans le ciel. Il faut prendre une position céleste comme le fondement, et l’unique fondement, sur lequel ces visions puissent être justement appréciées.

Nous voyons ensuite Dieu et Son trône — Son pouvoir s’exerçant par Sa providence. Le trône n’est pas lui-même en rapport avec la sacrificature, mais avec la puissance d’où procède le gouvernement divin. Dieu veut affermir les âmes dans la pensée que c’est Lui qui gouverne, même au milieu de toute la malice qui devait se développer au temps des bêtes, ou de l’apostasie finale. Ce que contemple le voyant, c’est le trône de Celui qui n’avait pas besoin d’être nommé, mais qui laisse voir Sa gloire, autant qu’elle peut être vue par la créature. De Son trône dans les cieux, Il s’occupe du monde. Puis, nous voyons Son trône environné du signe de Son alliance avec la création. Ensuite, au verset 4, le prophète voit qu’autour du trône de Dieu, se trouvent d’autres trônes. La raison pour laquelle il y a ici des trônes plutôt que des « sièges » est que c’est une partie de l’essence de la vision de montrer que les personnes qui y sont assises étaient des personnes revêtues de la dignité royale. Le même mot signifie trône et siège ; le choix est déterminé seulement par ses rapports avec le contexte. Nous ne dirions pas d’une personne d’une humble condition qu’elle est assise sur un trône, ni du souverain dans une séance royale qu’il est assis sur un siège. Nous en jugeons par la nature du sujet.

Autour du trône de Dieu, sur la scène d’une gloire telle que l’homme n’en avait peut-être jamais vue, il y a donc d’autres trônes sur lesquels des anciens sont assis, personnes douées de la sagesse d’en haut et qui entrent dans les pensées et dans les conseils de Dieu. Ils sont vêtus de vêtements blancs qui répondent à leur dignité sacerdotale comme leurs couronnes à leur dignité royale. Ce sont évidemment des saints, et on les voit dans le ciel, autour du grand trône central, avant que commence le jugement du monde. Leur nombre est de vingt-quatre, correspondant aux vingt-quatre classes de sacrificateurs en Israël. Lorsque le précurseur du Seigneur devait naître, son père Zacharie était sacrificateur de la classe ou du rang d’Abia. Si nous regardons en 1 Chroniques 24 pour voir ce que sont ces divisions, nous trouvons que la huitième était celle d’Abia. La sacrificature était ainsi divisée afin que chacun s’acquittât successivement de l’œuvre sacerdotale, chaque classe ayant son principal sacrificateur. Le souverain sacrificateur n’est pas nommé ici : nous savons tous qui Il est ; mais nous avons les vingt-quatre anciens correspondant à ces vingt-quatre classes de la sacrificature, ou plutôt aux chefs qui les représentaient (v. 4).

Mais il s’élève une question extrêmement intéressante. Si ces anciens avec des couronnes et des trônes représentent, comme peu le nieront, les saints célestes, à quel temps et à quelle condition cette vision s’applique-t-elle ? 1° Parle-t-elle de ceux qui ont délogé pour être avec Christ ? Ou bien 2°, préfigure-t-elle la manifestation du royaume de Christ et de Ses saints durant le millénium ? Or, je tiens pour certain que l’une et l’autre de ces questions doivent être résolues négativement, et que l’époque de ce chapitre 4, et, partant, l’intervalle pendant lequel les anciens sont ainsi occupés en haut, sont postérieurs à l’état de séparation en tant qu’il s’agit d’eux, et précèdent le règne millénial. Car, en premier lieu, il est évident que le symbole des vingt-quatre anciens renferme tous les chefs de la sacrificature céleste — non pas seulement une partie, si grande qu’elle soit, mais leur nombre total. Il y avait exactement ce nombre de classes et pas davantage. Dans la vision, elles sont au complet ; et dans la réalité, que la vision symbolise, il ne saurait en être ainsi tant que les saints sont absents du corps et présents avec le Seigneur. Durant cet état de choses, il y aura toujours des membres de l’Église sur la terre. Car « nous ne dormirons pas tous ». Et lorsqu’au retour du Seigneur « les morts en Christ ressusciteront premièrement », « nous les vivants, qui demeurons, serons ravis ensemble, avec eux, dans les nuées à la rencontre du Seigneur en l’air, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur ». C’est-à-dire que le symbole, bien compris et bien interprété, exige le rassemblement de tous les membres de Christ dans la même condition ; et comme ceci ne sera jamais vrai des esprits séparés du corps, il s’en suit nécessairement que la vision ne sera réalisée que lorsque « nous serons tous changés », et avec le Seigneur. Mais secondement, il est clair que, quoi que puissent présenter par anticipation les cantiques des anciens ou de ceux qui se joignent à leurs accords, tant les actes des anciens que l’ensemble de la scène céleste, dans laquelle ils jouent un rôle si considérable depuis le chapitre 4 jusqu’au chapitre 19 — supposent que le règne sur la terre ne s’établit pas de fait, jusqu’à ce que Christ ait quitté le ciel avec Ses saints pour accomplir le jugement sur Ses ennemis. Mais le nombre des anciens est complété beaucoup plus tôt : personne ne peut nier qu’ils sont dans le ciel avant et pendant les jugements symbolisés par les sceaux, les trompettes, et les coupes. La conséquence est manifeste : il faut que les saints qu’ils représentent soient tous dans le ciel, avant que ces jugements commencent de s’accomplir. Le millénium ne vient pas avant Apocalypse 20 ; les anciens, figurant les saints glorifiés, sont longtemps auparavant avec le Seigneur dans leurs corps transmués. Quand Il vient du ciel, pour la destruction de la bête, ils Le suivent et règnent ensuite avec Lui mille ans. D’autres, je n’en doute pas, leur seront adjoints en ce règne-là : ceux-ci ne seront pas glorifiés dans leurs corps jusqu’à Apocalypse 20, ayant souffert, après l’enlèvement de l’Église, sous la bête, etc. Mais Apocalypse 4 indique que cet enlèvement aura eu lieu alors, et que les saints enlevés sont vus sous le caractère d’une sacrificature royale intéressée, comme ayant la pensée de Christ, aux épreuves, aux souffrances, aux témoignages, et aux espérances de ceux qui leur ont succédé comme témoins de Dieu, durant cette heure de tentation qui viendra sur tout le monde habitable pour éprouver ceux qui habitent sur la terre. Pour les saints eux-mêmes transportés en haut, ce n’est pas encore le temps des noces de l’Agneau ; et pour cette raison ainsi que pour d’autres, ils sont regardés ici non comme le corps ou l’Épouse, mais comme rois et sacrificateurs rendant hommage, et encore dans l’attente de leur manifestation en gloire alors qu’ils jugeront le monde.

Il existe un rapport étroit et solennel entre ceci et la mention de vingt-cinq hommes faite en Ézéchiel 8, 16 ; et dans ma pensée, ils forment l’ensemble des chefs de la sacrificature — les vingt-quatre chefs avec le souverain sacrificateur. Mais où sont-ils maintenant ? Hélas ! à la tête même de l’idolâtrie et de tout le mal commis dans le temple de Jéhovah. Ils sont là, non point comme ceux dont la robe parle du sang qui purifie, mais comme les corrupteurs du saint étendard de Dieu et du peuple d’Israël qu’ils conduisent à l’apostasie ; de sorte que s’il faut que le jugement soit infligé, il devra commencer par la maison de Dieu. Il y a une espèce de contraste entre la scène décrite ici et celle que nous trouvons en Ézéchiel. Nous avons là en premier lieu les quatre animaux — symbole des jugements exécutés de la part de Dieu, de Son autorité judiciaire détruisant le mal. Le résultat terrestre de l’action de ces animaux, tel qu’il est présenté en Ézéchiel, pouvait être la destruction de Jérusalem ; mais ce fut là tout ce que l’homme vit.

Les chérubins et les animaux (Zôa) sont la même chose ; il faut les distinguer soigneusement des bêtes (Thêria) mentionnées plus loin. La première fois qu’il est parlé des chérubins, c’est dans la première partie du livre de la Genèse, chapitre 3. Nous les voyons paraître immédiatement après que le péché est entré dans le monde. C’étaient les êtres auxquels l’œuvre du jugement était confiée. « Il mit des chérubins vers l’orient du jardin d’Éden avec une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie ». L’emblème de leur puissance était cette épée flamboyante. Si nous jetons encore un coup d’œil au second livre de Moïse, les chérubins s’y trouvent de la façon la plus bénie. Où regardaient-ils ? Au-dedans. S’ils eussent regardé dehors, ils auraient vu des pécheurs ; s’ils eussent regardé dessous, dans l’arche, ils y auraient vu la loi ; mais ils regardaient au-dedans, sur le propitiatoire, au sang dont il était arrosé. Là était le sang qui témoignait de la parfaite miséricorde de Dieu, qui avait rencontré le péché et en avait triomphé, et là était aussi la puissance de Dieu : l’un et l’autre s’unissant pour maintenir la gloire de Dieu et travailler en faveur de l’homme au lieu d’agir contre lui. Si nous considérons de nouveau les chérubins au temps de Salomon, on remarquera une différence sensible. Leur position change complètement, et au lieu de regarder en dedans, ils regardent en dehors, parce que les jours de Salomon typifient le temps de la gloire, lorsque gouvernera le véritable homme et Prince de paix. Et pourquoi, alors, ne regarderaient-ils pas en dehors ? Le péché aura été jugé, et au lieu que la bonté du Seigneur se répande, pour ainsi dire, goutte par goutte çà et là, le Seigneur Lui-même descendra comme la rosée sur l’herbe fauchée, comme la pluie qui arrose la terre, et la terre entière sera remplie de Sa gloire — réalisation fidèle de la gloire du Fils de David. Quand la miséricorde aura son cours complet, que le jugement aura été exécuté, rien n’empêchera les chérubins de proclamer la bonté du Seigneur. Mais en Ézéchiel, une terrible crise survenait. Le propitiatoire avait été méprisé, et la gloire de Salomon était flétrie. Israël péchait à main levée, et le temple lui-même était le lieu où Dieu était surtout déshonoré, et là les chérubins semblent encore dire : « Dieu ne peut rien avoir à faire avec ce méchant peuple ; il faut que le jugement ait son cours ». En conséquence, ils abandonnent Israël, en laissant le jugement suspendu sur sa tête. Nous ne les revoyons que comme donnant le signal du jugement et le mettant en vigueur par la main de Nebucadnetsar.

Nous avons la même chose en Apocalypse, avec cette différence qu’en Ézéchiel les animaux se trouvent davantage en rapport avec la terre ; et c’est pour cela qu’ils sont décrits comme ayant des roues aussi bien que des ailes. En Apocalypse, le peuple terrestre étant délaissé pour un temps, et un peuple céleste étant appelé, nous les voyons seulement avec des ailes, figure appropriée au ciel, et non avec des roues, figure appropriée à la terre. Il est précieux de voir par cette omission que même lorsque Dieu va parler de jugement, la forme que revêt l’exécuteur du jugement de Dieu nous indique qu’une interruption céleste est survenue, avant que soit reprise l’histoire du monde. Il est d’une extrême importance, si nous voulons nous former une juste appréciation de ces choses, de se tenir d’un pied ferme sur le fondement sur lequel reposait l’apôtre — d’entrer, pour ainsi dire, par la porte ouverte dans le ciel.

Mais il y a encore ceci : « Et du trône sortent des éclairs, et des voix, et des tonnerres », etc. (v. 5). Évidemment ce n’est point là le trône dont nous avons à nous approcher ; car le nôtre est un trône de grâce, et celui-ci un trône de jugement. Son aspect, tel qu’il est ici décrit, n’a absolument rien à faire avec la grâce. Ce qui en sort n’est pas un fleuve pur comme du cristal, ainsi que c’est le cas du trône mentionné au chapitre 22, mais « des éclairs, et des voix, et des tonnerres » etc., expression du courroux de Dieu. La forme symbolique de l’Esprit de Dieu elle-même, employée ici, répond au tableau : « Il y avait sept flambeaux de feu brûlant devant le trône, qui sont les sept Esprits de Dieu ». Le Saint Esprit ne revêt pas la figure de flambeaux de feu quand Il exprime la grâce de Dieu envers l’Église. Nous avons, sans doute, au jour de la Pentecôte, des langues de feu — magnifique emblème de ce que Dieu allait faire alors, car c’était un pouvoir divin qui donnait à ces hommes illettrés de parler dans toutes les langues. Il descendit sur le Seigneur Jésus sous la forme d’une colombe ; mais cela est tout à fait différent de ce que nous avons en Apocalypse. Ici, c’est la puissance qu’a l’Esprit de Dieu de consumer. Le feu est l’emblème bien connu de la sainteté de Dieu, sainteté qui scrute et sonde tout. C’est comme Saint Esprit dans Sa pleine perfection comme lumière, et dans Son caractère de feu consumant, que l’Esprit nous représente Lui-même Sa relation avec ce temps-là. Il est clair que cela n’a pas trait au royaume millénial, car alors il sortira du trône de Dieu un fleuve d’eau vive, éclatant comme du cristal ; et encore bien moins se rapporterait-il à l’action de l’Esprit dans le corps de Christ durant le temps actuel, tout comme le trône de Dieu n’est pas non plus un trône duquel sortent des éclairs et des tonnerres, etc. Quelle est donc la période avec laquelle ce symbole est en rapport ? C’est un court espace entre le temps où Dieu aura fini Son œuvre dans l’Église et celui où commencera la gloire milléniale. Le temps actuel est celui où Dieu rassemble Ses héritiers, cohéritiers de Christ, et qui forment l’Épouse : et maintenant il y a un trône de grâce, et nous recevons miséricorde et secours pour le moment opportun. Ici, au contraire, les jugements de Dieu procèdent du trône. Ici le Saint Esprit est l’esprit de jugement et de feu brûlant, tout comme le trône est un trône judiciaire et une source de terreurs pour la terre. Ainsi, ce n’est donc ni l’ère paisible de la gloire milléniale, ni le déploiement actuel d’une grâce illimitée, mais une époque intermédiaire. On ne concevrait pas que quelqu’un eût une intelligence claire de ce livre, et ne vît pas que l’Apocalypse remplit l’intervalle succédant à l’enlèvement de l’Église par le Seigneur et précédant Sa venue accompagné de l’Église (chap. 19). Je parle, bien entendu, des visions prophétiques qui remplissent le corps du livre, et non des trois chapitres d’introduction, ni de la fin lorsque le Seigneur est près de paraître. Là, toute la scène est changée ; les cieux sont ouverts pour que le Seigneur Jésus vienne frapper le dernier coup du jugement sur l’iniquité de l’homme et la puissance de Satan ; puis nous avons l’immense courant de bénédictions s’étendant partout. Mais ici c’est l’intervalle qui le précède — un temps du caractère le plus solennel pour le monde, alors que les saints célestes auront été enlevés.

« Et devant le trône, comme une mer de verre, etc. » (v. 6). Non pas une mer d’eau, où l’on pût se baigner, mais une mer de verre. Or, le Saint Esprit se sert du lavage d’eau par la Parole dans le but de nettoyer la souillure, et il n’en était plus besoin pour ceux qui se trouvent ici. Au chapitre 15, il est fait mention d’une autre classe d’individus qui se tiennent sur une mer de verre, montrant qu’il n’est plus question alors de la puissance de l’Esprit agissant à l’égard de ce qui est contraire à Dieu, mais que la victoire est remportée. Il n’est plus question d’épreuve pour les saints célestes. Dans Apocalypse 4 est désormais close dans une pleine paix la scène où se sont passées les épreuves de l’Église, et la voilà assise autour du trône même de Dieu.

Là aussi sont les quatre animaux, pleins d’yeux devant et derrière, qui sont le symbole du discernement ; car bien que ce soit le jugement qu’ils ont à exécuter, nous avons à peine besoin de dire que ce n’est pourtant pas un jugement aveugle. « Le premier animal était semblable à un lion ; le second animal, semblable à un veau ; le troisième animal avait la face comme d’un homme ; et le quatrième animal était semblable à un aigle volant » (v. 7). Ces divers symboles sont empruntés aux chefs des principales classes de la création de Dieu ici-bas, et représentent différentes qualités de Ses jugements : le lion est le chef des bêtes sauvages ; le bœuf ou veau, le chef du bétail ; l’homme, le chef des êtres intelligents ; et l’aigle, celui des oiseaux. Le lion suggère l’idée de la force ou de la puissance majestueuse ; le bœuf, celle de la patience qui endure ; l’homme, celle de l’intelligence ; l’aigle, celle de la rapidité. Dieu nous fait voir la force, la patience, l’intelligence et la rapidité avec lesquelles Ses jugements doivent être exécutés. Les quatre animaux ayant chacun six ailes, dénotent une rapidité surnaturelle, et les yeux de dedans, le discernement intérieur (v. 8). Il en est qui ont supposé, principalement à cause de la proximité dans laquelle les animaux sont du trône suprême, qu’ils devaient, plutôt que les anciens, représenter l’Église[7]. Mais c’est là une opinion entièrement fausse. La raison pour laquelle, à mon avis, ces animaux sont ainsi rapprochés du trône, c’est qu’ils sont les agents de l’exécution des jugements, et que les jugements providentiels seront alors en train de s’accomplir. Ils caractérisent l’action du trône.

« Et ils ne cessent point ni jour ni nuit, disant : Saint, saint, saint, Seigneur Dieu tout-puissant, qui était, qui est, et qui vient ». C’est là une parole remarquable. Ce n’est pas le mal qui les occupe ; mais lorsque Dieu nous montre les moyens ou les instruments par lesquels Il exécute le jugement, nous les entendons s’écrier sans cesse, comme ne pensant qu’à Lui : « Saint, saint, saint ! ».

Pour nos âmes l’un des traits les plus importants de cette scène est celui-ci : les anciens symbolisent les saints célestes dans la gloire, les chefs de la sacrificature céleste vus dans leur précieux emploi en haut. Mais remarquez que quand nous les trouvons là en premier lieu, ils sont parfaitement familiarisés avec la scène ; il n’y a ni tumulte ni anxiété. Ils sont paisiblement assis sur leurs trônes. Ils ne tremblent pas, même en la présence de Dieu. Que des tonnerres, des éclairs, des jugements sortent de Son trône, ils sont néanmoins paisiblement assis sur leurs trônes — pas un seul mouvement ne se produit. Et qu’y a-t-il de nature à les émouvoir ? Les terreurs mêmes ne les troublent pas, le jugement ne les ébranle pas de leurs trônes ; mais « lorsque les animaux rendront gloire et honneur et actions de grâces à Celui qui est assis sur le trône, etc., les vingt-quatre anciens tomberont sur leurs faces », etc. Aussitôt que l’honneur est rendu par les exécuteurs du jugement à Celui qui est assis sur le trône, les anciens adorent. Quelle satisfaction en Dieu cela nous montre — quelle certitude que c’en est fini désormais avec le péché ! Dieu peut être sur le point de juger, mais Il ne jugera pas ceux qui sont faits Sa justice en Christ. Ils sont en harmonie avec Lui, et quand les animaux s’adressent à Dieu et Lui attribuent la gloire et l’honneur et les actions de grâces, c’est alors que les anciens se lèvent de leurs trônes et qu’on les voit se prosterner devant Lui ; bien plus, ils rendent hommage et jettent leurs couronnes devant le trône, disant : « Seigneur, tu es digne de recevoir gloire, honneur et puissance ; car tu as créé toutes choses : c’est à cause de ta volonté qu’elles existaient, et qu’elles furent créées ». Ils entrent, comme ne font pas les animaux, dans la pensée de Son excellence personnelle, et aussi avec une beaucoup plus grande intelligence spirituelle. Ils sont anciens : il leur est donné de comprendre ici la gloire de Dieu dans la création et dans la providence, tout comme au chapitre 5, nous les voyons entrer dans la pensée de l’excellence et de l’œuvre de l’Agneau. « Car tu as créé toutes choses » etc. — non « elles sont et furent créés » ; mais c’est à cause de Sa volonté ou de Son plaisir qu’elles furent maintenues en existence, telles qu’elles avaient été produites au commencement.

(v. 10, 11). Ainsi, leur langage embrasse les deux grandes pensées du chapitre — la gloire de Dieu en création, et Sa gloire en gouvernement. « Qu’elles existaient », c’est-à-dire, elles existaient maintenant par les soins et le gouvernement de Dieu ; « et elles furent créées », c’est-à-dire que c’est à Lui qu’elles devaient leur origine. Ce n’est pas seulement ce que nous éprouverons alors, que Dieu nous révèle ici ; mais Il désire que nous entrions maintenant dans ce que nous aurons alors. Cette gloire nous est déjà donnée. Assurément nous n’aurons pas alors de position semblable, si nous n’y avons pas droit sur la terre. Elle est nôtre maintenant par la foi, bien qu’alors nous devions la posséder dans sa plénitude. Qu’est-ce qui rend capables les anciens d’être si calmes au milieu du jugement ? Ce que Dieu a fait pour eux par le moyen de la croix de Jésus. Mais Dieu l’a fait maintenant. En Christ fut opérée une œuvre parfaite sur la terre, telle qu’elle pouvait l’être dans le ciel. Une autre ou plus excellente œuvre n’y sera pas accomplie, bien que nous puissions en jouir davantage en haut. Dieu a révélé cette scène aux siens pour qu’ils y entrent maintenant avec intelligence, et soient adorateurs dans l’esprit de cette scène, même sur la terre, en voyant la gloire qui leur appartiendra dans le ciel. Le culte est une chose plus sérieuse que beaucoup ne le supposent. Tout ce qui ne sied pas à la présence de Dieu dans le ciel, ne sied pas à la présence de Dieu sur la terre. Même dans les choses extérieures, Il veut que nos cœurs soient exercés. C’est un mauvais signe quand les enfants de Dieu se permettent quelque chose d’incompatible avec Sa présence. Notre responsabilité est que le culte de Dieu s’accomplisse d’une manière digne de Lui — solennellement, mais en liberté. Nous devrions prendre garde de nous laisser distraire, et plutôt nous exciter les uns les autres à jouir davantage du Seigneur.

Le Seigneur veuille que, marchant dans une sainte liberté, et nous souvenant que ce n’est pas l’ordre selon la chair ou selon la forme qu’il nous faut garder, nous soyons préservés de penser que Son ordre à Lui est moins honorable que celui de l’homme ! Puisse-t-Il nous accorder de rechercher ce qui convient à la présence de Celui que nous venons exalter ensemble ! Il nous a donné la position d’adorateurs : puissions-nous L’adorer en esprit et en vérité !

Chapitre 5

Le chapitre précédent nous a fourni un tableau de la plus haute signification et du plus grand intérêt : Dieu dévoilant, pour ainsi dire, l’intérieur du ciel, la pensée et l’emploi du ciel avant que nous voyions tomber sur la terre un seul coup du jugement. Mais ce tableau aurait été incomplet, si le Saint Esprit n’y eût ajouté la scène qui nous est révélée dans ce chapitre. Car s’il y avait une manifestation divine, et si les anciens entraient avec intelligence dans le culte de Dieu, confessant Sa gloire dans la création et dans le gouvernement de Sa providence, cependant, il n’y avait point là de chant, et moins encore le chant du « cantique nouveau ». Or, le grand but du chapitre qui est devant nous, c’est de montrer cette autre et plus parfaite manière dans laquelle nous voyons les anciens se prosterner devant l’Agneau et Lui rendant hommage. Le Saint Esprit prend un soin tout particulier de montrer que Dieu, à mesure qu’Il se dévoile Lui-même, doit être l’objet, la source, et la base de toute l’adoration qui va suivre de la part de la créature. Ce n’est point une conception de l’esprit de l’homme : ce serait de l’idolâtrie. Il nous faut une révélation divine pour avoir une vérité divine et un culte digne d’être agréé. Les figures que nous présente le chapitre 4 ont laissé Dieu dans une sorte de grandeur et de majesté mystérieuses. En conséquence, le culte des anciens n’allait pas au-delà de la pensée que Dieu avait créé et soutenu toutes choses. C’était Sa gloire en création et en providence, et leur louange à eux y répondait d’une manière intelligente.

Dans ce chapitre 5, nous avons une plus précieuse scène. Et pourquoi ? Parce que nous avons l’Agneau. Quelle bénédiction n’apporte-t-Il pas ! Il a effacé le péché — enlevé l’aiguillon de la mort — Il nous a approchés de Dieu, et a mis dans notre bouche un cantique approprié à la présence de Dieu. Dans cette portion bénie de la Parole nous avons, comme en étant le principal sujet, la portée de la rédemption quant à ce qui constitue les occupations et le culte dans le ciel, et leur rapport avec les conseils et les voies de Dieu sur la terre. Tant qu’il s’agissait seulement de la gloire de Dieu dans la création, il n’y avait pas du tout de livre. Mais maintenant le prophète regarde, et il voit « dans la droite de Celui qui était assis sur le trône, un livre, écrit au-dedans et sur le revers, scellé de sept sceaux » (v. 1). Dans les temps anciens, un livre était un rouleau manuscrit, écrit seulement au-dedans pour les cas ordinaires. Mais ici il y a plénitude de révélation. Elle déborde, pour ainsi dire, et est inscrite sur le revers aussi bien qu’au-dedans, et tout à la fois protégée de sept sceaux. Mais remarquez que si Dieu est vu ayant ce livre en Sa main, il n’y a que l’Agneau qui l’ouvre, et que tout le contenu du livre apparaît en connexion avec Lui. Combien il est évident qu’il ne peut jamais y avoir une manifestation de la pensée de Dieu concernant les choses à venir, sans la connaissance de Christ et de Sa gloire en rapport avec elles ! Tout chrétien sait qu’on ne pourrait être sauvé sans Christ ; mais beaucoup ne s’aperçoivent pas que sans Christ, il n’y a point d’intelligence de la prophétie, ni connaissance vraie de ce qu’est l’Église.

C’est ainsi que les hommes forment des associations religieuses et les appellent églises. Mais je n’hésite pas à dire qu’il est plus aisé de faire le ciel et la terre que de faire l’Église de Dieu. Mais la présomption de l’homme s’est élevée à un si haut point, que les choses les plus grandes et les plus saintes de Dieu deviennent l’œuvre (pour ne pas dire le passe-temps) de chrétiens, parce qu’ils ont, de fait, séparé l’Église de la personne de Christ. Ils traitent l’Église comme affaire de choix et de forme, au lieu de reconnaître qu’elle est le champ spécial des opérations les plus pures et les plus profondes de l’Esprit, et l’objet le plus cher des affections de Christ, ainsi que le témoin de Ses principales gloires. L’ordre de l’Église et les voies de Dieu en elle, font ressortir toute la profondeur et toute la hauteur de la sagesse et de la grâce divines. La grande difficulté, aujourd’hui comme de tout temps, vient de ce que ceux que le Saint Esprit rassemble autour du nom du Seigneur Jésus Christ, traînent avec eux un tas d’opinions du quartier d’où ils viennent — des idées et des habitudes longtemps caressées qu’il leur faut désapprendre. Ils ont aussi la même chair que les autres — la même vanité, la même promptitude, la même imagination, etc. Nous devons nous souvenir que ce que les autres ont fait, nous ne sommes pas nous-mêmes moins en danger de le faire. Si l’Église a si tôt failli après que Dieu a eu déployé ici-bas Ses nouveaux et précieux conseils de grâce céleste, il est beaucoup plus facile, maintenant que la chrétienté a abandonné et presque oublié ses meilleurs privilèges, de tomber encore dans la même erreur et la même infidélité. La grande racine du mal, c’est la tendance à regarder l’Église comme étant notre propriété et non celle de Christ. Vous n’arrivez jamais en dehors de Christ à la pleine vérité à l’égard de quoi que ce soit qui concerne soit Dieu, soit nous-mêmes. Il demeure toujours vrai que « la loi fut donnée par Moïse (et il était éminemment un serviteur honoré de Dieu) mais la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ».

Il en est de même de l’interprétation de la prophétie. Si je fais rapporter la prophétie à moi-même ou à mon pays, je puis trouver dans la septième coupe la dernière révolution française, ou la maladie des pommes de terre, ou le choléra asiatique, ou bien quelque chose de ce genre. Je puis prendre le pays « qui fait ombre avec des ailes » pour la Grande-Bretagne et ses vaisseaux, et les « vaisseaux de jonc » pour les navires cuirassés (És. 18). Trouvez-vous cela par trop absurde ? Eh bien, des chrétiens l’ont fait, et cela, parce qu’ils rattachent les choses à eux-mêmes, au lieu de les rattacher à Christ. D’un autre côté, du moment que les choses sont considérées en relation avec Christ, Il est la lumière, et nous sommes délivrés de toutes ces pensées d’homme. Car qu’est-ce que notre pays ou notre temps ? Ni l’un ni l’autre ne sont Christ. Si je recherche la communion avec Lui, je serai dès lors débarrassé du désir de choisir pour centre de mon système quelque chose qui se rapporte à moi. Si l’on regarde sous un point de vue historique aux siècles de ténèbres, ou aux précédentes invasions des barbares, on trouve tout cela très intéressant et l’on en conclut qu’il serait impossible que Dieu eût omis cela dans Son livre, qu’Il doit avoir dit quelque chose au sujet d’une transition aussi importante. C’est ainsi qu’on s’est imaginé que l’invention même de la poudre était anticipée en Apocalypse 9 ; la découverte de l’Amérique au chapitre 10, et l’importance politique du protestantisme au chapitre 11. En un mot, il n’est idée bizarre que l’on n’ait pas cru découvrir dans l’Apocalypse. Et de telles choses sont avancées même par des gens pieux ! N’y a-t-il pas pour nous un avertissement dans tout cela ? Puissions-nous être préservés du même piège qui a entraîné des personnes naturellement aussi sobres (ou aussi faibles) que nous ! Dieu nous fait voir qu’il n’est pas de mesure de connaissances de science, de sincérité, non pas même de piété, qui nous rende capables de comprendre Dieu, ou Sa Parole. Qu’est-ce donc qui nous donnera cette capacité ? Christ seul.

C’est l’Agneau, et non point nos propres pensées, qui nous initie aux choses de Dieu. Il en est beaucoup qui pensent que l’Église étant l’objet particulier de l’amour de Dieu, toute la prophétie doit s’y rapporter. Idée des plus erronées ! Le contraire est la vérité. De fait, il serait plus vrai de dire que l’Église n’est jamais le sujet dont la prophétie s’occupe. L’affaire propre de cette dernière, c’est de traiter des événements terrestres, et l’Église a sa place dans la gloire céleste. Quand nous arrivons à la véritable intelligence de ce livre, nous voyons que le jugement en constitue le sujet ; et l’objet exprès de ces deux chapitres est de nous montrer qu’avant qu’un seul jugement sorte du trône, l’Église est retirée de la scène, et, pouvons-nous dire, a reçu domicile dans la gloire céleste. Les cohéritiers étant alors avec Christ, Dieu se prépare à introduire dans de monde Son héritier premier-né. Si on ne voit pas cela, l’Apocalypse ne saurait être comprise dans son ensemble. On peut bien tirer de l’encouragement d’une portion particulière, mais ce n’est pas là avoir l’intelligence du livre. Pour comprendre la portée de la prophétie, il faut que je fasse de Christ, et non de l’Église, son objet ; autrement je suis hors du point de vue auquel le Saint Esprit l’a écrite. Ce n’est pas l’Église mais Christ qui est le centre du royaume de Dieu. Les astronomes pensaient que la terre était le centre autour duquel gravitaient les corps célestes, jugeant superficiellement des choses par ce qui s’en présentait à leurs sens. Christ est le vrai centre et le vrai soleil du système de Dieu. Dans notre chapitre, nous voyons Dieu sur le point de dévoiler ce qu’il était impossible à l’homme de découvrir. « Un ange fort proclamant à haute voix », etc. (v. 2). Les anges sont les êtres « qui excellent en force » — non en intelligence. Nous ne pouvons pas supposer qu’ils possèdent la même nature d’intelligence que ceux qui sont membres du corps de Christ. Il n’est et ne peut jamais être dit des anges qu’ils sont scellés du Saint Esprit, tandis que c’est Lui, le Saint Esprit, qui en rendant témoignage à Christ, est la puissance d’intelligence dans le plus faible enfant de Dieu. Si je veux connaître la vraie position de l’Église, comme corps, je dois regarder à la position de Christ comme Tête ; et si je désire apprendre ce que Dieu va faire à l’égard de la terre, il me faut examiner le témoignage de Dieu touchant Christ comme Fils de David et comme Fils de l’homme. Si je mets, involontairement sans aucun doute, l’Église à la place de Christ, je me tromperai complètement. C’est bien vrai que Dieu aime Ses saints, et qu’il est dans Son intention qu’ils partagent avec Christ le gouvernement sur toute la terre. De ceci l’homme conclut que l’Église doit avancer et prospérer ici-bas ; mais quand les révélations divines touchant Christ sont plus sérieusement pesées, j’apprends une autre vérité — savoir, que Christ vient comme juge. Cela suppose naturellement que le corps professant n’a pas rempli sa mission, car s’il l’eût remplie, sur qui, dans la chrétienté, Dieu devrait-Il faire fondre Son jugement ? « Cet esclave qui a connu la volonté de son maître, et qui ne s’est pas préparé, et qui n’a point fait sa volonté, sera battu de plusieurs coups ».

Voyez la vérité que Dieu met devant nous ici. En premier lieu, il y a le livre, c’est-à-dire la révélation des conseils de Dieu relativement à la terre. Pas une seule créature ne fut trouvée digne d’ouvrir le livre, ni de le regarder. À cause de cela le prophète pleure (v. 3, 4). On ne doit point oublier que dans ce livre, l’apôtre Jean n’est pas présenté dans sa complète position comme apôtre dans l’Église, mais plutôt comme prophète. Il était, c’est vrai, un membre des plus honorés du corps de Christ ; mais le but de ce livre n’est pas de montrer notre proximité avec Dieu dans cette relation-là : c’est comme prophète de jugement intermédiaire et de gloire finale, qu’il est vu. Il n’est pas considéré comme ayant une parfaite communion avec ce qui se passait autour de lui. Mais ceci est bien le trait caractéristique de la description des saints de l’Ancien Testament, ainsi qu’il est dit en 1 Pierre 1 : « duquel salut les prophètes se sont enquis », etc. Il se peut aussi que le prophète Jean se soit trouvé ici dans cette position, principalement parce que le livre de l’Apocalypse n’est pas destiné seulement à l’Église, qui allait être dans le ciel et qui même était vue au ciel ; mais qu’il est encore destiné à un corps de témoins trouvé sur la terre après le départ de l’Église, et qui passera par de terribles souffrances dans les derniers temps. Jean est un personnage qui représente plutôt, semble-t-il, ceux qui jouiront de l’Esprit de prophétie ici-bas en Israël, après l’enlèvement de l’Église au ciel, que ceux qui, comme fils, ont un titre, par grâce, à la communion avec le cœur de leur Père.

Les anciens nous montrent la vraie position qui appartient aux saints célestes ; et en conséquence, lorsque Jean pleurait beaucoup, un des anciens qui comprenait parfaitement ce qui se passait, lui dit : « Ne pleure pas : voici, le lion qui est de la tribu de Juda, la racine de David, a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux » (v. 5). Voici tout d’un coup le Seigneur Jésus introduit. Sa personne est manifestée, mais c’est en rapport avec les desseins terrestres de Dieu. Il est appelé « la racine de David ». David est celui que le Seigneur avait élu roi d’Israël (Ps. 78). Emphatiquement, Il était David « le roi ». Ce titre est donc l’expression des conseils de Dieu à l’égard de Christ pour ce qui concerne la terre. Vous avez Juda choisi pour être la grande tribu en connexion avec le Christ ou Messie. Voici dans quel langage et sous quel caractère les anciens annonçaient le seul qui pût ouvrir ce livre — « le lion qui est de la tribu de Juda ». Le lion implique l’idée de majesté et de puissance parmi les bêtes sauvages de la terre. Jacob avait comparé Juda à un lion. Tout s’enchaîne dans l’Écriture. Le Saint Esprit qui parla par Jacob sur son lit de mort, parle maintenant au moyen de Jean, et révèle que, tout rejeté qu’il soit de la terre, le lion de la tribu de Juda est reconnu en haut comme Celui en qui tous les desseins de Dieu ont leur centre. Il était « la racine de David », titre qui avait une plus grande portée que celui de Fils de David. Il était le Seigneur de David. Il pouvait sortir de David, mais il était toutefois la racine de David, la source réelle, quoique secrète, de tous les titres et de toutes les promesses qui lui avaient été faites ; tout comme Jean-Baptiste disait : « Il vient après moi » — bien qu’en réalité Il fût avant lui. Mais il y a une autre déclaration remarquable. Il n’est pas dit seulement qu’Il était digne, mais qu’Il « a vaincu ». Le petit mot « vaincu » (conquis, subjugué) est lié avec tout le sujet du chapitre ; c’est la victoire de Jésus dans la rédemption. Le Seigneur Jésus a été de tout temps digne de prendre le livre ; mais s’Il l’eût reçu et ouvert sur le seul fondement de Sa dignité personnelle, que nous eût valu cela ? Il aurait dû rester encore scellé pour nous. C’est pourquoi le Seigneur n’a pas seulement prouvé qu’Il était personnellement digne d’ouvrir le livre contenant les futurs conseils de Dieu, mais qu’Il avait vaincu ; et c’est en vertu de cette victoire que nous sommes mis en droit d’écouter et de comprendre.

« Et je vis, au milieu du trône et des quatre animaux, et au milieu des anciens, un agneau qui se tenait là, comme immolé », etc. (v. 6). Jean avait entendu parler d’un lion, mais maintenant qu’il vient à regarder, c’est un agneau. Là où il s’attendait à trouver le symbole de la puissance, se présentait à tous les regards le tableau de la souffrance et du rejet les plus saints. Et tel était l’emblème de Christ, en tant que vu même sur le trône dans toute la gloire du ciel : Celui qui était frappé, en qui il n’y avait point de fraude et qui ne résistait pas — « un Agneau comme immolé ». Il est revêtu de la puissance parfaite ; les sept cornes, sans nul doute, ne signifiaient pas moins que cela ; les sept yeux sont le symbole d’une parfaite intelligence — la plénitude de l’Esprit, en rapport ici avec la terre et son gouvernement. Mais Celui qui est vu possédant toute cette autorité et toute cette sagesse, c’est l’Agneau. Je crois que la base de toute notre bénédiction repose sur cette précieuse vérité. Le Seigneur de gloire est devenu un Agneau, et doit être connu comme tel si nous voulons tirer profit des révélations qui suivent. L’Agneau est la figure qui répond à l’idée de la rédemption. Même en ce qui regarde les Juifs, quand l’agneau était offert matin et soir, Dieu leur montrait que si un pauvre pécheur avait quelque chose à faire avec Lui, et que s’Il pouvait continuer d’aller avec eux, c’était à cause de l’Agneau ; et ceux qui avaient de l’intelligence regardaient en avant, quelque obscurément que cela se fît, à un Agneau meilleur. Le Fils de Dieu devait devenir l’Agneau de Dieu. Et maintenant qu’Il a été chassé du monde, Il est le rejeté, et bien que glorifié dans le ciel, Il y porte encore les marques de Ses souffrances. Il est vu au milieu du trône, pareil à un agneau qui aurait été immolé. Le sacrifice de l’Agneau n’est pas le seul sujet que présente ici le Saint Esprit ; Il présente également Christ comme le saint homme de douleur, accepté en haut. Seul fondement pour le pécheur, Il est aussi le modèle des siens, la source de leurs espérances — et pour cette raison que si nous souffrons, nous régnerons aussi avec Lui. Ici donc, comme partout ailleurs, nous voyons que le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs est Celui qui a le plus souffert ; Dieu rapproche ces deux pensées au chapitre 17 : l’Agneau souffrant et rejeté, et le Roi des rois. Pourquoi ? Parce que Dieu veut nous montrer que toute gloire repose sur Christ, le rejeté et le méprisé de la terre. La chose même qui semblait être le coup de mort pour toutes les espérances d’Israël fraie la voie aux pensées les meilleures, aux conseils de gloire les plus élevés qui aient jamais existé. Si nous considérions la croix en elle-même, il pourrait nous sembler que tout avait pris fin, et qu’il n’y a pas jusqu’à l’espérance qui ne soit couchée dans le tombeau, car là se trouvait rejeté et crucifié Celui qui aurait pu bénir Israël, vaincre Satan, et mettre fin au péché et à la misère humaine ! Tout semblait détruit et terminé prématurément dans la mort de Christ ; et cependant tel fut le moyen même dont Dieu se servit, afin de pouvoir bénir tout de suite et éternellement selon les désirs de Son propre cœur. Ce qui dans le moment, ressemblait à une victoire de Satan, était réellement le triomphe de Dieu sur lui et ses œuvres, à jamais.

Remarquez que c’est comme Agneau que le Seigneur Jésus prend Sa place dans le ciel. Quel est l’effet pratique de ce fait sur nos âmes ? Plus on entre là-dedans, moins on recherche une place d’honneur et d’estime dans le monde. On sait bien alors que tandis que Satan est le dieu de ce monde, et que Christ est caché en Dieu, il faut que la vérité soit méprisée ici-bas ; et par suite, on n’est pas surpris de voir l’iniquité prospérer. On sera préparé à tout cela, parce que c’est précisément l’histoire de Christ. L’Agneau immolé met devant nous toute l’histoire morale du monde. Mais permettez-moi de vous poser une autre question : Est-ce que l’Agneau immolé place devant votre âme votre propre histoire ? Savez-vous ce que c’est que d’être rejeté à cause de Christ ? Non pas parce que vous méritez de l’être (quoique dans un sens cela soit vrai), mais parce que vous désirez tenir ferme à tout prix pour le Seigneur Jésus ?

Mais il y a un autre côté : Christ maintenant est glorifié — pas encore toutefois aux yeux du monde. Mais le ciel est ouvert à notre regard, et nous voyons que Celui qui était ici-bas le plus méprisé, est exalté, et nous apprenons que Dieu en a rassemblé d’autres autour de l’Agneau qui a été immolé, en association avec Lui. Je demande : Vous a-t-Il rassemblé, vous ? Vous a-t-Il donné sur la terre la portion de l’Agneau immolé ? Si vous êtes chrétien, vous ne devez pas être heureux sans savoir quelque chose à ce sujet. Un chrétien doit être peiné s’il découvre que, au lieu de réaliser ces choses, il ne sait pas même ce que signifie un pareil langage. Dieu désire que nous en ayons connaissance, non seulement en ce qui regarde Christ, mais encore comme étant ici notre portion sur la terre.

Dans son temps, David, quoique déjà oint comme roi selon Dieu, était cependant rejeté, et un autre roi était momentanément investi du pouvoir. De même à présent, bien que le pouvoir de la bête ne soit pas encore pleinement développé, le monde se tient prêt pour sa venue et son gouvernement. David était rejeté, méprisé, insulté, pris par Nabal, qui du moins feignait de le considérer comme tel, pour une espèce de vagabond fuyant de devant son maître ; et certainement les apparences promettaient bien peu, environné, comme il l’était dans la caverne d’Adullam, d’une bande de malheureux, de débiteurs insolvables et de mécontents en Israël. Il y avait bon nombre de ces individus dont il était juste, à ne considérer que leur caractère, de ne faire que peu de cas. Mais quel changement la grâce produit ! David était d’une manière spéciale l’homme sur lequel le cœur de Dieu se reposait : ils le savaient, et se groupaient autour de l’objet de l’amour de Dieu. Il résultait dès lors pour eux une certaine dignité de leur association avec David. Il serait difficile d’être misérables et faibles plus que nous ne sommes ; mais, de même que c’était cet homme selon le cœur de Dieu qui donnait toute leur valeur à ces hôtes de la caverne d’Adullam, ainsi c’est de notre union avec Christ que découle toute notre bénédiction. La personne de David attirait là les sacrificateurs de Dieu eux-mêmes. Et maintenant, il y en a un plus grand que David ; et Dieu a envoyé le Saint Esprit afin que nous sachions que le méprisé est actuellement dans la gloire. Le Seigneur veuille que nous ayons une connaissance plus pratique de Sa position de rejeté ici-bas, sans éprouver le besoin de nous y soustraire ou de la renier ! Il n’est rien qui déplaise autant à la chair que d’être méprisé. Il est comparativement facile de rassembler ses forces pour soutenir la persécution ou l’opposition la plus prononcée ; mais c’est tout autre chose de se contenter de n’être absolument rien. En nous, pauvres vers que nous sommes, c’est ce qui affecte le plus la volonté ; pourtant c’est justement à n’être rien que Jésus, le Seigneur de gloire, a daigné condescendre ; et la haine qui L’a méprisé, s’est élevée à son comble à la croix. Nonobstant toutes les prétendues lumières et le prétendu libéralisme du temps actuel, l’esprit du monde au fond n’est pas changé. Je ne me confierais pas un seul moment à un état de choses provenant de l’indifférence pour Dieu ou de la glorification des droits de l’homme. Les hommes mettent la vérité et l’erreur sur un même niveau, n’ont pas de conscience pour Dieu, et prêchent le respect les uns pour les autres. L’esprit du siècle, qui maintenant a si belle apparence et tient un si beau langage, peut d’un moment à l’autre s’élever fièrement contre Dieu, et alors il nous faudrait apprendre par expérience la vérité, que c’est un Agneau immolé que nous connaissons et adorons en haut. Nous en découvririons la réalité ainsi que la réalité de la communion avec Lui, et cela secouerait plus d’un enfant de Dieu de l’assoupissement dans lequel il est maintenant, car les vierges sages elles-mêmes peuvent dormir. L’exhortation : Réveille-toi, toi qui dors ! s’adresse aux chrétiens. Si vous avez dormi parmi les choses et les personnes mortes, le Seigneur veuille que vous ne restiez pas dans cette condition — que vous vous leviez du milieu d’elles, « et le Christ vous éclairera » !

C’est l’Agneau immolé qui est évidemment le grand centre du culte céleste. Maintenant que le péché est entré dans le monde, la gloire de Dieu créateur ne suffit pas, non plus que le gouvernement de Sa providence. S’Il doit être glorifié autrement qu’en pur jugement contre Ses adversaires, s’il doit y avoir des déploiements de miséricordieuse bonté dans un monde tel que celui-ci, s’il doit y avoir un nouveau cantique dans le ciel, il faut qu’il y ait rédemption, et cela, non par puissance seulement, mais par souffrance et par sang. De là vient que comme le trône central — au chapitre précédent — était occupé par le Seigneur Dieu, le Tout-puissant, de même ici c’est l’Agneau qui est l’objet central duquel dépend toute la bénédiction de la créature, et auquel l’hommage est offert, de pair avec Celui qui était assis sur le trône. Le ciel entier L’honore comme le Père est honoré. Il est le premier-né, l’héritier ; non seulement par droit de création et par la gloire qu’Il possède en Lui-même, mais par la rédemption, « l’héritier de toutes choses » par décret de Dieu. Dieu destine le vaste univers à Son sceptre. Mais comment et à quel titre Christ prendrait-Il l’héritage ? Par autorité ? Assurément toute autorité Lui appartient ; dans les jours de Son humiliation, les démons étaient assujettis par Son nom aux moindres de Ses serviteurs, de sorte qu’Il pouvait dire : « Je contemplais Satan, tombant du ciel comme un éclair » — (l’énergie par laquelle, alors, les soixante-dix chassaient les démons étant à Ses yeux, je pense, le signe et le gage d’une complète victoire en temps convenable). « Voici, je vous donne l’autorité pour marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ». Pourquoi ne pas prendre l’héritage en ce moment-là et là même ? Après l’évidence de pareils triomphes sur l’usurpateur, pourquoi s’abaisser jusqu’à la mort, à la mort même de la croix ? Parce que « la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » ; parce qu’il fallait que Dieu fût glorifié dans Sa majesté, Sa puissance, Son amour, Sa sagesse et Sa justice ; parce que Christ ne pouvait pas accepter un héritage souillé (comp. Col. 1, 20 et Héb. 9, 21-23) ; parce qu’Il ne voulait pas régner seul, et qu’en cela Lui et Son Père étaient un. Dans Sa grâce, Il voulait des cohéritiers qui partageassent Sa gloire. Une pareille réconciliation n’était possible qu’au moyen de la mort, lors même que l’offrande fût le corps de Sa chair, tout exempte de tache qu’elle était. La paix ne pouvait être faite d’une manière stable et divine que par le sang de Sa croix ; c’est pourquoi Il est vu et célébré ici comme l’Agneau. Dieu entend assurément introduire Son premier-né dans le monde habitable, et le livre qui est dans Sa droite décrit, je suppose, le moyen par lequel l’héritage doit être remis en Ses mains ; mais la rédemption est, Son nom en soit béni, le fondement sur lequel on fait tout reposer. Lorsqu’Il reçoit le livre, tout est en mouvement. De même qu’au chapitre 4, quand les animaux rendent honneur à Dieu, les vingt-quatre anciens tombent sur leurs faces et adorent ; de même ici, quand l’Agneau prend le livre de la droite de Celui qui était assis sur le trône, les quatre animaux et les vingt-quatre anciens sont prosternés devant Lui. Quoiqu’il fût ouvert dans le but de frapper quelques coups, il n’y avait nul sujet d’appréhension, de trouble, ou d’inquiétude pour eux-mêmes en particulier : ils tombaient sur leurs faces devant l’Agneau. Ce n’était pas simplement recevoir quelque chose de Dieu, c’était exalter Dieu. Loin que ce soit ôter quelque chose à Dieu, l’Agneau au contraire, en présence même du trône et de Celui qui y était assis, est l’objet du culte et la source de ses plus purs et de ses plus profonds accords. Dieu n’est que mieux glorifié quand l’Agneau a Sa part de louange.

Ils avaient « chacun des harpes, et des coupes d’or pleines de parfum, qui sont les prières des saints ». Dans le service du tabernacle au désert, les sacrificateurs se servaient de trompettes d’argent pour les saintes convocations. David fut le premier à introduire la harpe, mettant à part les fils d’Asaph, Héman et Jeduthun pour psalmodier dans la maison de l’Éternel avec des cymbales, des psaltérions et des harpes. Ceux-ci, comme les sacrificateurs, étaient divisés en vingt-quatre classes, de sorte que l’allusion n’est pas douteuse, avec la différence qui est le trait caractéristique de l’Apocalypse. Le service des sacrificateurs et celui des chantres sont ici complètement confondus. Ceci ne sert-il pas également à montrer que les anciens seuls sont dits avoir des harpes et des coupes d’encens ? Au chapitre 15, les quatre animaux donnent aux anges les sept coupes d’or pleines de la colère divine. Ainsi tout est en harmonie : les anciens sont les chefs de la sacrificature royale, comme les chérubins servent à l’exécution des jugements de Dieu ; mais les uns et les autres s’unissent (chap. 5) pour rendre le plus complet hommage à l’Agneau. Mais qui sont ces « saints » qui prient ? Les anciens, ou l’Église, étaient dans le ciel, et formaient un chœur de louange complet. De qui sont donc ces prières ? Elles viennent des saints qui passeront par la souffrance quand l’Église sera en haut. Les anciens sont ces saints célestes qui ont été préalablement enlevés, y compris, peut-être, les saints de l’Ancien Testament. Ils sont dans le lieu de l’adoration et de la louange, tandis que la prière implique le besoin. S’il est question pour eux de prières, ce sont les prières des autres, non les leurs propres. De plus, ils chantent un nouveau cantique, le cantique de rédemption de l’Agneau, disant : « Tu es digne, car tu as été immolé », etc. Il se rencontre, dans ce verset, un changement très important, bien connu des personnes un peu familiarisées avec les écrits originaux. Ceux qui ont étudié les plus anciens manuscrits et d’autres témoins de ce livre, sont tous d’accord qu’il faut lire : « et tu les as faits rois (ou un royaume) et sacrificateurs pour notre Dieu » (v. 10). Qui sont ceux qu’il faut entendre par « les », et qui sont faits rois et sacrificateurs « pour notre Dieu » ? Ce n’est pas d’eux-mêmes qu’ils parlent. Mais je suis disposé à aller plus loin et tenu de déclarer ma manière de voir que, dans le verset 9, le mot « nous » a été introduit par les copistes qui ont supposé que les anciens célébraient leur propre bénédiction. Mais les anciens sont dans un si parfait repos pour ce qui les concerne, que c’est d’autres qu’ils s’occupent. Je crois donc que c’est ici le véritable sens : « Tu es digne de prendre le livre etc., car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation ; et tu les as faits rois et sacrificateurs pour notre Dieu ; et ils régneront sur la terre ». Ils parlent des saints dont ils offraient les prières. Comme ils étaient occupés de leurs prières, de même ici ils louent le Seigneur pour Sa bonté envers les saints encore sur la terre. Ils donnent à entendre qu’en retirant les saints célestes en haut, le Seigneur n’en a pas fini avec Sa miséricorde comme rédempteur ; que même au milieu de Ses jugements, Il voulait avoir un peuple racheté qui partagerait, comme sacrificature royale, la gloire du royaume au lieu d’être entraîné par les séductions de l’Antichrist. Ces compagnons anticipés sont probablement les mêmes que l’on voit sous l’autel au chapitre 6, et desquels il est dit : « Les âmes de ceux qui avaient été égorgés pour la parole de Dieu etc. » et au chapitre 14 : « Les morts qui meurent au Seigneur sont dorénavant bienheureux », etc. ; et au chapitre 15 : « ceux qui avaient remporté la victoire sur la bête ». Il y a aussi, dans le corps du livre, d’autres allusions aux justes. C’étaient bien clairement des saints de Dieu dans la tribulation, après que les anciens (qui, comme nous l’avons vu, représentaient l’Église ou les saints célestes) avaient été enlevés au ciel. Pour ce qui est des saints qui ont remporté la victoire sur la bête, « ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau ». Remarquez le caractère complexe de la scène. Il y avait, il est vrai, le cantique de l’Agneau, mais il y avait aussi le cantique de Moïse ; elle était en partie terrestre et en partie céleste. En outre, au chapitre 20, 4, il est dit : « Et je vis des trônes, et ils étaient assis dessus ». Ceux-ci sont les anciens, déjà ressuscités ou changés, assis sur des trônes. « Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus, et pour la parole de Dieu », c’est-à-dire ceux dont il avait vu les âmes au chapitre 6 ; et encore, « ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la bête, ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ». Ces derniers sont ceux qui ont chanté le cantique de victoire au chapitre 15. Ceux qui composent ces deux catégories ont souffert après l’enlèvement de l’Église, et sont à la fin unis au reste dans la gloire, et tous règnent ensemble avec Christ.

On remarquera combien le tout s’accorde pleinement avec le cantique du chapitre 5. Les anciens sont dans le ciel, jouissant de Dieu et de l’Agneau ; mais il y a sur la terre des saints qui prient, et les anciens en haut sont occupés de leurs prières, et célèbrent la dignité et l’œuvre de l’Agneau en faveur d’autres qui devaient, aussi bien qu’eux, régner sur la terre. Au lieu de nous faire éprouver la moindre perte, cela ajoute indirectement, sinon en soi, à la position de gloire dans laquelle l’Église est vue dans le ciel. Ils sont si pleinement bénis qu’ils peuvent se réjouir de tout cœur du bonheur des autres. Il y en a qui sont portés à s’inquiéter s’ils ne peuvent pas toujours s’appliquer à eux-mêmes ce qu’ils trouvent dans l’évangile — non pas qu’ils l’apprécient plus que les autres, mais parce qu’ils ne sont pas entièrement établis dans la grâce. Quand nos cœurs sont pleinement satisfaits, nous n’avons pas besoin d’éplucher et de faire un choix dans les Écritures, mais nous désirons que le Seigneur choisisse pour nous ; et nous sommes reconnaissants, parce que ce peut être quelque chose à Sa louange que nous n’avons pas connu auparavant, ou bien une arme qui nous sera utile dans notre prochain combat avec l’ennemi. Tout ce qui exalte Christ et Le glorifie, est ce en quoi nous devrions trouver notre joie. Tout ce qui décèle la tromperie de nos cœurs, nous est on ne peut plus salutaire. Lorsque les anciens sont vus rendant grâces à Dieu, ils prennent pour thème Sa bonté envers ceux qui souffrent sur la terre, et ils bénissent l’Agneau parce qu’Il a été immolé et qu’Il a aussi racheté ceux-ci pour leur Dieu C’était un plaisir pour eux de penser que même en ces jours de ténèbres, le Seigneur allait avoir des témoins qui partageraient le royaume avec eux.

Les anges prennent pour thème, non point des actions de grâces au sujet de la rédemption, mais le droit de l’Agneau à recevoir puissance, et richesse, et sagesse, et force, et honneur, et gloire, et louange. Ils proclament bien haut le titre à la domination, de Celui que l’homme avait méprisé et égorgé. « Digne est l’Agneau qui a été immolé » (v. 11, 12). Ils ne chantent pas la rédemption, parce qu’ils n’étaient pas rachetés ; ils n’avaient rien à faire avec elle, bien que ce soit la puissance de Dieu qui les maintienne ; mais ceux qui ont connu leurs besoins comme pauvres pécheurs, peuvent vraiment bien chanter le nouveau cantique. Le cantique des anges a pour thème la personne et le pouvoir de Christ ; mais ils n’entonnent pas la profonde et réjouissante mélodie de la rédemption. Si je regarde au don et à la personne de Christ, je puis voir combien ressort le caractère de Dieu et combien Son amour est manifesté. Si je regarde à la rédemption de Christ et à la position que j’ai en Lui et avec Lui en haut, je puis voir combien l’amour de Dieu envers nous est rendu parfait. Mais il n’y a rien dans la gloire du ciel qui brille d’un aussi vif éclat que la croix de Christ. Nous pouvons suivre Jésus sur la terre et voir la sainteté de Dieu. Nous pouvons encore suivre Jésus dans le sentier qu’Il a parcouru sur la terre cherchant les perdus, les misérables, étendant les mains sur les petits enfants, et même touchant les lépreux. Mais que nous pensions à la sainteté ou à l’amour de Dieu, à Sa justice ou à Sa grâce, c’est dans la croix, et nulle part ailleurs, que l’on trouve tout, que tout se déploie devant la foi.

« Et j’entendis toute créature qui est dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre[8], et les choses qui sont sur la mer, et toutes les choses en eux, disant : À Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, louange, etc., aux siècles des siècles » (v. 13). La corde a vibré, la note principale a retenti et a été entendue, au moins dans le ciel. Si l’Agneau prend le livre, il n’y a pas une créature qui ne réponde joyeusement à l’oreille du voyant ; car maintenant toute la création inférieure gémit dans la souffrance à cause du péché d’Adam. Pourquoi ne se réjouiraient-elles pas, ces créatures, si Dieu et l’Agneau s’unissent pour délivrer ? Sans doute, ce n’est que la manifestation du droit de l’Agneau à agir ; il reste encore beaucoup à faire pour anéantir les œuvres du diable et les destructeurs de la terre. Cependant, c’est ici le signe assuré de cette destruction, et toutes les créatures en expriment leur joie en présence de Dieu.

Tous s’inclinent devant l’Agneau. Les myriades d’anges s’unissent pour confesser Son excellence ; mais il appartient aux saints célestes d’entrer dans le secret de la rédemption ; oui, et dans la profonde joie — la joie de Dieu — que cause la bénédiction envers les autres et non envers eux seulement. Les quatre animaux y apposent leur sceau, et disent : « Amen » ; mais les anciens tombent sur leurs faces et rendent hommage. Ils ne donnent pas seulement leur assentiment à tout ce qui se passe, mais encore les sympathies de leurs cœurs. Telle était leur position. Je sens qu’un pareil sujet nous laisse infiniment en arrière ; il nous faut le méditer sérieusement pour en sentir convenablement toutes les profondeurs, ou pour en donner une expression adéquate. Je m’estimerai heureux si je suis parvenu à diriger l’attention du côté de la bénédiction qu’il y a à connaître Christ comme l’Agneau immolé, et à démontrer que Dieu fait de Lui la clé qui sert à comprendre les desseins qui autrement demeurent cachés. Même pour comprendre les conseils de Dieu à l’égard de la terre, il faut que nous voyions l’Agneau. C’est seulement en communion avec Lui que nous pouvons y entrer. Pour apprécier ce qui suit, il faut que nous soyons assujettis aux pensées de Dieu envers Christ — il faut que nous retournions à ce par quoi Dieu commence — il faut que nous voyions et entendions l’Agneau. Le Seigneur veuille que telle soit notre meilleure portion ! Nous serons près de l’objet béni dans la personne et l’œuvre duquel brille tout ce qu’il y a de grâce et de bénédiction en Dieu.

Chapitre 6

Des deux chapitres précédents ressortent avec clarté des enseignements que notre devoir, je n’en doute pas, est de retenir : 1° Dieu est assis sur le trône d’où sortent des éclairs, des voix et des tonnerres ; 2° toutes choses sont mises entre les mains de l’Agneau qui les déroule successivement ; 3° nous y voyons la parfaite sécurité et les occupations bénies des saints célestes, alors retirés de la scène d’épreuve, et cela longtemps avant le jour du Seigneur, dans lequel leur bénédiction sera pleinement manifestée au monde. Du moment que l’âme et le corps, ou tous les deux (l’âme à présent, l’âme et le corps, réunis, à la venue de Christ), quittent ce monde, il y a, je crois, pour les saints, jouissance immédiate du Seigneur. Est-elle scripturaire, la pensée que nous trouvons exprimée dans une hymne que nous chantons quelquefois et qui parle « de prendre l’essor vers des mondes inconnus » ? L’Écriture insinue-t-elle jamais l’idée d’une âme partant pour un voyage de découvertes ? La vérité n’est-elle pas, au contraire, qu’elle entre paisiblement et immédiatement en la présence du Seigneur ? Quand Dieu permet que le ciel s’ouvre un instant aux regards d’hommes qui sont sur la terre (comme, par exemple, à la naissance et à la transfiguration du Seigneur, et dans les cas d’Étienne, de Paul, etc.), il semble qu’il n’y a pas une si grande distance entre eux. Ce n’est pas, bien entendu, une question simplement d’espace physique ; mais c’est l’action de la puissance divine qui tout d’un coup transporte une personne de son état actuel d’existence, dans la présence ravissante du Seigneur. Ainsi, quand Il parlait Lui-même au pauvre larron mourant, Il disait : « Aujourd’hui tu seras avec moi en paradis » — ce jour-là même. À mon avis, il n’existe rien qui réponde à ce voyage poétique à travers des mondes inconnus.

Mais tandis qu’il est parfaitement vrai que, en cas de mort, l’âme est admise incontinent en la présence du Seigneur, tandis qu’il est également vrai que « en un instant, en un clin d’œil », les saints seront enlevés à la venue de Christ, cependant nous ne devons pas perdre de vue que leur manifestation sera une chose différente ; il n’y a pas de passages qui marquent, plus clairement que celui-ci, l’intervalle considérable qui s’écoulera entre leur rassemblement auprès du Seigneur et leur manifestation au monde. Ces chapitres de l’Apocalypse mettent ce point hors de contestation. Dieu a un dessein très important à accomplir durant l’intervalle. Il faut qu’Il mette la terre en état de recevoir le Seigneur Jésus, et va l’investir, Lui, le grand héritier, de l’héritage qui Lui appartient.

Mais de plus, Il veut amener avec Lui les cohéritiers. En conséquence, cet intervalle est rempli par les préparatifs que nécessitent ces divers desseins. Pour les accomplir, des jugements doivent tomber sur la malice du monde ; mais parallèlement à ces jugements, nous avons des actes signalés de la miséricorde de Dieu. Quand viendra la grande et terrible journée du Seigneur, il n’y aura plus lieu à l’exercice de la miséricorde : « la porte est fermée ». Mais pendant tout ce temps intermédiaire, la miséricorde aura son cours, excepté pour ceux qui auront rejeté l’évangile après l’avoir entendu. Je ne vois pas qu’il y ait le moindre lieu de penser qu’il y ait espoir de miséricorde pour les moqueurs. Il y aura un intervalle de quelques années pendant lequel Dieu agira en jugement et en grâce — les jugements augmentant de sévérité sur ces pays privilégiés où l’évangile aura été prêché ; mais je doute qu’il y ait rien de pareil à la grâce qui a cours aujourd’hui. C’est l’inverse, hélas ! qui aura lieu. Dieu livrera à un aveugle endurcissement ceux qui maintenant refusent Sa miséricorde ; Il se retirera, pour ainsi dire, de ces pays-là pour accomplir ailleurs Son œuvre de salut ; et, de ceux qui auront parlé si complaisamment des lumières qu’ils ont en partage, Dieu se tournera alors, si je comprends bien la prophétie, vers ceux qui maintenant sont si éloignés de l’évangile. Mais c’est une chose bien solennelle de penser que là où se trouve le plus, à présent, la lumière du christianisme, régneront les plus épaisses ténèbres de l’apostasie. L’enseignement de l’Écriture c’est, que ce qui est actuellement la scène sur laquelle s’exerce la miséricorde de Dieu, où Il est maintenant à l’œuvre, et où Sa Parole a le plus libre cours, est destiné à retomber dans la plus effroyable et la plus funeste idolâtrie — dans l’union de l’incrédulité avec cette idolâtrie — enfin dans l’anti-christianisme. On peut penser qu’une pareille idée n’est que le sombre rêve d’un cerveau malade : mais cela vient de ce que les hommes préfèrent croire leurs propres pensées et leurs propres fantaisies, et ne prennent pas la peine de sonder la Parole de Dieu pour voir ce qu’elle renferme, si même ils n’en font pas le sujet de leurs railleries. Croira-t-on que les hommes s’enorgueillissent de leur ignorance touchant une grande partie de l’Écriture ? Concevra-t-on que l’on tienne pour axiome que la prophétie ne fut pas donnée afin de nous montrer les choses qui vont arriver, mais seulement pour prouver, quand les événements sont passés, que Dieu les avait préconnus ? Mais le chrétien n’a pas besoin de cela. La prophétie est donnée afin que le croyant sache comment Dieu nous dévoile Ses secrets à l’égard de ce qu’Il est sur le point d’accomplir ici-bas. Nous avons la Parole et l’Esprit pour donner l’intelligence. Mais si les chrétiens n’ont pas foi en la parole prophétique, elle ne saurait leur profiter ; car, de même que toutes les autres parties de l’Écriture, celle-ci doit être mêlée avec la foi dans ceux qui l’entendent.

Une chose importante, que tout implique dans ce que nous avons lu, c’est donc l’enlèvement des saints célestes de dessus la terre. Dans les chapitres 4 et 5, et par tout le corps du livre, on ne les y trouve plus. Ils sont glorifiés dans le ciel, et pourtant ce n’est qu’au chapitre 19 qu’ils sont manifestés, lorsqu’ils sortent du ciel. De l’un à l’autre de ces points, nous avons évidemment une longue série d’événements. Nous avons sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, avec divers épisodes de haut intérêt et de grande importance. Les jugements de ces trois séries ne sont pas exécutés par le Seigneur en personne. Il est manifeste qu’ils doivent avoir lieu après que le Seigneur sera venu recevoir Son Église, mais avant qu’Il exécute personnellement le grand jugement du chapitre 19. Car il va de soi que, avant que les saints soient pris auprès du Seigneur et qu’ils puissent ainsi venir avec Lui, il faut qu’Il soit venu pour eux. De quelle manière les vingt-quatre anciens étaient-ils parvenus au ciel ? On dira peut-être qu’ils avaient pu y être individuellement introduits par la mort, c’est-à-dire que leurs âmes y pouvaient être. Mais l’Écriture ne nous présente jamais les âmes des saints comme assises sur des trônes et ayant des couronnes sur la tête ; et les âmes des saints ne forment pas non plus l’ensemble des chefs de la sacrificature céleste, tel que nous le montrent les vingt-quatre anciens en allusion aux vingt-quatre ordres de la sacrificature établis par le roi David. Christ est alors sur le point de prendre Sa position de roi ; et de même qu’avant l’établissement du royaume de Salomon, David avait divisé la sacrificature en vingt-quatre classes, de même avant que le vrai Salomon, le Seigneur Jésus, paraisse dans toute Sa gloire, nous avons de nouveau l’ensemble antitypique de ces classes. La céleste sacrificature se montre au complet. On pourrait demander pourquoi l’on voit seulement les chefs, et non le corps de la sacrificature ? Il semble probable, mais c’est une pensée que je me borne à indiquer, que ceux qui seront enlevés quand le Seigneur viendra, constitueront les chefs de la sacrificature, et que ceux qui souffrent ensuite et les rejoignent pourront bien en être le corps subordonné. Vingt-quatre est nécessairement le nombre complet des classes, c’est-à-dire, des chefs. Or, les âmes dans le ciel ne sauraient jamais présenter cela d’une façon complète ; car jusqu’à ce que Christ vienne, il restera toujours sur la terre une partie de l’Église (1 Thess. 4). Je conçois donc que par le nombre complet de sacrificateurs — vingt-quatre — environnant le trône — Dieu a pour but de montrer qu’il ne s’agit pas de cette portion qui se compose des âmes du paradis, car elle exige l’addition de nous qui sommes vivants et demeurons, afin de compléter l’Église des premiers-nés ou la somme entière des saints ressuscités et transmués. Les saints célestes, avant ce temps-là, sont nécessairement enlevés. Comment et quand ceci a-t-il eu lieu ? Il n’y a pas de difficulté réelle à cela, parce qu’il est impossible qu’ils soient enlevés comme un corps complet et changé, jusqu’à ce que le Seigneur Jésus vienne Lui-même, ainsi qu’Il a dit : « Si je m’en vais et que je vous prépare une place, je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi ». Et évidemment, ce n’est pas là envoyer Ses anges pour eux. Nous trouvons les anges envoyés pour assembler les Juifs élus, en Israël, des quatre bouts du ciel (Matt. 24) ; mais pour rassembler Son Église, Il vient Lui-même, et ceci s’accorde avec ce que nous avons dit ailleurs. Il est dit que les saints de Thessalonique attendaient des cieux le Fils de Dieu (1 Thess. 1) ; et par rapport à ceux qui avaient délogé, ils ne devaient pas être attristés comme ceux qui n’ont point d’espérance. Car le Seigneur Lui-même — non pas seulement par l’intervention des anges ou de la providence, mais le Seigneur Lui-même — descendrait du ciel avec un cri de commandement, avec la voix de l’archange, et avec la trompette de Dieu. Il se pourrait qu’il y eût des anges, mais pas un mot n’est dit ici à leur sujet. Quand le Seigneur sera révélé exécutant la vengeance, il y aura des anges ; mais ici, à la descente du Seigneur Lui-même, « les morts en Christ ressusciteront premièrement », formant une portion des saints célestes ; puis, « nous les vivants qui demeurons » serons ravis ensemble avec eux. C’est là et en ce moment, ce me semble, que nous trouvons les vingt-quatre anciens formant évidemment l’ensemble des chefs de la sacrificature. Ces corps des saints, qui sont dans le tombeau, sont ressuscités premièrement, puis les saints survivants sont changés par la présence du Seigneur. Il n’y a pas le plus petit intervalle d’un moment entre ces deux importants effets de la voix du Fils de Dieu, et ainsi nous serons ravis ensemble pour être toujours avec le Seigneur.

Cet événement solennel et béni doit donc avoir lieu entre le chapitre 3 et le chapitre 4 de ce livre. Il n’est pas décrit, bien que sans doute il y soit fait allusion, parce que le but de l’Apocalypse n’est pas de présenter la venue du Seigneur en grâce. Les visions prophétiques de l’Apocalypse passent entièrement sous silence la venue du Seigneur à la rencontre des saints célestes ; mais elles décrivent pleinement, au chapitre 19, Sa venue avec eux.

Cette dernière est celle qui est appelée ailleurs l’apparition ou le jour du Seigneur, quand Il punira d’une perdition éternelle de devant Sa présence et de devant la gloire de Sa force. Pendant tout cet intervalle, les saints célestes sont avec le Seigneur en haut ; tous les membres de l’Église sont là, et dans leurs corps de gloire. La première fois qu’il en est fait mention, c’est dans le quatrième chapitre, ou nous trouvons, non des anges, mais des rachetés, des personnes dont les vêtements mêmes, les trônes, les couronnes d’or, sont en rapport avec la rédemption — des personnes qui exercent évidemment leur sacrificature devant Dieu au chapitre 5. Ce sont les anciens. Comment sont-ils arrivés là ? Il faut que le Seigneur soit venu et les ait réunis à Lui en l’air, et ait ainsi accompli Sa promesse à leur égard : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » etc. ; « je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, moi, vous, vous y soyez aussi ». Ainsi maintenant, dans cette scène à venir, après avoir préparé le lieu, Il est venu pour eux et les a emmenés dans la maison du Père. Mais c’est une chose remarquable, comme montrant le caractère du livre, que, bien que nous les voyions dans la présence de Dieu, elle n’est pas appelée la maison du Père. Au contraire, c’est un trône que l’on voit ; et c’est aussi pour cela que lorsque Celui qui est assis dessus est nommé, ce n’est point comme le Père, mais comme le Seigneur Tout-puissant. Lorsque nous parlons de Dieu comme du « Père », c’est pour exprimer la relation d’affection la plus intime dans laquelle Dieu nous ait introduits ; et quand il nous est parlé de Dieu comme du « Seigneur Dieu Tout-puissant », c’est en connexion avec le déploiement du pouvoir et du gouvernement divins. « Dieu », comme tel, est le nom le plus général et le plus abstrait, et n’implique aucune relation avec d’autres êtres. Mais être appelé « Père », implique nécessairement la plus étroite relation d’amour, qu’il s’agisse, dans le sens éternel « et le plus élevé du mot, de Jésus comme Fils du Père », ou qu’il soit question, dans un sens secondaire, de ceux qu’Il a adoptés pour fils et aimés du même amour (Jean 17 et 1 Jean 3).

Genèse 1 a pour sujet la création, et il y est parlé de Dieu comme de Celui de qui tout procède. Dans le chapitre suivant, Il est appelé « l’Éternel (ou Jéhovah) Dieu », parce que, là, Il entre en relation avec Ses créatures, et Adam est placé dans une position de responsabilité vis-à-vis de Dieu comme Éternel Dieu, c’est-à-dire le Dieu de la création, avec lequel il soutient à ce titre une relation morale. Combien est parfaite chaque parole de Dieu ! Les incrédules, au lieu de voir la perfection de la Parole de Dieu, n’ont fait que raisonner d’après leur propre ignorance et leur propre incapacité, et se sont efforcés de prouver que ces chapitres devaient avoir été écrits par deux personnes différentes, à cause des titres divers donnés à Dieu. Mais bien loin que ces distinctions soient le fait des erreurs des hommes, c’est la sagesse de Dieu que nous découvrons en elle. Quand il s’agit de la relation d’autorité, et que l’homme est mis sous l’épreuve de l’obéissance, l’expression « Éternel Dieu » est employée ; mais quand, dans le Nouveau Testament, Il entre en relation avec des fils, c’est celle de « Père ». Il n’a pas pleinement manifesté le nom de Père jusqu’à ce que vînt le Fils, qui, pour ainsi dire, a ouvert le courant par lequel a pu s’épancher toute la grâce de Dieu. Mais dans l’intervalle qui a séparé l’épreuve de la créature en Éden de l’accomplissement de la rédemption, Dieu s’est fait connaître d’abord sous le nom de Tout-puissant, puis sous celui de Jéhovah. Abraham fut appelé à quitter son pays et sa parenté, à être pèlerin, n’ayant que Dieu sur qui il pût compter ; aussi en parfaite harmonie avec cette position qu’Il lui faisait prendre, Dieu se révèle-t-Il à lui comme le Tout-puissant (Gen. 17, 1). Plus tard, Il se manifeste à Israël sous Son nom de Jéhovah. Ce sont toujours ces noms-là que le Seigneur prend ici et non celui de Père, ou du moins pas celui de « notre Père ». Tout comme la scène ne présente pas la maison du Père, mais le trône, le titre que Dieu revêt n’est pas celui de Père. Le centre de cette scène céleste est le trône de Dieu, et il n’est pas fait allusion aux saints comme jouissant de demeures avec le Fils dans la maison du Père, mais ils sont vus sur des trônes. Dieu ne rassemble plus l’Église sur la terre ; l’Église s’en est allée. Quand l’Église était l’objet des soins de Dieu sur la terre, les saints L’appelaient, même ici-bas, leur Père ; mais quand Il va exécuter le jugement sur la terre, elle, déjà enlevée et dans le ciel, comprend cela et s’adresse à Lui en conséquence.

Il faut donc que la venue du Seigneur pour recevoir l’Église, ait eu lieu avant les faits qui répondent à la vision des vingt-quatre anciens sur des trônes. Il peut paraître difficile à quelques personnes de croire que la prophétie passerait sous silence un événement de cette importance. Mais on oublie que, en quelque lieu ou à quelque époque qu’on le place, l’Apocalypse garde toujours un silence absolu sur le fait de l’enlèvement des saints. La seule question est de savoir si, conformément à notre meilleure intelligence de l’Écriture, il doit être sous-entendu ici. À mon avis, il faut le placer à un moment antérieur à celui où nous trouvons les saints célestes formant en haut un corps complet, ce qui arrive au chapitre 4. Le Seigneur sera venu alors, aura reçu les saints glorifiés, et leur aura donné leur place dans la présence de Dieu, avant qu’aucun des jugements ne tombe sur le monde. Sa justice est sur le point de frapper de terribles coups, mais les saints demeurent à l’abri de toute atteinte. Les sceaux, les coupes, les trompettes, n’ont rien d’effrayant pour eux ; ils ne provoquent pas l’épouvante, mais seulement l’adoration. Bien plus, ces ressuscités seront même occupés de leurs frères qui se trouveront encore au milieu de l’épreuve ; car nous aurons des frères après que sera finie l’œuvre actuelle de Dieu pour la formation de l’Église, des frères qui souffriront sur la terre après que nous nous en serons allés. De plus, lorsque le Roi viendra s’asseoir sur le trône de Sa gloire, et que toutes les nations de la terre seront assemblées devant Lui, il y aura des hommes pieux qu’Il appellera « mes frères » ; et les Gentils alors en vie, ou les nations, seront alors traités selon la manière dont ils en auront agi envers ces messagers du Roi. Les brebis auront montré qu’elles croyaient au Roi, en ce qu’elles auront reçu Ses serviteurs. La conduite des boucs aura prouvé le contraire. Lorsque tous les avertissements préliminaires donnés à ceux qui sont sur la terre seront épuisés, lorsque tous les jugements qui procèdent du trône en se succédant avec rapidité, auront été démontrés inutiles, et que les cœurs rebelles des hommes n’auront fait que s’élever plus haut contre Dieu, le Seigneur dira en quelque sorte : « Je ne veux plus leur envoyer de châtiments, je ne veux pas attendre plus longtemps une repentance qui est refusée ; mais je viendrai moi-même et les balaierai ». En conséquence, nous avons cela dans le chapitre 19 ; et l’intervalle entre les chapitres 4 et 5 et le chapitre 19 est rempli par de nouvelles manifestations de miséricorde envers les Juifs et envers les Gentils, et par de rapides coups d’œil jetés sur les saints célestes qui sont en la présence de Dieu. Sans nul doute, les âmes des saints qui meurent dans l’intervalle vont à Dieu ; mais quelle que soit la bénédiction qui leur est réservée (Apoc. 14, 13), les saints qui sont déjà changés demeurent dans cette présence pendant toute la durée de la période.

Les saints célestes, comprenant ceux qui sont de vrais chrétiens aujourd’hui, ceux qui l’ont été auparavant, et les saints de l’Ancien Testament, peuvent être enlevés à tout moment pour être avec le Seigneur. Je ne connais pas d’autorité scripturaire qui donne droit à un croyant de dire : Il ne viendra pas demain. Personne ne peut dire en s’appuyant sur une parole de Dieu : « Il y a encore quelque chose à faire auparavant — un délai est encore nécessaire ». Sans doute, il est possible qu’un temps plus ou moins long s’écoule ; mais l’Écriture ne place jamais le délai entre nous et la venue de Christ : elle le met seulement en avant de Son jour. Tel qu’un serviteur ayant sa main sur la porte, et se tenant en quelque sorte sur le qui-vive dans l’attente de l’arrivée de son Maître, de façon à être prêt à Lui ouvrir immédiatement quand Il vient, tel doit être dans sa véritable attitude, maintenant, l’enfant de Dieu. C’est ainsi que notre Seigneur s’exprime Lui-même. Il veut que tout soit en règle, que nous soyons réellement prêts à tout moment. Non pas que nous soyons capables le moins du monde de nous préparer. Béni soit Dieu, qui nous a rendus agréables par la grâce de Christ ; mais il peut y avoir, dans nos voies et dans notre marche, dans ce que nous faisons, des choses qui ne supporteront pas la lumière de Sa présence. Quoi que nous fassions, nous devons chercher à ne rien entreprendre de nature à nous rendre pénible la pensée du retour du Seigneur. Nous devons nous garder de spéculations et de plans qui supposent que nous avons encore bien du temps devant nous. Le Seigneur désire que nous soyons comme des voyageurs qui traversent une terre étrangère et qui en même temps sortent à la rencontre de Celui qui vient promptement pour nous. Il se peut que le Seigneur tarde un peu plus que nous ne pensons ; mais toutefois Il vient, et Il vient à une heure à laquelle les hommes ne pensent pas. Sa venue agira d’une manière immédiate sur tous les saints célestes : résurrection des morts, changement des vivants, et enlèvement des uns et des autres auprès de Lui-même en haut. Puis, suivent les scènes de Apocalypse 4 et 5 qui nous laissent voir l’intérêt que prennent les saints glorifiés aux justes qui souffrent sur la terre, après que les premiers s’en sont allés au ciel. Ces scènes ne sauraient recevoir de pleine application, ni pendant qu’une partie seulement de l’Église est en haut et dans l’état de séparation du corps, ni quand le règne millénial sera arrivé. Elles supposent un intervalle entre ces deux choses, après que le Seigneur sera venu et aura changé les saints en Sa ressemblance de ressuscité, et avant qu’ils L’accompagnent du ciel afin de juger et de régner[9].

Nous en venons au cours terrestre des « choses qui doivent arriver après celles-ci ». Les sceaux ne sont pas des jugements exécutés par le Seigneur, mais des jugements d’une nature providentielle. Quelques-uns ont pensé que le premier sceau s’appliquait à Christ, à cause du cheval blanc. On voit sur-le-champ combien serait étrange une telle représentation du Seigneur, surtout comme c’est Lui qui, en tant que l’Agneau, ouvre successivement les sceaux, et qui, lorsqu’il est clairement fait allusion à Sa personne dans le contenu du sixième sceau, conserve encore le nom d’Agneau ! Et combien plus étrange encore l’idée qu’Il entrerait actuellement dans une voie de conquête, au temps même où, si vous le prenez dans le sens historique, toute l’Asie se détournait de Paul, où Timothée avait devant lui la triste et sûre perspective des hommes méchants et des imposteurs allant en empirant, où Jean lui-même avait écrit ou était près d’écrire : « jeunes enfants, c’est la dernière heure ; et comme vous avez entendu que l’antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs antichrists, par quoi nous connaissons que c’est la dernière heure ». Néanmoins, la plupart des écrivains anciens et beaucoup des modernes commencent leurs commentaires par ce faux point de départ, quelques-uns l’appliquant au second avènement ; mais cette interprétation renverse complètement l’ordre des sceaux fixé par le Saint Esprit, et même l’ordre du livre tout entier.

Il est vrai qu’au chapitre 19, où le Seigneur vient en personne et comme juge, Il est représenté monté sur un cheval blanc. Mais il y a toute la différence possible entre cette vision du cheval blanc et celle que nous avons ici. Le cheval de ce chapitre 6 ne sort pas du ciel, comme fait celui du chapitre 19 ; en conséquence, il n’y a pas un mot au sujet de celui qui est monté dessus, indiquant qu’il s’agisse nécessairement de Christ : au lieu que, au chapitre 19, Il est appelé fidèle et véritable, et est dit juger et combattre en justice. De qui ceci pourrait-il être dit, sinon d’un seul ? Ses yeux étaient comme une flamme de feu. Nul ne connaissait que Lui seul le nom écrit qu’Il portait. La Parole de Dieu, Roi des rois. Seigneur des seigneurs — ce sont des titres qui ne peuvent appartenir qu’à Jésus seul. Pour ne rien dire de la robe trempée de sang, l’épée tranchante qui sort de Sa bouche, la verge de fer avec laquelle Il gouverne, et l’acte par lequel Il foule le vin de la colère divine, sont, au chapitre 19, des descriptions auxquelles rien ne correspond dans les cavaliers du chapitre 6. Ici, point d’armées ne suivent, vêtues de fin lin, etc. ; et bien qu’il soit dit qu’une couronne est donnée à celui qui est monté sur le cheval, le mot est tout à fait différent de celui qui se trouve employé au chapitre 19 et qui signifie des diadèmes royaux, la couronne de royauté. Les Romains étaient grands amateurs d’une espèce de guirlande, qui ne présentait pas à leur esprit, comme le diadème impérial, l’idée de l’autorité absolue : et c’est cette couronne qui est mentionnée au chapitre 6.

De plus, il y a deux figures ou symboles fréquemment employés dans l’Écriture pour exprimer le pouvoir ; l’un est le trône, l’autre est le cheval. Ainsi nous avons déjà vu le trône suprême en haut, et maintenant nous voyons sur la terre le cheval avec celui qui est monté dessus. On voit la même chose aux chapitres 19 et 20. Là, vous avez des chevaux dans un chapitre et des trônes dans l’autre. La différence entre ces symboles est celle-ci : quand le pouvoir est pris pour le renversement d’un rival ou pour faire opposition à l’autorité existant sur la terre, « le cheval » est employé comme figure à cause de l’usage qu’on en fait dans la guerre : il indique l’acte de subjuguer. Mais quand la victoire est remportée, et qu’il est question, non plus de subjuguer, mais de gouverner et de juger, « le trône » est employé, comme étant l’emblème propre du gouvernement sur ceux qui ont été ainsi subjugués. Lorsque Christ va renverser Ses ennemis, Il est vu, dans la vision du chapitre 19, sur le cheval, employé pour représenter la réalité de Sa puissance pour subjuguer ; lorsqu’il s’agit de l’acte de puissance subséquent, au chapitre 20, les trônes paraissent. Ce serait tout à fait à tort, naturellement, que l’on confondrait cette forme symbolique avec un cheval ou un trône matériel. L’idée fournie par le premier, est celle d’un pouvoir qui subjugue, et par le dernier, de la domination après que la victoire a été gagnée. Le trône peut aussi être employé, comme ci-après, pour le solennel et éternel jugement des morts, trône d’une sainteté sans tache.

Nous ne pouvons naturellement pas appliquer les quatre chevaux et ceux qui les montent, aux grands empires desquels trois avaient depuis longtemps disparu. L’opinion qu’il s’agit là de quatre religions successives, est pour le moins aussi insoutenable, surtout quand on entend avancer sérieusement, que l’incrédulité clôt la liste ouverte par le christianisme, suivi du mahométisme et du papisme. Il est difficile de dire si de telles pensées sont plus opposées au temps ou au lieu, à l’analogie ou au contexte. De plus, on convient qu’il serait choquant à l’extrême, et presque à tous les points de vue, d’appliquer le premier sceau à Christ ou à l’Église dans les premiers triomphes de l’évangile, et les trois suivants à l’empire ou aux empereurs romains. Mais il est plus important de remarquer que l’Apocalypse elle-même nous fournit une preuve positive pour rejeter l’assertion que le cheval désigne l’empire romain. Je n’en réfère pas à des passages tels que chapitre 9 verset 17 où il s’agit littéralement de cavaliers, mais le chapitre 19 nous fournit un exemple de l’emploi de ce symbole : le fait que le Seigneur est sur le cheval blanc indique-t-il que c’est Lui qui dirige l’empire romain ? Ou bien, les chevaux blancs des armées vêtues de lin impliquent-ils les pouvoirs impériaux ? Assurément, nous devons chercher une interprétation plus en accord avec l’emploi qu’il est fait ailleurs de cette figure. Elle exprime, selon moi, une attaque contre la terre, quoique ce puisse être de la part du ciel. De là, comme en Zacharie 1, elle peut s’appliquer au Seigneur, ou aux diverses puissances impériales qui ont succédé à Babylone ; et il en est de même des chariots et des chevaux de diverses couleurs, en Zacharie 6. Mais, comme distingué des cornes (chap. 1, 19), le précédent symbole se rapporte plutôt aux instruments providentiels cachés derrière la scène et en rapport spécial avec ces empires, qu’aux chefs eux-mêmes ou à leurs royaumes. Il n’y a donc pas évidemment de raison, tirée du livre lui-même ou de Zacharie auquel l’allusion est manifeste, d’appliquer le symbole du cheval à l’empire romain seulement. Il n’y en a pas davantage dans l’histoire profane, pour soutenir que le cheval est le signe particulier de ce peuple et de cette puissance-là. Et ce n’est pas étonnant ; car l’infanterie romaine caractérisait mieux la puissance militaire de ce peuple, que la cavalerie. Sans doute la figure du cheval abonde sur ses médailles, mais pas plus, comparativement, que chez les autres nations guerrières — particulièrement dans l’Orient, où elles représentaient ainsi leurs victoires. Cette figure avait été auparavant portée sur l’un des étendards de guerre romains ; mais deux siècles avant Domitien, toutes les variétés avaient été remplacées par l’aigle. À un point de vue abstrait, le cheval ne peut donc pas être considéré comme l’insigne national de Rome, ou l’emblème de l’empire romain. La question de savoir s’il y est fait ici allusion dépend de l’examen du contexte. Et il me semble ici que le quatrième sceau s’oppose d’une manière concluante à un point de vue semblable, les quatre sceaux étant des jugements providentiels, homogènes de caractère, mais différents de forme. Il se peut que le territoire romain en soit la sphère, mais ceci n’a rien à faire avec la portée symbolique du cheval dans notre passage.

Sans prolonger la discussion, qu’on veuille bien me laisser établir ma manière de voir personnelle. Nous avons une série régulière de jugements providentiels. Le premier est le cheval blanc, symbole d’un pouvoir triomphant et prospère. « Celui qui était monté dessus avait un arc » (v. 2). L’arc est le symbole d’une guerre lointaine. La carrière du cavalier est un cours non interrompu de victoires. Du moment qu’il paraît, il est vainqueur. La bataille est gagnée sans combat, et en apparence, sans le carnage du second jugement dans lequel est employée l’épée, symbole d’une lutte serrée corps à corps. Mais ce premier conquérant est quelque puissant personnage qui balaye la terre, et gagne victoire après victoire par le prestige de son nom et de sa réputation. Rien ne suggère ici la pensée d’un grand massacre ; mais le second jugement est d’un caractère bien plus effrayant. Il sortit un cheval qui était rouge, et celui qui est monté dessus n’est pas l’orgueilleux conquérant auquel les nations se soumettent sans résistance, mais quelqu’un qui, s’il remporte des victoires, fait flotter son étendard sur des monceaux de cadavres. En conséquence, il a un cheval rouge couleur de sang — le symbole de la puissance en rapport avec un affreux carnage. Le premier sceau, c’est-à-dire la carrière victorieuse de celui qui monte le cheval blanc, peut avoir eu pour résultat la paix et des changements relativement peu ensanglantés ; mais tout est sanguinaire sous le second sceau (v. 4). Le cheval rouge de feu, la paix ôtée de la terre, le massacre réciproque, la grande épée, sont des signes trop évidents pour qu’on puisse se méprendre à leur égard. Le troisième cheval est noir, couleur du deuil. C’est une nuance choisie pour montrer qu’il devait survenir de nouveaux actes providentiels de Dieu en jugement, par diverses douleurs particulièrement grandes, non plus causées maintenant par l’effusion du sang, mais par la disette, et peut-être pouvons-nous ajouter, à vue humaine, par une famine des plus extraordinaires. Ici nous avons la voix qui proclame : « Un chœnix de froment pour un denier »[10] etc. Le sou, dans notre pays, offre l’idée d’une valeur insignifiante ; mais dans ces lieux et dans ces temps-là, un chœnix de froment pour un denier était chose fort coûteuse, car peu auparavant on pouvait se procurer sept ou huit chœnix pour le même argent ; et par moment, paraîtrait-il, une fois plus encore. On donnait un denier pour le salaire d’une journée, et c’était à peine assez pour la nourriture quotidienne d’un homme ; car le chœnix semble être un minimum, puisque c’est ce que l’on accordait à un esclave. Mais pendant qu’il y aurait cette disette des choses même indispensables à la vie, il y avait ordre de ne pas toucher à ce qui tenait au luxe de la vie, l’huile et le vin. Ce n’était donc pas les riches qu’il importait plus particulièrement de frapper, mais les peuples dans ce qui forme les premières nécessités de la vie. Dieu étend Sa main sur le monde.

Cependant il est possible que de tels événements surviennent en temps ordinaires. Il se peut qu’un grand conquérant, tel que Jules César ou Napoléon à un moment quelconque, apparaisse sur la scène du monde, ou qu’il y ait famine, etc. Et dans le quatrième sceau, nous avons les quatre plaies mortelles envoyées à la fois par Dieu, l’épée, la famine, la mortalité, et les bêtes sauvages de la terre, mais limitées ici à la quatrième partie. Ce ne sont encore que des châtiments préparatoires. « Et voici un cheval livide, et le nom de celui qui est monté dessus est la Mort, et le hadès suivait avec lui » (v. 8). En Ézéchiel 14, vous trouverez que ces quatre mêmes plaies sont mentionnées ensemble en rapport avec Israël. Dans ces premiers jugements, Dieu n’a pas recours à des mesures bien extrêmes. Un conquérant n’est pas quelque chose de fort rare sur la terre ; une guerre sanglante et peut-être civile est également assez commune. Ceux-ci pourraient être suivis d’une famine, et cette famine pourrait assez naturellement produire la peste, etc. L’homme voudrait expliquer ainsi ces choses, et les sages seraient pris dans leur propre ruse. Mais nous savons d’avance, par la Parole de Dieu, qu’il vient un temps de conquête — puis de guerre sanglante — ensuite de disette — et enfin le temps de l’effusion des quatre plaies mortelles de Dieu. Les saints célestes sont destinés à être établis dans la paix et dans le repos en la présence de Dieu — l’Église, à être abritée en sécurité avant que commencent ces jugements.

La scène suivante, sous le cinquième sceau, est bien remarquable. Les animaux laissent échapper leur cri : « Viens »[11], qui était en rapport seulement avec des jugements extérieurs providentiels. Mais nous avons à présent une série d’événements quelque peu différents. Le cinquième sceau fait voir que Dieu a encore un peuple sur la terre. Qui sont ceux qui souffrent maintenant ? Le prophète voit leurs âmes sous l’autel, où ils se trouvaient comme holocaustes. Quoique morts, ils parlent encore. Ils furent égorgés à cause de la Parole de Dieu et à cause de leur témoignage. Après cela, l’homme ne peut plus rien faire. Ils font appel à la vengeance ; car après que le Seigneur aura pris à Lui les saints célestes, Il commencera à appeler des saints terrestres. Ils ne seront pas, sans doute, régénérés par un autre esprit ; mais ils seront appelés à suivre un autre chemin, et ne connaîtront pas Dieu dans la plénitude et la proximité avec lesquelles Il se révèle à nous maintenant, et dans lesquelles nous devons Le connaître. Ces saints auront « l’esprit de prophétie ». Tel était le mode par lequel le Saint Esprit opérait dans les saints de l’Ancien Testament. L’effet de l’Esprit de prophétie, c’est qu’ils attendaient la venue de Christ pour l’accomplissement de la promesse et de la prophétie ; et pareillement ces saints attendront la venue de Christ en gloire. Toutes leurs espérances reposent sur Lui, qui doit les délivrer d’une aussi profonde détresse. Ce n’est pas de cette manière que nous devons attendre Christ. Nous avons le repos en Lui maintenant. Bien que nous soyons dans l’attente de la venue de Christ, nous avons actuellement communion avec Lui dans la paix, et le droit, mis à mort ou non, de toujours nous réjouir en Lui. Ce n’est pas l’affaire des chrétiens, maintenant, de dire dans un temps d’épreuve : « Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang ? » etc. Les saints dont il est parlé ici ne seront pas placés, avec Christ, dans la même relation que nous en tant qu’il s’agit de communion. Ils feront appel au Seigneur pour qu’Il juge et qu’Il venge. Nous devons prier le Seigneur qu’Il pardonne. Ainsi Étienne « cria à haute voix : Seigneur, ne leur impute point ce péché ». Telle est aussi la seule prière qui convienne aux saints participants de la vocation céleste. Mais ici, les saints dont il est question sont sur un terrain différent. Ils prennent la position et expriment les sentiments décrits dans les Psaumes. Ceux qui pensent que les Psaumes ont pour but de présenter notre position et les sentiments qui nous sont propres comme chrétiens, ne peuvent qu’éprouver une grande difficulté à comprendre le langage de vengeance et d’imprécation qui y est employé. Mais lorsque l’Église sera enlevée, Dieu répandra, de la place qu’Il occupe sur le trône, ces jugements apocalyptiques ; et c’est à ce moment-là que ces psaumes s’appliquent pleinement. Dieu montre maintenant de la miséricorde : alors, ce sera le jugement de la terre. Lorsque ces visions s’accompliront réellement, Dieu ne déploiera pas, comme à présent, les immenses richesses de Sa grâce, mais les éclats terribles de Sa juste colère ; et ainsi, quand ce jour-là viendra et que les hommes seront encore inattentifs, les saints vivants ou morts diront : « Jusques à quand, ô maître souverain », etc.

« Et il leur fut donné une robe blanche » (v. 11). C’est-à-dire que la vengeance leur a été accordée, bien qu’ils ne prennent place sur des trônes qu’au chapitre 20. Il n’est jamais dit des esprits dépouillés du corps, qu’ils sont assis sur des trônes. Nous ne lisons pas que des esprits sont glorifiés, mais des corps ; c’est alors qu’ils entrent dans la gloire qui leur est destinée. Ils régneront avec Christ. Ainsi, après que l’Église s’en sera allée, il y aura des personnes qui rendront témoignage pour Dieu ici-bas, mais qui tiendront un langage totalement différent : ce seront des appels à la vengeance et non des paroles de grâce et de longanimité. Ce fut jadis une chose sainte que d’exterminer les Cananéens ; ce ne serait pas là aujourd’hui une chose chrétienne. Combien cela nous siérait mal, alors que Dieu montre de la miséricorde ! Mais lorsqu’Il jugera, cette conduite, qui ne serait pas maintenant de saison, sera convenable et juste. Si Dieu voit que la terre est dans un état tel qu’il devient nécessaire de la châtier et de la juger, ce sera une sainte chose d’avoir part à cette œuvre. Mais si je jugeais maintenant les méchants qui sont sur la terre, je ferais ce que ne fait pas le Seigneur — bien plus, le contraire même de ce à quoi Il prend plaisir. Le Seigneur est occupé maintenant à déployer les merveilles de Sa grâce ; et tous ceux qui le comprennent, agiront dans le même esprit. Le terrible tremblement du sixième sceau (v. 12) vient apparemment en réponse à la prière des saints qui sont impliqués dans ces scènes, et montre que les pouvoirs persécuteurs du monde recevaient un avant-goût de leur jugement aussi véritablement que les égorgés, au temps du sceau précédent, sont en partie reconnus dans leur droit avant qu’ils héritent le royaume. Leur sang criait, pouvons-nous dire, au Seigneur Sabaoth. Ils ont vécu pour Dieu et sûrement ils ressusciteront ; mais il leur faut attendre. Une autre classe de martyrs doit encore être complétée. « Et il leur fut dit qu’ils se reposassent encore un peu de temps, jusqu’à ce que leurs compagnons de servitude, et leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux, fussent accomplis ». Nous ne trouvons ici aucun détail sur la mort de ces saints, il nous faut les chercher plus loin dans d’autres parties de ce livre. En attendant, ceux qui ont souffert les premiers jouissent des résultats de la justice et sont reconnus de Dieu ; mais ils doivent attendre qu’une nouvelle classe différente de frères martyrisés qui doivent souffrir à la fin, soit complétée. C’est alors que viendra la vengeance. Il faut que l’iniquité parvienne à son comble avant l’heure du plein jugement de Dieu. Il doit y avoir auparavant un autre et dernier éclat de persécution. Mais remarquez-le aussi, il n’est laissé à personne la perspective d’être transmué sans passer par la mort.

Nous avons établi que les saints célestes (c’est-à-dire les morts en Christ et nous qui demeurons jusqu’à la venue du Seigneur), ont déjà été enlevés de la terre, comme l’avait fait voir le chapitre 4 — le cinquième chapitre ajoutant ce trait de plus que, tandis qu’ils sont en haut, il y a sur la terre des justes aux prières desquels les saints ressuscités prennent intérêt. Ce qui veut dire que ceux qui sont en haut, nous apparaissent animés de l’esprit d’intercession ; et il n’est rien de plus doux que cette position — rien en quoi nous soyons plus réellement rapprochés de Christ, sauf notre relation immédiate avec Lui-même. L’Église est destinée à avoir ce privilège dans la gloire, comme nous l’avons maintenant dans la grâce à l’égard de tous les hommes (1 Tim. 2) — le privilège de l’intercession pour d’autres qui sont encore dans l’épreuve sur la terre. L’Église prendra le plus profond intérêt à leurs tribulations, à leurs bénédictions et à leurs espérances.

Mais qui sont ceux qui souffrent sur la terre ? Au chapitre 6, 9, comme nous l’avons vu, il y a un effroyable massacre des saints. Ils poussent des cris qu’avec saint Jean et par son moyen, il nous est permis d’entendre. Ils en appellent à Dieu comme au Maître souverain de toutes choses. « Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang de ceux qui habitent sur la terre ? ». Évidemment, ceci n’est pas le cri d’un chrétien ; je ne dis pas que ce ne sera pas un cri de croyants, mais il sera approprié à leurs circonstances et aux voies de Dieu d’alors. On a des vues si bornées, qu’on s’imagine qu’il n’est pas possible d’être croyant sans être chrétien. Il est vrai que maintenant un croyant est naturellement un chrétien ; les jeunes enfants mêmes connaissent le Père. « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui confesse le Fils a aussi le Père ». Mais nous devons toujours tirer nos pensées et notre langage de l’Écriture, et non de notre propre imagination. Or, bien qu’Abraham et tous les saints de l’Ancien Testament fussent nés de l’Esprit, ils n’étaient cependant pas chrétiens dans le sens propre du Nouveau Testament ; car un chrétien n’est pas seulement celui qui a la foi en Christ, mais celui à la foi duquel Christ mort et ressuscité a été présenté par Dieu, et qui a, par conséquent, le Saint Esprit pour l’unir à Christ dans le ciel. Mais cela n’était pas et ne pouvait pas être jusqu’à ce que Christ fût venu et eût achevé l’œuvre de la rédemption. Ils étaient sans nul doute régénérés ; car le fait d’être né de nouveau n’implique pas nécessairement que l’œuvre de l’expiation a été préalablement accomplie ; mais cependant, c’est dans une position différente que nous avons été introduits par l’œuvre accomplie et par le résultat qu’elle a eu, la présence de l’Esprit durant l’absence de Christ

Ce ne sont donc pas des accents chrétiens que font entendre les âmes qui sont sous l’autel ; elles nous rappellent plutôt la position et les sentiments révélés autrefois. Depuis que le Seigneur Jésus Christ est venu et est monté au ciel, comme le rejeté maintenant glorifié, les souffrances de Christ comme le juste témoin pour Dieu et l’expression de la parfaite grâce envers l’homme sont, pour ainsi dire, reproduites dans les siens. Le Saint Esprit les met en communion de sentiment avec Christ. Ce qui était auparavant vrai dans une certaine mesure, devenait maintenant la portion des saints. Nul autre que Christ ne pouvait souffrir de la part de Dieu pour le péché. Mais une partie des souffrances, même des souffrances de la croix, provenait du fait que Christ y était placé par la malice des hommes ; il y en avait une autre partie, beaucoup plus profonde, et qui résultait de ce qu’Il était placé là par la grâce de Dieu pour revendiquer les droits de la sainteté et délivrer le pécheur. Dans cette dernière, Il souffrit pour nous ; dans la première, nous pouvons et devons souffrir avec Lui. De là, l’apôtre Paul n’hésite pas à dire : « Pour le connaître, Lui… et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort ». Un chrétien peut partager les souffrances de Christ dans le sens d’être rejeté, même jusqu’à la mort. Maintes fois, l’apôtre lui-même eut à la lettre cette perspective devant lui (voyez 2 Cor. 1 ; 4). Il connaissait la communion des souffrances de Christ ; Étienne la connut de même. Tel n’est pas du tout l’esprit de ce cri. Ici, ceux qui souffrent sont sous le profond sentiment de l’injustice dont ils sont l’objet, et ils n’invoquent que le jugement de Dieu. Quelle différence quand, au lieu de fuir la prison et le jugement, on se retire en rendant grâces à Dieu plein de joie pour avoir été estimé digne de souffrir la honte pour le nom de Jésus ! Est-ce là ce que nous trouvons ici ? Sans doute, le monde agit avec injustice ; mais il y a quelque chose de plus précieux que d’en appeler à Dieu pour qu’Il traite le monde comme le monde nous a traités. C’était là ce qui avait lieu lorsque les hommes étaient sous la loi ; et c’est ainsi que le principe de la juste rétribution paraîtra de nouveau au jour millénial, quand ils auront la loi écrite sur leurs cœurs. En tant qu’il s’agit de la justice pratique, de la bénédiction morale de la loi, Dieu l’accomplit maintenant dans les siens. Mais il y a un autre principe qui est développé sous toutes les formes ; car la grâce de Dieu va chercher les perdus. La mort de Christ est la plus grande manifestation de cette grâce, et le Saint Esprit produit l’esprit de grâce dans le cœur de Son peuple. Mais le cri du cinquième sceau est, que le péché soit mis à la charge des oppresseurs et qu’en conséquence la vengeance ait son cours : c’est là la justice, mais non pas la grâce. N’oublions pas cependant, que Dieu ne nous permet pas de faire entendre à notre gré un cri de justice ou un cri de grâce. Nous avons toujours tort si, toutes les fois que nous souffrons de la part du monde, chaque coup ne nous pousse pas à demander grâce pour nos persécuteurs. Dans nos rapports de chrétiens à chrétiens, nous sommes en droit, sans doute, de nous attendre les uns de la part des autres à une conduite honnête et juste : il entre dans le caractère d’un chrétien de sentir ce qui est mal et d’apprécier ce qui est bien (Rom. 12). Mais il devrait toujours y avoir puissance pour s’élever au-dessus du mal et lui opposer Christ, qu’il s’agisse soit de discipline à l’égard de ceux de dedans, soit d’intercession en faveur de ceux de dehors. Dieu agit en parfaite grâce, et nous devrions L’imiter dans nos rapports avec le monde. Ici, dans l’Apocalypse, c’est tout autre chose ; Dieu exerce des jugements préparatoires ; et il en résulte, pour les siens, un autre genre de relation, que celle dans laquelle Il nous a placés jusqu’à ce qu’Il nous prenne à Lui-même. En conséquence, ce que nous y trouvons c’est l’attente juive d’une délivrance, au moyen de la destruction des adversaires par la main de Dieu, et non l’espérance que nourrit le chrétien d’être retiré de la scène et transporté au ciel. Une juste vengeance est invoquée sur les habitants de la terre. Cela n’implique point chez les saints un caractère vindicatif, mais assurément ce n’est pas non plus la grâce pratique. Ils s’attendent donc à ce que Dieu juge, au lieu de soupirer, comme nous ferions, après la venue de Christ pour qu’Il nous prenne à Lui. « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! ».

Remarquez que le mot employé ici pour « Seigneur » n’est pas le terme généralement usité, mais le même qui se rencontre en Luc 2, 29 ; Actes 4, 24 ; Jude 4. Il signifie Seigneur dans le sens de « Maître souverain ». Il est aussi employé en 2 Pierre 2, 1 : « Reniant aussi le Maître qui les a achetés ». Nous n’avons pas ici l’intimité dans laquelle nous Le connaissons comme « notre Seigneur », mais la relation générale d’autorité dans laquelle le Seigneur est le Maître du monde entier — de tous les hommes, soit bons soit mauvais. Il n’est jamais dit que ceux qui connaissent le Seigneur Jésus Christ, par le Saint Esprit, puissent renier le Seigneur qui les a achetés.

Quoi qu’il en soit, à cet appel répondent les cris de douleurs de toute la nature, présentant, sous une forme symbolique, aux yeux du prophète, ce qui allait arriver. « Et je vis, lorsqu’il ouvrit le sixième sceau, et il se fit un grand tremblement de terre, et le soleil devint noir comme un sac fait de poil, et la lune devint rouge comme du sang ; et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme un figuier, agité par un grand vent, jette loin ses figues tardives. Et le ciel se retira comme un livre roulé, et toute montagne et toute île furent remuées de leur place » (v. 12-14). Les cieux sont bouleversés depuis un bout jusqu’à l’autre ; les étoiles tombent, etc., évidemment, à ce qu’il me semble, dans la vision seulement. « Et les rois de la terre, et les grands, et les chiliarques, et les riches, et les forts, et tout esclave et tout homme libre, se cachèrent dans les cavernes et entre les rochers des montagnes Et ils disent aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, et nous cachez de devant la face de celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l’Agneau, car le grand jour de sa[12] colère est venu ; et qui peut subsister ? » (v. 15-17). Ces jugements imminents jettent dans l’agitation les hommes de toutes les classes. Ce n’est pas réellement le grand jour de la colère de l’Agneau ; cependant les hommes le pensent ; ils craignent que le dernier jour ne soit déjà venu. Plusieurs ont cru que ce sceau représente l’épiphanie du Seigneur en jugement à la fin du siècle. C’est ce qui les a amenés à voir dans cette description un récit littéral des changements dans le ciel et sur la terre qui accompagnent ce grand événement. Mais de semblables pensées ne reposent sur aucun fondement solide. En premier lieu, le septième sceau n’est pas encore ouvert, de sorte que ce ne peut être la fin, lors même qu’on adopterait le système d’après lequel les trompettes ne seraient que la répétition des sceaux, sous un autre point de vue. De plus, il n’y a pas un mot faisant allusion à la présence du Seigneur. Il y a un grand tremblement de terre ; mais l’apparition de Jésus est incomparablement plus sérieuse que toute commotion possible dans le monde. La différence est manifeste, si nous comparons ces versets avec le chapitre 19, 11-21 de ce livre, et avec 1 Thessaloniciens 5 ; 2 Thessaloniciens 1 ; Luc 17, 24-37, etc. Pour ne rien dire de la sixième trompette, sous la septième coupe (que l’on doit sûrement reconnaître comme ne passant pas avant le sixième sceau), il est un tremblement de terre dont le Saint Esprit parle en termes encore plus expressifs. Cependant nous savons que celui-ci a lieu avant le jour du Seigneur ; car tous admettent que les coupes sont versées avant qu’Il vienne comme un larron. Et a fortiori pourquoi pas le sixième sceau ? Si ces commotions eussent été envoyées sous le septième sceau, la raison aurait pu paraître plus valable : dans l’état des choses, elle n’existe réellement pas.

Il y a aussi cette différence notable entre le sceau qui nous occupe et les passages de Matthieu 24 ; Marc 13, et Luc 21 auxquels quelques-uns voudraient le rattacher, que dans ces derniers il est expressément dit du Fils de l’homme qu’il est vu venant dans les nuées du ciel avec puissance et grande gloire, et que dans le premier, comme nous l’avons observé, on ne trouve pas trace de ce fait. Nous trouvons dans la description du sceau, que tous les hommes dans leur terreur disent aux montagnes et aux rochers (ceci serait-il littéral, après qu’ils avaient été remués de leur place ?) : « Tombez sur nous et nous cachez de devant Celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l’Agneau ; car le grand jour de sa colère est venu, et qui pourra subsister ! ». C’est là une révélation, non pas de ce que Dieu déclare au sujet des temps et des circonstances, mais de l’effroi des hommes et de son effet sur leurs consciences. Prendre ce que Jean dit dans la vision pour autant de réalités physiques qui devaient alors se produire littéralement dans le soleil, la lune, les étoiles et le ciel, serait, je pense, adopter une opinion sans y avoir mûrement réfléchi. Aurait-on besoin et serait-il possible d’invoquer la chute des montagnes et des rochers, si les étoiles tombaient réellement sur la terre ? Les hommes ou le globe lui-même pourraient-ils survivre à un tel choc ? En outre, il est clair que la description fait allusion à des passages de l’Ancien Testament, tels que Ésaïe 13 ; 34 ; Ézéchiel 32, 7, 8 ; et Joël 2. Or, ce dernier affirme nettement que les signes qui y sont prédits ont lieu avant que vienne la grande et terrible journée du Seigneur, et le premier reçut son accomplissement dans le passé, lors de la chute de Babylone, quoiqu’on puisse aussi voir en eux des types d’une catastrophe plus solennelle et plus universelle qui doit avoir lieu à la fin. Tout ceci, à mon avis, prouve d’une manière décisive que le sixième sceau, d’après la place naturelle qu’il occupe dans la prophétie, ne désigne en aucune façon la grande journée du Seigneur, mais fait ressortir, d’abord en figures et puis en langage ordinaire, une terrible révolution qui renverse les institutions existantes et tout l’ordre gouvernemental. Toutes les autorités, souveraines, dépendantes, et subordonnées, cessent leurs fonctions. Le choc est universel. Les hommes pensent que la dernière heure est venue ; — ce n’est pas le Seigneur, c’est leur conscience effrayée qui appelle ce moment, le jour de Sa colère. Mais quand ce jour-là vient (comme au chap. 19), ils sont hardis comme des lions. La fréquence même des jugements divins agit sur les cœurs endurcis des hommes, et ainsi, bien que les trompettes n’aient pas encore sonné, et que les jugements doivent devenir de plus en plus intenses, pourtant lorsque le Seigneur vient en personne, au lieu de crier que les montagnes les couvrent, ils sont trouvés combattant contre Lui. Quand leurs consciences étaient moins endurcies, ils s’alarmaient, mais lorsque le grand jour arrive ils sont en rébellion ouverte contre Christ. Ce que c’est que le cœur de l’homme ! Et quelle grâce infinie que le Seigneur nous ait amenés, non pas à la pensée de Sa colère — bien que je puisse désirer que le Seigneur veuille se servir de ce moyen pour réveiller les âmes — mais quelle grâce de penser qu’Il nous a amenés dans la paix, et qu’Il veut nous avoir dans la pleine jouissance de nos bénédictions célestes, même lorsque tous ces jugements passent au-dessous de nous ! Être dans la céleste présence de Celui qui exécutera alors ces jugements — telle est notre portion. Le Seigneur nous accorde de marcher en Sa grâce maintenant, de ne pas nous laisser entraîner dans l’esprit du monde et de ne pas nous prévaloir de nos droits ! Du moment que les hommes pécheurs commencent à parler de leurs droits, la seule chose à laquelle ils ont droit en la présence de Dieu, c’est d’être jugés et perdus. S’Il agissait envers nous sur ce pied-là, quand et comment pourrions-nous être sauvés ? Mais Il nous a pardonné toutes nos fautes, et nous a donné la joie de tenir ferme pour Ses droits. Le Seigneur nous accorde d’être vrais à l’égard de Lui-même et de Sa croix !

Chapitre 7

Le lecteur attentif de l’Apocalypse aura remarqué que ce chapitre ne fait point partie à proprement parler du cours des événements ; c’est-à-dire qu’il ne nous présente ni l’un des sceaux, ni l’une des trompettes, ni l’une des coupes. Les sceaux ne sont pas encore épuisés. Nous en avons eu six au sixième chapitre, et nous en trouvons un septième au chapitre huit. Quel est donc le sens du chapitre 7 ? Il constitue un intervalle — une espèce de parenthèse dans la suite de ces événements — qui se rencontre entre le sixième et le septième sceau ; sous le sixième, il survient une effroyable catastrophe parmi les rois et leurs sujets, les grands et les petits, qui appellent les montagnes et les rochers à tomber sur eux et à les cacher de devant la colère de l’Agneau. Dans leur pensée, Son jour était arrivé.

D’un autre côté, lorsqu’il ouvre le septième sceau (chap. 8), il se fait dans le ciel un silence d’environ une demi-heure : de sorte que l’ensemble du chapitre 7 ne constitue pas un chaînon dans la succession des événements qui se déroulent par anticipation sous les regards de saint Jean. Mais il n’y a pas moins d’ordre et de régularité dans cette interruption apparente du fil de l’histoire que dans la série formellement comptée des jugements, parce que tout ce que Dieu fait est parfait : tous les détails sont établis avec le plus grand soin et la plus grande précision. Une considération qui confirme cela c’est que, lorsque nous arrivons aux sept trompettes, nous trouvons la sixième au chapitre 9, tandis que la septième n’apparaît qu’au chapitre 11, verset 15 ; de sorte que tout le chapitre 10, et la plus grande partie du chapitre 11 forment une grande parenthèse où des événements sont révélés, d’une manière tout à fait semblable à ce que nous avons ici. Pour moi, c’est même plus remarquable encore dans les trompettes. Il est dit en effet au chapitre 9, 12 : « Le premier malheur est passé ; voici, il arrive encore deux malheurs », etc., et nous avons alors le sixième ange sonnant de la trompette et la description des cavaliers de l’Euphrate. Mais ce n’est qu’au chapitre 11, 14, que nous lisons « le second malheur est passé », paroles qui se rapportent évidemment aux cavaliers de l’Euphrate mentionnés auparavant dans le chapitre 9. De sorte que tout ce qui est relatif à l’ange puissant, qui descend du ciel, au petit livre que le voyant devait prendre et dévorer, au temple et aux adorateurs qu’il devait mesurer, ainsi qu’à la cour et à la cité abandonnée pendant quarante-deux mois, et aux deux témoins, à leur témoignage, à leur mort, à leur résurrection et à leur ascension, etc. ; — tout cela fait partie de ce remarquable épisode. Par conséquent, de même qu’il existe une parenthèse entre le sixième et le septième sceau, il en existe une parfaitement correspondante entre la sixième et la septième trompette ; et de plus, les coupes nous présentent quelque chose de tout à fait analogue. Si vous regardez à la sixième coupe (chap. 16, 12), vous verrez qu’il y a une interruption entre elle et la septième. Premièrement, l’eau du grand fleuve Euphrate tarit afin que la voie des rois qui viennent du soleil levant fût préparée. Et ensuite nous trouvons un sujet tout différent. « Je vis sortir de la bouche du dragon trois esprits immondes », etc. — « ce sont des esprits de démons » ; et puis, quelque chose encore de différent de cela : « voici, je viens comme un larron. Bienheureux est celui qui veille », etc. C’est là une courte mais remarquable parenthèse qui à la fois rend compte du mal et annonce la venue du Seigneur pour le juger. Je n’y fais allusion ici que pour faire voir qu’il n’y a rien dans la Parole de Dieu, et particulièrement dans ce livre-ci, qui ne s’y trouve à dessein et avec une portée bien précise.

Si vous prenez l’Apocalypse, il se peut qu’à première vue, elle ne vous semble qu’un labyrinthe embrouillé ; mais elle n’est nullement cela, et une pareille impression ne provient que d’une précipitation ignorante, ou d’une incapacité de discernement. Le fait est qu’on apporte à l’étude du livre certains sentiments ou certaines vues, au lieu d’attendre dans le désir de savoir quelles sont les pensées de Dieu et ce qu’Il dit dans ses pages. Mais nous prenons pour la Parole de Dieu le terrain le plus élevé, et nous maintenons que ce n’est que par l’efficacité du Saint Esprit que l’on peut comprendre quelque partie que ce soit de cette Parole. Or, qu’il s’agisse de l’âme d’un homme, de son salut et de ses espérances, de sa marche pratique soit comme individu, soit comme faisant partie d’un corps, de ses voies dans l’Église ou dans le monde, de son besoin d’instruction touchant le culte et le service de Dieu, ou même touchant ses devoirs dans les diverses relations qu’il soutient sur la terre quelles qu’elles soient, il existe une lumière divine pour tous les pas du chemin, et la seule raison par laquelle nous ne la voyons pas tous, c’est parce que nous n’avons pas l’œil simple que donne la foi. C’est la foi qui obtient la bénédiction, et je crois que de même que cette parole est toujours vraie : « Qu’il te soit fait selon que tu as cru », il y a aussi aveuglement selon la mesure d’incrédulité. Le Seigneur accorde toujours la bénédiction sur laquelle la foi compte de Sa part ; l’incrédulité trouve inévitablement la stérilité qu’elle mérite.

Mais revenons à notre sujet. Longtemps j’avais été arrêté par la difficulté que présentaient le scellement d’un corps de Juifs élus et la vision d’une innombrable foule de Gentils sauvés, lorsque leur bénédiction arrive seulement dans une portion plus avancée du livre. Mais du moment que j’ai appris que tout cela était une parenthèse et que l’époque où le résidu scellé d’Israël et les Gentils sauvés entrent réellement dans l’action et prennent leur place sur la scène, était une tout autre chose, cette difficulté a disparu. Pendant que les jugements continuent, Dieu permet pour notre consolation que le rideau soit ôté, s’écarte un petit moment, et nous voyons qu’ils sont tous en sûreté sous Ses yeux et prêts à être manifestés au temps convenable. Mais pour ce qui est de savoir quand ils viennent publiquement en vue, c’est une autre question. Le chapitre 14 fait mention d’un corps de cent quarante-quatre mille dont l’Agneau est le centre, et qui se tiennent avec Lui sur la montagne de Sion, ayant Son nom et le nom de Son Père écrits sur leurs fronts. Ce corps est évidemment analogue à celui que nous avons ici, quoiqu’il ne soit pas le même ; et peut-être pouvons-nous aussi comparer, mais non pas identifier, les « nations » dont il est parlé en Apocalypse 21, 24, 26, avec la foule innombrable de Gentils que nous présente notre chapitre. Leur ressemblance avec les brebis de Matthieu 25 est plus frappante encore, parce que celles-ci ne sont pas simplement les Gentils bénis du jour millénial, mais ils avaient soutenu l’épreuve durant le douloureux intervalle qui l’avait précédé. Et remarquez que dans ce passage, les brebis sont distinguées des frères du Roi dont la position est encore plus rapprochée de Lui-même — les saints Juifs auxquels, après l’enlèvement de l’Église au ciel, sera confié l’évangile du royaume qui doit être prêché dans tout le monde comme un témoignage à toutes les nations avant que la fin arrive. Ainsi, en Matthieu 25, 31-46, les frères israélites du Roi, immédiatement avant la fin, servent à éprouver les Gentils qui à Son apparition sont mandés devant Son trône et distingués les uns des autres comme bénis ou maudits, selon que la conduite qu’ils ont tenue envers les messagers qui annonçaient l’approche du royaume, au temps de leur douloureux témoignage, a prouvé leur foi ou leur incrédulité. Dans les jours de paix du millénium ; il sera né des millions de Gentils pour lesquels sera fatale la mise en liberté de Satan hors de sa prison à son terme.

Nous avons donc simplement dans ce chapitre deux scènes remarquables, rattachées l’une à l’autre par le sens qu’elles ont sinon quant à l’époque où elles ont lieu, en dehors de la marche régulière des choses. L’Esprit de Dieu interrompt pour le moment la description qu’Il faisait des jugements divins dans leur ordre historique, et nous montre que Dieu a en réserve de la miséricorde même dans le jour de détresse qui vient. Israël se trouvera dans des circonstances terribles : « Jérusalem recevra de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés ». Comme elle a été ardente dans sa haine contre le Seigneur, ainsi entend-Il que Sa colère soit doublement répandue sur la ville coupable. Nous avons vu passer sous nos yeux les jugements qui commencent d’abord par des événements comparativement ordinaires, tels que l’apparition d’un grand conquérant, des meurtres sur une grande échelle, la famine, les plaies mortelles de Dieu (la mort ayant trait au corps et le hadès à l’âme) ; puis un éclat impitoyable de persécution contre le peuple de Dieu ; ensuite une effroyable convulsion universelle embrassant le ciel, la terre et la mer, sujet de la plus vive alarme et de la plus grande épouvante parmi les hommes qui pensent que le jour de la colère de l’Agneau est venu. Mais ce jour n’était pas encore venu en ce moment. Lorsqu’il sera arrivé, le Seigneur exécutera en personne le jugement sur les morts et sur les vivants. Mais ici, c’est une terreur panique qui s’empare des hommes et leur fait redouter le jour du jugement. Et les rois de la terre et les grands, et les chiliarques, et les riches, et les forts, et tout esclave et tout homme libre, furent dans la dernière consternation.

Mais ici le Seigneur s’arrête, et nous prend à part pour un temps, afin de nous montrer ce que Sa miséricorde va faire. « Et après ces choses je vis quatre anges… retenant les quatre vents de la terre ». Pour le moment un frein est mis à leur impétuosité. « Et je vis un autre ange montant du soleil levant, ayant le sceau du Dieu vivant ; et il cria à haute voix aux quatre anges, auxquels il avait été donné de nuire à la terre et à la mer, disant : Ne nuisez pas à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu’à ce que nous ayons scellé les esclaves de notre Dieu sur leurs fronts » (v. 2, 3). Quelques-uns se sont imaginé que l’ange qui a le sceau est Christ, en partie parce qu’on prétend que l’œuvre dont il s’agit consiste dans la communication du Saint Esprit, sceau de la rédemption. Pour moi, tout cela est plus que douteux. Le Seigneur ne prend jamais la forme et le titre d’un ange, que lorsque nous arrivons à la série des trompettes. Que nous regardions aux sceaux, ou à la parenthèse qui se trouve entre les deux derniers, Il est invariablement comme l’Agneau, partout où il est question certainement de Lui. Ensuite, cet ange monte du soleil levant. Je puis sans difficulté appliquer un tel mouvement aux anges assujettis au Fils de l’homme, qui montent et qui descendent pour faire Son bon plaisir : mais lorsque le Seigneur apparaît sous la forme angélique, ou bien c’est dans Son service de souverain sacrificateur avec l’encensoir d’or, ou Il descend en proclamant Son empire et avec des signes de Sa puissance tels qu’il n’est pas possible de s’y méprendre. Dans la scène décrite ici, il n’est rien dit qui révèle sans équivoque Sa gloire propre. On a beaucoup insisté sur la phrase « jusqu’à ce que nous ayons scellé », comme si elle renfermait une allusion à la pluralité des personnes dans la divinité, ainsi qu’en Genèse 1, 26. Je suis surpris qu’on n’ait pas observé que le reste de la phrase était incompatible avec un sens pareil. Le Père, le Fils et le Saint Esprit (car tel dans ce cas serait le sens), diraient-ils : « jusqu’à ce que nous ayons scellé les esclaves de notre Dieu » ? Cette idée est absolument sans fondement aucun. Un pareil langage, lors même qu’on le mettrait dans la bouche du Seigneur exclusivement, ne semblerait pas en harmonie avec Sa dignité. Il enseigne Ses disciples à dire « notre Père », mais Il ne le dit pas avec eux ; et quand Il les associe avec Lui-même comme ressuscité des morts, l’expression dont Il se sert même alors, c’est : « Mon Père est votre Père ; mon Dieu est votre Dieu » ; — ce n’est jamais notre Dieu.

Le sens est donc que, avant que les jugements divers frappent la création, Dieu se sera préparé un certain peuple pour Lui-même. Ce sont des personnes scellées du sceau du Dieu vivant, c’est-à-dire qu’elles sont revêtues d’un caractère en tant que mises à part pour Dieu. Caïn fut revêtu par Jéhovah d’une marque bien différente : elle avait pour but de le mettre à l’abri du jugement de l’homme. Ici aussi le sceau peut impliquer l’idée de protection. Dans tous les cas, ces hommes sont scellés sur leurs fronts, ce qui, naturellement, ne signifie pas une marque physique, mais le fait que Dieu les met à part pour Lui-même, et je suppose d’une manière publique. Qui sont les scellés ? Un résidu déterminé de Son ancien peuple.

Ainsi, nous voyons les anges retenir les jugements qui vont tomber sur la création, et le sceau de Dieu est mis sur un certain nombre de personnes choisies du milieu d’Israël. Dieu aura des élus d’entre ce peuple, mais ce sera une élection personnelle et individuelle, et non pas simplement une élection nationale, comme jadis. Lorsque David entreprit de faire le dénombrement du peuple, ce fut un péché présomptueux ; mais ici c’est Dieu qui, dans Sa grâce, prend pour Lui-même un ensemble complet des tribus d’Israël. Le nombre cent quarante-quatre mille est un nombre régulier et complet, quoiqu’il soit un nombre mystique ayant trait, je suppose, à l’usage que Dieu veut faire ici-bas de la nation privilégiée. Le nombre douze implique toujours l’idée de quelque chose de parfait en vue de l’accomplissement de l’œuvre de Dieu, en tant que confiée à l’administration de l’homme. On peut voir cela dans les douze tribus d’Israël, les douze patriarches, les douze apôtres, et même dans les douze portes et les douze fondements de la nouvelle Jérusalem. C’est un nombre parfait dans les choses du ressort de l’administration de l’homme. De là vient que, lorsque la nation d’Israël doit être introduite de nouveau, nous trouvons employé par le Saint Esprit le multiple de douze et exprimé par des mille : le plein résultat pour ce qui concerne Israël, de l’administration que Dieu confiera à l’homme.

Une question importante a été soulevée ici : on a demandé si les tribus d’Israël devaient être prises dans le sens littéral ou dans un sens mystique. On fait valoir en faveur du dernier que la toute première vision, celle des chandeliers, image empruntée au sanctuaire juif, ainsi que les allusions renfermées dans les sept épîtres qui suivent, mais plus particulièrement dans le chapitre 3, 12, comparé avec le chapitre 21, 12, conservent le sens chrétien tout le long du livre. Mais raisonner ainsi, n’est-ce pas méconnaître le fait que l’application de symboles juifs aux églises, pendant qu’elles sont expressément mentionnées comme se trouvant ici-bas, et d’autres encore à l’Église, soit glorifiée en haut, ou suivant Christ, lorsqu’Il vient du ciel au jour du Seigneur, est entièrement distincte de la question, si certains symboles, pris d’Israël, ne peuvent pas s’appliquer aussi à une classe différente de témoins sur la terre entre ces deux termes ? La véritable question consiste dans l’intervalle entre le moment où il n’est plus fait mention des églises et celui où l’Épouse apparaît en gloire, avec l’Époux. Il suffit de bien poser la question pour montrer le manque complet de force de l’argument dans son application, non pas à Apocalypse 2 et 3, ni à Apocalypse 21, 12, où en général nous sommes tous d’accord, mais aux visions prophétiques à partir du chapitre 6.

Eu outre, il est accordé par le plus intelligent de l’école historique que, vers la fin du siècle, les Juifs seront convertis et se mettront à la tête dans le chant de louange que les saints terrestres feront retentir en ce temps. Il se peut que cela soit placé trop tard dans le livre et appuyé sur la faible preuve de la rencontre du mot hébreu « Alléluia » en Apocalypse 19, 3 : le fait n’en est pas moins admis — celui d’une prophétie apocalyptique de ce qui doit arriver avant l’apparition du Seigneur. Et qui plus est, une portion considérable de la même école, représentée par un de ses ouvrages les plus populaires (dissertations sur les prophéties de l’évêque Newton, tome I, pages 578, 579), prend les tribus d’Israël dans leur portée naturelle, historique, et applique la prophétie qui nous occupe à la vaste affluence des Juifs convertis qui se trouva sous le règne de Constantin. De fait, le premier écrivain chrétien qui fasse allusion à ce chapitre, Irénée, le pieux évêque de Lyon, explique sans hésitation l’omission de Dan de manière à prouver qu’il pensait que c’étaient bien les tribus d’Israël qu’il désignait réellement. C’est le même langage que tient aussi Victorien dans un passage au moins du commentaire le plus ancien qui existe sur l’Apocalypse. D’autres commencèrent bientôt de tourner vers la méthode allégorique, jusqu’à ce qu’à la fin la théorie anti-judaïque devînt de beaucoup la plus générale.

Mais il peut être bon de signaler rapidement les raisons alléguées par l’un des plus habiles défenseurs de l’école mystique, Vitringa. D’abord, il prétend que s’il faut prendre les noms dans le sens littéral, il doit en être de même pour le nombre. Mais cela s’en suit-il ? Et s’il le fallait, où serait l’obstacle ? Celui qui au jour d’Élie s’était réservé sept mille peut bien sceller cent quarante-quatre mille d’Israël à une époque future. Mais je ne vois pas la nécessité de cela. Il n’y a pas de difficulté, sauf pour un esprit fasciné par l’amour d’une simplification excessive, à prendre les personnes dans le sens littéral et leur nombre dans le sens symbolique. On ne nie point que les symboles existent, ni qu’ils aient un sens déterminé, mais c’est contraire à tous les faits d’attendre une harmonie de couleurs dans toutes les parties. De plus, que faudrait-il entendre par un Ruben, un Gad, un Aser mystiques ? Personne, que je sache, ne prétend attribuer à ces noms une signification distincte, à moins que ce ne soit quelque esprit entièrement livré aux caprices de son imagination. Ensuite, si c’est dans ce sens qu’il faille les prendre, on peut s’attendre à ce que chacun d’eux ait sa signification, et on la cherche en vain chez ceux qui plaident avec le plus d’ardeur en faveur de l’idée générale. On met encore en avant que par les scellés il faut entendre les élus de Dieu, qui doivent être garantis d’une calamité d’ailleurs universelle ; et qui peut assurer que ce ne sont que des Juifs ? Mais qui affirme qu’il n’y a pas d’autres élus que ceux-là ? Nous allons voir que la portée de la prophétie et le contexte font entendre le contraire. Ce qu’il y a de faux, c’est donc, non pas de prétendre que les milliers scellés sont pris des tribus d’Israël seulement, mais de prétendre qu’il n’y aura pas d’autres saints que ceux-là. En troisième lieu, l’omission de Dan semble présenter une difficulté pour le moins aussi grande dans l’hypothèse mystique que dans l’interprétation littérale. Dans la bénédiction de Moïse (Deut. 33), Siméon est laissé de côté. Faut-il donc prendre cette liste des tribus d’une manière allégorique ? En quatrième lieu, le passage parallèle allégué (Apoc. 14, 1) ne prouve en aucune manière qu’il ne s’agit pas des tribus d’Israël prises à la lettre. Les cent quarante-quatre mille du chapitre 14 sont des saints existant sur la terre peu avant la catastrophe finale, et en contraste avec ceux qui sont souillés par Babylone et tenus asservis par la Bête. Mais qu’ils soient l’Église plutôt qu’un résidu de Juifs pieux associés dans la pensée de l’Esprit avec Christ qui a souffert, mais qui est maintenant exalté, c’est ce que les écrivains de cette trempe n’ont même jamais bien considéré, et beaucoup moins encore l’ont-ils établi d’une façon ou de l’autre.

D’un autre côté, je comprends que la distinction des tribus est incompatible avec tout autre sens que le sens littéral. Puis encore la distinction entre les scellés d’Israël et la multitude innombrable de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue, est aussi évidente, aussi positive qu’il est possible de l’exprimer par des mots. De sorte que si on l’examine de près, la théorie mystique ne peut échapper au reproche d’absurdité ; car elle identifie les Israélites scellés avec les Gentils qui ont des palmes en leurs mains, nonobstant le contraste manifeste et formel dans lesquels le chapitre les place. Cela vient de ce qu’on ne veut voir dans la multitude gentile que la réunion de toutes les générations successives des élus d’entre les tribus d’Israël. Pour ce qui concerne les scellés, on ne trouve rien qui suggère l’idée qu’il y a succession parmi eux : l’ordre de suspendre l’action des quatre vents, jusqu’à ce que les élus fussent scellés, implique même le contraire. C’était une heure précise limitée, de même qu’il s’agissait d’une classe spéciale de personnes. Mais ce qui tranche la question, c’est que les Gentils porteurs de palmes (c’est-à-dire, selon quelques-uns, l’Église chrétienne dans sa plénitude céleste), sont tous décrits comme venant de la grande tribulation — tribulation que même ils considèrent comme ayant suivi les jours de Constantin. Ainsi, à mon avis, tout concourt à prouver avec force que les scellés de notre chapitre sont à la lettre israélites ; — ils ne sont pas seulement d’Israël, mais ils sont Israël, l’Israël de Dieu, de même que l’interprétation mystique de la première partie du chapitre, avec l’interprétation littérale du reste, conduit ses défenseurs aux conséquences les plus grossières ; là on la suit systématiquement.

Quant aux tribus dont il est fait mention, il y a un point particulier sur lequel je ne puis dire que peu de chose. On y trouve les fils des diverses femmes de Jacob : d’abord les deux fils de Léa, Juda et Ruben ; puis ceux de Zilpa, servante de Léa, Gad et Aser ; ensuite Nephthali, le fils de la servante Bilha, et à la place de Dan, son autre fils, est substitué Manassé, premier-né de Joseph. Viennent ensuite les quatre fils de Léa, Siméon, Lévi, Issacar et Zabulon, et enfin les fils de Rachel, Joseph et Benjamin, Évidemment les fils sont placés d’après leurs différentes mères, les enfants des servantes étant entremêlés avec ceux des femmes libres. Dan, qui avait été le plus en évidence pour l’idolâtrie, est omis, et à la place d’Éphraïm, le plus jeune fils de Joseph, nous trouvons Joseph lui-même. Ce sont les appelés d’Israël que nous avons ici ; mais les tribus sont comptées et disposées dans un ordre particulier. Ce n’est plus l’ordre selon la nature, celui de la naissance, qui est suivi, mais il semble que Dieu fait entendre qu’Il voulait en faire aussi un peuple spirituel, marqué de Son sceau. Ce seront de vrais Israélites en qui véritablement il n’est point de fraude. Dan n’est pas non plus déshérité à la fin (Éz. 48, 1, 32).

Mais il y a autre chose. Dieu va aussi sauver une multitude de Gentils, et ici il n’est point indiqué de nombre : pensée bien délicieuse par son ampleur ; car quoique Dieu en tire maintenant un peuple pour Son nom, néanmoins quand nous pensons aux multitudes qui sont plongées dans les ténèbres, aux myriades de myriades qui vivent dans les contrées païennes, et que nous nous disons que dans leur sein il se trouve tout au plus çà et là une poignée d’hommes ayant la connaissance de Dieu, quel sujet de réflexions pénibles et humiliantes n’est-ce pas pour nos cœurs ? Mais n’est-ce pas remarquable que lorsque Dieu va nous montrer l’accroissement de la méchanceté, tant du Juif que du Gentil, et que Ses jugements sont sur le point d’éclater, nous trouvons que cette multitude est comptée avec le plus grand soin en Israël et que Dieu n’oublie pas les pauvres Gentils ? Il se peut qu’ils ne soient pas placés dans la même position élevée que les Israélites, mais néanmoins Dieu les bénira d’une manière merveilleuse. Mais le prophète qui venait de reconnaître les élus scellés d’Israël et en avait entendu le nombre doit recourir à un des anciens pour apprendre quels sont ceux dont se compose cette multitude innombrable. Ils étaient pour Jean une foule nouvelle, inconnue parmi les bienheureux. S’ils eussent été scellés sur leurs fronts, peut-on croire que leur vue eût semblé après cela aussi étrange ?

La multitude dont il s’agit ici est distincte de l’Église, si même elle ne fait pas contraste avec elle, et voici comment nous savons cela clairement. Les anciens représentent les saints célestes comme chefs de la sacrificature. Or, Dieu pourrait bien employer deux symboles différents pour représenter le même corps, comme par exemple les vierges sages et les bons et fidèles serviteurs en Matthieu 25 sont successivement des figures des saints célestes ; mais notre passage donne la multitude gentile et les anciens comme des sociétés distinctes comprises dans la même scène. En outre, les anciens font une chose et la multitude en fait une autre. Et par-dessus tout, remarquez que la manière dont Dieu parle de cette multitude la distingue totalement, soit de l’Église de Dieu, soit des saints de l’Ancien Testament. Voici, en effet, ce que nous lisons au verset 14 : « Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation ». Je comprendrais naturellement que l’ensemble de cette dispensation fut appelé, d’une manière figurée, un temps de tribulation et même de grande tribulation ; mais ici il n’est pas dit simplement : « Ce sont ceux qui sont venus d’une grande tribulation », mais « de la grande tribulation ». Il n’est pas possible d’étendre « la grande tribulation » à tout le temps qui s’est écoulé entre la première et la seconde venue du Seigneur. Même les interprètes protestants, qui se tiennent à un sens vague, en font eux-mêmes une tribulation spéciale, mais ils l’appliquent, comme c’est tout naturel chez eux, aux terribles persécutions de la papauté. Le texte signale un temps particulier de détresse, et nous apprenons d’ailleurs qu’il est encore à venir ; et c’est précisément ce temps-là que comprend la partie centrale de l’Apocalypse, ce temps dont surtout elle traite. Il était dit dans l’épître à Thyatire : « Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande affliction, s’ils ne se repentent de ses œuvres ». Je soupçonne fort que cette grande tribulation doit s’accomplir maintenant. La scène de l’Église est close, la grande tribulation vient avec rapidité, et ceux qui avaient fait profession de christianisme, mais qui étaient retournés à l’idolâtrie, y seraient jetés avec d’autres. Ce que Dieu nous fait voir ici, c’est donc une multitude de Gentils sauvés ; il ne s’agit point des Juifs, car nous les avons eus juste avant, et ce n’est pas non plus les chrétiens, car ils seront alors dans le ciel. C’est un corps de Gentils, appelés après l’enlèvement de l’Église ; ils doivent se trouver dans la grande tribulation, mais ils y seront préservés.

Il est parlé de la grande tribulation dans plusieurs parties de la Parole de Dieu. Jérémie la nomme en rapport avec les Juifs (Jér. 30, 6). « Hélas ! que cette journée-là est grande. Il n’y en a point eu de semblable, et elle sera un temps de détresse à Jacob, mais il en sera pourtant délivré ». Il doit y avoir un temps d’angoisse excessive, qui se termine par le jour du Seigneur, et Jacob doit en être délivré, de sorte que vous avez là la détresse du Juif ainsi que sa délivrance. Mais c’est encore plus explicite en Daniel (Dan. 12). L’ange parle du propre peuple de Daniel, des Juifs. « En ce temps-là…, et ce sera un temps de détresse tel qu’il n’y en a point eu depuis qu’il y a eu des nations jusqu’à ce temps-là, et en ce temps-là, ton peuple, c’est à savoir quiconque sera trouvé dans le livre, échappera ». C’est là « le temps de la détresse de Jacob, mais il en sera délivré ». C’est évidemment une contrepartie manifeste des paroles de Jérémie. J’en conclus qu’il doit y avoir une période future de « détresse, telle qu’il n’y en a jamais eu », et qui précédera immédiatement la délivrance du peuple de Jacob, comme il en est parlé dans ces prophéties.

En Matthieu 24, le Seigneur Lui-même y fait allusion. « Car alors il y aura une grande affliction, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais ». Évidemment, c’est la même période que nous avons là, le Seigneur citant le passage même de Daniel ; il est de toute clarté qu’Il ne parle que des Juifs, parce qu’ils sont supposés être en rapport avec le temple, et qu’ils sont exhortés à prier pour que leur fuite n’arrive pas en un jour de sabbat, cas où ils ne pourraient aller plus loin que le chemin d’un sabbat, non plus qu’en hiver. Dans l’un et l’autre cas, leur fuite rencontrerait un obstacle, soit du côté de Dieu, soit dans les circonstances de la saison. La même allusion se trouve en Marc, mais Luc semble parler d’une manière plus générale. Quelles sont donc les personnes qui doivent se trouver sur la scène de la tribulation ? D’abord il y aura des Juifs dont il est parlé dans les prophètes et les évangiles, objet des soins de Dieu qui agira avec amour à l’égard d’un résidu d’Israël et le délivrera de sa détresse. Puis Apocalypse 7, 9 nous apprend qu’il doit aussi y avoir une multitude de Gentils. Mais ni l’une ni l’autre de ces deux catégories ne sont l’Église,

Nous ne voyons jamais Dieu s’occuper ainsi dans Ses voies du Juif et du Gentil comme tels et en même temps former l’Église, car alors il y aurait dans le même temps, sur la terre, au moins deux, sinon trois objets — non seulement différents, mais opposés — de l’affection particulière de Dieu, et avec lesquels Il agirait sur des principes et dans des buts différents. Supposez qu’il y eût deux personnes que le Seigneur s’occupât de rapprocher de Lui : s’il s’agissait du Juif, Dieu reconnaîtrait un temple, une sacrificature et un culte terrestres. Quand Il était sur la terre, le Seigneur reconnaissait les Juifs comme tels, et Il fera de même, d’une manière plus bénie encore, dans le jour qui approche. Mais aussi longtemps qu’Il s’occupe de la formation de l’Église, l’ordre juif cesse d’avoir des droits. À supposer donc que Dieu bénît les Juifs comme Juifs, et qu’en même temps Il fût occupé à former l’Église sur la terre, si deux personnes se convertissaient, l’une dirait : Je dois encore avoir mon sacrificateur et aller au temple, tandis que l’autre s’écrierait : Il n’y a pas d’autre sacrificateur que Christ, et c’est dans le ciel qu’est le temple. Voyez la confusion qui résulterait du fait que Dieu reconnaîtrait dans le même temps ici-bas un peuple terrestre et un peuple céleste. En ce temps de tribulation, où le Seigneur reconnaîtra en un certain sens le Juif, c’est-à-dire le résidu fidèle, l’Église ne sera plus sur la scène. Les objets de la délivrance seront des Juifs élus et des Gentils élus, parfaitement distincts les uns des autres, et non l’Église de Dieu dans laquelle ils sont unis, et où toutes les distinctions disparaissent. Nous avons vu dans les chapitres 4 et 5 la preuve directe que l’enlèvement de l’Église a eu lieu alors. Ici nous en trouvons une démonstration indirecte dans le fait de Juifs scellés et de Gentils sauvés, et dans l’expresse distinction de ces derniers, des anciens ou des saints célestes. Les Juifs scellés comprenaient les élus d’entre toutes les tribus d’Israël, excepté là où il se trouvait une flétrissure particulière comme dans le cas de Dan. Mais du moment que les Juifs reparaissent, Dieu regarde aussi vers les nations, quoique séparément d’Israël, parce qu’ayant déjà visité le Gentil dans Sa miséricorde, Il ne la lui retirera jamais. C’est pourquoi, comme Il parle ici de miséricorde à une plénitude d’Israël, il y a aussi le salut pour une multitude de toute nation, de toute tribu, de toute langue et de tout peuple.

Nous avons vu en Thyatire que si les coupables chrétiens de profession continuaient dans leur péché avec Jésabel, ils seraient abandonnés et auraient à passer par la grande tribulation. Ici nous trouvons la grande tribulation arrivée, et non seulement les Israélites sont scellés, mais une multitude de Gentils en sont délivrés. L’Ancien Testament ne parle pas de délivrance de Gentils, il ne parle sous ce rapport que des Juifs. Cependant Dieu a envoyé le salut aux Gentils, et de là vient que la délivrance gentile est aussi prééminente dans la prophétie du Nouveau Testament que l’est dans l’Ancien la délivrance juive. Dieu fait voir qu’il y a à sauver dans les derniers jours une immense multitude de Gentils. Mais en sera-t-il ainsi dans ces contrées où la lumière de l’évangile a brillé et a été méprisée ? « Ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Et à cause de cela Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice » (2 Thess. 2, 10-12). Dieu visitera ceux qui n’ont pas joui de ce témoignage, les peuples en dehors de la chrétienté auxquels Christ n’a pas été présenté comme il faut. L’Église a entièrement manqué à ce que Dieu attend de nous. Il appelait l’Église à prendre la croix et suivre Christ ; mais dans la pratique, l’Église a laissé la croix et suivi le monde. Tout cela a endurci les païens, qui trouvent que l’Église ne porte pas les fruits qui conviennent à la grâce et à la vérité que nous professons avoir trouvées en Christ. Mais Dieu, dans la plénitude de Sa miséricorde, ira vers ces peuples de dehors. Ma pensée est donc que ces mêmes pays, qui se seront donnés comme le centre d’où jaillit la lumière, seront plongés alors dans l’idolâtrie de l’Antichrist, tandis que ceux qui auront été dans les ténèbres se montreront dans la lumière. Ce sera seulement une seconde fois l’histoire de la Galilée des nations, lorsque Jérusalem méprisa et perdit le Fils de Dieu — hélas ! jusques à quand ?

Le résultat béni de cela nous apparaît ici dans cette multitude innombrable de toutes nations, de toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues, qui se tiennent devant le trône[13] et devant l’Agneau. Leurs robes sont les robes de justice[14] et leurs palmes sont les palmes de la victoire ; mais ils ne chantent pas le cantique nouveau. Rien dans cette scène ne rappelle le ton élevé et triomphant du chapitre 5 ; pas d’intercession pour d’autres, pas un mot du privilège d’être faits rois et sacrificateurs pour Dieu. Ils crient à haute voix : « Le salut est de notre Dieu qui est assis sur le trône et de l’Agneau ». Ce sont des personnes sauvées ; mais dans ce qu’elles célèbrent, elles s’arrêtent au titre que Dieu prend sur le trône, et à l’Agneau ; elles ne vont point au-delà. Or, Dieu n’est pas assis maintenant sur le trône décrit dans ce passage : du moins ce n’est pas ainsi qu’Il se révèle pendant que l’Église est sur la terre. Il y prendra bientôt Sa place, comme quelqu’un qui va procéder à des jugements ; et la grande idée qui me paraît présentée ici, c’est que quoique ce soit un temps de colère et d’action judiciaire préparatoires, Dieu montre une miséricorde signalée, même envers les Gentils. Le verset 13 nous présente les anciens considérant cette scène. Comment pourraient-ils se contempler eux-mêmes ? Tel cependant doit être le cas, si on suppose que les anciens et l’innombrable multitude figurent également l’Église. Ce sont des catégories distinctes. Si les anciens sont l’Église, la multitude ne l’est point ; et si la multitude l’est, alors les anciens ne sauraient l’être. Je puis bien comprendre qu’un homme se soit fait peindre avec un costume à une époque, et dans un costume différent à une autre. Mais il n’est pas possible que le portrait d’un homme le représente revêtu, dans le même moment, de deux costumes différents destinés à le montrer dans des caractères distincts et remplissant en même temps des fonctions opposées.

Dans l’Église de Dieu dont l’appel a cours actuellement, il n’y a ni Juif ni Gentil. Du moment que vous trouvez la distinction entre eux gardée, il ne saurait y avoir l’Église. Partout où vous séparez le Juif du Gentil, vous êtes hors du principe de l’Église. Avant la mort et la résurrection de Christ, Dieu n’était pas occupé à former du Juif et du Gentil un seul corps. Aussi, quand le Seigneur Jésus était sur la terre, allait-Il jusqu’à défendre à Ses disciples d’aller vers les Gentils, ou même d’entrer dans les villes samaritaines. Mais quand le moment fut venu où Il allait former l’Église, Lui, le commencement, le premier-né d’entre les morts, Il leur commanda d’aller partout et de prêcher l’évangile à toute créature, au lieu de rechercher seulement ceux qui le méritaient en Israël. Par là, Dieu manifestait un changement total dans Ses voies ; non pas qu’Il n’eût pas connu la fin depuis le commencement, mais dans le dessein de déploiements nouveaux de Sa gloire en Son Fils. C’est ainsi, pareillement, que lorsque la vocation présente prendra sa fin, Sa miséricorde s’ouvrira des voies nouvelles comme nous l’avons vu.

J’ai donc confiance qu’il a été montré clairement que ce n’est pas l’Église qui fait le sujet de ce chapitre, mais bien Israël et les Gentils bénis comme tels. Et certes, je n’hésite pas à dire que si quelqu’un supposait que Apocalypse 7 traite de l’Église, cela prouverait qu’il n’a pas une idée juste de la nature et de la vocation de l’Église — qu’il n’a pas l’idée de ce que le Saint Esprit rattache avec le corps de Christ ici-bas[15]. L’Église de Dieu est essentiellement un corps céleste qui exclut complètement toute distinction de Juif et de Gentil. Il résulte de ce chapitre, si même il n’a pas pour but de l’établir, qu’au temps auquel il se rapporte, ces distinctions reparaissent. Il nous présente d’abord un ensemble déterminé d’Israélites, ensuite une foule innombrable provenant des Gentils ; outre ces deux catégories, la classe des rachetés composée de Juifs et de Gentils, et qui nous est familière depuis longtemps dans ce livre, savoir, les anciens couronnés, y est aussi présentée comme un corps entièrement distinct.

Nous avons donc dans ce chapitre, « le Juif, le Gentil et l’Église de Dieu » — des Juifs scellés et des Gentils sauvés pour la terre, comme je le suppose, et l’Église avec les saints de l’Ancien Testament conservés pour la gloire céleste. Quoique une grande miséricorde soit aussi manifestée aux élus des douze tribus, et aux Gentils aussi qu’on aurait pu croire oubliés alors (v. 14-17), ce n’est pas cependant le même haut privilège dont nous jouissons. « Ils », c’est-à-dire, les Gentils épargnés, « le servent jour et nuit dans son temple ». Mais quand le Saint Esprit nous montre notre place particulière de bénédiction, le prophète dit : « je ne vis point de temple en elle ». Au chapitre 21 où il décrit l’épouse ou la Jérusalem céleste, c’est un état de choses entièrement différent de ce que nous avons ici. Quoique ce fût la cité où vous vous seriez attendu avant tout à trouver un sanctuaire, il dit : « Je ne vis point de temple en elle ». Pourquoi cela ? Parce que cette cité est le symbole de l’Épouse, et que lorsque Dieu révèle la bénédiction et la gloire de l’Église, Il en parle comme l’attirant tout près de Lui-même de telle sorte qu’il n’y ait que Christ entre Lui et elle ; si nous pouvons appeler cela entre, quand Christ Lui-même est l’image du Dieu invisible, Celui qui nous révèle Dieu et qui est Dieu. Elle exclut l’idée du temple. Ici au contraire nous avons le temple. Un des plus grands privilèges mentionnés comme appartenant à ceux dont il s’agit, c’est qu’ils servent Dieu dans Son temple, et que « Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux ». Tel est le véritable sens de l’original, qui ne signifie point, habitera avec eux, comme disent les versions ordinaires. Au chapitre 21, nous trouvons Dieu habitant avec les hommes ; mais c’est une expression complètement différente de celle de notre chapitre. Ici l’idée est que la présence de Dieu couvre les Gentils de son ombre, les protège, les met à l’abri ; mais rien ne tend à faire penser que Dieu prenne Sa place avec eux. Ils sont bénis de Dieu, couverts de Son ombre, et protégés comme autrefois Israël, sous la nuée de Sa présence. Comme eux aussi, dans l’avenir (És. 49), ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus ni aucune chaleur : expressions bénies mais qui rappellent plutôt une position terrestre qu’une position céleste. Pour nous, nous avons l’Agneau Lui-même pour nous paître maintenant. Même ici, Il nous donne d’avoir en nous des fontaines d’eau jaillissante jusque dans la vie éternelle, et de voir couler de nous des fleuves d’eau vive.

J’ai donc tâché d’établir que les desseins de Dieu ne se bornent pas à ce qu’Il fait maintenant. Tout en formant le corps céleste de l’Église, et lui conférant les plus hauts privilèges qu’Il puisse accorder, Dieu va bientôt visiter les Gentils. Il se souviendra d’eux, et cela sera fait au milieu des jugements les plus terribles qui précèdent le grand jour. Dieu fait voir clairement notre position propre au milieu de tout cela, car nous voyons les anciens distingués de tous les autres, et ils ont la pensée de Christ. Ceci est la position de l’Église même sur la terre, absolument comme Joseph fut, en son temps, le dépositaire de la sagesse de Dieu. En prison, ou hors de prison, il entrait dans les pensées de Dieu, et était capable de les exprimer à d’autres. Telle est la position dans laquelle nous place la bonté de Dieu. Hélas ! combien peu elle est appréciée, et comme nous agissons peu en conséquence. Avoir la pensée de Christ est l’un des plus précieux privilèges qui appartiennent à l’Église de Dieu, après la position que Dieu nous donne en tant que amenés tout près de Lui en Christ. Il devrait y avoir la puissance d’annoncer les pensées de Dieu révélées par le Saint Esprit.

Chapitre 8

Il est évident pour moi que l’ouverture du septième sceau est suivie d’une pause courte mais solennelle qui introduit encore une nouvelle série de jugements divins. « Et lorsqu’il eut ouvert le septième sceau, il se fit un silence au ciel, d’environ une demi-heure. Et je vis les sept anges qui se tenaient devant Dieu, et il leur fut donné sept trompettes ». Les jugements qui nous sont présentés ici ont un caractère un peu différent de celui des sceaux. En premier lieu, les sceaux semblent en général avoir une étendue plus grande, mais les coups n’étaient pas aussi rudes. Il est vrai qu’en Apocalypse 6, 8, le coup frappé alors était limité, quant à son étendue, à la quatrième partie, mais il n’y avait pas de restriction pareille dans les autres cas, tandis que dans la plupart des trompettes, ce n’est, sauf quelques petites exceptions, que la troisième partie qui est frappée. Il est donc possible que le champ qu’embrassent les trompettes ait moins d’étendue que celui des sceaux, mais on verra tout à l’heure que les jugements qu’elles annoncent ont bien plus d’intensité. En outre, le nom lui-même indique une différence. La trompette est l’expression d’un appel de Dieu éclatant et solennel. C’est Dieu sommant les hommes à comparaître, car s’ils ont rejeté Sa grâce, il faut qu’ils entendent, lors même qu’ils les oublient, les rudes avertissements de l’approche de Son jugement. Les sceaux n’auraient pas pu être aussi facilement considérés par leur nature et leur ordre comme des interventions divines, directes, si Dieu ne nous eût déclaré d’avance qu’ils étaient bien cela. En eux-mêmes, ils étaient les avant-coureurs, et spécialement les quatre premiers, d’événements désastreux, mais non sans précédents. Mais lorsque nous arrivons aux trompettes, il n’est pas aussi nécessaire d’annoncer que ce sont des jugements dispensés d’en haut. Leur retentissement, ou la sommation qu’elles adressent, est de toute clarté et du caractère le plus pressant : impossible aux hommes de s’y méprendre.

Mais nous devons signaler une autre différence remarquable et d’une nature plus spirituelle. Dans ces scènes nouvelles, nous n’apercevons plus l’Agneau. Il n’est point parlé du Seigneur Jésus dans ce caractère-là, pendant que ces jugements de destruction ont leur cours. Cette circonstance suppose et annonce un changement considérable, et nous avons à rechercher ce que Dieu veut que nous apprenions par là. Si parfois le Seigneur Jésus intervient, c’est sous un autre aspect, et non pas comme l’Agneau. Ce n’est pas l’Agneau, mais un ange qui prend l’encensoir d’or. Je ne nie point que cela est relatif à Christ, mais c’est à Christ envisagé dans ses rapports avec les anges, ou au moins sous une forme angélique. Il est présenté ici dans une position plus éloignée que celle dans laquelle L’ait jamais connu et le connaisse l’Église, ou le chrétien comme tel. En Hébreux 2, le Saint Esprit argumente du fait que Christ a pris la place de l’homme. « Car certes il ne prend pas les anges » etc., c’est-à-dire qu’Il ne se charge pas des anges ; ils n’étaient point l’objet de l’appel de Dieu, ni de Sa rédemption. Jésus s’est chargé de la semence d’Abraham, Il a pris son affaire en mains, et à cause de cela, « puisque les enfants ont part à la chair et au sang, lui aussi semblablement y a participé ». Il ne s’est point chargé de la cause des anges. Il ne soutient pas de relation avec eux sur ce pied-là. Cependant il n’y a rien, à ce qu’il me semble, de contradictoire dans l’idée que c’est le Seigneur Jésus qui est présenté dans notre chapitre 8, comme l’ange officiant à l’autel, car Il est véritablement le chef de toute chose, le chef de toute principauté et de toute puissance. Pourquoi donc ne serait-Il pas envisagé ici dans une gloire élevée, dans la gloire angélique ? Le personnage dont il est question agit comme l’ange sacrificateur. Ce n’est point incontestablement de cette manière que Christ s’occupe des saints célestes, et qu’Il sert pour nous devant Dieu. Mais alors, au moment où nous sommes arrivés dans la prophétie, le Seigneur en a complètement fini avec Ses divers ministères en faveur de ceux qui sont participants de l’appel céleste, au moins autant qu’il s’agit de pourvoir à ce qu’exigent leurs manquements ; mais nous apprenons qu’Il s’intéresse à une autre classe de saints — à « tous les saints » naturellement — qui se trouveront sur la terre après que l’Église aura été enlevée au ciel.

Les saints de Dieu nous apparaissent ici dans la souffrance moins que partout ailleurs. Les jugements tombent presque exclusivement sur le monde, sur les hommes dans leurs circonstances et leurs personnes, et finalement, sur les hommes dans leur responsabilité quant à leur relation avec Dieu. Il semblerait qu’extérieurement, les saints sont mêlés avec eux, et cela explique l’absence de l’Agneau ; car, toutes les fois qu’Il apparaît comme tel dans le livre de l’Apocalypse, c’est dans Son saint caractère de souffrance et de réjection. En conséquence, l’Agneau est particulièrement présenté là où il est fait mention de saints dans la souffrance. Car cette parole-ci demeure toujours vraie : « Quand il a mis ses propres brebis dehors, il va devant elles ». Jamais Il ne les place sur un sentier dont Il n’ait pas goûté avant elles la souffrance la plus amère. Ici, Il se retire en quelque sorte, et on ne Le voit que dans une gloire comparativement éloignée, dans la gloire angélique.

Remarquez aussi comme le chapitre est rempli de symboles, et comme, dès la première trompette, ils sont d’une espèce extérieure. Partout domine le caractère mystérieux. Ce n’est point l’expression du bon plaisir du cœur de Dieu en ceux qu’Il aime que nous trouvons là. Lorsque ceci fait le sujet de Ses communications, Dieu parle face à face pour ainsi dire. Il est simple et explicite dans Son langage. Sans sortir de ce livre, prenez, par exemple, le chapitre 14. Là, Il va parler de personnes qui étaient ou devaient être exposées à toutes sortes d’épreuves, à cause de leur association avec Jésus, et la première chose que nous voyons sur la montagne de Sion, c’est l’Agneau. Vient ensuite la portion des méchants de la manière la plus distincte. De même encore au chapitre 12, « ils l’ont vaincu (le dragon accusateur) à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage ; et ils n’ont point aimé leur vie, même jusqu’à la mort ». Mais ici, il s’agit des voies de Dieu avec le monde, et il n’y est presque pas question des siens comme vus à part ; et comme le monde n’a pas de titre à faire valoir auprès de Dieu, quelle que soit Sa bonté pour lui, comme le monde n’a pas de lien avec Lui et n’a que mépris pour Son amour, Dieu ne parle que des jugements dont Il va frapper la terre sous des formes de plus en plus terribles. Il ne met pas en avant les personnes d’une manière aussi distincte que dans d’autres scènes ; et c’est pour cela, je suppose, que même la personne de Jésus ne ressort pas avec évidence. Car ici, comme partout ailleurs, on voit régner dans l’Écriture la plus étonnante harmonie, quand une fois on en possède la clef.

Ce qui nous est présenté d’abord, ce sont les anges se tenant devant Dieu et qui prennent leurs trompettes, le septième sceau étant une sorte de préparation, ou un signal, pour une nouvelle série et une autre espèce de jugements. Mais avant qu’elle commence de se dérouler, nous avons un ange sacrificateur. Il se trouve sur la terre des personnes pour lesquelles Dieu est fidèle, car Ses yeux sont sur les justes et Ses oreilles sont attentives à leurs prières ; mais la face de l’Éternel est contre ceux qui font le mal. Et quoiqu’il n’y ait là qu’un rapide coup d’œil sur les saints, Dieu ne veut pas cependant que nous oubliions que, même en ce moment, ils sont l’objet de Ses soins miséricordieux. « Et un autre ange vint et se tint devant l’autel, ayant un encensoir d’or ; et beaucoup de parfums lui furent donnés ». Toutes les fois que l’autel est mentionné sans autre qualification, il signifie l’autel d’airain — le premier moyen de rapprochement, ou premier point de contact entre Dieu et les hommes sur la terre. C’est sur lui qu’étaient brûlés l’holocauste et les autres sacrifices de bonne odeur ; on y prenait aussi le feu avec lequel on faisait fumer l’encens sur l’autel du parfum dans le lieu saint. Et de même que cela résulte des autres parties de l’Écriture, ou s’accorde avec elles, c’est aussi en parfait accord avec son emploi dans l’Apocalypse (chap. 6, 9 ; 11, 1 ; 14, 18 ; 16, 7). Quand il s’agit de l’autel du parfum, il est désigné comme « l’autel d’or » devant le trône, ou devant Dieu (chap. 8, 3 ; 9, 13). Il est fait allusion ici aux deux. S’il était question au commencement du verset 3 du même autel qu’à la fin, sûrement la description complète en eût été donnée à sa première mention plutôt qu’à la seconde : et il n’y a pas plus de difficulté à voir le grand autel dans la vision céleste que nous avons ici, que n’en présente la mer ou bassin d’airain dans le chapitre 4, car, selon le type juif, ils se trouvaient également dans le parvis. C’est donc à cet autel qui rattachait le feu au sacrifice et à l’acceptation de Christ, que l’ange se tenait avec l’encensoir appartenant au saint des saints. Les termes eux-mêmes donnent clairement à entendre que ce n’était point sa place ordinaire : il vint et se tint là. Dans les versions usuelles, il est dit des parfums qu’ils « lui furent donnés pour offrir avec les prières » etc. Mais si nous prenons la phrase comme elle se présente dans le chapitre 11, le sens devient plus clair et plus juste. Là, nous lisons (v. 3) : « Je donnerai (puissance) à mes deux témoins ». Or, c’est absolument la même forme d’expression que nous avons ici, et le sens est qu’Il donnerait puissance aux prières ou les rendrait efficaces. « Et la fumée des parfums avec les prières des saints, monta devant Dieu » etc. (v. 4). Quel est l’effet des prières et du parfum ? Tout le monde sent que le Saint Esprit ne porte pas à prier pour des choses contraires à la pensée de Dieu, quoique, lorsqu’une prière inintelligente est offerte, Dieu l’écoute dans Sa miséricordieuse patience, sachant bien comment démontrer à Ses enfants la folie de semblables requêtes. Mais personne ne saurait dire que le Saint Esprit ait jamais suggéré ou appuyé une prière qui n’était pas en harmonie avec le dessein de Dieu. Remarquez aussi que le parfum qui s’élève de la main de l’ange, accompagne les prières des saints, et que ces prières sont offertes à Dieu.

Mais le cinquième verset signale une action nouvelle. « Et l’ange prit l’encensoir et le remplit du feu de l’autel ». Certainement il s’agit ici de l’autel d’airain, où le feu était toujours allumé et où on ne brûlait pas d’encens. Le résultat est, non pas que l’efficace de l’œuvre de Christ monte devant Dieu en bonne odeur de plus en plus grande (comme nous voyons que c’est le cas des sacrifices offerts sur l’autel d’airain dans le Lévitique), mais qu’ici le feu fut jeté sur la terre et qu’immédiatement suivirent « des tonnerres, et des éclairs, et des voix, et un tremblement de terre ». De sorte que c’est évidemment une prière d’un caractère particulier et dont l’effet est différent de celui de nos prières. De plus, le sacrificateur lui-même est envisagé sous un aspect tout autre, eu égard à ce qui a lieu maintenant. Pour nous, Jésus le Fils de Dieu a traversé les cieux comme un souverain sacrificateur qui a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché. Il mourut pour nos péchés, Il peut sympathiser avec nos infirmités, ayant souffert au plus haut point, soit par les tentations, soit dans l’œuvre de l’expiation. Notre Dieu aussi est sur un trône de grâce d’où procèdent la miséricorde et la grâce pour secourir au moment opportun (Héb. 4). D’un autre côté, notre attitude envers ceux de dehors est du même caractère, et en conséquence, des supplications, des prières, des intercessions et des actions de grâces sont et doivent être faites pour tous les hommes. Mais ici, ce n’est point miséricorde, mais jugement ; car, quoiqu’il y ait le parfum et les prières des saints, l’effet immédiat est qu’on voit les symboles des jugements de Dieu traverser la terre. Toutes les scènes décrites ici sont dans une harmonie parfaite. Quoiqu’il y ait un sacrificateur, un autel (les deux autels, à ce qu’il me semble), les saints, le parfum et l’encensoir, et que tout se trouve dans l’ordre convenable, c’est néanmoins en communion avec Dieu châtiant la terre. De là, aussi, la position relativement éloignée que nous avons fait déjà remarquer. Si le Seigneur apparaît en quelque mesure, c’est comme un ange, et non dans Sa dignité souveraine, comme Fils de Dieu consacré pour toujours. Naturellement Il est toujours le Fils de Dieu, mais Il possède en outre d’autres dignités, et la vision prophétique Le présente ici dans une gloire et sous un caractère entièrement différents.

De plus, c’est une induction inintelligente, qu’elle soit mise en avant par les champions de l’interprétation historique ou par les futuristes, que l’expression « tous les saints » implique nécessairement la conclusion que c’est l’Église de Dieu qui est désignée là. Cette question doit être décidée par nos convictions relativement à la portée de toute cette partie du livre, et j’ai abondamment fait voir que, depuis le commencement du chapitre 4, l’Église est toujours considérée comme déjà et entièrement glorifiée dans le ciel. En conséquence, l’Église est ici réellement hors de question, et les saints dont il s’agit sont tous ceux qui se trouvent sur la terre postérieurement à elle, et pour lesquels la délivrance est préparée. L’ange offre leurs prières et la réponse est l’effusion du jugement sur la terre en vue de leur délivrance. L’explication ordinaire est donc à côté de la vérité. Les mots « tous les saints » désignent naturellement des personnes qui sont au Seigneur, une catégorie de convertis, Juifs ou Gentils. Qu’ils désignent ceux que l’Écriture appelle chrétiens ou l’Église, c’est une tout autre question que nos contradicteurs feraient bien d’étudier.

« Et les sept anges qui avaient les sept trompettes se préparèrent pour sonner des trompettes. Et le premier sonna de la trompette, et il y eut de la grêle et du feu, mêlés de sang » etc. La portée générale de tout ceci est manifeste, et il ne faut pas s’arrêter à la signification apparente ou physique des termes. Supposé qu’une montagne tombât à la lettre dans la mer (v. 8), changerait-elle jamais l’eau en sang ? Rien de semblable. Le fait est que c’étaient là des tableaux qui passaient devant les yeux du prophète. Quant à leur signification, nous avons à la recueillir de la teneur générale de la Parole, sous l’enseignement de l’Esprit, et je présume que le prophète lui-même avait à l’apprendre d’autres paroles de l’Écriture. Saint Jean en effet nous est présenté ici, non pas comme quelqu’un devant lequel tout était nu et découvert, et immédiatement compris, mais plutôt simplement comme un voyant. Il n’est pas nécessairement capable, comme chose toute naturelle, d’entrer pleinement dans ce qui passe devant lui, mais il a besoin de faire attention, d’apprendre, et de digérer intérieurement. L’Apocalypse nous place sur le terrain de la prophétie, et c’est un champ différent de celui dans lequel le Saint Esprit nous révèle les choses de Christ, comme Esprit de communion. Et ce qui nous est dit dans tout le livre du prophète Jean lui-même, prouve qu’il ne se rendait pas compte toujours ni nécessairement de ce qu’il contemplait dans l’Esprit. En d’autres termes, il vit une espèce de panorama et il enregistra les visions exactement comme elles lui apparaissaient ; et il nous faut faire usage de la Parole de Dieu par l’Esprit pour savoir ce que les symboles impliquent. Nous ne devons pas supposer que l’événement lui-même sera simplement la répétition en forme de ce qui l’avait préfiguré, mais une réalité répondant à l’ombre qu’on en a vue d’avance[16].

Ainsi, quand le premier son a retenti, il éclate une violente tempête de grêle et de feu mêlés de sang — le sang la distinguant de tous les précédents orages, comme n’étant pas une tempête naturelle. Celle-ci annonçait ou introduisait une explosion furieuse, sanglante et entassant ruines sur ruines, qui bouleverserait et ravagerait tout dans sa sphère. « Et la troisième partie[17] de la terre fut brûlée, et la troisième partie des arbres fut brûlée, et toute l’herbe verte fut brûlée » (v. 7). Évidemment ceci ne se rapporte pas à la terre, aux arbres ou à l’herbage pris dans le sens littéral. Dans l’Écriture, l’herbe est le symbole employé pour désigner l’homme dans sa faiblesse, sa gloire même étant comme la fleur de l’herbe. La prospérité humaine serait alors représentée par l’herbe verte. C’est un jugement de Dieu sur cette prospérité que nous avons ici : elle est détruite tout entière, et non pas seulement en partie, dans quelque proportion que ce pût être. Les arbres représentent les hommes d’une position élevée. C’est un symbole très commun dans la Parole de Dieu pour désigner ceux qui ont ici-bas de profondes racines avec un port altier, et exercent une influence qui s’étend au loin (voyez par exemple, Éz. 31, 3 ; Dan. 4, etc.). Ainsi donc, un coup est frappé sur une partie déterminée de la scène des voies morales de Dieu, et tant les hommes d’humble condition universellement, que ceux des classes élevées, dans une large proportion, en éprouvent les effets ruineux.

Le second coup suppose un grand changement. Il tombe sur la mer, et ainsi a trait, non pas à cette portion du monde qui est sous le régime d’un gouvernement spécial et fixe, mais à celle qui se trouve, ou se trouvera alors, dans un état de confusion et d’anarchie. Les nations qui sont dans cette condition-là sont aussi frappées par le jugement. « Et le second ange sonna de la trompette : et comme une grande montagne toute en feu fut jetée dans la mer, et la troisième partie de la mer devint du sang. Et la troisième partie des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie mourut, et la troisième partie des navires périt ». Si on consulte Jérémie, on verra que l’explication que je donne de ces choses n’est point arbitraire, ni le fruit de mon imagination. Comme il ne s’agit point ici d’un jugement si ordinaire, Dieu prend soin, je pense, de nous en donner un autre exemple, et intervient ainsi avec abondance de lumière et d’instruction précisément là où vraisemblablement nous commettrions des erreurs. La « montagne toute en feu » représente un système d’autorité, lui-même sous le jugement de Dieu et qui est pour d’autres l’occasion du jugement. Nous lisons en Jérémie 51, 25 : « Voici, j’en veux à toi, montagne qui détruis, dit l’Éternel, qui détruis toute la terre ; et j’étendrai ma main sur toi, et je te roulerai en bas du haut des rochers, et je te réduirai en montagne d’embrasement (vers. angl. montagne brûlée) ». Ce qui nous est présenté là répond en quelque mesure à ce que nous avons ici. En Jérémie, Babylone devait être « une montagne brûlée » précipitée de sa haute position. Ici la montagne est présentée comme toute en feu. Babylone devait être elle-même comme une montagne consumée ou détruite. Ici la montagne est un moyen de destruction pour d’autres, comme il est dit dans le prophète juif : « Montagne qui détruis, dit l’Éternel, qui détruis toute la terre ». Régulièrement, la montagne est le symbole d’un pouvoir établi et exalté. Mais ici elle est jetée dans la mer, parce que, tout en étant l’objet du jugement elle-même, elle est comme un instrument de jugement pour d’autres. Le Seigneur Jésus se sert Lui-même d’une partie du symbole à l’égard d’Israël. Ayant vu un figuier qui n’avait rien que des feuilles, il déclara là-dessus que désormais aucun fruit ne naîtrait plus de lui à jamais. Il était venu, et n’y avait pas trouvé de fruit, mais seulement des feuilles en abondance, et incontinent le figuier sécha. Or, presque tous ceux qui ont lu avec soin la Parole de Dieu, ont vu dans ce figuier le symbole d’Israël, placé sous la responsabilité de porter du fruit pour Dieu, mais qui a complètement failli à cela. Le figuier était la figure de « cette génération », et c’est en rapport avec cette pensée que le Seigneur dit à Ses disciples : « Non seulement vous ferez ce qui… mais même si vous dites à cette montagne : Ôte-toi de là et te jette dans la mer, cela se fera ». Et cela fut fait ainsi : car le témoignage des apôtres ne fut pas plutôt parvenu à la connaissance d’Israël, et Israël n’eut pas plutôt entièrement rejeté ce que le Saint Esprit lui faisait annoncer par eux, que le jugement vint sur lui. Ce n’est pas seulement que le peuple ne porta pas de fruit, mais il fut l’objet d’un jugement positif, et déraciné de la position qu’il occupait. La montagne fut jetée dans la mer ; la place et la nation d’Israël disparurent complètement dans la masse des Gentils. C’était beaucoup plus que le fait de cesser simplement de produire du fruit. L’état politique des Juifs fut brisé et s’évanouit complètement, absolument comme il en arriverait d’une montagne qui serait arrachée de sa base et jetée dans la mer. Ici de même une grande puissance qui paraissait être bien établie, est ôtée de sa place, et cette puissance n’est pas tant mise en pièce elle-même, comme elle devient un moyen de souffrance pour d’autres. Elle est toute en feu, et il en résulte la destruction de la troisième partie des créatures qui avaient vie dans la mer et des navires aussi, toute la scène étant une figure empruntée à l’effet que produirait un volcan jeté dans la mer. C’est ainsi que le Seigneur complète le tableau de destruction, par une grande puissance en feu elle-même qui tombe sur la masse confuse des peuples, avec un grand carnage d’hommes et l’anarchie politique pour résultat. Il se peut que tout cela ait une signification plus précise, mais je ne fais que présenter le peu que je vois dans les symboles, indépendamment de leur application à un temps, à un lieu ou à un peuple particuliers.

Le troisième jugement dans la série des trompettes est d’une espèce différente. « Le troisième ange sonna de la trompette, et il tomba du ciel une grande étoile, brûlant comme un flambeau ; et elle tomba sur la troisième partie des fleuves, et sur les fontaines des eaux. Et le nom de l’étoile est Absinthe : et la troisième partie des eaux devint absinthe, et beaucoup d’hommes moururent par les eaux, parce qu’elles avaient été rendues amères ». Or, une étoile, ainsi que nous l’avons vu dans un chapitre précédent, quoique dans une connexion différente (chap. 1, 20), est le symbole de quelqu’un qui occupe une position d’autorité subordonnée — quelqu’un qui peut administrer la lumière à d’autres — assujetti lui-même à un autre, mais cependant étant en autorité. Ici c’est un chef dégradé, un dignitaire déchu de sa place d’autorité. Les eaux sont le symbole des peuples dans un état informe, les fontaines sont les sources de leur prospérité, et un fleuve est ce qui caractérise leur carrière. Tout cela est gâté dans une certaine proportion par la chute de cette étoile ou de ce chef qui rend amer tout ce qu’il touche, et beaucoup meurent parce que les eaux ont été rendues amères. Ce jugement-ci ne semble pas tant d’un caractère politique comme le précédent ; c’est plutôt le changement en poisons, en instruments de mort, de tout ce qui devrait être pour l’homme un moyen de bénédiction et qui concerne sa vie ordinaire.

Sous la quatrième trompette, nous avons quelque chose de plus élevé. Auparavant les eaux étaient devenues des poisons ; mais maintenant les autorités les plus élevées sont atteintes. Ce n’est pas une étoile qui tombe du ciel, mais la troisième partie du soleil, et la troisième partie de la lune, et la troisième partie des étoiles sont frappées, « de sorte que la troisième partie en fut obscurcie et que le jour ne parut pas pour la troisième partie de sa durée, et de même pour la nuit ». J’entends cela d’un jugement de Dieu sur les autorités de ce monde dans la sphère dont il s’agit, sur l’autorité suprême aussi bien que sur les autorités inférieures, qui sont toutes, dans une certaine étendue, éteintes, ou au moins éclipsées.

Maintenant surgit une importante question. — Quel est le véritable accomplissement des jugements désignés par ces trompettes ? Il est évident, toutefois, que la réponse doit dépendre de la question encore plus large du temps et de l’état de choses auxquels s’appliquent en général les visions prophétiques. Car il ne s’agit pas ici de détails, mais d’un principe important, et ce n’est pas moi qui nierai les conséquences pratiques immenses qui découlent, d’un côté, d’une application juste, ou de vues erronées, de l’autre. Convaincu que les sept épîtres avaient une application littérale directe aux assemblées d’Asie du temps de saint Jean, je ne puis douter, quant à moi, que les sceaux préfiguraient le cours de l’empire romain à partir de cette époque ; et qu’ainsi ils ont eu, selon que les systèmes historiques ordinaires insistent sur ce point, une application réelle, qui n’est en aucune manière sans importance, jusqu’au renversement du paganisme et à la suprématie nominale du christianisme, avec la conversion d’une multitude d’âmes d’entre les Juifs, mais bien plus encore d’entre les Gentils, dans cette sphère et à cette époque, comme résultat naturel. Conformément à cette idée, les premières trompettes me semblent se rapporter presque nécessairement : d’abord, aux invasions des Goths sous Alaric, Radagaise, etc. ; secondement, aux ravages de Genséric et de ses Vandales ; troisièmement, au « fléau de Dieu » comme le Hun Attila aimait à s’appeler lui-même ; et en quatrième lieu, à l’ère mémorable signalée par l’extinction de l’empire romain en Occident.

Mais tout en reconnaissant pleinement que dans ces limites le champ des visions embrasse ces événements, il est manifeste pour moi que les sept épîtres portent l’empreinte de la portée la plus étendue, et comprennent, comme cela résulte des preuves internes les plus fortes, les phases diverses par lesquelles la maison de Dieu passerait dans toute la durée de son existence ici-bas, jusqu’au moment où le Seigneur prend à Lui dans le ciel les fidèles, les gardant de l’heure de la tentation qui attend ceux dont le cœur est aux choses de la terre, et vomissant de Sa bouche la masse de la chrétienté satisfaite d’elle-même. En harmonie avec cette manière de considérer les églises dans leur existence continue et successive qui, sous une forme ou sous une autre, s’est recommandée d’elle-même dans les âges divers à de pieux et intelligents investigateurs des Écritures, l’interprétation la plus simple des chapitres 4 et 5 est celle qui les considère comme supposant que l’Église des premiers-nés a été enlevée et glorifiée, et qui fait commencer postérieurement à cet événement le grand accomplissement des chapitres 6 et suivants. Il est facile à un esprit ingénieux de soulever des difficultés et d’opposer une ligne formidable d’objections : il n’est aucune partie de l’Écriture, aucune des vérités qu’elle révèle, qui ne soit exposée à des attaques parfaitement semblables. Mais personne ne saurait nier que si on s’en tient seulement au texte sacré lui-même, c’est la manière la plus naturelle de prendre les chapitres 4 et 5 ; ni que, dans la théorie ordinaire, ces passages ne s’adaptent pas exactement aux circonstances d’alors, soit que nous considérions comme un tout la scène qui y est décrite, soit que nous nous arrêtions aux personnages particuliers qui y figurent. Leur rencontre ici, dans l’interprétation ordinaire, constitue une difficulté énorme, inexpliquée, et peut-être, pouvons-nous ajouter, inexplicable ; tandis qu’avec l’enlèvement des saints, alors fait accompli, comme clef, ils sont une magnifique et indispensable préface à tout ce qui suit.

Il y a plus. Le chapitre 6 et ceux qui suivent donnent lieu à la question fondamentale, s’il se trouve encore des églises ou des chrétiens, dans le sens propre des mots, impliqués dans les scènes terrestres qu’ils décrivent, lorsqu’elles sont en voie de recevoir leur plein accomplissement et non pas simplement un commencement de réalisation. Pourquoi ceux qui écrivent sur la prophétie se prévaudraient-ils de l’affirmative sans rien alléguer qui ressemble raisonnablement à une preuve en sa faveur ? Pourquoi ne pas la prouver s’ils le peuvent ? Plus ce point-là peut être indispensable à la défense du système en vogue, et moins les personnes sans préventions peuvent trouver satisfaisant que ses avocats gardent un silence si absolu, non certes s’il s’agit de réitérer leur allégation ou de raisonner d’après elle, mais s’il s’agit de la démontrer. Qui pourrait prétendre que c’est une proposition évidente par elle-même ? Qui ignore qu’il y a bon nombre de chrétiens occupés de l’étude intelligente de la parole prophétique, qui croient que ce n’est pas l’Église, mais un résidu juif pieux avec des Gentils convertis mais distincts, que les luttes du dernier jour concernent directement ? N’est-ce pas un sujet digne d’être discuté ? La prophétie renferme-t-elle une question plus vitale, plus vaste ? Ce ne serait pas charitable d’attribuer ce singulier silence à un sentiment de mépris pour leurs frères, et ce ne serait pas bien non plus de l’interpréter comme un aveu tacite de l’impossibilité où se trouvent ceux qui le tiennent de donner un semblant de preuves tirées de l’Écriture à l’appui de leur sentiment. Nous nions que ces prophéties, quelque profitables qu’elles soient pour nous, concernent pleinement, bien moins encore exclusivement, l’Église. Si quelqu’un prétend que c’est à l’Église qu’elles se rapportent, c’est à lui qu’il incombe de prouver. Mais on ne prouve pas ; on prend simplement la chose pour convenue. Ne vaudrait-il pas mieux que les défenseurs de ce système réunissent et présentassent avec autant de force que possible toutes les preuves qui frappent leur propre esprit ? Nous en appelons aux portions mêmes de l’Écriture qui fournissent le sujet du débat, comme démontrant avec clarté : quelques-unes, que le corps chrétien se trouve dans le ciel dans un état glorifié avant qu’aient lieu les événements judiciaires terrestres ; les autres, que les Juifs et les Gentils, distincts les uns des autres, et non pas réunis en un seul corps, comme l’Église, se voient à partir de là sur la terre, et sont réellement ceux que la prophétie a en vue dans la crise de la fin. Si nous avons raison, une grande partie des différences entre ceux qui étudient le sujet seraient décidées sans plus de contestation. Pourquoi donc perdre son temps dans les champs arides des champions aux tendances allemandes de l’école historique, ou des fauteurs romanistes de l’école futuriste ? Pourquoi ne pas se saisir de la démonstration faite par des chrétiens qui, par la bonté de Dieu, sont pour le moins aussi éloignés de Babylone que peuvent prétendre l’être les plus zélés protestants ? Si c’est là, comme j’en suis certain, la vraie et satisfaisante interprétation, rien ne nous oblige à faire entrer le passé, bon gré mal gré, dans le cadre d’un accomplissement forcé, et nous n’avons pas non plus à donner une explication arbitraire des fréquents et manifestes indices de l’avenir. Toutes les exigences légitimes sont satisfaites par l’admission d’une ressemblance générale n’ayant rien de forcé entre les visions et l’histoire du passé, ressemblance qui suffit pour montrer positivement le doigt de Dieu, mais qui, loin d’épuiser la portée de la prédiction, laisse place plutôt à ce qu’elle reçoive une application finale et plus directe, lorsque les saints, corps et âme, seront dans le ciel.

« Et je vis et j’entendis un aigle qui volait par le milieu du ciel et qui disait à haute voix : Malheur ! malheur ! malheur ! à ceux qui habitent sur la terre, à cause des autres voix de la trompette des trois anges qui vont sonner de la trompette » (v. 13). C’est un aigle, je crois, que Jean vit ici, un ange en Apoc. 14, 6, auquel notre verset peut avoir été assimilé, si les deux termes n’ont pas été confondus simplement par négligence. La fuite de l’aigle par le milieu du ciel était le sombre et très convenable avant-coureur des malheurs qui approchaient. Le fait qu’il prononce des paroles à haute voix ne renferme pas non plus de difficulté réelle, car l’autel lui-même est, dans le vrai texte, présenté comme parlant, au chapitre 16, verset 7.

Les quatre premières trompettes ont introduit les jugements préliminaires. Ils sont tombés, dans une certaine étendue, sur la prospérité de l’homme dans les hautes et dans les humbles conditions — d’abord dans la sphère d’un système de gouvernement régulièrement établi, et ensuite dans celle que caractérise un état de confusion ; puis le coup a frappé sur les sources des jouissances humaines qui ont été changées en amertume et en moyens de destruction ; et enfin tout le système gouvernemental, l’autorité souveraine comme l’autorité subordonnée, subit une éclipse considérable. En tout cela, les hommes étaient donc jugés dans leurs circonstances, plutôt que visités dans leurs personnes mêmes. Mais il nous est aussi annoncé une dernière série de châtiments d’une nature plus profonde encore, et distinguée de la manière la plus nette de celle qui précède : « Malheur, malheur, malheur à ceux qui habitent sur la terre », etc. Ceux qui n’étaient pas scellés du sceau de Dieu n’échappent pas à la première, la troisième partie des hommes est tuée sous la seconde, et avec la dernière nous arrivons d’une manière générale, à la fin de tout.

Il est possible qu’une idée de lieu se rattache au sens de l’expression « ceux qui habitent sur la terre », particulièrement durant la grande crise finale. Mais il me semble résulter de l’examen des divers cas où elle se rencontre que, dans la pensée du Saint Esprit, elle a principalement une portée éminemment morale. Deux fois déjà avant celle-ci, nous l’avons vue dans l’Apocalypse ; et à mesure que nous approchons de la fin, sa signification acquiert une gravité nouvelle. D’abord, elle se trouve dans l’épître à l’ange de l’église de Philadelphie, où le Seigneur promet à ceux qui gardent la parole de Sa patience de les garder de l’heure de la tentation qui va arriver sur tout le monde habitable pour éprouver ceux qui habitent sur la terre (Apoc. 3, 10). La raison pour laquelle, à mon avis, les hommes qui ont leurs pensées aux choses de la terre sont présentés là d’une manière si distincte, c’est que l’état de l’église en question suppose qu’on a saisi le Christ dans une mesure extraordinaire et d’une manière céleste, tant pour ce qui est de jouir présentement de Lui, que pour l’attente de Son retour. De là, le contraste que faisaient ceux dont le cœur était aux choses d’ici-bas. Ils mangeront le fruit amer de leur choix quand sera venue la grande tribulation ; comme ceux dont les affections sont fixées sur les choses célestes seront alors, de fait, là où ils habitent maintenant en esprit. Puis, sous le cinquième sceau (Apoc. 6, 10), les âmes des premiers martyrs de la période apocalyptique sont représentées comme appelant le Maître souverain à juger et à venger leur sang « de ceux qui habitent sur la terre ». Ces personnes-là auront éclaté alors en persécutions impitoyables, meurtrières, contre les témoins que Dieu aura sur la terre pendant l’accomplissement des sceaux ; et maintenant, sous les trompettes de malheur, elles sont l’objet spécial de ces jugements terribles. Nous ajournons d’autres détails jusqu’à ce que nous en venions aux chapitres qui en traitent plus particulièrement.

Chapitre 9

Une remarque préliminaire que je désire présenter, c’est que ce chapitre nous fournit occasionnellement une preuve que les trompettes ne coïncident pas avec les sceaux. C’est dans une grande parenthèse (Apoc. 7) à la suite du sixième sceau, que nous avons vu sceller les serviteurs de Dieu, tandis qu’il est fait allusion à cet acte, non pas après mais avant la sixième trompette. Il ne pourrait en être ainsi s’il y avait parallélisme entre les deux séries de jugements. La conséquence naturelle, et, je crois, véritable, qui en découle, c’est que les sceaux avaient terminé leur cours avant que les trompettes eussent commencé le leur, de sorte que lorsque la cinquième trompette donne le signal du premier « malheur », les hommes de la terre en ressentent le tourment prédit, ceux qui avaient été scellés étant simplement l’objet d’une allusion comme à des personnes qui se trouvent au milieu de la scène où sévit le fléau, mais qui en sont préservées. Comment pourrait-il y avoir ordre de ne nuire qu’aux hommes qui n’avaient pas le sceau de Dieu, si le sceau n’avait pas encore été empreint ? Et s’il l’avait été déjà, il ne saurait exister de parallélisme respectivement entre les sceaux et les trompettes, et ces deux séries de faits ne sauraient pas non plus se rapporter à la même époque. Elles se suivent, et ne marchent pas de pair ; et comme nous l’avons vu, le dernier sceau n’est que le prélude du silence qui se fait dans le ciel immédiatement avant que commence la nouvelle série des jugements divins. Comment cela pourrait-il se faire, si elles devaient s’accomplir simultanément, et côte à côte pour ainsi dire ? Car si les premiers sceaux se suivent incontestablement dans un ordre régulier, le septième doit être le dernier dans l’accomplissement aussi bien que dans la vision ; mais au lieu de figurer, comme les sceaux précédents, un pas nouveau dans l’action de Dieu en providence, le septième ne consiste qu’en une courte pause qui a lieu dans le ciel et qui introduit une autre classe, d’une nature plus sévère, des jugements décrétés. Nous en venons maintenant à la cinquième et à la sixième de ces trompettes, c’est-à-dire aux deux premières de malheur auxquelles le chapitre 9 est consacré.

« Et le cinquième ange sonna de la trompette ; et je vis une étoile tombée du ciel sur la terre, et la clef du puits de l’abîme lui fut donnée. Et il ouvrit le puits de l’abîme : et une fumée monta du puits, comme la fumée d’une grande fournaise ; et le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits. Et de la fumée il sortit des sauterelles sur la terre, et il leur fut donné un pouvoir semblable au pouvoir qu’ont les scorpions de la terre. Et il leur fut dit qu’elles ne nuisissent ni à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais aux hommes qui n’ont pas le sceau de Dieu sur leurs fronts » (v. 1-4).

L’étoile tombée du ciel sur la terre est un dignitaire en état d’apostasie ; car c’est bien un personnage réel que ce symbole désigne, comme le font voir les paroles suivantes : « et la clef du puits de l’abîme lui fut donnée ». L’allusion à Ésaïe 14, 12, où le roi de Babylone se voit l’objet de cette mordante apostrophe : « Comment es-tu tombée des cieux, étoile du matin, fille de l’aube du jour ?… Et cependant on t’a fait descendre au sépulcre, au fond de la fosse », paraît évidente. Ici ce n’est pas sa sentence comme en Ésaïe, mais l’autorité qu’il lui est permis d’exercer sur l’abîme, terme qui exprime la source du mal et de la misère d’un caractère satanique. « Il ouvrit le puits de l’abîme, et une fumée monta du puits comme la fumée d’une grande fournaise » — symbole d’une énergie d’erreur qui obscurcit l’esprit de l’homme. « Le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits ». L’autorité suprême et toutes les influences sociales saines se ressentent au plus haut degré de sa ténébreuse efficace. Et ses effets ne se bornent pas là. « De la fumée il sortit des sauterelles », figure d’actifs instruments de rapine, et qui sont revêtus d’un singulier pouvoir de causer du tourment « semblable au pouvoir qu’ont les scorpions de la terre ». L’ordre qui leur est donné montre très clairement, à mon avis, l’erreur de ceux qui prennent ces sauterelles dans le sens littéral. Elles ne devaient pas nuire à l’herbe de la terre, etc., c’est-à-dire, à ce qui est leur nourriture naturelle, s’il s’agit de sauterelles véritables. Les hommes devaient être le point de mire de ces pillards symboliques — les hommes, à l’exception de ceux qui étaient marqués du sceau de Dieu. Et encore ces maraudeurs devaient-ils, non pas les tuer, mais les tourmenter durant cinq mois (v. 5). « Et leur tourment est comme le tourment du scorpion quand il frappe l’homme. Et en ces jours-là les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront point, et ils désireront de mourir et la mort s’enfuira d’eux » (v. 6). Rien sur la terre ne saurait dépasser l’angoisse de conscience qui déchirera leurs victimes : et la peinture qui nous est faite de leur misérable état est plus forte encore que celle que Jérémie trace (chap. 8, 3) de l’état de désolation et de dispersion des Juifs, dans tous les lieux où le Seigneur les avait chassés dans Son amer déplaisir.

Mais il est ajouté une autre description. « Et la ressemblance des sauterelles était semblable à des chevaux préparés pour le combat, et sur leurs têtes il y avait comme des couronnes semblables à de l’or, et leurs faces étaient comme des faces d’hommes. Et elles avaient des cheveux comme des cheveux de femmes, et leurs dents étaient comme des dents de lions ; et elles avaient des cuirasses comme des cuirasses de fer, et le bruit de leurs ailes était comme le bruit de chariots à plusieurs chevaux courant au combat ; et elles ont des queues semblables à des scorpions et il y avait des aiguillons dans leurs queues ; et leur pouvoir était de nuire aux hommes cinq mois. Elles ont sur elles un roi, l’ange de l’abîme, dont le nom est en hébreu, Abaddon ; et en grec, Apollyon » (v. 7-11). Ce n’étaient pas simplement des pillards, mais il y avait en elles une énergie belliqueuse et elles réclamaient pour leur carrière victorieuse la juste sanction de Dieu, dont elles portaient extérieurement la ressemblance et la gloire, tandis qu’en réalité elles étaient complètement assujetties à l’homme et aussi à Satan. La férocité leur est propre, et leurs cœurs sont endurcis contre tout sentiment de pitié dans leur rapide carrière. Mais leur pouvoir le plus funeste se trouvait dans le venin de mensonge qui les suivait. C’était l’efficace d’une fausse doctrine, représentée par l’aiguillon de la queue d’un scorpion. Et comme nous le savons par un autre passage, « le prophète enseignant mensonge, c’est la queue ». Enfin, leur roi est l’ange de l’abîme, le même peut-être que l’étoile tombée qui avait la clef du puits. Dans ce cas, c’est un destructeur au caractère satanique, quoique non pas Satan en personne. C’est dans ce monde actuel que le diable est ainsi exalté, il est son prince ; mais il est aussi le prince de l’autorité de l’air et le dieu de ce siècle. Dans l’abîme, il sera lié comme un prisonnier pour une longue durée ; et dans l’enfer, il sera tourmenté à toujours, l’objet le plus misérable qui s’y trouvera, et nullement l’ange ou le roi de personne. Ce sont là des rêves de poètes ; mais l’Écriture ne parle pas ainsi.

« Et le sixième ange sonna de la trompette, et j’entendis une voix sortant des quatre cornes de l’autel d’or qui était devant Dieu, laquelle dit au sixième ange qui avait la trompette : Délie les quatre anges qui sont liés sur le grand fleuve Euphrate. Et les quatre anges qui étaient préparés pour l’heure, le jour, le mois et l’année, furent déliés afin de tuer la troisième partie des hommes. Et le nombre des armées à cheval était de deux myriades de myriades : j’en entendis le nombre. Et je vis aussi les chevaux dans la vision, et ceux qui étaient montés dessus, ayant des cuirasses de feu, et d’hyacinthe, et de soufre ; et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions, et de leur bouche sortaient du feu, de la fumée et du soufre. Et la troisième partie des hommes fut tuée par ces trois fléaux, par le feu, la fumée et le soufre qui sortaient de leur bouche. Car le pouvoir des chevaux est dans leur bouche et dans leurs queues ; et leurs queues sont semblables à des serpents ; et elles avaient des têtes, et par elles ils nuisent. Et le reste des hommes qui n’avaient point été tués par ces plaies, ne se repentit pas non plus des œuvres de leurs mains pour ne pas adorer les démons, et les idoles d’or, et d’argent, et d’airain, et de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher, et ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs empoisonnements, ni de leur fornication, ni de leurs larcins » (v. 13-21).

C’est la voix du Seigneur, sans aucun doute, qui se fait entendre d’entre les cornes de l’autel d’or. Mais quel son solennel, et par-dessus tout, par le lieu d’où il retentit ! Car d’ordinaire cet autel est le témoin spécial de l’intercession toujours efficace de Christ. C’est de là que le parfum montait devant Dieu. Lorsqu’un individu avait péché, que ce fût un des principaux ou quelque personne du commun peuple, le sang de l’offrande pour le péché était mis simplement sur les cornes de l’autel d’airain. Mais lorsque la congrégation était coupable, le sacrificateur avait ordre de mettre du sang de la victime sur les cornes de l’autel d’or ; car la communion du peuple, considéré comme un tout, était interrompue et avait besoin d’être rétablie. Combien est différent ce que nous trouvons ici ! Une voix sortant des quatre cornes de l’autel d’or, commande à l’ange de la sixième trompette de délier les quatre anges qui, jusqu’à ce moment, étaient liés près de l’Euphrate. Ils avaient été préparés là pour l’heure, le jour, le mois et l’année afin de tuer la troisième partie des hommes. Ils avaient été préparés, non pas durant ce temps, beaucoup moins après qu’il eût expiré, mais en vue de lui : lorsque cette heure, et ce jour, et ce mois, et cette année arrivèrent, ou plutôt, quand ils furent venus à leur terme, ces anges étaient prêts pour l’œuvre de carnage qui leur était assignée.

Et cependant, si c’est une chose terrible d’entendre un tel signal sortir de l’autel d’or, qu’il est consolant de penser que, dans le jugement, tout est ainsi minutieusement arrangé et préordonné par le Seigneur ! C’est Lui qui le premier donne l’ordre, et qui le donne à l’ange saint ; ensuite l’ange délie les quatre qui sont liés sur l’Euphrate. Le mauvais ange ne peut agir qu’au moment et dans la mesure où le bon le lui permet, et les anges saints, quelqu’excellents en force qu’ils puissent être, ne font qu’exécuter les commandements du Seigneur, obéissant à la voix de Sa parole. C’est une étrange idée que celle qui voudrait identifier les quatre anges que nous avons ici avec ceux qui retenaient les vents au chapitre 7, puisqu’il s’agit d’un contraste, non d’une ressemblance. Ici ils ne retiennent pas, mais sont retenus, ce qui n’est dit nulle part des saints anges. Là ils se tiennent aux quatre coins de la terre aussi séparés les uns des autres que possible ; ici ils sont tous liés dans le même lieu.

Quant à la nature même du second malheur, il n’est pas destiné comme le premier à tourmenter les hommes, mais à les tuer. Ce n’est pas que l’élément de la prophétie de mensonge ne se trouvât pas dans celui-ci aussi bien que dans celui-là, « car le pouvoir des chevaux », est-il dit, « est dans leur bouche et dans leurs queues ; et leurs queues sont semblables à des serpents, et elles avaient des têtes et par elles ils nuisent » : c’est-à-dire, par l’erreur pleine de venin qu’elles propagent et laissent derrière elles, et cela d’après un plan plus méthodique que dans le malheur figuré par les sauterelles, celles-ci ayant des queues semblables à des scorpions et des aiguillons, tandis que les queues des chevaux sont semblables à des serpents et ont des têtes. Mais le pouvoir des chevaux était aussi dans leur bouche. « Et je vis aussi les chevaux dans la vision, et ceux qui étaient montés dessus ayant des cuirasses de feu, et d’hyacinthe et de soufre ; et les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions, et de leur bouche sortaient du feu, et de la fumée et du soufre ». C’est la puissance judiciaire de Satan, dans la mesure que Dieu la permet. En outre, il y a une énergie guerrière, et une activité de combats et de destruction qui dépassent de beaucoup ce que le malheur précédent renferme en ce genre. Celui-là était d’une nature spirituelle — dans le sens du mal, cela va sans dire ; celui-ci est d’un caractère plus séculier, quoiqu’il traîne à sa suite les ravages provenant des mensonges de l’ennemi. Il semble aussi plus varié dans sa nature, surtout que nous pouvons en juger par ceux qui en sont les principaux agents ; car il n’y en avait qu’un en tête de l’autre, et il y en a quatre dans celui-ci.

« Et le reste des hommes qui n’avaient point été tués par ces plaies ne se repentit pas » etc. Leçon humiliante et qu’il est bien de ne pas oublier ! Dieu a envoyé jugement sur jugement, d’abord sur les circonstances des hommes, et ensuite sur les hommes eux-mêmes, et dans ce dernier cas, tourment, puis enfin la mort : mais c’est en vain. L’homme est tel qu’après tout cela il ne se repent point de ses iniquités, qu’elles soient commises dans le domaine religieux ou dans le domaine moral.

Le lecteur s’apercevra que je ne cherche simplement qu’à présenter le trait principal de chaque malheur, selon que j’en suis capable, de manière à aider, en quelque mesure, les âmes à comprendre la prophétie. Ceci, qu’il s’en souvienne, est une chose très différente de l’application d’une prophétie. La question des personnes, des lieux, ou des temps auxquels il est fait allusion, peut être profondément intéressante, mais elle est subordonnée à l’intelligence du livre.

Pour ma part, je ne doute pas que l’application que l’on fait d’ordinaire des sauterelles aux Sarrasins, et des cavaliers de l’Euphrate aux Turcs, ne soit bien fondée. Mais nous avons vu maintes fois que l’accomplissement de l’Apocalypse ne saurait proprement avoir lieu avant que les saints célestes soient enlevés au ciel, et que le peuple terrestre soit une fois de plus l’objet des voies de Dieu sur la terre et dans son propre pays, quoique nullement à l’exclusion du témoignage divin et de son efficace bénie parmi les Gentils. Conformément à ce dernier accomplissement, l’accomplissement final, le second malheur serait accompli, je suppose, dans les premiers ravages des armées du Nord-Est (de l’Assyrien), comme le premier le serait par l’action séductrice de l’Antichrist dans la Palestine. Je pense que lorsque la prophétie sera réalisée dans toute sa précision, la scène sur laquelle ces mystérieuses sauterelles doivent exercer leur amer mais passager tourment, sera le pays où les Juifs seront réunis en ce temps-là, mais, pour ce qui est de la masse, dans l’incrédulité. C’est naturellement à eux, et très probablement à leur pays, que se rapporte ce qui est dit de ceux qui ne sont pas scellés. Car on remarquera que sous cette trompette-ci, il n’est pas fait mention de « troisième partie » pour donner à entendre quelle sera la direction du malheur, ni de quelque autre chose que je sache sauf que les scellés en sont garantis : le reste des Juifs était encore dans l’aveuglement judiciel, et est l’objet implicite de ce jugement. Si ce sont les mouvements préliminaires de ces deux pouvoirs que ce chapitre nous présente, chacun d’eux est aussi décidément opposé à l’autre qu’ils le sont tous deux au Seigneur Jésus : ils doivent être successivement jugés et détruits quand Il arrive avec puissance et avec gloire. Il est intéressant d’observer que le même chapitre 14 d’Ésaïe auquel je me suis référé dans l’explication de l’étoile tombée du ciel (c’est-à-dire du principal personnage dans le premier malheur), traite aussi de l’ennemi assyrien que je juge être le parfait accomplissement de ceux qui figurent sous le second malheur. « L’Éternel des armées a juré en disant : S’il n’est fait ainsi que je l’ai pensé, même comme je l’ai arrêté dans mon conseil, il tiendra ; c’est que je froisserai le roi d’Assyrie dans ma terre, je le foulerai sur mes montagnes ; et son joug sera ôté de dessus eux, et son fardeau sera ôté de dessus leurs épaules. C’est là le conseil qui a été arrêté contre toute la terre, et c’est là la main étendue sur toutes les nations. Car l’Éternel des armées l’a arrêté dans son conseil ; et qui l’empêcherait ? Et sa main est étendue, et qui la détournerait ? » (v. 24-27). La différence est qu’Ésaïe nous donne la fin de la carrière de cet ennemi pour la délivrance d’Israël, tandis que saint Jean nous en montre plutôt le commencement et le cours comme un fléau sur le judaïsme et la chrétienté, l’un et l’autre en apostasie. Ce serait une erreur que de limiter Ésaïe à l’histoire du passé, ou de voir dans le passé plus qu’un type de l’avenir, quelque important qu’il ait été en son jour. En effet, dans l’histoire, l’Assyrien tomba le premier et Babylone ne subit sa sentence que longtemps après. Dans la prophétie, au contraire, c’est le dernier représentant de Babylone (c’est-à-dire, la bête de la crise) qui est détruit le premier, et puis celui qui répond à l’Assyrien, le grand chef des nations, viendra à sa fin et personne ne lui donnera du secours. C’est ainsi qu’il est écrit en Ésaïe 10, 12 : « Mais il arrivera que quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, j’examinerai le fruit de la grandeur du cœur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux », etc. Notre chapitre de l’Apocalypse nous donne un aperçu des commencements de la carrière politique de l’Assyrien, sinon de l’Antichrist, ou de leurs entreprises respectives.

Dans le système de l’application de ces visions à l’histoire d’une manière plus vague et dans une période prolongée, application que je conçois être entrée dans le plan divin les concernant, on peut demander comment ce chapitre doit être compris. J’ai déjà fait voir brièvement comment les premières trompettes nous amenaient jusqu’à l’extinction de l’empire romain en occident. Poursuivant la même ligne de pensées, la cinquième trompette porte d’une manière distincte sur les malheurs dont les Sarrasins furent les instruments, comme la sixième est relative à la furieuse attaque des Turcs. Par suite, on admet volontiers que l’étoile tombée du ciel a trait d’une manière générale à Mahomet qui fut l’instrument de Satan pour ouvrir sur le monde la porte aux séductions de l’abîme avec tous leurs effets ténébreux. La description que fait saint Jean convient certainement dans plusieurs de ses principaux traits, non pas au développement graduel du mal au sein de la chrétienté sous le double rapport de la doctrine et des mœurs, mais à cette armée de pillards qui, embrassant avec ardeur le symbole inspiré par l’enfer du faux prophète arabe, s’élança dans son ambitieuse et fanatique carrière. Je ne puis accepter toutefois sans en beaucoup rabattre, la signification que l’on a donnée, en fait de lieux et de nations, aux sauterelles et aux scorpions, aux lions et aux chevaux, aux faces d’hommes, aux cheveux de femmes, et aux cuirasses de fer. Il est évident, par exemple, que la nation dont la rapide et dévastatrice incursion en Palestine est décrite en Joël 2 (prototype des sauterelles de l’Apocalypse) n’a rien à faire avec les Sarrasins ou l’Arabie, mais est plutôt l’armée du Nord, « l’Assyrien », dont les prophètes juifs parlent si souvent. Comparez aussi Nahum 3, 17, qui confirme cette pensée. Un raisonnement parfaitement semblable s’applique à l’usage que font les Écritures du terme « scorpions », comme en Ézéchiel 2, 6, où il est employé dans le sens figuré de même qu’ici, mais sans avoir trait le moins du monde aux voleurs du désert. Pour ce qui est « des chevaux », la vision des guerriers de l’Euphrate qui suit immédiatement, réfute l’idée qu’il faut y voir une allusion géographique ; car les Turcs appartiennent à une race tout à fait distincte et sont sortis d’une contrée différente ; et cependant les chevaux occupent ici une place aussi proéminente que dans la vision de leurs devanciers[18]. Puis, dans l’une nous trouvons les têtes, dans l’autre les dents de « lions ». Aussi, tout cela réfute-t-il l’idée que ces symboles soient d’un usage exclusivement distinct, pour ne pas parler des applications différentes qu’en font d’autres passages. La vérité est que le Saint Esprit trace un tableau symbolique juste et complet, et ne s’astreint en aucune manière aux animaux, etc., particuliers au pays.

Selon moi, c’est une intention morale, et non pas géographique, qu’il faut voir dans ces visions, et la manière dont tant d’écrivains les expliquent fait perdre à l’Écriture de sa force réelle en occupant l’esprit de choses qui, dans l’ordre naturel, peuvent être vraies en partie, mais qui ne sont pas, je crois, ce que le Saint Esprit a en vue. Aussi ne semble-t-il pas presque un jeu de voir dans les faces d’hommes, les cheveux de femme, et les couronnes semblables à de l’or, une allusion à la barbe ou à la moustache, en compagnie d’une chevelure littéralement flottante, surmontée d’un turban ? Tandis que si l’on prend ces choses comme des emblèmes du caractère moral des personnes dont il s’agit, la dignité de la Parole divine est maintenue et sentie. Les sauterelles désignent naturellement des multitudes innombrables, exerçant leurs ravages dans des limites déterminées, mais plus remarquables encore par les tourments que cause l’aiguillon d’une fausse doctrine. Ceux qui n’avaient pas le sceau de Dieu, les hommes de la terre, furent les victimes du fléau, mais il avait pour but la propagation d’une doctrine par des conquêtes : non pas l’extinction de la prospérité, mais plutôt son maintien aux dépens de la vérité, et cela pendant une période déterminée. La circonstance qu’elles ressemblaient à des chevaux préparés pour le combat, exprime leur attitude agressive, et leurs couronnes semblables à de l’or semblent donner à entendre la foi dont elles se vantaient en leur mission divine de justice et de victoire. Leurs faces d’hommes, mais avec des cheveux de femmes, peuvent signifier que, nonobstant toute leur prétention d’agir avec autorité au nom de Dieu, elles n’en étaient pas moins assujetties à une autorité purement humaine, et non pas à Dieu après tout. Dans leurs cuirasses de fer, leurs dents de lion, le bruit de leurs ailes, je vois des figures de l’inébranlable courage de leur fanatisme, leur plus forte armure, et des féroces déprédations qui accompagnaient leur expédition d’une rapidité merveilleuse. Le nom hébreu de leur roi confirme, à mon avis, la pensée qu’il s’agit là pleinement d’une dévastation spéciale des Juifs, comme aussi son nom grec peut impliquer un rapport avec l’empire d’Orient. J’ai fait ainsi ressortir la signification spirituelle des émissaires du premier malheur, en exposant surtout ce que l’on pouvait supposer préfigurer l’accomplissement qu’il a eu dans le passé, et selon lequel les cinq mois doivent naturellement être pris comme des mois d’années. Mais je proteste contre l’arbitraire qu’il y a à interpréter une partie du récit dans le sens littéral, et l’autre dans le sens figuré. Si nous l’examinons attentivement, je le répète, tout ce que l’on peut admettre, c’est qu’il y a eu un commencement d’accomplissement partiel. Il est manifeste, en effet, que le prophète de La Mecque ressemblait davantage à un astre qui se lève, qu’à un dignitaire tombé ; Mède, avec les anciens auteurs en général, y voient Satan, comme d’autres le pape, etc. De plus, l’ordre de ne pas tuer est très difficile à concilier avec la politique exterminatrice des expéditions des Sarrasins ; et quelques auteurs fort estimés ont doublé le terme de cent cinquante ans, à cause qu’il est mentionné deux fois (mais comp. Apoc. 20) en vue d’obtenir une solution plus plausible. Mais, ainsi que d’autres l’ont montré suffisamment, cette conséquence peu probable que l’on tire de la double mention des cinq mois a elle-même ses difficultés.

Pour ce qui concerne le second malheur, la première difficulté qui se présente dans le système de l’application de l’Apocalypse à une longue période, consiste dans le sens à donner aux quatre anges qui étaient liés sur l’Euphrate. La plupart des écrivains protestants l’appliquent à quatre puissances musulmanes successives ou contemporaines. Mais, dit M. Elliot (Horæ A. I, pages 461, 462), « à l’examen, toutes ces interprétations sont trouvées inadmissibles. Comme c’est par un seul et même acte que dans la vision les quatre anges sont déliés et reçoivent leur commission, de même les agents dont ils sont les symboles doivent nécessairement avoir été déliés et chargés de leur mission dans un seul et même temps : considération qui à elle seule semble exclure toute succession dans les agents de destruction, telle que celle que Vitringa, et Woodhouse après lui, ont mise en avant dans leur explication. Et pour ce qui est des dynasties turques contemporaines, que nous nous reportions à la liste donnée par Mède et par Newton après lui, ou à celle de Faber et de Keith, d’après Mills et Gibbon, on ne saurait en montrer quatre qui aient agi de concert dans la destruction de l’empire grec, qui fussent toutes établies sur l’Euphrate, qui existassent au temps que l’on assigne à l’ordre donné aux quatre anges — ou qui aient continué d’exister jusqu’au moment où l’ordre donné fut accompli dans la destruction de l’empire grec. En un mot, l’incompatibilité avec les faits de l’histoire de toutes les tentatives de solution, a été jusqu’ici, dans la pensée des interprètes de la prophétie les plus attentifs et les plus savants, comme une meule de moulin, pour ainsi dire, au cou de toute la théorie qui applique cette vision aux Turcs ». Voilà, du moins, un aveu plein de candeur, surtout si nous considérons qu’il s’agit d’une prophétie à l’égard de laquelle on s’est généralement accordé plus que pour aucune peut-être de l’Apocalypse. Mais quelle est la vue que l’on suggère et qui doit laisser intacte l’application générale ? La ressource d’intelligences angéliques surhumaines dirigeant l’action subordonnée des hommes, et cela sans rapport avec le nombre des instruments terrestres employés. De fait, M. Elliot identifie ces anges de l’Euphrate avec les anges introduits en parenthèse dans le sixième sceau (chap. 7), et raisonne d’après la supposition que les jugements des précédentes trompettes étaient les résultats probables de leur action. Mais cela, évidemment, n’est pas en harmonie avec le système qui ne veut pas voir un ange, mais Mahomet, dans l’étoile qui tombe du ciel sous le premier malheur : l’harmonie exigerait, ce semble, que si l’ange de l’abîme dans la trompette précédente représente un homme, ces quatre-ci doivent représenter des chefs semblables. Ces anges sont certainement en contraste avec les anges dont l’office était plutôt de retenir les vents que d’exciter leur souffle dévastateur. Toutes les circonstances secondaires confirment l’idée qu’ils sont distincts les uns des autres. Puis, l’usage que l’on fait du feu, de la fumée, et du soufre qui sortaient de la bouche des chevaux, comme s’ils préfiguraient l’artillerie turque ; des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre, comme si c’était une allusion aux vêtements de guerre, de couleur écarlate, bleue et jaune, des Ottomans ; et des queues de chevaux semblables à des serpents ayant des têtes, comme emblème des pachas turcs, me paraît aussi incompatible avec les autres parties de l’Apocalypse, que (le dirai-je) grotesque en lui-même. Je ne nie pas l’application des cavaliers et des chevaux aux anciennes invasions des Turcs, en tant que distincts de leurs prédécesseurs Sarrasins, se vouant à leur œuvre de destruction dans l’empire d’Orient, romain ou grec, d’une manière bien plus systématique, et avec des résultats bien plus durables. Dans leur terrible carrière, ils respiraient, dans une mesure qui n’était pas petite, conjointement avec la vieille séduction diabolique, un esprit infernal de jugement ; et telles qu’étaient leurs armes, telle était leur armure. C’est sur cette puissance particulièrement satanique, non pas semblable au scorpion maintenant, mais semblable au serpent, que le Saint Esprit attire l’attention comme sur la grande source du mal. L’action morale, l’action du faux prophète est là, et elle est aussi revêtue d’autorité, car les queues avaient des têtes, et par elles elles nuisent. Dans toute la sphère où il leur fut permis d’agir, le résultat fut l’entière abolition de la profession chrétienne, pendant que le reste, hélas ! ne prit pas garde à l’avertissement. Mais tous ces traits embrassent, d’après mon jugement, des éléments encore plus terribles que tout ce que l’on a vu encore sur la terre ; de sorte que tout me confirme dans la conviction que nous devons attendre un autre et dernier accomplissement de ces scènes symboliques, dans le dernier fléau qui doit tomber sur la corruption et l’idolâtrie de l’orient.

Chapitre 10

Quelques-uns se rappelleront une ressemblance déjà remarquée entre l’ordre des sceaux et l’ordre des trompettes. Lorsque nous arrivons au sixième, dans l’une et l’autre série, il y a une interruption de l’espèce la plus intéressante. Nous avons vu qu’après le sixième sceau, il y eut un épisode, non de jugement, mais de grâce — Dieu intervenant en faveur de l’homme, après la plus signalée des convulsions parmi les hommes et les choses sur la terre ; et non seulement cela, mais les puissances mêmes des cieux furent aussi ébranlées. Puis nous avons vu Dieu nous montrant qu’au milieu du jugement, Il n’oublie pas d’être miséricordieux ; car il y a le scellement d’un nombre complet choisi dans les douze tribus d’Israël, et de plus, il y a la preuve claire et touchante que les pauvres Gentils ne sont pas oubliés. Ainsi, quand le prophète regarde, il voit une grande foule que personne ne pouvait dénombrer, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient évidemment délivrés par la grande bonté de Dieu et sortaient de cette terrible tribulation qui est encore à venir. Or, au chapitre 9, nous avons eu la sixième trompette, et, comme correspondant à ce que nous avons vu pour les sceaux, il y a une interruption entre elle et la septième, qui est annoncée seulement chapitre 11, 15. La vision décrite est d’un caractère bien marqué et, en considération des visions qui accompagnent les trompettes, bien extraordinaire. Un ange puissant qui paraît être le Seigneur Lui-même descend du ciel. C’est ainsi que nous avons vu dans un précédent chapitre l’ange sacrificateur devant l’autel d’or, donnant efficace par des parfums aux prières des saints, lesquelles il offrait à Dieu. Et personne ne s’imaginera, je suppose, que Dieu confie ce service du sanctuaire céleste à une simple créature quelconque. Dans l’Ancien Testament, Jéhovah a occasionnellement revêtu une forme angélique ; et comme ce livre nous ramène en grande partie aux sujets dont traitent les Écritures juives, ce peut être là une des raisons pour lesquelles Christ prend ainsi la forme angélique. Comme avant que les trompettes sonnassent, l’ange qui donnait le signal général a été vu sous un caractère sacerdotal, c’est revêtu de puissance qu’Il apparaît ici, préparant la voie du royaume. En conséquence, Il est entouré de tout ce qui est de nature à faire ressortir Sa majesté.

« Et je vis un autre ange puissant, qui descendait du ciel, revêtu d’une nuée ». La nuée, comme se le rappellera quiconque est familiarisé avec les idées et les termes scripturaires, était le signe bien connu de la présence de Jéhovah. Lorsque le sang de l’agneau eut été répandu et qu’Israël fut conduit hors du pays de servitude, Dieu Lui-même marchait devant eux comme l’ange de l’alliance, et la nuée en était la forme visible ou le témoignage (Ex. 13, 21 ; 23, 20, 23 ; 40, 36, 38 ; Nomb. 1). L’ange que nous avons ici présente bien des caractères qui semblent indiquer la présence même du Seigneur, revendiquant Son droit à la possession du monde entier. Vous pouvez vous souvenir d’un exemple remarquable dans le Nouveau Testament lui-même, au temps où fut donnée en petit la préfiguration du royaume qui vient. Qu’est-ce donc qui rendait témoignage de la présence immédiate de Dieu ? Et qu’est-ce qui faisait trembler Pierre et Jean, tout habitués qu’ils étaient à la compagnie de Jésus et aux merveilleux effets de Sa puissance ? « Ils eurent peur comme ils entraient dans la nuée », parce que la nuée était le signe particulier et connu de la présence de Jéhovah. Ici donc, je crois que ce n’était pas une simple créature, mais le Créateur Lui-même qui prenait la forme d’un ange. Cela pourrait bien aussi représenter le Seigneur se retirant, si l’on peut ainsi parler, de tout ce qui eût été de nature à Le lier manifestement et directement avec Son peuple, et cela pour une raison fort solennelle. Son peuple, pendant la durée des trompettes, est supposé avoir perdu — mais pas entièrement toutefois — sa séparation distinctive, et s’être plongé dans le monde ; en sorte que Dieu, moralement, ne pouvait pas reconnaître d’une manière publique Sa relation avec Israël. En Hébreux 11, il est dit de certains croyants que Dieu ne prit point à honte d’être appelé leur Dieu. Hélas ! il est des saints dont Dieu aurait honte d’être appelé leur Dieu. Il n’en était pas ainsi des premiers patriarches, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : Dieu était leur Dieu. Il ne se nomme jamais Lui-même le Dieu de Lot. Cela donne sérieusement matière à penser, et nos cœurs doivent veiller contre quoi que ce soit qui pourrait rendre Dieu honteux de s’appeler notre Dieu. Il a été déjà fait allusion à ceci, quand nous avons remarqué que dans cette série, il n’est jamais parlé du Seigneur comme de l’Agneau, parce que le peuple de Dieu se sera mélangé à un si haut point avec les incrédules. Lorsque ces jugements tomberont, les saints seront tristement plongés dans le monde, de telle façon qu’une grande partie des châtiments tombera à la fois sur eux et sur Lui. Souvenez-vous aussi que le Seigneur nous fait connaître les chutes de Son peuple afin que nous soyons avertis par elles. Qu’il est triste de se servir de la prophétie relative à l’infidélité, dans le but de justifier celle-ci, et d’attribuer à la providence de Dieu les effets de notre incrédulité !

Au temps des trompettes il y a un sinistre silence relativement au peuple de Dieu. Il y a tout juste, chapitre 9, 4, une allusion au fait qu’ils sont exemptés du tourment qui frappe les apostats ; mais c’est là le seul trait distinctif qui se rapporte à eux jusqu’à la parenthèse des chapitres 10 et 11. Si vous appliquez les sceaux et les trompettes à l’histoire passée du monde, la signification en est si claire que la plupart des chrétiens sérieux se sont accordés sur les points principaux. Constantin introduisit le christianisme par la force des armes. La conséquence de ce fait fut l’immense renversement du paganisme, avec des témoignages indirects de miséricorde ; et le septième sceau fut suivi d’un silence d’environ une demi-heure dans le ciel. Il n’y eut pas là d’attente illusoire. Dieu savait que, loin que le monde devînt réellement meilleur par cet étonnant changement, tout se terminerait par les effroyables conséquences de l’abus, de la corruption et du mépris de la grâce. Le vaste corps qui avait échangé l’idolâtrie contre la profession du christianisme mûrirait pour le jugement. Ici, le résultat immédiat est l’apparition de ces trompettes. Et puis que voyons-nous ? Dieu a honte de la chrétienté ; le ciel est maintenant dans le silence et pourtant nous savons qu’il y a de la joie pour un pécheur qui vient à repentance. La chrétienté est devenue, extérieurement au moins, un bourbier de formes. Et où est le rocher du salut ? Hélas ! une fois encore, il n’est rien estimé. C’est en connexion avec cela, me semble-t-il, qu’il n’est plus parlé du Seigneur Jésus dans Son caractère de Fils de l’homme, et bien moins encore dans celui de l’Agneau. S’Il apparaît ici, c’est sous une forme angélique. De même que précédemment, et afin qu’on Le distinguât de tous les autres d’une façon particulière, Il tenait l’encensoir devant l’autel d’or, ainsi que nous Le voyons ici « revêtu d’une nuée » — le signe de la gloire de Jéhovah ; « et l’arc-en-ciel sur sa tête », c’est-à-dire le gage de l’alliance invariable de Dieu avec la création. « Son visage était comme le soleil ». Le soleil est toujours le symbole de la gloire suprême en gouvernement, et le visage de cet ange est dit être semblable au soleil. Il en fut de même sur la sainte montagne (Matt. 17, 2), et lorsque Jean vit de nouveau son Seigneur à Patmos (Apoc. 1, 16). « Ses pieds comme des colonnes de feu » (vers. angl.) sembleraient indiquer que la solidité représentée par « la colonne » s’unit au complet et final jugement, si constamment figuré par le « feu ». Il pose Son pied gauche sur la mer, qui représente les masses informes en dehors de cette partie du monde qui est favorisée d’un témoignage et d’un gouvernement divins, et sur laquelle Il pose Son pied droit. En d’autres termes, c’est le droit universel du Seigneur sur les hommes, sur le monde. C’est une déclaration publique de Son droit, non par rapport à l’Église, mais par rapport à la terre : pas encore Son investiture comme Fils de l’homme, mais une action d’un caractère providentiel, qui implique la reprise d’un témoignage préparatoire à l’acte par lequel Il va bientôt se saisir de la domination universelle.

Maintenant, il y a un pas de plus à faire. Ce n’est plus comme au chapitre 5, Dieu assis sur Son trône et tenant dans Sa droite le livre scellé, puis l’Agneau ouvrant le livre, comme Celui qui a vaincu pour le faire. Et comment a-t-Il vaincu ? Par la mort. Ce n’est pas par une force humaine que l’homme de Dieu est vainqueur. Les victoires qui brilleront avec le plus d’éclat, sont celles qui auront été jetées, pour ainsi dire, au moule de la mort du Seigneur Jésus. Dans le cas de l’homme si pauvre, si faible, il y a la vie d’abord, et la mort ensuite, parce que par nature nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés ; mais dans le cas du Seigneur Jésus, il y a premièrement la mort, et ensuite la vie de résurrection, et tel est le modèle que doit réaliser la foi du chrétien. Notre vie tout entière comme croyants, devrait s’exercer en conformité avec la croix même qui a opéré notre salut ; car la croix est pour nous la puissance de Dieu tout le long du chemin (Gal. 6). C’est Dieu qui nous a donné de souffrir, après quoi vient pratiquement la puissance ; mais celle-ci ne vient peut-être jamais qu’après que l’on a plus ou moins éprouvé la faiblesse et la souffrance (2 Cor. 12 ; 13, 4). Un homme ne saurait remporter de victoires chrétiennes, tant qu’il n’a pas pris place dans la nudité et l’abaissement devant Dieu. Il faut qu’il soit anéanti d’une manière ou d’une autre, et heureux sommes-nous, si nous sommes anéantis dans la présence de Christ ; car si ce n’est là, il nous faudra être anéantis par-devant nous-mêmes, si l’on peut ainsi dire, et peut-être par-devant les autres. Toutefois, au chapitre 5, Christ ouvre le livre qui était inintelligible à toute pensée d’homme, et Il nous montre, par le moyen des sceaux, certains jugements de Dieu qui sont si peu en dehors des événements providentiels ordinaires, que nous les aurions à peine tenus pour des jugements, si Dieu ne nous eût ainsi dévoilé leur véritable caractère. Mais l’Agneau déploie tout, et nous voyons Dieu à l’œuvre pour introduire le royaume du premier-né et mettre l’héritier en possession effective de l’héritage.

Dans le chapitre que nous étudions, il y a une différence. Ce n’est pas un livre scellé que nous avons, mais un livre ouvert : et c’est aussi, d’une façon emphatique, un petit livre. Il n’y a rien de mystérieux dans l’affaire. Il se fait ici un grand changement dans l’Apocalypse. Au lieu de consister comme ci-devant, en événements qui étaient l’œuvre secrète de la main invisible de Dieu, c’est une manifestation de Sa puissance et de Son conseil à l’égard de Son peuple. Tout devient parfaitement clair. Ce ne sont plus des sauterelles emblématiques ayant un roi (cf. Prov. 30, 27), ni d’étranges chevaux et cavaliers extrêmement nombreux, etc. C’est maintenant l’action ouverte, rapide et décisive de Dieu. Voilà ce qui constitue, je crois, la différence entre les deux livres. Le premier était dans la main de Dieu, et scellé, de sorte que nul ne pouvait l’ouvrir, excepté l’Être béni qui a tout souffert pour la gloire de Dieu. Ici, il s’agit d’un livre ouvert, que le prophète prend de la main de l’ange, et immédiatement après nous n’avons plus les figures secrètes ou énigmatiques des premières visions, mais le temple, la sainte cité, les nations la foulant aux pieds — tout cela comme preuve évidente que Dieu agit sur les Juifs. Nous avons vu précédemment le sceau appliqué sur un certain nombre pris dans chaque tribu d’Israël, dispersé, je pense, dans le monde entier. Mais ici (chap. 11), nous arrivons à un cercle plus restreint, où les dispensations de Dieu sont concentrées sur Jérusalem : le sanctuaire, l’autel, les adorateurs, les deux témoins, etc., et où aussi elles sont si clairement exposées, qu’il n’y a pas à se tromper sur ce que Dieu entend par elles. La Bête, comme telle, paraît également ici, en opposition terrible et sans déguisement contre Dieu et Ses serviteurs. Et évidemment le Seigneur Jésus montre que le temps approche auquel Il doit prendre toutes choses en main. Ce livre-ci est donc un livre ouvert, parce que tout ce qu’il contient est parfaitement simple ; et c’est un très petit livre, parce qu’il ne s’applique qu’à un temps fort court et à un cercle fort restreint.

« Et il cria à haute voix comme un lion qui rugit ; et quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs propres voix. Et quand les sept tonnerres eurent parlé, j’allais écrire, et j’entendis une voix du ciel, disant : Scelle les choses que les sept tonnerres ont prononcées et ne les écris point » (v. 3-4). « Le lion rugira-t-il dans la forêt, s’il n’y a quelque proie ? Le lionceau jettera-t-il son cri de son gîte, s’il n’a pris quelque chose ?… Le cor sonnera-t-il par la ville, sans que le peuple en soit tout effrayé ? ou y aura-t-il dans la ville quelque mal que l’Éternel n’ait fait ? Car le Seigneur ne fera aucune chose qu’Il n’ait révélé son secret aux prophètes ses serviteurs. Le lion a rugi : qui ne craindra ? Le Seigneur l’Éternel a parlé : qui ne prophétisera ? » (Amos 3). Je ne puis considérer ce passage du prophète juif, que comme jetant du jour dans ses divers points, sur la vision que nous examinons. De plus, dans l’Ancien Testament, le tonnerre est toujours l’expression de l’autorité de Dieu en matière de jugement. Nous sommes appelés à écouter cette déclaration terrible des jugements de Dieu. Jean était sur le point d’écrire, mais une voix du ciel le lui défend. Il ne devait pas communiquer les détails de ce que Dieu allait maintenant faire. Mais l’ange « leva sa main droite vers le ciel et jura par Celui qui est vivant aux siècles des siècles, lequel a créé le ciel… qu’il n’y aurait plus de délai, mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu sera aussi terminé, comme il a été déclaré à ses esclaves les prophètes. » (v. 5-7).

En général, on se fait une idée extrêmement vague de ces mots « qu’il n’y aurait plus de temps ». Beaucoup s’imaginent que cela signifie que le temps serait alors tout près de finir et l’éternité de commencer. Mais ce n’est pas du tout là le sens, et cet exemple montre combien il est important de chercher la lumière auprès de Dieu. Le sens est que Dieu ne laisserait pas davantage le temps couler, avant d’intervenir dans le cours de ce monde. Ce n’est pas que l’éternité dût tout à coup commencer, mais qu’il n’y aurait plus de laps de temps, avant les dernières sommations de Dieu au monde et l’introduction d’une dispensation nouvelle, dans laquelle Il agira d’une manière ouverte avec les hommes sur la terre. Depuis la réjection et l’ascension du Seigneur Jésus Christ, les hommes — « ses concitoyens » — ont envoyé après Lui une ambassade, disant, au moins dans leurs cœurs : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Telle a été toujours la voix du monde depuis que Christ s’en est allé dans un pays éloigné. Le désir réel de l’homme est de se débarrasser de Christ, et, en général, l’homme croit qu’il en est débarrassé. Aussi n’est-ce pas étonnant qu’il n’aime pas à entendre parler de Son retour en puissance et en gloire ; car l’Écriture déclare expressément que Christ doit juger l’homme, et l’homme n’aime pas à paraître devant son juge. De là vient qu’il éloigne autant que faire se peut, la pensée de la venue de Christ pour juger le péché et les pécheurs. Le Seigneur donne à entendre ici, que sous peu, un terme sera mis au délai actuel. Tout le temps que Christ est loin, à la droite, il y a suspension de jugement. Mais Dieu sympathise profondément avec Son peuple dans la souffrance qu’il endure pendant l’intervalle de la réjection de Christ, et maintenant Il ne permettra plus qu’un pareil état de choses se continue davantage — de sorte qu’il y a des signes et des témoignages évidents que le Seigneur vient pour agir contre Ses ennemis. L’ange puissant jure qu’il n’y aurait plus de nouveau délai — non pas avant l’éternité, mais avant le jour du Seigneur. L’espace ou délai, dont il est ici parlé, c’est le jour de l’homme, et quand celui-là finit, le jour du Seigneur commence, jour qui, dans l’Écriture, n’est jamais confondu avec l’éternité parce qu’il a une fin, tandis que, cela va sans dire, l’éternité ne peut jamais finir. La force réelle de l’expression, considérée sous toutes ses faces, est donc « qu’il n’y aurait plus de délai ». Et remarquez les paroles du verset suivant : « Mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu sera aussi terminé », etc. Ceci contredirait d’emblée la pensée que l’éternité doit suivre immédiatement après. Au contraire, après ceci, vient en plein le millénium ; après le millénium, une courte période, et ensuite l’éternité. Quelquefois les âmes sont empêchées d’entrer dans la vérité de Dieu, par un seul petit mot, et je crois que tel a été le cas pour ce passage. Souvent, lorsqu’un léger point est éclairci, des monceaux de difficultés disparaissent.

Dieu mettra un terme au délai actuel : « le mystère de Dieu » sera alors terminé. Ceci me paraît signifier le secret par lequel Il a permis à Satan d’avoir sa voie propre, et à l’homme aussi ; c’est-à-dire, cette chose étonnante de voir prospérer le mal et fouler aux pieds le bien. Dieu, sans doute, réprime le mal jusqu’à une certaine mesure, en partie par le moyen du gouvernement humain et en partie par Ses propres dispensations providentielles. Et, en vérité, c’est une immense grâce qu’un tel frein soit posé à la malice de ce monde ; car sans cela, qu’adviendrait-il là où, au milieu même de répressions providentielles de Dieu, la méchanceté est si souvent triomphante, et la piété si souvent jetée à terre ? Toutefois il y a une influence du mal qu’aucun gouvernement ne peut déraciner, et le bien qui existe est contrefait, en sorte qu’il n’y a que peu ou point d’influence. Voilà ce qui nous paraît si mystérieux, lorsque nous connaissons Dieu et savons combien Il hait le mal. Mais cela va bientôt finir. Dieu est près de porter la main contre tout ce qui est contraire à Lui-même, d’introduire tout ce qui a été promis dès le commencement et de mettre le sceau de Son approbation sur tout ce qui aura été fait selon Lui. Et cela, Il va le faire par Son Fils. Celui que l’homme a méprisé et rejeté, est Celui-là même que Dieu enverra pour mettre fin à la confusion actuelle et ranger toutes choses dans un ordre resplendissant de sainteté et d’harmonie.

Il ne faut pas confondre « le mystère de Dieu, » avec le mystère de Sa volonté (Éph. 1, 9). Ce dernier est celui qui a toujours été près de Son cœur, car il renferme non seulement la gloire de l’Église, mais celle de Christ. Il est « selon son bon plaisir, lequel il s’est proposé en Lui-même » ; il n’y a personne qui l’ait suggéré. C’est le fait de Sa propre volonté. Et quel est le mystère de Sa volonté ? « Qu’en l’administration de la plénitude des temps, il réunit en un toutes choses dans le Christ, tant les choses qui sont dans les cieux que celles qui sont sur la terre, en Lui ». Toutes ces choses que Satan a maintenant dispersées, seront réunies en un, sous Christ. Alors la bonté et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s’entre-baiseront. Ceci est vrai du croyant dès à présent, pour autant qu’il s’agit de sa réconciliation avec Dieu. Satan insinue bien ceci : Comment serait-ce vrai, en présence de tant de mal au-dedans ? C’est là une chose qui pénètre droit à la conscience de l’homme qui doute de Dieu, et même de celui qui craint Dieu, s’il regarde à lui-même. Quand je regarde à moi, de pareils doutes peuvent bien s’élever, mais jamais si je regarde à Christ. Christ seul a titre pour me donner du repos devant Dieu. Christ seul peut dissiper les vagues et les vents. Satan a dressé l’homme contre Dieu en toute manière, même contre la bonté qui procède de Lui ; mais Dieu ne veut pas permettre que cela dépasse une certaine limite. Quoiqu’il soit permis à Satan, par son opposition, de traverser les plans de Dieu dans le temps actuel, cependant toutes les voies dans lesquelles Dieu a agi sur la terre depuis le commencement, sont destinées à triompher, et à triompher toutes ensembles à la fin (Os. 2, 21-23). Ainsi l’homme a été établi en Adam, le gouvernement a été mis entre les mains de Noé, l’appel de Dieu a été donné à Abraham, il y a eu la longue et patiente épreuve de la loi, et finalement, il y a la mission de Son Fils et de Son Esprit. Toutes ces choses, pour ainsi dire, sont des courants émanés de Dieu et qui ont coulé à travers cette terre. Ils ont été corrompus ou repoussés par l’homme dès le commencement, et par la puissance de l’ennemi, les hommes abuseront de ces dispensations mêmes de Dieu, pour amener la conspiration la plus audacieuse et la plus fatale que le monde ait jamais vue — Satan et l’homme associés contre Dieu, qui permettra à tout ce mal de jaillir et alors y mettra fin par le jugement. C’est là la consommation du mystère.

Mais ce qui est appelé « le mystère de sa volonté », n’est pas le sujet de la prophétie. Christ sera le chef de toute bénédiction et assemblera toutes choses en bénédiction réunie, sous Sa propre primauté, toutes les choses que Satan se sera efforcé de gâter. Tout ce que Dieu créa originairement était simplement placé dans une condition d’innocence ; mais ce que le Seigneur Jésus Christ opérera à la fin, la réconciliation de toutes choses, sera ce à quoi Satan ne pourra pas porter atteinte. Toutes choses seront réunies en un, en Christ le Chef. Laissez-moi encore établir un autre point. Dans ce mystère de la volonté de Dieu, nous ne sommes pas seulement appelés à être bénis sous Christ, mais afin de posséder en plein le caractère de la bénédiction, nous sommes bénis avec Lui ; c’est ce que nous avons dans l’épître aux Éphésiens. Nous ne sommes pas une espèce d’héritage pour Christ, mais nous sommes cohéritiers avec Lui. Dans ce grand mystère de Dieu, en Christ, il y a deux pensées — la primauté universelle de Christ, et l’union de l’Église avec Lui. Pour nous, il n’y a rien de pareil à l’idée que nous devons être réunis en un sous la puissance de Christ ; mais toutes les choses qui furent jamais, sont destinées à être réunies sous Sa primauté, et, pensée merveilleuse ! l’Église est appelée à partager toute cette gloire avec Lui. Ce n’est pas ce qui appartient à Christ comme personne divine, mais ce qui Lui revient comme prix de la rédemption, et cette œuvre même Lui donne le droit de conférer cette gloire à quiconque Dieu veut. L’Église est unie comme le corps, et l’épouse de Celui qui est Seigneur de tout. Elle est l’Ève du second Adam. En Éphésiens 5, Paul traite particulièrement la dernière partie de ce sujet. Christ doit se la présenter à Lui-même Église glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable. Le grand mystère, ici dévoilé, c’est la proximité, l’amour, l’intimité de la relation d’époux à épouse entre Christ et l’Église.

Dans l’épître aux Colossiens, vous avez la même chose rapportée (Col. 2, 2) : « Pour la connaissance du mystère de Dieu (et du Père et de Christ) » (vers. angl.). Ces derniers mots ont été insérés sans autorité, et quand on essaie de corriger l’Écriture, on ne fait que l’endommager. Il est parlé en Colossiens, chapitre 1 (v. 26), d’un certain grand mystère. Le terme mystère signifie un secret ; ce peut ne pas être un secret maintenant, mais ce mot indique que la chose en question en a été un. Où il y a quelque chose qu’on ne comprend pas, on est porté à dire : « c’est un mystère ». Mais dans l’Écriture, ce terme désigne une vérité que Dieu a tenue cachée, mais qui ne l’est plus désormais ; quelque chose que les saints ne connaissent pas comme hommes, ou comme Juifs, mais que Christ devait leur apprendre comme chrétiens. Ici paraît un autre grand mystère (v. 27) : « auquel Dieu a voulu donner à connaître quelles sont les richesses de la gloire de ce mystère parmi les nations, c’est à savoir Christ en vous, l’espérance de la gloire ». Si nous prenons la prédication qui est faite de Christ dans l’Ancien Testament, c’est une erreur d’appeler cela un mystère, car elle était, certes, bien assez claire. Que proclamaient les prophètes juifs ? La venue d’un Messie qui devait régner sur eux, et qui associerait le salut avec Son caractère de « grand Roi ». Ce qu’ils ne comprenaient pas, quoique révélé, c’était Son humiliation et Sa mort. Il a été pour eux une pierre d’achoppement. Mais le « mystère » est une expression qui n’est jamais appliquée à la mort et à la résurrection de Christ. Cela n’était pas du tout un secret, mais c’est, au contraire, clairement prédit en Ésaïe 53 ; psaumes 16 ; 17 ; 69 ; 106 et en beaucoup d’autres passages. Le mystère était que, pendant le rejet de Christ par Son peuple et pendant la durée de Son exaltation dans le ciel, Dieu Le ferait devenir la tête d’un corps céleste, choisi par Sa grâce parmi tous — Juifs et Gentils. De cela il n’en est pas traité dans l’Ancien Testament. Il y avait certaines choses que nous pouvons maintenant montrer comme en étant des types ; mais ces choses n’eussent jamais projeté la moindre lumière sur cette vérité, si le mystère n’avait pas été donné à connaître. Dans ce temps-là, il n’y avait rien, même comme prédiction, qui ressemblât à l’état de choses actuel de Juifs et Gentils, bénis ensemble en un seul corps ; et voilà la raison pourquoi c’est appelé « le mystère qui avait été caché dès les siècles et dès les générations ». C’était un secret caché en Dieu, auquel les prophètes ne touchèrent pas. Lorsque les Juifs auront leur Messie, ce ne sera pas comme étant l’espérance de la gloire, mais comme étant Celui-là même qui introduit la gloire. Lorsque sera venu le temps de bénédiction qu’ils attendent, il n’y aura pas de doute à avoir là-dessus, car tout sera manifesté, tant pour les amis que pour les ennemis ; ce ne sera pas davantage une espérance, mais la manifestation effective de la gloire au milieu d’eux. Mais maintenant Dieu opère parmi les Gentils une œuvre d’un caractère spécial, tandis que les Juifs sont rejetés. Les Gentils ont Christ actuellement, non pas comme apportant la gloire visible sur la terre, ainsi que ce sera le cas bientôt parmi les Juifs ; mais ils ont Christ en eux, l’espérance de la gloire toute prochaine, et cela dans le ciel.

Il est possible que le terme « le mystère de Dieu » soit employé dans notre chapitre, parce que c’est spécialement pendant le temps de non-intervention à l’égard du monde, que Dieu a produit ce merveilleux secret concernant Christ et l’Église. Ici, c’en est fait de ce temps-là. Toutefois, ce mystère par lequel il est permis au mal de prospérer, cette passivité de Dieu par laquelle Il n’empêche pas que le mal ait la haute main et que le bien soit foulé aux pieds, se continue pour un certain temps. Ceci prendra fin, comme Il en a déclaré la bonne nouvelle à Ses esclaves les prophètes. La voix parle de nouveau et dit : « Va, prends le petit livre ouvert qui est dans la main de l’ange » etc. (v. 8). En conséquence, Jean prend le livre, et après l’avoir dévoré, le trouve dans sa bouche doux comme du miel, mais lorsqu’il en sonde le contenu et en digère les résultats, combien il est amer au-dedans ! Ainsi en est-il et en sera-t-il. Quand nous voyons comment Dieu accomplira toutes choses, nous devons être peinés en pensant à ce qui est réservé à l’homme, comme nous devons l’être, en effet, quand nous savons avec quelle persévérance il se rebelle contre Dieu, et méprise même la miséricorde dont il est l’objet.

Le Seigneur veuille que ce dont Il s’est servi pour débarrasser notre position de tout principe terrestre et pour réveiller un juste sentiment de la parfaite dignité de la place qu’Il nous a donnée, soit imprimé sur nos cœurs ! Personne n’est dans une position d’aussi grande responsabilité que ceux qui sont occupés des choses célestes. Et ne supposons pas qu’une position quelconque ou même la vérité, puisse d’elle-même garder une âme : rien ne le peut, sinon l’Esprit de Dieu. Et jamais l’Esprit de Dieu ne gardera une âme, là où il n’y a pas de dépendance et où le moi n’est pas jugé. Il est venu pour glorifier Christ. Que le Seigneur nous accorde de veiller et de prier ! Car, tandis que la vérité a pour but de séparer du monde, cependant où l’on en fait abus, et où elle n’est rien que cette connaissance qui enfle, on est préparé pour les plus mauvais résultats.

Il reste, comme à l’ordinaire, à ajouter quelques mots sur la mesure d’accomplissement que cette vision parenthétique a déjà reçue. Je ne suis pas disposé à mettre en doute qu’elle ait trait, dans son application générale, à cette merveilleuse et divine intervention : la Réformation. L’empire d’Orient avait depuis quelque temps succombé à la furieuse attaque des Turcs. L’Occident n’était pas d’une ombre moins impénitent et moins imbu d’idolâtrie et d’imposture qu’auparavant, lorsque cette subite lumière d’en haut parut sur l’Europe étonnée. Ce n’est pas que la grâce de Christ ait été profondément réalisée ou réfléchie dans la Réformation. Le témoignage de son principal conducteur, Luther, a plutôt ressemblé aux éclairs et aux tonnerres de Sinaï, et tenu trop souvent de la terre bien plus que du ciel. De fait, c’est ce caractère relativement terrestre qui fait que les fauteurs de l’école historique trouvent tant de coïncidences apparentes entre cette grande œuvre et la vision qui est devant nous. C’est justement parce que Luther s’est si fortement rapproché, non de la ligne de ministère de Paul, mais du témoignage prophétique de Jésus, lequel doit être rendu par les témoins du dernier jour, qu’il y a tant de points communs entre le caractère de sa vie et la tendance de ses travaux, et les prédictions de ce que ces témoins doivent enseigner, faire et souffrir ci-après. L’idée de comparer cette vision avec la propagation de l’évangile et la formation de l’Église à la Pentecôte, est, je ne puis penser autrement, une erreur fort grossière.

De plus, est-il vrai qu’il n’y ait pas, dans la vision, un détail auquel la Réformation ne réponde exactement ? Est-ce que le resplendissement du Soleil de justice implique une nouvelle publication de Son évangile ? Je ne doute pas que la pleine signification de la vision ne renferme un témoignage public à l’arrivée du « jour » ; mais pour cette raison même, l’évangile de la grâce est exclu, ainsi que peut le voir toute personne spirituelle qui examine sans préjugé Malachie 4. Car l’essence de l’évangile est que par lui, Dieu justifie l’impie et sauve le perdu ; au lieu que nous lisons : « c’est pour vous (le résidu pieux d’entre les Juifs), que se lèvera le soleil de justice, avec la santé dans ses rayons ; vous sortirez et vous prendrez de l’embonpoint, comme de jeunes bœufs que l’on engraisse. Et vous foulerez les méchants, car ils seront comme de la cendre sous les plantes de vos pieds, au jour que je ferai mon œuvre, a dit l’Éternel des armées. Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur ». Il peut y avoir une certaine ressemblance entre ceci et les motifs et le but, les aspirations, la carrière, le cours des travaux, le genre d’action (pas l’issue toutefois) des réformateurs les plus belliqueux ; mais dans la proportion même de cette ressemblance, c’est l’opposé de l’évangile, ou de la conduite pratique qui en découle et lui est conforme.

En outre, la nuée rappelle la délivrance d’Israël, comme l’arc-en-ciel rappelle l’alliance établie avec la terre, lorsque le gouvernement fut institué ; les colonnes de feu représentent la fermeté judiciaire, et la voix forte comme celle d’un lion qui rugit, c’est la frappante et terrible affirmation de ses droits, précédée de l’acte significatif par lequel il y comprend le monde entier, et suivie de l’expression complète de la puissance de Dieu. Toutes ces choses, y compris le petit livre ouvert (lequel semblerait être la prophétie connue relativement à la cité et au temple), sont des figures qui s’accordent pleinement avec la prochaine reprise des relations du Seigneur avec Jérusalem et les Juifs, et le monde en général : mais pas une seule de ces figures, dans tout ce qu’elles impliquent, ne me paraît ressembler à l’évangile de la grâce de Dieu. Le ciel et l’Église sont entièrement laissés en dehors de la vision ; il est question d’un peuple terrestre, et partant, de rois et de nations ; c’est la reprise, non pas de l’évangélisation, bien moins encore de l’édification du corps de Christ, mais du témoignage prophétique ici-bas. Le décret est publié. Le roi oint de Jéhovah est sur le point de prendre Sion, la montagne de Sa sainteté, oui, les nations mêmes pour Son héritage, et les parties les plus éloignées de la terre pour Sa possession. Il n’a plus à faire des demandes au Père concernant les fils célestes, mais concernant le monde lui-même. Il n’a plus à mettre à part au moyen de la vérité pour associer avec Lui-même en haut, mais à briser les peuples avec une verge de fer et à les réduire en pièces comme le vaisseau du potier. « Maintenant donc, ô rois, ayez de l’intelligence ; juges de la terre, recevez instruction ». Voilà évidemment à quoi se rapporte la scène qui nous occupe. Tel est l’ordre de faits auquel elle sert de prélude. Si les réformateurs eussent compris la haute vocation des saints, ou la nature, le caractère, et les conséquences de notre union avec Christ dans les lieux célestes, il y aurait eu, de leur côté, contraste et non analogie. De fait, ce fut, je le répète, l’effet de leur manque d’intelligence spirituelle comme chrétiens et leur ressemblance avec des Juifs pieux, qui imprimèrent à leur œuvre la ressemblance qu’on y trouve avec la scène que nous examinons.

Enfin, essayer d’établir une complète correspondance entre cette scène et la Réformation, c’est faire violence au sens, et je pourrais presque dire, tomber dans l’absurde. Car dans son empressement à appliquer le principe des allusions, comme on l’a nommé, l’auteur des Horæ Apoc. n’aperçoit pas même la connexion des sept tonnerres avec Christ. Ce serait perdre une trop bonne occasion de faire allusion aux foudres du Vatican. Mais ici, chose étrange à dire et en opposition, me paraît-il, avec le principe même qui est invoqué, M. Elliot enlève ces tonnerres à Celui qui est le personnage principal de la vision et les applique exclusivement au pape ! Le raisonnement sur lequel on appuie la proposition, si monstrueuse pour tout esprit qui n’est pas sous le poids écrasant d’un système, ce raisonnement me paraît manquer absolument de base, tout en n’étant pas indigne de l’adresse bien connue de M. Elliot. La faculté possédée par les tonnerres de faire entendre leur voix, n’est pas sans précédents dans ce livre (Apoc. 6, 1), et de plus, les trompettes sont dites la posséder aussi (chap. 8, 13). Comparez aussi Apocalypse 16, 7, pour l’autel. Le parallèle supposé en Jean 12, 28, n’est certainement pas en faveur des oracles papistes. Le pronom réfléchi implique sans nul doute que les voix étaient bien proprement les leurs, les sons propres aux tonnerres dont il est parlé ; mais qu’elles fussent en opposition avec le cri de l’ange, semblable au cri d’un lion qui rugit, c’est une induction au plus haut point contre nature. Quoi que l’on pense de la théorie d’une allusion à Léon X, même dans ce cas, l’analogie de toutes les autres visions est en faveur de l’idée que cela se rapporte directement à la parfaite expression de la puissance divine, comme le sceau de Dieu sur l’affirmation que l’ange fait de son droit. Il me paraît presque effrayant d’avancer que la proposition « ne les écris pas », implique que les voix n’étaient « pas les véritables paroles de Dieu, mais plutôt une fausseté et une imposture » (H. A. Vol. II, p. 105). La raison véritable est très simple. Ce que nous avons ici, c’est le fait général que « la voix de Jéhovah » fait écho aux droits que Christ fait valoir à la possession du monde ; les détails ne doivent pas être écrits. L’apôtre Paul fut ravi dans le paradis pour entendre des secrets (ἄρρητα ρηματα) qu’il n’est pas permis à l’homme d’exprimer. Le prophète Jean allait écrire ce que les tonnerres annonçaient, mais la voix du ciel commande que les choses soient scellées, pas écrites — manière de faire des plus extraordinaires, si les paroles des voix sont supposées être les faux décrets de Rome, mais bien en harmonie avec cette conclusion que d’autres choses seraient révélées encore, avant que la puissance de Dieu fût déployée et que les droits de Christ fussent validés par le jugement ; 4° de là vient que je rejette entièrement, comme un corollaire de l’erreur précédente, l’idée qu’il y ait ici une allusion aux sept collines de Rome. Jusqu’ici, l’emploi du nombre sept dans l’Apocalypse a été entièrement indépendant de ce signe local, qui apparaît seulement au chapitre 17, où le contexte prouve que Rome est en question. Ici, pour la même raison du contexte, les collines romaines sont une intrusion, et l’idée de plénitude est le seul sens naturel ; 5° cette remarque explique aussi la présence de l’article comme dans le cas des sept anges (chap. 8) qui, je le présume, ne sont pas en rapport spécial avec cette ville. Quant à l’opinion que ce n’est qu’aux bulles papales que les sept tonnerres apocalyptiques aient jamais été appliqués, elle est naturelle à la région d’où elle vient ; mais quand l’écrivain ajoute : « ou puissent jamais l’être », il dépasse, pensé-je humblement, la limite de la sagesse ou de la modestie. Nul de nous n’est la mesure de la connaissance divine, ni de ce que le Seigneur peut conférer. De plus, je confesse, moi tout le premier, mon incapacité à discerner, aidé même de l’argumentation particulière des Horæ, la liaison spéciale du serment de l’ange avec les convictions puissantes des pères de la Réforme ou de leurs enfants protestants. Savonarole et d’autres avant lui paraissent avoir été occupés de la proximité du royaume de Christ, plus que Luther et ses collaborateurs. Ce qu’attendait le grand réformateur allemand était plutôt la destruction du royaume du pape par la Parole seulement, et cela fondé sur le sens qu’il donnait à Daniel, tout aussi bien que sur saint Paul, c’est-à-dire, me semble-t-il, en contraste avec le livre ouvert et les choses qu’annonce l’ange de la manière la plus solennelle. Mélanchthon n’a pas non plus mieux vu que Luther quand il a appliqué Daniel 7 au mahométisme, et Daniel 8 au papisme. Je ne puis davantage admettre que la prophétie, telle qu’elle est adressée à Jean et annoncée par les deux témoins, ou par n’importe quels autres, soit simplement l’acte d’exposer les Écritures et d’exhorter par elles, ainsi que le fait tout fidèle ministre de l’évangile. En outre, prétendre que dans cette expression : « Va, prends le petit livre », et dans cette autre : « Il faut que tu prophétises encore », nous devons voir (et cette fois, cela va sans dire, non plus par allusion, mais réellement) une sorte de préfiguration de l’ordination des diacres pour annoncer l’évangile ou exercer le ministère chrétien, et la prise en main du Nouveau Testament pour le traduire en langue vulgaire ; et plus encore, que saint Jean représentant les ministres fidèles de la Réforme à cette époque, cela indique que ceux-ci se trouveraient dans le fil de la succession apostolique — prétendre, dis-je, et soutenir de telles choses, me fait plutôt l’effet de jouer avec les sentiments que de s’occuper d’une sérieuse exposition de ce chapitre. Essayer d’appliquer les détails au passé, c’est révéler ce qu’il y a de peu satisfaisant dans le système protestant exclusif. J’ai déjà admis, à l’égard de la Réformation, dans l’application de l’Apocalypse à une longue période, une certaine portée assez précise pour faire voir qu’une œuvre pareille n’avait pas été méconnue de Dieu. L’entier accomplissement littéral de toutes les paroles du livre n’aura lieu qu’à la fin du siècle.

Chapitre 11

Du moment que Dieu commence à agir ouvertement à l’égard de la terre, Israël entre naturellement en première ligne, puis viennent les Gentils en connexion avec lui (Deut. 32, 8, 9). Nous avons eu les douze tribus dans la dispersion, et un nombre déterminé d’entre elles, scellé ; mais ce sont la Judée et Jérusalem qui forment surtout le premier plan du tableau que nous voyons ici : « Lève-toi », est-il dit au prophète, « et mesure le temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent ». Ici, l’autel correspond clairement, je pense, à l’autel d’airain ; car l’autel d’or était compris dans le temple. « Ceux qui adorent » sont des personnes que caractérise une position de proximité avec Dieu. L’autel est l’expression d’un accès véritable auprès de Dieu, et ces personnes ont été approchées de Lui. C’était le lieu de l’holocauste qui marquait l’acceptation de l’individu. Or, ceci nous montre que Dieu reconnaît ici un certain nombre d’entre le peuple sur la terre, comme capable de s’approcher de Lui. « Mesure le temple » etc. indique et détermine, je suppose, la portion que Dieu s’appropriait pour Lui-même (v. 1).

« Et jette dehors la cour qui est en dehors du temple, et ne la mesure point, car elle a été donnée aux nations, et ils fouleront aux pieds la sainte cité quarante-deux mois » (v. 2). Les Juifs sont reconnus de Dieu jusqu’à une certaine mesure ; et, comme conséquence, il est parlé de leur ville comme de la sainte cité, et des Gentils comme de ceux qui la souillaient et la foulaient aux pieds. Mais il est important, avant d’aller plus loin, de rechercher s’il est fait allusion en d’autres portions de l’Écriture à cette période dénommée ici, période de « quarante-deux mois ». On ne contestera pas qu’il y soit référé en Daniel, le livre de l’Ancien Testament qui correspond le plus à l’Apocalypse du Nouveau. Là, nous trouvons mentionnée une période de trois ans et demi, appelée dans un langage mystique : « Un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Voyons Daniel 7. Là, nous trouvons les puissances gentiles représentées par des bêtes sauvages, qui ont partiellement quelque ressemblance dans la nature. Il y a un lion, un ours, et un léopard portant quatre ailes pour exprimer la rapidité de conquêtes qu’on verrait dans la puissance représentée par cette bête ; et tout le monde sait que dans l’antiquité, jamais empire ne s’étendit par de rapides conquêtes comme l’empire grec sous Alexandre ; et plus que cela, il s’enracina profondément, de telle sorte qu’à ce jour même, on en voit des restes qui, loin d’apparaître comme exhumés, pour ainsi dire, se montrent par des effets vivants. La quatrième bête était d’un caractère composé, différente de tout ce qui a été vu auparavant. Elle avait dix cornes sur sa tête ; et après ces dix cornes — au milieu d’elles — le prophète vit une autre petite corne qui montait. Cette dernière prend la place de trois autres, et devient le grand objet dont l’Esprit de Dieu est occupé ; non pas, sans doute, parce que quelque chose de bon s’y rattache, mais à cause de sa mortelle hostilité contre Dieu et contre Son peuple. Daniel voit plus particulièrement cette corne sous son caractère politique, et l’Apocalypse la présente plutôt sous son caractère politico-religieux. C’est avec ce quatrième empire, la bête romaine, et en relation avec les Juifs, qu’est donnée la période de « un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Ce n’est pas, semble-t-il, par une légère aberration d’esprit qu’on se refuse à appliquer ces passages à la Judée pour les appliquer à Rome. Mais la cause en est manifeste. Les hommes se sont tellement occupés de controverse entre le protestantisme et le papisme, qu’ils ont naturellement cherché à découvrir dans l’Écriture quelque chose touchant le pape ; et voyant qu’il s’y trouvait un personnage plus méchant que tous les autres (l’Antichrist), ils en ont conclu que l’Antichrist et le pape étaient un seul et même individu. Or, il est vrai que l’un et l’autre font jusqu’à un certain point des choses pareilles. Mais en examinant les Écritures, vous trouvez que l’Antichrist prend place en Judée et en rapport avec le peuple juif, comme il n’est jamais arrivé au pape de le faire. Je ne dis pas que le pape ne puisse pas agir ainsi ; mais il est impossible d’appliquer pleinement et exclusivement au pape comme tel ce qui est dit de l’Antichrist. Il est un système à venir d’iniquité, et à la tête de ce système un personnage à venir, qui s’élèvera contre Christ dans Sa gloire et Ses droits juifs, et unira le pouvoir politique à la prétention religieuse, et cela dans la ville du grand Roi. Il y a beaucoup d’antichrists, il est vrai, et l’on peut avec raison regarder le pape comme l’un d’eux, mais non pas comme l’Antichrist qui doit venir. Celui-ci est réservé pour le temps qui précédera immédiatement l’apparition du ciel du Seigneur Jésus Christ. Il essaiera personnellement de contrefaire le Seigneur Jésus et de s’opposer à Lui, et il sera personnellement renversé par Lui. On devrait être préparé à cet événement ; mais on s’imagine, au contraire, que le pape est le dernier antichrist, et qu’il va tellement en décrépissant, qu’il est bien près de descendre dans la tombe. Mais la Bible enseigne clairement que le développement le plus affreux de l’iniquité est encore à venir, et que, lorsqu’il arrivera, il n’entraînera pas seulement les pays papistes, mais aussi les pays protestants, et les Juifs eux-mêmes dans ses fatales déceptions.

En Daniel 7, il est dit de la petite corne qu’elle proférera de grandes paroles contre le Souverain, « et détruira les saints du Souverain et pensera de pouvoir changer les temps et la loi ; et ils seront livrés en sa main jusqu’à un temps, des temps et une moitié de temps ». Or, il me paraît parfaitement clair que « les temps et la loi » dont il est question ici, sont ceux avec lesquels le prophète Daniel était familier. Les temps étaient liés aux fêtes d’Israël, et les lois (pluriel — vers. angl.) avec l’ordre ou le rite juif. Les « saints du Souverain » sont ceux que connaissait le prophète, et auxquels il portait intérêt ; tout comme au chapitre 12, ce sont les enfants du peuple auquel appartenait Daniel, qui sont compris dans l’expression : « Les enfants de ton peuple ». Ceci montre qu’il y aura un ennemi particulier du peuple de Dieu en Judée, lequel s’élèvera en ce jour-là. Il se mêle des Juifs au moment où ils commencent à être jusqu’à un certain point reconnus de Dieu. Ce pouvoir inique détruit les saints du Souverain et pense changer les temps et les lois, lesquels seront livrés en sa main. Ce ne sont pas les saints qui sont livrés entre ses mains, car Dieu ne les abandonne jamais à l’ennemi. Il pourra permettre qu’ils soient tourmentés pour un temps, mais Il ne les abandonnera jamais. Ce sont les temps et les lois qui sont ainsi mis à sa disposition pour un temps, parce que la nation n’est pleinement reconnue que quand le Messie vient, et jusque-là il s’agit seulement d’une reconnaissance partielle de leur culte. Les temps et les lois lui sont donc abandonnés pour « un temps, et des temps et une moitié de temps ». Il s’agit de la même période dans les quarante-deux mois, qui donnent exactement le même laps de temps, si l’on admet que « un temps » signifie une année.

En Daniel, chapitre 9, vous avez une autre désignation de temps, les fameuses soixante-dix semaines. « Et après ces soixante-dix semaines, le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26 — vrai sens de l’original) ; c’est-à-dire qu’après soixante-neuf des soixante-dix semaines, le Messie est retranché. Alors, pour cause de ce retranchement, une interruption a lieu. Toutes les semaines ne sont pas écoulées. Il en reste une — la dernière — à accomplir, laquelle est tenue séparée, comme un anneau arraché à la chaîne qui précède. Vous remarquerez qu’après la mort du Messie le conducteur, il est fait allusion à un autre conducteur encore à venir, lequel est évidemment un conducteur ennemi, un conducteur de la nation romaine. La grande méprise dans laquelle plusieurs sont tombés, c’est que ce conducteur était Titus, qui vint et prit la ville de Jérusalem : mais il n’en est point ainsi. Le verset n’établit pas que le conducteur détruirait, etc. ; mais « le peuple du conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire », et c’est ce qu’ils ont fait. Les Romains vinrent sous ce général. Mais lorsqu’il est dit : « Le peuple du conducteur qui viendra », cela me donne clairement à entendre qu’un certain grand conducteur viendrait après, un conducteur en rapport avec l’empire romain. Son peuple devait venir le premier, ce qu’il a fait sous Titus ; plus tard, le conducteur lui-même vient, ce que je crois être encore futur. Car remarquez bien que la destruction passée de la ville et du sanctuaire, n’est pas du tout comprise dans le cours des soixante-dix semaines. Elle a lieu dans l’intervalle qui sépare la soixante-neuvième de la soixante-dixième semaine. Il y a eu, pour ainsi dire, une chaîne de soixante-neuf semaines donnée jusqu’à la mort de Christ ; elle fut rompue alors. Il y avait un anneau important, la soixante-dixième semaine. Que devient cet anneau ? Le dernier verset le reprend, et il en ressort assez clairement que cette soixante-dixième semaine a affaire, non point avec Christ, mais avec l’Antichrist, qui sera manifestement en rapport avec l’empire romain, et aussi avec les Juifs. Observez que, au verset 26, après les soixante-deux semaines ajoutées aux sept qui les précèdent, c’est-à-dire après que le Messie est retranché, il n’est plus fait mention des semaines. Dans ce qui vient ensuite nous n’avons pas de date, jusqu’à ce que nous arrivions au verset 27 ; preuve que ce qui survient n’est pas compté comme faisant partie de la suite continue des semaines. « Et la fin en sera avec débordement, et les désolations sont déterminées jusqu’à la fin de la guerre ». La ville et le sanctuaire ont été depuis longtemps détruits ; mais les désolations durent « jusqu’à la fin », et elles se poursuivent encore.

Jusqu’à ces derniers temps, de tous les peuples de la terre, un Juif avait le plus de difficulté à entrer dans le pays. Il survient un changement dans les dispositions des nations envers Israël ; cela je l’admets. Les Gentils en partie semblent oublier que le Juif est sous un jugement spécial de Dieu. Sans doute, ce n’est pas une excuse pour traiter ce peuple avec dureté, mais c’est une raison grave pour laquelle les hommes ne devraient pas se mêler politiquement de lui. Pour le Juif, se mêler ainsi avec les Gentils est une sorte d’apostasie ; et pour les Gentils, c’est mépriser le jugement de Dieu et l’attirer éventuellement sur eux. On découvrira que Dieu ne peut pas sanctionner une semblable union. Je crois que lorsque les Gentils auront abandonné toute idée de particularité concernant les Juifs, la main de Dieu confondra leurs desseins, et qu’Il interviendra pour manifester Son peuple distinctement et séparément de tous les autres, par le jugement d’abord et par la bénédiction ensuite. Lorsque tout semblera tranquille et en prospérité, Dieu annulera ce que l’homme croit faire, car Il n’a pas rejeté Israël à toujours. Les Juifs peuvent avoir abandonné Dieu et s’être amalgamés avec les Gentils, mais Dieu n’oublie jamais qu’Il a choisi les pères et qu’Il a fait des promesses pour les enfants. Il est vrai que les Juifs ont pris la responsabilité d’être Son peuple et ont misérablement manqué à remplir leur obligation ; mais Dieu ne faillira pas à accomplir Son dessein. Lorsque les mariniers gentils avaient Jonas dans leur navire, Dieu résolut de l’en faire sortir, et s’ils ne l’eussent pas jeté dans la mer, Dieu aurait brisé leur navire pour en tirer Son prophète et l’avoir à Lui-même et à Son œuvre. Ainsi en sera-t-il au jour qui approche rapidement. En examinant Ésaïe 18, nous voyons qu’il doit y avoir une restauration partielle d’Israël par le pouvoir gentil, principalement au moyen d’une certaine puissance maritime « qui envoie par mer des ambassadeurs, etc. ». Ils pourront ramener une partie des Juifs dans leur terre, mais les Juifs seront encore en état de rébellion et d’incrédulité. Lorsque tout paraît florissant, soudain il survient une ruine de la part de Dieu : et, qui plus est, Dieu permettra que l’ancienne inimitié des Gentils contre les Juifs se réveille, ainsi qu’il est écrit : « Les oiseaux de proie seront sur eux tout le long de l’été, et toutes les bêtes du pays y passeront leur hiver » — c’est-à-dire que toute sorte d’impitoyable haine leur sera montrée. Ils sont le corps mort, et là où est le corps mort, là se rassemblent les aigles. Les Gentils qui auront d’abord paru si bienveillants à leur égard s’en éloigneront de nouveau et s’uniront une fois encore dans le but de les écraser. Et quelle sera la fin de tout cela ? Les Gentils étant revenus à leur vieille haine contre les Juifs, Dieu épousera la cause de Son peuple. Dieu s’abstient tandis que l’homme s’en mêle ; mais lorsqu’une immense armée monte contre Israël, en ce temps-là même sera présentée à l’Éternel des armées l’offrande d’un peuple dispersé et pillé, et de la part d’une nation terrible dès son origine (vers. angl.). Dieu se fera présent à Lui-même, si je puis ainsi parler, de Son Israël si longtemps dispersé et persécuté.

Ce qui précède fera voir combien il est naturel que nous ayons dans l’Apocalypse une réorganisation de la constitution et du culte juifs après l’enlèvement de l’Église au ciel et avant l’apparition de Christ. Nous y voyons un petit résidu, au milieu de la masse qui devait être livrée aux Gentils. Pendant quarante-deux mois, la sainte cité sera foulée aux pieds. Le Seigneur permet qu’une certaine période aille s’écoulant pour ce qui regarde « les plusieurs » ; mais Il mesure pour Lui-même le temple et l’autel, et ceux qui y adorent. Il se pourrait que ce résidu fût égorgé, mais toutefois Il l’apprécie. À l’époque où une partie des Juifs sont ainsi dans leur propre terre, mais à laquelle Israël comme ensemble n’est pas encore entièrement ramené par Dieu, à cette époque viendra le conducteur romain prédit, lequel « confirmera (non pas l’alliance, mais) une alliance avec les plusieurs pour une semaine ». Je sais que quelques-uns appliquent ceci à Christ ; mais le Seigneur n’a jamais traité d’alliance pour une semaine ou sept ans. Il est impossible d’appliquer légitimement ces mots à une alliance que le Seigneur ait jamais établie, bien moins encore à une alliance établie après Sa mort. « L’alliance éternelle » est évidemment le contraste et non l’accomplissement de cette alliance établie pour une semaine. Plusieurs interprètent ainsi le passage de Daniel 9, 27 ; mais ceux qui le font oublient qu’au verset précédent, Christ a été vu comme « retranché ».

« Au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation ; puis, à cause de la protection des abominations, il y aura un désolateur, etc. ». Ici nous avons des événements subséquents d’une nature tout à fait différente. On demandera : Quand et comment devons-nous supposer qu’aura lieu cette cessation du sacrifice et de l’oblation ? Qui, et d’où, est ce personnage qui les fait cesser ? « Le Messie, le conducteur », et le « conducteur qui viendra », sont-ils la même personne ou sont-ils deux personnes différentes ? Par rapport au Messie, l’histoire se clôt au verset 26. « Le peuple » de ce conducteur qui viendra, était l’ennemi d’Israël, sujet d’une puissance contraire, et non pas le peuple du Messie. Au verset 27, le conducteur, dont l’arrivée est annoncée par le verset 26, est venu lui-même ; et c’est lui qui confirme une alliance avec « les plusieurs », ou la masse des Juifs, pour une semaine ; mais à la moitié de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et à cause de la protection des abominations, etc. Le langage peut sembler quelque peu obscur, mais ce qui est bien clair, c’est qu’il doit se trouver après la mort de Christ un certain conducteur — un prince romain — dont le peuple vint d’abord causer une désolation depuis longtemps accomplie ; après quoi, lui-même survient enfin. Au moment où il paraît sur la scène, commence la dernière semaine de Daniel. Cette interruption entre la soixante-neuvième et la soixante-dixième semaines semblera peut-être étrange, et l’on demandera peut-être : Comment se pourrait-il qu’il y eût une semblable lacune ? Mais le fait n’est pas sans précédent. En principe, la même chose se présente en Luc 4, lorsque le Seigneur lit dans le prophète Ésaïe. La portion lue est la description de Son ministère personnel, en Ésaïe 61, 1, 2. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur froissé… pour publier l’an agréable du Seigneur ». « Et il ploya le livre ». Il n’acheva pas le passage. Pourquoi ? Parce que, si l’on peut ainsi répondre avec révérence, le reste, c’est-à-dire « le jour de la vengeance de notre Dieu », était l’affaire de la prophétie. Proclamer l’an agréable du Seigneur, est ce que Christ a fait à Sa première venue ; mais ce temps-là n’était pas le jour de la vengeance du Seigneur ; — de telle sorte que le christianisme tout entier et la vocation de l’Église ont pris place entre l’an agréable du Seigneur et le jour de la vengeance. Lorsque Christ vint en humiliation et en amour, c’était l’an agréable du Seigneur : c’est pourquoi Il ploya le livre ; mais le jour de la vengeance est différé jusqu’à ce que le Seigneur revienne en gloire.

Il en est de même en Daniel : les soixante-neuf semaines courent jusqu’à ce que le Messie soit retranché, puis nous avons une lacune évidente. La destruction de Jérusalem n’est pas comprise dans le cours des soixante-neuf semaines, et avec non moins d’évidence ne saurait être placée dans le cours de la soixante-dixième. Car, si vous entendez que la dernière semaine commence à la mort du Messie, elle vous donnerait sept ans seulement, au lieu que Jérusalem ne fût prise que quarante ans après la mort de Christ[19]. La soixante-dixième semaine n’a rien à faire avec ce siège, et, de fait, les guerres et les désolations eurent lieu avant que nous arrivions à la soixante-dixième semaine, qui n’est citée qu’au dernier verset.

Dans le dernier ou 27e verset, il y a une alliance confirmée. Est-ce que Titus ou tout autre prince romain confirma jamais une alliance avec les Juifs pour une semaine ? Et de plus, il est dit : « À la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation ». Cela montre qu’il y aura un renouvellement de service religieux dans Jérusalem au dernier jour. Le sacrifice et l’oblation auront été rétablis, et ce conducteur, malgré l’alliance traitée avec eux, met fin à tout. Et puis, après ? Les abominations, c’est-à-dire l’idolâtrie, sont publiquement établies et protégées. Elles seront introduites jusque dans le sanctuaire même, ce qui ne fut pas le cas lors de la destruction de Jérusalem. Il y eut alors beaucoup d’effroyable méchanceté, toute sorte d’autres crimes et d’excès, mais pas d’idolâtrie. Ici, au contraire, il est insinué que l’idolâtrie sera ouvertement tolérée jusque dans le temple. Cela ne répond pas à la prise de la ville par Titus, ni à la mort du Seigneur Jésus Christ ; car à ce temps-là, l’esprit immonde de l’idolâtrie avait quitté la nation, qui, depuis l’époque de la captivité babylonienne — à en excepter la profanation d’Antiochus — s’était gardée pure de telles abominations, et, en ce sens, se trouvait « vide, balayée et ornée ». Mais nous savons que l’esprit immonde doit revenir en plus grande force que jamais (Matt. 12, 45). La chrétienté et le judaïsme contribueront, chacun de son côté, à produire la dernière forme du mal — l’antichristianisme. Vous vous rappelez que les pharisiens accusaient le Seigneur, lorsqu’Il était sur la terre, de faire Ses miracles par la puissance de Satan, et la signification de la parabole qui leur est ici présentée, est réellement l’histoire d’Israël lui-même. Le vieil esprit immonde s’en était allé ; le peuple ou ses conducteurs étaient remplis de zèle pour leurs ordonnances. Et que dit le Seigneur ? Que le vieil esprit immonde, depuis longtemps parti, reviendrait. Et quand il reviendra, il prendra avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même. Les Juifs tomberont dans l’idolâtrie en s’unissant avec l’antichristianisme, et leur dernier état sera pire que le premier. Comparez aussi Ésaïe 65 ; 66.

Mais revenons à l’Apocalypse. Nous avons constaté en Israël cet état de chose, savoir : la nation partiellement reconnue de la part de Dieu, et le culte s’exerçant, bien que la profession extérieure soit livrée à l’oppression des Gentils. Et remarquez que le Seigneur dit : « Et je donnerai puissance à mes deux témoins, et ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs » (v. 3). Que le Seigneur fasse mention d’eux par le nombre de jours qu’ils passent ici-bas plutôt que par un nombre de quarante-deux mois — semble indiquer la valeur qu’Il attache à leur témoignage. Il l’apprécie, pour ainsi dire, autant qu’Il le peut. Il n’en donne pas la somme, comme lorsqu’Il parle de la bête (chap. 13, 5). Avec une tendre sollicitude, Il parle du temps par les jours, comme s’Il les comptait tous un par un. « Ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs » — un témoignage rendu dans la tribulation. Ce n’est pas le christianisme, ni l’état de choses qui subsistera après l’apparition du Messie en gloire ; mais c’est un temps de transition entre l’enlèvement de l’Église et sa venue du ciel avec le Seigneur Jésus Christ — le temps où l’homme aura ramené Israël dans sa terre, alors que la masse du peuple sera complètement impropre à entrer en relation avec Dieu. Il y a un petit résidu de croyants, il y a un culte, il y a enfin un témoignage prophétique, mais un témoignage prophétique évidemment juif dans son caractère. En Zacharie, bien qu’il soit fait mention de deux oliviers, il n’y a pourtant qu’un chandelier (Zach. 4, 11) ; ici, il y a deux chandeliers parce qu’il y a deux témoins, qui prophétisent touchant la manifestation de la gloire terrestre sans toutefois l’introduire personnellement. Ce qui signifie que ce n’est pas l’ordre régulier de Dieu, mais une preuve que Ses yeux sont en bien sur Son peuple, avant que soit manifestée la plénitude de la bénédiction.

« Et si quelqu’un veut leur nuire, le feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; et si quelqu’un veut leur nuire il faut qu’il soit ainsi mis à mort » (v. 5). Voilà ce qui montre que ce n’était pas un témoignage proprement chrétien, ni les fruits qui y répondent pratiquement. C’était la chose même que le Fils ne voulut pas faire lorsqu’Il était sur la terre (excepté, naturellement, dans le sens figuré de Luc 12, 49) et au sujet de laquelle Il censura fortement Jacques et Jean, qui la désiraient (Luc 9, 54, 55). Ici, au contraire, le feu sort de la bouche des témoins, et dévore leurs ennemis — chose parfaitement juste quand Dieu va prendre le caractère de juge sur la terre. Mais ce n’est pas maintenant que le Seigneur prend ce caractère. Il sauve les pécheurs, ou autrement déploie la plénitude de la grâce ; et aussi longtemps qu’Il agit ainsi, Il ne peut demander que Son peuple soit le dépositaire d’une puissance terrestre. C’est pourquoi les miracles de Ses serviteurs, durant ce temps de la manifestation de Sa grâce, n’ont pas un caractère de destruction. Le Seigneur pourrait agir aujourd’hui — dans un cas de péché — comme Il agit envers les saints de Corinthe : je ne vois pas pourquoi Il ne pourrait pas ainsi agir en tout temps. — Mais ce serait une chose étrangère au christianisme et contraire à tout ce qu’il respire, qu’un saint, parce qu’il aurait subi de la part d’un autre une méchante opposition, désirât à celui-ci la mort ou quelque malheur. Le christianisme fait voir que la victoire que la grâce nous fait remporter, c’est de montrer de l’amour et de la bonté à son ennemi. Ce peut être là amasser des charbons de feu sur sa tête ; mais telle est la manière de faire du Seigneur : surmonter le mal par le bien. Cependant, c’est le Seigneur qui sanctionne ici la puissance de destruction qui accompagne le témoignage de ces témoins juifs ; car Il dit : « Je donnerai puissance à mes deux témoins… Et si quelqu’un veut leur nuire, il faut qu’il soit ainsi mis à mort ». Voilà ce qu’Il entendait qu’ils fissent — et ce qui, évidemment, était fait selon la pensée de Dieu. Cela indique une condition différente de celle du chrétien, qui est appelé à souffrir sans résister. Il s’agit de la fin du siècle, alors que le christianisme aura fait son œuvre, et que le Seigneur recommencera d’agir envers les Juifs. De plus, le ministère et les miracles de ces témoins sont de la même nature que le ministère et les miracles accomplis par Moïse et par Élie. C’est ainsi qu’ils ont « pouvoir sur les eaux pour les changer en sang et pour frapper la terre de toutes sortes de plaies », comme au temps de Moïse ; et qu’ils ont le pouvoir de fermer le ciel, afin qu’il ne pleuve pas durant les jours de leur prophétie, « comme au temps d’Élie » (v. 6). Et effectivement, ce que l’on verra dans ces temps coïncide en plusieurs manières avec ce que l’on a vu aux temps de Moïse et d’Élie. Il y avait alors de l’idolâtrie en Israël, et un témoignage remarquable de la part d’Élie contre elle. Dieu Lui-même châtiait Son peuple — les cieux au-dessus d’eux étaient comme de l’airain. Ainsi en arrivera-t-il de nouveau. Celui qui, dans ce temps-là, tiendra en main les destinées d’Israël sera un apostat qui admettra et imposera l’idolâtrie. En outre, Israël sera trouvé assujetti à l’autorité gentile, comme il l’était aux jours de Moïse : — néanmoins, il y aura un petit résidu mis à part pour Dieu. Mais quoique ces deux témoins soient gardés pendant un certain temps par des miracles, toutefois dès que les jours sont achevés, il ne leur reste, pour ainsi dire, plus du tout de puissance. La bête qui monte de l’abîme leur fait la guerre, et ils sont tués comme d’autres hommes. « Et leurs corps seront étendus sur la grande place de la ville, qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où aussi leur Seigneur a été crucifié » (v. 8). Il est de toute évidence que cette ville est Jérusalem. Plusieurs pensent que c’est Rome, parce que, comme je l’ai dit ci-devant, les protestants sont absorbés et influencés par leur controverse avec le papisme. Lorsqu’il est question des droits de Dieu sur la terre, Il attache autant d’intérêt que possible à Son peuple d’Israël. Mais pourquoi l’Écriture est-elle si brève au sujet du papisme ? Parce que Dieu ne reconnaît jamais Son Église pour un peuple terrestre. La politique, les aspirations, les intérêts de ce monde font assez bien l’affaire de ceux qui n’ont de portion qu’en la terre et se passent fort bien d’intrus. Mais rivaliser avec les pots de terre est au-dessous de ceux qui sont nés du ciel.

Nous voici maintenant, dans ce chapitre, à Jérusalem, le centre des dispensations et du témoignage de Dieu, et de l’opposition qui monte de l’abîme. Le grand adversaire du peuple d’Israël y est clairement nommé pour la première fois dans l’Apocalypse : « la Bête », absolument comme si vous aviez déjà connaissance de toute son histoire. C’est une remarquable puissance, qui ne monte pas simplement de la mer, comme au chapitre 13, mais qui, comme au chapitre 17, est dite « monter de l’abîme ». Cet empire ne monte pas de la terre, symbole d’un gouvernement stable, comme la seconde bête du chapitre 13, 11 ; ni seulement de la mer, qui figure une condition révolutionnaire incertaine. Dans ce passage est ajouté ce trait caractéristique vraiment extraordinaire et effrayant, qu’elle monte de l’abîme. Satan a directement à faire avec son dernier état. Les hommes ont de temps à autre caressé le projet de former un vaste empire universel. Charlemagne en fit l’essai, mais il échoua. Il ne posséda jamais l’ancien empire romain. Et plusieurs se rappellent un autre personnage qui eut la même chose au cœur, mais qui, lui aussi, échoua et mourut dans un triste exil. Mais le moment se hâte où ce plan même sera réalisé. Dans les autres empires, il y a toujours eu un gouvernement suprême de la providence de Dieu. Dieu était par-dessus tous, réclamant de Son peuple soumission envers les autorités qui existent, quels que soient les éléments dont elles sont formées. Le chrétien ne doit pas se mêler de ce qui les regarde, mais il doit les reconnaître et leur payer tribut. Mais il est un empire qui va être formé et qui sera aussi complètement sous le pouvoir immédiat de Satan, que tous les autres empires ont été sous la providence immédiate de Dieu ; et Dieu retirera les soins et le frein sous lesquels Il a jusqu’ici gardé les royaumes du monde, et permettra que tout mûrisse pour un chef soumis à Satan. C’est donc bien justement que cet empire est dit monter de l’abîme.

Cela s’accorde avec ce que nous avons en Daniel. Le personnage qui se mêlera des affaires des Juifs d’une façon particulière (chap. 7, 25 ; 9, 27) est la Bête romaine, le conducteur de ce même empire qu’en son dernier état Dieu ne reconnaît plus. Lorsque Jésus naquit, le quatrième empire ou l’empire romain, existait, et Dieu prit avantage de ses décrets pour introduire l’héritier de David à Bethléem. C’est cette même « Bête » qui était là. En Apocalypse 17, il est écrit : « La Bête qui était et n’est pas, et va monter de l’abîme » (v. 8). Faites attention à ce trait important que Daniel ne donne pas et que Jean fournit. Celui-ci expose trois conditions successives de l’empire romain. Cet empire existait au temps de Jean — puis il devait cesser d’exister — et, en dernier lieu, monter de l’abîme, une influence satanique toute particulière se rattachant à sa condition finale. La Bête qui « n’est pas » décrit exactement l’état actuel de non-existence de l’empire. Les Goths et les Vandales se sont jetés sur lui et l’ont amené à sa ruine. Depuis lors, les hommes n’ont pas été capables de le réorganiser, parce que Dieu avait une autre pensée. Dieu a déclaré dans Sa Parole qu’il serait réorganisé, non par l’homme, mais par la puissance de Satan. La source de son existence viendra d’en bas. Combien tout cela n’est-il pas remarquable ! Nous avons eu le déclin et la chute de l’empire romain ; mais il est une chose qu’aucun historien ne pouvait signaler, que la prophétie seule signale et pouvait signaler, savoir : la restauration de l’empire romain. Puissions-nous la voir, cette chose, non point comme étant sur la terre, mais comme regardant du ciel à la terre. Je crois que ceux qui, aujourd’hui, rejettent l’évangile, seront entraînés, s’ils vivent encore, dans les terribles déceptions de ce jour-là. Ils recevront la marque de la Bête à leur front ou à leur main droite : ils adoreront son image — et il est écrit par Dieu que ceux qui le feront, seront tourmentés dans le feu éternel. Le monde pourra s’imaginer, à cause du surcroît de grandeur, de prospérité et de luxe qui existera alors ou préalablement, que le millénium est arrivé ; mais ce sera le millénium de Satan. Tel est le sort réservé à ces pays-ci ; car c’est une partie du juste jugement de Dieu que là où l’évangile aura été prêché et où le monde en fait peu de cas jusqu’à tolérer l’idolâtrie dans un but politique, Dieu retire la lumière et y envoie une énergie d’erreur. Et c’est alors que Satan produira l’homme de péché. Tout cela est d’une importance pratique immense. On peut demander : « À quoi bon pour nous de savoir cela, si, comme chrétiens, nous devons être enlevés auparavant ? ». Parler ainsi, c’est dédaigner ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler. Lorsque Dieu lui annonça d’avance la destruction de Sodome, Abraham ne dit pas : « En quoi cela me regarde-t-il ? ». Dieu aime que nos cœurs débordent en louange et en gratitude à cause de Sa grâce et de Son amour pour nos âmes ; mais Il nous fait part aussi de la triste destinée qui attend le monde et Il réveille l’esprit d’intercession pour les saints infidèles qui peuvent s’y trouver mêlés.

Je ferai cette remarque quant aux deux témoins, qu’il n’y a pas absolument nécessité de les considérer comme étant deux personnes ; il se pourrait qu’ils fussent deux cents ou plus. Ils sont présentés comme deux témoins (que ce soit littéralement ou non), parce que c’est un principe divin que « par la bouche de deux ou de trois témoins toute parole sera établie ». Dieu offrait un témoignage suffisant. « Ceux-ci » soutenaient les droits de Christ relativement à la terre, ils soutenaient qu’Il était « le Seigneur de la terre », et c’est ce qui excitait l’ennemi. La « bête » ne se serait peut-être pas autant souciée d’eux s’ils eussent dit : « le Seigneur du ciel », mais ils réclamaient la terre, non pour eux-mêmes, mais pour Lui, et c’est ce que les hommes ne supporteront pas. L’incrédulité aime de jouir actuellement, et tout ce qui y met obstacle et produit du malaise dans la conscience, est haï et mal venu. Aussi, lorsque le témoignage est achevé et que les témoins sont renversés, ce n’est pas seulement la bête, mais les deux grandes catégories de l’espèce humaine qui sont affectées de leur chute. « Et ceux d’entre les peuples et les tribus et les langues et les nations voient leurs corps morts durant trois jours et demi, et ils ne permettent point que leurs corps morts soient mis dans les sépulcres. Et ceux qui habitent sur la terre se réjouissent… et s’enverront etc. » (v. 9, 10). Ce n’est pas là la première ni la seule fois que nous trouvons cette distinction établie entre « les peuples, et tribus, et langues, et nations », et « ceux qui habitent sur la terre ». Cette dernière expression ne désigne pas seulement des hommes sur la terre, elle a une portée morale et désigne ceux qui ont essentiellement leurs pensées aux choses de la terre, ceux qui par le cœur et par la vie, ne s’élèvent pas au-dessus de la terre. Les corps morts des témoins sont étendus sur la grande place de la ville, et ceux d’entre les peuples et tribus et nations les y voient trois jours et demi, et ne permettent pas qu’ils soient mis dans des sépulcres. Voilà qui était assez mauvais, comme exprimant la malice de l’homme contre ceux qui rendaient témoignage pour Dieu. Mais « ceux qui habitent sur la terre » vont beaucoup plus loin ; car de leur part il y a des réjouissances positives ; ils s’égaient et s’envoient des présents les uns aux autres. Et pourquoi tout cela ? « Parce que ces deux prophètes », est-il écrit, « tourmentaient ceux qui habitent sur la terre ».

La distinction que j’établis ici n’est pas purement imaginaire, ou fondée sur un seul passage. Vous trouverez la même chose en plusieurs autres. Ainsi, chapitre 14, 6, où l’on voit l’inverse de ce que nous avons ici, il est dit : « Et je vis un autre ange volant par le milieu du ciel, ayant l’évangile éternel, afin de l’annoncer à ceux qui habitent sur la terre et à toute nation et tribu et langue et peuple ». Dans notre passage, nous avons premièrement la masse des peuples gentils qui manifestent leur méchanceté envers les deux témoins en ne permettant pas que leurs corps morts soient ensevelis. Mais il y a une réjouissance spéciale de la part de ceux qui demeurent sur la terre, ou qui ont leurs pensées aux choses de la terre. Au chapitre 14, au contraire, Dieu envoie un message solennel, l’évangile éternel. Et par qui commence-t-Il ? Par les plus mauvais, « ceux qui demeurent sur la terre » tous kathêmenous littéralement « qui sont assis », ce qui me semble plus fort que tous katoikountas ; — puis ensuite le message s’étend aux hommes en général. Et après examen, vous trouverez la même distinction confirmée par d’autres passages. En d’autres termes, « demeurer sur la terre » n’est pas seulement une vague description de la position extérieure des hommes, c’est aussi l’expression d’une condition morale.

Mais revenons à notre sujet — Dieu intervient. « Et après les trois jours et demi, l’esprit de vie venant de Dieu entra en eux ; et ils se tinrent sur leurs pieds et une grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient. Et ils[20] ouïrent une grande voix qui venait du ciel leur disant : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée, et leurs ennemis les virent » (v. 11-12), Ce n’est pas simplement « dans une nuée », comme le porte le texte reçu, mais « dans la nuée ». Je pense qu’il s’agit de la nuée que l’on voit au commencement du chapitre 10, enveloppant l’ange puissant. Ce fut la nuée — emblème spécial et connu de la présence de Jéhovah — qui reçut les témoins, et démontra ainsi que leur Seigneur, le Seigneur du ciel aussi bien que de la terre, était pour eux. Ils montèrent au ciel à la face même de leurs ennemis. « Et à cette heure-là, il se fit un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville tomba et sept mille noms d’hommes furent tués dans le tremblement de terre, et les autres furent épouvantés et donnèrent gloire au Dieu du ciel ». Avant d’aller plus loin, je dirai un mot sur la distinction remarquable qui se rencontre en ce verset même. Les témoins rendaient témoignage au Seigneur de la terre ; mais ceux qui furent épouvantés en voyant de quelle manière la cause de Ses serviteurs martyrs était vengée, donnèrent gloire au Dieu du ciel. Dans ce jour-là, il sera plus facile aux hommes de reconnaître Dieu en haut d’une façon vague, que de le reconnaître Seigneur de la terre, s’occupant Lui-même de ce que les hommes font ici-bas. En reconnaissant Dieu de la première manière, on peut ne Le voir que comme un Dieu à distance ; quoique, dans ce sens plus élevé je puisse Le connaître comme Celui qui est descendu ici-bas afin de me donner une part avec Lui en haut. Ainsi donc, Dieu dans le ciel est ou extrêmement près des siens, ou à grande distance pour ceux qui ne sont travaillés que par cette terreur passagère. L’homme du monde peut bien supporter la pensée d’un Dieu éloigné de lui ; et c’est précisément ce que nous avons ici. Les hommes étaient alarmés par les choses qui approchaient. Mais le témoignage n’était pas reçu, il n’y avait pas de conversion. C’est devant le Seigneur de la terre que les hommes auraient dû fléchir. Ils donnent gloire au Seigneur du ciel ; mais c’est trop tard, ils sont tués dans le tremblement de terre : « sept mille noms d’hommes », comme on doit le rendre littéralement.

Avant tout, nous avons vu le résidu au milieu des Juifs au dernier jour, occupé à rendre culte à Dieu. Après cela, nous avons les témoins qui sont loin de présenter de la part de Dieu ce qu’Il manifeste aujourd’hui, mais qui soutiennent Ses droits par rapport à l’avenir, comme l’implique naturellement la prophétie. Ici, je puis faire une autre remarque. Il se rencontre dans l’Apocalypse une expression qui a été souvent mal comprise : « Le témoignage de Jésus est l’esprit de prophétie ». Cette expression ne veut pas dire que toute la prophétie se rapporte au Seigneur Jésus Christ (ce qui pourtant est vrai dans un certain sens), mais que le témoignage de Jésus contenu dans ce livre — ce dont Jésus témoigne dans ce livre — est l’esprit de prophétie. C’est le Saint Esprit, comme il nous est montré tout le long du livre ; non pas amenant les âmes en communion actuelle avec le Seigneur Jésus Christ dans le ciel, mais communiquant ce qu’Il doit bientôt faire. Eux, les témoins, soutenaient les droits de Christ par rapport à la terre. Quoi que les hommes en pussent dire, c’est au Seigneur que la terre appartenait, et Il viendrait bientôt ratifier leur témoignage.

La fin du chapitre renferme une troisième chose. Outre une position sacerdotale, et puis un témoignage prophétique, il y a la venue du royaume. La trompette sonne. Et maintenant il ne s’agit plus, comme dans le cas des témoins, d’une proclamation environnée de puissance miraculeuse ; cela avait pris fin : leur sang avait scellé leur œuvre. Mais s’il semble que la Bête a joué une partie facile en les mettant à mort, Dieu dirige l’attention vers un autre point : « Le septième ange sonna de la trompette, et il y eut dans le ciel de grandes voix », etc. Voilà la proclamation d’un royaume, qui toutefois n’est pas entendue sur la terre, mais dans le ciel ; et aussitôt que cette proclamation a eu lieu, ceux qui ont la pensée de Christ, « les vingt-quatre anciens qui étaient assis devant Dieu sur leurs trônes, tombèrent sur leurs faces et rendirent hommage à Dieu ». Je désire ajouter un mot sur ce verset 15. La manière dont on l’a rendu, l’a beaucoup affaibli dans sa forme. « Les royaumes de ce monde » sont devenus « les royaumes de notre Seigneur et de son Christ » (vers. angl.). En voici la véritable force : « Le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu ». À mon avis, cette forme donne au verset une signification bien différente et un poids bien plus grand. C’est le royaume du monde ; et pourquoi ? Parce que ce livre, dès le commencement, nous a fait voir qu’il y avait un royaume d’un ordre tout à fait différent. Au chapitre 1, Jean parlait de lui comme d’un « frère qui participe avec vous à l’affliction, au règne et à la patience de Jésus Christ ». Ainsi, là existe le royaume (ou règne) de Christ, et pourtant il est caractérisé ou du moins accompagné d’affliction et de patience. Mais ici, l’ange introduit le royaume du Seigneur et de Son Christ, par rapport à ce monde. Ci-devant, il s’agissait d’un royaume connu seulement de la foi et réclamant de la patience — d’une chose que, par conséquent, le monde ne voudrait pas croire. Parlez-lui d’un royaume dont les sujets souffrent, et où Christ permet qu’ils souffrent au lieu de faire valoir Ses droits ! Et c’est là, exactement, ce par quoi les enfants de Dieu ont été appelés à passer depuis ce jour jusqu’à présent.

Mais permettez-moi de dire que ceci montre l’extrême erreur dans laquelle sont nombre de personnes pieuses qui pensent qu’il est tout à fait juste de se servir de la puissance terrestre en cherchant à établir la cause de Christ. Pour ne considérer que le puritanisme, sans parler du romanisme, ses partisans ont complètement oublié que le royaume de Christ est actuellement un royaume de patience et non d’autorité. Ils se sont figurés que parce que leur cause était juste, au moins à ce qu’ils croyaient, il ne convenait pas qu’ils souffrissent ; au lieu que la chose même sur laquelle Dieu insiste, est que, parce que le monde a tort et que Ses enfants ont raison, il leur faut par conséquent souffrir. De là, Pierre rend ce témoignage : « Si en faisant bien vous souffrez, et que vous l’enduriez, cela est digne de louange devant Dieu ». Là, vous avez évidemment la grande conséquence morale du royaume de Christ dans les choses pratiques : un chrétien fidèle n’est pas « souffleté » parce qu’il fait mal, mais parce qu’il fait bien. Et pourtant il y a, même parmi le peuple de Dieu, quelque chose comme être souffleté pour avoir mal marché. Quelle fut l’épreuve de Lot ? Et quelle fut l’épreuve d’Abraham ? Celle-ci avait pour but de prouver qu’Abraham était fidèle ; mais celle de Lot provenait de ce qu’il était infidèle. Ce n’est pas qu’Abraham ait toujours été fidèle envers Dieu ; mais chez lui, l’infidélité était l’exception, au lieu que je crains bien qu’elle ne fût trop souvent la règle chez le pauvre Lot. Lot était sans doute plus heureux dans ses circonstances extérieures. Il était à la porte de la ville, nous est-il rapporté, siégeant là où il n’aurait pas dû, bien que ce soit là où la chair aime à se trouver. Nous ne devons pas supposer pourtant qu’il fut entraîné dans l’impiété du corps politique au milieu duquel il demeurait. Sans nul doute, il pouvait fort bien leur faire des reproches à l’égard du mal qu’ils commettaient ; mais pour autant qu’il s’agissait de Dieu, il occupait une place de déshonneur, tout en ne participant pas au péché ouvert, si l’on ne pense qu’à sa conduite morale. Par la miséricorde de Dieu, il fut délivré, mais il le fut ignominieusement. Ses beaux-fils restèrent derrière ; sa femme fut faite un monument durable de sa folie et de son péché. C’est un autre genre d’affliction qu’Abraham expérimenta, l’affliction d’un homme qui connaissait Dieu et qui était sorti à Sa parole. Nous voyons des manquements en Abraham, comme, par exemple, en Genèse 12 et 20. Mais cependant, quoiqu’il y eut de faux pas, Abraham fut, si nous considérons l’esprit de sa marche dans son ensemble, un homme béni de Dieu au plus haut point, et un modèle de foi pour tous, ainsi que Dieu le place devant nous en Hébreux 11 et ailleurs. Il connut l’épreuve, parce qu’il fut fidèle à Dieu et à Son appel. Lot connut l’épreuve, parce qu’il voulut saisir quelque jouissance présente, une place dans le monde. Et quelle fut l’issue ? Un ébranlement frappe le monde, et Lot en est atteint : tout ce en quoi il avait placé ses affections est balayé, et ne lui est rendu que par le secours opportun d’Abraham pour être perdu à tout jamais lorsque le jugement vient fondre sur Sodome, En dernier lieu, une sombre tache de honte reste empreinte sur cet homme, et il lui faut apprendre amèrement qu’une voie mondaine est pour le croyant une voie où la peine et les désappointements sont fréquents, une voie, qui, si elle assure une affliction présente quand on y persévère, laisse également derrière elle la semence de la misère et les fruits de la honte. Si nous sommes véritablement des enfants de Dieu, il nous faut passer par l’un ou par l’autre de ces genres de souffrances : ou par la souffrance qui vient sur le monde, si nous sommes infidèles à Dieu ; ou par les souffrances de Christ, si nous confessons Son nom.

Ainsi donc, le septième ange donne le signal de la fin de cette mystérieuse forme du royaume. Les voix célestes proclament que le royaume de ce monde est devenu celui du Seigneur et de Son Christ. Au lieu d’avoir un royaume ouvert seulement à la foi, et que nul n’apprécie sinon le croyant — un royaume dont la portion terrestre est dans la tribulation et l’attente du Seigneur, seule place que puisse maintenant prendre l’espérance — au lieu de cela, nous avons un changement complet. Dieu ne permettra pas que le monde soit plus longtemps le camp, le lieu de parade et de plaisir de Satan. Et lorsque sonne la septième trompette, il est annoncé que ce royaume du monde de notre Seigneur est venu. Si l’on objecte que le Seigneur Lui-même déclare, en Jean 18, que Son royaume n’est pas de ce monde, je répondrai que ceci dépasse la vérité. Ce monde n’est jamais la source du royaume de Christ, mais n’est-il pas destiné à en être la sphère ? Le monde n’était pas Son royaume alors, mais cela prouve-t-il qu’il ne doive pas être Son royaume en quelque temps à venir où Il combattra avec Ses serviteurs, mais d’une manière bien différente de celle d’aujourd’hui ? Ici, vous avez cette parole positive de Dieu, que le royaume du monde de notre Seigneur et de Son Christ est venu. La souveraineté sur l’univers est transférée au Seigneur Jésus : « Et il régnera aux siècles des siècles ». Sans doute, il faut prendre la phrase « aux siècles des siècles » en connexion avec le sujet tout entier. Lorsqu’il est question de l’éternité, il faut la prendre dans son extension pleine et illimitée ; mais ici, elle ne peut que signifier : « à toujours », dans le sens de : aussi longtemps que durera le monde. Et je sens, bien que ce ne soit pas la plus brillante pensée dont nos âmes puissent jouir par rapport à l’avenir, que le fait que le Seigneur Jésus doit prendre possession du monde, communique un grand repos au cœur au milieu de la confusion actuelle. Cela élève au-dessus de l’esprit du présent ; parce que si je sais que la place de l’Église n’est pas ici-bas, mais que je suis maintenant dans le règne et la patience de Jésus Christ, je n’aurai pas besoin d’honneur ou d’autorité dans ce monde. Une bien meilleure place nous est destinée dans le ciel, et les saints qui se trouveront sur la terre lorsque le Seigneur apparaîtra et que nous apparaîtrons avec Lui en gloire, seront dans une position de sujets. Mais quelle est la position de ceux qui sont dans le règne et la patience du Christ Jésus ? Nous ne serons pas simplement des sujets de Christ lorsqu’Il viendra ainsi, mais des rois, régnant avec Lui. Dès maintenant même, ceux qui sont rejetés pour Christ, sont des rois rejetés. Ils ne chantent pas seulement : « À lui qui nous aime », mais encore : « qui nous a faits rois et sacrificateurs pour son Dieu et Père ».

Le Seigneur possédera un royaume approprié à la terre, mais les Juifs ne sont pas destinés à être rois. Ils occuperont sur la terre une place très honorée ; mais lors même que la nation sera convertie à Dieu, ils ne jouiront pas de cette proximité qui appartient à toute âme, juive ou gentile, qui croit en Christ maintenant. Notre portion peut paraître à l’incrédulité une portion éprouvante, et en effet elle est éprouvante pour le temps présent. Mais le Seigneur Jésus a le premier foulé le sentier et connu la souffrance comme nul autre ne le pouvait. Il l’a traversée tout entière, et quand Il viendra prendre le royaume, Il assignera une place à chacun de ceux qui auront souffert pour Lui. Ils seront comme les compagnons intimes de David lorsqu’il parvint au trône. Il y a David dans la caverne d’Adullam, et David pourchassé dans les montagnes par Saül ; mais dans toutes ces circonstances, c’était la foi de David, comme moyen, qui avait allumé la flamme dans leurs cœurs. Ils avaient saisi le ton de l’âme de David ; et, bien qu’il leur fallût endurer la tribulation pour un temps, et qu’il se trouvât beaucoup de fous dans le genre de Nabal qui accusait David d’être un serviteur débandé d’avec son maître, cependant David, tout susceptible qu’il était et prompt à ceindre son épée à la cuisse, accepte la parole même d’un vase plus faible, et prend une meilleure place, celle de la grâce — la place où le bien se pratique, où l’on peut souffrir pour le bien et endurer patiemment la souffrance (1 Sam. 25). Et bientôt après vient le trône. Et puis ensuite ? Les pauvres persécutés qui avaient connu le sentier de la souffrance, et qui avaient partagé les tribulations de David au jour de son rejet, allaient maintenant partager ses honneurs. Où était Jonathan en ce jour-là ? Il est vrai que son cœur s’était attaché à David, mais sa foi ne fut pas en état de supporter l’épreuve. Et quelle en fut la conséquence ? Il tomba en la montagne de Guilboa avec son misérable père ; et celui dont le cœur aurait volontiers donné la première place à David, et qui s’était déjà dépouillé pour l’amour de David, maintenant tombe avec le monde avec lequel il était extérieurement resté jusqu’à la fin. C’est ainsi que, quelle que soit notre affection pour Christ, si nous restons dans une fausse position mondaine, ce ne sera jamais à notre honneur dans le jour de Christ, auquel ceux qui souffrent régneront avec Lui. Puissions-nous attendre ce royaume avec des cœurs exercés par la vérité !

On trouve beaucoup de personnes qui n’aiment pas à entendre parler du royaume de Christ, faisant profession de préférer quelque chose qui touche davantage aux besoins immédiats de l’âme. Mais Dieu ne saurait-Il pas ce qui nous fait besoin ? Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’avoir confiance, non pas en nous-mêmes, mais au Dieu vivant. Tout en donnant toujours la première et la dernière place à la croix de Christ, puissions-nous ne pas oublier que Son royaume vient ! Si la croix est le seul fondement du repos pour le pécheur, c’est le royaume qui réjouit et encourage le chrétien dans son sentier de foi et de patience. Ceux qui suivaient David dans ses souffrances, étaient bien, où qu’ils allassent, séparés de tout le monde d’alentour. Ils étaient rassemblés de toutes les conditions et de tous les pays ; mais entourer David et participer aux pensées et aux desseins de Dieu envers lui, voilà ce qui les soutenait. Bien que Dieu ait oint le Seigneur Jésus Christ pour cela même, Il n’a cependant pas encore pris possession du royaume dans le sens de ce « royaume du monde » dont j’ai parlé. Rejeté et crucifié, Il est monté en haut, et nous L’attendons tout en souffrant patiemment. Mais le jour approche rapidement, où ce ne sera plus la tribulation et la patience, mais la puissance et la gloire. Toutes choses seront assujetties à Christ, et Il régnera aux siècles des siècles.

Lorsque cette nouvelle est annoncée dans le ciel, les vingt-quatre anciens se lèvent de leurs trônes (v. 16). Quelle douceur dans cet acte. Auparavant, lorsque la gloire était attribuée à Dieu, ou lorsque l’Agneau paraissait sur la scène, ils se jetaient sur leurs faces devant Lui. Ils étaient prêts pour tout ce qui exaltait la divinité ! S’il s’agit du Créateur (chap. 4), ils se prosternent devant Celui qui est assis sur le trône ; ou s’il s’agit de l’Agneau, immolé quand Il est sur le point de dévoiler les secrets de l’avenir (chap. 5), ils tombent sur leurs faces devant Lui et Le proclament digne.

De même ici la dernière trompette sonne, « le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ » est annoncé, et incontinent les vingt-quatre anciens tombent sur leurs faces et rendent grâces de ce qu’Il a pris Sa grande puissance et est entré dans Son règne. Mais ce fait, il est vrai, n’a pas lieu sans beaucoup de douleur pour les hommes coupables, car il faut que l’épée du jugement nettoie le chemin afin que le sceptre de la justice ait libre cours. « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue, etc. ». Mais ils savent bien que s’il faut que l’homme tombe avec fracas, il sera toutefois exalté de la seule manière qui soit vraie et durable dans le royaume de notre Seigneur et de Son Oint. Et, en conséquence, ils rendent grâces au Seigneur Dieu Tout-puissant « qui est, et qui était (et qui vient) » (v. 17). Je demande la permission d’omettre la dernière partie : « et qui vient » — non pas d’après une conjecture (parce que conjecturer sur l’Écriture, c’est de la présomption), mais en vertu de ce que maintiennent les meilleures autorités critiques touchant la Parole de Dieu. Le dernier membre : « et qui vient » a été introduit dans le but de faire concorder la phrase avec d’autres passages où elle se trouve contenue.

Vous pouvez vous rappeler que dans le chapitre premier, la salutation est ainsi conçue : « Grâce et paix vous soient de la part de Celui qui est, qui était, et qui vient ». Chacune de ces trois parties est de Dieu. Elles affirment qu’Il est Jéhovah, Celui qui est, qui était et qui vient ; en un mot, ces trois titres sont la traduction en grec du nom de Jéhovah — nom qui signifie : Celui qui est toujours le même. La même chose est répétée chapitre 1, 8 ; — seulement, là, ce n’est pas la salutation de Jean aux églises, mais la parole directe de Dieu Lui-même : « Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, qui est, et qui était et qui vient, le Tout-puissant » — paroles qui désignent l’invariable continuité de Son Être. Au chapitre 4 se trouve une petite différence avec l’ordre donné dans les passages précédents, et cela tout à fait à propos. « Saint, saint, saint, Seigneur Dieu Tout-puissant, qui étais, qui es et qui viens ». Ici ce n’est pas : « qui es et qui étais », mais « qui étais et qui es ». Ce changement peut paraître sans importance, mais il a bien sa signification. Au chapitre 1, l’emphase repose sur les mots « qui est », parce que Dieu se présente comme Celui qui existe de toute éternité. L’expression « qui était » semble venir la première au chapitre 4, parce que les animaux (qui avaient été les instruments des jugements de Dieu dans les dispensations passées, comme ils le seront dans les futures) regardent au passé, et, par conséquent, n’appuient pas sur le « qui es » mais commencent par ce que Dieu a été dans tous les temps antérieurs. En premier lieu, ils se trouvent au jardin d’Éden ; ensuite ils forment une sorte de représentation judiciaire de la puissance de Dieu dans le tabernacle et dans le temple ; puis, finalement, on les voit en action à l’époque où Jérusalem fut balayée et où le jugement de Dieu tombe sur Israël. En conséquence, dans le passage qui nous occupe, ces animaux, qui avaient été les témoins des voies de Dieu dans tout le passé, commencent par déclarer que Dieu « était » pour démontrer la perfection de Son Être, telle, si l’on peut ainsi dire, qu’elle avait été déployée historiquement. Au chapitre 11, il y a omission des mots : « et qui viens », parce que c’est la venue du royaume du monde de notre Seigneur qui est ici célébrée, de sorte qu’il n’est pas besoin d’y ajouter quelque chose. Avant qu’Il entrât dans Son règne, ces paroles étaient bien appropriées ; mais ici, elles conviendraient difficilement. Comme j’ai trouvé que les meilleures autorités rejettent ces mots, il est parfaitement légitime de montrer comment la meilleure traduction est en harmonie avec la vérité de Dieu dans le passage même.

La signification générale du verset suivant (v. 18) est claire. « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue, et le temps des morts pour être jugés, etc. » — toutes choses qui devaient recevoir exécution ci-après. C’est en quelque sorte une vue qui embrasse tout ce qui aurait lieu à partir du commencement du royaume, alors que les divers genres de corruption seront jugés, et durant le millénium, jusqu’à « la fin », où tout jugement se terminera. Les trois grandes pensées de ce chapitre sont donc, ainsi que nous l’avons vu, le culte sacerdotal (v. 1) ; puis un témoignage prophétique (v. 3-14) ; et enfin, le royaume annoncé dans le ciel comme venu (v. 15). Le Seigneur veuille que nos cœurs, amenés dans la jouissance de tels privilèges, soient avec Christ, non seulement à cause de la bénédiction, mais pour l’amour de Lui-même. Christ vaut mieux que toutes les bénédictions qui viennent de Lui ; et nous ne jouirons jamais de ce qu’Il donne, que dans la proportion où nous jouirons de Lui-même.

Verset 19. Je crois que l’ouverture du temple dans le ciel marque une nouvelle partie du livre, et que, par conséquent, ce fait est moins en rapport avec ce qui précède qu’avec ce qui suit ; car il est clair que les versets précédents (15 à 18) ont rendu la voix de la dernière trompette, et annoncé les conséquences du fait que Dieu prend Sa grande puissance et entre dans Son règne — non pas le gouvernement de l’homme seulement, mais la puissance de Dieu se manifestant d’une façon entièrement nouvelle. Il a fourni des exemples de Sa puissance, mais pas en rapport avec Christ, au temps où Il combattait avec Son peuple et renversait les Cananéens. Mais lorsque cette puissance s’exerçait au milieu d’un Israël coupable et en chute, et n’ayant pas son Messie, souvent Il lui fallait agir contre le peuple lui-même et non contre ses ennemis seulement, parce que Dieu ne peut jamais traiter alliance avec le péché. Mais maintenant, au temps de la dernière trompette, c’est le royaume de Dieu et de Son Christ qui est venu. Or, voilà ce qu’attendent la terre et le Seigneur Lui-même, car Il attend « jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour son marchepied ». Alors la scène tout entière sera changée ici-bas, Il viendra pour exécuter une colère aussi terrible que Sa patience aura été divine, et l’effet en sera que « lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprendront la justice ». Il y aura la présence du Seigneur Jésus et l’absence de Satan ; il y aura, non seulement l’exécution de la colère sur les vivants, mais aussi le jugement des morts à la fin. Et ces choses paraissent devoir être rangées sous la même trompette. Tout est anticipé, du commencement à la fin du royaume, toutes les grandes manifestations de la gloire divine dans l’exercice de la puissance et sur les vivants et sur les morts. Et là se termine, évidemment, ce sujet, car le temple de Dieu ouvert dans le ciel (v. 19) introduit une autre vision, entièrement différente, qui n’a pas particulièrement rapport avec l’action de Dieu dans Son royaume : d’abord et avant tout, c’est le temple qui paraît devant nous.

Chapitre 12

Sous la septième trompette, les anciens anticipaient les résultats du fait de l’établissement du trône sur la terre. Mais maintenant, le temple apparaît de nouveau, de sorte qu’ici nous retournons en arrière, car ce qui nous est présenté, ce sont les desseins de Dieu en rapport avec le Seigneur Jésus dès le commencement — le fils mâle qui devait paître toutes les nations avec une verge de fer étant évidemment, je pense, Christ Lui-même. C’est Dieu qui revient à Son conseil en Christ, né l’héritier du monde — non pas en relation avec l’appel de l’Église, mais comme l’homme puissant destiné à gouverner toutes choses d’une main puissante. Il me semble que cette vérité explique un autre trait remarquable de la vision. Il n’y est pas fait allusion à la mort et à la résurrection de Christ, mais Sa naissance et Son enlèvement (pas Sa mort) sont mentionnés d’une façon sommaire. La femme nous est présentée en grand tourment pour enfanter ; puis le fils mâle naît ; et ensuite nous le voyons enlevé vers le trône de Dieu en haut. Bien entendu, ceci n’est pas donné comme histoire. Il y a longtemps que le Seigneur Jésus est né et qu’Il est mort ; et s’il se fût agi d’histoire, Sa mort — fait de la dernière importance — n’aurait pas été et n’aurait pu être passée sous silence. Ici, le Saint Esprit rattache la naissance de Christ et Son enlèvement vers le trône de Dieu dans le ciel, à Israël et aux desseins de Dieu concernant ce peuple. La naissance de Christ est d’une importance spéciale pour Israël. C’est pourquoi Sa généalogie est soigneusement donnée en Matthieu 1 ; et au chapitre 2, nous voyons que tout Jérusalem est troublé au sujet de Sa naissance. C’était là l’œuvre du dragon. Hérode était en quelque sorte l’expression de la puissance du dragon, qui aurait volontiers dévoré l’enfant aussitôt après Sa naissance, par le moyen de ce méchant roi comme instrument. L’enfant fut délivré ; mais, historiquement, au lieu d’être élevé sur le trône de Dieu, Il fut emmené en Égypte.

Notre chapitre ne saurait donc être regardé comme historique, dans sa première partie au moins ; et même lorsqu’il est fait allusion à des faits historiques, ils ne sont pas du tout arrangés historiquement, mais simplement liés avec les pensées de Dieu à l’égard d’Israël. L’Église, comme telle, est passée sous silence. Elle peut être mystiquement comprise dans la personne et la destinée du fils mâle, mais il n’y a point de manifestation graduelle des pensées de Dieu touchant Son dessein relatif à une épouse céleste pour Son Fils. Il n’est rien dit au sujet de l’épouse du fils mâle. Ce que nous trouvons ici, c’est la mère, mais non la femme de l’Agneau. Israël fut la mère de Christ, c’est de lui que, selon la chair, le Christ est né. C’est là le grand point sur lequel l’apôtre Paul insiste en Romains 9, parce que les Juifs pensaient qu’il n’appréciait pas à leur juste valeur les privilèges qui leur appartiennent, et qu’il y était contraire, vu la force avec laquelle il faisait ressortir la miséricorde de Dieu envers les Gentils. Mais il n’en était nullement ainsi. Il démontre que, de fait, c’étaient eux qui amoindrissaient leurs privilèges les plus élevés. À eux furent donnés l’adoption et la gloire et les alliances, et la loi et le service divin et les promesses. Ils avaient aussi les pères, et en dernier lieu leur fut donné un fils, l’enfant mâle, qu’ils ne connurent pas — le Christ — car c’est d’eux que descendit, selon la chair, Celui qui est Dieu sur toutes choses, béni éternellement. Loin de diminuer la juste gloire d’Israël, l’apôtre l’exalte plus que les Juifs eux-mêmes ne le faisaient. Et comme en Romains 9, il ne s’étend pas sur le sujet de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus, il en est de même ici. En conséquence, vous trouvez ces deux pensées liées l’une à l’autre en Apocalypse 12. Le fils mâle est enfanté, mais quitte la scène où le dragon lui faisait opposition, et prend sa place sur le trône de Dieu, ce que nul, sinon une personne divine, n’était en droit de faire. Le temps est proche où Il s’assiéra sur Son propre trône, mais cela aura lieu quand Il gouvernera la terre d’une manière directe et publique ; car Dieu ne se dessaisira jamais du droit et du titre que le Seigneur Jésus possède à la terre aussi bien qu’aux cieux. Outre Son droit essentiel comme Créateur, Il a acquis un nouveau droit comme Rédempteur. Mais, comme tel, Il veut faire beaucoup mieux que paître les nations avec une verge de fer, ou même bénir Son peuple terrestre : Il veut ouvrir Son propre cœur. Il lui faut, pour Son amour, un libre cours et un digne objet. Christ veut avoir, comme participants de Sa gloire en haut, ceux qui ne méritaient rien que le jugement. Il n’est pas fait allusion ici à ce qui est opéré par Christ et pour Christ pendant qu’Il est sur le trône de Dieu. Il est question d’Israël. Ces quelques pensées aideront peut-être à saisir la place et la portée propres de cette nouvelle vision.

Le temple de Dieu est donc ouvert dans le ciel[21], et l’arche du Seigneur y apparaît, gage de Sa fidélité envers Son peuple. Car, ainsi que nous l’avons remarqué dans le dernier chapitre, il y avait un certain résidu mesuré, lequel s’approchait de Dieu par le moyen du culte, et à ces témoins était confié un témoignage aux droits du Seigneur sur la terre, comme finalement le royaume était annoncé. Maintenant nous avons un autre ordre d’idées. En Apocalypse 4, il y avait le trône et un arc-en-ciel à l’entour. Ici nous avons le temple, et l’arche de l’alliance de Dieu y apparaît. Cela indique peut-être déjà la différence qui existe entre les deux sujets. Là, il s’agissait de l’autorité de Dieu sur la création. Des jugements providentiels étaient sur le point de tomber sur la terre, et l’arc-en-ciel était destiné à montrer, avant qu’un seul jugement fût senti, que Dieu n’oublierait pas d’user de miséricorde. L’arc-en-ciel autour du trône, au chapitre 4, et autour de la tête de l’ange puissant, au chapitre 10, était la garantie que Dieu travaillait non à la destruction, mais à la délivrance de la terre. Mais maintenant, nous touchons à un point plus élevé ; car, si béni que soit le trône, il ne nous fait pas entrer dans les profondeurs du caractère de Dieu autant que le temple uni à l’arche. Nos cœurs sont moins disposés à l’adoration devant des manifestations de la puissance divine que quand nous nous approchons du domicile et de la maison de Dieu Lui-même ; car, bien qu’il n’y ait rien qui doive nous rendre aussi véritablement honteux que la pauvre et inadéquate manière dont nous répondons à Sa sainteté, cependant c’est juste au fond de cette misère que Dieu nous a rencontrés dans Sa grâce.

Maintenant Dieu va nous montrer non seulement la création et le genre humain frappés, mais la connexion de Satan avec l’apostasie finale de ce siècle. Il avait été figurativement fait allusion à son influence au chapitre 9, 2, où il est dit que la fumée monte du puits de l’abîme ; puis au chapitre 11, 7, la bête monte de cet abîme ; mais ici (chap. 12), la source du mal est entièrement mise à découvert. Et n’est-il pas précieux de voir que dans le moment qui précède celui où Dieu met à jour le flot du mal tout entier, et nous en montre non seulement le développement et les instruments parmi les hommes, mais la grande source cachée et la personne de celui qui se place à la tête et qui n’a pas encore, jusqu’à présent, complètement produit cette épouvantable conspiration contre Dieu — n’est-il pas, dis-je, précieux de voir, avant tout cela, le temple de Dieu ouvert dans le ciel et l’arche de l’alliance de Dieu apparaissant dans Son temple ? Car, en de telles circonstances, le cœur n’a pas besoin de la manifestation de la puissance de Dieu seulement, mais il a besoin de savoir que la sainteté de Dieu est garantie et que, en vertu de ce fait, Son peuple est maintenu. Aussi voyons-nous que quand le temple est ouvert en haut, ce n’est pas un arc-en-ciel qui apparaît, mais c’est la relation de Dieu avec Son peuple, qui est présentée dans la figure de l’arche ; car, l’arche fut toujours la chose la plus rapprochée de Dieu, et, par conséquent, la chose à laquelle la foi s’attache le plus. Israël se montrait mort à tout sentiment juste et pieux, quand il voulut exposer l’arche dans l’espoir d’être délivré des Philistins. La douleur qui fit mourir Éli, et les vivants transports de David, sont des choses qui attestent également ce qu’était l’arche aux yeux de ceux qui étaient droits de cœur. Ici, il s’agit de l’arche de l’alliance de Dieu dans le ciel, et non seulement de l’arche d’Israël, qui pouvait être emmenée. Le roi particulièrement doué de sagesse, n’apprécia pas lui-même à sa valeur l’arche d’autrefois ; et ceci nous montre la supériorité de David, car la foi est toujours, si je puis parler ainsi, plus sage que la sagesse. Lors même que nous serions doués de l’intelligence humaine la plus étendue, et de la sagesse naturelle la plus élevée que Dieu puisse conférer, nous n’atteindrions pourtant pas à la hauteur de la simple foi. Salomon paraît devant le grand autel. C’était une chose magnifique. Il était, lui, un roi auguste, et il apportait des offrandes convenables. Mais David montre sa foi en ceci, à savoir qu’il n’appréciait pas seulement l’autel, mais l’arche par dessus tout. L’arche était une chose cachée ; le souverain sacrificateur lui-même ne pouvait la voir qu’enveloppée d’un nuage d’encens. Il fallait marcher par la foi et non par la vue pour apprécier l’arche de Dieu. C’est pourquoi David ne peut se donner du repos tant que l’arche de Dieu n’a pas une place stable en Israël ; et il n’éprouva jamais de plus grande joie que quand l’arche de Dieu fut ramenée à Jérusalem. Il est vrai que l’arche attirait le jugement sur tous ceux qui la méprisaient ; et le cœur de David lui-même eut peur pendant quelque temps, et l’arche resta dans la maison d’Obed-Édom, Guitthien. Mais David regagna la source de sa confiance en Dieu, qui marqua si généralement sa carrière, car nous le voyons un peu plus tard, quand l’arche est de nouveau ramenée avec bonheur, se réjouissant plus qu’en toutes ses victoires réunies.

Ici, il ne s’agit pas du tout de l’arche de l’alliance de l’homme, mais bien de l’alliance de Dieu ; le temple de Dieu dans le ciel est ouvert, mais cependant pas encore sur la terre (c’est-à-dire qu’il n’est question jusqu’ici que du dessein de Dieu à son égard) ; et, en rapport avec ce dessein, l’arche de l’alliance de Dieu apparaît, gage certain de miséricorde et signe de Sa fidélité envers Son peuple. Mais cependant les circonstances étaient telles, qu’elles nécessitaient le jugement ; et, en conséquence, « il y eut des éclairs et des voix, et des tonnerres, et un tremblement de terre et une grosse grêle »[22], choses qui toutes étaient des témoignages de jugement de la part de Dieu. Le jour de paix et de gloire n’est pas encore venu. Ainsi donc, vous avez ces deux choses réunies : premièrement, le gage de l’intérêt que Dieu prend en Son peuple et de Son triomphe pour Son peuple, et ensuite, les signes de Son jugement sur le mal qui doit être jeté de côté avant qu’arrive le temps de la pleine bénédiction.

« Et un grand signe parut dans le ciel, une femme revêtue du soleil, et ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles » (v. 1). Je crois probable qu’il est ici fait allusion au songe bien connu, dans lequel Joseph vit le soleil, la lune, les étoiles, et interprété par lui-même comme s’appliquant à ses parents et à ses frères. Ici, les symboles ont un caractère plus général, et se rapportent naturellement : le soleil, à la gloire suprême ; la lune, à la gloire qui dérive de celle-là ; et les étoiles, à une autorité inférieure et subordonnée. Tout cela est en connexion avec Israël ; car, Dieu veut que, pour ce qui regarde ce monde, toute puissance et toute gloire aient leur centre en Israël. Quant à l’Église, elle aura tout dans la perfection avec Christ et en Christ ; mais pour ce qui concerne la terre, Israël en formera le centre. La femme est le symbole du dessein de Dieu comme se rattachant à Israël.

Au verset suivant, nous avons une autre chose : c’est l’homme par le moyen de la femme ; et, en conséquence, nous lisons « qu’étant enceinte, elle crie étant en travail d’enfant et en grand tourment pour enfanter », et un peu plus loin nous lisons (v. 5), « qu’elle enfanta un fils mâle, qui doit paître toutes les nations, etc. ». Ainsi nous voyons que ce n’est pas pour ce qu’elle est en elle-même, quoique revêtue de tous ces symboles de puissance glorieuse, que la femme a une telle importance, mais parce que c’est d’elle que naît le fils mâle. Et nous verrons que cette pensée n’est nullement étrangère à l’Écriture. Prenez, par exemple, les Psaumes, où la même chose est présentée par allusion et d’une manière mystique. Ainsi, au psaume 87 où l’Éternel est célébré, il est dit : « Sa fondation est dans les saintes montagnes ». Il appelle le monde à comparer ce qu’il a de mieux avec ce que Lui peut produire. « L’Éternel aime les portes de Sion, etc. ». Il a choisi Sion parmi toutes les villes d’Israël, parce que le choix souverain de Dieu doit être mis en évidence, même parmi Son peuple. « Je ferai mention de Rahab et de Babylone entre ceux qui me connaissent ». Rahab était le nom figuratif qui désignait l’Égypte, et l’Égypte et Babylone étaient les plus fameuses nations de terre au temps du psalmiste. La Palestine, Tyr et Cush étaient, sans doute, des pays bien inférieurs, mais pourtant bien célèbres par leur trafic, leur commerce, l’habileté de leurs habitants. D’eux, il était dit : « Celui-ci est né là ». Et de Sion, il sera dit : « Celui-ci et celui-là y est né ; et le Souverain lui-même l’établira. Quand l’Éternel enregistrera, etc. ». Je crois que ce passage renferme une obscure allusion à la naissance de Christ, en laquelle, pour ainsi dire, Dieu et Son peuple se glorifient — quelque personnage célèbre qui ait pu exister ailleurs — de ce que Celui-ci est né là. L’allusion est, je pense, principalement, sinon exclusivement, au Seigneur Jésus. Que les autres se vantent de leurs grands hommes, mais « l’Éternel comptera, quand il enregistrera les peuples, que celui-ci est né là ». Lorsqu’Il enregistre le peuple, à quoi pense-t-Il ? Oh ! c’est à Christ, à Celui qui est né d’une femme, né d’Israël, et maintenant enlevé au ciel. Quand le regard cherche Christ, on trouve que tous les passages de l’Écriture portent sur Lui, plus ou moins, mais d’une manière bien nette ; car Celui qui a écrit la Parole avait toujours Christ en vue. Ce n’est pas la mort de Christ que nous avons dans ce psaume, parce que ce sujet aurait particulièrement amené le péché des Juifs devant eux ; mais c’est Sa naissance qui était ou aurait dû être un sujet de joie sans mélange. C’est pourquoi, lorsque Jésus naquit, les armées célestes éclatèrent en louanges : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et sur la terre paix ; et bon plaisir dans les hommes ». Il n’y avait nul trouble parmi ces multitudes célestes, quels que fussent les sentiments d’Hérode et de tout Jérusalem. Leur grande joie était causée par la connaissance de ce que serait Christ pour Dieu et pour les hommes — et spécialement pour la cité de David. En d’autres mots, c’étaient précisément les sentiments justes de ces multitudes célestes, toutes désoccupées d’elles-mêmes, qui leur permettaient de discerner les conseils de Dieu relativement à Son peuple.

Il y a un ou deux autres passages dont je voudrais faire brièvement mention ici, parce qu’ils peuvent nous aider à saisir la signification figurée de cette femme et de son enfant, non seulement en ce qui touche le fait de la naissance, mais en ce qui touche sa relation avec la prophétie. En Michée 5, il est un passage qui reçoit et communique à la fois de la clarté en étant comparé avec Apocalypse 12. « Maintenant assemble-toi par troupes, fille de troupes ; on a mis le siège contre nous, on frappera le juge d’Israël avec une verge sur la joue ». Or, il y a évidemment ici ce que nous n’avons pas en Apocalypse : le rejet de Christ et l’opprobre dont Il est couvert par Son propre peuple. Puis, le Saint Esprit interrompt le cours du chapitre par une parenthèse, car tel est bien le verset 2 en entier. « Mais toi, Bethléhem Éphrata, petite pour être entre les milliers de Juda, de toi me sortira quelqu’un pour être dominateur en Israël ; et ses issues sont d’ancienneté, dès les jours éternels ». C’est le Christ, selon la chair, qui est Dieu sur toutes choses béni éternellement. Là, vous avez les deux aspects de la gloire de Christ : Sa gloire comme homme, comme le Messie, et aussi Sa gloire comme Celui dont les issues sont d’ancienneté, dès les jours éternels. Ensuite, ayant montré qui était celui dont il était question (l’homme qui devait être frappé, mais qui était une personne divine, ce qui aurait rendu impardonnable l’acte de l’avoir frappé, n’eût été l’intervention de la miséricorde infinie), le Saint Esprit reprend : « Ils frapperont le juge d’Israël avec une verge sur la joue … C’est pourquoi il les livrera jusqu’au temps que celle qui est en travail d’enfant aura enfanté ; et le reste de ses frères retournera avec les enfants d’Israël ». Il est dit, remarquez-le, qu’ils sont livrés par Dieu « jusqu’au temps que celle qui est en travail d’enfant, etc. ». Cela montre que nous ne devons pas prendre la naissance du fils mâle pour une allusion purement littérale à la naissance de Christ dans le monde, mais plutôt comme se rattachant à l’accomplissement des conseils de Dieu relativement à Israël. Christ est né (Mich. 5, 2) ; ensuite vient Sa réjection, et, comme s’il était la mesure de la durée de Sa réjection sur la terre et de Son exaltation dans le ciel, l’appel de l’Église. Mais ici la prophétie passe par-dessus tout ce qui se rapporte à l’Église, et traite d’une manière figurée de la naissance de Christ, la rattachant à la manifestation du conseil divin, qui lui-même est symbolisé par une naissance. Le Juge d’Israël est frappé avec une verge sur la joue, et, comme conséquence, Israël est abandonné jusqu’au temps qui, pour nous servir du langage de Jérémie, « sera un temps de détresse à Jacob, mais il en sera pourtant délivré ». Dans le passage de Michée, il s’agit, dans un sens figuré, du travail de Sion jusqu’à l’enfantement du grand dessein de Dieu concernant Israël. « Et le reste de ses frères retournera avec les enfants d’Israël ». Durant le temps que l’Église est appelée, le résidu des Juifs (« ceux qui sont sauvés ») est choisi en dehors d’Israël, cesse d’avoir des espérances juives et est absorbé dans l’Église. Mais quand le conseil de Dieu, relativement à la terre, commencera à recevoir exécution au dernier jour, le résidu de ce jour-là fera partie d’Israël et reprendra l’ancienne position juive. Les branches naturelles seront entées sur leur propre olivier.

Un autre passage traite de l’enfantement de Sion ; mais c’est dans un sens bien différent. Au dernier chapitre d’Ésaïe, il est parlé d’une naissance ; mais elle est dite avoir lieu en un jour. « Un son éclatant vient de la ville ; un son vient du temple, le son de l’Éternel rendant la pareille à ses ennemis. Elle a enfanté avant que de sentir le travail d’enfant ; elle a été délivrée d’un enfant mâle avant que les tranchées lui vinssent. Qui entendit jamais une telle chose, et qui en a jamais vu de semblables ? Ferait-on qu’un pays fût enfanté en un jour ? Ou une nation naîtrait-elle tout d’un coup, que Sion ait enfanté ses fils aussitôt qu’elle a été en travail d’enfant ? Moi qui fais enfanter les autres, ne ferais-je point enfanter Sion ? a dit l’Éternel ; moi qui donne la postérité aux autres, fermerais-je sa matrice ? a dit ton Dieu. Réjouissez-vous avec Jérusalem et vous égayez en elle, vous tous qui l’aimez, etc. ». Ici, évidemment, il ne s’agit pas du temps dont il est parlé en Apocalypse 12 ; de sorte qu’il y a évidemment trois grandes phases critiques se rattachant à l’histoire d’Israël. Premièrement, il y a la naissance du Messie ; deuxièmement, le passage de Michée ou le progrès des conseils de Dieu, à l’égard d’Israël, vers leur maturité, et l’effet qu’ils ont, passage qui se lie avec Apocalypse 12, où Dieu déploie Son dessein envers Israël, avant que l’Antichrist se révèle pleinement ; et troisièmement, il y a ce passage d’Ésaïe 66, qui est une espèce de contraste par rapport aux autres, les circonstances mentionnées étant positivement l’inverse de celles qui accompagnent l’enfantement naturel, et l’inverse de la figure employée dans notre chapitre. Les trois passages peuvent être ainsi rapprochés : — premièrement, Michée 5 nous montre la naissance de Christ et Israël abandonné jusqu’à ce que soit manifesté le résultat des desseins de Dieu à l’égard de ce peuple ; en second lieu, Apocalypse 12 touche au temps d’épreuve[23] qui doit juste précéder la dernière tribulation, où Satan, précipité des lieux de sa vieille demeure, essaiera de nouveaux plans dans le but de faire échouer l’intention que Dieu a de bénir et de magnifier Israël ; et, en dernier lieu, Ésaïe 66 est le temps où toute épreuve est passée, où Sion a enfanté avant d’être en travail — le temps où Israël sera pleinement et subitement béni par l’apparition du Seigneur. Toute la souffrance antérieure a passé en raison de la joie qui remplit la cité de Sion, ou n’est rappelée que pour la rehausser.

Mais, pour revenir à notre chapitre, nous voyons qu’outre la femme et le fils mâle, il y a un autre signe ; un grand adversaire de Dieu apparaît — ce n’est pas la Bête, mais un pouvoir beaucoup plus sérieux, « un grand dragon roux ». Il y a, en outre, cette remarquable circonstance, que la description même qui est appliquée à la bête, l’est au dragon. D’où vient cela ? Que Satan soit le grand dragon roux, il ne saurait y avoir de doute là-dessus. Ce chapitre même nous le déclare au verset 9 ; et pourtant il est décrit sous les mêmes traits qui caractérisent l’empire romain (chap. 13, 1), « ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses sept têtes, sept diadèmes ». La raison en est, je crois, que Satan est vu en rapport avec le pouvoir terrestre. Tout comme la femme a été vue investie des symboles d’une puissance émanant d’en haut, puissance que Dieu lui avait donnée, de même Satan est revêtu de la plénitude de l’autorité terrestre. Il a sept têtes — symbole du pouvoir délibératif, celui qui guide et gouverne — et dix cornes représentant des rois et des dignités royales. Il est le prince du monde et s’environne de toute la puissance qui se rattache à la terre. L’empire romain est le type par excellence de la puissance de Satan. Mais quand vous considérez cet empire au chapitre 13, il y a cette différence : les diadèmes sont non pas sur les têtes du dragon, mais sur les cornes de la bête, ce qui veut dire que dans l’empire romain, vous avez l’exercice du pouvoir représenté comme chose de fait ; mais pour ce qui regarde Satan, il s’agit seulement d’une affaire de principe, ou de la source même de la chose : Satan, quoique invisible, est la grande force motrice. C’est de principe et de caractère qu’il est question, et non pas d’histoire.

Premièrement donc, nous avons eu la pensée de Dieu à l’égard d’Israël et de Christ. Et il est clair qu’il s’agit de la destinée du fils mâle, et non encore de l’exercice de Sa domination sur toutes les nations ; car s’il s’agissait de ce dernier point, la femme n’aurait pas à s’enfuir au désert, et il ne serait pas permis à Satan de lui faire la guerre, à elle et au résidu de sa semence. Faire de ceci une application historique, c’est fausser l’enseignement de Dieu, qui fait voir ici Son dessein et rien de plus pour le moment. Ensuite apparaît le dragon, celui que Dieu considère comme le gouverneur de ce monde, le prince de la puissance de l’air, revêtu de symboles de puissance terrestre semblables à ceux que nous voyons un peu plus tard dans l’empire romain, avec la différence que, dans ce dernier, les diadèmes sont sur les cornes de la bête ou sur ceux qui ont de fait le pouvoir en main (Apoc. 13). « Et sa queue entraîne la troisième partie des étoiles du ciel » (v. 4). Ceci semblerait être sa puissance de méchanceté en fait de doctrine et de prophétie de mensonge. En Ésaïe 9, il nous est dit : « Le prophète enseignant mensonge, c’est la queue ». La queue du dragon ne représente pas son pouvoir terrestre, mais son influence pour égarer les âmes au moyen de la fausse doctrine, et ceux en particulier qui gouvernent et occupent une position d’autorité — « les étoiles du ciel ». « Et le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin que lorsqu’elle aurait enfanté, il dévorât son enfant ». Comme toutes les parties de l’Écriture sont en merveilleuse harmonie ! Car si vous commencez par la toute première partie de l’Écriture qui parle du serpent, vous y voyez face à face la femme et cet adversaire rusé ; et ce qui est davantage encore, Dieu paraît sur la scène où Satan avait en apparence remporté un grand triomphe, et c’est alors qu’Il fait cette révélation bénie que « la semence de la femme écrasera la tête du serpent ». Ici, à la fin des Écritures, les mêmes parties réapparaissent, mais avec des différences marquées. Dans le jardin d’Éden, ce fut la victoire du serpent, mais ici, c’est le triomphe certain de Dieu ; là, ce fut la tromperie du diable, mais ici c’est la puissance de Dieu, longtemps déployée en patience, mais toute glorieuse à la fin. Dieu permet que le dragon se tienne devant la femme, prêt à dévorer son enfant aussitôt qu’il naît. Le dragon montre sa haine et sa méchanceté au dernier degré, et au chapitre qui suit, il laisse voir ses plans. En même temps, Dieu change la souffrance même en bénédiction d’autant plus positive pour ceux qui sont fidèles. La certitude même qu’Il peut écraser le dragon, Lui donne de la patience pour attendre, et Il désire que Son peuple soit comme Lui-même.

Je voudrais remarquer qu’il ne nous faut pas envisager le chapitre comme s’il était tout consécutif. Le verset 7 commence une nouvelle division. Et la preuve que tout ne suit pas dans un ordre immédiat, la voici : le moment où Satan est précipité du ciel sur la terre, précède celui où la femme s’enfuit au désert, et est, de fait, la cause de cette fuite (voyez le v. 13), tout en n’étant constaté qu’après. Le fait est que les six premiers versets nous fournissent le tableau complet. Dans le conseil divin, nous voyons la femme revêtue des corps célestes, représentant la puissance que Dieu seul peut conférer. Mais il y a un autre côté du tableau. Lorsque le fils mâle est enfanté, on voit la mère dans un état de faiblesse, obligée pour sauver sa vie, de s’enfuir au désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu. Dieu se préoccupe avec tant de sollicitude du temps qu’elle y passe, qu’Il ne l’appelle pas « un temps, des temps et une moitié de temps » ; mais Il compte pour ainsi dire l’un après l’autre les jours qu’elle passe là : « afin qu’on la nourrisse là, mille deux cent soixante jours ».

Puis vient une nouvelle scène au verset 7. Il n’est plus question de ce qui se passe sur la terre, mais de ce qui a lieu dans le ciel, et, pour beaucoup, d’une chose nouvelle et alarmante. Un combat est signalé en haut. Comment cela ? Un combat dans le ciel ! C’est chose aisée d’imaginer l’ennemi des âmes sur la terre, et un combat contre lui ici-bas. Mais le combat commence ailleurs. « Et il y eut un combat dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le dragon, et le dragon combattait, et ses anges ; et ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel ». Si la Bible est implicitement crue, elle donne distinctement à entendre que Satan a le pouvoir de s’approcher et d’accuser les saints devant Dieu. On peut être confondu de cela, et dire que ce n’est pas possible ; mais il vaut mieux se laisser guider par la Parole de Dieu que par les idées des hommes. Le livre de Job nous démontre le fait ; 1 Rois 22 aussi, et peut-être Zacharie 3. Vous pouvez dire que dans ces passages il s’agit de vision ; mais je prendrai l’épître aux Éphésiens, et là Paul me dit que notre lutte n’est pas semblable à celle d’Israël, qui combattait contre les Cananéens, « car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre les puissances spirituelles de méchanceté, qui sont dans les lieux célestes ». Il en est qui se servent de ce verset pour justifier les chrétiens qui résistent aux pouvoirs de ce monde, en contradiction évidente avec Romains 13 et d’autres passages. Mais les principautés et puissances dans les lieux célestes ne représentent pas du tout des hommes. Ce sont des esprits de méchanceté, en contraste avec les hommes. La lutte d’Israël avait lieu contre des hommes vivants, sur la terre ; tandis que celle des chrétiens a lieu contre les esprits de méchanceté, dans les lieux célestes. Sans doute, Satan ne peut pas s’approcher de la présence immédiate de Dieu, dans la lumière où Dieu habite, de laquelle nul homme ne peut s’approcher ; mais il peut s’approcher assez pour accuser le peuple de Dieu devant Dieu Lui-même. Ici, le terme : « les lieux célestes » signifie les cieux en général, et non pas seulement ce qui est appelé le troisième ciel ou ciel supérieur. Satan a accès aussi loin que s’étendent les cieux inférieurs ; on ne saurait mettre en doute qu’il soit le prince de la puissance de l’air.

Les Israélites avaient à combattre dans le but d’acquérir la possession de leur héritage. La terre leur fut donnée titulairement, et avant que Moïse fût retiré de cette vie, le Seigneur Lui-même le fit monter au sommet de la colline, et lui fit voir tout le pays, depuis Galaad jusqu’à Dan, nommant les districts par les noms des douze tribus d’Israël, comme si elles eussent déjà été là. Pour jouir de ses possessions, Israël avait à combattre, et il en est de même de nous maintenant. Il n’est pas possible de goûter la céleste portion de l’Église sans combattre contre l’ennemi, et voilà la raison pourquoi il en est un si grand nombre qui ne la goûtent pas. Si le chrétien n’entre pas, dès ici-bas, dans la plénitude de sa part céleste, c’est parce qu’il est occupé soit de lui-même, soit du monde, ou bien de quelque autre idole de l’ennemi, et alors n’en peut pas jouir. Le grand but de Satan, c’est de nous empêcher de goûter nos bénédictions célestes en Christ, et de jouir et de vivre d’elles. Dans la proportion où le monde et la chair sont tolérés, et où la porte est ainsi ouverte à Satan pour aveugler nos yeux, nous ne pouvons pas voir le bon pays. Il faut qu’il y ait victoire sur Satan avant que nous y puissions entrer. L’adversaire ne puise pas seulement sa puissance dans les convictions des hommes, ici-bas, mais spécialement dans la position qu’il occupe dans les lieux célestes — le pouvoir d’empêcher les chrétiens d’apprécier la portion qu’ils y possèdent. Mais il vient une fin à cet état de choses ; toutefois, ce n’est pas sans lutte qu’elle arrive. Dieu mettra un terme à tous les moyens d’accès de Satan au ciel. Il est un texte qu’on a trouvé obscur et que je ne puis que rattacher à ce sujet. En Hébreux 9, où il est parlé des diverses applications de la mort de Christ, il est fait allusion aux lieux célestes de la manière suivante : « Il était donc nécessaire que les images des choses qui sont aux cieux fussent purifiées par de telles choses ; mais que les choses célestes elles-mêmes, le soient par de meilleurs sacrifices que ceux-là ». Une des raisons de ce fait, je pense, est qu’il a été si longtemps permis à Satan d’y avoir accès comme accusateur. Si ce n’eût été la mort de Christ, Dieu aurait depuis longtemps manifesté Son propre jugement sur la souillure produite là par Satan. Mais comme Il supporte la rébellion de ce monde, Il en fait de même à l’égard d’une autre rébellion, l’audace de Satan, qui ose s’introduire même jusque dans Sa propre présence, pour apporter devant Lui des accusations contre Son peuple. Mais n’oublions pas que s’il en est un qui aime à accuser, il y en a un autre qui intercède, un Avocat qui ne sommeille ni ne dort jamais. Le diable peut se déclarer contre les saints, mais Christ se déclare pour eux, Lui qui est toujours vivant pour intercéder. Le temps approche où Dieu ne permettra pas à Satan de souiller davantage l’air du ciel. Il sera forcément précipité de là, et il ne lui restera plus que le pouvoir d’agir sur l’espèce humaine par des moyens terrestres. « Malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu vers vous » etc. (v. 12) — ce qui implique toutes les nations, tant celles qui sont dans une condition de stabilité, que celles qui sont dans un état d’instabilité. Satan est dorénavant complètement empêché d’usurper sa place la plus élevée, comme prince de la puissance de l’air. Les cieux sont à jamais débarrassés de lui et de ses anges, de façon à ce qu’ils ne rentrent jamais dans leur place en haut. Il pourra de nouveau sortir sur la terre pour un peu de temps après qu’il aura été lié ; mais il ne réapparaîtra jamais plus dans le ciel comme l’accusateur des frères devant Dieu. La différence essentielle dans les voies de Dieu à l’égard de Son peuple est bien marquée ici. Pendant toute la durée du temps actuel, il y a l’accusateur dans le ciel, mais à l’époque prédite, il est précipité, et il n’est plus trouvé là de lieu pour lui. Or, vous remarquerez que ceci implique naturellement, sinon nécessairement, l’enlèvement de l’Église au ciel avant que le changement ait lieu ; et en voici la raison : c’est que, si nous supposons l’Église encore sur la terre lorsque le diable et ses anges sont précipités du ciel, il ne serait plus vrai de nous alors que notre lutte est avec les esprits de méchanceté dans les lieux célestes. Telle ne sera pas la condition des saints, soit pendant le millénium, soit dans la grande tribulation qui doit le précéder.

Trois ans et demi s’écoulent après que Satan est précipité sur la terre, durant lesquels la femme et sa semence, c’est-à-dire Israël, sont les objets de sa persécution. « Et le grand dragon fut précipité, le serpent ancien, appelé diable et Satan, qui séduit le monde habitable tout entier ; il fut (dis-je) précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’ouïs une grande voix dans le ciel, disant : Maintenant est venu le salut, la puissance, le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité. Et ils l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de leur témoignage, et ils n’ont point aimé leur vie, même jusqu’à la mort » (v. 9-11). « Le sang de l’Agneau », voilà ce qui leur conservait une bonne conscience, et leur donnait confiance devant Dieu. Leur conscience était purifiée par le sang de Christ, et ils avaient de plus, leur témoignage pour Dieu. Il leur donna le sang de l’Agneau aussi bien que la parole de leur témoignage, et ils vainquirent par le moyen de l’un et de l’autre. L’un les fortifiait devant Dieu, et l’autre devant les hommes. « C’est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui y habitez ». Là, vous le voyez, sont les habitants du ciel, et ils ont à se réjouir, parce que Satan est précipité du ciel. L’Église y est au temps dont parle le passage ; les saints sont déjà emmenés de dessus la terre. « Or, quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme qui avait enfanté le mâle. Et deux ailes d’un grand aigle furent données à la femme, afin qu’elle s’envolât dans le désert, en son lieu, où elle est nourrie un temps, des temps, et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent » (v. 13-14).

Or, il est clair que ceci nous ramène au verset 6. La liaison importante qui nous est donnée dans les versets 7-13, était nécessaire, et après cela nous avons l’ordre consécutif. Nous sommes ramenés au fait de la persécution de la femme et de son enfant par le dragon, et à sa fuite dans le désert ; puis l’Esprit de Dieu retourne en arrière pour nous montrer les raisons les plus graves et la source la plus haute de tous ces faits. Satan sera obligé de quitter sa place dans le ciel, et maintenant en fureur « sachant qu’il a peu de temps », il descend sur la terre pour exercer toute sa fureur. Il hait la femme, sachant bien que la semence de celle-ci l’écrasera ; de sorte que, son inimitié longtemps caressée se concentre sur la femme et sur la semence. Voilà ce qui conduit la femme à s’envoler dans le désert : l’inimitié de Satan, non seulement à cause qu’elle a enfanté un enfant destiné à paître les nations avec une verge de fer, mais parce que Satan est précipité sur la terre. Satan fut autrefois innocent, mais il abandonna sa position de créature, s’admirant lui-même, et s’élevant contre Dieu. Maintenant, lorsque Satan est précipité du ciel, il manifeste tous ses sentiments de méchanceté contre Dieu, en persécutant la femme et sa semence.

« Et deux ailes d’un grand aigle furent données à la femme, etc. ». Remarquez ici la différence (analogue à Apocalypse 11) : « où elle est nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Dans un verset précédent, le temps est, pour ainsi dire, aussi allongé que possible, parce que, c’est du moins ainsi que je le conçois, les soins de Dieu envers elle sont le grand point mis en relief. Il y avait un lieu préparé pour elle de la part de Dieu, et quand il est question de Ses soins et de ce qu’Il a préparé, Il allonge le temps le plus possible ; mais quand il est question de la puissance du diable, Il le raccourcit. C’est, je crois, la même période, mais présentée d’une manière différente.

Le serpent, ainsi appelé à cause de sa subtile inimitié, adopte maintenant un expédient nouveau. Il « jeta de sa bouche de l’eau, comme un fleuve, après la femme, afin de la faire emporter par le fleuve. Et la terre aida la femme, etc. » (v. 15-16). Ceci représente quelques moyens providentiels employés par Dieu pour délivrer et Son peuple terrestre et Son dessein, des instruments de l’ennemi mis alors dans un état de grande commotion. Ces derniers sont représentés par les eaux qui sortent comme un fleuve de la bouche du dragon (des peuples qui sont sous l’influence immédiate du diable), tandis que la terre qui aide la femme, représente ces parties du monde qui sont dans une condition plus stable, et employées par la providence de Dieu pour résister aux efforts que Satan fera pour vaincre les Juifs. Dans le cours de ce livre, l’expression « la terre » peut impliquer un caractère moralement mauvais ; mais Dieu peut produire une diversion quand Il le trouve convenable, et ainsi réduire à néant ce qui a été calculé pour vaincre Son peuple. « Et le dragon fut irrité contre la femme, et s’en alla faire la guerre contre le résidu de la semence de la femme, qui garde les commandements de Dieu, et qui a le témoignage de Jésus » (v. 17). Ce pourrait être pour quelques-uns une chose difficile à s’expliquer, qu’un résidu juif eût le témoignage de Jésus. Mais si vous m’avez suivi dans les chapitres précédents, la difficulté ne sera pas inextricable ; parce que dans le livre de l’Apocalypse, « le témoignage de Jésus » est toujours Jésus se présentant de nouveau comme l’héritier du monde, et non dans Ses relations de pleine, parfaite grâce, et de grâce céleste, comme nous en jouissons maintenant. Le résidu juif ne jouira pas d’une communion avec le Seigneur Jésus Christ semblable à celle que l’Église possède à présent ; mais ils se tiendront debout par la foi, et ils auront le témoignage que Jésus rend dans l’Apocalypse. Au chapitre 1, nous lisons : « Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt » etc. C’est, comme nous l’avons vu souvent, une certaine révélation que Dieu donne à Jésus, en rapport avec des événements, qui devaient arriver bientôt. Cette révélation est appelée, dans le verset suivant, « la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ ». De même, en Apocalypse 19, 10 : « Le témoignage de Jésus est l’esprit de prophétie » — ce qui montre clairement qu’il s’agit de la connaissance de Jésus au point de vue de la prophétie. C’est ainsi que le témoignage rendu dans ce livre, quoique également divin, diffère de la manière bénie en laquelle Dieu a maintenant manifesté Christ à l’Église, qui est Son corps. Le résidu aura une connaissance semblable à celle que possédaient les saints des temps de l’Ancien Testament — probablement plus grande en somme, mais analogue en nature, me semble-t-il. Ils attendront l’apparition de Jésus. Ils diront avec des cœurs repentants : « Béni soit celui qui vient au nom de Jéhovah ». Ils crieront : « Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang ? ». Je ne nie pas qu’ils ne puissent avoir le Nouveau Testament devant leurs yeux : mais il n’y aura pas de puissance pour appliquer les faits du Nouveau Testament à leurs propres âmes, pour autant, du moins, qu’il s’agit de la paix et de la communion qui sont actuellement notre partage. Quelle preuve que ce n’est pas seulement la Parole qu’il faut, mais le Saint Esprit, pour en donner l’intelligence pour le repos et la joie des âmes ! Même comme chrétiens, nous manquons, quelques-uns de nous, de lumières quant à certaines vérités, jusqu’à ce que dans la grâce de Dieu, il Lui plaise d’ôter le voile de devant notre œil. Et Dieu fait ordinairement cela par des moyens particuliers, car il n’est pas dans Sa manière de donner aux gens la capacité de prendre la Bible, et de la comprendre, indépendamment des moyens auxquels Il a pourvu pour le perfectionnement des saints. Dieu enseigne Ses enfants ; mais c’est en général par le moyen de ceux qu’Il a donnés pour le bien de l’Église, et quoiqu’Il ne s’assujettisse jamais à cet ordre, Il ne met pas de côté le sage et miséricordieux arrangement qu’Il perpétuera aussi longtemps que durera l’Église. Il y a des jointures et des liens pour fournir la nourriture au corps, et c’est ainsi que, bien uni ensemble, tout le corps croit d’un accroissement de Dieu. Dieu ne donne ni ne sanctionne jamais quelque chose, qui nous mettrait en état de nous passer les uns des autres.

Supposons une personne jetée dans une île déserte ; elle sera bénie de Dieu en lisant solitairement la Parole avec prière ; mais là où il y a d’autres moyens et d’autres occasions, comme de nous réunir pour l’édification, pour la lecture des Écritures, pour la prédication en public, l’exhortation, etc., négliger ou mépriser ces moyens, ces occasions, ce serait agir d’après la volonté de l’homme, et non suivre la direction de l’Esprit de Dieu.

Ces saints, comme ceux de jadis, craindront Jéhovah, et écouteront la voix de Son serviteur, mais aussi ils marcheront dans les ténèbres, et n’auront pas de clarté jusqu’à ce que le Seigneur revienne en gloire. Notre position à nous est identique à celle de Christ Lui-même, ressuscité et glorifié. Comparez Ésaïe 50, 8, 9, avec Romains 8, 33, 34, pour le dernier cas ; et Ésaïe 50, 10, 11, pour le premier. Les chrétiens peuvent ne pas toujours agir selon la lumière ; mais ils marchent dans la lumière, comme Lui est dans la lumière. « Celui qui me suit », dit notre Seigneur, « ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ». Le résidu de ce jour-là aura confiance dans le nom de Jéhovah, et s’appuiera sur son Dieu ; mais ce sera d’une autre manière. Thomas, en Jean 20, comparé aux autres disciples, peut être un type de cette position.

Je ne m’arrêterai pas à discuter l’application que font de ce chapitre les partisans de l’interprétation historique. Ils voient, dans le symbole de la femme revêtue du soleil, etc., l’Église chrétienne élevée au ciel politique avec l’éclat que projettent sur elle Constantin Licinius, et la constellation des principaux évêques ! Dans le grand dragon rouge, le vieux paganisme romain concentré pour un temps dans l’énergie de réaction païenne déployée par Maximin ; et, dans le fils mâle, Constantin encore réapparaissant comme empereur baptisé( ?) fils de la fidèle Église de Christ ! etc. Je ne nie pas, sans doute, qu’il n’y ait ici comme en d’autres endroits une vague analogie avec le renversement de par l’empereur de la puissance que l’ennemi tirait de l’idolâtrie ; mais ce sur quoi j’insiste, c’est qu’un accomplissement passé est loin de répondre à tous les traits de la scène.

Quelque ressemblance partielle qu’il puisse y avoir entre des événements déjà accomplis, et ce que nous présente notre chapitre, son accomplissement dans la crise se comprend suffisamment. La septième trompette nous a conduits d’une manière générale jusqu’à « la fin ». À partir d’Apocalypse 11, 19, nous entrons dans un sujet entièrement nouveau, dont ce verset est une sorte de préface. L’arche de l’alliance du Seigneur est vue dans Son temple en haut : ce n’est pas encore l’introduction effective de la maison d’Israël et de la maison de Juda sous l’efficace de la nouvelle alliance, mais c’en est un gage. La source de toutes choses, soit du côté de Dieu, soit du côté de l’ennemi, est mise à découvert. C’est pourquoi, comme cette vision nous ramène incontestablement en arrière, je pense qu’il n’y a rien d’inconvenant à présumer que la naissance et l’enlèvement au ciel du Messie d’Israël peuvent bien être signalés comme l’objet spécial de la haine de Satan, et l’occasion de sa haine toujours croissante et toujours plus intense contre les Juifs et contre les conseils de Dieu à leur égard. Je puis comprendre aussi que l’enlèvement du fils mâle implique celui de l’Église — comme une étoile double, dont le double caractère apparaît à un examen complet. C’est bien certainement de cette manière que nous voyons l’Église comprise, pour ainsi dire, en Christ. Le premier grand acte du royaume de notre Seigneur consistera, je pense, à précipiter Satan des lieux célestes avec les esprits de méchanceté (cf. Éph. 6, 12 et Apoc. 12, 7-12). Sur la terre, la question d’Israël, peuple choisi de Dieu, est tout à coup soulevée ; et soit comme dragon, soit comme serpent, Satan met en œuvre toutes ses ressources contre le dessein de Dieu, relativement à ce peuple, dessein qui attend encore son exécution, et contre le résidu fidèle qui a (prophétiquement je crois) le témoignage de Jésus, comme l’homme élevé à la droite de Dieu, comme le Fils de l’homme qu’Il s’est fortifié. Nous trouvons dans le chapitre qui suit, le développement de ses plans.

Chapitre 13

Nous avons vu que le chapitre 12 revient sur le passé, puis anticipe sur l’avenir, et rattache au Messie et même à Sa naissance, le dessein de Dieu qui va être manifesté au dernier jour. C’est ainsi qu’à mon avis, tandis qu’il est évidemment question du Seigneur Jésus Christ dans l’enfant mâle, ce n’est pourtant pas de Sa naissance considérée simplement comme fait historique, mais de Sa naissance en tant que liée avec le plan futur de Dieu, que ce chapitre traite. Du moment où il est fait ainsi allusion à Christ (c’est-à-dire à Christ envisagé comme la tête, non de l’Église, mais d’Israël), « paissant les nations avec un sceptre de fer », et prenant en main le gouvernement du monde, Satan intervient en personne pour faire une opposition ouverte. C’est bien là ce à quoi nous avions pu nous attendre, car Dieu Lui-même a déclaré dans le jardin d’Éden qu’Il mettrait inimitié entre le serpent et la femme, et entre sa semence et la semence de la femme. C’est là ce qui avait été révélé au commencement, et c’est ce que nous voyons s’accomplir à la fin. Sans qu’il soit fait mention de Son humiliation, le fils mâle est enlevé vers Dieu et vers Son trône. Il est donc clair que ce n’est pas précisément l’historique de la vie du Seigneur que nous avons ici, mais que des faits pareils sont ainsi rappelés — savoir : les deux faits si importants de Sa naissance et de Son enlèvement vers Dieu et vers Son trône — dans le but de présenter des liens qui rattachent à ce que Dieu veut accomplir prochainement avec Israël. Tout ce que Dieu a opéré pour l’Église entre ces deux événements se trouve complètement omis, si ce n’est en tant que l’Église est envisagée comme comprise dans les destinées du fils mâle, lequel est maintenant caché auprès de Dieu quoique devant encore régner. Absolument comme ce qui est dit de Christ dans l’Ancien Testament est appliqué à l’Église ou au chrétien dans le Nouveau. Mais quelque vrai et béni que cela soit, nous ne pouvons réellement en faire qu’un usage indirect. C’est donc le Messie que nous ici en rapport avec le plan futur de Dieu à l’égard d’Israël.

Venait ensuite la vision d’une bataille livrée dans le ciel. Ce n’est pas le Seigneur Jésus Christ, mais bien une puissance angélique que nous voyons employée de Dieu pour combattre contre les anges rebelles, Satan et son armée, et les vaincre. À partir de ce moment, Satan perd son pouvoir en haut, c’est-à-dire la portion la plus importante de son pouvoir, la plus sérieuse en elle-même, la plus déshonorante pour Dieu et la plus redoutable pour le peuple de Dieu — sa puissance dans les lieux célestes à laquelle il est fait allusion en Éphésiens 6, et dans d’autres passages. En conséquence, lorsque Satan perd sa place, il y a de la joie dans le ciel ; une voix s’y fait entendre, disant : « Maintenant est venu le salut, la puissance, le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ ». Cependant pour ce qui est de la terre, le royaume n’y est pas immédiatement établi ; seulement Satan a perdu sa place dans les cieux. Le Seigneur, dans l’évangile, fait allusion à cette chute de Satan. J’attire l’attention du lecteur sur ce passage parce que plusieurs en ont conclu que depuis longtemps Satan avait été chassé des cieux. Ce passage se trouve en Luc 10, lorsque les disciples reviennent au Seigneur pleins de joie parce que les démons mêmes leur étaient assujettis. Le Seigneur leur répond qu’Il contemplait « Satan tombant du ciel comme un éclair ». Quelqu’un pourrait opposer ces paroles de l’évangile à celles qui décrivent comme encore future la chute de Satan dans l’Apocalypse. Mais ce serait là évidemment une fausse interprétation des Écritures. Il nous faut toujours demeurer convaincus que la Bible s’accorde avec elle-même : il y a ignorance ou incrédulité lorsqu’on présente un passage de la Parole de Dieu comme étant en contradiction avec un autre. Il doit être évident, je crois, pour un esprit impartial, que la chute de Satan dans la prophétie est un événement futur qui précède de trois ans et demi (de quelque manière qu’il faille les comprendre) la destruction de la bête et l’enchaînement de Satan. C’est donc une chute qui, au moins du temps de saint Jean, était encore future. Il fallait que la conséquence immédiate fût une affreuse persécution contre la femme et sa semence. Nous avons, de plus, présenté diverses considérations qui, à notre avis, démontrent clairement que les événements dont nous venons de parler sont précédés de l’enlèvement de l’Église. Nos lecteurs doivent se rappeler que c’est la conclusion que j’ai tirée uniformément de tous les premiers chapitres, 4 à 11 ; de sorte que la chute de Satan dont il est ici question se trouve être un événement postérieur à celui de l’enlèvement au ciel des saints glorifiés. Qu’est-ce donc que le Seigneur Jésus Christ peut avoir en vue lorsqu’Il dit : « Je contemplais Satan tombant du ciel comme un éclair » ? En voyant et en entendant ce que les disciples ont opéré en Son nom dans leur service, la vision de la catastrophe de Satan se présente à Ses yeux, et toutes les conséquences de Sa victoire sur l’ennemi sont anticipées dans les premiers gages qui viennent d’en être donnés. Le Seigneur Jésus envisage la crise finale et la chute de l’adversaire, lorsque les disciples Lui rapportent les merveilleux échantillons (si je puis m’exprimer ainsi) qu’ils ont reçu « des puissances du siècle à venir ». C’était le premier grand coup porté par des hommes à la puissance de Satan, c’est pourquoi, dès le commencement de la chose, Jésus en entrevoit la fin, et ainsi dans une sorte de vision contemplative, Il voit l’ennemi précipité du faîte le plus élevé de son usurpation.

Ce n’est pas là une chose rare dans les Écritures. Dans un autre évangile, lorsque les Grecs montent à la fête désirant voir Jésus, que dit-Il ? « L’heure est venue pour que le Fils de l’homme soit glorifié ». Il allait rencontrer la croix et la mort, et cependant Il déclare que l’heure était venue pour qu’Il fût glorifié. Comment cela ? Si vous prenez ce passage dans un sens purement littéral, vous en perdez, ce me semble, toute la force. Jésus voit dans les Grecs qui se trouvaient devant Lui le rassemblement des Gentils ; et Il savait parfaitement bien que ce n’étaient que Sa croix et Sa gloire dans les cieux qui les attireraient. De sorte qu’Il embrasse d’un seul regard toute la scène qui est placée devant Lui, car Il devait encore accomplir la rédemption et monter en haut. Mais à cause de ce faible gage qu’Il vient de recevoir, Il rattache tout à Sa glorification et en parle comme d’une chose actuelle. Ailleurs, lorsque Judas fut sorti et que le Seigneur Jésus Christ répéta des paroles à peu près semblables c’est, je présume, d’après le même principe (Jean 13, 31). En Apocalypse 5, 13, nous avons vu quelque chose d’analogue. Un mouvement sensible se produit dans la vision qui affecte l’univers entier, lorsque l’Agneau prend le livre scellé des sept sceaux. Ce ne sont pas seulement les créatures vivantes qui se prosternent, les anciens qui entonnent un nouveau cantique et les myriades d’anges qui font entendre une puissante voix de louanges ; mais un chœur est formé par la création tout entière. « Et j’entendis toute créature qui est dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, et les choses qui sont sur la mer et toutes les choses qui sont en eux, disant : À celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et force aux siècles des siècles ! ». C’est comme si l’on eût fait sonner une note qui ne devait cesser de vibrer que lorsque les bouts les plus reculés de la création auront été remplis de la gloire de Dieu et de l’Agneau. Mais c’est le temps de la pleine bénédiction qui est ici anticipé ; ces accents répétés d’adoration et de joie sont produits par le fait que l’Agneau vient de recevoir le livre de l’héritage. Après cela a lieu l’ouverture des sceaux, ce qui n’est que le prélude des jugements derniers, jugements qui doivent toujours redoubler d’intensité jusqu’à ce que Christ Lui-même vienne exécuter la colère (Apoc. 19) ; et c’est après tout cela seulement qu’apparaît la gloire et que peuvent être réalisées ces anticipations (chap. 21 et 22). Pourtant, dès le premier anneau de cette chaîne d’événements, la fin en est saluée. C’est là la pensée de Christ, de même que dans le dixième de Luc. Le Seigneur ne fait pas allusion à la chute de Satan comme à un fait déjà accompli, mais à travers ce qui se présente réellement à Lui, Il envisage sa future et plus complète humiliation qui nous est dépeinte ici. Cette chute de Satan elle-même n’est nullement la dernière preuve de la puissance de Dieu contre l’ennemi. Jusque-là pour ainsi dire, aucune atteinte n’a été portée à Satan, sauf pour la foi. Il est vrai que dans la croix de Christ, il a été jugé en principe (Jean 12, 31) ; mais de fait il n’a pas encore été renversé de son trône sur le monde. Sans nul doute, l’œuvre de Dieu, en vertu de laquelle il doit être chassé du ciel, a été achevée à la croix, de sorte que pour que la chose s’effectue, ce n’est plus qu’une question de temps et de la volonté de Dieu. D’abord, Satan perd la portion céleste de la puissance qu’il a usurpée. Ensuite, il descend sur la terre en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps. Cela nous amène au chapitre 13 où nous avons le détail des actions de Satan ici-bas, savoir sur la mer et sur la terre, la mer, comme nous l’avons déjà dit, étant le symbole de ce qui est sans gouvernement établi, et la terre représentant cette partie du monde qui jouit d’un ordre reconnu. Les deux choses réunies composent le monde comme un tout, ou une sphère donnée du monde, quelle que soit sa condition.

Le prophète[24], est-il dit, se tenait sur le sable de la mer. Plus loin, au chapitre 17, il est transporté par l’Esprit dans le désert, et plus tard encore (chap. 21), sur une grande et haute montagne. Ici, comme partout ailleurs, la situation est en rapport avec le sujet présenté. « Je me tins sur le sable de la mer ». La raison est évidente ; Jean va voir une grande bête monter de la mer et, par conséquent il prend dans la vision une place qui convient. « Et je vis monter de la mer une bête ». Il faut vous rappeler que ces visions sont comme un grand panorama qui passe sous les yeux du prophète. La signification des symboles employés est ce que nous avons à découvrir par l’enseignement du Saint Esprit. La mer nous présente une foule de peuples dans un état de confusion, des peuples dans une agitation semblable à celle des vagues de l’océan. En un mot, la mer nous montre les hommes dans une condition révolutionnaire. Et c’est de cette anarchie et de cette confusion que surgit une puissance impériale. Cette puissance est appelée « la Bête ». La même chose nous apparaît en Daniel 7, mais avec cette différence, que le prophète juif voit quatre bêtes sortir successivement de la mer, et non pas une seulement, comme c’est le cas au commencement du chapitre 13 de l’Apocalypse. La première bête était comme un lion, la seconde comme un ours, la troisième comme un léopard, et la quatrième toute différente des autres. Et avant que l’interprétation fût donnée, voici comme le Fils de l’homme venant sur les nuées des cieux, en contraste avec ces puissances qui sortent de la mer agitée. C’est un royaume dont l’origine est céleste et un royaume qui doit exercer la puissance de Dieu sur la terre dans la personne du Seigneur comme Fils de l’homme ; ainsi l’autorité ne demeurera pas entre les mains de ces bêtes féroces. Le fait que ces bêtes s’élèvent de la mer sur laquelle viennent de se lever les quatre vents des cieux, symbolise probablement le bouleversement des peuples qui précéda la formation des quatre grands empires. Il est intéressant de remarquer que la fondation de ces états, qui plus tard appartinrent à la puissance impériale, eut lieu à peu près au même temps. Ils surgirent de l’obscurité et du chaos politique presque simultanément ; Dieu dans Sa souveraineté, donna successivement puissance à chacun : d’abord, aux Babyloniens : puis, aux Médo-Perses ; ensuite, aux Grecs ou Macédoniens, et en dernier lieu aux Romains. Jean ne voit qu’une bête monter de la mer. La mer, symbole de l’état agité des nations, existe dans la vision de l’apôtre et il en voit aussi sortir la quatrième et dernière bête du prophète Daniel. Les trois premières bêtes avaient eu leur temps et elles avaient disparu ; la quatrième ou l’empire romain avait suivi et était alors revêtue de toute la puissance, car précisément à cette époque c’était par l’autorité de cette bête romaine que Jean se trouvait relégué dans l’île de Patmos. Il paraîtrait que ce que Jean voit ici, c’est le dernier effort de puissance de la bête, précédant sa destruction ; mais ce qui doit se passer entre sa première apparition comme empire et sa réapparition n’est pas relaté ici. D’après la description qui nous est faite, nous ne pouvons douter qu’il soit question de l’empire romain. Il nous est parlé d’une « bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes », les mêmes choses qui nous sont rapportées de Satan (chap. 12, 3) alors qu’il est envisagé comme possédant la puissance du monde. Nous nous rappelons tous probablement ce qu’il dit au Seigneur Jésus en Lui montrant tous les royaumes du monde : « Je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été donnée et je la donne à qui je veux » (Luc 4, 6). Maintenant il en fait don ici à la bête romaine. Satan était évidemment un usurpateur, mais il est de fait le prince de ce monde, et comme tel il a sept têtes et dix cornes. Dans son caractère de Satan, il ne se présente pas ouvertement aux hommes ; il lui faut un agent ou un représentant ; il se déguise et agit par le moyen d’un autre en se choisissant un instrument parmi les hommes. Dieu avait aussi trouvé bon d’agir d’une manière semblable pour accomplir Ses précieux desseins de grâce. Satan le fait également ; — terrible contrefaçon en malice de la bonté de Dieu en Christ ! L’agent duquel il est parlé et dont le diable se sert pour accomplir son œuvre est l’empire romain dans sa dernière phase. L’ennemi profita de la convoitise de l’homme pour la puissance, car dans ce monde c’est la puissance qui est l’objet de l’ambition. Ici nous avons un grand pouvoir impérial qui dans l’origine avait été reconnu de Dieu. En tant que sortant seulement de la mer, Dieu aurait pu encore le reconnaître ; mais, du moment qu’il est dit s’élever de l’abîme, sa source n’est plus aucunement providentielle, mais expressément de l’ennemi.

Outre ces sept têtes et ces dix cornes, il a sur ces dernières dix couronnes. Qu’il me soit permis d’ajouter ici que les cornes doivent, je n’en doute pas, être citées avant les têtes, ayant « dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème » (v. 1). Ce n’est pas que nous attachions une importance exagérée à un tel ordre, mais nous croyons seulement qu’il est toujours bon de demeurer dans le vrai : les deux membres de phrase qui terminent le verset sont d’accord pour mettre les cornes en premier lieu ; peut-être est-ce parce que la bête est envisagée ici comme exerçant de fait sa puissance, tandis que Satan ne la possède que virtuellement. C’est le blasphème, et non pas simplement le paganisme, qui caractérise ses tètes.

« Et la bête que je vis était semblable à un léopard ». C’était là la principale ressemblance de son corps, et cela a trait à l’empire macédonien que sa rapidité dans les conquêtes rendit si remarquable. « Ses pieds étaient comme les pieds d’un ours » — allusion à la domination perse, attestant une grande ténacité de prise ; « et sa bouche était comme la bouche d’un lion » — image de sa voracité, comme dans la royauté et toute la carrière de Nebucadnetsar. C’est ainsi que l’empire romain, dans sa dernière phase du moins, doit réunir les différents caractères des monarchies précédentes. Et telle a bien été effectivement la politique habituelle des Romains. Ils ne cherchaient pas à détruire les principes qu’ils découvraient chez les différentes nations qu’ils soumettaient ; ils essayaient plutôt d’introduire dans leur propre système les principes qui avaient pu contribuer à la puissance des nations qu’ils s’étaient assujetties. Ils n’imposaient point leurs coutumes aux autres, mais cultivaient tout ce qu’ils jugeaient avantageux, et le tournaient à leur propre profit. De même ici, cette bête réunit les caractères de puissance qui avaient donné de l’importance aux précédentes monarchies impériales.

Il se trouve pourtant une différence notable entre celle-ci et les autres et cela dans l’origine de son existence. « Le dragon lui donna sa puissance et son trône et un grand pouvoir » (v. 2). Cette distinction importante est subséquente à la chute de Satan auquel il faut un moyen, ou un intermédiaire, pour agir d’une manière universelle sur les hommes et au centre de la civilisation et de l’activité du monde, durant le court espace de temps pendant lequel il lui est permis de faire sa volonté sur la terre. Et à cause de cela, il donne à la bête romaine, qui tenait déjà de la providence de Dieu l’autorité impériale, sa propre puissance de dragon. Jusque-là une telle chose ne s’était pas vue sur la terre, du moins dans son sens absolu — l’union de l’autorité impériale et de toute l’énergie satanique. Mais le prophète voit encore autre chose en rapport avec cet événement : « Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort et sa plaie mortelle fut guérie et toute la terre était dans l’admiration de la bête » (v. 3). Je suis porté à croire que cette tête blessée était la forme impériale de gouvernement (comp. chap. 17, 10), les têtes, qui étaient, comme nous l’avons vu, en rapport avec le dragon (chap. 12, 3) aussi bien qu’avec la bête, représentant les diverses formes de puissance qui ont existé successivement. Une d’entre elles devait être blessée à mort, mais au même moment elle devait être vivifiée par un ministère satanique. Tout le monde est dans l’étonnement, et cela n’est point étrange. La réapparition de l’empire romain, avec une splendeur de beaucoup supérieure à celle dont il brilla jadis, surprendra excessivement l’univers entier.

Et maintenant si nous jetons un regard sur Daniel, nous y trouvons un fait remarquable en rapport avec l’état de division de cet empire à la fin, et en rapport aussi avec les divisions qu’il subit après avoir cessé d’exister comme empire. La statue du deuxième chapitre de Daniel a des pieds « en partie de fer, en partie de terre ». Par conséquent il y a de la faiblesse. Le métal représente l’élément romain original dans sa force, tandis que la terre est un élément étranger qui cause de la faiblesse en cherchant à se mélanger au fer. « Mais ce que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier, c’est qu’ils se mêleront par semence humaine, mais ils ne se joindront point l’un avec l’autre ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre » (v. 43). Cela explique exactement l’état de choses existant dans l’Europe occidentale. L’histoire de cette partie du monde a été complètement changée par les invasions des barbares au cinquième siècle environ après Jésus Christ. Il fut un temps où un pouvoir vaste et solidement établi — le pouvoir de fer de Rome — exerçait une domination universelle et incontestée. Mais à l’époque dont nous venons de parler, des multitudes de hordes barbares, arrivées à la fois du nord et de l’est, fondirent sur l’empire et l’assaillirent presque sur tous les points : il tomba. Mais, quelque puissants que fussent ces barbares, ils ne purent établir que de petits royaumes séparés ; et depuis, aucune main n’a été capable de rassembler ces fragments épars pour les unir solidement de nouveau. Il n’y a pourtant pas eu manque de volonté ; au contraire, toutes sortes de moyens ont été essayés ; parfois l’épée, d’autres fois la politique, ou bien des mariages entre ces différentes nations ; mais tous ces efforts ont été faits en vain, et ainsi les choses sont demeurées sous l’arrangement providentiel de Dieu. Il n’y a pas eu reconstitution de l’unité, de sorte que l’expression dominante et favorite de la politique a été et sera encore « l’équilibre du pouvoir » ; ce qui signifie réellement qu’une distance respectueuse est gardée entre les membres épars de ce qui fut jadis un corps. Des jalousies réciproques et un esprit d’indépendance chez tous ont toujours fait efficacement obstacle à leur réunion. La tendance ordinaire a toujours été d’arrêter ou de prévenir la prépondérance d’une nation sur les autres par la formation de petits états entre les états plus puissants. Mais quoique cette blessure semblât être mortelle, elle fut pourtant guérie : « et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort et sa plaie mortelle fut guérie ». C’est-à-dire, qu’à l’époque dont parle la vision, l’empire romain doit de nouveau être consolidé, mais non pas comme précédemment sous la bonne main de Dieu qui contrôlait tout, quelles que fussent les voies de certains empereurs ; mais tout est abandonné alors à la volonté de la Bête comme instrument immédiat de Satan. Satan ne peut accuser plus longtemps les saints devant Dieu, mais il est à l’œuvre sur la terre pour faire blasphémer ouvertement contre Lui. Et cela se produit d’abord au moyen de l’influence politique. L’empire romain est réorganisé, la puissance impériale ravivée, et au-dessus se trouve une tête qui rassemble tout sous son contrôle ; de sorte que le monde entier est dans l’admiration de la Bête à laquelle le dragon a remis sa puissance, son trône et son autorité. Mais nous voyons plus que cela dans le verset suivant ; il nous apprend ceci, c’est qu’« ils rendirent hommage au dragon parce qu’il avait donné pouvoir à la Bête, disant : Qui est semblable à la Bête et qui peut combattre contre elle ? » (v. 4).

Combien l’homme est inconstant et léger ! Un état d’anarchie avait sûrement précédé, et la bête en surgissant devient un objet d’étonnement et d’adoration pour l’homme fatigué de l’agitation et des luttes antérieures. Quelque chose d’analogue s’est produit dans un pays voisin[25]. Les hommes y étaient tout brisés et bouleversés par une révolution qu’aucune borne ne retenait et qui, par conséquent, remplissait les esprits d’anxiété et d’angoisse. Qu’en résulta-t-il ? Une main puissante s’empara des rênes avec un despotisme militaire, une puissance quasi-impériale. Ce qui s’est opéré ainsi sur une petite échelle, parce qu’il ne s’agissait que d’une nation, se produira bientôt dans toutes les parties occidentales de l’Europe. Et ainsi les hommes ne dirigeront plus les choses eux-mêmes, mais un chef vigoureux prendra en main le gouvernement ; ce ne sera pas simplement la main d’un homme, mais plutôt la puissance du dragon. Dieu lui permettra de faire sa propre volonté, et pour un peu de temps il déploiera au plus haut degré toute son énergie dans le mal, Ainsi, à côté des gouvernements distincts, et des chefs qui régneront sur leurs pays respectifs, il y aura unité impériale sous un grand chef qui disposera, lui, de la puissance des autres et sera souverain sur tous. Alors seront réalisés les désirs et les rêves de l’homme qui n’ont été jusqu’ici que de vaines chimères.

Il existe dans une des premières épîtres un passage sur lequel je voudrais faire une courte remarque ; ce passage est en rapport avec ce qui a empêché et empêche encore le développement de ce mal et de bien d’autres aussi. Il se trouve en 2 Thessaloniciens 2, 6, 7. « Et maintenant, vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité se met déjà en train ; seulement celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique ». Dieu place un empêchement ou une entrave au développement de l’iniquité du monde. Et j’ai la pensée que le Saint Esprit habitant dans l’Église, est ce dont il est fait mention dans ces mots : « Celui qui retient maintenant ». Toutefois après l’enlèvement de l’Église, Dieu aura encore un témoignage ici-bas, quoique d’un caractère différent, et Satan sera encore, pour un temps, du moins, retenu dans une certaine dépendance. Cette entrave mise à l’action de l’ennemi sera maintenue par l’opération du Saint Esprit d’une manière providentielle. Lorsque cette dispensation de Dieu prendra fin, le Saint Esprit ne retiendra plus et ne sera plus vu comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre, c’est-à-dire que la puissance que le Saint Esprit exerce maintenant, non pas seulement dans l’Église, mais aussi sur le monde, ne se déploiera plus alors pour tenir Satan en échec. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». On ignore généralement ce dont on est redevable à une telle entrave mise à l’activité de Satan. Mais le temps viendra où il ne sera plus sous aucune contrainte, et il agira alors sur la terre selon tous ses désirs. Un personnage sera, par lui, placé comme chef, et les hommes seront charmés d’une telle puissance d’énergie exercée ainsi, sans conscience envers Dieu — charmés de la tranquillité relative qui résultera du fait qu’il y aura quelqu’un élevé en dignité et autorité souveraine sur tous. En un mot ils auront, sous plusieurs rapports, ce qui convient à l’orgueil et à l’idolâtrie du cœur. Les hommes comme les enfants, sont toujours mécontents de leurs plans et même de leurs succès. De plus, ayant rejeté l’amour de la vérité, ils sont tout prêts à se laisser prendre par les embûches que Satan place devant eux. De sorte qu’après avoir passé à travers un orage de révolutions, ils seront tout joyeux de se prosterner pour adorer la bête et le dragon qui a remis son autorité et sa puissance à la bête. Mais en outre, le caractère du culte rendu à la bête différera de celui de l’idolâtrie ordinaire. On ne l’adorera pas en rendant également hommage à beaucoup d’autres dieux et d’autres seigneurs comme autrefois les païens, mais il y aura rejet absolu de tout dieu au-dessus de celui qu’ils adoreront comme tel sur la terre. Cette misérable créature qui est l’habitation de Satan sera l’objet de l’adoration à laquelle le dragon participera aussi.

« Et il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses et des blasphèmes ; et le pouvoir d’agir quarante-deux mois lui fut donné ». Personne, je suppose, ne met en doute le rapport qui existe entre ceci et le chapitre 7 de Daniel. C’est le même langage qu’on entend, et il s’applique à la même époque. Si nous examinons ce chapitre, nous découvrons que les pensées que je viens d’exposer y sont confirmées. Il est dit en Daniel 7, 7 que la quatrième bête différait, quant à la puissance, de toutes celles qui l’avaient précédée. « Elle avait dix cornes. Je considérais ces cornes et voici une autre petite corne » (v. 8). Il n’y a rien de cela dans l’Apocalypse ; la petite corne n’y est pas mentionnée comme telle. Mais ce n’est pas tout. Devant le prophète « trois des premières cornes furent arrachées par elle », et elle prend possession du terrain de trois, de sorte que des dix il n’en reste plus que sept. « Il y avait en cette corne des yeux semblables aux yeux d’un homme » — symbole de l’intelligence « et une bouche qui disait de grandes choses », c’est-à-dire des paroles pleines d’orgueil et de blasphème contre Dieu (comp. le v. 25). C’est là ce qui amène le jugement de Dieu : non pas assurément le jugement du grand trône blanc où comparaissent les morts, mais bien le jugement des vivants et du monde habitable. C’est pourquoi il est écrit au verset 11 : « Je regardais à cause de la voix des grandes paroles que cette corne proférait ; je regardais donc jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». Maintenant remarquez que la différence qui existe entre la prophétie de Daniel et celle de Jean, c’est que, ce que le premier dit de la petite corne, le second le dit de la bête (comparez Apoc. 13, 5, 6 avec Dan. 7, 8 et 25). En voici la raison : Jean nous parle du caractère ou du principe, tandis que Daniel fournit le détail des faits historiques. Dix rois devaient surgir de l’empire romain, mais trois d’entre eux devaient disparaître devant la force ou la fraude d’un nouveau, la petite corne — puissance obscure à son origine mais qui arrivait à la possession de trois royaumes et devenait alors réellement la directrice de tous les autres. Dans l’Apocalypse, où il est supposé naturellement que les traits qui ont été fournis par Daniel sont déjà connus, le Saint Esprit ne revient pas sur les faits historiques et Il parle de l’empereur et de l’empire comme n’étant qu’un.

Je suis tenu de reconnaître « les puissances établies », mais lorsque Satan donne son autorité à la bête l’affaire est tout autre. Nous ne devons aucune déférence à Satan. De fait, c’est lui qui conduit la bête dans toutes les horribles profondeurs du péché. Car la bête « ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu pour blasphémer son nom et son habitation et ceux qui habitent au ciel » (v. 6). L’empire romain est, si je puis employer une telle figure, comme le chariot dans lequel se promène ce cavalier furieux.

Mais, jetons encore un coup d’œil sur Daniel 7. « J’avais regardé comme cette corne faisait la guerre contre les saints et les surmontait (v. 21)… Il proférera des paroles contre le Souverain et détruira les saints du Souverain et pensera de pouvoir changer les temps et la loi ; et ils seront livrés en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps ». C’est la même période de quarante-deux mois dont il est question en Apocalypse 13 : — « un temps » signifiant une année, « des temps » deux années, et « la moitié d’un temps » une demi-année. Je n’ai pas le moindre doute que la puissance appelée par Daniel « la petite corne » soit celle qui nous apparaît dans notre chapitre comme la Bête. Là, elle a le nom de « corne » parce que Daniel nous présente la succession progressive de l’histoire et ajoute le côté spécial juif, la circonstance que les temps et les lois sont livrés en sa main ; tandis qu’ici, nous apparaissant comme possédant toute la puissance et l’autorité du système impérial, elle est appelée « la Bête ». « Elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu pour blasphémer son nom et son habitation et ceux qui habitent au ciel ». C’était là le grand but de Satan dont la bête n’est que l’organe. C’est du ciel qu’il a été précipité, et le Dieu des cieux et ceux aussi qui y sont en relation avec Lui deviennent particulièrement odieux à Satan et à son orgueilleux représentant. « Ceux qui habitent dans les cieux » leur sont insupportables. Aujourd’hui même, rien ne bouleverse autant le monde que cela. Ce n’est pas qu’il déteste toujours la piété lorsqu’elle se rapporte aux choses d’ici-bas ; par exemple, dans une certaine mesure, l’homme apprécie l’amour car il peut y trouver son propre avantage. Mais du moment où il s’agit d’une piété qui ne s’occupe pas des choses de la terre — non pas simplement qui rejette les choses mauvaises, car cela encore pourrait être compris, mais qui rejette les meilleures œuvres de l’homme naturel lorsqu’il s’efforce d’être religieux et d’honorer Dieu à sa manière, je le répète, rien n’excite autant que cela la haine des hommes, déjà maintenant, et à combien plus forte raison dans le jour à venir. Car lorsque Satan aura perdu sa puissance et sa place dans les cieux et qu’il ne pourra plus agir que sur la terre, la pensée d’un état de bénédiction dans les lieux célestes lui sera insupportable. Il cherchera à persuader les hommes que la Bête est Dieu, et il prendra, je suppose, avantage des prophéties de l’Écriture pour leur faire croire que le temps de la bénédiction est arrivé, que de nouveau Dieu habite sur la terre, et qu’il ne reste plus qu’à jouir des délices qui s’y trouvent et de ces temps où Dieu a promis de disperser ses ennemis. Satan cherchera à reporter la date de ces événements à sa propre époque, et cela en mettant Dieu complètement en dehors, sachant pourtant ce qui est prêt à arriver et quels sont les tourments qui l’attendent quand ce jour sera là. Il s’efforcera de tirer profit des promesses mêmes de Dieu, pour abuser les hommes au point de leur faire croire que ces temps d’iniquité, sans pareils, sont les jours du règne des cieux sur la terre. Les temps décrits dans les chapitres que nous étudions sont ceux durant lesquels la conscience sera complètement cautérisée quant à Dieu ; et ce qui se passa sur une petite échelle dans l’histoire de Pharaon se vérifiera alors dans toute la chrétienté qui sera abandonnée à un endurcissement dont la fin sera la destruction. C’est là précisément ce que l’Esprit nous enseigne (2 Thess. 2, 11, 12) devoir se passer lorsque Dieu, irrité contre ce monde à cause de son rejet de la vérité, permettra que l’homme conjointement avec Satan se lance dans tout le débordement du mal. « Et à cause de cela Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité mais qui ont pris plaisir à l’injustice ». Je suis fermement convaincu que non seulement Dieu sera juste en agissant ainsi, mais, qu’en outre, la justice de Ses voies sera pleinement reconnue de toute âme soumise à Sa Parole.

Nous avons donc ici les moyens que Satan emploie pour l’accomplissement de ses desseins. Il a donné sa vaste puissance à la bête et il veut ensuite qu’elle devienne un objet d’adoration. « Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Et il lui fut donné pouvoir sur toute tribu et peuple et langue et nation. Et tous ceux qui habitent sur la terre dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, au livre de vie de l’Agneau immolé lui rendront hommage » (v. 7, 8). Ici nous trouvons la même distinction à laquelle j’ai déjà fait allusion. « Tous ceux qui habitent sur la terre » forment une catégorie pire que les tribus, peuples, langues et nations, parce que ce sont ceux qui ayant complètement abandonné le ciel et les espérances célestes, se sont pleinement livrés à l’énergie d’erreur du dernier jour. Pour ce qui regarde « toute tribu et peuple et langue et nation », autorité a été donnée à la bête sur eux ; mais « ceux qui habitent sur la terre » sont soumis entièrement à la bête et à son influence maligne. « Tous ceux qui habitent sur la terre lui rendront hommage ». Cela n’a pas été dit des autres, mais quant à ceux-ci ils se sont totalement livrés à la puissance satanique. Certaines traductions présentent ainsi le passage suivant : « Tous ceux qui habitent sur la terre dont les noms ne sont point écrits au livre de vie de l’Agneau immolé dès la fondation du monde », et quelques personnes en ont conclu que l’Agneau avait été immolé dès la fondation du monde, rapportant cela au conseil de Dieu comme en 1 Pierre 1, 19, 20. Mais la pensée de Dieu n’est nullement celle-là. L’interprétation véritable ou plutôt la lecture exacte de ce passage doit être celle-ci : « dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, au livre de l’Agneau immolé » : car en comparant ce verset avec le huitième du chapitre 17 de l’Apocalypse, nous trouvons que l’Esprit a omis quelques mots dont l’absence rend parfaitement clair le reste du verset, nous montrant ainsi avec quel membre de phrase le rapport doit être établi. « Ceux qui habitent sur la terre dont le nom n’est pas écrit, dès la fondation du monde, au livre de vie ». Le Saint Esprit ne répète pas « l’Agneau immolé » mais Il place les mots de « dès la fondation du monde » immédiatement après ceux de « écrits au livre de vie ». Le langage de Pierre, etc. (1 Pier. 1, 20), où il parle du Seigneur Jésus comme d’un agneau sans défaut et sans tache « préconnu dès avant la fondation du monde », a une tout autre portée.

Après cela viennent de solennelles paroles d’avertissement sur lesquelles je ne compte pas m’arrêter longtemps : « Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue avec l’épée il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints » (v. 9, 10). La maxime qui vient d’être posée est vraie pour tous, pour la bête même. Si elle a conduit en captivité, elle aussi y sera envoyée, ou plutôt il lui arrivera quelque chose de pire. Si elle a mis à mort au moyen de l’épée, elle aussi sera tuée par l’épée. Mais ces paroles sont placées là pour enseigner aux saints quelle doit être leur conduite dans des circonstances où ils pourraient naturellement (en voyant la méchanceté de la bête unie au dragon) se croire autorisés à lui opposer résistance. Et c’est là, je crois, la raison pour laquelle cela est dit, afin que nul saint ne soit tenté d’oublier sa place ou la suprématie de Dieu et Son jugement assuré. Leur affaire n’est pas de s’armer pour leur propre défense. S’ils agissaient ainsi, quel en serait le résultat ? Dieu, dans ce cas même, quel que soit le caractère de ceux qui ont agi ainsi, quel que soit même celui de la bête, Dieu, dis-je, maintiendrait Ses principes. Chacun recevra selon ce qu’il a voulu infliger. C’est là la loi du gouvernement rémunérateur de Dieu. L’apôtre Paul en Éphésiens 6 ne se fait pas scrupule de tenir le même langage que la loi, quand il s’agit de l’honneur dû aux parents : « Honore ton père et ta mère… afin que bien te soit et que tu jouisses de longue vie sur la terre ». Sûrement son intention n’est pas de proposer aux chrétiens comme récompense de devoirs accomplis envers des parents, une longue vie sur la terre. Mais c’était un principe posé par Dieu, et l’apôtre y faisant allusion veut seulement montrer que, même sous la loi, une bénédiction particulière se rattachait à l’accomplissement de cet ordre. C’était le premier commandement avec promesse. De même ici, l’Esprit de Dieu pose un principe général, vrai en tout temps et applicable également aux ennemis et aux amis. « Si quelqu’un », etc. — n’importe qui. Un chrétien quelconque est dans une position fausse lorsqu’il occupe une place de puissance dans ce monde. Ce qui rend la chose d’autant plus remarquable dans notre passage, c’est que les saints dont il est question sont Juifs et qu’eux, plus que tout autre, pourraient se croire autorisés à résister de tout leur pouvoir. Entendant la bête prononcer d’affreux blasphèmes, et se voyant de sa part les objets de cruelles persécutions, ils auraient pu dire : « Sûrement nous sommes autorisés à nous lever pour la défense de notre religion et de nos vies ». — « Non », dit le Seigneur, « si quelqu’un a des oreilles qu’il écoute… Si quelqu’un tue avec l’épée il faut qu’il soit tué par l’épée ». Si Dieu laisse la Bête agir pour un peu de temps selon sa propre volonté, à quoi sommes-nous appelés ? « C’est ici la patience et la foi des saints » — foi quant à Dieu, et patience pour ce qui regarde l’ennemi ; et ainsi il sera rendu d’autant plus évident que Dieu intervient en faveur de ceux qui ont souffert pour Son nom. Et si cet état de foi et de patience convient aux saints juifs dont la vocation est terrestre, combien plus doit-il nous appartenir à nous qui en avons une céleste (conf. Matt. 26, 52).

Notre grande affaire, après notre jouissance de Christ et l’appréciation de Son amour, devrait être de cultiver ce qui est selon Sa volonté, de manière à rendre un témoignage vrai de ce qu’Il est et de ce qu’Il a fait pour nous. Nous ne sommes pas du monde, et du moment où nous nous rejetons sur les ressources de la nature, ou sur notre puissance, notre influence ou notre autorité personnelle, nous quittons le terrain chrétien. Quant à nos rapports de famille, il est parfaitement bien d’agir selon notre place d’autorité ; et même la bénédiction de Dieu ne peut reposer sur ceux qui ne se maintiennent pas dans les relations dans lesquelles Dieu les a placés, soit comme père ou comme enfant, comme mari ou comme femme. Les affections, quelle que soit leur importance, ne sont pas l’unique chose à considérer. Dieu veut être respecté par une soumission à l’ordre qu’Il établit et sanctionne. Ce sont là des choses qui ne sont pas changées ou dérangées par notre position céleste ; bien au contraire, elle nous donne plutôt l’occasion de manifester que nous possédons en Christ une nouvelle puissance pour chaque relation légitime. Mais, agir comme ayant nos intérêts dans ce monde, est une chose tout autre et qui ne regarde nullement le chrétien dont l’affaire est plutôt de passer légèrement là-dessus comme ayant la connaissance que sa portion est avec Dieu dans le ciel. Le Seigneur Jésus Christ va venir pour juger le monde que Dieu tient comme coupable du sang de Son Fils et mûrissant maintenant pour le jugement. Si nous gardions habituellement cette vérité devant nos âmes, nous serions préservés de bien des choses par lesquelles nous déshonorons le Seigneur comme chrétiens.

Que le Seigneur veuille se servir de tout ce que nous apprenons pour le bien de nos âmes, afin que nous soyons complètement séparés de tout ce qui doit prendre fin d’une manière aussi épouvantable. La conduite extérieure ne suffit pas. L’Église est considérée comme ayant la pensée de Christ, et nous sommes responsables envers Dieu de nous garder de ces pièges et de ces moyens que Satan met secrètement en exercice maintenant afin de faire éclater ensuite tout ce mal. Il agit envers nous avec beaucoup plus de subtilité qu’envers le monde. Puissions-nous ne jamais oublier ce que Dieu est pour nous, et cela à cause de ce que nécessite Sa gloire. C’est maintenant que nous possédons la meilleure occasion d’être fidèles pour Christ. Ce serait en vain que nous regarderions aux autres, nous figurant que la chose nous serait plus facile dans leurs circonstances. Dieu est suffisant pour les difficultés de notre position actuelle, et Il ne manque pas de donner la force lorsqu’on s’attend à Lui. La seule raison pour laquelle nous grossissons la difficulté de nos circonstances, c’est parce que notre œil n’est pas simple envers Christ. Lorsque nous Le voyons en toutes choses, le danger, les difficultés, la tentation, tout disparaît.

L’apparition de la seconde bête diffère grandement de l’apparition de celle que nous avons déjà étudiée. La première était vue sortant de la mer, mais voici ce que nous lisons de celle qui se présente à nous dans le verset 11 : « Et je vis une autre bête monter de la terre ». Nous avons eu occasion de remarquer constamment en parcourant le livre de l’Apocalypse que la terre est le symbole de ce qui, politiquement, se trouve dans un ordre établi et reconnu — c’est proprement la scène du témoignage et des voies de Dieu aussi bien que d’un gouvernement humain établi. Elle peut abuser de ses privilèges ; comme aussi elle peut tomber dans un état effrayant de ténèbres morales, car c’est justement là où quelque bénédiction est confiée que se trouve le danger de la corruption et de l’apostasie. La mer est, au contraire, cette partie du monde qui est dans un état révolutionnaire ou de désorganisation. Si nous examinons la chose au point de vue chronologique, nous pourrons en conclure aussi que l’apparition de la seconde bête est subséquente à celle de la première. Lorsque le monstre a sept têtes paraît, tout se trouve dans un état d’agitation ; mais lorsque nous voyons venir la seconde bête, les choses sont arrangées et consolidées d’une certaine façon. Aussi, est-ce maintenant de la terre qu’il est question ; il ne s’agit plus des eaux, scène tourmentée de tous les vents. Le personnage annoncé comme montant de la terre n’est pas un simple particulier. C’est un pouvoir politique, oppresseur, qui agit sans conscience envers Dieu — une bête[26]. Il se peut, et je ne doute pas qu’il en soit ainsi, qu’un individu particulier exerce la puissance, comme cela a été le cas avec la première bête ; mais l’expression, « la bête », n’implique pas l’idée d’un individu comme tel, mais bien celle d’une puissance impériale environnée parfois de satellites qui lui sont assujetties. Il est évident, en outre, que cette bête est d’un caractère très extraordinaire, car ce qui la signale c’est une ressemblance ou plutôt une imitation du Seigneur Jésus Christ. « Elle avait deux cornes semblables à un agneau ». Le Seigneur, ainsi que nous avons dû le remarquer en lisant l’Apocalypse, est souvent désigné comme « l’Agneau ». Assis sur le trône de Dieu ou décrit comme la grande victime sympathisant puissamment avec les souffrances du peuple de Dieu, Il nous est montré comme « un Agneau ». Mais lorsque les saints sortent ici-bas de la position d’étrangers et de rejetés, qui constitue leur lot propre, le Seigneur Jésus cesse aussi d’être symbolisé de cette manière. Il semble honteux de les avouer, aussi se tient-Il à distance et Le voyons-nous comme un ange et non plus comme un agneau. La chose si extraordinaire dans ce passage, c’est que la bête prétend ressembler à Christ. Elle possède deux cornes semblables à un agneau ; c’est-à-dire qu’elle a une certaine prétention de ressembler à Christ dans Son pouvoir officiel. Si une corne est quelquefois employée comme le symbole d’un roi, elle peut aussi signifier simplement la puissance. C’est là le cas lorsqu’il est dit de David « la corne de son oint » etc. ; mais une telle signification est beaucoup plus évidente encore lorsque nous regardons au Seigneur Jésus Christ présenté dans ce livre comme ayant sept cornes et sept yeux. Assurément il ne peut être question de sept rois ; de sorte que, suivant le contexte, les cornes peuvent signifier des rois ou simplement la puissance. En rapport avec la précédente bête, il nous est dit qu’elles représentent des rois ; mais en elles-mêmes elles n’ont pas nécessairement ce sens, et il semble qu’ici elles n’impliquent pas autre chose que la puissance. Il ne s’agit pas d’une perfection de puissance comme dans le cas de l’agneau, mais seulement d’une prétention à la chose ; il y avait deux cornes. L’Esprit de Dieu se plaît à nous montrer au chapitre 17 de ce livre que les dix cornes de la première bête sont dix rois (chap. 17, 12). Jusqu’ici tout est donc clair quant à cette seconde bête. C’est une puissance qui s’élève lorsque tout est extérieurement en ordre et bien organisé ; par conséquent elle apparaît plus tard que la première bête. Mais il y a plus encore : elle s’arroge le pouvoir de Christ car elle a deux cornes semblables à un agneau. Toutefois son langage la trahit — elle parle comme un dragon. C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. Quelle que soit son apparence extérieure, lorsqu’elle exprime les sentiments de son cœur, sa voix est celle d’un dragon. À la précédente bête, le dragon avait donné sa puissance et son autorité, mais ici il y a une ressemblance plus intime avec le dragon ; sa voix en est l’expression. C’est la grande et active puissance du mal au dernier temps, et c’est là la différence qui existe entre ces deux bêtes. La première fait grande parade ; elle enlace les habitants de ce monde par son déploiement de puissance et de gloire. La seconde bête est de beaucoup la plus énergique des deux ; c’est celle qui prend le plus la place de Christ — c’est un faux Christ ou plutôt l’Antichrist, l’expression même de Satan dans son opposition la plus directe à Christ. Lorsque Satan a été vu au chapitre 12 attendant la naissance de l’enfant mâle pour le dévorer aussitôt, il ne nous est pas présenté comme le serpent mais bien comme le dragon. Et ici, pour l’accomplissement de ses derniers desseins, Satan fait parler la bête comme un dragon.

Mais il peut être à la fois utile et intéressant de considérer quelques-uns des passages de l’Écriture qui font allusion à cette seconde bête, car souvent elle est l’objet d’une extrême confusion, et cela n’est point surprenant, car ces bêtes sont si étroitement liées ensemble au dernier jour qu’il est difficile de décider laquelle des deux est l’Antichrist. Le mot d’Antichrist ne se trouve que dans les épîtres de Jean, et c’est là aussi que nous devons faire nos recherches pour connaître toute la portée de ce nom. En 1 Jean 2, c’est aux nouveaux-nés de la famille de Dieu que le Saint Esprit écrit à ce sujet, car il n’est nullement vrai que les jeunes enfants en Christ ne doivent connaître Christ que dans Ses rapports avec leur propre salut. Je suppose que le Saint Esprit s’adresse à eux pour la raison que les embûches et les ruses de l’ennemi étaient tout particulièrement dangereuses pour eux ; car tout en nous préservant du mal, le Seigneur nous donne aussi l’intelligence du danger qui nous menace. La conduite chrétienne ne doit pas, ne peut pas être inintelligente, parce qu’il ne s’agit pas d’un aveugle conduisant un autre aveugle, ni même d’un voyant guidant les pas d’un aveugle, mais bien de quelqu’un qui y voit conduisant quelqu’un dont les yeux aussi sont éclairés. Dieu donne aide et instruction ; mais le Saint Esprit prend un soin tout particulier de prouver que ce n’est pas à leur ignorance mais à leur connaissance de la vérité qu’Il fait appel. « Jeunes enfants c’est la dernière heure ; et comme vous avez entendu que l’Antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Nous apprenons là avec une entière certitude ce qui était à l’œuvre au temps de l’apôtre Jean et ce qui n’a pas cessé de s’accroître depuis, portant jusqu’à ce jour des fruits terribles quoique la pleine récolte (c’est-à-dire l’Antichrist) ne soit pas encore arrivée à maturité complète : « Maintenant aussi, il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Voilà quelle est la preuve — les progrès et le large développement, non pas du bien, comme pensent les hommes, mais du mal si profond de l’antichristianisme : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous, mais c’est afin qu’ils fussent manifestés comme n’étant pas des nôtres ». Quelle chose solennelle ! Les personnes qui manifestent l’esprit de l’Antichrist, sont précisément du nombre de celles qui, à une époque, ont professé le nom de Christ. De fait, il ne pourrait y avoir d’Antichrist s’il n’y avait eu préalablement une profession d’être de Christ. Il faut nécessairement qu’il y ait une vérité quelconque, car Satan ne saurait inventer. Il peut imiter ; il peut corrompre la vérité de Dieu et en faire usage pour l’accomplissement de ses propres desseins ; il peut même lui faire prendre des formes de mal, de manière à donner à ce qui n’est qu’erreur positive une apparence de vérité — « car, aucun mensonge ne vient de la vérité ». Ainsi donc, le grand Antichrist est encore à venir ; mais déjà, à l’époque dont il nous est parlé, il y avait plusieurs antichrists. Et chose solennelle ! ces personnes avaient toutes appartenu extérieurement à la famille de Dieu ; elles avaient pris la place d’enfants quoique pourtant elles n’eussent jamais été réellement des enfants. « Ils sont sortis du milieu de nous mais ils n’étaient pas des nôtres ». Puis le Saint Esprit ajoute : « Qui est le menteur sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? ». Mais il va plus loin. Nier que Jésus soit le Christ c’est le premier caractère ; mais il y a encore de plus grandes abominations. « Celui-là est l’Antichrist qui nie le Père et le Fils ». Voilà donc deux états qui nous sont dépeints. Il y a d’abord le reniement de Jésus comme Messie, dernier degré de cette infidélité qui se manifeste chez tous les Juifs incrédules qui rejettent Christ depuis les jours de saint Jean jusqu’à nos jours. Mais ce qu’il y a de plus effrayant, c’est que ce mal se trouve en ceux qui ont autrefois confessé Jésus comme le Christ. Le conducteur de tout ce mal est appelé un menteur ; et plus encore : il n’est pas seulement un menteur mais aussi un antichrist « qui nie le Père et le Fils ». Jésus était le Messie, mais, en outre, Il était la manifestation du Père. Si je regarde au Messie, comme tel, je ne reconnais pas en Lui le Père d’une manière positive et parfaite. Ce que je puis discerner dans ce titre, c’est le royaume de Dieu et la puissance et la fidélité de ce Dieu envers Son peuple. Toutefois il existe quelque chose d’infiniment plus précieux et béni que le royaume ; car lorsque la pensée de l’existence du Père apparaît, je ne m’élève pas seulement jusqu’à la région de la puissance divine, j’atteins une sphère infiniment plus sainte et plus élevée, celle des affections les plus intimes. Il est évident que ce que nous connaissons de la présence de Dieu maintenant, est quelque chose de beaucoup plus intime que la gloire qu’Il donnera ou manifestera prochainement. Cette gloire dira aux autres quels sont Ses sentiments à notre égard, démontrant l’amour qu’Il a pour nous maintenant. Quant à nous, nous n’avons pas besoin d’attendre le royaume pour le savoir, car par le Saint Esprit nous sommes déjà approchés de Dieu et nous Le connaissons de la manière la plus précieuse en laquelle Il puisse se révéler. Sûrement, lorsque nous serons dans le ciel, nous aurons une connaissance beaucoup plus pure de Son amour, et une jouissance qui ne sera plus interrompue par nos pensées charnelles ou par quelque influence mondaine. Tout empêchement sera ôté — toutes les idoles auront disparu — car un objet quelconque qui se place entre nous et Christ est réellement une idole. Nous serons en dehors et au-dessus de toutes ces choses lorsque nous aurons été recueillis auprès du Seigneur. Mais, pour ce qui regarde l’amour du Père, il est aussi vrai et aussi parfait actuellement qu’il le sera jamais, et, par le Saint Esprit, nous avons déjà le privilège d’en jouir. Nous entrerons plus pleinement dans cet amour alors, mais quant à l’amour lui-même, il n’est en rien différent maintenant.

C’est donc le rejet du Seigneur Jésus, non pas seulement dans Son caractère de Messie mais dans Sa gloire divine comme Fils, qui introduit l’Antichrist. Tout l’amour du Père a éclaté en Christ et le témoignage en a été rendu par le Saint Esprit. Cela comprend la révélation que Dieu a faite de Lui-même tant dans l’économie juive que dans l’économie chrétienne, et cela suppose aussi que le Messie est venu et a été rejeté, mais qu’en outre Il a manifesté toute Sa gloire céleste et divine, car Son existence comme Fils du Père ne se rapporte en rien à la terre. Sa position éternelle de Fils est évidemment quelque chose qui surpasse de beaucoup Ses droits et Son caractère messianiques. Il eût été aussi entièrement le Fils du Père lors même qu’il n’y eût jamais eu de terre, ni de dispensations providentielles. C’étaient là Sa relation et Sa gloire éternelles : et c’est pour cela que le Saint Esprit nous parle du Père lorsqu’Il veut nous amener à toute la plénitude de notre position et de notre bénédiction. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ qui nous a bénis de toute bénédictions spirituelles ». Et où cela ? — Est-ce ici ? — Oh ! du tout. « Dans les lieux célestes en Christ selon qu’Il nous a élus en Lui avant la fondation du monde ». De sorte que le siège de notre bénédiction est complètement en dehors et au-dessus de la scène de cette création inférieure. Et si un homme rejette entièrement cela et le méprise, reniant la gloire du Fils qu’il avait une fois confessée, qu’est-il ? Un antichrist. Ce qu’il fait sur une petite échelle est précisément ce que l’Antichrist fera aussi, seulement sur une plus grande.

Je cite les épîtres de Jean, parce que l’Antichrist y est mentionné, non pas comme une bête, ainsi que cela a lieu dans l’Apocalypse, mais comme étant la fin et le chef de tous ceux qui, ayant une fois appartenu extérieurement à la famille de Dieu, en sont plus tard sortis, abandonnant et niant même la vérité bénie qu’ils avaient paru recevoir concernant le Père et le Fils. « Celui-là est l’antichrist qui nie le Père et le Fils ». D’un autre côté, nous lisons aussi : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ». Dieu tient toujours le plus grand compte de Son Fils. Si vous niez le Fils, tout est perdu ; tandis que celui qui confesse le Fils, a aussi le Père. Du moment que je possède le Fils de Dieu et que mon cœur trouve ses délices en Lui, je connais le Père. « Celui qui m’a vu, a vu le Père ».

Ainsi, après avoir exhorté les chrétiens à laisser demeurer en eux ce qu’ils avaient entendu dès le commencement afin de demeurer dans le Fils et dans le Père, Jean termine son sujet ainsi : « Je vous ai écrit ces choses touchant ceux qui vous égarent ». C’était un mal qui était à l’œuvre dès le commencement. Quelle grâce nous rencontrons même en cela ! Puisque le mal existait et qu’il ne pouvait qu’être manifesté une fois ou l’autre, Dieu permit qu’il éclatât, de sorte qu’Il pût prononcer Lui-même une sentence contre la chose. Nous n’aurions jamais osé parler d’une manière aussi sévère de personnes que nous aurions connues comme amis ou comme de soi-disant frères. Les appeler menteurs ? Que c’est affreux et peu charitable ! dirait le monde. Mais du moment que les hommes s’élèvent contre la pleine révélation du Fils de Dieu, ou plutôt la nient, le Saint Esprit ne connaît pas de demi-mesures ; et je crois que nous ne devrions pas non plus en connaître. Si le cœur n’est pas préparé à agir de cette manière, vous découvrirez que quelque autre mal en est la cause. Partout où se trouvent l’amour de soi non brisé et une grande préoccupation de ce qui nous touche nous-mêmes, nous verrons, en même temps, qu’il est fait peu de cas du Seigneur Jésus Christ. Vous ne pouvez pas avoir, à la fois, deux objets d’affection opposés. Lorsque le cœur est exclusivement consacré à Christ, Il nous élève au-dessus des sentiments personnels ; mais, lorsque nous faisons grand cas de nous-mêmes, il n’y a que peu de dévouement pour Christ et peu de jalousie pour la gloire de Son nom.

En 1 Jean 4, l’apôtre fait allusion à l’esprit de la chose : « Tout esprit qui ne confesse pas Jésus Christ venu en chair, n’est pas de Dieu, et ceci est l’esprit de l’antichrist, duquel vous ayez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant il est dans le monde ». Pourquoi le Saint Esprit introduit-Il là ce sujet ? Beaucoup de faux prophètes sont sortis et agissent dans le monde, avait-il été dit au premier verset du même chapitre ; et je suis convaincu qu’il en est de même aujourd’hui. Mais c’est toujours difficile d’affirmer un tel fait du temps où nous vivons. Nous le discernons bien dans des époques antérieures, mais la grande difficulté est de discerner le caractère de ce qui est à l’œuvre actuellement. Nous nous trouvons dans des circonstances toutes semblables à celles dans lesquelles les saints étaient placés alors ; car aussi certainement que l’Esprit Saint continue à agir, aussi certainement Satan Lui oppose sa puissance subtile. « Tout esprit qui ne confesse pas… ceci est l’esprit de l’antichrist, duquel vous avez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant il est dans le monde ». Il ne s’agit pas encore de l’Antichrist comme pleinement développé, mais de son esprit à l’œuvre dans l’Église aussi positivement que l’est le Saint Esprit. L’ennemi ne commence pas par introduire ce mal dans le monde profane, mais bien parmi ceux qui ont porté le nom de Christ. Il n’aurait pas été possible à Satan de forger une telle rébellion contre Dieu chez d’autres que chez ceux qui ont professé croire la vérité et l’amour de Christ. Une allusion est faite à cela dans la seconde épître de Jean, lorsqu’il est dit : « Plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde qui ne confessent pas Jésus Christ venu en chair ; celui-là est le séducteur et l’antichrist ». Il n’est plus seulement question de la justification par la foi ou par la loi, mais il s’agit d’une chose encore plus sérieuse. C’est Satan, non seulement attaquant l’œuvre de Christ et cherchant à amener des personnes à y ajouter quelque chose afin de diminuer par là la gloire du Seigneur, mais s’efforçant, en outre, de déprécier et de nier la personne même du Fils. Quelque importante que soit pour nous l’œuvre de Christ, ce n’est pas elle mais Sa personne qui est le centre et la substance de toute vérité et de toute gloire. En présence d’un tel sujet, je sens plutôt le besoin de me prosterner pour adorer, que de me livrer à la discussion. La raison pour laquelle quelques personnes tiennent particulièrement à l’œuvre de Christ, c’est parce qu’elles sentent, et cela justement, qu’elles ne peuvent être sauvées sans cette œuvre. Mais du moment où nous avons la paix de la conscience, c’est la personne de Christ qui devient le plus précieux objet de nos cœurs. Il est les délices de Dieu ; et ce qui Lui est tout particulièrement précieux, doit aussi nous être infiniment cher ; car c’est là qu’est pour nous la bénédiction. Sa Parole ne nous dit pas seulement que celui qui nie Jésus Christ venu en chair, mais que celui qui ne confesse pas Jésus Christ venant en chair, est un séducteur et un antichrist. Le Saint Esprit devient, si j’ose m’exprimer ainsi, de plus en plus hardi dans Ses déclarations. Va-t-Il baisser de ton parce que Satan semble gagner du terrain et qu’il devient de plus en plus audacieux contre Christ ? Et nous, pouvons-nous dire que nous ne devons pas être aussi stricts maintenant, parce qu’il y a tant de mal et que l’Église est en ruine ? Oh ! loin de là ; lorsque le Saint Esprit nous pourvoit de la provision nécessaire pour les derniers temps, Son langage est plus énergique que jamais. Voici ce qu’Il dit (v. 10) : « Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas ». Nous n’avons rien à lui dire. Non seulement il ne doit pas être reçu dans l’Église, la demeure du Dieu vivant, mais encore il ne doit pas y avoir pour lui d’entrée dans la maison d’un chrétien. Il ne faut pas qu’il rencontre parmi les saints approbation ou appui ; car, l’habitation du chrétien doit être une forteresse pour le nom du Seigneur et une reproduction de tout ce qu’Il aime et produit Lui-même chez ceux qui L’avouent et L’honorent. L’apôtre n’est pas arrêté dans son sujet par la pensée que c’est à la dame élue qu’il écrit ; c’est-à-dire à quelqu’un qui n’est appelé ni à enseigner ni à gouverner ; car lorsqu’il est question de Christ, il est inutile de prétexter comme motif de relâchement que c’est à une femme qu’on s’adresse. Elle a besoin de Christ, elle doit tout à Christ, et quoique ce soit une femme, elle est tenue de Lui donner la première place, de L’avoir pour premier objet de ses affections ; c’est pourquoi, si un individu quelconque porte atteinte à Christ, peu importe qui elle est ou ce qu’elle est, sa fidélité à Christ réclame d’elle tout empressement et toute décision. Cela devient aussitôt un mobile impérieux pour la foi et une importante responsabilité pour l’âme. Qu’il s’agisse de personnes qui ont l’esprit de l’antichrist ou bien du grand Antichrist lui-même, il y a opposition à Christ ; et cela décide tout pour un cœur sincère.

Dans l’Apocalypse, l’Antichrist est dépeint non pas simplement comme un séducteur, mais comme une « bête », comme une puissance terrestre possédant de fait des royaumes et un système impérial, plutôt que comme ayant uniquement une influence spirituelle, maligne, ainsi que c’est le cas dans les épîtres de Jean. Si nous consultons quelques-uns des prophètes juifs, nous aurons à ce sujet quelques détails de plus. Je fais particulièrement allusion à Daniel 11. Vers la fin de ce chapitre (v. 36), voici ce que nous lisons : « Le roi donc fera selon sa volonté et s’enorgueillira et s’élèvera par-dessus tout dieu ; il proférera des choses étranges contre le Dieu des dieux ». Ce passage nous montre en Judée un personnage plein de lui-même et qui s’élève entièrement, Cela est fort clair, car un peu plus bas il est dit : « Il honorera dans son lieu le dieu Mahuzzim ; il honorera, dis-je, avec de l’or et de l’argent et des pierres précieuses et des choses désirables, le dieu que ses pères n’ont point connu. Et il fera de grands exploits dans les forteresses les plus fortes tenant le parti du dieu inconnu… Il les fera dominer sur plusieurs et leur partagera le pays à prix d’argent ». Or, il me semble que partout où le Saint Esprit parle d’un pays en l’appelant le pays, c’est de la terre d’Israël qu’il est question. Il en parle comme de la terre du Seigneur. Cela est confirmé un verset ou deux plus loin (v. 41) : « Il (le roi du Nord) entrera au pays de noblesse et plusieurs pays seront ruinés ». C’est ainsi qu’un grand antagoniste venant du Nord se lèvera contre le roi (v. 40) « comme une tempête avec des chariots et des gens de cheval » etc. Il est donc évident que le pays de noblesse dont il est ici parlé est celui que « le roi » a partagé entre ses favoris. En un mot, il est roi dans le pays de Judée et il est dit expressément que l’époque, la politique et les conflits appartiennent au temps de la fin. Alors « le roi du Midi choquera avec lui (le roi de Judée) de ses cornes, et le roi de l’Aquilon se lèvera, etc. ». S’il en est ainsi, plusieurs points sont rendus clairs par ces versets. Tout premièrement un roi agissant selon sa volonté s’établit dans la Palestine, et tandis que vous pouvez apercevoir en lui des traits moraux qui établissent des rapports intimes entre lui et « l’Antichrist » dépeint en Jean, il est envisagé ici comme une puissance terrestre et rattaché par là à l’une des bêtes de l’Apocalypse. Mais il y a plus que cela, car il doit s’enorgueillir et s’élever par-dessus tout dieu. C’est là un nouveau caractère. Certains empereurs romains se faisaient rendre, durant leur vie et même après leur mort, les honneurs divins, mais jamais aucun d’entre eux ne se plaça comme étant au-dessus de tout dieu. Mais « le roi » s’élèvera au suprême degré, et cela dans un pays qui, d’une manière toute spéciale, appartient au Seigneur et parmi un peuple que Dieu avait appelé pour qu’il fût témoin contre toute idolâtrie ; et cet homme voudra pourtant en imposer une nouvelle, et des plus audacieuses, en s’arrogeant la place du Très-haut dans le pays et le temple de Dieu (comp. 2 Thess. 2) ; car quelque corrompu qu’ait été Israël « en se prostituant sous tout arbre vert », nous avons ici le spectacle inconnu jusque-là d’un homme qui se donne pour le Dieu suprême. Malgré cela, il a lui aussi un objet d’adoration, car tout homme est esclave de quelque chose à moins de posséder la seule élévation réelle, chose qui n’appartient qu’à celui qui sait se prosterner devant le vrai Dieu. Celui-là est réellement le plus élevé, qui sait le plus s’abaisser devant Dieu. Car l’homme (en cela encore différent de Dieu) ne peut se suffire à lui-même. Il faut, ou qu’il élève ses yeux pour les arrêter sur le vrai Dieu, ou bien qu’il les abaisse sur un faux dieu. Le personnage même qui s’efforcera de s’assujettir toutes choses pour devenir l’unique objet de culte se trouvera être asservi lui-même à quelque chose. C’est ainsi que nous voyons (v. 37) que, tandis qu’il ne se soucie point du Dieu de ses pères (détail confirmant son origine juive) ni du désir des femmes — chose qui a probablement trait à la naissance du Messie — ni d’aucun dieu, car il s’élèvera au-dessus de tout, l’Esprit Saint ne laisse pas de nous montrer dans son caractère cette apparente contradiction (v. 38) : « Il honorera dans son lieu le dieu Mahuzzim » (le dieu des forces). Il veut que toutes les créatures l’honorent lui, mais il honore lui-même ce faux dieu « avec de l’or et de l’argent et des pierres précieuses et des choses désirables ». C’est là ce qu’il fera du dieu inconnu qu’il aura connu et dont il multipliera la gloire. « Et au temps de la fin (vers. angl.) le roi du Midi choquera avec lui de ses cornes mais le roi de l’Aquilon se lèvera contre lui… Et il entrera au pays de noblesse ».

Il est ici clairement question de la Palestine. Le roi du Midi et celui du Nord sont ainsi appelés à cause de leur position relative avec la Judée. Le roi du Nord, annoncé comme arrivant avec une grande force, n’est autre que l’Assyrien, duquel les prophètes parlent habituellement ; tandis que le roi du Midi occupera alors le trône d’Égypte. Ces deux puissances s’élèvent contre « le roi » qui, à mon avis, est l’Antichrist de l’Écriture. Le Saint Esprit ne décrit pas ici son apparition, car il n’y avait nul besoin de dire qui il était ; mais il l’introduit d’une manière tout à fait brusque. Si nous examinons, en effet, le verset 35, nous verrons qu’il y est question de gens intelligents, allusion à ce qui se passa du temps des Macchabées sous le règne d’un prince tristement célèbre, Antiochus Épiphane, qui persécuta cruellement les Juifs, d’entre lesquels plusieurs se rendirent très remarquables. Il peut s’être mêlé à leurs sentiments et à leurs actions des motifs charnels ; mais, quoiqu’il en soit, ils résistèrent énergiquement à tous les efforts qui furent tentés pour leur faire abandonner Jéhovah pour le culte des idoles. Quelques-uns tombèrent, mais ce fut, comme le dit le prophète, afin que d’autres fussent rendus éprouvés, épurés et « blanchis jusqu’au temps déterminé ; car, cela est encore pour un certain temps ». C’est que vient l’intervalle durant lequel le Saint Esprit supprime l’histoire passée d’Israël. Il place d’abord devant nous les luttes entre Antiochus et ses adversaires, suivies des exploits et des souffrances de ceux qui sont intelligents en Israël. L’histoire de ce peuple est alors interrompue, et nous sommes instantanément transportés « au temps déterminé » ou, selon une version plus exacte, « au temps de la fin ». Entre ces deux points, il y a une interruption dans l’histoire d’Israël. Mais que nous est-il dit ensuite ? « Le roi fera sa volonté ». Le silence est gardé ici sur son origine ou ses progrès ; il ne nous est rien dit du lieu où il surgit ; nous n’avons d’autres détails que ces mots singuliers, « le roi », précisément comme si cela nous disait assez de qui il est question. Ce n’est pas l’unique endroit de l’Écriture où il est parlé du roi. Si vous consultez la fin du chapitre 30 d’Ésaïe, vous verrez que « le roi » y est introduit d’une manière non moins extraordinaire. Je suppose que la raison en est, que les Juifs, tout en attendant le Messie, attendaient aussi l’Antichrist, ce grand prince qui devait fouler aux pieds ceux d’entre eux qui avaient de la piété : la prophétie en parlait d’une manière claire, et c’était ainsi compris par eux. En Ésaïe 30, l’Esprit de Dieu fait mention de deux ennemis d’Israël. Premièrement, au verset 31 : « Car, l’Assyrien qui frappait du bâton sera effrayé par la voix de l’Éternel ». C’est là le roi du Nord qui figure en Daniel et qu’un prophète plus ancien a peut-être représenté sous le nom de Sankhérib, l’Assyrien de son époque, mais qui évidemment n’est qu’un type du grand ennemi s’élevant du Nord aux derniers jours. Plus loin, nous lisons : « Et partout où passera le bâton que l’Éternel aura fait reposer sur lui et par lequel il aura combattu dans les batailles à bras élevé, on y entendra des tambours et des harpes ». C’est ainsi qu’aux larmes et aux difficultés se mêlera aussi la joie : « on entendra des tambours et des harpes ». « Car Topheth est déjà préparée, elle est aussi apprêtée pour le roi ». C’est là, je crois, la force du passage : « elle est aussi apprêtée pour le roi ». Si ce que nous venons de dire est exact, nous trouvons donc, dans la scène finale, le jugement de Dieu fondant sur ces deux grands ennemis d’Israël — l’Assyrien, et « le roi » qui est introduit ici sans que rien y prépare. La même chose nous apparaît dans le chapitre 57 de ce même prophète. Je tiens d’autant plus à citer ce chapitre, qu’on pourrait prétexter que dans le trentième, « l’Assyrien » et « le roi » sont identiques. Mais dans le chapitre 57, il est absolument impossible de soutenir une pareille idée. Le prophète vient de décrire l’iniquité criante du peuple juif à la fin ; et soudain, voici ce qu’il ajoute (v. 9) : « Tu as voyagé vers le roi avec des onguents, etc. ». J’en conclus que « le roi » est réellement un ennemi spécial de Dieu, qui n’attaque pas les Juifs du dehors, comme fera l’Assyrien, mais s’arroge au sein de la nation le titre et la place de roi sur le peuple de Dieu. Il était inutile de préciser de quel roi il s’agissait, parce que l’idée d’un tel personnage était familière à Israël, de sorte que le Saint Esprit pouvait facilement l’introduire sans un mot de préface. Le peuple savait que ce roi terrible devait paraître — il avait la connaissance de ce grand et dernier ennemi de Dieu et des Juifs comme devant s’élever dans le pays même. L’Assyrien est aussi un grand ennemi de Dieu et d’Israël ; mais non pas dans le pays, puisqu’il doit combattre contre « le roi » qui y règne. Le dernier roi volontaire est l’objet des attaques du dernier puissant Assyrien. Tous deux extraordinairement mauvais et corrompus, ils ne s’accordent pourtant en aucune manière dans leurs desseins impies. Ils s’entrechoquent constamment ; aucune paix durable ne peut être établie entre eux, comme nous l’enseigne d’une manière précise le chapitre 11 de Daniel. Le verset 41 de ce chapitre ne nous présente en aucune manière la description du roi qui paraît alors être perdu de vue pour faire place à l’orgueilleux roi d’Assyrie, sur lequel nous avons alors quelques détails. Le Saint Esprit se hâte de nous donner la fin de la carrière de l’Assyrien, laissant de côté celle du « roi ».

Si nous ouvrons maintenant le Nouveau Testament, nous découvrirons quelques traits de plus touchant ce roi. Le second chapitre de la seconde épître aux Thessaloniciens renferme les plus amples détails que nous fournisse l’apôtre Paul à ce sujet. Voici ce que nous lisons au verset 3 : « Que personne ne vous séduise en aucune manière ; car ce jour-là ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant et que l’homme de péché ne soit révélé, le fils de perdition ». Il y a d’abord l’apostasie ; puis, il y a l’homme de péché qui est une chose différente et postérieure à l’apostasie. L’apostasie prépare le chemin pour la révélation de l’homme de péché. La révolution française, par exemple, répond plutôt à l’apostasie que le romanisme qui confesse des vérités toutes corrompues ou mal appliquées. Il y aura, sans nul doute, un développement plus terrible encore de l’apostasie, quoique le romanisme en soit néanmoins une illustration. Toutefois, il paraîtra quelque chose de pire encore que tout cela — l’homme de péché. Mais qui est-il ? Le Seigneur Jésus Christ était l’homme de justice ; celui-ci est le contraire, l’homme de péché, « le fils de perdition, lequel s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération ». Les mêmes caractères moraux par lesquels Daniel dépeint « le roi », nous les retrouvons précisément dans cet homme de péché. « De sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu ». Nouveau détail nous apprenant qu’il est question de quelqu’un qui habite Jérusalem, puisqu’il s’assied dans le « temple de Dieu », que je ne vois pas de motifs de supposer être autre chose que le temple littéral et bien connu de cette cité[27].

En même temps, si quelqu’un veut appliquer le principe de ce passage à ceux qui, dénaturant la position de l’Église, en font un instrument et une sphère d’orgueilleuse élévation pour eux-mêmes actuellement, je n’ai rien à objecter à une application pareille que je crois même juste — au moins en partie, seulement il me semble que l’Esprit de Dieu a en vue un personnage qui veut s’approprier les honneurs dus à Dieu seul. « Ne vous souvenez-vous pas », dit l’apôtre, « que quand j’étais encore auprès de vous je vous disais ces choses ? Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité se met déjà en train etc. ». Et c’est précisément ce que répète en d’autres termes l’apôtre Jean : « maintenant aussi il y a plusieurs antichrists » ; de même dans le passage qui nous occupe, nous voyons que le mystère d’iniquité se mettait déjà en train, seulement il y avait quelqu’un qui faisait obstacle. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». Je n’ai pas le moindre doute que cet obstacle ne soit la puissance du Saint Esprit non seulement comme ayant Son habitation dans l’Église, mais aussi comme exerçant un contrôle sur le monde — comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre. S’il ne s’agissait que du Saint Esprit dans l’Église, du moment où celle-ci aurait été enlevée, l’homme de péché serait manifesté. Mais il paraît que l’inique ne parviendra pas à son entier développement aussitôt après l’enlèvement des saints. Il y aura un intervalle et un court témoignage pour Dieu ; mais lorsque ce témoignage aura disparu, ou que plutôt il aura été violemment retranché, l’homme de péché paraîtra dans son plein épanouissement. Et c’est, me semble-t-il, le moment où le Saint Esprit cesse de retenir. Il laisse alors les hommes se montrer tels qu’ils sont et faire éclater toute leur iniquité. Le Saint Esprit n’exerçant plus Son contrôle sur la terre, il est permis à Satan, pendant une courte période, de mener à maturité ses plans les plus exécrables. Voilà, je pense, le temps véritable, et le caractère réel de ce temps où l’obstacle doit être ôté. Durant de longues années, les chrétiens des premiers âges avaient coutume de prier pour la continuation de l’empire romain, parce qu’ils supposaient que l’empêchement résidait là, et que, du moment où cet empire disparaîtrait, l’inique serait révélé. Et comme c’est subséquemment à une existence et à une extinction antérieures de cet empire qu’il doit surgir sous sa forme diabolique, il y avait dans leur supposition une certaine mesure de vérité. Mais l’empire romain s’est éteint depuis longtemps, et cependant l’homme de péché dans son plein développement n’a pas été manifesté encore ; c’est la réapparition de l’empire, et non pas son extinction, qui est l’époque critique ; et elle dépend de la cessation de l’action par laquelle le Saint Esprit retient. Lorsque cette action prendra fin, toute la méchanceté de l’homme et de Satan se donnera libre carrière sans mesure et sans déguisement. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique, lequel le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et anéantira par l’apparition de sa venue ».

Le chapitre 19 de l’Apocalypse dépeint cet anéantissement. Voici ce que nous lisons au verset 20 après une description de la venue du Seigneur en jugement : « La bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle et qui avait fait devant elle les miracles, etc.,… Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Ce sont, sans aucun doute, les mêmes systèmes ou les mêmes personnages déjà caractérisés dans le chapitre 13 de l’Apocalypse comme les bêtes s’élevant de la mer ou de la terre. Or, il est incontestable que l’une de ces deux bêtes est l’Antichrist ; mais il reste toujours à savoir laquelle est cet homme de péché. Est-ce la grande puissance du monde — cette bête qui monte de la mer ? Ou bien est-ce l’autre bête si énergique que nous voyons sortir de la terre, et qui imite Christ dans Sa puissance royale et dans Sa sacrificature ? Je suis porté à croire que c’est la dernière[28], mais j’avoue franchement qu’il y a des difficultés, et je crois que c’est un point sur lequel il ne faut pas être affirmatif. Ces bêtes sont si intimement associées dans leurs actions, dans le but qu’elles se proposent, et aussi dans leur destinée, que l’on n’est point étonné de l’embarras que certaines personnes éprouvent à se prononcer, non plus que de la différence de conclusion à laquelle d’autres arrivent. Toutefois, plus j’étudie ce que dit saint Paul de l’homme de péché, et ce que nous lisons touchant l’Antichrist dans les épîtres de Jean, et plus je comprends qu’il doit s’agir de la bête qui a le plus la prétention de rivaliser avec Christ et de s’opposer à Lui, caractère que je trouve essentiellement dans la Bête qui surgit de la terre.

Considérons maintenant à la lumière des passages que nous avons examinés, ce que nous fournit encore notre chapitre. Après la description qui est faite de la bête au verset 11, nous avons quelques détails sur l’exercice de sa puissance. « Elle exerce tout le pouvoir de la première bête devant elle ». C’est une puissance énergique. En tous points, nous voyons cette seconde bête faire beaucoup plus de cas d’une influence et d’une énergie positives, que de ce qui a de l’éclat, chose plus particulièrement appréciée de la première bête. « Elle fait que la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie ». Remarquez encore ici que ceux qui habitent sur la terre sont livrés à son énergie d’erreur.

En voyant que la seconde bête travaille pour faire rendre hommage à la première, quelques-uns ont supposé que 2 Thessaloniciens 2 réfute l’idée que la seconde bête est le même personnage que l’homme de péché, parce qu’il représente celui-ci comme ne tolérant pas d’autre objet d’adoration que lui-même. Mais il est évident que trois personnages se trouvent étroitement liés dans la scène que nous avons sous les yeux, savoir, le dragon, la grande puissance du monde ou première bête, et la puissance politico-religieuse ou seconde bête. Il ressort d’Apocalypse 13, 4, que la dragon est adoré aussi bien que la première bête ; de sorte que, quelle que soit la Bête, la première ou la seconde, que l’on suppose être l’Antichrist et l’homme de péché, la même difficulté demeure. Dans un cas comme dans l’autre l’adoration est partagée. De fait, elles constituent l’anti-trinité, et trouvent le lien qui les unit dans la puissance invisible de Satan.

La seconde bête est très importante. C’est réellement la puissance qui agit dans la Terre Sainte. La bête sortie de la mer a domination sur l’Occident, et exerce en outre, au-delà, une puissante influence ; mais, ni Jérusalem, ni la Palestine ne font partie de sa sphère, sauf en tant qu’elle y fait mettre à mort les témoins, et que c’est là qu’elle tombe. La seconde bête est le grand pouvoir connu dans la Terre Sainte. « Et elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes » (v. 13). Ce qui donne à ce miracle un si profond et si pénible intérêt, c’est que c’était le signe spécial dont se servit Élie pour confondre les faux prophètes de Baal. Lorsque toute la question se posa entre Dieu et Baal, à quel fait capital eut-on recours pour la décider et rendre manifeste les droits de Jéhovah contre le faux dieu ? Ce fut celui-là même que nous avons ici — le feu descendant du ciel. C’était un signe avec lequel on avait été familiarisé en Israël, et auquel on pouvait rattacher justement l’idée de l’approbation et de la puissance directes de Dieu ; car, plusieurs fois Il avait fait descendre le feu du ciel comme témoignage évident de Son approbation. Le feu était sorti de la part du Seigneur lorsque les sacrificateurs furent consacrés ; la même chose se reproduisit encore lors de la construction et de la dédicace du temple par Salomon (2 Chron. 7, 1). « Et sitôt que Salomon eut achevé de faire sa prière, le feu descendit des cieux et consuma l’holocauste et les sacrifices, et la gloire de l’Éternel remplit le temple ». C’était, vis-à-vis d’Israël, la manifestation puissante de la présence de Jéhovah — présence qui remplissait la scène, montrant ainsi que les sacrifices étaient acceptés.

Nous voyons donc, dans notre chapitre, que cet horrible contrefacteur et antagoniste du Seigneur Jésus, se produit comme étant le Dieu d’Israël aussi bien que le Christ. Le vrai Messie était le Dieu d’Israël, et nous trouvons ici l’imitation de Sa majesté, de Ses droits, et de Sa puissance. L’Antichrist doit aussi faire descendre du feu du ciel. Je ne veux pas dire que ce soit réellement du ciel, mais plutôt que cela en a l’apparence ; aux yeux des hommes le feu venait du ciel. De même que Satan a le pouvoir d’imiter, de même aussi cette puissance maligne qui n’est que l’œuvre de Satan se met à reproduire, du moins en apparence, ce qu’avait fait Élie. La même démonstration, fournie par ce prophète en faveur de Jéhovah contre Baal, se trouve donnée par l’inique en son propre nom. C’est une scène épouvantable et qui le devient davantage à nos yeux, si nous la comparons avec 2 Thessaloniciens 2, 9. Car, chose triste à dire, les mêmes paroles qui sont employées pour nous parler des miracles du Seigneur Jésus en Actes 2, 22, sont appliquées dans les Thessaloniciens par le Saint Esprit à l’homme de péché. Voici ce que dit Pierre : « Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes » ; nous lisons ce qui suit dans l’épître mentionnée plus haut : La venue de l’inique « est selon l’opération de Satan en toute sorte de miracles et signes et prodiges de mensonge ». Les signes distinctifs de Christ présentés aux hommes pour qu’ils puissent reconnaître la vérité, sont imités par cet imposteur. Il opère pour le mensonge des signes analogues, et les hommes sont complètement séduits.

Le dégoût que les hommes éprouvent pour la chrétienté dans l’état auquel elle est parvenue, est ce qui prépare le chemin à un tel résultat. Je reconnais que c’est avec raison que l’on dit du mal de l’état dans lequel est tombé le christianisme. Dès qu’il perd de vue sa séparation céleste et partage les principes du monde, il en résulte aussitôt la confusion. Les chrétiens ayant oublié que Satan est le dieu de ce monde, ils se laissent complètement aveugler par lui quant au caractère que l’Église de Dieu doit garder, et quant à ce qui est dû ici-bas à Son Fils. Christ est ouvertement laissé de côté, et on perd même la fidélité et la véracité que les hommes doivent exiger dans les choses les plus ordinaires de la vie. Notre désir n’est pas de dire du mal d’autrui ; mais que Dieu nous préserve de ne pas nous prononcer franchement contre une chose qui reste au-dessous de l’honnêteté vulgaire que l’on apporte dans les affaires de cette vie. Lorsque l’Église ou le chrétien individuellement cesse de juger, ou s’il le condamne dans son cœur, tolère de fait, dans les choses les plus saintes, ce que l’homme naturel même ne tolère point dans ses relations comme homme et comme membre de la société, de sorte que le monde lui-même peut voir que ce qui se revêt du nom de Christ est complètement mauvais ; lors, dis-je, qu’une pareille chose arrive, est-ce possible que Dieu garde plus longtemps le silence ? Le jugement, certes, est imminent ; mais pour nous, quelle grâce que Dieu nous ait donné une douce espérance et un continuel sujet de joie au lieu d’une attente terrible de jugement ! Notre portion est en dehors de la sphère de ce monde ; et il faut que le jugement ait lieu avant que le monde puisse être pleinement béni. Mais si quelqu’un est uniquement occupé du mal et du jugement qui lui est préparé, il manquera de puissance pour faire le bien. Ce qui donne de la puissance, n’est pas la manifestation de ce qui est mauvais, mais bien l’introduction de la grâce et de la vérité pour agir sur les âmes ; autrement on ne ferait que sortir d’une forme du mal pour tomber dans une autre. La seule sécurité véritable, c’est d’être près de Christ ; et nous ne sommes réellement utiles aux autres, qu’autant que nous les mettons en contact avec Lui.

Comme nous venons de le voir, il sera donc permis au grand ennemi de Dieu, de faire des prodiges en imitation de la puissance de Christ et à l’appui de ses prétentions à être Jéhovah. Il n’est point surprenant qu’il séduise ainsi ceux qui habitent sur la terre. Et ce qui prépare rapidement le chemin et mûrit les hommes pour tout cela, c’est que maintenant ils prêtent l’oreille à la voix de Satan qui a détruit toute confiance dans les miracles de Christ et dans les Écritures qui nous les rapportent. C’est ainsi que, lorsque les hommes non seulement repasseront dans leur esprit, mais auront sous leurs propres yeux, le spectacle des choses horribles qui se sont ou se seront accomplies dans la chrétienté, tout en demeurant pour eux-mêmes étrangers à l’amour de la vérité, ils seront tout à fait à la merci de Satan. C’est alors, quand les hommes ont cherché et trouvé la satisfaction de leurs désirs, sans égard pour la conscience, et que Dieu Lui-même agissant en justice rétributive, envoie encore une efficacité d’erreur pour qu’ils croient au mensonge (leur tenant, pour ainsi dire ce langage : « Vous avez refusé de croire à la vérité qui apportait le salut, ayez donc maintenant tout ce que vous aimez ») c’est alors, dis-je, que paraît ce personnage et que se produisent ces miracles qui semblent venir du ciel. Quoi d’étonnant que les hommes se prosternent et adorent la Bête et son image ? C’est Satan, cela va sans dire, qui fait mouvoir tous les personnages de cette scène ; mais son esclave, la seconde Bête, « séduit ceux qui habitent sur la terre à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire devant la bête, disant à ceux qui habitent sur la terre[29] de faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui vit. Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la bête afin que l’image de la bête parlât et qu’elle fît[30] que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la bête fussent mis à mort » (v. 14, 15).

Remarquez, en passant, que nous avons une nouvelle preuve que la seconde bête s’élève après la réapparition de la première. Car celle-là fait « faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui vit ». « Et elle fait qu’à tous, petits et grands et riches et pauvres et libres et esclaves, on leur donne une marque à la main droite ou au front ; et que personne ne peut ni acheter ni vendre, sinon celui qui a la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom » (v. 16, 17). Cette marque était le sceau de l’assujettissement ou de l’esclavage à la bête,

« Ici est la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête ; car c’est un nombre d’homme et son nombre est six cent soixante-six » (v. 18). Je ne prétends pas résoudre un tel problème. Il serait aisé de répéter ce que d’autres ont pensé. Quelques-uns des premiers chrétiens et notamment le pieux évêque de Lyon, saint Irénée, ont supposé que c’était l’homme latin. D’autres ont trouvé différents noms en rapport avec leur polémique ou leurs préjugés. Les catholiques romains ont prétendu y voir Luther, et les protestants le nom de plus d’un pape. Mahomet dans les temps anciens, et de nos jours Napoléon, ont aussi pour un temps occupé l’esprit, comme répondant à ce nombre. Mais, je le demande, de semblables idées valent-elles mieux que des chimères ? Sûrement ce n’est pas l’habitude de l’Esprit d’occuper le peuple de Dieu en offrant à son imagination de vagues problèmes reposant sur des lettres ou des chiffres énigmatiques. Ne pouvons-nous pas plutôt nous contenter de la pensée que ce détail est réservé pour « les intelligents » des derniers temps, et que, lorsque le moment sera venu, la lumière requise sera pleinement accordée ? Car il y a dans les voies de Dieu une sorte d’économie, au moins quand il s’agit de détail et d’application, de manière qu’Il ne donne pas la force nécessaire pour traverser une épreuve particulière jusqu’à ce qu’Il l’ait dispensée ; il se peut aussi que le Seigneur se réserve d’accorder toute l’instruction nécessaire à l’égard de ce nombre, lorsque paraîtra l’individu qu’il représente.

L’application de la prophétie à l’individu auquel elle fait allusion, sera alors l’affaire importante. Il me semble prématuré et inutile de discuter une telle question avant que figurent les différents personnages auxquels elle a trait. Alors les intelligents comprendront la chose, et tout deviendra pour eux aussi clair que le jour, tandis que les méchants seront dans une obscurité complète (voyez Daniel 12). Toutefois, déjà maintenant, la vérité dans son ensemble est parfaitement simple et évidente. Il y a cette seconde « bête », la puissance active et énergique dans son opposition à Christ ; mais, lorsque viendra le jour des rétributions et que le jugement du Seigneur pèsera sur elle, elle ne portera plus le nom de la bête, mais bien celui de « faux prophète », qui avait opéré des miracles (Apoc. 19, 20). Supposant que la seconde bête soit l’Antichrist, je suis encore disposé à trouver une contrefaçon de Christ dans ses efforts à faire rendre hommage à la première bête. Le Seigneur Jésus Christ parlait et travaillait en vue de la gloire de Dieu le Père, tandis que Dieu le Père Lui-même faisait de Christ l’objet spécial de Ses délices et de Ses pensées. « Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage » (au Fils) ; et ailleurs : « Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ». Il en est de même de cette bête : elle aidera à exalter la grande puissance du monde ; mais avec tout cela, elle cherchera au moins autant et même plus dans les choses spirituelles à s’exalter elle-même. Elle a des cornes comme un agneau, c’est-à-dire qu’elle prétend à la puissance de Christ ; mais elle parle comme un dragon — l’expression de sa pensée est satanique. Le fait que ce personnage est une bête, prouve qu’il est revêtu de l’autorité temporelle, tout en étant aussi désigné expressément comme un faux prophète. Ainsi, c’est un antagoniste personnel de ce que Christ a été et sera, plutôt que de ce qu’Il est. Le papisme — l’anti-christianisme, si vous aimez mieux — est un travestissement de la sacrificature de Christ, et périra avec tous ceux qui participent à son péché dans la contradiction de Coré. Mais ici, au moment où Christ, après avoir terminé Son œuvre céleste, va revendiquer Sa dignité royale terrestre, il y a quelqu’un qui s’oppose et s’exalte lui-même dans la ville du grand roi. Car c’est la Terre Sainte qui est le siège de sa puissance et de ses séductions. C’est, je crois, le personnage que le Seigneur Jésus place en contraste avec Lui-même dans un passage que nous avons cité en partie et qui résume tout en peu de mots (Jean 5, 43). « Je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là, vous le recevrez ». Les Juifs ne voulurent pas Celui qui était envoyé du Père. Celui qui était Son envoyé et Son serviteur tout en étant égal à Lui en honneur et en puissance, est venu et a été rejeté. Mais il en est un qui doit être reçu et qui flattera et élèvera l’homme dans son péché, car il ne reconnaîtra aucune autorité supérieure à la sienne, et tel est l’écho de la volonté de l’homme. Je ne doute pas qu’il soit question dans ce passage de l’individu même que nous avons dans notre chapitre — quelqu’un qui, en ce qui regarde la puissance territoriale et la splendeur extérieure, peut avoir un supérieur, mais qui est sans égal en puissance et en énergie spirituelles et sataniques.

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Que le Seigneur nous accorde de renier toute impiété et toutes les convoitises mondaines, non pas uniquement en vue de la colère à venir, mais à cause de la conscience. Oh ! puissions-nous réellement être séparés pour Christ dans un esprit céleste. Qu’il serait vil de penser qu’il sera temps de prendre garde quand le moment sera venu, et plus vil encore, si possible, d’alléguer que l’Église de Dieu doit être préalablement enlevée au ciel, et que, puisque tout ira bien alors, nous pouvons bien maintenant nous laisser aller quelque peu au mal ! Rappelons-nous que déjà, comme le dit l’apôtre, il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure. Si donc vous composez actuellement avec l’esprit du monde, ou si vous jouez avec les influences antichrétiennes qui se font déjà sentir de nos jours, que feriez-vous en présence des effroyables persécutions et des tentations de ce jour où l’homme de péché sera pleinement révélé ? La grâce de Dieu pourrait, il est vrai, me fortifier de manière à me rendre capable de faire face à tous les dangers, et de repousser toutes les séductions, plutôt que d’abjurer le vrai Dieu et le vrai Christ pour en adorer de faux ; mais n’est-il pas profondément solennel et humiliant d’avoir communion avec un mal connu, quels que soient, du reste, les motifs qui pourraient nous y conduire ?

Et c’est là que je trouve la grande valeur, la valeur morale, la valeur présente de la prophétie. J’aperçois la grande chute qui se prépare pour la fin, et par la prophétie j’apprends à connaître le courant qui y mène. C’est une rivière qui suit peut-être un cours long et sinueux, et qui peut ne pas nous paraître bien dangereuse ; mais regardez un peu plus bas lorsque la Parole de Dieu soulève le voile épais qui cache l’avenir, et voyez avec quelle rapidité fatale tous ceux qui y naviguent sont engloutis dans une entière destruction ! C’est ainsi que beaucoup de choses peuvent être étroitement liées avec le monde, sans que j’aperçoive au début toute la profondeur du mal qui doit en être l’inévitable résultat. Dieu, dans Sa grâce, m’enseigne par la prophétie quelle doit être la fin d’une chose dès son commencement, de sorte que, si je n’y prends pas garde, je méprise l’avertissement que me fournit Son amour et par lequel Il veut me faire « connaître ces choses avant qu’elles soient arrivées ». Puissions-nous être gardés, non seulement d’une sorte de mal, mais bien du mal sous toutes ses formes, et, d’une manière particulière, lorsqu’il mêle une apparence de christianisme avec une association au monde. L’Apocalypse nous montre l’issue de cette puissance blasphématoire si audacieuse, aussi bien que celle du mal spirituel le plus actif et le plus subtil de la crise[31]. Les hommes seront enlacés par l’un ou l’autre de ces pièges — l’audacieuse incrédulité, ou la corruption religieuse des derniers ; et quelque différentes que ces choses puissent paraître, on les trouve à la fin unies entre elles de la manière la plus étroite, la plus triste, et la plus fatale. Que le Seigneur nous donne d’avoir des cœurs qui regardent à Christ et qui attendent Sa venue ! Il n’y a plénitude de repos et de bénédiction qu’autant que notre œil est simple pour Lui.

Chapitre 14

Ce chapitre termine l’épisode qui sépare les trompettes des coupes. Nous avons entendu annoncer les événements de la dernière trompette ; mais leur accomplissement dans tous les détails et dans toutes les circonstances ne nous a pas jusqu’ici été révélé. Dans le ciel, des chants en ont célébré les résultats, mais quant aux effets immédiats sur la terre il n’en a été question que d’une manière générale et qui va jusqu’à la fin de tout, y compris même le jugement des morts[32].

Ensuite le Saint Esprit, comme nous l’avons vu, interrompt Son récit dans les chapitres 12 et 13 pour nous montrer la source, le caractère et les principaux instruments de la dernière explosion du mal sur laquelle les coupes devaient être répandues ; et c’est alors que le Seigneur fait éclater Sa vengeance personnelle. Nous sommes parvenus au point où dans une histoire importante, il s’agirait de livrer une bataille de laquelle dépendrait à tout jamais la destinée du monde. Le narrateur s’arrête un instant pour décrire l’état précédent des parties en lutte, et les causes qui ont conduit à cette crise. C’est précisément ce que nous avons ici : les coupes nous sont pour ainsi dire les arrhes de la rétribution qui attend le mal. C’est ainsi que les chapitres 12 et 13, pour ne pas parler du 14, nous montrent ce qui amène une si terrible effusion de la colère de Dieu. De sorte que, quoique ils puissent sembler une interruption, c’était nécessaire pour nous bien pénétrer du caractère horrible du mal contre lequel le Seigneur sévissait. Nous avons vu au chapitre 12 que Satan est depuis le commencement l’ennemi caché, mais puissant et subtil, de Christ et de Son peuple. Après cela nous a été présenté le combat qui se livre dans les cieux entre Michel et le dragon accompagnés de leurs anges respectifs ; et enfin la conduite de Satan, quand il a été précipité sur la terre. Ensuite le chapitre 13 nous fait voir comment, de même que Dieu s’est révélé à l’homme non seulement sur des tables de pierre mais aussi dans la personne de Son Fils afin que les hommes pussent entrer en connaissance intime avec la grâce divine, de même aussi Satan a trouvé une politique appropriée à ses fins en formant sur cette terre des hommes pour être les instruments et l’expression de sa volonté. En conséquence il agit par les deux bêtes qui représentent les deux grands systèmes, ou leurs chefs, qui seront à l’œuvre durant la courte période de la grande fureur de notre adversaire ici-bas. La violence du monde, son orgueil et ses blasphèmes sont déployés par la bête qui s’élève de la mer. De son côté aussi, la bête qui surgit de la terre est pourvue de toutes les capacités nécessaires pour enlacer ceux qui désirent une religion qui exclue Dieu et se fasse la complaisante de l’homme et du monde, comme l’autre les intimidait par sa puissance ou les éblouissait en faisant appel à leur ambition et à leur amour de vaine gloire,

Mais ici s’élève cette question : Si Satan et ses agents déploient une telle activité, à quoi Dieu travaille-t-Il ? Est-Il tout ce temps-là inactif ? — Indifférent, Il ne saurait l’être. Le chapitre 14 me paraît la réponse à cette question. La corruption de tout ce que Dieu a confié à l’homme et tout ce que Satan peut machiner auront alors dans l’espace de quelques mois, de quelques années rapides, une issue effroyable. Mais quelque épouvantables que soient préalablement les choses, et quoiqu’il puisse sembler que Dieu a abandonné le monde pour voir ce que Satan et les hommes réunis en feront, Il n’en sera pourtant pas moins à l’œuvre dans ce même temps.

Et d’abord, remarquons-le, ce ne sont ni les cieux, ni la terre, ni la mer, qui nous sont présentés comme le théâtre des événements que les premiers versets de ce chapitre nous rapportent. C’est un lieu nouveau qui est offert à nos regards, un lieu qui ne l’a pas été jusqu’ici et, qui toutefois est des plus importants et des plus significatifs : « Et je vis, et voici l’Agneau se tenant sur la montagne de Sion ». Arrêtons-nous ici un instant pour nous rendre compte des pensées que le Saint Esprit veut nous suggérer par la montagne de Sion, ou de celles qu’Il y rattache Lui-même. Le livre de l’Apocalypse tout entier suppose la connaissance des autres portions de la Parole de Dieu, depuis la Genèse jusqu’à la fin du Nouveau Testament. Il serait difficile, en vérité, d’indiquer quel est le livre des Écritures dont la connaissance ne soit pas nécessaire pour parvenir à une pleine intelligence de cette merveilleuse prophétie.

Prenons pour exemple l’allusion faite ici à Sion. Si je n’ai aucune idée de ce que Dieu enseigne ailleurs par la montagne de Sion, comment saurai-je quelle est la signification de la vision qui nous est présentée à l’ouverture du chapitre 14 ? La première circonstance dans laquelle il est fait mention de cette montagne, c’est dans l’histoire de David lorsqu’il devint roi sur tout Israël (2 Sam. 5). Et quel était alors l’état du peuple ? Israël avait malheureusement déjà choisi un roi selon son cœur — un roi qui représentait le peuple et pouvait marcher à leur tête et conduire leurs guerres. « Il y aura un roi sur nous ; nous serons aussi comme toutes les nations ». Saül était l’objet de leur choix, David celui du choix de Dieu. Ce n’est pas que David n’eût aucun besoin de miséricorde et de pardon ; loin de là, il fit même une chute déplorable après avoir été l’objet de la faveur de Dieu ; et cependant, il n’est pas moins incontestable que David entra dans les pensées de Dieu et y répondit d’une manière remarquable. Il pécha, il est vrai ; mais qui, plus profondément que lui, reconnut son péché et s’en humilia ? Qui, plus que David, justifia Dieu contre lui-même ? D’un autre côté aussi, Dieu ne passa pas légèrement sur le péché de David, pour la raison qu’Il prenait plaisir en lui. Le péché avait été commis dans le secret, il dut être publié sur le toit des maisons. David en avait agi d’une manière perfide envers son fidèle serviteur et avait souillé la maison de ce serviteur ; mais quelle ne fut pas ensuite, durant de longues années, la triste histoire de sa propre maison (2 Sam. 12). Ce fut alors sous le règne de David, quand Israël avait été dans la confusion ; que les sacrificateurs avaient corrompu le peuple sans que le roi apportât de délivrance ; lorsque tous étaient en rébellion contre Dieu et exposés aux razzias et à la tyrannie des Philistins leurs voisins ; que la ruine était générale, que le sanctuaire même présentait un spectacle affligeant, que le tabernacle et l’arche de Dieu étaient séparés ; et qu’ainsi toutes choses, grandes ou petites, religieuses ou politiques, publiques ou privées, contribuaient à former un tableau des plus sombres ; ce fut, dis-je, à ce moment-là Dieu commença à agir énergiquement par Son Esprit dans le peuple qui souffrait à juste titre sous la loi sous laquelle il s’était volontairement placé à Sinaï. Il est vrai que, malgré tout, la miséricorde et la fidélité se rencontraient du côté de Dieu ; mais quant à Israël, le mal croissait rapidement, sans qu’il y eût par-devers lui d’espérance ou de ressource. Que faire alors ? Dieu fait surgir David, le conduisant pas à pas, et Sion acquiert une place notable dans son histoire. C’est sur cette montagne que fut bâtie la cité de David, siège de sa royauté. De nos jours, on attache peu d’importance à ce lieu sur lequel pourtant reposera bientôt toute la bénédiction réservée pour ce monde comme tel, et jamais la terre ne jouira du repos ou de la gloire avant que Dieu renoue, pour ainsi dire, Ses rapports avec cette cité qui marqua jadis un point d’arrêt dans la décadence d’Israël et était destinée à servir d’oasis à la foi. Dans les Psaumes et les Prophètes, elle reparaît constamment, l’Esprit du Seigneur conduisant toujours les cœurs des saints à anticiper le plein résultat que le type promettait en germe, pour ainsi dire, dès le premier jour.

Le Saint Esprit fait de nouveau allusion à ce même sujet en Hébreux 12, quoique peut-être d’une manière différente. Toutefois la pensée prédominante est l’intervention de Dieu en grâce. Ce passage met en contraste la position d’Israël et celle du chrétien, et après avoir décrit la vision du Sinaï avec son obscurité, et ses ténèbres, et sa tempête — choses terribles, même pour le médiateur — il ajoute : « Mais vous êtes venus à la montagne de Sion, et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » etc. Or, je découvre là le même grand et précieux principe. Israël était venu à Sinaï, et ce fut cette montagne qui caractérisa sa marche du commencement à la fin. Et quel résultat eut-elle ? Comme elle avait commencé par les ténèbres et l’éloignement, elle finit par la misère et la mort. Tels qu’ils étaient, et tel qu’était Sinaï, les Israélites ne pouvaient que reculer tout tremblants loin de Dieu ; car là Il se présentait revêtu de Sa majesté en jugement, et non de cet amour qui condescend à s’abaisser jusque sous le fardeau afin de s’en charger. Cela ne pouvait avoir lieu à Sinaï, car il s’agissait là d’un Dieu juste en présence de pécheurs envisagés comme tels, de sorte que Sa présence ne pouvait qu’inspirer la terreur et faire pressentir le jugement. Des bornes devaient être placées autour de la montagne ; et si même une créature sans conscience s’en approchait, elle devait être frappée de mort : tel était Sinaï. « Mais vous êtes venus », dit l’Esprit, « à la montagne de Sion », le lieu de l’intervention de Dieu en grâce, comme Sinaï était celui de la responsabilité de l’homme. Mais quels pouvaient être les résultats de Sinaï pour le pécheur ? Uniquement de placer la mort avec toutes ses terreurs en face de sa conscience. L’Israélite, dans cette position, équivalait à un homme mort, parce qu’il était déjà pécheur ; et la sentence de mort serait certainement exécutée sur lui après qu’il aurait quitté la montagne ardente. L’apôtre fait voir que le terrain de la grâce sur lequel est placé le chrétien, se trouve diamétralement opposé à celui qu’occupe un pauvre pécheur tremblant en présence d’un Dieu qui réclame avec justice ce que la nature est incapable de produire. Actuellement, nous avons affaire avec un Dieu qui est descendu jusqu’à nous pour accomplir Son œuvre d’amour. Le nom de Sion apparut pour la première fois lorsque tout eut complètement failli en Israël — peuple, sacrificateurs, et roi. C’est alors que Dieu, quoique non recherché, intervient, qu’Il établit en Sion un roi de Son choix, et qu’Il l’élève aussi bien que son fils à un degré de gloire tel qu’il n’en a point existé, et n’en existera point en Israël jusqu’à ce que paraisse le véritable David, et qu’Il plante, et cela pour toujours, Sa gloire royale en Sion.

Le principe impliqué dans l’idée de Sion, est donc l’intervention de Dieu en grâce en faveur de Son peuple, après qu’il est démontré que sous la loi tout est perdu. C’est là ce qui donne à la montagne de Sion sa véritable portée en Apocalypse 14. Elle nous dit que Dieu est occupé en amour de tous ceux qui se sont rangés du côté de la sainte victime — l’Agneau. Dieu travaille en vue de Son Fils, tant pour assurer Sa gloire ici-bas que pour grouper autour de Lui un résidu dont le cœur Lui soit attaché : non pas simplement des hommes scellés comme serviteurs de Dieu, ainsi que le chapitre 7 nous en a présenté une compagnie prise des douze tribus d’Israël ; mais des personnes associées avec l’Agneau en Sion, c’est-à-dire avec les desseins de Dieu en grâce relativement au royaume. Il me semble que c’est le résidu souffrant de Juda qui passe à travers la tribulation sans égale, ce qui n’est pas dit de l’autre résidu. C’est ce que signifie la position que nous les voyons occuper avec l’Agneau sur la montagne de Sion. L’apôtre Jean les contemple là. Il est évident que ma pensée n’est pas d’affirmer qu’ils seront de fait sur la montagne de Sion, ou qu’ils saisiront nécessairement toute la portée de ce symbole. Pour nous, la question importante est de connaître ce que Dieu veut enseigner à Jean et à tous ceux qui désirent comprendre les paroles de ce livre. Je crois que la véritable signification du passage qui nous occupe est, ainsi que nous l’avons dit, l’action de Dieu en faveur de Son peuple dans les derniers jours. Il associera au Seigneur Jésus Christ, comme Messie souffrant, un nombreux et pieux résidu qui sera amené en communion avec Lui. Dans la vision, nous voyons des personnes au nombre de cent quarante-quatre mille ayant le nom de l’Agneau et le nom de Son Père écrits sur leurs fronts. Il n’est pas dit, remarquez-le, qu’ils connaissent Dieu comme leur Père. L’Apocalypse ne nous envisage jamais dans la position d’enfants ; bien moins encore présente-t-elle ainsi le résidu juif. Aussi, même lorsqu’il est question de l’Église, sommes-nous appelés rois et sacrificateurs de Son Dieu et Père, et non pas de notre Père. Cela est d’autant plus remarquable en Jean, que, dans ses autres écrits, il s’applique plus qu’aucun autre évangéliste à démontrer la relation d’enfants dans laquelle Dieu nous a placés maintenant vis-à-vis de Lui-même. Ainsi, en Jean 20, aussitôt après que le Seigneur est ressuscité des morts, voici le message qu’Il fait transmettre à Ses disciples par le moyen de Marie : « Va vers mes frères et leur dis : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Rien de semblable ne s’offre ici, parce que ce livre n’est nullement destiné à dévoiler notre intimité de relation avec Dieu comme Père, mais plutôt Ses jugements et Sa gloire, quoique avec des pensées de miséricorde pour le résidu. Je parle évidemment de la partie prophétique et terrestre, non de celle qui nous permet de jeter un regard sur les choses qui se passent en haut. C’est ainsi que le fait, que le nom de l’Agneau et celui de Son Père (car il faut lire ainsi ce passage) sont écrits sur le front des cent quarante-quatre milliers (14, 1), forme un contraste avec le nom de la Bête au chapitre 13. Le nom ou marque de la bête était placé sur la main droite et sur le front de ses adorateurs. Les cent quarante-quatre mille portent sur leurs fronts, non pas dans leurs cœurs seulement, si nous pouvons parler ainsi, le nom de l’Agneau et celui de Son Père : c’était chose manifeste et connue qu’ils appartenaient à l’Agneau.

« Et j’entendis une voix du ciel comme une voix de grandes eaux et comme une voix d’un grand tonnerre, et la voix que j’entendis était comme de joueurs de harpe, jouant de leurs harpes ; et ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre animaux et devant les anciens ; et personne ne peut apprendre le cantique, sinon les cent quarante-quatre milliers qui ont été achetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont vierges ; ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ; ceux-ci ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau » (v. 2-4). Ils sont caractérisés par les traits variés que nous venons de lire : outre la connaissance qu’ils ont seuls du cantique nouveau, ils rendent un témoignage négatif par leur séparation de toutes les sortes d’idolâtrie qui prévaudront sur la terre, et un témoignage positif par leur fidèle attachement à l’Agneau, quelque terrible que soit l’épreuve. Au lieu de devenir les esclaves de la bête, ils sont rachetés de la terre pour être des prémices à Dieu et à l’Agneau. Ils sont une classe toute particulière et forment, pour ainsi dire, un lien entre les cieux et la terre de laquelle ils ont été rachetés. Ils étaient exempts de la corruption de ces jours mauvais, et c’est des idolâtries qui signaleront ces temps d’une manière spéciale qu’ils ont surtout été gardés. En parlant d’idolâtrie, il n’est nullement dans ma pensée de faire allusion à l’idolâtrie vague et générale que nous sommes exhortés à éviter, dans les avertissements que la Parole de Dieu renferme contre la convoitise. L’idolâtrie qui paraîtra à la fin sera positive, littérale. Il se peut que beaucoup de personnes envisagent comme une absurdité l’idée de la réapparition du culte des idoles dans des pays qui ne sont ni papistes ni païens, mais un tel jugement révélerait une grande ignorance du cœur de l’homme et de la puissance de Satan. La Parole de Dieu est parfaitement explicite lorsqu’elle fait mention de l’idolâtrie grossière qui caractérisera les derniers jours, et cela dans les pays que le christianisme a le plus éclairés, et même dans Jérusalem qui mettra alors en avant une fois de plus les plus hautes prétentions. Il s’agit d’une apostasie que le cœur de l’homme est parfaitement capable d’embrasser et à laquelle Dieu abandonnera totalement la chrétienté, comme juste rétribution de son rejet de l’amour de la vérité. « Et à cause de cela, Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge ». Il les livrera aux convoitises de leurs cœurs naturels, et nous savons que le cœur, dans un tel état, préfère tout à Dieu.

Il est dit des saints qui, aux yeux du prophète, sont associés avec l’Agneau en Sion, qu’ils ne se sont point souillés avec les femmes, c’est-à-dire qu’ils ont été préservés de la corruption qui les entoure. Leur marche a été d’une pureté virginale ; ils n’ont pas non plus suivi la bête. « Ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ». « Ils ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau ». Ils sont des prémices : la moisson se trouve assurée pour le temps convenable (voir v. 14-16). « Et il n’a pas été trouvé de mensonge dans leur bouche, car ils sont irrépréhensibles ». Dans la plupart de nos versions, il est ajouté « devant le trône de Dieu » (v. 5), mais ces derniers mots ne doivent pas être là. Les meilleures autorités les suppriment, et un instant d’étude attentive de ce passage montrera comment c’est à tort qu’on les y a insérés. « Ils sont irrépréhensibles » cela est vrai ; mais ici, ce mot a trait, je crois, à leur vie pratique. Comparés aux gens d’entre lesquels ils ont été rachetés, ils sont assurément irrépréhensibles : ils le sont en présence de ceux-là. Mais supposez que Dieu les fasse comparaître devant Son trône pour prendre connaissance de ce qu’ils ont été ici-bas et pour mesurer leur conduite d’après Sa sainteté — combien ce sera différent ! Le besoin du pardon se ferait aussitôt sentir, aussi bien que la nécessité de se présenter, non avec sa propre justice, mais bien avec celle qui nous a été faite de par Dieu en Christ. Si je me présente uniquement avec mon individualité, non pas envisagé en Christ, mais selon mes propres voies, pourrai-je dire que je suis irrépréhensible devant la face de Dieu ? L’évidence de la vérité que nous démontrons sera plus aisément reconnue, si nous consultons 1 Jean 1 : « Si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous » : nous ignorons la vérité pour ce qui nous concerne, et nous sommes en dehors de la communion avec Christ pour le discernement du mal. Mais « si nous disons que nous n’avons pas péché », nous faisons Dieu menteur, ce qui est infiniment pire que de nous séduire nous-mêmes. Nous Le faisons menteur, et Sa Parole n’est point en nous ; car Il a déclaré le contraire maintes et maintes fois. Mais au chapitre 3 de la même épître, quel changement remarquable ! « Celui qui pratique le péché est du diable », et : « Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché, car la semence de Dieu demeure en Lui ; et il ne peut pécher parce qu’il est né de Dieu. Par ceci les enfants de Dieu et les enfants du diable sont rendus manifestes ». Comment concilier ces deux choses ? Comment rendre compte de l’immense différence qui existe entre le langage du premier chapitre et celui du chapitre 3 ? La chose est toute simple. Au chapitre 1, le Saint Esprit dirige les regards du chrétien sur ce qu’il est à la lumière de la présence de Dieu : il se trouve devant le Père et le Fils, face à face avec Dieu, si je puis me servir d’une semblable expression, non pas précisément devant le trône, mais devant le Père et le Fils. Et quel peut être le langage d’un homme dans une telle position ? Dira-t-il qu’il n’a point de péché ou qu’il n’a pas péché ? Ah ! sûrement non. Quiconque prononce de semblables paroles montre clairement que la vérité n’est pas en lui, et que la Parole de Dieu n’a jamais travaillé son cœur. Mais lorsque Dieu compare Son enfant avec le monde, c’est-à-dire avec ceux qui ne Le connaissent pas, Il dit : « Il ne pèche point », et « il ne peut pécher ». Consultez aussi le livre des Nombres, et vous verrez Israël dans un état de chute et d’extrême désordre, se rendant, tout le long de sa marche, coupable d’incrédulité et d’infidélité. Mais du moment où l’ennemi se présente pour maudire le peuple de Dieu — ce même Israël qui avait tenté et provoqué le Seigneur tant de fois — qu’est-ce que Dieu déclare alors ? « Qu’Il n’a point aperçu d’iniquité en Jacob, ni vu de perversité en Israël ; l’Éternel son Dieu est avec lui, et il y a en lui un chant de triomphe royal ». Il ne peut maintenant apercevoir la moindre faute en ceux chez lesquels Il en avait tant trouvé quand Il s’adressait à eux-mêmes. Que Satan et le monde entreprennent d’accuser les enfants de Dieu, et tout Son cœur prendra aussitôt leur défense. Tel que ce verset se trouve dans le texte reçu avec les mots « devant le trône de Dieu », on ne saurait l’entendre que de notre position en Christ ; tandis qu’il s’agit ici, je crois, de vie pratique. Dieu n’aperçoit en eux ni mensonge ni souillure, parce qu’ils ont été gardés, par grâce, des souillures de Babylone et de la puissance séductrice de la bête : ils sont donc irrépréhensibles. Je ne signale cela que pour montrer combien des changements presque imperceptibles portent atteinte à l’ensemble des vérités chrétiennes. La moindre rature ou la plus petite erreur qui vient furtivement se glisser dans la Parole de Dieu, ne peut manquer d’en altérer l’exactitude et la parfaite beauté.

La seconde chose qui vient fixer notre attention dans ce chapitre, c’est un ange volant par le milieu du ciel et ayant l’évangile éternel à annoncer à ceux qui habitent sur la terre et à toute nation et tribu et langue et peuple. Je sais que quelques personnes ont appliqué cela au vaste développement des missions évangéliques parmi les païens dans ces derniers temps. Mais est-ce le moyen de comprendre la prophétie que de s’efforcer de lui trouver un accomplissement actuel ? Il faut la considérer comme un tout ; et s’il est impossible de trouver un nouveau groupe de Juifs dans la souffrance associés avec Christ dans l’attente ou l’espérance du royaume en Israël, il est inutile de chercher l’ange annonçant l’évangile éternel dans les efforts des missionnaires durant ces cinquante dernières années. Du reste, le caractère du message n’est nullement en rapport avec les desseins de Dieu maintenant, car la base de l’appel ou des sollicitations de l’ange, c’est que « l’heure du jugement est venue ». Cela peut-il se dire du moment actuel ? Non évidemment. Aujourd’hui est un jour de grâce, contraste positif avec l’heure du jugement. Il est encore vrai que c’est « maintenant le temps agréable, maintenant le jour du salut ». La porte est jusqu’ici demeurée ouverte, de sorte qu’il ne serait pas vrai de dire : « l’heure de Son jugement est venue ». Mais lorsque viendra le temps où ces choses devront s’accomplir, il est évident que ce langage sera là la parole de Dieu pour les hommes, car les derniers jugements seront près d’être exécutés et la colère de Dieu ne tardera point à éclater. Mais il est impossible d’associer toutes ces choses à un jour de bénédiction et de grâce, comme si le tout pouvait marcher ensemble ; et pourtant il y a des personnes qui osent avancer que nous traversons actuellement la période des coupes ! Disons-le, une telle manière de voir (là où on la tient, non pas partiellement, mais d’une manière absolue et finale) témoigne que la vérité est presque totalement éclipsée aux yeux de ceux qui peuvent supposer que le jour de la grâce de Dieu et l’heure de Son jugement ne sont qu’une seule et même chose, ou que, du moins, le tout se passe à la fois. Si nous examinons le message même de l’ange, nous trouvons combien son caractère diffère complètement de celui de la bonne nouvelle que Dieu fait annoncer aujourd’hui. L’ange prêche-t-il à tous les hommes de se repentir parce que Dieu a ressuscité un homme d’entre les morts, par lequel Il jugera le monde en justice (Act. 17, 31) ? C’est là ce qu’annonçait Paul en son jour, et c’est aussi ce qu’il convient d’annoncer aujourd’hui, savoir : un Christ mort, mais ressuscité et devant revenir pour juger le monde. Le message dont il est question dans notre chapitre parle bien de l’heure du jugement divin, mais il ne dit pas un mot de l’homme ressuscité, pas un mot d’un Sauveur et de la rédemption qu’Il a accomplie. « Craignez Dieu et donnez-lui la gloire, car l’heure de Son jugement est venue ; et rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux » (v. 7). Je le demande, est-ce là le message que nous devons publier partout ? Notre mission est-elle de solliciter les âmes à adorer le Dieu qui a fait les cieux et la terre, la mer et les fontaines d’eaux ? Oh ! quelque éternellement vraie que soit cette vérité, elle n’est assurément pas celle qui doit être l’objet de notre prédication aujourd’hui. Dieu nous garde de chercher en aucune manière à amoindrir Sa gloire comme Créateur, car c’est une chose extrêmement importante ; mais le temps tout spécialement convenable pour en faire l’application viendra, lorsque Dieu aura achevé ou complété le rassemblement de l’Église (corps de Christ) et qu’Il l’aura recueillie dans la gloire céleste. Quelle ne sera pas l’urgente nécessité de ce message lorsque les efforts de Satan auront réussi à faire adorer comme Dieu sur la terre un homme suscité par lui sur la terre, tandis qu’il a fait rejeter le vrai Dieu lorsqu’Il s’est présenté sous la forme d’un homme ? La prédication de l’ange donnera un démenti à tout ce que la bête et le dragon cherchent à effectuer. Il faudra sûrement, lorsque ce faux culte sera en train, une foi positive dans le Dieu vivant et vrai pour résister aux embûches et à la puissance séductrice de la bête, car Satan fera que tous ceux qui ne s’adonneront pas au mensonge seront en danger quant à leur vie. Aussi est-ce pour cela que ce message est publié : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le monde entier se trouve plongé dans l’idolâtrie — adorant la bête et se prosternant devant elle. Satan ne put amener le Fils de Dieu à se prosterner devant lui, mais au moyen de la bête il obtient les hommages et les adorations du monde entier. « Rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux ». Ce sont là les droits de Dieu à l’adoration suprême, et Il les fait valoir dans ce temps où la terre est complètement emportée par la séduction anti-chrétienne.

Mais il se peut que l’on demande pourquoi ce message a reçu le nom de l’évangile éternel. La réponse est, je présume, parce que c’est toujours vrai. Cela a été vrai dès le commencement, et il le demeurera jusqu’à la fin. « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le motif mis ici en avant (« car l’heure de son jugement est venue ») ne peut pas sans doute s’appliquer toujours ; mais la parole : « Craignez Dieu… et rendez hommage à celui qui a fait le ciel et la terre » (c’est-à-dire, cette gloire de Dieu qui a sa preuve et son témoignage dans la création) n’en demeure pas moins une vérité immuable et fondamentale. Seulement elle sera mise en lumière et proclamée d’une façon tout particulièrement emphatique, lorsque Satan aura obtenu du monde le reniement du vrai Dieu et la substitution du culte de la créature à celui du Créateur. La signification de ce verset 7 me paraît assez simple. Mais je désire ajouter encore quelques mots au sujet du terme « évangile » dont le sens est beaucoup plus étendu dans les Écritures que ce que nous sommes habitués à supposer. Les bonnes nouvelles annoncées à Israël dans le désert furent qu’il hériterait du pays de la promesse. Ce fut une bonne nouvelle à Abraham que l’assurance que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui (Gal. 3, 8). Celle qui se prêchait du temps de Jean-Baptiste et que lui-même était chargé de publier donnait à connaître que le royaume des cieux était là. C’est aussi ce qu’annonçaient le Seigneur et Ses disciples, pendant Son ministère sur la terre ; mais le peuple ne voulut point de Lui, et la conséquence en fut que quoique le royaume fût établi, cela eut lieu d’une manière qui ne répondait nullement à l’attente du peuple. Il fut établi dans le ciel dans la personne du roi rejeté, jusqu’au moment du retour du roi où il sera manifestement établi sur la terre. Il y a donc, nous venons de le voir, différents évangiles, différentes bonnes nouvelles en rapport avec les sujets variés ou les espérances diverses dont Dieu veut présenter le développement à diverses époques. Mais l’évangile éternel est celui dont l’existence remonte plus haut qu’Abraham, plus haut qu’aucune autre bonne nouvelle ; il consiste à proclamer que Dieu a été et sera toujours l’unique objet digne d’adoration. « Nul n’est bon qu’un seul, Dieu ». Et lorsque paraîtra l’aube de ce jour magnifique — où le roi resplendira en gloire, où le royaume préparé dès la fondation du monde sera établi — où Dieu aura réuni autour de Lui les objets bénis de Son affection, tant ceux du Nord que ceux du Midi, de l’Orient, et de l’Occident (et non seulement ceux qui auront passé par la résurrection mais aussi ceux qui auront été gardés dans leurs corps naturels pour participer à la bénédiction sur la terre, dans le même temps où les saints ressuscités jouiront de la gloire céleste sous la seigneurie de Celui qui seul peut réunir en Lui toutes choses en bénédiction) ; en ce jour-là, dis-je, quel sera le message qu’il importera le plus de publier ? Sûrement celui-ci : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Il est évident que c’est alors qu’il porte avec une parfaite raison le nom d’« évangile éternel ». Vous remarquerez aussi qu’il est adressé « à ceux qui habitent sur la terre » aussi bien qu’à toute tribu, nation, langue et peuple ; la distinction que nous avons déjà signalée se trouvant encore gardée ici. Ces deux catégories entendront le message ; mais si « ceux qui habitent sur la terre » ne le reçoivent pas, par la bonté de Dieu la plupart des nations, des tribus, des langues et des peuples y seront attentifs (comp. Ps. 16 et Matt. 24, 14, et les résultats en Matt. 25, 31-46).

Après cette communication d’un ange, il en vient une autre — celle de la ruine de Babylone. Mon intention n’est pas de m’arrêter sur ce sujet pour le moment, car nous trouverons dans d’autres chapitres de l’Apocalypse de nombreux détails sur cette grande cité. L’importance de Babylone demandait en effet qu’il fût fait d’elle une mention particulière. Mais comme elle était évidemment la source active de la corruption, enivrant les hommes et les détournant du Dieu vivant, Dieu juge le moment convenable pour faire sonner le glas funèbre de cette cité. Le but du Saint Esprit est ici probablement de donner à la chute de Babylone sa véritable place dans l’ordre que doivent suivre les voies de Dieu à la fin de cette dispensation, d’indiquer ses vrais rapports avec ce qui la précède et ce qui la suit (v. 8).

Nous trouvons ensuite un solennel avertissement adressé à ceux qui adorent la bête et qui reçoivent sa marque, la déclaration de l’infaillible et éternel tourment de ceux qui sont emportés par la séduction de cet abominable. Beaucoup de personnes appliquent ces prophéties concernant Babylone et la bête, exclusivement à Rome ; mais, si la ville aux sept collines possède un certain nombre des principes de Babylone et de la bête, il est pourtant impossible de les trouver tous et pleinement réunis dans le papisme tel qu’il est aujourd’hui ou qu’il a été. Outre cela, Babylone et la bête ne peuvent être une seule et même chose, puisque la bête détruit Babylone. Rome se détruira-t-elle elle-même ? Il est évident que les éléments de Babylone y seront trouvés, mais si on envisage la chose de plus près, on verra que tout ne saurait se trouver en Rome. Pour ma part, je crois que Rome, plus que tout autre système, est déjà moralement Babylone dans un sens très véritable, et que plus tard elle renfermera et manifestera encore davantage tous les éléments de cette vile corruption. Mais pour cette raison même, il est impossible qu’elle soit la même chose que la bête, car la bête est ce qui détruit Babylone ; et ce n’est qu’après cela que la bête manifeste sa rébellion la plus abominable et la plus ouverte contre Dieu, et que vient sa destruction. Le plus mauvais état de la bête est postérieur à la ruine de Babylone, car c’est alors qu’elle s’élève jusqu’aux cieux, mais seulement afin d’être précipitée en enfer. Mais nous verrons bientôt la chute complète de toutes deux : « Ici est la patience des saints » (v. 9-12).

La cinquième division consiste dans la parole concernant les saints qui meurent au Seigneur. « Et j’entendis une voix venant du ciel, disant : Écris : Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, mais leurs œuvres les suivent » (v. 13). Ce verset ne s’applique pas à ceux qui meurent durant la présente économie. Sûrement la mort des chrétiens est bienheureuse, mais dans le passage qui nous occupe le Saint Esprit parle d’une catégorie de gens encore future, et qui passera tout entière par la mort. Nous l’avons déjà dit, ces choses forment un ensemble, et nous ne pouvons nous en approprier une partie, laissant de côté ce qui ne peut s’appliquer directement à nous. Quelle est donc la véritable signification de ce verset ? Quelle peut être la pensée de Dieu Lui-même ? Évidemment il est question des saints qui meurent dans ces jours-là. Beaucoup seront tués ; le sang des saints coulera abondamment. L’évangile éternel avait été proclamé ; l’heure du jugement avait sonné comme l’avait annoncé l’ange, et il pouvait sembler terrible d’être mis à mort précisément au moment où Dieu allait introduire Son règne. Mais il n’en est pas ainsi ; au contraire, le Seigneur déclare que : « Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux ». N’en soyez donc pas alarmés, semble-t-il dire ; ils n’en auront qu’une gloire plus excellente. Quelle sera donc la portion de ceux qui meurent alors au Seigneur ? Ils régneront avec Christ et avec les saints célestes. Le chapitre 20 démontre que ceux qui sont morts sous les persécutions de la bête ressusciteront ensuite pour être réunis aux saints célestes déjà recueillis dans les cieux. Ces morts que la Parole appelle ici bienheureux ne sont sûrement pas des individus appartenant à l’Église, car tous ceux-ci ne mourront pas. Quelques-uns seront en vie et demeureront jusqu’à la venue du Seigneur pour être alors transmués sans passer par la mort, tandis que les personnes dont parle notre verset doivent toutes passer par la mort. Il est donc exclusivement question de ceux qui meurent au Seigneur à cette époque-là, et il est clairement démontré qu’au lieu de perdre leur place dans le royaume de Christ, ils en obtiendront une plus glorieuse et plus bénie. En outre, leur compagnie est complète, et leur pleine bénédiction arrive sans autre délai — bienheureux dorénavant (v. 13).

Il est certain que l’esprit de ce passage trouve bien maintenant son application, mais l’intention du Saint Esprit semble être de consoler et d’encourager ceux qui doivent passer par la mort avant que la bête soit jugée et que la gloire céleste paraisse. On aurait pu penser que la mort leur faisait perdre quelque chose. Mais non. La voix qui se fait entendre des cieux prononce ces paroles : « Écris : Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, mais leurs œuvres les suivent ». Le Saint Esprit ajoute l’expression de Sa douce sympathie — fidèle envers les saints dans la joie et dans la tristesse, leur étant en aide dans les infirmités, et entrant dans les joies de leur récompense et de leur triomphe.

Puis viennent les deux dernières scènes de ce chapitre. La première est la vision d’un personnage semblable à un Fils d’homme assis sur une nuée blanche « ayant sur sa tête une couronne d’or et dans sa main une faucille tranchante ». Cette vision est fondée sur l’idée d’une moisson : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un jugement qui opère par voie de triage (v. 14-16). Il y a des choses à rejeter, d’autres à recueillir. Nous pouvons, ce me semble, rapprocher ce qui nous est dit ici de ce que nous lisons dans les évangiles : « L’un sera pris et l’autre laissé ; il en sera de même au jour où le Fils de l’homme sera manifesté » (Luc 17). Le second jugement est d’un autre caractère. Il s’agit de la vendange des grappes de la terre, et non de sa moisson. Il ne reste rien de bon, et en conséquence il n’y a aucune distinction à faire. Dans la moisson, il y avait quelque chose à mettre de côté ; la vendange nous présente un tableau plus solennel encore que le précédent. Les grappes recueillies ne sont pas le fruit de la véritable vigne, mais bien de « la vigne de la terre ». Le Seigneur Jésus Christ est la seule vraie vigne, et si nous sommes des sarments qui voulons porter du fruit, il faut que nous demeurions en Lui. Mais dans le passage qui nous occupe, il s’agit de « la vigne de la terre ». Et que fait le Seigneur de cette vigne et de ses grappes ? Il fait fondre sur elles un jugement sans mélange — pas la moindre trace de miséricorde pour le mitiger. Ce fruit est recueilli et jeté dans la cuve de la colère de Dieu. Ce tableau est suivi de celui de l’exercice même du jugement. « La cuve fut foulée hors de la ville, et de la cuve il sortit du sang jusqu’aux mors des chevaux dans un espace de mille six cents stades »[33]. Cette figure est bien celle d’un carnage épouvantable — un fleuve de sang d’une certaine profondeur ayant un cours de deux cents milles de long ! Cela ne doit pas être pris purement et simplement à la lettre ; mais la grande pensée que Dieu veut présenter est celle d’un jugement sans miséricorde contre les apostats. Qui entendit jamais raconter de telles choses durant le cours de tous les siècles ? Sûrement les hommes seraient impuissants pour les produire. Et cependant la réalité sera plus terrible encore que l’image qui passa comme un tableau prophétique devant les yeux de notre prophète (v. 17-20). Le sang ainsi répandu pourrait être celui des apostats sortis des diverses portions de la chrétienté ; mais il semble que ce sera surtout le sang des Juifs, car cette scène se passe dans le pays. La cuve fut foulée hors de la ville que nous ne doutons pas être Jérusalem. Comparez Joël 3.

En Ésaïe 63, nous voyons le Seigneur foulant au pressoir ; mais il semble qu’il s’agit d’une scène qui se passe plus loin : Il vient d’Édom, de Botsra ayant les habits teints en rouge. Dans notre chapitre, la scène est beaucoup plus rapprochée ; c’est tout juste « hors de la ville », et la vengeance s’exerce sur tous ceux qui avaient été coupables dans les choses religieuses en rapport avec elle. La miséricorde leur avait été annoncée, mais ils l’avaient méprisée ; et maintenant le jugement est venu et ils n’ont rien d’autre à attendre. Ils n’avaient fait qu’abuser de la miséricorde dont Dieu avait usé à leur égard : quoi d’étonnant que Dieu en tienne compte et qu’Il juge ?

Ce chapitre nous fournit donc une esquisse complète des voies de Dieu dans la crise du dernier jour. Il se divise en sept parties. La première nous présente le résidu de Juifs fidèles associés à l’Agneau en Sion, et partageant avec Lui les souffrances de Sa réjection et l’attente du royaume. La seconde renferme un message adressé aux nations répandues dans tout le monde aussi bien qu’aux habitants de la terre prophétique. La troisième rapporte la chute de Babylone. La quatrième proclame la terrible sentence, tant pour ce monde que pour l’autre, de tous ceux qui adoreraient la bête et son image, ou qui recevraient la marque de son nom. La cinquième annonce le bonheur, dès ce temps-là, de ceux qui meurent au Seigneur. La sixième dépeint le mode par voie de triage de la moisson ; et enfin la septième, la vengeance épouvantable exercée sur toute l’apostasie religieuse. De ces deux derniers actes de jugement, le premier, au moins, est exécuté par le Fils de l’homme, ce qui implique nécessairement que le siècle est près de sa fin : la colère, non pas de Dieu seulement, mais de l’Agneau.

Cette esquisse des voies finales de Dieu en miséricorde ou en jugement, nous présente donc une septuple série. C’est parfaitement en harmonie avec le livre entier de l’Apocalypse. Nous avons déjà vu sept sceaux, sept trompettes, et il nous reste encore sept coupes à considérer. Le chapitre que nous étudions contient aussi les voies de Dieu au nombre de sept formant ensemble un récit complet. Mais pour ce qui est des détails tels qu’ils sont donnés plus loin, nous pourrons les considérer soigneusement à mesure qu’ils nous seront présentés. Quoique toutes ces choses ne nous concernent pas directement, n’est-ce pas une grâce infinie que Dieu nous les découvre et nous donne ainsi de ne pas toujours être occupés de nous-mêmes dans nos lectures de la Bible ? Beaucoup de personnes supposent qu’il y a de la spiritualité à s’adresser continuellement cette question : Qu’y a-t-il ici pour moi ? Au lieu de cela, notre désir devrait être d’entrer dans la pleine mesure de bénédiction que Dieu veut nous donner, et de ne pas nous contenter d’une petite Tsoar. « Ouvre ta bouche et je la remplirai, a dit le Seigneur ». Si je désire voir ma coupe déborder afin d’être ainsi fortifié pour Son service, je sentirai le besoin d’apprendre tout ce que Dieu veut me faire connaître de Christ. Puis-je ne trouver aucun intérêt ni aucun bonheur à savoir que Christ non seulement possédera Son résidu lorsque paraîtra la gloire, mais qu’Il se l’associera avant cela afin de partager avec lui Ses souffrances, comme ce fut le cas de David lorsqu’il vint à la montagne de Sion ? Et à qui ce roi fit-il partager ses honneurs, si ce n’est à ceux qui avaient été ses compagnons durant sa réjection ? Il en est de même de ces cent quarante-quatre mille. — Ils ne jouiront pas cependant de la même gloire céleste que l’Église des premiers-nés ; car c’est maintenant que les meilleures bénédictions nous sont données, ou nous n’en avons aucune. Les chrétiens sont placés dès à présent dans les plus glorieux privilèges dont il soit possible à des enfants de Dieu de jouir.

Quelles que soient les prétentions du monde du temps où nous vivons, Christ en est complètement rejeté ; et le désir de Dieu est que Christ soit assez mon trésor pour que je puisse mépriser le monde et le fouler à mes pieds. La chose difficile, c’est de prendre avec Christ la place de réjection qu’Il occupe, et de m’y trouver parfaitement heureux.

Chapitre 15

Nous sommes arrivés maintenant à une division nouvelle du livre. Les trois derniers chapitres (12, 13, 14) en forment à eux seuls une portion très importante : ils nous présentent le tableau des voies finales de Dieu et des dernières machinations de Satan, pour autant qu’il s’agit de la dispensation actuelle ; et même avant que les voies de Dieu et les plans de l’ennemi s’y déroulent, ils nous révèlent la source cachée des unes et des autres. Nous avons vu dans le chapitre 12 la naissance du fils mâle victorieux, et Satan et ses anges précipités du ciel ; ensuite, les deux grands partis avec leurs chefs respectifs sont en présence sur la scène et comme face à face, pour ainsi dire. Mais quels que puissent être les instruments de la puissance de Satan ici-bas comme le chapitre 13 nous les montre, et quelles que soient les voies de Dieu dans l’exercice de Sa grâce ou de Ses jugements dans le chapitre 14, tout découle de ce fils mâle, l’objet de la terreur et de la haine de Satan. Maintenant nous en venons à un sujet nouveau. Il avait été fait mention au chapitre 12, verset 1 d’un grand prodige ou signe. Il est dit ici : « Et je vis dans le ciel un autre signe, grand et merveilleux, sept anges ayant sept plaies, les dernières ; car en elles, la colère de Dieu est consommée ». Nous reprenons une fois de plus le fil des événements historiques. Vous pouvez vous rappeler que sous la dernière trompette a été prononcée cette parole : « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue ». Or, je pense que ce qui doit naturellement frapper tout le monde, c’est qu’ici la colère de Dieu est venue, et que les nations ne sont pas seulement irritées, mais blasphèment au dernier point. Aussi, chaque nouveau coup que Dieu frappe, au lieu d’amener l’homme à quelque sentiment d’humiliation, ne fait-il qu’accroître son inimitié contre le Seigneur. La septième trompette nous a conduits d’une manière générale jusqu’à la fin, et ici ce sont quelques détails, mais non pas tous, qui nous sont présentés. Ce n’est que plus bas que nous trouvons plus particulièrement deux des sujets décrits sous les coupes : le chapitre 17 traite de Babylone et de la Bête dans leurs rapports mutuels ; le chapitre 18, de la destruction de Babylone, et le chapitre 19, du jugement de la Bête.

Il est donc une autre remarque que je dois aussi ajouter. Tous ces événements nous sont aussi présentés ensemble dans le chapitre 14. Nous avons eu là ce que je puis appeler l’action religieuse de Dieu : Dieu en agissant avec l’homme sur la terre comme responsable de l’usage ou de l’abus qu’il a fait de la lumière de la révélation, et comme placé sous la responsabilité de reconnaître et d’adorer Dieu seul. Ces coupes prennent plutôt l’histoire civile extérieure ou la condition séculière de l’homme, quoique la même chose puisse en certains cas avoir en même temps une portée religieuse et une portée séculière. Telle est, par exemple, Babylone : elle est évidemment la grande chose corrompue et corruptrice en matière de religion ; mais cela n’empêche pas Babylone d’avoir une large part aux affaires du monde. Et de fait, c’est là un des maux qui constituent Babylone — l’introduction des choses du monde, même dans les choses spirituelles, et la confusion qui en résulte et qui est odieuse à Dieu et pleine de séduction pour les hommes. De là vient que nous trouvons Babylone dans le chapitre 14 aussi bien que dans le chapitre 16. Le chapitre 14 nous donne un sommaire des voies de Dieu à la fin du siècle relativement aux choses religieuses, qu’elles soient d’un aspect brillant ou d’un aspect sombre : grâce, témoignage et jugement. Il nous est ainsi extrêmement utile pour ranger les derniers événements dans l’ordre dans lequel ils se passent. La chute de Babylone, par exemple, est la troisième chose dans la série des événements du chapitre 14. D’abord, il y a le résidu complet des Juifs pieux sous la souffrance — résidu saint, associé par grâce avec l’Agneau, c’est-à-dire, sur la montagne de Sion. Vient ensuite le témoignage de l’évangile éternel à la terre et à toutes les nations, et, troisièmement, la chute de Babylone. Mais d’un autre côté, dans la série des coupes, la chute de Babylone est la dernière des sept. Nous en concluons que les jugements représentés par les six premières coupes doivent précéder la chute de Babylone : c’est-à-dire, que les six premières coupes peuvent être successivement accomplies, tandis que le résidu juif se forme, et que l’évangile éternel est publié parmi les Gentils. La dernière coupe implique la chute de Babylone, qui correspond au troisième anneau, et est elle-même cet anneau de la chaîne des événements énoncés dans le chapitre 14. Cela est important à remarquer pour prévenir toute confusion. L’avertissement touchant le culte de la bête, la déclaration relative au bonheur de ceux qui meurent au Seigneur, la moisson, et la vendange de la terre, sont tout autant de faits évidemment postérieurs à la chute de Babylone.

Le tableau général et régulier des voies de Dieu, tant en miséricorde qu’en jugement, ayant donc passé d’abord sous nos yeux, nous apprenons maintenant par le chapitre 16 une partie de ces voies, les détails de quelques-unes desquelles se rattachent au verset 8 du chapitre 14, et peut-être s’accomplissent simultanément avec ce qui précède ce verset. Il ne faut donc pas supposer que les coupes sont postérieures au chapitre 14 ; il est possible que les premières ont lieu pendant que le résidu dont il est parlé est en voie de formation, et que le témoignage sort vers les Gentils. Il se pourrait aussi qu’elles s’accomplissent rapidement après ces choses et avant la chute de Babylone. Mais, certainement, la dernière coupe renferme la chute de Babylone, et cette chute précède d’une manière non moins évidente les événements solennels qui suivent l’annonce qui en est faite dans la dernière partie du chapitre 14.

Mais à présent, considérons la scène qui sert d’introduction aux coupes. « Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu ». C’est là un type emprunté du temple, quoique avec certains changements. Le tabernacle avait la cuve d’airain, et le temple sa mer de fonte — vaisseau plus grand, mais de même nature, dans lequel les sacrificateurs avaient coutume de laver leurs pieds et leurs mains lorsqu’ils entraient pour faire le service de l’Éternel. Ici c’est une mer de verre, et en conséquence, elle ne sert point à la purification. Ce n’était pas une mer d’eau, mais elle était solide. Le fait qu’elle est de verre indique un état de pureté ferme et permanente. Ce n’était point ce qui sert à purifier, mais l’image d’une pureté que rien ne peut souiller. Les saints dont il s’agit ne se trouvent plus dans des circonstances à avoir besoin d’être purifiés par le lavage d’eau par la Parole. Cet état de choses n’était plus. Maintenant c’était « une mer mêlée de feu » ; ce qui montrait clairement par quelles circonstances avaient passé ceux qui étaient en rapport avec cette mer. Ils avaient éprouvé l’ardente tribulation, ils avaient glorifié Dieu dans les flammes. Cela évidemment n’a pas trait à l’Église. « Vous aurez de l’affliction dans le monde », est une parole vraie de nous. Mais ce que nous avons ici est relatif à une tribulation spéciale — « la tribulation », dont l’Écriture fait mention fréquemment. « Je vis comme une mer de verre mêlée de feu, et ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête et sur son image (ils sont donc évidemment contemporains de la Bête), et sur le nombre de son nom, se tenant sur la mer de verre, et ayant des harpes de Dieu ». Ainsi la circonstance signalée ici, c’est, non pas qu’ils se lavent dans la mer, mais qu’ils se tiennent sur elle. Les circonstances terrestres par lesquelles ils ont passé leur donnent leur caractère, mais la scène de la lutte est désormais passée. L’Esprit de Dieu signale par anticipation tout ce qui caractérise ceux qui avaient été persécutés par la bête, mais qui sont considérés comme l’ayant vaincue. C’étaient des personnes qui déjà avaient été purifiées ; elles en avaient fini avec toute la scène présente, et en étaient tout à fait dehors. Elles se tenaient sur la mer de verre. Et non seulement cela, mais elles avaient « des harpes de Dieu » : c’est-à-dire, que leur occupation consiste dans la joie parfaite et la parfaite louange — le contraste de tout ce à travers quoi elles avaient passé.

Je désire faire remarquer ici, quoique ce ne soit pas d’une grande importance, que les éditions ordinaires ont dans le verset deuxième de ce chapitre une petite clause qui doit être laissée de côté. Ce verset s’y trouve ainsi conçu : « Et ceux qui avaient vaincu la bête, et son image, et sa marque, et le nombre de son nom ». Or, la clause : « et sa marque », n’a rien à faire ici. La même chose se présente chapitre 13, 17 (éditions ordinaires) : « Et personne ne pouvait acheter ni vendre, que celui qui avait la marque, ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom ». Ici encore la vérité est que le petit mot « ou », inséré là devant la clause « le nom de la bête », doit être supprimé. La différence dans le sens est que « la marque » serait, soit le nom de la bête, soit le nombre de son nom. Il n’y a pas une troisième chose distincte de ces deux, comme le ferait supposer le texte ordinaire. La Bête avait deux manières de marquer ses partisans ; dans l’une elle les marquait par son nom, et dans l’autre par le nombre de son nom : mais cela n’aurait pas de sens que de dire, « la marque, ou le nom de la Bête, ou le nombre de son nom ». Le nombre constituait sa marque, quoique ce ne fût pas la seule ; il y avait en outre son nom — celle qui était, je suppose, plus intime et plus personnelle que l’autre. C’étaient donc (chap. 15) ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête, et sur son image, et sur le nombre de son nom. Dans la Bible anglaise, le mot « et sur le nombre » est même imprimé en italique, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion avec les mots « sur sa marque ». Je n’y fais allusion que pour montrer que l’introduction par l’homme dans l’Écriture même d’un tout petit mot comme « ou » en altère le sens. Dans la langue dont l’Esprit se sert, la différence n’est que d’une seule lettre ; mais vous ne sauriez introduire même une lettre dans la Parole de Dieu sans porter atteinte dans cette mesure à sa beauté et à sa perfection. Il se peut que, par la bonté de Dieu, Ses enfants ne reçoivent que peu de mal de taches pareilles, mais c’est en partie parce qu’ils n’en sont pas assez occupés ; s’ils devaient en déduire un système, ils tomberaient en certains cas dans des erreurs sérieuses. Mais heureusement (c’est ainsi que Dieu les garantit miséricordieusement), ils ne reçoivent pas la fausse doctrine ; ils ne savent pas ce qu’elle signifie, et en conséquence ils la laissent. Mais évidemment, l’intention de Dieu n’est pas qu’on échappe à l’erreur simplement par la raison qu’on ne la comprend pas. Lorsque les siens sont préservés du mal de cette manière, c’est un effet miséricordieux du gouvernement suprême de Sa main plutôt que de l’intelligence de la direction de l’Esprit. Le livre de l’Apocalypse a souffert plus qu’aucun autre de la négligence de l’homme, et comme c’est de son contenu que nous sommes occupés et qu’il est si désirable pour les enfants de Dieu d’avoir de saines pensées relativement à Sa Parole, j’ai pensé qu’il valait mieux faire cette remarque, quelque peu importante qu’elle puisse paraître. Je me souviens avoir été moi-même dans un grand embarras pour découvrir la différence entre la marque de la bête, et son nom et son nombre. Mais ayant examiné la question de plus près, je trouvai qu’il n’y avait réellement rien à décider. Un petit renard était entré et avait gâté la vigne. En un mot, la marque n’était pas une chose différente du nom ou de son nombre, mais bien un terme général qui s’appliquait également à l’un et à l’autre — le nom exprimant probablement une soumission intime et plus entière à la Bête, que le nombre de son nom.

Ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête, n’étaient pas ses créatures ou ses esclaves ; ils étaient les serviteurs de Dieu. On les voit ici conscients de leur victoire, en dehors de la scène de leurs combats, ayant les harpes de Dieu. Et ils chantent : c’est la louange intelligente. « Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau ». Leur louange a un double caractère tout à fait différent du cantique des anciens. Elle est très bénie, mais ce n’est pas la même chose. Le chant des anciens avait beaucoup plus de profondeur. Il n’est point fait mention de ces saints comme sacrificateurs, bien moins encore comme chefs de la sacrificature céleste ; ils ne portent pas non plus les emblèmes de la dignité royale. Ils chantent le cantique de Moïse. C’étaient de véritables saints, mais incontestablement d’un caractère juif. Ils chantent aussi le cantique de l’Agneau. S’ils n’avaient à aucun degré la connaissance du Sauveur, ils ne sauraient être des saints. Mais en même temps ils chantent le cantique de Moïse. Ils ne seront pas exactement dans la position chrétienne dont nous jouissons aujourd’hui. Ils se trouveront au milieu des circonstances de l’épreuve, quand l’Église aura passé de la scène d’ici-bas dans le ciel. Mais il y aura encore pourtant des saints qui souffriront pour le Seigneur même jusqu’à la mort ; car la Bête a le pouvoir de tuer — et cela, peut-être, afin qu’ils aient la victoire sur elle par leur propre sang, aussi bien que par le sang de l’Agneau[34]. En conséquence, ils apparaissent ici dans un état parfait de repos, comme autrefois Israël chantant en triomphe de l’autre côté de la mer Rouge à laquelle il semble qu’il est fait allusion, comme évidemment les plaies du chapitre suivant en contiennent une à celles dont fut frappée l’Égypte.

« Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau, disant : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur Dieu tout-puissant ! Justes et véritables sont tes voies, roi des nations » (v. 3). Maintenant, si nous ouvrons le psaume 103, verset 7, nous trouvons que le Saint Esprit fait ressortir en première ligne ces deux choses — les voies de Jéhovah et Ses exploits. « Il a fait connaître ses voies à Moïse, et ses exploits aux enfants d’Israël ». Les voies profondes, cachées, de l’Éternel qui furent connues de Moïse, sont distinguées des actes publics qui furent opérés aux yeux de tout Israël. Ici, les saints dont il est question ne prennent pas d’abord pour sujet les voies de Dieu, mais les œuvres qu’Il a accomplies : « Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu tout-puissant ». Et ils s’élèvent ensuite à la célébration de Ses voies : « justes et véritables sont tes voies, roi des nations ». — C’est bien ainsi qu’il faut lire ce verset, car l’expression, roi des saints, que contiennent les éditions ordinaires, est chose entièrement inconnue à quelque portion que ce soit de la Bible. Mais l’expression, roi des nations, est authentique et très vraie. C’est une allusion à Jérémie 10, 6 : « Tu es grand, et ton nom est grand en force. Qui ne te craindrait, Roi des nations ? ». Et précisément, pour faire voir comment cela est d’accord avec l’enseignement général de l’Écriture, je ferai remarquer que, quoique Christ soit roi, bien plus Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et quoique ce soit notre bonheur de reconnaître cela (car les chrétiens sont certainement les seules personnes aujourd’hui qui reconnaissent comme il faut que le Seigneur Jésus Christ est roi), ce n’est pas moins une chose remarquable que le Saint Esprit évite de L’appeler roi en rapport avec l’Église. L’Écriture, qui L’appelle fréquemment roi, ne Lui donne jamais ce titre dans Sa relation avec nous. Naturellement le but de la Parole de Dieu n’est pas d’affaiblir notre soumission à Christ. Tout ce qui tend à l’affaiblir ne procède pas de l’Esprit, mais de Satan. Mais n’est-il pas évident que la relation de roi à peuple n’est pas aussi étroite, aussi intime, n’embrasse pas aussi pleinement toute chose dans son autorité, et n’implique pas non plus autant d’affection, que la relation d’Époux à Épouse, ou de Tête à corps ? Et telle est la relation dans laquelle l’Écriture envisage l’Église. Il y a la soumission la plus profonde et la plus constante, mais c’est celle des membres à leur Tête, de l’Épouse à l’Époux. C’est ainsi que l’Église est soumise à Christ. Il est vrai que nous sommes transportés dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu, mais dans quelle capacité ? Il nous a fait rois dans Son royaume. Voici dans quels termes le premier chapitre de cette même prophétie nous représente chantant : « À lui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang, et nous a faits un royaume de sacrificateurs pour son Dieu et Père ». Quoiqu’il soit donc parfaitement certain que nous sommes dans le royaume, nous n’y sommes pas pourtant comme sujets, tout en étant assurément sujets. Nous reconnaissons joyeusement comme notre Seigneur, Christ, dont la grâce nous a faits rois avec Lui, et non pas simplement comme un peuple tenu sous Lui à distance. Cela ne diminue en aucune manière la responsabilité sous laquelle nous sommes de Lui obéir, pas plus que cela ne Lui ôte de Sa gloire. Cela nous met à même de nous montrer obéissants en vertu d’un principe plus ferme et de motifs plus élevés ; ce n’est pas la faiblesse de la chair sous la loi, mais le cœur purifié par la foi et fortifié par la grâce. Christ nous remplit du sentiment de la gloire dont nous sommes cohéritiers avec Lui. Il nous élève par l’espérance jusqu’au trône, mais l’effet en est que, même dans le ciel, nous nous prosternerons et nous jetterons nos couronnes devant Lui. Il aime que notre obéissance prenne, pour ainsi dire, la forme de l’adoration.

Nous voyons par là comment le Seigneur maintient intactes ces deux choses. D’un côté, Il prend Son plaisir à ce que nous sachions et que nous considérions que le Seigneur Jésus est toujours immensément au-dessus de nous ; mais ensuite, d’un autre côté, Christ nous a placés, dès à présent par les gages de l’Esprit, et bientôt par une possession effective, sur des trônes afin de faire voir que ce n’est pas simplement comme serviteurs, ni comme peuple, que nous sommes sujets, mais comme ceux que Son parfait et divin amour a associés avec Lui-même ; car nous sommes un avec Lui. Il veut nous placer sur des trônes autour de Lui — sur Son propre trône ; mais même dans cette position, la soumission à Christ ne saurait jamais disparaître : il n’y aura jamais autre chose, soit dans le royaume soit dans l’état éternel. Où que ce soit que vous regardiez, jamais l’Église ne saurait oublier ce dont elle est redevable à son Seigneur, à son Époux, au point de désirer qu’il en fût autrement. Ce serait abuser de Sa grâce, le dépouiller de Sa gloire ; et l’Église ressentirait vivement cela. Si les anciens, dès qu’ils Le voient seulement prendre le livre, se prosternent devant l’Agneau et rendent culte, à combien plus forte raison la pensée de quelque indignité qui Lui serait faite exciterait-elle leurs sentiments les plus vifs d’horreur et d’indignation. L’Église peut être aimée, et est aimée de Christ ; mais prétendre d’une manière quelconque à une égalité de position avec Lui, serait manifester cet esprit de l’antichrist, « duquel nous avons ouï dire qu’il vient, et déjà maintenant il est dans le monde ».

« Justes et véritables sont tes voies, roi des nations ». Si je comprends bien, la raison pour laquelle les « nations » sont introduites ici, c’est que ces coupes allaient être versées très particulièrement sur les Gentils. Sous les trompettes, et dans les chapitres 12-14, les Juifs, ou au moins le résidu juif, nous sont apparus comme étant d’une façon spéciale l’objet de la miséricorde de Dieu selon l’alliance. La phrase même (chap. 11) : « l’arche de son alliance » se rattache à cette nation, car c’est avec elle que l’alliance avait été faite. C’est pourquoi nous avons vu aussi que, dans le chapitre suivant (chap. 12), la femme représentait Israël. Ensuite nous avons eu le résidu juif fidèle (chap. 14). Mais à présent ces saints célèbrent les voies justes de Dieu envers les Gentils ou nations. Il est roi des nations — et non pas seulement des Juifs. Les relations juives apparaissent dans les deux cas, mais ce sont des visions distinctes, introduites par un signe très différent.

« Seigneur, qui ne te craindra, et qui ne glorifiera ton nom ? Car tu es saint, toi seul ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés ». Le terme employé ici pour « saint », n’est pas le terme ordinairement en usage. C’est celui dont l’Écriture se sert là où elle parle des gratuités de David, et dont le terme correspondant en hébreu est fréquemment employé dans les Psaumes. L’une et l’autre de ces langues ont en effet deux mots pour exprimer l’idée de sainteté. Il y a le terme ordinaire pour « saint », qui se trouve, par exemple, en Apocalypse 4 : « Saint, saint, saint, Seigneur Dieu tout-puissant ». Il implique toujours la séparation du mal — une séparation absolue. La sainteté dont il est parlé ici (chap. 15), implique la miséricorde — ce qui est extrêmement doux. Il va être question des coupes, et la première pensée serait aussitôt : « Quelle chose terrible ! la colère de Dieu va s’accomplir ». Mais qu’est ce Dieu dont la colère va se consommer ? C’est Celui dont la sainteté est pleine de miséricorde : « Tu es saint, toi seul ». C’est la sainteté de miséricorde. « Car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; parce que tes jugements ont été manifestés ». Leur regard perce à travers les jugements, et ils voient la fin du Seigneur, et la fin est toujours que « l’Éternel est pitoyable et abondant en grâce ».

De sorte que, quoiqu’il en soit de cette tempête de jugement qui va éclater, ils contemplent la fin depuis le commencement, et en conséquence, célèbrent la sainteté de Celui qui, dans le jugement, se souvient d’avoir compassion. Sans aucun doute, il faut que la colère ait cours, et Dieu devra la consommer, parce que sa première effusion ne fera qu’endurcir encore davantage les hommes. Mais vous remarquerez qu’il ne s’agit pas ici de Christ ; il n’y a rien ici qui rappelle la colère de l’Agneau, pas même dans la pensée des hommes : c’est la colère de Dieu. Dans le chapitre 14, celui qui fait la moisson est le Fils de l’homme ; mais ici, Dieu agit conformément à Sa propre pensée, avant que Christ vienne du ciel pour exécuter la colère. Cela prouve avec évidence que les coupes finissent avant que commencent les derniers jugements du chapitre 14, parce que la fin du chapitre nous montre le Fils de l’homme venant Lui-même exécuter le jugement.

Ils peuvent donc dire, en regardant en haut : « Seigneur, qui ne te craindra ?… Car tu es saint, toi seul ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés » (v. 4).

Autre vérité importante : car, comme nous le lisons en Ésaïe 26, aussi longtemps que Dieu agit en grâce, que fait l’homme ? Il en prend avantage et refuse d’apprendre la justice. Mais le temps vient où le Seigneur lèvera Son bras en jugement ; et quel effet en résultera-t-il ? « Lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprennent la justice ». Il en est de même ici : « Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés ». Tel sera en définitive le résultat.

Le prophète regarde de nouveau, « et le temple[35] du tabernacle du témoignage dans le ciel fut ouvert » (v. 5). Remarquez la différence. Au verset 19 du chapitre 11 (qui introduit la scène des chapitres 12-14 antérieurement aux coupes), le temple fut ouvert dans le ciel, et on y vit l’arche de l’alliance de Dieu, tandis qu’ici on ne voit pas d’arche. Là elle était le gage de la fidélité assurée de Dieu — de l’immutabilité de Ses conseils à l’égard de Son peuple d’Israël ; mais ici, c’est de Ses ennemis qu’il est question, plutôt que de Son peuple, et il n’y a rien que le tabernacle du témoignage, qui est inauguré, pour ainsi dire, par des jugements sur les hommes de la terre : il s’ouvre pour l’effusion de la colère, et non pour le triomphe de l’évangile. C’est le témoignage judiciaire de Dieu sur la condition de l’homme. L’homme est coupable : que pouvait-il donc en résulter ? « Les sept anges sortirent du temple ». Et, chose terrible à dire, ils sortirent du lieu où maintenant on ne voyait point d’arche. À quoi donc pouvait-on s’attendre, sinon à la colère, et à une colère d’autant plus redoutable qu’elle procède du sanctuaire ? Ils « sortirent du temple ayant les sept plaies ». C’était là désormais tout ce que Dieu pouvait faire pour l’homme. « Vêtus d’un lin pur et éclatant et ceints sur leurs poitrines de ceintures d’or. Et l’un des quatre animaux — les principaux agents qui président à l’exécution des jugements de Dieu dans l’ordre de la providence — donna aux sept anges sept coupes d’or ». Le mot coupe est emprunté des vases qui servaient à répandre des aspersions devant le Seigneur. Hélas ! il ne s’agit pas maintenant de sacrifices par aspersion, mais de colère descendant de Dieu : « Sept coupes d’or pleines de la colère de Dieu qui est vivant aux siècles des siècles. Et le temple fut rempli de la fumée qui procédait de la gloire de Dieu et de sa puissance, et personne ne pouvait entrer dans le temple jusqu’à ce que les sept plaies des sept anges fussent consommées ». Ainsi, il n’y avait plus possibilité maintenant de rendre culte à Dieu ou d’intercéder. C’eût été vainement qu’on aurait essayé d’entrer dans le temple, la fumée du feu de la colère le remplissant, la fumée qui prouvait que le feu était là : de sorte qu’il n’était possible à personne d’entrer, pas même à un sacrificateur. Nul ne pouvait approcher maintenant : la colère, la fumée du jugement remplissait le temple. Absolument comme à Sinaï, où la fumée est représentée comme montant de la montagne semblable à la fumée d’une fournaise ; ou encore, comme dans le psaume 18 : « Une fumée montait de ses narines, et de sa bouche sortait un feu dévorant ». De même dans notre chapitre : c’est l’image de la majesté de Dieu offensée, contre le péché ; il n’y avait rien dans tout ce que Dieu contemplait ici-bas qui fît appel à Sa miséricorde en faveur des hommes. Le temps de l’intercession était passé. En conséquence, les jugements ont leur cours, et la colère de Dieu est consommée (v. 6-8).

Chapitre 16

Je m’étendrai un peu sur les détails des jugements de Dieu, tels qu’ils sont contenus au chapitre 16. C’est un douloureux et humiliant sujet, quand nous pensons que telle est la fin annoncée d’avance des progrès tant vantés de l’homme. J’essaierai donc de jeter un coup d’œil sur ces sept plaies. « Et j’ouïs une grande voix (venant) du temple, qui disait aux sept anges : Allez et versez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu » (v. 1). L’effusion de la colère n’est plus restreinte maintenant à la troisième ou à la quatrième partie de la terre ; mais au contraire, la scène tout entière est livrée au jugement. Il n’y a pas seulement un surcroît de sévérité, mais tout ce qui a possédé la lumière de Dieu et joui largement des privilèges extérieurs, est en complète apostasie et abandonné à Sa colère.

« Et le premier s’en alla et versa sa coupe sur la terre ; et un ulcère mauvais et malin vint sur les hommes qui avaient la marque de la bête, et sur ceux qui rendaient hommage à son image. Le second ange versa sa coupe sur la mer ».

Les quatre premières coupes ressemblent aux trompettes en ceci, que les unes et les autres tombent sur la terre et sur la mer, sur les fleuves et sur les fontaines des eaux, et finalement sur le soleil. Il peut se rencontrer certaines différences : par exemple, dans la quatrième trompette, ce fut seulement la troisième partie du soleil qui fut frappée. Ici, il est dit simplement : « le soleil ». Néanmoins, il s’agit de la même sphère. De plus, je pense que les objets de ces plaies, la terre, la mer, etc., ne doivent pas être pris au sens littéral seulement. Le langage est symbolique. Ce n’est pas que j’éprouve, dans mon esprit, la moindre difficulté à croire que Dieu ne puisse exécuter ces choses d’une manière littérale, si telle était Sa volonté. Il a ainsi fait avant ce jour. Il a changé en sang les eaux de l’Égypte, rempli de ténèbres un royaume et infligé des plaies semblables à celles que nous avons ici : de sorte qu’il n’y a pas de difficulté à concevoir que la même chose se renouvelle. Mais la seule question est de savoir si c’est là ce que nous devons recueillir du chapitre qui est devant nous. Je pense que non, et je crois que Dieu fait ici allusion à des plaies qui autrefois furent littérales dans le pays d’Égypte, mais qui ne sont rappelées maintenant qu’avec une portée symbolique, comme exprimant certains jugements de Dieu. Premièrement, ce sont les parties stables et organisées du monde qui sont frappées comme d’une maladie ulcéreuse là où les hommes portaient les stigmates de leur assujettissement au pouvoir civil apostat et à son idolâtrie. Ensuite, il y a un jugement sur la mer, c’est-à-dire sur les régions extérieures où la profession de la vie est tout à fait éteinte. La troisième division, représentée par des fleuves, désigne, ce me semble, des peuples formés en états séparés ou nationalités, comme des eaux qui coulent dans des canaux distincts sous une influence locale particulière ; et les fontaines désigneraient plutôt les sources de la prospérité d’une nation. Tous les principes actifs revêtent le caractère de la mort. Le troisième jugement s’applique à de moindres détails que les précédents. Le quatrième a lieu sur la suprême autorité publique.

Aux versets 5-7, nous avons un ou deux mots, qui, changés ou lus convenablement, ajoutent à la force et à la clarté complètes du passage : « Tu es juste, toi qui es et qui étais » etc. J’ai fait remarquer (au chap. 11) que les termes : « et qui seras » étaient ici absolument sans portée, et que l’expression « le Saint » est celle qu’appuient les meilleurs témoignages. C’est l’expression même qui se rencontre au quatrième verset du chapitre 15 — l’expression la moins usitée pour rendre le mot « saint ». Avant que ces coupes soient répandues, Dieu est célébré selon Sa miséricordieuse sainteté. « Tu es juste ». Cela était évident, car Dieu versait Sa colère sur les hommes dans leur iniquité précisément parce qu’Il était juste. Mais il y a plus que cela : — « Qui es et qui étais, le Saint ». Avant que les coupes fussent répandues, et encore maintenant qu’elles sont en voie de l’être, cela demeure vrai. L’ange des eaux atteste la bonté de Dieu, même pendant qu’Il juge ainsi — acte qui aurait pu paraître en contradiction avec cette bonté. Lui aussi, d’en bas, répond au cantique d’en haut. Si les saints qui se tiennent en repos sur la mer de verre, célèbrent Dieu comme étant miséricordieux dans Sa sainteté, l’ange confirme leur témoignage.

« Car ils ont versé le sang des saints et des prophètes. Tu leur as donné du sang à boire ; ils sont dignes » (v. 6, vers. angl.). Il s’agit d’une juste rétribution ; ils sont dignes dans un sens effrayant. « Et j’entendis » (non pas « un autre du côté de l’autel », mais) « j’entendis l’autel disant » (v. 7). Parler de « l’autel disant » paraît chose extraordinaire, et nul doute que les autres mots furent ajoutés parce qu’on trouvait cette forme si étrange. Mais il n’y a là rien de contraire à l’usage prophétique, si l’on considère cette forme au point de vue symbolique. Personne ne voudrait intentionnellement introduire une difficulté dans l’Écriture ; mais il n’est que trop commun de chercher à écarter de la Parole ce que l’on ne comprend pas, afin de le mettre en accord avec la façon de penser ordinaire. De plus, vous avez ailleurs ce qui nous prépare à la familiarité de cette forme. Au chapitre 9, 13, il est dit : « Et j’entendis une voix (sortant) des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu ». Ici (chap. 16), la figure va plus loin : la voix est déclarée être celle de l’autel lui-même. Pour moi, ce fait confirme ce que nous avons eu plusieurs fois occasion de remarquer — à savoir, combien les hommes sont impropres à se mêler de retoucher l’Écriture, malgré leur disposition à le faire. Voici pourquoi l’expression : « J’entendis l’autel disant » possède une grande force. Dans une portion précédente du livre, on voyait sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été « égorgés pour la Parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu ». Ici maintenant, cet autel qui avait été témoin de l’effusion de leur sang est dit crier à Dieu et reconnaître que Ses jugements sont véritables et justes. Dans le premier livre de la Bible, il est parlé de la terre comme criant à Dieu au sujet du sang d’Abel : à combien plus forte raison l’autel ne devait-il pas crier au sujet du sang des saints martyrs pour Dieu ? Selon moi, cette forme est d’une convenance toute particulière. S’il se fût agi simplement d’un ange, cela n’eût été qu’un lien relativement distant ; car un ange, bien que servant en faveur de ceux qui sont héritiers du salut, n’entre pas aussi directement dans leurs souffrances : tout au plus peut-on dire qu’il éprouve une sympathie immédiate pour eux. Mais Dieu a non seulement vu les os de Ses saints dispersés sur les froides montagnes, comme s’expriment les poètes ; Il considère, de plus, Ses saints comme autant d’holocaustes s’élevant devant Lui, et dont le sang, ou plutôt l’autel qui en est témoin, crie d’indignation et demande la colère. Le Seigneur peut paraître assoupi pour un temps ; mais quand Il se lèvera comme quelqu’un qui se réveille, Il vengera sûrement leur sang de ceux qui habitent sur la terre. Et maintenant ce temps-là est proche. La grande Babylone n’était pas encore venue en mémoire devant Dieu, quoiqu’elle fût dès le commencement la corruptrice particulière de la vérité et qu’elle se fût enivrée du sang des saints. Mais cependant l’autel ne peut pas se tenir en repos, et le Seigneur écoute. Car le Dieu qui recueille les soupirs de la création répondra sûrement au cri de l’autel concernant ses égorgés.

« Et le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil ; et le pouvoir fut donné à celui-ci de brûler les hommes par le feu » (v. 8). C’est un jugement sur le soleil, type du gouvernement suprême ; de sorte que ce qui aurait dû être l’instrument de la lumière et du bien-être, le grand luminaire destiné à dominer sur le jour, devient maintenant l’instrument pour brûler les hommes par le feu. L’effet de sa tyrannie est insupportable. « Et les hommes furent brûlés par de grandes chaleurs, et ils blasphémèrent le nom de Dieu qui a pouvoir sur ces plaies, et ils ne se repentirent pas pour lui donner gloire » (v. 9).

« Et le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête », etc. (v. 10). Nous entrons maintenant dans une catégorie de jugements quelque peu différents ; car les trois dernières coupes diffèrent des quatre premières, tout comme les trois dernières trompettes différaient de caractère avec les autres ; et il en est de même pour ce qui regarde les sceaux. Il est évident que la cinquième, la sixième et la septième coupes sont distinctes des quatre précédentes. Le jugement tombe sur le trône de la bête et sur son royaume, non sur la bête elle-même, laquelle, apparemment, n’est pas atteinte par ces coupes. Elle est réservée pour le jugement que le Seigneur Jésus Lui-même exercera à Sa venue, et sera détruite par Son apparition. Ici le coup est seulement frappé contre le siège de son autorité ; et de même qu’autrefois le roi Pharaon fut endurci, pareillement ici les hommes blasphèment contre le Dieu du ciel et ne se repentent pas pour leurs œuvres (v. 11). Lorsque Dieu se manifestera comme le Dieu de la terre, une telle repentance ne sera pas possible.

« Et le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve Euphrate ; et l’eau de ce fleuve tarit, afin que la voie des rois qui viennent du soleil levant fût préparée » (v. 12). L’Euphrate était la grande limite orientale de l’empire romain, la limite reconnue jusqu’à laquelle les Romains avaient étendu leurs conquêtes. De sorte que le dessèchement du fleuve semblerait signifier que ce côté-ci de l’empire serait laissé ouvert comme un passage par lequel les puissances de l’Orient viendraient se mélanger avec celles de l’Occident, ou bien les assaillir. Un des effets de cette coupe serait donc le déplacement de la barrière orientale, fait par lequel la voie des rois qui proviennent du soleil levant serait ainsi préparée, probablement pour les grandes luttes finales. Mais il y a plus que cela. « Je vis sortir de la bouche du dragon, et de la bouche de la Bête et de la bouche du faux prophète, trois esprits immondes comme des grenouilles » (v. 13). Ceci précède juste la fin. Ces esprits murmurateurs procédaient de la bouche des trois pouvoirs que nous avons vus au chapitre 13 : du dragon, l’ennemi déclaré de Christ ; de la Bête, l’empire romain rétabli ; et du faux prophète, la bête au caractère ecclésiastique, qui avait deux cornes semblables à un agneau, imitant la puissance de Christ, mais ici présentée seulement sous le masque trompeur de la religion. « Car ce sont des esprits de démons faisant des miracles, qui s’en vont vers les rois de toute la terre habitable pour les assembler pour le combat de ce grand jour du Dieu tout-puissant ». Cette déclaration confirme ce que je viens d’avancer au sujet de l’Euphrate. C’est une collision générale des rois de tout le monde habitable. Ce ne sont pas seulement les puissances occidentales, mais aussi les orientales. C’est le grand jour.

Mais nous arrivons maintenant à une parenthèse importante. Comme cela avait déjà eu lieu sous le sixième sceau et sous la sixième trompette, de même ici nous avons une interruption : « Voici, je viens comme un larron. Bienheureux est celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin de ne pas marcher nu et qu’on ne voie pas sa honte » (v. 15). C’est le Seigneur qui vient, mais qui, alors, vient en jugement pour surprendre la terre ; et c’est la raison pourquoi une semblable figure est employée. Le larron vient d’une manière inattendue et importune ; et bien plus repoussante sera pourtant encore la venue du Seigneur pour la terre. Mais il y aura des saints pour lesquels elle sera bienvenue, et à qui Son apparition apportera la délivrance par le jugement de leurs ennemis. Et il est enjoint à ces saints-là de veiller de près dans la vie de chaque jour. « Voici, je viens comme un larron ». Ce n’est pas ainsi que le Seigneur se présente à nous, sauf en ce qu’Il nous dit comment Il apparaîtra au monde ou à la masse professante qui y est plongée. Lorsque c’est à nous qu’Il parle de Son arrivée, Il dit : « Je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as afin que personne ne prenne ta couronne ». Aurait-on besoin de dire de combien cette parole est plus précieuse ? Venir comme un larron présente l’idée de la surprise. Pour nous, Il viendra comme un Seigneur plein de grâce, qui aime que nous trouvions le repos de nos affections et notre gloire en Lui et avec Lui : telles sont notre portion et notre espérance propres. Ici, il ne s’agit pas d’un enlèvement au ciel, mais d’une délivrance juive par le moyen du jugement.

Puis, après la fermeture de la parenthèse, il est dit : « Et il les assembla au lieu appelé en hébreu : Armagédon » (vers. angl.). Il pourrait paraître singulier qu’il soit dit : « Il les assembla » ; car au quatorzième verset ce sont les esprits de méchanceté, ou esprits de démons, qui sont sortis pour assembler les rois de la terre. En voici la raison. Dans le langage que le Saint Esprit emploie ici, le terme peut signifier également « il assembla » où « ils assemblèrent ». Il y a certains cas où, dans ce langage, il est difficile d’établir si c’est par le pronom singulier ou par le pluriel qu’il faut rendre l’original, et celui-ci en est un. Le terme « démons » est de telle nature que le verbe dont il est sujet peut être, ou singulier ou pluriel. Ici le sujet n’est pas exprimé : il est donc laissé jusqu’à un certain point au choix du lecteur : tout dépend du sens du contexte. Si on traduit : « Il assembla », on a dans sa pensée le Dieu tout-puissant qui pourrait être dit faire une telle chose par l’intervention de ces esprits immondes. Si on se décide pour « ils assemblèrent », cela signifierait simplement que les esprits de démons avaient atteint le but pour lequel ils étaient envoyés. Au verset 14, ils se mettent à l’œuvre pour assembler les rois, et au verset 16 les rois sont assemblés.

Le lieu de rassemblement qui est mentionné ici, appelé en hébreu Armagédon, présente, pensé-je, une allusion à Juges 5, 19. « Les rois sont venus ; ils ont combattu ; les rois de Canaan ont alors combattu à Thaanac, près des eaux de Meguiddo ». Ce n’est pas que Meguiddo fût un lieu de grande étendue ou de grande renommée. Dieu regarde au principe impliqué dans ce qui se passe là. Israël était dans une pauvre condition. Il y avait une prophétesse dont l’Éternel se servait pour leur donner du courage ; et lorsqu’ils étaient encouragés par elle, ils remportaient une grande victoire sur leurs ennemis. Le même lieu est mentionné en 2 Chroniques 35, 22, où Josias reçut sa blessure mortelle en combattant contre le roi d’Égypte. Mais je doute que ce soit à cet incident que l’Esprit de Dieu fasse ici allusion. Car au temps des Juges à Meguiddo se rattachait un souvenir de joie et de triomphe pour Israël. Au temps de Josias, c’était un lieu de tristesse : tout Juda et Jérusalem menaient deuil sur Josias. Ce fut « le deuil d’Hadadrimmon dans la plaine de Meguiddo » (Zach. 12, 11) qui, historiquement parlant, fit écrire le livre des Lamentations. Pour cette raison donc, je crois que Armagédon (c’est-à-dire la montagne de Meguiddo) se rapporte ici, non pas à la douleur de Juda en 2 Chroniques, mais au rassemblement et à la défaite des rois gentils mentionnés dans le livre des Juges : car ici, c’est le Seigneur qui renverse les nations. Il avait été déclaré Roi des nations en Apocalypse 15. C’est pourquoi, trouver ici une allusion à un temps où le pieux monarque juif fut mis à mort par un Gentil, serait chose peu appropriée ; tandis qu’en y voyant un rapprochement avec le jour ou Israël avait été conduit à la victoire, même par une femme, nous sommes bien naturellement amenés à la scène décrite ici, dans laquelle les rois du monde entier sont assemblés, mais seulement pour une destruction plus terrible.

Quelques mots suffiront au sujet de la dernière coupe. « Et le septième versa sa coupe dans l’air : et il sortit du temple du ciel une grande voix qui procédait du trône, disant : C’est fait » (v. 17). Ce jugement-ci est plus pénétrant et affecte plus les hommes et leur respiration de vie qu’aucun de ceux que nous avons vus précédemment. Il a lieu sur l’air si indispensable à l’existence de l’homme. Au point de vue symbolique, c’est un jugement qui frappe quelque chose d’essentiel à la vie et au bien-être des hommes, comme ce que nous respirons. Tout est terminé pour ce qui concerne la colère de Dieu répandue par le moyen des coupes.

« Et il se fit des éclairs, et des voix et des tonnerres, et il se fit un grand tremblement de terre, un tel tremblement, si grand, qu’il n’y en eut jamais de semblable depuis que les hommes sont sur la terre. Et la grande ville fut divisée en trois parties, et les villes des nations tombèrent ». Il s’opère une convulsion profonde et sans exemple dans les associations civiles, ne renversant pas seulement ce qui est appelé « la grande ville » (ou tout ce qui avait été établi dans la limite de l’empire romain), mais encore les villes des nations. Cette dernière parole signifie que tout ce que les nations avaient édifié au point de vue politique, en dehors de Rome, est frappé de ruine. Et ce qui plus est, la grande Babylone — cette contrefaçon de l’Épouse, ce système de mal religieux jusqu’à présent entouré d’un si grand succès, la mère des prostituées et des abominations de la terre, Babylone la grande, vint en mémoire devant Dieu, pour recevoir de Lui la coupe du vin de la fureur de Sa colère. Ce dernier terme, Babylone la grande, a plutôt trait au caractère moral, à l’idolâtrie.

« Et toute île s’enfuit, et les montagnes ne furent pas trouvées. Et une grande grêle, du poids d’un talent, descend du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu », etc. (v. 20, 21). Il n’est pas nécessaire que je m’étende d’une façon particulière sur l’explication offerte par les principaux défenseurs de l’interprétation historique. M. E. appliquait le tourbillon de grêle à quelque terrible châtiment de la France, le royaume le plus au nord des pays papistes, cela d’une manière bien analogue à ce qu’il s’était imaginé des précédents jugements, ainsi qu’il le disait, de la septième trompette. Et cette opinion est encore celle qui est établie dans le texte des Horae Apoc., volume IV, page 23. Mais, dans une note, il fait remarquer que plusieurs commentateurs préfèrent l’appliquer à la puissance russe. « En revoyant mon ouvrage, dit-il, et en comparant cette prophétie avec celle d’Ézéchiel 38 et 39, qui semble indiquer la Russie comme prenant part à la grande lutte prémilléniale, ainsi que cela sera exposé à la fin de mon prochain chapitre — je ne puis pencher vers la même vue. Je remarque que la grande grêle est dite ici tomber après, non avant, la division de la ville en trois parties ». Ayant déjà émis ma manière de voir sur le cas similaire de Apocalypse 11, 19, et montré l’erreur qu’il y a à faire rapporter ce verset à la septième trompette — ce qui constitue la prétention de ces écrivains — il me suffira de remarquer que le parallèle avec Ézéchiel est particulièrement malheureux, parce que, dans ce prophète, la scène se passe en Palestine, et non pas dans l’empire papiste, ou l’Occident ; que l’issue n’est pas en un fléau infligé aux autres, et comme conséquence, Dieu blasphémé, mais dans la complète déroute du prince de Rosh, de Méshec et de Tubal avec sa nombreuse multitude, et Dieu sanctifié par cela même. « Et j’entrerai en jugement avec lui par la mortalité, et par le sang, et je ferai pleuvoir sur lui, et sur ses troupes, et sur les grands peuples qui sont avec lui, des torrents d’eau, de pierres de grêle, du feu et du soufre ». Ainsi, c’est Dieu qui frappe de grosses pierres de grêle la Russie envahissante, et non pas elle qui frappe les autres. « Je me glorifierai, et je me sanctifierai (ce n’est donc pas les hommes blasphémant Dieu à cause du fléau de la grêle) et je serai connu en la présence de plusieurs nations ; et elles sauront que je suis l’Éternel ». En vérité, le lecteur n’a simplement qu’à examiner le contexte du prophète juif pour avoir raison de l’absurdité qu’il y a à mettre cette scène en connexion avec le tourbillon de grêle de la septième coupe. Car les Juifs, savoir Israël envisagé dans son ensemble, sont supposés être à ce temps-là restaurés et unis dans leur propre terre, lorsque Gog l’envahit par soif de conquête. Il n’y a nulle raison de penser que tel soit le cas sous les coupes. M. E. non plus n’en juge pas ainsi, si je comprends bien ses remarques sur le premier « Alléluia » entonné au chapitre 19, et qu’il considère comme indiquant la conversion des Juifs après la catastrophe finale de Babylone, lorsque la dernière coupe a été versée et a marqué le temps de sa destruction.

Avant que Dieu établisse Son dessein en puissance, vous voyez un accomplissement moral à l’œuvre, soit dans Son peuple soit dans le monde. Ainsi, par exemple, si Dieu doit produire une séparation de Son peuple par le jugement, et c’est ce que nous avons au chapitre 15, je ne doute pas que dès maintenant Son peuple ne soit gracieusement mis à part par l’Esprit de Dieu. Si, de l’autre côté, le cœur des hommes doit être frappé d’une énergie d’erreur de sorte que même les « jugements de Dieu » ne feront qu’aggraver le mal selon toute apparence, quelque chose d’analogue s’opère de nos jours. N’est-ce pas un signe effrayant que des chrétiens, en face de paroles telles que celles-ci, puissent attendre quelque amélioration réelle des choses dans l’état où elles sont actuellement ? Ici nous avons la véritable scène finale dévoilée par le Seigneur, après tous les efforts et toutes les vanteries des hommes. Les parties de la terre les plus favorisées, son centre moral et civilisé, seront remplies d’apostasie, et c’est que la colère de Dieu doit se compléter. Ceci doit avoir lieu avant que le Seigneur Jésus vienne en gloire pour établir Son royaume, car c’est à Lui en personne que la Bête aura affaire. Sous les coupes, c’est Dieu qui châtie dans Sa colère. Mais quel en est l’effet ? Les hommes blasphèment Dieu. Au lieu de se repentir, ils vont en empirant à chaque pas.

C’est une terrible chose que de voir ce mal se répandre moralement sur le monde ; mais, de Son côté, le Seigneur aussi met à part pour Lui-même par la foi et l’amour. Puissions-nous retenir ferme la grâce ! Nous en aurons besoin. C’est le seul lieu, non seulement de privilège, mais de sécurité. Que penserions-nous de l’homme qui voudrait n’aller qu’aussi loin qu’il juge pouvoir le faire pour n’être pas perdu ? d’un homme qui sent le besoin d’être sauvé, mais qui, en même temps, voudrait pratiquer le péché autant que son opinion le lui permettrait avec la possibilité d’échapper à la fin ? Mais comme le Seigneur met à part au moyen de l’affection individuelle pour Sa personne là où il y a de la foi, ainsi voyons-nous l’inverse là où la foi fait défaut. Dieu livre les hommes à une énergie d’erreur, et tout ce qu’Il opère par la voie des jugements ne fait que les endurcir. C’est là ce qui a lieu maintenant d’une manière préparatoire : les hommes s’abandonnent à leurs propres mensonges et y fixent leur choix. La pleine, la pure vérité est désagréable et redoutée. En sorte que, quoique l’Esprit de Dieu s’applique à présenter à Son peuple la vérité dans toute sa simplicité, les hommes se rassurent obstinément par l’idée chimérique qu’après tout, l’état des choses n’est pas tellement mauvais, que, s’il est des choses à regretter, on pourra bientôt y remédier. Car aujourd’hui il y a tant de moyens de secourir les pauvres, il y a de si délicieux rapprochements entre les riches et eux — des alliances si pleines d’espérance, qui sollicitent les hommes à s’unir et à se joindre les uns aux autres, malgré leurs petites dissidences, en vue de ce grand objet — le progrès social, l’amélioration de la chrétienté, et la régénération du monde ! Mais tout cela est fondé sur la misérable erreur qui ignore et qui nie que c’est sur la chrétienté que la colère de Dieu doit être accomplie et versée. Il est impossible que des chrétiens qui réalisent la vérité que de tels jugements sont proches, se prêtent à un système qui implique directement le contraire. Prenons, par exemple, un condamné qui est conduit à l’échafaud : que penserait-on d’un chrétien qui, sachant cela, occuperait le temps du criminel en expériences chimiques ou par un discours sur la mécanique ? Combien moins encore pourra ainsi agir celui qui sent cette solennelle vérité, que le monde gît bien réellement sous la sentence de condamnation que déclare la Parole de Dieu. Christ seul est la puissance de Dieu pour mettre toutes choses en ordre. Quand Il viendra, et seulement alors, le courant du mal sera refoulé et Satan lié ; mais même les jugements divins ne sauraient à part de Christ produire un tel résultat.

Puissions-nous être vigilants, cherchant toujours à lier Christ avec notre témoignage ! Telle est la grande portée pratique de tout ceci pour le moment actuel. Nous pouvons quelquefois empêcher la bénédiction en présentant la vérité, mais non pas en Christ, si je puis m’exprimer de la sorte. Mais il faudrait que le cœur s’égarât d’une bien triste manière pour la repousser ainsi présentée. Veuille le Seigneur que nous gardions ces choses devant nos âmes : nous séparer complètement de tout ce qui est du monde, et conserver dans la joie cette position de victoire, nos cœurs entonnant le cantique dont l’Agneau est le sujet, comme Il nous donne seul le pouvoir de le chanter ! Puissions-nous ne jamais penser au monde que comme à une scène jugée, ayant conscience de la terrible colère à laquelle il ne peut pas échapper ! Cela ne nous fera pas douter de la puissance de Christ pour délivrer les individus ; mais cela nous préservera d’être indifférents soit au mal qui est dans le monde, soit au jugement divin qui l’attend.

Chapitre 17

L’Esprit de Dieu nous a montré la destruction de Babylone sous la dernière coupe. Nous avons maintenant à apprendre, par le chapitre qui est devant nous, quel était le mal qui lui donnait un caractère tout spécial, ou ce qu’il y avait en elle qui excitait à un si haut degré la haine de Dieu ; non pas seulement ce qu’était sa propre conduite, mais ce qu’il y avait dans sa connexion avec d’autres que Dieu ne pouvait supporter plus longtemps — pourquoi, enfin, Il la met à part de tout le reste pour Sa vengeance. Et cela n’est pas une chose que nous puissions écarter de nous comme relativement étrangère ou distante, ainsi que pourraient l’être certaines autres choses dans l’Apocalypse. Car, bien qu’il puisse y avoir et que, je n’en doute pas, il doive y avoir un développement plus étendu de Babylone, cependant Dieu regarde à elle comme à un tout moral, comme à un système de corruption qui a été et qui est encore en œuvre. Au temps où il ne sera plus possible de différer le jugement, ce système pourra s’être particulièrement aggravé dans sa forme ; mais le mal existe déjà et il est actif. Babylone n’est pas tant le piège d’un homme profane que le piège de celui qui, ayant une certaine idée de religion, cherche à la concilier avec le monde. C’est dans ce cas que cette influence corruptrice devient pour l’âme la source des plus grands dangers.

Maintenant, nous allons voir que le chapitre nous fournit, tout d’abord, la vision que l’apôtre Jean est appelé à contempler ; nous y trouvons ensuite une certaine explication de cette vision. La parole de l’ange commence plus particulièrement dans ce sens au septième verset, tandis que les six premiers sont remplis du récit de la vision. Je voudrais faire encore une remarque avant d’aller plus loin. Dans un sens historique, ce chapitre ne nous porte pas en avant. C’est plutôt un regard en arrière que le Saint Esprit jette sur le caractère, la conduite et les relations de cette Babylone qui déjà avait été montrée comme l’objet du jugement de Dieu. Ceci est digne de remarque, parce que, si on ne le voit pas, il y a inévitablement confusion dans nos pensées sur le livre. Au chapitre 14, nous avons eu la chute de Babylone en connexion avec les œuvres de méchanceté de Satan, et avec les dispensations de Dieu en bonté ou en puissance, y compris le jugement du Fils de l’homme à la fin. Or, il n’est pas de médiocre importance de connaître d’une manière précise la place qu’il faut s’attendre à voir cette intervention de Dieu occuper, et c’est ce que nous avons trouvé immédiatement après dans le même chapitre ; car nous avons vu que dans les jugements providentiels de Dieu — et par là j’entends ceux qui sont exécutés par les anges et non par Christ directement — Babylone est réservée pour le dernier coup de Sa colère sous la septième coupe. C’est Dieu agissant — Dieu se servant encore des anges. Jusqu’ici le Seigneur Jésus se tient tranquille, si je puis m’exprimer ainsi ; Il n’agit pas encore personnellement en vengeance sur la terre.

En Apocalypse 17, le Saint Esprit s’arrête pour entrer dans les détails de la cause morale de la terrible chute de Babylone. « Et l’un des sept anges qui avaient les sept coupes, vint, et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai le jugement de la grande prostituée, qui est assise sur plusieurs eaux » (v. 1). Elle est décrite ici comme une prostituée ; non seulement comme une femme, mais comme une femme licencieuse et corrompue. Et je présume que nulle personne sans prévention ne doutera que ce terme soit employé ici en rapport spécial avec la corruption religieuse. Un peu plus bas, au troisième verset, il est dit que Babylone est assise sur la bête ; ici, elle est assise sur plusieurs eaux. Il y a dans le grec une légère différence : « Assise sur plusieurs eaux », ne veut pas dire qu’elle était littéralement ou localement dessus, mais à côté. Ainsi, par exemple, vous pouvez dire que Londres est assis sur la Tamise. Or, l’homme de la plus médiocre intelligence ne supposerait pas que cela signifie que Londres soit effectivement situé et bâti sur le lit du fleuve, mais que la Tamise est le cours d’eau qui caractérise Londres. Pareillement ici, dans le même sens, vous avez la prostituée décrite comme étant assise sur ou près de plusieurs eaux. L’explication de celles-ci est donnée au verset 15 : « Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, et des foules, et des nations et des langues ». La figure implique l’influence immensément étendue qu’exerce cette femme abandonnée. Mais il y a plus que cela. Au second verset, il est dit : « avec laquelle les rois de la terre ont commis fornication ; et ceux qui habitent sur la terre ont été enivrés du vin de sa prostitution ». Il y a quelque chose de plus que le fait qu’elle est assise sur la masse des eaux ; il y a un commerce de mauvaise nature soutenu avec les rois de la terre — le pouvoir par lequel, en séduisant, elle détourne les affections de la personne de Christ, qui est le seul objet digne de tout amour et de toute adoration. Dans la sphère où la lumière de Dieu a été manifestée, les chefs ou conducteurs sont entraînés par la corruptrice, et les peuples sont entièrement dépouillés, quant à tout discernement de la pensée de Dieu.

Rien ne saurait donc être plus clair que la portée générale de ces quelques versets. D’abord c’est la vaste influence de Babylone qui nous est présentée sous la figure d’une femme assise au bord de plusieurs eaux ; ensuite, nous avons les grands conducteurs de la chrétienté, les rois de la terre, qui ont commis fornication avec elle ; et enfin, les habitants de la terre rendus stupides par le vin de sa prostitution. Il y a différents degrés de culpabilité, mais tous ils résultent d’un lien plus ou moins intime avec Babylone. « Et il me transporta en Esprit au désert » (v. 3). En dépit de tout l’orgueil et de toute la gloire mondaine de Babylone, pour le saint de Dieu le désert est le seul lieu où l’Esprit le transporte pour la contempler. Dans le cas où Jean aurait été transporté par son propre esprit (si l’on ose ainsi parler), il eût été vraisemblablement conduit à chercher Babylone, non pas dans le désert, mais au mirage de quelque jardin du Seigneur. Mais il est conduit par l’Esprit du Seigneur au désert, et là il voit la prostituée assise sur une bête couleur d’écarlate : description plus spéciale et de plus sinistre importance, comme nous l’avons remarqué, que celle qui nous en est fournie à la fin du verset premier. Ceci nous montre la position effective de la femme. Elle possède la suprématie sur l’empire romain. Car on ne saurait légitimement mettre en question que la bête qui est ici placée devant nous, soit ce même empire romain au sujet duquel nous avons, dans les chapitres précédents, entendu le récit de si terribles actions et d’un jugement de si triste présage. C’est la bête qui est pleine de noms de blasphèmes, ainsi que nous avons vu ses têtes présentées au chapitre 13, 1. Babylone est une prostituée ou un système corrupteur ; mais c’est à la bête qu’il appartient de blasphémer. C’est un mal plus ouvert et plus audacieux. La femme est plus séduisante dans sa manière de faire, et elle s’empare des affections. Mais le blasphème est l’expression d’un pouvoir qui ne craint ni Dieu ni les hommes. Quant à la femme, bien qu’assise sur la bête, heureuse d’être exaltée par elle et disposée à l’employer pour le service de ses propres desseins, elle représente pourtant d’une façon distincte le système religieux du monde. Elle est « vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses » : — symboles évidents de tout ce que le monde tient pour beau, pour grand et pour glorieux ici-bas. Mais elle a aussi « à la main une coupe d’or, pleine d’abominations, et les impuretés de sa prostitution » (v. 4). Au mépris de toute sa brillante et pompeuse splendeur, comme le Saint Esprit fait parallèlement ressortir ce qu’il y a de plus dégoûtant en elle ! Il ne trouve pas de termes trop forts pour exprimer le sentiment qu’il a des choses vues dans la coupe. Elle est « pleine d’abominations, et de l’impureté de sa prostitution ». Dans l’Écriture, le terme « abominations » indique constamment l’idolâtrie. C’est là le trait distinctif le plus grave en Babylone. Comme la bête était pleine de noms de blasphème, ainsi la coupe de la prostituée était pleine d’abominations. Mais outre l’idolâtrie, il y avait en elle cette influence corruptrice ici appelée l’impureté de sa prostitution. Ce sont deux choses distinctes. L’influence dépravatrice a pu exister sans les idoles, mais en Babylone les deux choses sont activement à l’œuvre.

Dans les églises apocalyptiques, vous remarquerez que Pergame introduit la doctrine de Balaam, qui, entre autres choses, enseignait à commettre la fornication. Arrivés à Thyatire, nous voyons Jésabel qui impose l’idolâtrie par la force. Ici, en Babylone, les deux choses sont réunies. Les maux qui se glissèrent dans la chrétienté, dès ces premiers jours de son existence, et qu’on discernait en Pergame et en Thyatire, apparaissent tous deux concentrés et sans déguisement dans la coupe de cette méchante femme. Ils bourgeonnaient alors ; mais maintenant les voilà pleinement épanouis devant le prophète dans tout ce qu’ils ont de haïssable. Ils peuvent être parés de tout le faux lustre de ce monde, mais rien n’en saurait changer ni cacher le caractère réel devant Dieu.

« Et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère ; Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre » (v. 5). Il y avait une grande prétention à la vérité, un chef-d’œuvre de contrefaçon de l’ennemi à l’endroit des voies révélées de Dieu. Il y avait eu le mystère de Christ et de l’Église ; maintenant, il y a le mystère de cette anti-église, non pas le mystère de la foi et de la piété, mais celui de l’iniquité : Babylone la grande assise sur la bête, contraste effrayant de l’Église assujettie à Christ. Ici, elle gouverne la bête. La sainte cité, Jérusalem, « descend du ciel d’auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu » — non pas « la grande cité »[36], mais la sainte cité, qui représente le véritable aspect sous lequel Dieu caractérise l’Épouse, la femme de l’Agneau, l’Église glorifiée. Ce système religieux, au contraire, montait de la terre — pour ne rien dire de plus — attirait dans son impur embrassement les rois de la terre, et étendait au loin son influence maligne. Telle était Babylone, la mère des prostituées et des abominations de la terre. De quelque genre de mal que Satan se soit servi dans le but de détourner de Christ les affections, quels que soient les objets idolâtres qui ont usurpé la place de Christ, Babylone est la mère de tous. C’est Babylone qui a enfanté tous les systèmes mondains et toutes les idolâtries dont l’ennemi s’est servi pour entraîner les âmes entièrement loin du Seigneur.

Il est une autre chose mentionnée dans la vision, et plus extraordinaire encore pour l’esprit du prophète. Il ne pouvait pas mettre en doute le caractère religieux de cette femme, Babylone la grande ; mais il la voit en même temps enivrée du sang des saints. Il pouvait bien comprendre qu’un système religieux se corrompît. Jérusalem elle-même était, hélas ! devenue semblable à Sodome et à Gomorrhe, pour la culpabilité d’abord, et à peu près pour le jugement ensuite. Mais, que la femme fût enivrée du sang des saints, c’est ce qui saisit d’un grand étonnement l’esprit même de Jean. Si mauvaise que soit la passion, ce n’est pas la plus mauvaise chose dont le cœur de l’homme est capable. C’est dans la tromperie de la fausse religion que Satan déploie directement sa puissance. Car la chose même que Dieu a donnée pour répandre la lumière et la bénédiction, pour gagner les cœurs et les amener en communion avec Lui-même, c’est la chose dont l’ennemi abuse pour faire de l’homme un homme pire que jamais — deux fois plus qu’auparavant fils de la géhenne.

Quelque étonnement que Jean ait éprouvé autrefois à entendre prononcer une telle sentence sur la bien-aimée mais coupable Jérusalem, il a à en éprouver ici un plus grand encore lorsqu’il apprend que cette femme, qui s’était mise à la place de l’Église, ne finirait pas seulement dans une même sanglante culpabilité, mais serait, de plus, enivrée du sang des martyrs mêmes de Christ. Voilà ce qui véritablement le saisissait de surprise (v. 6).

Mais nous arrivons maintenant à l’explication que l’ange fournit sur la vision. C’est de sérieuse importance ; car vous découvrirez ceci, que quand c’est Dieu qui interprète, Il ne nous démontre pas seulement ce qui réclamerait une solution, mais Il nous donne une surabondance de vérité. « Et l’ange me dit : Pourquoi es-tu étonné ? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a sept têtes et dix cornes » (v. 7). C’est ici, de fait, le sujet principal du chapitre : une description plus particulière de la femme et de ses rapports avec la bête, l’empire romain. Car il est bien manifeste et au-dessus de toute contestation, que la femme et la bête sont deux choses distinctes. Car si la bête est l’empire romain, ainsi que l’auront vu ceux qui m’ont suivi dans l’étude de ce livre, la femme ne saurait l’être. Elle peut être assise sur la bête ; mais pour cette raison même elle ne saurait être une même chose avec elle. Et non seulement la femme est distincte de la bête ; mais, comme nous le verrons plus loin, la bête se tourne contre la femme et prend part à sa destruction.

Donc, de toute évidence, il est impossible de supposer que la femme et la bête soient une même chose. À la fin, elles se trouvent opposées l’une à l’autre d’une manière si violente, que l’une devient l’instrument de la destruction de l’autre. De sorte que la femme doit être nécessairement quelque pouvoir distinct de l’empire. Nous trouverons encore d’autres raisons qui confirment cette distinction entre elles.

« La bête que tu as vue, était et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la destruction ; et ceux qui habitent la terre, dont le nom n’est pas écrit dès la fondation du monde au livre de vie, s’étonneront en voyant la bête qui était et qui n’est plus et qui sera présente » (v. 8). Je n’hésite pas à dire que c’est ainsi qu’il faut rendre la dernière partie du verset. Cela ne sera mis en question par nul de ceux qui sont suffisamment familiers avec le sujet pour se former une opinion, On peut différer dans l’explication du verset, mais on ne pourrait douter que telle soit la véritable manière de le rendre. Dans le premier cas, le texte reçu est presque en contradiction avec lui-même et n’offre point un sens juste.

Maintenant, considérons un peu ce qui est enseigné dans ce verset. Comme nous l’avons vu ci-devant, la bête est l’empire romain. Mais nous apprenons ici que cet empire devait cesser d’être. Les contrées et les peuples qui le composaient, subsisteraient, eux ; mais son unité impériale cesserait d’exister. Les parties fragmentaires seraient là, chaque nation ayant son gouvernement propre et indépendant ; mais il n’y aurait pas de lien en faisant un corps. Telle est leur condition de nos jours, et telle elle a été depuis plus de mille ans. « La bête que tu as vue, était et n’est pas, et va monter de l’abîme ». L’ange caractérise cet empire d’une façon dont nul autre ne l’a été, ni ne pouvait l’être. On le trouverait d’abord dans sa force, puis il devait cesser, et plus tard se relever. Mais il est un trait excessivement grave qui se rattache à la réapparition de l’empire, c’est d’avoir un caractère diabolique. Et comme il vient de Satan, ainsi il doit finir avec Satan : « il va à la destruction ».

Ces choses ne pourraient pas être dites dans le même sens ou avec la même rigueur de quelque autre empire que ce soit. Tous ceux qui ont jusqu’ici paru sur la terre, ont eu un moment auquel ils se sont formés, puis un moment où leur puissance a brillé dans toute sa splendeur, et enfin ils se sont éteints — subitement ou graduellement — pour ne jamais se relever. Je ne sache pas d’exemple du contraire. La destinée de cet empire qui occupait une place si prééminente dans l’esprit de l’apôtre Jean est des plus particulières. Il existait au temps de Jean, qui lui a personnellement payé son tribut de souffrance ; mais son cours devait prendre fin, et puis, après une condition de non-existence, il devait « monter de l’abîme ». « Ceux qui habitent la terre… s’étonnent, en voyant la bête qui était et qui n’est pas et qui sera présente ». Lorsque cette bête-là apparaîtra dans sa dernière et satanique phase, les hommes seront entraînés par l’admiration excessive qu’ils auront pour elle.

« Ici est l’entendement qui a de la sagesse. Les sept têtes sont sept montagnes où la femme est assise » (v. 9). Ceci est un point matériel, mais bien simple. C’est un signe local qui a pour but d’indiquer à l’entendement qui a de la sagesse le lieu où la femme a son siège. Il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’il ne se rapporte à Rome. Le terme « Babylone » avait été, il est vrai, employé pour la désigner, comme les termes Sodome et Égypte ont été figurativement appliqués à Jérusalem au chapitre 11 ; mais la capitale de la Chaldée n’a rien à faire avec la ville d’Apocalypse 17. Celle-là avait depuis longtemps disparu comme ville impériale, tandis qu’au verset 18 il est dit de cette Babylone-ci qu’elle « a la royauté sur les rois de la terre ». Plus que cela, la Babylone littérale des Chaldéens fut bâtie dans la plaine de Shinhar. Cette femme, au contraire, est assise sur sept montagnes, et tout le monde sait que tel est le trait caractéristique bien connu de Rome. En prose comme en poésie, si quelque ville était décrite comme assise sur sept collines, chacun dirait : Ce doit être Rome.

Mais nous avons au verset suivant une explication additionnelle. « Il y a », ou, « ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, et l’un est ; l’autre n’est pas encore venu, et quand il sera venu il faut qu’il demeure un peu de temps » (v. 10). Ici, le Saint Esprit, sans entrer dans aucun détail, fait allusion aux diverses formes de gouvernement qui se sont succédé dans cette fameuse ville de Rome. Il y avait eu sept têtes ou rois ; ce n’étaient pas des rois contemporains : car, est-il dit, cinq sont tombés ; l’un est, et l’autre n’est pas encore venu. Ceci implique une succession. Cinq différents modes de gouvernement avaient déjà passé. « L’un est », c’est à savoir, la forme impériale subsistante aux jours où l’apôtre vivait — la ligne des César. Un autre des sept n’était pas encore venu, mais quand il serait venu, il demeurerait un peu de temps.

« Et la bête qui était et qui n’est pas, est, elle aussi, un huitième, et elle est d’entre les sept, et elle va à la destruction » (v. 11) Il y a ce caractère particulier attribué ici à la bête, que dans un sens elle serait d’entre les sept ; et dans un autre sens elle formerait un huitième ou une bête extraordinaire. Ce serait, sous un certain rapport, une toute nouvelle forme de puissance, tandis que sous d’autres ce ne serait que la réapparition de ce qui avait existé auparavant. La raison en est que la bête pourrait bien être, au commencement, semblable à tout autre empire. Elle pourrait providentiellement devoir son avènement aux révolutions humaines ; car les hommes, quand ils ont essayé de la démocratie, sont bien vite prêts à se trouver las et désappointés ; et alors quelque bras vigoureux prend avantage de la réaction, et il en résulte assez ordinairement un pouvoir despotique. Je ne doute pas que telle ne doive être l’histoire de l’Occident. Cette huitième tête, bien que ce soit personnellement un gouverneur, est présentée comme la bête ou l’empire, parce qu’elle est moralement l’empire, dirigeant, comme tête suprême, toute son autorité. Elle est d’entre les sept, car il y aura continuation ou reprise de quelque précédente forme de pouvoir. Mais elle sera une huitième, c’est-à-dire que quelque chose de si particulier se rattachera à elle qu’elle méritera un nom pour elle-même. Ce trait nouveau se rapporte peut-être à la puissance diabolique qui caractérise la bête dans son dernier état ou sa quasi-résurrection.

« Et les dix cornes que tu as vues, sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois, une heure avec la bête. Ceux-ci ont une seule pensée, et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la bête ». Nous ne devons pas supposer que l’expression « une heure » indique, mystiquement ou littéralement, cette courte division de temps, ainsi qu’un grand nombre ont essayé, mais en vain, de l’expliquer. La signification est, que ceux-ci sont des rois qui reçoivent pouvoir comme rois pour un seul et même temps avec la bête. En elle-même, dans un sens abstrait, cette expression peut signifier un certain nombre d’années, ou seulement une courte période de temps. La question ne porte pas sur ce que signifie « une heure ». Le terme implique que ces dix cornes n’auraient pas simplement leur période de pouvoir, mais qu’elles recevraient leur puissance royale pour un seul et même temps avec la bête. Cela est très important pour la saine intelligence de ce verset. C’est ce qui renverse tous les systèmes prophétiques par lesquels on a essayé de prouver que ce chapitre avait reçu son accomplissement dans le passé ou dans le présent. La manière de voir ordinaire sur ce chapitre, peut renfermer une certaine mesure de vérité ; parce que — et ceci, je le crois pleinement — le livre de l’Apocalypse fut destiné à recevoir un accomplissement partiel dans tout le cours de la dispensation. Mais l’entier accomplissement n’a lieu qu’à la fin. Les hordes barbares descendirent du nord et de l’est de l’Europe et de l’Asie vers le cinquième siècle, et couvrirent l’empire romain, fondant de toutes parts sur l’Europe et l’attaquant à l’intérieur aussi bien que sur ses flancs — de sorte que l’empire, déjà trop étendu et croulant sous son propre poids, ne se trouva pas dans la possibilité de se soutenir contre ces assauts vigoureux et réitérés venant de tant de côtés différents. Par degrés, les Goths et les Vandales, etc., s’établirent dans les diverses parties de ce qui était autrefois uni. Ils furent les ennemis qui détruisirent l’empire.

Mais ce n’est pas là ce que notre chapitre nous montre. Il nous dit que ces rois reçoivent pouvoir, une heure, avec la bête. En supposant que les chefs barbares aient été exactement au nombre de dix, cela même ne répondrait pas à ce que nous avons ici ; parce qu’il nous est dit que ces rois reçoivent pouvoir pour un seul et même temps avec la bête. Ceux-là ne reçurent pouvoir que quand la bête fut tuée, quand l’empire romain fut tombé. Ils détruisirent la bête d’abord, et ensuite s’érigèrent en royaumes indépendants.

Impossible de se débarrasser de ce simple fait, de ce fait certain que ces pouvoirs ne furent pas des royaumes dans l’empire aussi longtemps que l’empire dura. Ils ne reçurent pas pouvoir avec la bête ; combien moins encore donnèrent-ils leur puissance et leur force à la bête. Car rien n’est plus certain que le fait que quand ils devinrent des royaumes, ce fut aux dépens de l’empire. Lorsqu’il eut pris fin, ils en relevèrent les fragments brisés et les convertirent en royaumes séparés, comme la France, l’Espagne, etc. ; mais l’empire, comme tel, était tombé. La bête qui est ici décrite acquiert pouvoir comme empire, en même temps que ces rois reçoivent pouvoir comme rois. En d’autres termes, ce sont des pouvoirs contemporains, la bête et les cornes, et en aucune façon ce que nous trouvons dans l’histoire. Cette prophétie nous montre que l’empire est seulement formé comme tel au temps où ces dix rois reçoivent leur pouvoir final. Ils sont coexistants, et ils ont leur domination ensemble — chacun de ces royaumes travaillant à une commune fin sous l’autorité de la bête.

Ainsi, dans les faits du passé il y a eu tout d’abord une puissance, une et non brisée, lorsque l’empire romain gouvernait le monde occidental[37] et ne tolérait pas en dedans de ses propres limites l’existence de différents royaumes indépendants. Il n’y avait alors rien de semblable à des rois d’Espagne, de France, d’Italie, etc. C’était un pouvoir qui absorbait tout et qui n’eût jamais supporté que des royaumes ainsi séparés se groupassent autour de la ville impériale. Mais le trait particulier au futur empire renaissant, c’est qu’il admettra différents rois. Deux choses seront unies qui ne l’ont jamais été auparavant. D’abord il y a eu l’empire sans rois — du moins ça été le cas en Occident, et c’est de lui qu’il s’agit ici. Ensuite, il y a eu des rois sans l’empire. Et voici en quoi consistera le nouveau trait caractéristique : ce ne sera ni la bête sans les rois, ni les rois sans la bête ; mais tous les deux en même temps, la bête et les rois, marchant ensemble. Voilà ce qui n’a jamais existé auparavant. Le chapitre nous fournit donc une vue de l’empire romain tel qu’il doit être relevé par la puissance de Satan, et nous montre que cet empire est destiné à être marqué du sceau spécial de l’ennemi, Dieu Lui-même permettant qu’il fasse son chemin pour un peu de temps, et qu’il exécute toute méchanceté avant que la fin arrive : — absolument comme Satan entra dans Judas lorsque celui-ci fut prêt à trahir le Seigneur pour le prix d’un esclave. Il était avant cela sous l’influence de Satan ; mais il est dit qu’alors Satan entra en lui. Lui, ou son souverain sacrificateur, était le fils de perdition, et c’est justement là le nom donné à la future puissance qui s’élèvera contre le Seigneur Jésus Christ. Cet empire doit monter de l’abîme, et être revêtu d’un caractère et d’une énergie diaboliques ; et quand il se lèvera, il y aura dix royaumes ou rois exerçant le pouvoir royal pendant une même période de temps avec la bête.

Le verset suivant (v. 13) nous montre la politique qui leur est commune. « Ceux-ci ont une seule pensée et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la bête ». Ils ne sont pas jaloux de la bête ; leur grande pensée est de l’exalter et d’agrandir son pouvoir. Et qu’en résulte-t-il ? Quel est l’usage qu’ils font de leur puissance combinée ? « Ceux-ci combattront contre l’Agneau ; et l’Agneau les vaincra (car il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois) et ceux qui sont avec lui, appelés et élus et fidèles » (v. 14). Ainsi, il est évident, d’après ce passage, que les saints célestes auront déjà été enlevés auprès du Seigneur. Ce n’est pas à ce moment que le Seigneur les reçoit ; ils sont avec Lui pendant le combat et avant que le combat commence. Et ceci est confirmé par le chapitre 19, 14 : « Et les armées qui sont au ciel, le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur ». D’où est-ce qu’elles le suivaient ? La scène est céleste. Christ vient attaquer sur la terre le grand adversaire que Satan emploie ; mais ce sont les cieux qui s’ouvrent, et c’est de là que viennent, non seulement Christ, mais « ceux qui sont avec lui appelés et élus et fidèles ».

Cette description ne s’applique pas aux anges ; car, si l’on peut dire des anges qu’ils sont « choisis » ou « élus », on ne peut pas dire qu’ils sont « appelés ». « Appelés » est un titre appliqué aux hommes seulement, et implique l’opération de la grâce. Les anges ne sont pas des « appelés », et, je pense, ne pourraient pas l’être ; car, si un ange se trouvait dans une condition de mal, il ne pourrait pas en être délivré ; et, s’il est dans un état de sainteté, il n’a pas besoin d’être « appelé ». L’appel suppose toujours une position de laquelle les appelés sont tirés. Le croyant est amené d’une position de péché et de misère dans une position de salut et de bénédiction. Cela est vrai de l’homme seulement. Il est la seule créature de Dieu qui soit appelée, par la grâce de Dieu, d’un état de ruine dans la bénédiction et la gloire de la rédemption. Et comme au chapitre 17, 14, il y a cette expression qui nous montre positivement qu’il est parlé des saints et non des anges ; ainsi, au chapitre 19, 14, il nous est dit que les armées qui suivent l’Agneau venant du ciel, sont « vêtues de fin lin, blanc et pur ». Or, il est écrit dans ce même chapitre (v. 8) : « le fin lin, ce sont les justices des saints ». On demandera : N’est-il pas dit des anges qu’ils sont vêtus de lin ? Oui, cela est dit, mais ce n’est pas le même terme qui est employé (voir Apoc. 15, 6). L’Esprit de Dieu emploie dans Sa description une expression différente, et ne confond jamais les deux choses. Ce qui donc est plusieurs fois indiqué, c’est que les saints glorifiés sont dans le ciel — avec le Seigneur — avant que commence ce combat, et pas seulement avec le Seigneur en l’air. Lorsque le Seigneur viendra, nous irons bien à Sa rencontre en l’air ; mais alors ce sera pour qu’Il nous prenne au ciel. Et lorsqu’Il vient pour juger et faire la guerre, nous venons du ciel avec Lui. Combien il s’écoulera de temps pendant que nous serons dans le ciel et avant que nous venions avec le Seigneur, c’est ce que nous ne savons point. Mais la venue du Seigneur pour les saints est un événement qui aura lieu un certain temps avant Sa venue avec eux. Quand Il vient avec Ses saints, c’est dans le but de juger la bête et ses adhérents. Alors l’Église viendra avec Lui, et aussi les saints de l’Ancien Testament ; car ils seront, je n’en doute pas, enlevés à la rencontre du Seigneur en même temps que nous. « Ceux-ci combattront contre l’Agneau » — mais la victoire est sûre — « et l’Agneau les vaincra… et ceux qui sont avec Lui, appelés et élus et fidèles ».

« Et il me dit : Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, et des foules, et des nations et des langues. Et les dix cornes que tu as vues et la bête — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu » (v. 15, 16). Voici un autre verset de grande valeur pour l’intelligence du chapitre. Dans notre texte reçu, il est dit : « les dix cornes que tu as vues 'sur la bête » (vers. angl.) ; il faut lire : « les dix cornes que tu as vues et la bête ». L’importance du changement (et il a pour lui une autorité positive) consiste en ceci : quand on lit « les dix cornes sur la bête », on pourrait s’imaginer que l’empire romain a disparu et que les dix cornes en ont pris la place. Ceci concorderait fort bien avec l’histoire du passé. Mais comme nous avons vu ci-devant que les dix cornes reçoivent le royaume pour un même temps avec la bête, pareillement ici l’Esprit de Dieu dit : « Les dix cornes que tu as vues et la bête ». Et quiconque compare ce passage avec le verset 12, s’apercevra combien la manière de rendre ordinaire est erronée. « Les dix cornes que tu as vues et la bête — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue », etc.[38].

La révolution française du dernier siècle nous présente un petit spécimen de cela, accompli, non pas, cela va sans dire, par la Bête ou par les rois, mais par la volonté du peuple. Là, vous avez un peuple furieux s’élevant contre la femme — la puissance ecclésiastique qui avait gouverné la terre étant complètement livrée à la rage de la multitude, et les hommes s’enrichissant à ses dépens. Mais nous ne devons jamais réprimer un tort en nous rendant coupables d’un autre. Se comporter chrétiennement vis-à-vis du mal, nous élève toujours, par grâce, au-dessus de lui. Des événements que l’on a vus sur une petite échelle, seront plus tard réalisés sur une grande. Des gens de bien — des hommes dignes d’honneur et sages à tous autres égards, ont non seulement désiré de se débarrasser de Babylone, mais n’ont été que trop enclins à sanctionner tous les moyens d’atteindre ce résultat. Je ne dis point que les saints ne sont pas appelés à se réjouir de sa chute, mais ils ne doivent pas se mêler aux instruments de cette chute, ni caresser l’espoir mal fondé qu’alors et par ce moyen il y aura bénédiction. Rome sera toujours la ville centrale de ce système corrompu. « La femme que tu as vue est la grande ville, qui a la royauté sur les rois de la terre » (v. 18). Il y aura, sans doute, un plus grand développement de cela avant que la fin arrive ; car celle qui est assise comme reine a donné, même en nos jours, la preuve qu’elle peut inventer de nouvelles doctrines et vanter de nouveaux miracles, développer le mal sans conscience et devant une bien faible protestation, bien plus, au milieu même des acclamations universelles. Et je présume, que ce qui est vrai de tous les autres cas, sera également vrai de Rome : savoir, que quand le jugement viendra, sa coupe sera pleine. Il en fut ainsi de l’iniquité des Amoréens quand Dieu les jugea. Mais Dieu se servira des pouvoirs de la terre pour agir contre Babylone. Sans nul doute, les rois seront satisfaits d’eux-mêmes pour s’être débarrassés d’une telle chose ; mais alors il se peut que les instruments employés soient aussi mauvais que le mal lui-même. Et quelle sera l’issue ? Le millénium ? Tout le contraire ; ils combattront contre l’Agneau. Ils ne se seront pas seulement débarrassés de Babylone ; mais ils combineront leurs efforts contre Christ, et cela de la façon la plus directe et la plus sinistre. Quand ce jour-là viendra, l’homme, au lieu d’avoir reçu quelque amélioration en se tournant contre Babylone, donnera toute sa puissance à la bête ; et si mauvaise que soit Babylone, il y a dans la bête une méchanceté plus ouverte. Rien sous le soleil n’est plus haïssable devant Dieu que la religion, là ou elle est employée pour couvrir la corruption : et voilà Babylone. Mais c’est à la bête et au faux prophète qu’il appartient de renier Dieu entièrement. Ainsi que nous lisons dans les Psaumes : « L’insensé a dit en son cœur : il n’y a point de Dieu ». Babylone n’est pas cet esprit volontaire et rebelle. C’est pourquoi nous voyons ces pouvoirs vengeurs aller combattre contre l’Agneau après avoir détruit Babylone, mangé sa chair et l’avoir brûlée au feu ; enfin, après s’être enrichis à ses dépens. Ils se dresseront en opposition ouverte contre l’Oint de Dieu, l’Être saint et céleste que les souffrances ont consommé.

« Car Dieu a mis dans leurs cœurs d’accomplir sa pensée, et d’accomplir une seule pensée, et de donner leur royaume à la bête jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies » (v. 17). Qu’il est intéressant de remarquer que c’est l’homme qui accomplit ainsi les paroles de Dieu, quand sa seule pensée à lui est que, par haine envers Dieu, il efface de dessus la terre de toutes choses la plus corrompue ! Sans doute, Babylone l’aura mérité ; mais les rois, sans savoir comment, ne font qu’une œuvre servile pour Celui dont ils nient l’autorité. Ils auront eu en vain devant leurs yeux toutes les voies de Dieu sous la loi ; ils auront eu, et seulement pour la mépriser, l’entière révélation en Christ de la grâce et de la sainteté fondée et manifestée en la croix de Jésus ; ils auront entendu et rejeté le témoignage du dernier jour, l’évangile du royaume, qui sera porté par d’autres, et, je crois, par des témoins juifs, après que l’Église aura été enlevée au ciel. Toute prétention à constituer un nouveau témoignage pendant que l’Église est sur la terre, doit être nécessairement fausse. Mais quand l’Église s’en sera allée, Dieu reprendra Ses relations avec Son peuple d’Israël, et rendra un témoignage qui n’aura pas proprement pour but de chercher les âmes pour les mettre en relation avec Christ dans le ciel — ce qu’il fait aujourd’hui — mais d’envoyer au loin, à travers le monde habitable, pour être un témoignage à toutes les nations, l’heureuse nouvelle que le Roi de Dieu vient pour établir Son royaume ; « et ensuite la fin ».

C’est la communion avec Christ comme Celui qui a souffert, qui nous délivre de l’esprit de la bête, l’esprit d’orgueilleuse indépendance. De quelle manière serons-nous victorieux avec l’Agneau ? C’est en étant avec Lui ; être avec Lui, c’est ce qui nous donne la victoire dès maintenant. Notre force, en tout ce qui se présente devant nous, consiste à demander : Quel est le sentiment du Seigneur à cet égard ? Supposons que je sois invité à me rendre à quelque grand spectacle, à me joindre à quelque mouvement qui peut être fort attrayant pour la nature ; — la question est : Le Seigneur sympathise-t-Il avec cela ? Est-Il là ? Et si cette manière de juger des choses s’applique à tous les autres cas, elle sera bien plus décisive encore en ce qui concerne les choses les plus saintes, comme, par exemple, le culte. Qu’est-ce que le Seigneur sanctionne et avec quoi sympathise-t-Il ? Qu’est-ce qui est le plus en harmonie avec Son cœur et Sa pensée ? Qu’est-ce qui, en réalité, et avec intelligence et obéissance, Lui rend honneur ? Telle est pour la foi la clé unique dans ce monde ; elle ouvre bien des difficultés, et par la porte ouverte il y a pour nos pieds un sentier facile.

Le Seigneur veuille qu’aucun de nous ne mette de côté ces vérités solennelles ! Négliger Son avertissement, c’est incliner d’autant vers l’état de choses dont nous venons de parler. Ce qui de nos jours pousse dans cette direction, c’est de ne point tenir compte des paroles de Dieu, quoique à la fin elles doivent se vérifier en nous à notre propre honte. Nous verrons alors combien peu nous avons connu la réelle soumission du cœur à Dieu ; combien peu nous avons apprécié la grâce dans laquelle nous sommes, et combien peu nous nous sommes réjouis dans l’espérance de Sa gloire. Il sera prouvé que nous n’avons pas tenu à honneur d’obéir, et d’abandonner ce que peut-être nous aimions, ou ce que d’autres pouvaient aimer pour nous, là où il s’est agi de la volonté de Dieu. Car pour nous, c’est là ce qui devrait décider de tout, parce que nous sommes sanctifiés « pour l’obéissance de Jésus Christ et l’aspersion de son sang », c’est-à-dire pour le même caractère d’obéissance qui distingua le Seigneur Jésus ici-bas. Il ne nous convient pas d’obéir seulement parce que nous le devons. Ce n’est jamais ainsi que le Seigneur obéit. Si quelqu’un fait une chose seulement parce qu’il sait qu’il sera puni pour ne l’avoir pas faite, cela montre clairement que son cœur n’y est pas, qu’il voudrait ne la point faire. L’obéissance chrétienne, c’est le désir de faire une chose parce que telle est la volonté de Dieu, et le Saint Esprit nous en communique la puissance en présentant Christ à nos affections. Souvenez-vous que c’est pour cela que nous sommes sanctifiés. Sauvés par le sang de l’aspersion, au lieu de l’avoir devant nous comme une menace de mort, ainsi qu’en Exode 24, nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ. Nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce, et conduits par l’Esprit de Dieu. Puissions-nous jouir de la puissance de Son Esprit et de la plénitude de Son salut ! N’oublions pas toutefois que ce n’est pas pour nous-mêmes que nous sommes ainsi sauvés, mais pour obéir selon le modèle et la mesure de l’obéissance de Jésus.

Chapitre 18

Le cas de Babylone démontre d’une manière frappante, ce me semble, comment un jugement qui est dit émaner de Dieu, peut en même temps être exécuté par les hommes. Au chapitre 17, nous avons vu que Dieu se servira des dix cornes ou rois, dans les états desquels la terre romaine se trouvera divisée à la fin de cette dispensation — et qu’il donnera une prééminence particulière à ce qui est appelé « la bête », c’est à savoir, à la puissance qui sert de lien à ces autres parties autrement séparées et distinctes. Le grand chef impérial et les divers pouvoirs, distincts mais non plus indépendants — vassaux de celui-là — seront les instruments que Dieu emploiera pour infliger Ses jugements à Babylone.

Maintenant, au chapitre 18, il ne paraît pas un mot de cela ; et la différence entre les deux portions est si évidente, et si grande à première vue, que certaines personnes ont avancé résolument que le jugement du chapitre 17 était antérieur à celui du chapitre 18 ; que, dans le premier, la destruction de Babylone est le fait simplement de l’homme ; mais que, dans celui-ci, son jugement est postérieur et procède directement de Dieu. Mais je ne voudrais pas fonder un enseignement sur cette explication, concevant au contraire que, dans le même jugement, vous pouvez avoir le côté de Dieu et le côté de l’homme, Dieu agissant providentiellement, et les hommes — comme le moyen qu’Il emploie — frappant le coup. S’il y a réellement une distinction à faire, la « chute » vient avant la destruction finale. Il résulte pour Babylone de l’assaut des pouvoirs civils un avilissement total de sa condition ; ensuite, c’est un appel pressant de Dieu à Son peuple pour l’en faire sortir ; puis enfin arrive la complète et éternelle destruction de Babylone, de la part de Dieu.

Si nous considérons Babylone dans l’Ancien Testament, nous voyons précisément que les prophètes ont parlé de sa destruction comme du jour du Seigneur contre elle. « C’est ici l’œuvre du Seigneur l’Éternel des armées, dans le pays des Chaldéens » (Jér. 50, 25, vers. angl.). En même temps, il est tout à fait certain que l’instrument par lequel Dieu a amené la ruine de Babylone, est le célèbre Cyrus, chef de l’armée médo-perse. C’est de la même manière qu’en Apocalypse 17 nous sont présentés les vrais instruments humains. L’influence de Babylone s’étendait bien au-delà, mais les dix cornes de la terre romaine étaient les pouvoirs qui, en quelque sorte, rayonnaient de son centre même. Et c’est pour cela peut-être que Dieu fait voir dans ce chapitre que ces pouvoirs, qui semblaient si fortement attachés à Babylone dans un abject esclavage (le pouvoir impérial lui-même n’ayant guère été qu’une bête de somme pour elle), sont destinés à faire volte-face, à un certain moment désigné de Dieu, et à assouvir sur elle leur vengeance, leur dédain et leur haine. Ils ont des vues humaines, sans doute ; mais ils exécutent pour Dieu une œuvre de juste rétribution. Dieu leur aura mis au cœur de s’accorder pour donner leur royaume à la bête, jusqu’à ce que Ses paroles soient accomplies.

Mais au chapitre 18, les instruments humains disparaissent, et lorsque cet autre ange descend du ciel, il ne dit pas un mot de ceux dont Dieu s’était servi, comme moyen, pour faire tomber Babylone ; ils sont omis, et c’est le Seigneur Dieu qui la juge. Dieu aurait pu détruire Babylone sans les dix rois tout aussi aisément qu’avec eux ; ils n’étaient nécessaires en aucune façon : mais il convenait au gouvernement que Dieu exerce sur la terre d’employer les dix cornes pour humilier Babylone à la fin, puisqu’auparavant elle avait régné sur les rois de la terre et commis fornication avec eux. Ils pouvaient être, eux, des hommes méchants ayant de mauvais desseins : c’est pourquoi il est nécessaire qu’il soit directement montré aux saints que Dieu Lui-même est contre Babylone.

Considérons un peu maintenant ce nouveau point de vue, auquel nous ne trouvons plus sur la scène que deux parties : Babylone sur la terre, et Dieu dans le ciel. Et le Seigneur Dieu se prononce contre l’orgueilleuse et royale cité qui fut la constante ennemie de Dieu et de Son peuple — qui fut l’instrument de Satan pour séduire et entraîner ses victimes dans une alliance de méchanceté et dans l’idolâtrie. Tel est le caractère sous lequel Babylone est ici envisagée. Et néanmoins, c’est cette Babylone qui s’arrogeait la position et la fonction de faire connaître Dieu. Car la grande ville n’est pas une puissance athée ; elle n’est pas, comme la Babylone ancienne, un étranger de dehors, et employé de Dieu, comme moyen, pour infliger le châtiment à Son peuple d’Israël. Dans ma pensée, la Babylone de l’Apocalypse correspond aussi clairement que possible à la Babylone de l’Ancien Testament ; mais elle s’applique aux sujets du Nouveau. Dans l’Ancien Testament, la pensée de Dieu avait essentiellement pour objet Son peuple et le pays ; et il y avait aussi une ville sur laquelle Son œil se reposait avec une affection particulière, car Il n’aimait pas seulement le peuple, mais Il s’intéressait à ce qu’Il avait donné au peuple. Mais cet état de choses a complètement cessé depuis que le Seigneur Jésus a été crucifié. Depuis lors jusqu’à maintenant, il n’a pas existé de lieu plus saint qu’un autre. Celle qui avait été la sainte ville se trouvait être maintenant le champ même qui était taché du sang du Seigneur Jésus Christ. Mais l’œil de Dieu voyait que, dans la suite des temps, s’élèveraient une ville et un peuple de professants qui prendraient avantage de la révélation que Dieu avait donnée, et formeraient de l’état de corruption et de ruine du christianisme un système à eux, empruntant tout ce qu’ils pourraient au judaïsme et le mélangeant avec le mal des Gentils pour produire ainsi un système au plus haut degré haïssable pour Dieu et séduisant pour l’homme. Je n’ai donc aucun doute que, dans ce chapitre, c’est Rome qui est en particulier l’objet du jugement de Dieu ; non pas que Rome soit exclusivement ce qui est compris dans Babylone, mais parce que Rome en est le centre, parce que c’est, de toutes les villes, la plus coupable aux yeux de Dieu. Il ne s’agit pas de Rome sous sa forme païenne, ni de Rome telle qu’elle est de nos jours, encore qu’elle soit bien mauvaise et croissant, je crois, en méchanceté. Je crois que la Babylone de l’Apocalypse n’est pas simplement ce système qui s’oppose aujourd’hui au christianisme, mais la Babylone qui aura fait opposition au dernier témoignage que Dieu enverra — le témoignage de Dieu concernant Son propre royaume même qu’Il est près d’établir sur Son peuple bien-aimé. Car Dieu ne renonce jamais à Ses desseins. C’est une partie du caractère de Dieu de ne se repentir jamais de Ses dons et de Son appel. Là où il ne s’agit pas d’un dessein de miséricorde, mais d’une menace, Dieu peut fléchir, et Il aime à le faire. Qu’Il le fasse, nous le savons par l’histoire de Ninive (bien qu’un coup fut frappé plus tard et qu’un coup doive être frappé dans quelque temps futur). Il laissera les hommes dire qu’Il a changé de pensée là où il s’agit de différer le châtiment dû au péché ; mais, d’un autre côté, là où il y a de la part de Dieu dessein de bénir un peuple, Il n’y renonce jamais. Cela est digne de Lui. Il est plein de miséricorde. Il pourra permettre que la prophétie envoyée contre Ninive par Son serviteur Jonas ait l’air d’avoir été mise de côté ; Il ne se préoccupe pas de ce que les hommes en disent. Il veut bien leur laisser croire que, par grâce, Il a changé de pensée et que la sentence de destruction a été détournée là où il y a eu humiliation et repentance devant Dieu. Mais la chose réjouissante que nous voyons est celle-ci : — que lorsque la chute de l’homme, la chute de l’Église et autres apostasies pareilles paraissent avoir compromis le dessein béni que Dieu tient en réserve pour Son peuple et pour Sa propre gloire — tout ce qui est de Dieu ne fait que se déployer avec plus d’éclat un autre jour.

Considérons Babylone dans son histoire passée et voyons comment ce nom était approprié pour exprimer le mal spécial qui devait surgir de la corruption du christianisme. C’est en Genèse 10 qu’il est pour la première fois fait mention de Babel. Là, elle se trouve en connexion avec un homme plein de volonté, qui avait d’abord montré son adresse à l’endroit des animaux, et qui commença bientôt à tourner contre ses semblables toute l’habileté et toute l’expérience qu’il avait acquises dans une sphère moins élevée. Nimrod est le premier personnage avec lequel Babel soit associée ; c’est l’homme concentrant le pouvoir en lui-même. Mais au chapitre suivant (Gen. 11), nous avons une autre idée. C’est n’est plus seulement l’homme s’exaltant lui-même et en exaltant d’autres soumis à lui par la fraude ou par la force, mais c’est un grand effort des hommes se rassemblant entre eux pour bâtir quelque chose de permanent, de fort et de haut — une tour dont le sommet s’élève jusqu’aux cieux et qui leur attire un nom sur la terre. Ici donc, nous avons les deux pensées qui sont toujours plus ou moins directement liées avec Babylone. Elle peut se présenter sous la forme individuelle d’un homme qui s’exalte lui-même, ou bien sous la forme collective d’hommes qui combinent quelque grande entreprise ; ou, enfin, elle peut être un mélange de ces deux principes. Et c’est ce que vous trouverez plus clairement développé encore lorsque vous arriverez à l’histoire de la nation juive. Dieu appela les Juifs comme peuple, et leur conféra des privilèges et des bénédictions particulières. Ils tombèrent dans l’idolâtrie, le péché de Babylone qui en était la grande et primitive source ; et Babylone devint le principal instrument de jugement pour le peuple de Dieu, et la scène de la captivité de Juda. Là encore, vous avez Nebucadnetsar, la tête d’or de la statue, correspondant à Nimrod, et la grande ville qu’il bâtit correspondant à la tour de Babel — les deux idées impliquées dans ce nom se trouvant ainsi réunies comme en effet elles le furent bientôt au commencement, car Babel fut le commencement du royaume de Nimrod. Le cœur naturel convoite pour l’homme une élévation présente sur la terre, et une exaltation revêtue d’une sanction religieuse, mais tendant à un but d’idolâtrie.

Or, le Saint Esprit, dans le Nouveau Testament, relève le terme « Babylone », et l’applique à la corruption qui devait se développer dans la chrétienté professante. Lorsque Dieu sauve des âmes, Il ne leur permet pas de choisir leur propre voie dans le monde ; encore moins leur permettrait-Il de choisir leur propre voie dans l’Église. Celui qui comprend bien la place qui lui appartient comme étant à Dieu, a sa volonté brisée. Il a reçu le privilège de traiter sa nature comme une chose morte et mauvaise ; non pas sur le pied d’un esclave, qui travaille pour un salaire et parce qu’il y est obligé, mais dans la liberté d’un enfant de Dieu, de quelqu’un qui a été béni de Dieu et qui a à cœur les intérêts de son Père. Or, ce n’est pas la volonté de son Père que, dans le temps actuel, il se mêle avec le monde ou qu’il s’y crée une place. De fait, dans la pensée de Dieu, le monde, pour le chrétien, est quelque chose de trop inférieur, parce qu’il est pratiquement sous la puissance de l’ennemi. Il vient un temps où le monde sera placé sous l’autorité des enfants de Dieu, alors qu’ils jugeront le monde. Mais cela ne saurait avoir lieu jusqu’à ce que Satan soit ôté, et que le Christ soit publiquement exalté sur la terre aussi bien que dans le ciel. Jusque-là, les saints sont appelés à attendre dans la foi et dans la patience. Et tel est l’argument sur lequel l’apôtre insiste en 1 Corinthiens 6 pour démontrer que les frères en Christ ne devaient rien avoir à faire à présent avec les jugements de ce monde. Y porter leurs différends était au-dessous de leur dignité comme enfants de Dieu. C’est en vain que l’on essaierait de réformer le monde : une semblable idée n’entra jamais dans l’esprit de l’apôtre. Car la foi, en même temps qu’elle se réjouit dans la délivrance des pauvres pécheurs, considère le monde au point de vue de Dieu, c’est-à-dire, comme étant déjà jugé et n’attendant plus que l’exécution de la sentence à la venue de Christ.

Mais, si l’apôtre exhorte à la soumission envers les autorités qui existent, il ne dit jamais : Vous, frères, qui occupez des postes d’honneur sur la terre, vous devez continuer à y rester. Cela eût été annuler le but de Dieu dont les enfants ne sont pas du monde, de même que Christ n’est pas du monde. Car aujourd’hui Dieu n’entreprend pas de gouverner le monde, sauf par Sa providence secrète, bien entendu. Lorsque le royaume de ce monde deviendra effectivement sien, Il commencera par juger les corrupteurs de la terre, et plus particulièrement toute iniquité commise sous le nom de Christ. Ce n’est pas ce que Dieu fait maintenant ; Il met plutôt à l’épreuve les âmes de Ses saints, dans un lieu de tentation où tout est contraire à Son nom. S’ils sont fidèles, ils souffriront persécution ; s’ils sont infidèles, le monde pourra faire grand cas d’eux ; ils pourront en partager les aises et les honneurs ; mais Satan se servira assurément d’eux pour faire demeurer les choses tranquilles — car rien n’apporte au mal une sanction éclatante, autant que l’homme de bien qui se joint au monde et lui donne son appui. Souvenez-vous de Lot. Il siégeait à la porte de Sodome, là où s’administrait la justice. La position qu’il occupait là, était aussi déshonorante pour Dieu que misérable pour lui-même. À la fin, il fallut l’en arracher ; mais avant même qu’il fût emmené de Sodome, les plaines bien arrosées du Jourdain avaient perdu leur valeur à ses yeux. Son âme juste s’affligeait des actions iniques des habitants, et bientôt il devint l’objet de leurs railleries : « Celui-ci, disaient-ils, est venu parmi nous pour y séjourner, et il a la prétention de s’établir juge ! ». Ils voyaient l’inconséquence de sa position ; car les mondains sont prompts, en général, à discerner les manquements du croyant. Hélas ! il est facile de comprendre comment un homme peut être pieux, en somme, et se trouver désormais dans des circonstances où un chrétien ne devrait pas être et, dans la mesure de son manquement, n’être pas un vrai témoin pour Dieu. Que je considère le chrétien individuellement, ou bien l’Église, je vois que le but de Dieu est d’avoir, dans le monde, un témoignage à Sa propre gloire ; d’avoir les siens, non pas occupés à renverser le monde, encore moins à rechercher les honneurs et les richesses du monde, mais disposés, par amour pour Christ, à renoncer à ce qu’ils aiment le mieux, parce qu’ils ne regardent pas aux choses visibles, mais aux choses invisibles et éternelles. Voilà où Dieu met Son triomphe ; et c’est selon la mesure dans laquelle nous réalisons cela, que nous sommes de vrais témoins pour Dieu. De l’autre côté, si nous cherchons à gagner ou à retenir le monde avec Christ, nous voilà engagés dans le principe de Babylone.

Sans doute, les chapitres 17 et 18 de l’Apocalypse vont beaucoup plus loin, et montrent qu’un vaste système religieux corrompu est le sujet dont ils traitent. Cela ressort clairement de la comparaison du chapitre 17, 1, 2, 3, avec le chapitre 21, 9, 10, 11. Au chapitre 17, il est écrit : « Et l’un des sept anges… vint, et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai le jugement (c’est-à-dire la sentence) de la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux ». Mais ensuite, au chapitre 21, 9, nous avons une autre scène. « Et un des sept anges… vint, et me parla, disant : Viens, je te montrerai l’épouse de l’Agneau, la femme ». Or, il est évident que le Saint Esprit emploie la même forme de langage pour introduire auprès de nous ces deux femmes, dans le dessein, me semble-t-il, de nous faire saisir le rapport qui existe entre elles. Le même guide, un des sept anges qui avaient les sept coupes, vient prendre Jean, et lui montre au désert cette femme terrestre et corrompue ; plus tard, dans la scène finale, il l’enlève sur une montagne excessivement haute et lui montre une femme céleste. Comme la femme céleste est le symbole de l’Église céleste, ainsi Babylone symbolise un corps religieux corrompu. C’est elle qui prend la place de l’Église et celle de témoin pour Dieu sur la terre, en même temps qu’elle soutient toute sorte de commerce mauvais avec ceux qui sont exaltés ici-bas. Il y a d’abord, comme d’usage, ce qui est charnel et terrestre, puis ce qui est spirituel et céleste. Après que le faux système de l’homme et de Satan a disparu, le système véritable est déployé dans la gloire de Dieu.

Or, bien que nous puissions nous attendre à un développement ultérieur de Babylone, comme opposée à Dieu dans le témoignage final du royaume, témoignage qui sera rendu devant toutes les nations avant que vienne la fin, cependant je ne pense pas qu’il y ait de difficulté à discerner dès à présent où se trouvent de la manière la plus complète les traits de Babylone. C’est un système religieux qui gouverne nombre de rois ; ce n’est pas un système qui soit à la merci des gouvernements séculiers. Cette dernière chose est bien un péché, mais ce n’est pas le mal dont il est parlé ici. Babylone est un système de corruption religieuse incomparablement plus ténébreux, plus profond, plus étendu — s’arrogeant exclusivement le nom d’Église de Dieu, s’établissant au-dessus des rois, intriguant avec eux, mais en même temps maintenant sa suprématie sur eux tous ; abrutissant les masses par le poison de ses excitantes faussetés ; se parant de toute la splendeur que lui ont acquise ses prostitutions dans le monde ; source de la pire idolâtrie qui existe sous le soleil ; et enfin manifestant un esprit sanguinaire de persécution contre les vrais saints et témoins de Jésus, sous l’effrayante prétention d’accomplir Sa volonté, d’agir sous Son autorité. Il est un système qui prétend à cette position, qui la prend comme donnée de Dieu, et dont le siège et le centre se trouvent au cœur même de ce qui fut jadis l’empire romain — un système religieux qui affecte la domination universelle, et qui, dans le but de la réaliser, ou bien cherche à captiver par l’art de la séduction, ou bien étouffe toute opposition dans le sang de ses victimes, les prétendus hérétiques. « Par tes breuvages empoisonnés toutes les nations ont été séduites. Et en elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre » (v. 23, 24). Pour toute personne non prévenue, qui lit avec calme cette description de Babylone et se demande quel est dans la chrétienté le corps professant où les idoles abondent ainsi, où il y a tant d’autorité sur les rois de la terre, le corps professant qui est si indulgent pour les méchants, si cruel pour les justes — pour toute personne non prévenue, il est impossible de ne pas voir et de ne pas répondre[39].

Quant aux églises grecque et orientale, quant aux églises établies d’Angleterre, d’Écosse, et autres églises nationales réformées, elles sont plus ou moins dans un état de complète subordination vis-à-vis du gouvernement qui a affaire avec chacune d’elles. Il peut y avoir, et je crois qu’il y a, du mal à cela. Mais il est deux manières par lesquelles un système religieux peut agir contrairement à Christ : ou bien par un coupable asservissement au monde, ou bien par une suprématie sur lui plus coupable encore — en un mot, en étant l’esclave du monde ou le maître du monde. Dans le temps actuel, il n’y a qu’un seul système religieux qui prétende avoir les rois à ses pieds, et ce système est l’église de Rome, qui, par conséquent, correspond à Babylone. C’est une grande erreur que de croire que nous en avons fini avec elle, ou que son jour est passé. Rome peut encore obtenir un triomphe passager. Ses émissaires sont activement répandus sur la surface du monde, et les fondements du protestantisme sont minés de toute part. Ceux qui s’attendent à voir le christianisme, dans l’état actuel des choses, renverser ses adversaires sur la terre, sont, selon moi, en grand danger de se trouver déçus dans l’espoir antiscripturaire d’obtenir une Église aussi grande ou plus grande dans le bien, que Rome ne l’est dans le mal. Car il surviendra encore une lutte terrible, et Rome, dans ma prévision, acquerra une influence universelle et étouffera toute voix qui lui sera contraire, excepté les soupirs des quelques témoins dont il est ici parlé, témoins qui meurent par elle, ou bien qui sortent du milieu d’elle. Dieu les entendra ; mais pour ce qui est de tout témoignage ouvert ou public à Lui-même, il sera absorbé par Babylone. Et quant à la destruction de Babylone, ce n’est pas par le moyen de l’évangile ou par la force de la vérité qu’elle sera effectuée, mais par la volonté et la colère des hommes. Partout où le romanisme emporte la victoire, l’incrédulité en est la conséquence infaillible ; aussi Babylone prépare-t-elle toujours la voie au dernier effort de la Bête contre l’Agneau. Mais avant que la fin arrive, la Bête obtient tout à fait la haute main, et Babylone devient sa pâture et celle des dix cornes.

Est-ce là ce qui nous est présenté ici ? L’homme est laissé de côté ; il n’est pas une seule fois fait allusion aux dix cornes dans le chapitre 18, bien qu’il soit fait allusion aux rois de la terre. Voici la différence : dans « les rois de la terre », sont compris, me semble-t-il, tous ces gouvernants de la chrétienté avec lesquels Babylone avait vécu dans les termes d’une coupable intimité, ou qui avaient soutenu avec elle de mauvaises relations. Les dix cornes sont les chefs de l’empire dans son état final de division et les instruments actifs de sa dévastation, comme cela nous est déclaré au chapitre 17. Les rois de la terre sont ceux qui mènent deuil sur elle, et non ceux qui la brûlent. Ici, au chapitre 18, son heure est venue, et c’est le Seigneur Dieu qui la juge.

Remarquez bien quelle est ici la voix qui vient du ciel : « Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés, et que vous ne receviez pas ses plaies » (v. 4). Recevoir de ses plaies n’est pas le motif divin pour se séparer d’elle. Les hommes se préoccuperaient passablement de ce sujet-là ; mais la grande chose que Dieu attend de Son peuple, c’est qu’ils ne participent pas à ses péchés. Je désire placer cette question devant chaque chrétien individuellement : Jusqu’à quel point avons-nous sympathie avec la pensée de Dieu concernant Babylone et ses péchés ? Jusqu’à quel point sentons-nous le mal qui est en elle et le jugeons-nous ?

Babylone n’a pas recherché le ciel, mais la terre ; elle n’a pas recherché les souffrances de Christ et les gloires qui doivent suivre, mais elle a aspiré à s’asseoir en reine et à ne point voir de deuil. Babylone est satisfaite d’une exaltation mondaine. Si vous marchez évitant toute chose semblable, Babylone n’a pas d’attraits pour vous. Et le danger actuel de chaque âme, par rapport à Babylone, c’est d’en venir graduellement à se soucier, comme chrétien, de ce que l’homme apprécie sur la terre et de se l’accorder. Dans ces dernières années, il s’est opéré un grand changement dans les pensées des chrétiens, en ce qui regarde la jouissance réelle de la prospérité et du plaisir en ce monde. Mais il y a dans tout cela un étonnant danger ; car quelle est la pensée de fond ? L’élévation, le progrès, l’exaltation de l’homme — l’homme montrant ce qu’il peut faire et améliorer. Et l’on cherche à rattacher à tout cela le nom et la sanction de Christ ! Hélas ! c’est là Babylone la grande (v. 9-19). En elle nous voyons le but auquel tend le désir du cœur, qui est de jouir, tout en professant d’être à Christ, de tout ce qui est dans le monde : la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Je ne m’étonne point qu’un homme inconverti cherche à rendre le monde agréable : c’est ce que Caïn a cherché ; et aujourd’hui il y a telle marche dont on peut dire que c’est marcher dans la voie de Caïn. Il y a ceux qui confectionnent toutes sortes d’instruments de musique, et ceux qui travaillent sur airain et sur fer. Il est vrai que ces choses ont pris naissance à une époque bien primitive du monde ; mais toutefois, ce n’est pas pour rien que l’Esprit de Dieu nous déclare qu’elles se trouvaient dans la famille de Caïn, et non dans la famille de Seth. Tout fils d’homme est tenu responsable devant Dieu, qu’il soit ou non converti, de reconnaître sa position de rejeté à cause de sa qualité de pécheur : il n’a pas le droit d’étouffer sa conscience dans les plaisirs et la gloire du monde. Mais si mauvais que cela soit, la chose que Dieu hait le plus, et qu’Il jugera publiquement de la manière la plus terrible, même dans ce monde, c’est de rattacher le nom de Christ à la satisfaction des convoitises mondaines. N’est-ce pas le désir même de beaucoup de chrétiens d’endosser la grandeur et les richesses du monde ? Je ne doute pas qu’on ne désire cordialement voir des âmes converties, mais on aimerait les voir apporter avec elles leur influence terrestre. Voilà l’esprit de Babylone. Ce que le Seigneur attend de nous, c’est que nous accomplissions la volonté de Dieu, que nous souffrions pour elle, et que nous la prenions patiemment. Tout ce que le cœur de l’homme convoite, sera trouvé enlacer la volonté de l’homme. Il n’est pas une seule place de distinction ou de gloire dans le monde, qui n’oblige celui qui l’occupe à faire l’abandon d’une bonne conscience envers Dieu. En d’autres termes, vous ne pouvez à la fois être membre du monde et agir fidèlement comme membre de Christ. Si vous estimez le monde et que vous désiriez le suivre, vous présenterez toutes sortes d’excuses et raisonnerez en faveur d’un compromis ; mais cela ne fera que montrer jusqu’à quel point le levain de Babylone a affecté votre âme.

Dieu rassemble les âmes autour de Jésus — c’est-à-dire de Jésus rejeté et monté au ciel. C’est pourquoi l’Église est établie sur ces deux vérités fondamentales. Elle a la croix, et elle est unie à Christ dans la gloire céleste, par le Saint Esprit envoyé ici-bas. Or, la croix et la gloire céleste ne peuvent se mélanger avec le monde. Voilà la chose même qui met mon cœur à l’épreuve. Si Christ est mon objet, je n’aurai pas besoin du monde ; je porterai — peut-être faiblement — mais toutefois je porterai mon regard en haut, vers le ciel ; et là je trouverai l’objet — l’unique objet — par lequel Dieu veut me fortifier, me donnant de vouloir souffrir dans la conscience que j’ai Christ dans la gloire. Là où l’Église cherche quelque chose d’autre, l’estime ou la gloire du monde, par exemple, ou même l’amélioration de la société, elle renie la gloire qui lui est propre.

Le papisme s’est mépris sur le véritable caractère de l’Église ; il a suivi le système juif et pensé qu’on devait apporter de l’or, de l’argent, des pierres précieuses et des choses délicates pour honorer le Seigneur (voyez v. 12-14). Mais Dieu est plus sage que les hommes, et montre que toute cette prétention à L’honorer n’est qu’une fausse apparence, et que ce qu’au fond les hommes recherchent, c’est de s’honorer eux-mêmes. Ils recherchent ce qui offre de l’attrait et fait d’eux-mêmes un sujet d’attraction, en même temps qu’ils cachent leur véritable but sous le prétexte du nom de Christ. C’est là ce que Dieu jugera, et ce qui infectera la chrétienté tout entière avant que ce jugement vienne. Vous me demanderez peut-être comment cela peut-il être possible, lorsqu’on voit se former un si grand nombre de sociétés, et une énergie si active — tant religieuse que morale — se déployer contre les diverses formes de mal public par tout le monde. Ce n’est pas ce que je vois, moi, que je vous déclare, mais ce que montre la Parole de Dieu — la prépondérance universelle, avant qu’arrive la fin, d’un système corrompu qui a évidemment son centre à Rome, encore qu’il étende plus loin son cercle, embrassant toutes les institutions religieuses quelconques[40] qui, si opposées au papisme qu’elles paraissent aujourd’hui, ne lient pas les âmes avec le ciel. Il n’y a pas de sécurité pour aucun de ceux qui bâtissent sur la terre. Les saints célestes seront retirés avant que le jugement tombe sur Babylone. Ce n’est pas à eux qu’il est fait allusion dans cette parole : « Sortez du milieu d’elle, mon peuple ». Cela est dit du peuple terrestre de Dieu[41] pour un peu plus tard. Mais en même temps, ce principe trouve sa pleine application ; car l’essence même de Babylone est l’union du monde avec le nom de Christ. « C’est pourquoi sortez du milieu d’eux et vous en séparez, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous recevrai ».

Le Seigneur ne tiendra point pour innocent celui qui a la conscience de ce qui est dû à Christ, et n’y marche pas. À quiconque est dans ce cas je voudrais dire : Voilà où vous en viendrez : vous cheminerez pour un temps et serez troublé par la vérité, car elle vous condamnera ; mais sous peu vous trouverez que vous en avez perdu le goût, vous vous en fatiguerez et même vous tournerez contre elle, et dès lors vous serez moralement mûr pour Babylone quand elle se présentera devant vous. En ce qui me concerne personnellement, la question pour Dieu est de savoir si je suis coupable de l’esprit de Babylone. Si quelqu’un marche dans sa voie, il participe à son péché. Et qui s’oppose à la vérité autant que ceux qui la corrompent ? Qui hait autant que ceux qui sont condamnés d’eux-mêmes ?

Il y a maintenant une grande œuvre en train, non seulement pour dissoudre et détruire ce qui est ancien, mais pour unir et amalgamer en vue de diverses fins ; et ainsi que cela s’est vu dans la Babylone du commencement (Gen. 11), cette œuvre sera trouvée, dans le cours des temps, servir le dessein de cette grande cité avant que le Seigneur Dieu la juge pour toujours.

Je crois, sur le fondement de divers passages des Écritures, qu’il y aura un mélange étonnant du christianisme avec le judaïsme : et ce dernier, jugé par la nouvelle et pleine révélation qui est donnée de Christ dans le Nouveau Testament, ne vaut pas mieux que le paganisme (Gal. 4). Nous savons avec quelle tendresse le Saint Esprit supportait la faiblesse, les scrupules, l’attachement aux anciennes habitudes religieuses chez des chrétiens qui avaient été Juifs auparavant (Rom. 14) ; mais il en était bien différemment quand des docteurs cherchaient à imposer des ordonnances juives aux convertis d’entre les Gentils. Le même Esprit traitait un rite emprunté par les Gentils aux Juifs, comme étant en principe la même chose que l’ancienne idolâtrie païenne. « Mais maintenant, ayant connu Dieu, ou plutôt ayant été connus de Dieu, comment retournez-vous de nouveau aux faibles et misérables éléments auxquels vous voulez encore derechef être asservis ? Vous observez des jours, et des mois, et des temps et des années ». Le papisme est aujourd’hui la plus saillante et la plus haïssable illustration de cet amalgame ; mais des abominations plus grandes apparaîtront encore. Le sacramentalisme et le rationalisme, dans ces pays protestants comme dans d’autres, se provoquent l’un l’autre à des excès sans exemple. De plus, où vit-on jamais une pareille indifférence publique, recherchant du loisir pour le commerce au-dehors et le développement social au-dedans ? On en verra le résultat dans les dernières phases de Babylone et de la Bête.

Dans le tableau qui est devant nous, nous avons les lamentations des rois, des marchands et de tous ceux qui avaient eu affaire avec le trafic impur de Babylone. Le ciel, et spécialement les saints (car c’est ainsi qu’on devrait lire), et les apôtres et les prophètes sont appelés à se réjouir du jugement de Dieu. « Dieu a vengé votre sang », ou, littéralement, jugé votre jugement, « sur elle ». Dans l’acte et la parole de l’ange puissant, qui termine le chapitre (v. 21, etc.), ce n’est pas seulement la violence et la totalité de sa ruine qui sont présentées, mais la raison de cette ruine par rapport aux nations : — « car par tes breuvages empoisonnés, toutes les nations ont été séduites ». Le dernier verset ajoute une autre et terrible chose — Babylone ayant hérité du sang que la coupable Jérusalem a répandu. « Et en elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre ».

Plaise au Seigneur qu’au lieu de regarder seulement le dehors et de nous occuper à condamner les autres, nous prenions grand soin de préserver nos propres âmes des souillures de Babylone ! Puissent nos affections rester vraies envers Lui, qui seul peut réellement nous garder des séductions de l’ennemi ! Nous sommes fiancés à Christ comme une vierge chaste. « Petits enfants, gardez-vous des idoles » !

Chapitre 19

Nous touchons à une portion plus brillante et plus heureuse de ce livre. Les jugements providentiels de Dieu, soit qu’ils aient été exercés secrètement comme dans les sceaux, soit qu’ils aient servi à appeler les hommes à la repentance comme dans les trompettes, ou soit qu’ils aient exprimé ouvertement la colère de Dieu comme dans les coupes, les jugements, disons-nous, ont eu leur cours et ont été pleinement exécutés. Et maintenant que Babylone, qui s’était donnée comme représentant Dieu dans Sa grâce et Sa vérité, s’était arrogé exclusivement le nom d’Église, d’épouse de Christ, a été mise de côté pour toujours, un terrible et pesant fardeau se trouve écarté de la joie des cieux qu’il affligeait et pour la bénédiction de la terre qu’il corrompait depuis longtemps.

Dieu était ainsi rendu libre, s’il nous est permis de tenir un tel langage, d’accomplir les choses magnifiques qu’Il s’était proposées en faveur de Sa créature pécheresse et perdue, et tout cela, comme ce devait être, par le moyen et à la gloire de l’Agneau. Nous trouvons donc au commencement du chapitre qui nous occupe, deux choses qui se lient. La première est une invitation à se réjouir. « La grande prostituée » avait été un obstacle insurmontable à la bénédiction, non pas simplement parce que tout en elle était mauvais, mais parce qu’elle faisait profession de tout ce qu’il y avait de saint et de vrai, tout en s’employant activement à corrompre la grâce et la vérité jusque dans leur source ; elle reniait Christ d’une manière complète et systématique, quoique étalant partout le symbole extérieur de Sa croix. Pour elle, c’était en vain que le caractère de Dieu s’était manifesté en Christ d’une manière éclatante ; c’était en vain que Dieu avait prononcé contre l’homme et le monde, et introduit une nouvelle création dont le Chef occupait déjà Sa place dans la gloire céleste. Elle associait Christ avec la chair et la terre, et c’est en elles qu’elle cherchait et plaçait ses trésors. Vainement Dieu avait manifesté la lumière et l’incorruptibilité par l’évangile : elle plongeait les hommes dans des incertitudes et des erreurs plus profondes que jamais, leur enseignant que tous les dons de Dieu, et le salut, et Lui-même, peuvent être achetés avec de l’argent, et berçant ainsi traîtreusement les âmes d’un faux espoir que tout irait bien pour elles, et que le jugement du Seigneur était encore fort éloigné. C’est ainsi qu’elle avait arrêté pour le monde, autant qu’il était en son pouvoir, le courant de la bénédiction. Mais le juste jugement de Dieu a maintenant fondu sur elle et il y a de la joie dans les cieux.

Au chapitre 18 la désolation était générale. Les rois de la terre qui avaient commis fornication avec Babylone étaient en lamentation ; les marchands qui s’étaient enrichis par elle menaient deuil. De fait, des hommes de toute condition avaient été enlacés dans ses pièges et tous étaient dans la désolation à cause de la ruine de cette cité. Mais les cieux étaient appelés à se réjouir, et nous avons dans le chapitre 19 la réponse à cette invitation : « J’entendis comme une grande voix d’une foule nombreuse dans le ciel » ; remarquez qu’il n’est pas dit précisément : J’entendis une grande voix d’une foule nombreuse, mais « comme une grande voix », etc. Le mot comme a souvent été laissé de côté, mais je crois qu’il doit figurer ici dans le texte, comme c’est le cas un peu plus loin, au sixième verset, où il est dit : Et j’entendis comme la voix d’une grande foule et comme la voix de grandes eaux, etc. « Et sa fumée monte aux siècles des siècles ». C’est là, pour ce qui concerne Babylone, son triste amen à la joie qui éclate dans les cieux.

Mais nous possédons quelque chose de plus précis qu’un son vague de louange et d’allégresse provenant des cieux : nous savons qui le fait entendre. Les vingt-quatre anciens qui sont en communion avec les pensées de Christ nous apparaissent ainsi que les quatre animaux qui, depuis le commencement, ont été associés avec les jugements providentiels de Dieu, ou, du moins, avec la plupart d’entre eux. Les anciens et les animaux « tombèrent sur leur face et rendirent hommage à Dieu qui est assis sur le trône disant : Amen ! Alléluia ! ». Ce n’est pas encore le Seigneur Jésus Christ Lui-même qui a pris Sa place sur Son trône, mais ils adorent « Dieu qui est assis sur le trône, etc. ». « Et une voix sortit du trône » (car dans ce moment aucune bouche ne peut demeurer fermée), disant : Louez notre Dieu vous tous ses esclaves, petits et grands. Et j’entendis comme la voix de grandes eaux et comme la voix de grands tonnerres, disant : Alléluia ! car le Seigneur notre Dieu, le Tout-puissant, est entré dans son règne. Réjouissons-nous et tressaillons de joie et donnons-lui gloire ; car les noces de l’Agneau sont venues et sa femme s’est préparée ».

C’est ici que nous trouvons la seconde partie. Non seulement le jour de la prostituée est passé, mais, de plus, le moment de la pleine bénédiction de l’Épouse est venu.

Il est important de remarquer qu’il ne s’agit pas ici du temps où le Seigneur vient pour recueillir Son Église ; il est question d’une scène qui se passe dans les cieux et non de la réunion du Seigneur Jésus et de Ses saints en l’air. Quelques versets plus loin, nous voyons le ciel ouvert, et Christ en sort suivi de Ses saints. Rien ne peut prouver d’une manière plus claire qu’ils y avaient été déjà introduits. Il faut qu’ils se soient trouvés dans le ciel avant, pour pouvoir apparaître dans le cortège de Christ lorsqu’Il en sort pour exercer le jugement. Je le demande, comment se trouvent-ils là ? Il n’est pas dit que c’est à ce moment qu’ils ont été introduits dans la maison du Père. Du reste, tous les personnages qui viennent de nous être présentés nous sont connus, mais le fait que nous devons considérer est nouveau : il s’agit des noces de l’Épouse dans les cieux — des noces de celle pour laquelle Christ réserve la gloire la plus brillante. Elle se prépare ; et c’est alors qu’est annoncé, non pas simplement le chant de triomphe à cause du jugement du mal, mais bien le mariage de l’Agneau. « Réjouissons-nous et tressaillons de joie ». Remarquez qu’il n’est pas dit : Qu’elle se réjouisse et qu’elle tressaille de joie, mais « Réjouissons-nous ». C’est là une grâce qui s’étend à d’autres. « Et il lui a été donné d’être vêtue de fin lin éclatant et pur ». Quant à l’autre femme, elle avait aussi une sorte de fin lin et ses perles et ses autres atours (chap. 18, 12). Mais il n’est nulle part dit de Babylone qu’il lui a été donné : nous ignorons de quelle manière elle s’est procuré ces choses ; elle peut les avoir volées ou les avoir acquises d’une manière déshonnête ; mais de la femme de l’Agneau, il est dit qu’il lui a été donné d’être vêtue de fin lin éclatant et pur. Le fin lin est la justice des saints (v. 8).

« Et il me dit : Écris : Bienheureux et saints ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ». Il y a évidemment une solennité particulière dans la conclusion de ce récit, car, après ces paroles, nous sommes, pour ainsi dire, invités à nous arrêter, à écouter et à considérer : « Ce sont ici les véritables paroles de Dieu ». À celle qui a suivi l’Agneau dans la souffrance et le mépris ici-bas est maintenant accordée la plus grande plénitude de joie. Mais les noces de l’Agneau sont seulement annoncées ici et non pas décrites. Le livre de l’Apocalypse n’a pas pour objet de nous décrire la maison du Père ni les scènes qui s’y passent. Dieu n’est jamais appelé notre Père dans ce livre parce que ce qui nous y est révélé, ce n’est pas l’intimité de l’amour de Dieu pour nous, mais plutôt la justice de Ses voies — l’établissement du royaume et la fin alors qu’Il sera tout en tous. À la vérité, un jugement impitoyable doit fondre sur tout ce qui est mal ; mais nous avons déjà vu cela, et lorsqu’arrive la part de Dieu et qu’il est question de la pleine bénédiction de l’Église, nous devons être satisfaits d’un simple avis — l’Épouse s’est préparée. Après ces mots, les noces sont laissées là, relativement cachées ; nous avons bien le son vague et lointain de ce qui se passe, mais c’est là tout. Il nous est parlé des invitations qui sont faites pour ce banquet, comme nous voyons au verset 9 : « Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ».

Et maintenant, je voudrais, avant de poursuivre notre étude, vous prier de vous arrêter un instant pour considérer ce sujet. Dites-moi si c’est aller au-delà de la vérité que de supposer que l’Épouse, la femme de l’Agneau, est une catégorie de saints différente de celle des bienheureux qui sont conviés aux noces ? Quelles sont les personnes que le Seigneur a en vue dans ces deux symboles distincts ? Quant à l’Épouse, la femme de l’Agneau, on n’éprouve généralement aucune difficulté. Presque tous reconnaissent en elle l’Église que le Nouveau Testament présente continuellement comme l’épouse céleste du Seigneur Jésus Christ. Le chapitre 5 aux Éphésiens fait ressortir cette relation dans laquelle elle est avec le Seigneur, ainsi que le développement en sa faveur de la plénitude des affections de Christ. Il est aussi à remarquer que le Saint Esprit ne parle pas de ces relations comme devant exister plus tard, mais comme étant déjà établies maintenant. « Christ a aimé l’assemblée et s’est livré lui-même pour elle ». Cela est vrai à partir du moment où Dieu commença à former l’Église sur la terre par la présence du Saint Esprit envoyé du ciel.

L’Église est toujours considérée comme un corps réel parce que, là où est l’Esprit, là est l’Église. Le Saint Esprit a été envoyé ici-bas, et c’est Sa présence personnelle qui forme l’Église. C’est là la raison pour laquelle les saints qui délogent pour être avec le Seigneur, ne sont pas précisément appelés l’Église. Il est bien certain qu’individuellement ils sont membres de l’Église, mais les Écritures qui parlent de l’Église, ne la voient comme corps de Christ que dans son existence ici-bas. D’ordinaire, les gens parlent d’église visible et d’église invisible, d’église militante et d’église triomphante, et ils pensent que lorsque les chrétiens quittent ce corps pour être présents avec le Seigneur, c’est là et alors qu’on a plus particulièrement l’Église, et sa plus véritable saison. Toutefois, la Parole de Dieu ne s’exprime jamais de la sorte, mais elle affirme l’Église de ceux qui sont appelés, savoir toute réunion de personnes ici-bas qui sont baptisées d’un seul Esprit pour être un seul corps. Sans doute que lorsque tous les membres sont réunis de fait dans les cieux, c’est là l’Église, et c’est ainsi qu’il en est parlé en Éphésiens 5, 27, et peut-être dans quelques autres passages. Mais, en général, dans les portions des Écritures qui traitent de l’Église, ce terme signifie l’assemblée réelle de Dieu sur la terre à un temps donné. Le Saint Esprit y est, et partout où Il se trouve, Il unit les âmes pour ne former qu’un seul corps. C’est là une vérité puissante dont les conséquences sont des plus importantes ; car nous sommes, je le répète, placés, dès maintenant, dans cette relation avec Christ. Nous ne possédons pas simplement l’espérance d’être bientôt l’Épouse de Christ, nous Lui sommes fiancés déjà. Les noces auront lieu bientôt, et tout sera complet quand tous les membres seront réunis. Mais ce qui est infiniment précieux pour nous maintenant et d’une grande importance pratique, c’est que nous sommes déjà introduits dans cette position d’union avec Christ. Ce n’est pas seulement que l’affection sur laquelle le mariage repose existe dès à présent ; il y a plus que cela : le Saint Esprit se trouve sur la terre pour rassembler les saints et les unir à Christ dans le ciel, les rendant aussi réellement un avec Lui maintenant qu’ils le seront jamais. Lorsque Christ viendra, tous les obstacles disparaîtront ; tout ce que Satan emploie pour nous faire oublier notre relation avec Christ sera mis de côté, et nos corps vils seront rendus conformes au corps glorieux du Seigneur. Mais il est important de nous rappeler que notre unité avec Christ comme Son corps dépend de l’action du Saint Esprit qui nous unit maintenant à Christ dans le ciel. Nous sommes actuellement un avec Lui. Il semble donc que le Saint Esprit nous enseigne dans notre chapitre, que l’Épouse n’assiste pas seule aux noces, et qu’il s’y trouve aussi des invités : ce sont ceux que nous voyons conviés au banquet des noces de l’Agneau. Il peut vous revenir à la mémoire que Jean-Baptiste, parlant de lui-même, s’appelle l’ami de l’Époux, et je présume que ceux qui sont invités au banquet des noces de l’Agneau sont précisément ceux qui, dans d’autres passages, sont qualifiés du titre d’amis de l’Époux. Ce ne sont pas des anges, car l’expression « appelés ou conviés aux noces » ne serait pas employée à l’égard des anges. Ils ne sont effectivement jamais désignés dans l’Écriture sous le nom d’appelés, parce que les anges élus sont toujours demeurés dans leur état primitif ; et l’appel de Dieu ne s’adresse qu’à ceux qui sont dans une basse condition afin de les en retirer. Nous avons tous été habitués, je présume, à croire que si quelqu’un est maintenant un croyant ou un enfant de Dieu, il fait inévitablement partie de l’Église, et qu’il n’existe qu’une seule et même bénédiction pour tous les saints de tous les temps. Ici, nous trouvons le contraire positivement et nettement établi, et constaté par l’Écriture. Nous y voyons un banquet de noces dans lequel une place toute spéciale de joie et de bénédiction est réservée exclusivement à celle qui est appelée l’Épouse, la femme de l’Agneau ; composée peut-être, il est vrai, de myriades de personnes, mais reconnues ici comme ne faisant qu’un dans la bénédiction, et désignées par un seul et même terme, celui d’Épouse, pour faire voir qu’elles ont toutes la même portion d’amour et de félicité. Mais cela ne peut pas se dire de tous les saints, car il y en a qui occupent une position différente : ils assistent comme convives et non comme épouse au banquet de l’Agneau.

« Et il me dit : Ce sont ici les véritables paroles de Dieu ». Cet avertissement solennel me paraît très frappant, en ce qu’il semble prévoir l’oubli dans lequel les hommes allaient le laisser tomber. Jean allait rendre hommage à l’ange ! l’autre extrême, hélas !

Au commencement du livre, nous avons vu un avertissement analogue. Voici quelles sont les paroles que le Saint Esprit y a placées : « Bienheureux est celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie et qui gardent les choses qui y sont écrites ». Il savait que bon nombre de personnes en feraient peu de cas et que, n’étant pas compris, ce livre serait considéré comme aride et inutile. Bien malheureuses sont les âmes qui peuvent s’écrier : « Il n’y a rien ici pour moi ». Il n’est pas de livre dans la Bible où le Saint Esprit recommande plus à notre attention, dès ses toutes premières lignes, les enseignements que Dieu nous donne, comme celui de l’Apocalypse. Et ce qui rend la chose encore plus remarquable, c’est que le même avertissement se trouve répété à la fin, après que toutes les voies de Dieu ont été déroulées devant nous. « Et il me dit (chap. 22) : Ces paroles sont certaines et véritables… Et voici je viens bientôt : bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre », non pas de quelques-unes de ses parties seulement, mais bien du livre entier. Cette déclaration a la portée la plus étendue : « Bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Nous le voyons, le Saint Esprit prend une peine toute particulière pour nous mettre en garde contre l’incrédulité de nos cœurs, aussi bien que contre notre idolâtrie (v. 10).

L’avertissement que nous rencontrons au verset 9 du chapitre qui nous occupe semble destiné à nous prévenir contre les idées confuses et erronées qui, de nos jours, ont tant de crédit même parmi les chrétiens. « Écris : Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau. Et il me dit : Ce sont ici les véritables paroles de Dieu ». Outre l’Épouse, il y a d’autres personnes bienheureuses qui se trouvent là. Maintenant, si je jette un regard sur le douzième chapitre aux Hébreux, je découvre parmi les bénis, d’autres classes que celle qui compose l’Église des premiers-nés. « Mais vous êtes venus à la montagne de Sion et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ; et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle ». Je ferai remarquer, en passant, que telle doit être la division de ces différentes catégories. Les mots « assemblée universelle » doivent se rattacher aux « myriades d’anges » (v. 22) et non « à l’église des premiers-nés ». La chose est rendue claire pour tout lecteur qui a soin de ne pas perdre de vue que la conjonction « et » se rencontre avant chaque nouvelle division. C’est là un fait admis par les personnes qui n’ont aucune prétention à ce qu’on appelle la lumière dispensationnelle, c’est-à-dire par des hommes qui donnent simplement leur opinion quant à la vraie construction de la phrase. Cela admis, remarquez ce qui se présente ensuite : « Vous êtes venus… à l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux ; et à Dieu, juge de tous ; et aux esprits des justes consommés ». Je n’ignore pas que certaines personnes ne voient dans tout cela qu’une seule et même chose ; elles disent que la Jérusalem céleste, la montagne de Sion, etc., et les esprits des justes consommés ne sont rien autre que l’Église des premiers-nés. Mais examinez de nouveau attentivement le passage et dites-moi s’il est possible d’admettre, pour un seul instant, une telle pensée. Il est question de Dieu Lui-même, et de Jésus le médiateur, et de myriades d’anges. Quelqu’un oserait-il affirmer que tout cela ne constitue qu’un seul et même sujet ? Et cependant on pourrait tout aussi bien le dire, si les autres sujets qui figurent dans cette scène ne sont pas positivement distincts.

Mais examinons quel peut être le véritable sens de ces versets : « Vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ». Lorsqu’il était fait allusion à la montagne de Sion, il était naturel qu’un Juif reportât ses pensées sur la cité terrestre qui s’élevait sur les pentes de cette montagne célèbre ; mais, dit le Saint Esprit, ce n’est point là votre portion. Vous êtes venus à la Jérusalem céleste[42] ; non pas à la cité de David, mais à la cité du Dieu vivant. Ensuite sont mentionnées les « myriades d’anges », et c’est ce qui est appelé « l’assemblée universelle ».

Nous avons donc, dans ce passage, plusieurs objets faisant partie de la gloire milléniale et auxquels il est dit que les saints sont déjà parvenus, du moins en esprit. Il y a la montagne de Sion ; il y a la cité céleste, image de la gloire qui sera prochainement manifestée, la cité qu’attendaient Abraham et les autres patriarches. Viennent ensuite les légions d’anges ; et enfin l’église des premiers-nés, non pas simplement la scène locale de la gloire céleste, mais bien l’assemblée entière des héritiers qui sont écrits dans les cieux en contraste avec le premier-né terrestre, Israël. Après cela, nous sommes élevés jusqu’à Dieu, juge de tous. Le Saint Esprit nous a fait monter graduellement depuis la montagne de Sion, et maintenant il nous fait redescendre, ayant vu Dieu dans Son caractère de juge, jusqu’aux esprits des justes consommés. La place que ces justes occupent est vraiment remarquable. Si nous avions eu à faire un tel classement, il est probable que nous aurions parlé d’eux plus tôt ; mais la raison pour laquelle le Saint Esprit les place à la fin est, sans doute, qu’Il avait en vue de corriger les tendances judaïques de ceux auxquels Il s’adressait, et de donner la prééminence à ce qui est céleste. En conséquence, ayant vu à leur place le siège céleste de la gloire et l’Église, nous trouvons Dieu Lui-même comme juge de tous, et en dernier lieu ces saints qui avaient connu Dieu comme agissant dans ce caractère ici-bas. Ils sont, à cause de cela, appelés les esprits des justes consommés. Ce sont, je n’en doute pas, les saints de l’Ancien Testament (comp. avec 11, 39, 40) car ce sont eux, et non pas l’Église, qui peuvent, avec le plus de justesse, être désignés sous le nom d’esprits des justes consommés. Ils étaient alors dans l’état de séparation (l’âme se trouvant séparée du corps) et y sont encore maintenant. Cela ne sera jamais vrai de l’Église considérée comme un tout. Lorsque viendra le moment où l’Église devra quitter ce monde pour aller à la rencontre du Seigneur, une partie sera trouvée sur la terre, mais non pas du tout dans la condition d’esprits ; il y aura ceux qui seront vivants et qui demeureront jusqu’à la venue du Seigneur. De l’Église, il est dit : « Nous ne dormirons pas tous ». Il n’est donc pas possible que cette description puisse jamais s’appliquer à l’Église comme telle.

Nous avons eu déjà l’Église séparée et distincte des esprits des justes consommés. Il n’est pas plus positif que ce sont des saints, qu’il ne l’est qu’ils ne sont pas l’Église. Apportons la lumière que nous recueillons de ce passage à notre étude du dix-neuvième de l’Apocalypse. Nous y lisons que l’Épouse s’est préparée, et nous ne sommes pas surpris d’y lire aussi, comme un symbole distinct dans le même cercle : « Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ». Mais qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée. Je n’affirme pas, remarquez-le, que ces invités dont parle notre chapitre soient les saints de l’Ancien Testament. Il se peut qu’il en soit ainsi ; mais je ne désire pas aller au-delà de la lumière que j’ai reçue de Dieu. Car il est possible que le banquet des noces s’étende à travers le millénium, et cela affecterait extrêmement le caractère des invités. Quoi qu’il en soit, le douzième aux Hébreux nous présente une classe de personnes qui occupera une position bénie dans la résurrection, mais tout à fait distincte de l’Église. Et ici, en Apocalypse 19, la scène qui nous apparaît se passe dans le ciel, et l’Épouse, la femme de l’Agneau, s’y trouve ; et, en outre, j’entends une voix qui dit : « Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ». Ils sont bienheureux, ils sont appelés. Ils étaient autrefois pécheurs, mais ils ont été retirés de cette situation par la grâce de Dieu. Et maintenant ils assistent comme invités[43] aux noces de l’Agneau.

Mais une autre scène vient se présenter à nos regards. Il ne s’agit plus de ce qui se passe en haut ; le ciel s’ouvre : « Et voici un cheval blanc ; et celui qui était monté dessus appelé fidèle et véritable ; il juge, et combat en justice ». Ce n’est point une porte ouverte dans le ciel, ni le prophète enlevé là-haut comme au chapitre 4 ; il ne s’agit pas non plus de quelque chose qui s’y soit passé alors. Mais maintenant le ciel s’ouvre et nous voyons paraître le symbole de la puissance venant pour soumettre la terre et portant déjà les insignes de la victoire. Le cheval figure toujours la puissance en rapport avec la terre ; la couleur de celui qui nous apparaît est celle de la prospérité : c’est un cheval blanc. Personne, je présume, n’a l’esprit assez égaré pour supposer que lorsque cette vision recevra son accomplissement, il s’agira réellement de chevaux. C’est simplement un symbole qui passa devant les yeux du prophète pour figurer certains faits qui recevront bientôt leur accomplissement. Ce qui devait être démontré, c’est que les cieux allaient s’ouvrir en victoire sur la terre. Le Seigneur Jésus Lui-même est présenté comme le cavalier. Il est celui qui dirige la puissance victorieuse. « Et celui qui était monté dessus appelé fidèle et véritable ; il juge et combat en justice » (v. 11). C’est là le sujet de ce chapitre. Dans le chapitre suivant, ce n’est pas un cheval qui nous apparaît, mais bien un trône, symbole d’un tout autre caractère. Le trône implique l’idée de gouvernement et non celle de conquête ; le cheval signifie conquête et non pas règne. Ici le Seigneur Jésus se montre comme faisant éclater Sa puissance pour détruire Ses ennemis ; de même qu’au chapitre 20 nous avons le tableau de Son règne. « Ses yeux étaient comme une flamme de feu » ; c’est-à-dire que Son jugement est exercé avec une intelligence divine. « Et sur sa tête il y avait plusieurs diadèmes — ou couronnes royales. Et il portait un nom écrit que nul n’a connu que lui seul » (v. 12). Il ne sort pas uniquement revêtu d’une certaine gloire qui Lui a été conférée, Il vient exerçant Sa propre puissance divine. Il est parfaitement vrai qu’Il a un nom qui Lui a été donné, comme nous le voyons en Philippiens 2 : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom ». Mais ici, ce n’est pas, je crois, le nom de Seigneur, lequel nous confessons tous, mais plutôt « un nom que nul ne connaît que lui seul ». Il possède une gloire qui Lui est essentiellement propre et distincte de celle qu’Il reçut comme récompense, et qu’il ne Lui est pas possible de partager avec qui que ce soit, une gloire qui est à Lui en vertu de Son propre droit, comme personnellement Dieu. Le nom du Seigneur est mentionné ici pour faire connaître ce qu’Il est réellement dans Sa propre nature. Et c’est sous ce rapport qu’il est dit de Sa personne en Matthieu 11 : « Personne ne connaît le Fils sinon le Père ». Cette déclaration est remarquable ; son but est de nous mettre en garde contre le travail de notre imagination. Partout où il est question de Son Fils, Dieu se montre toujours jaloux à cet égard. Lorsqu’il est parlé du Père, voici ce qui est ajouté : « et celui à qui le Fils voudra le révéler » ; mais il n’est jamais dit que le Père révèle le Fils à qui que ce soit. « Personne ne connaît le Fils sinon le Père » — et nous nous arrêtons là. Ne pouvons-nous pas dire que Dieu veut ainsi nous prévenir contre la familiarité avec laquelle l’homme cherche à analyser la personne du Seigneur Jésus Christ ? Il n’est rien d’aussi offensant pour Dieu qu’une irrévérence pareille. L’humanité et l’humiliation du Seigneur Jésus sont clairement démontrées dans les Écritures, mais il n’est pas une des personnes de la sainte Trinité dont la gloire divine soit plus puissamment maintenue que celle du Fils — peut-être aucune qui le soit autant. C’est une chose remarquable que, tandis que des expressions à peu près analogues sont employées, d’abord à l’égard de Dieu comme tel, Romains 1, 25, puis à l’égard de Dieu comme le Père de notre Seigneur Jésus Christ, 2 Corinthiens 11, 31, et ensuite de Christ Lui-même, Romains 9, 5, il est remarquable, dis-je, que dans ce dernier cas, il soit ajouté quelque chose de plus touchant le Seigneur Jésus. Il est dit du Père, qu’Il est béni éternellement ; et de Christ, qu’Il est « Dieu sur toutes choses béni éternellement ». Le Saint Esprit savait que les hommes étaient prêts à outrager la personne du Fils et à porter envie à Sa gloire ; Il prévoyait que là même où ils feraient profession de Le connaître, ils seraient disposés à Le crucifier de nouveau ; et c’est pour cela qu’il n’est rien que le Saint Esprit maintienne avec plus de force que la gloire du Seigneur Jésus, comme de son côté aussi, l’adversaire fait de Christ l’objet de ses constantes attaques. Voilà quelle est la clef de la plupart des questions de doctrine qui s’élèvent comme des difficultés parmi les enfants de Dieu. Lorsque nos âmes sont profondément pénétrées de la pensée de Dieu de glorifier Christ et s’y tiennent fermement, Satan déploiera en vain toute sa puissance. Si la personne et la volonté de Christ sont pleinement discernées, toutes les difficultés disparaissent, qu’il s’agisse de doctrine ou de pratique. Aussi Satan voudrait-il nous empêcher d’en juger d’après leur rapport avec Christ ; il s’efforce de fermer nos yeux sur la gloire et la parole de Christ ; et lorsqu’il y parvient, nous sommes capables de tomber dans tous les pièges : car la même puissance d’aveuglement qui détruit l’homme du monde, agit aussi à l’égard du chrétien pour rendre ténébreuse sa marche et l’arrêter.

Mais revenons à notre sujet. Le verset 13 nous apprend que le Seigneur « était vêtu d’une robe teinte dans le sang ». Il ne s’agit pas maintenant pour Lui de souffrir, mais d’exercer la vengeance. Il vient pour exécuter le jugement de la justice et se revêt alors d’un titre bien connu. « La Parole de Dieu », tel a été le nom particulier qu’Il a pris lorsqu’Il était question de manifester la grâce et la vérité, et dont Il s’est servi pour nous rassembler autour de Lui et nous placer dans une même position avec Lui. Ici encore, Il est la Parole de Dieu comme manifestant le jugement divin. Je ne pense pas que ce soit à ce nom que le Saint Esprit fait allusion dans le verset précédent. Il me semble que le nom écrit qu’aucun homme ne connaît que Lui-même est, avec intention, laissé dans l’obscurité, et cela pour que nous ne perdions pas de vue la gloire divine et parfaite qui est essentielle au Fils de Dieu.

Nous apprenons maintenant que ce n’est pas seul que le Seigneur Jésus vient. Lorsque le ciel s’ouvre et que Christ paraît, Il est suivi de nombreuses armées. « Et les armées qui sont au ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin blanc et pur » (v. 14). Remarquez les mots « qui sont » ; parfois les traducteurs ne les ont pas insérés dans le texte, mais ils doivent néanmoins s’y trouver. « Et les armées qui sont au ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin blanc et pur ». Je ne doute nullement que les anges se trouveront dans le cortège de Christ ; il est même des portions des Écritures où il n’est question que des anges comme accompagnant Christ ; voyez par exemple 2 Thessaloniciens 1, 7. Dans notre chapitre, au contraire, il est parlé des saints et non des anges. C’est ainsi que fait le Seigneur : Il ne raconte pas les choses comme pourraient le faire les hommes. Il a toujours un objet moral en vue, et c’est pour cette raison qu’Il rappelle telle ou telle portion de la vérité qui se rapporte d’une manière spéciale au sujet qu’Il traite. Ainsi, en Matthieu 25, où le Fils de l’homme est vu assis sur le trône de Sa gloire, les saints anges sont mentionnés comme étant avec Lui. Et pourquoi cela ? Parce que les anges ont une relation toute spéciale, toute particulière avec le Seigneur Jésus, envisagé comme le chef de la gloire humaine (voyez Matt. 13, 41 ; 16, 27 ; Luc 9, 26). Supposons, un instant, que la reine d’Angleterre entreprenne un voyage pour des affaires politiques, elle serait, nous le savons, accompagnée de ses ministres d’état. Si, au contraire, elle se proposait de faire la revue de ses troupes, la présence de ces fonctionnaires ne serait plus requise, mais il faudrait alors qu’elle fût accompagnée des grandes autorités militaires. Si les affaires des hommes marchent ainsi avec ordre, à combien plus forte raison y a-t-il un ordre convenable dans les choses de Dieu. Le Seigneur est appelé Fils de l’homme en rapport avec Sa gloire terrestre : et lorsqu’Il prend en main le gouvernement du monde, Il a avec Lui Ses anges, qu’Il emploie comme les ministres de Sa puissance. Mais ici, Son nom n’est pas celui de « Fils de l’homme », Il est appelé « la Parole de Dieu » et il n’est point fait mention des anges en rapport avec ce nom. En tant que la Parole de Dieu, Christ fait connaître Dieu. Ici Il est l’expression de Dieu dans l’exercice du jugement. Précédemment Il L’avait montré en grâce, et c’est ce que nous avons dans l’évangile de Jean. Le Seigneur Jésus est donc toujours l’expression des pensées et des voies de Dieu, soit qu’il s’agisse de la grâce parfaite ou du jugement parfait.

Les armées qui sortent avec lui du ciel sont donc les saints. Le chapitre même décide la question, à ce qu’il me semble, car nous apprenons par le verset huitième que le fin lin dont ils sont revêtus (et c’est le même mot qui est employé), c’est la justice des saints. Il se peut que d’autres s’y trouvent, mais il n’en pourrait pas être fait mention convenablement, je pense, là où le Seigneur porte le nom de Parole de Dieu. Tandis que la mention des saints célestes est de la plus haute importance, précisément pour cette raison, que ce chapitre nous présente la relation la plus intime des saints avec Christ. Vous y trouvez l’Épouse de Christ, les noces de l’Agneau et la consommation de la joie de l’Église dans les cieux, joie à laquelle aucun étranger ne participe, pour ce qui concerne le monde.

Mais maintenant, Dieu va abattre toute l’iniquité de l’homme et de Satan sur la terre ; en conséquence, la Parole de Dieu descend du ciel, et ceux qui L’ont suivi pendant Sa réjection doivent aussi L’accompagner dans Ses jugements. Il est dit au chapitre 17, 14 : « L’agneau les vaincra… ceux qui sont avec lui sont appelés et élus et fidèles ». Ces paroles annonçaient que lorsque viendrait le moment du combat, le Seigneur ne paraîtrait pas seul, mais que les saints seraient avec Lui — les appelés et élus et fidèles ; et conformément à cette déclaration, ils sont ici. « Les armées qui sont au ciel le suivaient vêtues de fin lin blanc et pur ». Sûrement ils ne seront pas seuls à former le cortège, mais il est important de voir que ce sont là les saints.

Mais poursuivant la description qui nous est donnée, voici ce que nous lisons : « Une épée tranchante sortait de sa bouche afin qu’il en frappe les nations ; et c’est lui qui les gouvernera avec une verge de fer, et c’est lui qui foule la cuve du vin de la fureur du Dieu Tout-puissant », verset 15. C’est là un récit bien simple des divers jugements que le Seigneur exécutera lors de Sa venue. Il y a d’abord la puissance de Sa Parole symbolisée par l’épée tranchante sortant de Sa bouche. Si quelqu’un doit être détruit, la parole seule du Seigneur Jésus suffit pour cela. « Il a dit, et la chose a eu son être ». Le jugement a été exécuté. Mais, en outre, « Il gouverne (les nations) avec une verge de fer ». C’est là le jugement auquel il est fait allusion en Apocalypse 2, lorsqu’il est promis à ceux de Thyatire qui vaincraient qu’ils partageraient avec Christ le jugement sur les nations. « Et il foulait la cuve du vin de la fureur de la colère du Dieu Tout-puissant ». C’est là le jugement impitoyable que nous avons vu au chapitre 14. Il s’agit de la vengeance exercée contre tout mal d’un caractère religieux, iniquité à laquelle est toujours réservé le coup le plus sévère de Dieu. « Et il a sur son vêtement et sur sa cuisse un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (v. 16), le même titre que nous avons vu au chapitre 17, verset 14.

Mais, tandis que les invitations se faisaient pour le banquet des noces de l’Agneau, il se préparait un autre banquet bien différent : le grand souper de Dieu. Ce ne sont plus des bienheureux qui sont conviés par la grâce de Dieu. Un ange, obéissant à la parole qui lui a été adressée, et servant d’instrument à la puissance de Dieu, se tient debout dans le soleil — symbole de la puissance suprême — car il ne s’agit pas ici de quelque chose qui doive se passer secrètement. Il n’y a plus lieu à avoir patience : désormais tout est parfaitement connu. Il ne s’agit pas non plus d’un jugement partiel, mais bien d’un jugement complet et final. « Et il cria à haute voix, disant à tous les oiseaux qui volent par le milieu du ciel : Venez et assemblez-vous au grand souper de Dieu, afin que vous mangiez la chair des rois et la chair des chiliarques et la chair des puissants et la chair des chevaux et de ceux qui sont montés dessus, et la chair de tous, libres et esclaves, petits et grands » (v. 17, 18). C’est, je crois, le même genre de contraste que nous avons signalé au chapitre 14, où nous avons remarqué les prémices au commencement du chapitre, et ensuite la moisson avant que le chapitre finît. Dans tout le chapitre qui nous occupe maintenant, nous avons le banquet de l’Agneau dans le ciel, et le grand souper de Dieu qu’Il fera pour ceux qui font leur proie de corps morts.

« Et je vis la bête et les rois de la terre et leurs armées assemblées pour livrer combat à celui qui était monté sur le cheval et à son armée. Et la bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle et qui avait fait devant eux les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu la marque de la bête et ceux qui avaient rendu hommage à son image » (v. 19, 20). Vous remarquerez qu’un des deux personnages dont il est question ici est appelé le faux prophète. Il a apparemment perdu sa puissance terrestre, et, en conséquence, il n’est pas présenté maintenant comme la seconde bête sortant de la terre avec des cornes semblables à celles d’un agneau, c’est-à-dire comme l’imitateur de la puissance de Christ. C’est simplement le faux prophète. Quelle qu’ait été sa puissance, elle se trouve maintenant abolie, et il apparaît dans son caractère ecclésiastique comme docteur de mensonges, c’est-à-dire en opposition énergique à la vérité de Dieu. Babylone avait disparu, mais il existait encore cette inique puissance ecclésiastique qui avait opéré avec la bête ; toutes deux sont ensemble les objets du même effroyable jugement de la part de Dieu. « Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ».

Deux hommes ont été choisis entre tous les autres pour jouir d’une grâce et d’une gloire toutes spéciales. L’un d’eux faisait partie du monde antédiluvien au moment où il se hâtait vers sa fin. « Il marcha avec Dieu ; mais il ne parut plus parce que Dieu le prit ». Lorsque le monde eut vieilli dans le péché et que le peuple de Dieu se fut éloigné de Lui, Dieu intervint encore pour montrer que, quels que soient les temps et le développement du mal, il est toujours possible à Ses serviteurs de marcher avec Lui. Ainsi, lorsque Israël se fut avili dans le péché, Dieu plaça Son serviteur au milieu de ce peuple méchant et corrompu, et c’est dans un tel entourage qu’Élie rendit un témoignage que Dieu couronna par un enlèvement glorieux : car lui aussi fut retiré au ciel sans passer par la mort.

Notre chapitre nous présente un terrible contraste avec les exemples que nous venons de citer ; il nous fait voir deux individus mis à part de tous les autres, tous deux aussi bien remarquables pour Satan que Hénoc et Élie l’avaient été pour Dieu. Et ces hommes qui, l’un et l’autre, ont été à la tête d’une puissance corruptrice (l’un de la puissance ouvertement blasphématoire de la bête, l’autre d’une énergie plus subtile et plus corrompue, celle du faux prophète qui, d’une manière toute spéciale, s’était opposée à la personne du Seigneur Jésus Christ) se trouvent à la fin réunis pour une même condamnation. Si Dieu était intervenu pour enlever au ciel, par une faveur signalée, deux hommes vivants, Il intervient aussi maintenant pour précipiter en enfer deux individus qui ne sont point passés par la mort. Ils avaient été à la tête du mal ; ils avaient persécuté les saints et les avaient vaincus aux yeux des hommes ! Mais à présent leur jour est venu. « Et la bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle et qui avait fait devant elle les miracles ». « Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ».

Le Seigneur juge aussi leurs adhérents, mais non pas d’un châtiment aussi terrible. Ils sont réservés pour le jugement d’un autre jour, il faut qu’ils apparaissent et qu’ils se tiennent devant Dieu. En attendant, ils sont frappés « par l’épée de celui qui était monté sur le cheval, et tous les oiseaux sont rassasiés de leur chair ». Mais pour ce qui est des deux personnages dont nous venons de voir la condamnation, Dieu ne voulait, pour ainsi dire, avoir plus rien à faire avec eux : ils avaient été les chefs les plus méchants de l’iniquité du monde, et, en conséquence, le jugement s’exerce sur eux sommairement et pour toujours. Je ne connais pas dans les Écritures de jugement aussi effroyable. Penser que ces deux hommes doivent être précipités en enfer avant Satan lui-même ! Et, pensée solennelle ! le temps de cette crise approche rapidement. Il est difficile de se persuader pourtant que tel sera bientôt le sort des chefs de ces pays de l’Occident. Ils se trouveront réunis pour un combat près de Jérusalem ; car de même que la chrétienté prit naissance à Jérusalem, de même elle y trouvera sa fin terrible. Et comme l’empire romain apparaîtra de nouveau, de même le chef de la puissance politique sera trouvé soutenant le chef religieux de l’Orient, et en même temps soutenu par lui. Telle est la crise qui attend le monde comme Dieu nous le montre clairement dans Sa Parole. Et j’ai la ferme conviction, sans prétendre fixer l’époque, que déjà même la chose est en train. Il est facile de voir comment l’Orient tend de jour en jour à prendre la première place dans les préoccupations des puissances occidentales, et quelle extension rapide prennent ses rapports avec l’Occident. Ce sont là des faits qui se passent sous nos yeux, mais beaucoup de personnes savent que ces mêmes choses ont été affirmées longtemps avant que ces faits se fussent accomplis[44]. Il en a autrefois été question, et cela avec la même assurance, devant plusieurs de ceux qui lisent ces pages. C’est ainsi que ce qui se passe dans le monde vient d’une manière remarquable à l’appui de la prophétie. Ce ne sont pas les circonstances qui nous permettent de juger sainement, la Parole de Dieu suffira seule pour pénétrer nos âmes d’une conviction inébranlable ; car, soit que les événements doivent se passer sous nos yeux ou non, il est une chose certaine, c’est que nul homme n’a cru Dieu et a été confus. « Les jours et la parole de toute vision sont proches ».

Que le Seigneur nous accorde de nous rappeler qu’il y aura dans le monde une puissance trompeuse par laquelle les hommes seront séduits. Les hommes peuvent se figurer, et se figurent avoir assez d’intelligence pour discerner et repousser la bête et le faux prophète. Mais cela prouve seulement combien ils connaissent peu l’influence et l’action de Satan. Aujourd’hui sa puissance la plus dangereuse ne gît pas dans ce qui paraît ouvertement mauvais, mais dans ce qui revêt des apparences tranquilles et bonnes. C’est le cas encore, et ce l’était lorsque Christ se trouvait ici-bas. L’homme possédé d’une légion de démons reçut la délivrance et la bénédiction. Mais quant aux Gadaréniens, que firent-ils ? Ils supplièrent le Seigneur de se retirer de leurs quartiers.

Permettez-moi de vous demander s’il est quelque chose que vous préférez à Christ ? Il se peut que vous ne manifestiez pas une inimitié ouverte contre Lui. Peut-être aussi écoutez-vous l’évangile, mais l’avez-vous reçu ? Si non, où en êtes-vous ? Si quelqu’un écoute l’évangile sans le recevoir, il le rejette. Dieu ne nous permet pas de penser que nous avons quoi que ce soit à faire avant de le recevoir. Dieu, Lui, a tout fait. De sorte qu’il est positif que si je ne l’accepte pas, je le rejette, et Christ est prié de se retirer. Veuille le Seigneur vous accorder de ne pas vous trouver dans un état semblable de culpabilité présente et de misère éternelle.

Chapitre 20

Les trois premiers versets de ce chapitre sont étroitement liés avec le chapitre précédent. Nous avons vu là, en effet, le jugement de la Bête et du faux prophète, ainsi que de leurs adhérents ; et nous trouvons ici ce que Dieu trouve convenable d’infliger, pour le moment, à celui qui est réellement l’âme, le chef invisible de tout ce mal — le diable. Il y a cependant cette différence que ce n’est pas Christ qui agit dans le cas de Satan. C’est l’éclat de Sa venue qui a détruit la Bête et le faux prophète : ils furent pris et furent tous deux jetés vifs dans le lac de feu. C’est ce que nous apprenons encore par le chapitre 20, 10, quand est venu le tour de Satan d’y être jeté aussi : il est précipité dans ce même lac où se trouvaient déjà la Bête et le faux prophète, et où ils seront tourmentés aux siècles des siècles. Mais pour le moment, l’heure de ce dernier et terrible jugement de Satan n’avait pas encore sonné ; l’épreuve que Dieu fait du monde n’était pas terminée, et c’est là, peut-être, la raison pour laquelle Dieu n’intervenait pas par Christ personnellement, mais par le moyen d’un ange. Avant que Christ inflige à Satan le dernier coup, le coup qui l’écrase, un ange est employé pour restreindre son pouvoir et sa liberté durant une certaine période ; et c’est ce que nous trouvons ici : Satan est lié pour mille ans. Plusieurs se sont prévalus du langage figuré de ce chapitre pour soulever des difficultés à son égard, comme aussi relativement à tout le reste du livre. Mais il ne saurait y avoir d’objection moins raisonnable qu’un pareil motif, car le langage figuré ou symbolique est employé dans l’Écriture depuis le premier livre jusqu’au dernier ; de sorte que, si vous négligez une portion de la Parole de Dieu pour cette raison, vous êtes en danger de la négliger tout entière. L’usage du symbole y est le cas le plus ordinaire. Prenez le langage dont Dieu se servit Lui-même en Éden, les paroles que le Saint Esprit employa pour la consolation et le salut des âmes dès le jour où l’homme fut constitué en état de chute par le péché. Même en ce moment-là, nous voyons le langage de Dieu revêtir à un haut degré la forme métaphorique. Mais si une âme éprouvait des besoins, et avait le désir, par grâce, de comprendre Dieu, il y avait toujours une voie sûre. Dieu attendait patiemment et Il enseignait et conduisait Ses enfants. Sans doute il y avait place pour leur accroissement, mais il y avait aussi place pour l’incrédulité, et le méchant cœur de l’homme pouvait découvrir aisément des difficultés auxquelles il se heurterait. Mais la foi trouve toujours le moyen de comprendre Dieu. Non qu’il n’y ait des choses dures pour des êtres tels que nous sommes ; mais la foi poursuit son sentier étroit à travers les obstacles et les dangers, parce que Dieu a dit : « ils seront tous enseignés de Dieu ». Toutefois, le langage, dans lequel il plut à Dieu de donner le jugement de l’ennemi et de faire pressentir un Rédempteur, est d’une nature si figurée, qu’un Juif incrédule tel que Joseph a pu en dénaturer le sens, et l’appliquer simplement à l’horreur naturelle que les hommes éprouvent pour les serpents, et à leur penchant à s’en débarrasser partout où ils en trouvent. Une pareille idée ne provenait que de l’inintelligence de la pensée de Dieu et du fait que l’historien juif ignorait l’Écriture et la puissance de Dieu. Et souvenez-vous que je n’emploie pas ici le mot « ignorant », eu égard à quelque manque de savoir humain, pas plus que ne le fait l’Écriture lorsqu’elle dit de certaines gens qu’ils sont « ignorants et mal affermis ». Ils pouvaient être aussi sages que Platon et aussi savants qu’Aristote, mais ils n’étaient pas instruits dans la volonté de Dieu et la connaissance de Sa pensée. Or, voilà la science que nous devrions apprécier et cultiver — une science qui ne peut jamais s’apprendre dans les écoles de ce monde. Bien au contraire : si quelqu’un cherche le savoir humain comme moyen de comprendre les choses de Dieu, il s’égare certainement, parce que cette science en elle-même ne procède jamais du Saint Esprit. Sans doute, celui qui l’a acquise peut en faire usage pour Dieu. Mais la grande différence, c’est que l’homme de Dieu doit se servir de la science et de tout ce qui est de l’homme comme de choses à son service, tandis que l’esprit de l’homme, comme tel, fait de la science son maître et en devient l’esclave. De là le danger que toutes ces choses ne deviennent que des obstacles réels, même pour le chrétien, sauf pour autant qu’il est conduit par l’Esprit de Dieu. La seule voie possible pour arriver à l’intelligence de la Parole de Dieu, c’est la soumission au Saint Esprit ; et la pierre de touche, c’est Christ, parce que le but de l’Esprit est de Le glorifier. C’est pour cela que la croissance dans les choses de Dieu ne peut jamais être séparée de l’état moral de l’âme. Il est vrai qu’un homme qui a beaucoup avancé dans la connaissance, peut tomber dans un mauvais état d’âme : mais, en général, une saine connaissance des choses de Dieu et une sage application de la vérité, une application selon la grâce, découlent de la communion avec Dieu.

J’ai fait ces quelques remarques ne doutant pas que beaucoup de mes lecteurs n’en reconnaissent la justesse par leur propre expérience ; mais elles apprendront peut-être à quelques-uns pourquoi leurs progrès dans les choses de Dieu sont si petits et si lents. Le véritable moyen d’en accomplir de plus grands, c’est de chercher la gloire de Christ. Là où un homme a son cœur appliqué à cela, il faut qu’il apprenne, sans doute ; mais tout est ouvert et plein de clarté devant lui, parce qu’il se trouve dans le courant du Saint Esprit, dont l’office est de prendre les choses de Jésus, et de nous les montrer. « Quand il sera venu… Il me glorifiera : car il prendra du mien et vous le montrera ». En effet, c’est Christ, et non pas l’homme, qui est le but et la fin de l’Esprit.

Prenez le tout premier livre de la Bible, la Genèse, dans lequel tous s’accorderont à reconnaître un parfait modèle de simplicité — car c’est en effet le livre le plus simple, trésor de vérité profonde, qui ait jamais été écrit. Eh bien ! que trouvons-nous dans ce livre où Dieu nous plaçait comme à Son école enfantine ? N’est-ce pas le langage figuré qu’Il nous présente presque dans toutes ses pages ? De sorte que, si je dois mettre de côté les Écritures à cause de l’emploi qu’elles font du langage symbolique, il faut que je mette de côté la Bible tout entière, de la Genèse à l’Apocalypse.

La révélation de la semence de la femme qui devait briser la tête du serpent était la chose même d’où dépendait le salut : la vérité bénie dont la foi s’est saisie dans tous les temps. La foi d’Abel, par exemple, qui trouvait son expression dans le sacrifice qu’il offrit, était fondée sur cette parole. Il croit que le Seigneur Jésus (quoiqu’il ne pût connaître ce nom) viendrait, qu’Il serait brisé afin d’amener la destruction du serpent — en un mot, qu’Il aurait à souffrir, que Son talon serait brisé, quoiqu’en définitive Il dût écraser celui de qui Lui serait venue cette souffrance.

Cela montre que la foi est une chose tout à fait distincte de la capacité d’expliquer les figures d’un passage, dont le sens général et la certitude peuvent être vus clairement. C’est tellement vrai que, même aujourd’hui, si vous demandiez à un chrétien de donner l’explication de tous les détails de ce verset — ce qu’il faut entendre par la semence de la femme et celle du serpent, l’inimitié qu’il doit y avoir entre elles, la tête et le talon brisés — quoiqu’il soit parfaitement certain qu’il y est question de Christ, et qu’il en comprenne la signification générale, il trouverait pourtant beaucoup de difficulté à expliquer ce que chaque chose signifie. Mais c’est ici la bénédiction de la Parole de Dieu, que ce n’est pas en ayant des vues claires, des pensées distinctes sur des points obscurs qu’on est sauvé, mais que Dieu dirige les regards de toutes les âmes sauvées sur l’objet convenable : leur cœur se repose sur un Christ qui a souffert pour elles et qui a complètement détruit le destructeur. Il se peut qu’elles ne soient pas capables d’exposer clairement leurs pensées aux autres ; mais la foi de celui qui est enseigné, connaît la vérité, peut-être aussi bien que celui qui l’enseigne, quoique ce dernier puisse seul la développer avec une clarté de nature à convaincre. Nous voyons par là que lorsque Dieu emploie ces figures, la pensée générale est suffisamment claire ; tandis que les expliquer en des paroles pourrait offrir d’insurmontables difficultés à une âme qui n’éprouve aucune incertitude quant à leur sens général.

Ici un ange descend du ciel. Dans la vision prophétique, cet ange a la clef de l’abîme et une grande chaîne en sa main (v. 1). On le voit saisir « le dragon, le serpent ancien qui est le diable et Satan », l’ennemi bien connu de Dieu et de l’homme ; suit alors l’usage fait de la clef et de la chaîne, la clef servant à l’enfermer et la chaîne à le lier solidement. Évidemment ce sont des figures, mais elles sont familières à l’esprit le plus simple. Il n’est personne, quelque ignorant qu’il puisse être à l’égard de certaines choses, qui puisse se méprendre sur leur signification. L’Esprit de Dieu se sert des choses les plus communes de la vie de chaque jour, pour décrire un acte de jugement qui va bientôt s’accomplir dans les voies de la providence de Dieu. Dieu a l’intention de réprimer Satan, et ne veut pas lui laisser la liberté de ses mouvements pour séduire le monde comme il fait aujourd’hui ; mais ce ne sera que pour un peu de temps (v. 2, 3). Satan n’est pas jeté tout de suite dans le lac de feu, mais est prisonnier dans le puits de l’abîme, expression qui désigne le lieu ordinairement sous le contrôle de Satan, mais qui sera alors celui de sa détention (comp. chap. 9 ; 11 et 17).

C’est une chose certaine d’après la Parole de Dieu que Satan n’est pas encore lié, et qu’au contraire il va çà et là aujourd’hui, cherchant à séduire et à détruire les âmes. Le Nouveau Testament suppose toujours cela. Il ressort avec une parfaite clarté de tous ses enseignements et de toutes ses exhortations que Satan est un ennemi encore libre, et très actif dans sa rébellion contre Dieu, dans la propagation du mensonge parmi les hommes, et à causer partout la ruine et la mort ; mais cette action aura un terme, lorsque la terre sera délivrée de ses artifices pour un certain temps. C’est là tout ce que j’ai à déduire du passage qui nous occupe. Je ne vais point examiner si les mille ans doivent être entendus dans le sens littéral ou dans le sens mystique, car ce n’est là qu’une question de détail et de degré. Mais il est incontestable que la période dont il s’agit a un commencement et une fin, et aussi qu’elle ne saurait avoir commencé encore, par la raison que Satan n’est point lié. Les épîtres du Nouveau Testament supposent partout que Satan poursuit la réalisation de ses desseins, fait obstacle à l’œuvre de Dieu, qu’il faut lui résister et qu’il rôde autour des chrétiens comme un lion rugissant cherchant qui il pourra dévorer. De sorte qu’il y aura un changement immense, quand le temps de sa répression sera venu, et Dieu conduira les siens par d’autres parties de Sa Parole qui n’auraient pas d’application au passé ni au présent. Sous plusieurs rapports, les saints de cette période seront dans un état entièrement différent. En ce jour-là, Christ régnera sur la terre qu’Il aura sous Son autorité directe ; et très assurément il résultera de ce fait un changement incalculable. En outre, Satan sera lié, et la discipline au moyen de la Parole de Dieu ne sera pas nécessaire aux saints d’alors, comme elle l’est à ceux qui ont à faire face aux assauts de Satan et à ses accusations. Dieu en agira avec eux selon la condition dans laquelle ils se trouveront placés et aux besoins de laquelle Sa Parole pourvoit.

Laissez-moi répéter que c’est surtout l’influence des préventions avec lesquelles on aborde le livre de l’Apocalypse qui le fait paraître si difficile. On se dit qu’une foule d’hommes pieux et instruits se sont trompés dans l’interprétation qu’ils en ont donnée, et qu’il n’y a pas moyen pour les simples de l’étudier avec profit. Mais une telle pensée est déshonorante pour Dieu, car Il a donné ce livre pour être compris par Son peuple en général, et l’a parfaitement recommandé à Ses serviteurs. Prévoyant même la déception dans laquelle on tomberait de toute part relativement à sa prétendue obscurité, Il a fait des promesses spéciales de bénédiction à ceux qui liraient, entendraient, garderaient les choses qui y sont écrites. Mais pourquoi le diable a-t-il pour but de détourner les gens de la lecture de ce livre ? Pourquoi est-ce que, dans ce qui porte le nom d’églises chrétiennes, se lisent toutes les autres parties de la Bible, tandis qu’on y jette à peine un coup d’œil au livre de l’Apocalypse ? Les apocryphes eux-mêmes sont lus par quelques-unes de ces églises, tandis qu’on ne fait usage çà et là que de quelques fragments des « véritables paroles de Dieu » ! La raison en est qu’il n’y a pas, dans la Bible, de livre que Satan redoute davantage, et cela à juste titre. L’Apocalypse annonce, en effet, d’abord son humiliation certaine par le pouvoir angélique, et ensuite sa destruction subséquente. Les autres portions de l’Écriture présentent les succès partiels qu’il obtient pour un temps ; mais celle-ci appuie sur sa ruine : aussi doit-il la redouter. D’un autre côté, si nous apprenons ici comment Dieu renverse Satan, nous y trouvons aussi pleinement révélée la solennelle hauteur à laquelle sa puissance s’élève avant la fin ; car c’est un principe du gouvernement divin que le mal ne soit jamais jugé jusqu’à ce qu’il ait rejeté toute la patience de Dieu, abusé de Sa bonté, et soit devenu tout à fait intolérable. Si les chrétiens avaient compris qu’en les amenant à négliger ce livre, Satan avait pour but de leur cacher ses ruses, son pouvoir et sa ruine, ils auraient pu se mieux tenir sur leurs gardes. Mais c’est là la dernière chose qu’on veuille soupçonner, car alors on se trouve immédiatement sur le terrain où l’Esprit de Dieu veut amener ; tandis que, si on regarde ce livre comme tellement obscur qu’on n’en saurait tirer aucune lumière pour la pratique, on demeure exposé dans cette mesure aux séductions de l’ennemi, quoique Dieu soit fidèle, qui ne permettra pas qu’on soit tenté au-delà de ce que l’on peut.

Le verset qui suit nous présente une autre chose : la portion des bienheureux. Que fera Christ, que feront ceux qui sont avec Lui, maintenant que la victoire est gagnée ? « Et je vis des trônes, et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné » (v. 4). Les deux personnages qui étaient à la tête du mal dans le monde, dans l’ordre civil et dans l’ordre ecclésiastique, avaient été sommairement jugées ; puis la source secrète de tout avait été mise de côté « jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis ». Mais maintenant, le Seigneur Jésus a pris le royaume du monde. Toutefois, la pensée du Saint Esprit n’est pas tant de nous montrer ici le règne de Christ ; parce que c’était là une vérité avec laquelle on était bien familiarisé, qui se rencontre partout dans l’Écriture, et qui était bien connue aux saints de l’Ancien Testament. En effet, ils attendaient si habituellement le Messie, et l’attente de Son royaume était si générale et si puissante, même dans la masse inconvertie d’Israël, que Satan en prit avantage pour amener le peuple à refuser la grâce de Christ venant en humiliation. Naturellement, le fait qu’Il règne est bien impliqué par le passage comme le pivot central de la bénédiction ; mais ce sont ceux qui appartiennent à Christ, ou au moins ceux qui ont souffert pour Lui, qu’il met spécialement en évidence avec la plus grande clarté.

Ce peut donc être la raison pourquoi la prééminence est donnée ici à ceux qui règnent avec Christ. Dieu s’intéressait profondément à Ses saints : Ils étaient sous une terrible épreuve et une rude tentation, et Il veut faire voir que s’ils avaient souffert, ils devaient aussi régner avec Lui. C’est pour cela, à ce qu’il me semble, qu’il n’est pas dit ici : Je vis un grand trône, mais bien « Je vis des trônes »[45]. C’est ainsi que le Seigneur Jésus Christ avait dit Lui-même aux disciples : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père ». Il ne parle pas d’une seule demeure qu’il y avait là pour Lui particulièrement ; mais Ses paroles sont : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père : s’il en était autrement, je vous l’eusse dit ; je vais vous préparer une place ». N’est-ce pas dans le même esprit que le prophète eut la vision de ces trônes ? Et ils n’étaient point inoccupés : « Je vis des trônes ; et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné ». Ils se trouvaient dans l’exercice du jugement. Évidemment, c’est un accomplissement de la déclaration qui se lit en 1 Corinthiens 6. Là, s’adressant aux Corinthiens, l’apôtre leur dit : « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? ». Ici ils nous apparaissent jugeant le monde. Mais il y a plus. Le Seigneur avait dit aux douze apôtres : « Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël ». Bien des personnes pensent que cela ne sera accompli que dans le ciel. Mais dans le ciel, il ne saurait exister un pareil état de choses. Les douze tribus ne sont point en haut : elles n’existent comme telles que sur la terre. C’est ici-bas qu’on les trouvera comme un objet de gouvernement ; et c’est dans ce sens que parlent les prophètes. Qu’est-ce que les saints auront à juger dans le ciel ? Quand les glorifiés seront là, il n’y aura point d’hommes à juger en haut — tous y seront bénis. Ils se trouveront en dehors de la scène du jugement. Il est donc parfaitement clair que la scène décrite ici ne peut s’appliquer au ciel, et qu’elle suppose la terre comme la sphère du jugement. Ceux dont il s’agit règnent au-dessus de la terre. Je dis : « au-dessus de la terre », car il n’y a pas de raison pour croire que ce monde sera la demeure des saints de Dieu ressuscités. Il se peut qu’ils le visitent de temps en temps, comme nous savons que le Seigneur le fera ; mais la terre ne sera pas leur demeure propre. Aujourd’hui même notre bénédiction est dans les lieux célestes en Christ ; évidemment il en sera beaucoup plus ainsi, lorsque nous serons glorifiés ; notre bénédiction est céleste dans sa source, son caractère, et sa sphère. Mais pendant que nous jouirons ainsi de la bénédiction dans les lieux célestes, la terre sera la province inférieure et sujette — pleine d’intérêt et de gloire pour Dieu, mais un domaine comparativement inférieur. Absolument comme un homme d’un rang élevé, qui possède un apanage, peut y avoir une grande résidence de famille ; mais cela ne l’empêche point d’avoir ses propriétés extérieures pour lesquelles il doit laisser sa maison afin de les visiter. Ainsi en sera-t-il plus tard. La gloire d’en haut sera le repos et le centre des saints célestes ; mais à côté de cela, ils jugeront la terre. En conséquence, nous lisons ici : « Je vis des trônes, et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné ». C’étaient ceux que Dieu avait destinés à être les assesseurs du Seigneur dans le jugement ou le gouvernement.

Mais ce n’était pas tout. « Et (je vis) les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la parole de Dieu ». Remarquez ces mots, « les âmes de ceux » etc. Il en est plusieurs qui, en accordant, pour la plupart, que cette vision représente un jugement exercé par les saints célestes sur les hommes se trouvant sur la terre, prennent les « âmes » dont il est parlé ici comme signifiant des personnes, conformément à l’usage ordinaire de l’Écriture. Mais je ne crois pas que ce soit là la véritable explication. Pourquoi ne pas prendre ici le mot « âmes » comme désignant ceux qui se trouvaient dans l’état où l’âme est séparée du corps ? De cette manière, l’apôtre Jean vit dans la vision, premièrement, des trônes avec des personnes qui y étaient assises ; secondement, un certain nombre d’âmes non revêtues de leurs corps, les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la Parole de Dieu ; et en outre, troisièmement, une classe composée de ceux « qui n’avaient pas rendu hommage à la bête, ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ». S’il eût entendu parler de personnes dans la condition ordinaire, il eût dit : Je vis les âmes qui avaient été décapitées pour le témoignage de Jésus, etc., et non pas : « Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités ». Précisément comme il a été dit de Jacob : « Toutes les âmes qui vinrent avec Jacob en Égypte… ces âmes furent en tout soixante-six » (Gen. 46, 26, vers. angl.) (comp. Apoc. 6, 9).

Ici donc, Jean eut devant lui dans la vision des hommes qui étaient déjà ressuscités des morts et assis sur des trônes. « Je vis des trônes, et ils étaient assis dessus ». La désignation de cette classe semble avoir à dessein une forme générale, et implique « les armées » décrites antérieurement (chap. 19, 14). Ceux qui suivaient le Seigneur quand Il venait du ciel pour combattre, sont maintenant Ses compagnons dans Son gouvernement de la terre. Ensuite, il vit la compagnie de ceux « qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la parole de Dieu ». Ceux-là n’étaient pas encore ressuscités des morts, mais se trouvaient encore dans la condition d’esprits séparés de leurs corps. Mais il y avait une troisième classe — les personnes qui n’avaient pas rendu hommage à la Bête, et ne s’étaient pas non plus soumises à ses prétentions, sous aucune forme ni à aucun degré. Les deux dernières étaient des classes distinctes, mais en rapport l’une avec l’autre, de personnes qui, lorsqu’elles apparurent d’abord, étaient dans la condition d’âmes séparées de leurs corps. « Et ils vécurent et régnèrent avec le Christ les mille ans » : c’est-à-dire qu’elles furent réunies à leurs corps, car c’est naturellement ce que signifie l’expression « ils vécurent ». On aurait pu penser qu’ils avaient perdu leur bénédiction, ou au moins le privilège de régner avec Christ pendant les mille ans. Il y avait des trônes, et des personnes dans leurs corps ressuscités qui les occupaient déjà. Qu’allait-il donc advenir de ceux qui, après la translation des premiers au ciel, avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la Parole de Dieu, et qui ne furent ressuscités des morts que longtemps après ? Quelle portion devaient-ils avoir, et non seulement eux, mais aussi cette classe qui, à une époque encore plus récente, refusa de rendre hommage à la Bête ou de recevoir sa marque ? « Ils vécurent ». Ils apparaissent maintenant, juste avant le règne, réunis à leurs corps ; et, ensemble avec ceux qui avaient été ressuscités antérieurement, et qu’on avait vus assis sur des trônes, ils régnèrent avec Christ mille ans[46].

Voilà donc un jour brillant et d’un riche intérêt jeté sur l’Apocalypse. Il s’y trouve, en effet, des passages sur lesquels ce verset répand de la lumière ; pendant qu’à leur tour ils en renvoient sur un verset qui reste inintelligible, tant qu’on ne voit pas ces distinctions. Considérons encore un peu plus les différentes classes dont il est question ici. « Je vis des trônes et ils étaient assis dessus ». Évidemment, ces premiers objets sont introduits d’une manière tout à fait brusque. Il ne nous est dit ni d’où ils venaient, ni qui ils étaient ; probablement par la raison que le Saint Esprit tient pour certain que nous en avons assez appris sur leur compte par les portions précédentes du livre. Juste un peu auparavant, ils étaient sortis du ciel ouvert (chap. 19). Lorsque le Seigneur Jésus, monté sur le cheval blanc, en sortait en guerrier, les armées qui étaient là Le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur. J’ai déjà essayé de prouver que c’étaient là les saints qui avaient été enlevés au ciel à une époque antérieure, et qui, de temps à autre, nous sont apparus comme s’y trouvant depuis le commencement du chapitre 4. On les a vus alors, et maintes fois dans la suite, sous le symbole des vingt-quatre anciens couronnés. On contestera difficilement que ces anciens représentent les saints célestes. Je ne prétends pas décider s’il faut ou non voir en eux l’Église exclusivement. Très vraisemblablement ils comprennent l’Église à la fois et les saints de l’Ancien Testament ; mais une chose au moins est très claire, c’est qu’il s’agit des saints célestes. Ils suivent Christ lorsqu’Il vient du ciel pour faire la guerre avec la Bête, etc. ; et maintenant que Christ prend Son trône — qu’Il n’apparaît pas simplement sur un cheval blanc s’avançant pour vaincre et subjuguer, mais prend le trône pour régner triomphalement — on les voit aussi sur des trônes avec Lui. « Je vis des trônes, et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné ».

Tous les croyants savent que, dans un sens ou dans un autre, Christ doit s’asseoir sur Son trône et juger ; mais il peut y en avoir qui pensent que ce serait pour les chrétiens une position fort élevée que d’être assis avec Lui sur des trônes ; tandis que d’autres, qui ont quintessencié et réduit en vapeur, pour ainsi dire, l’enseignement positif des passages de l’Écriture qui traitent des espérances des saints et de l’avenir du monde, estiment qu’ils seront simplement à une vague distance du ciel, jouissant du bonheur éternel avec Christ, mais n’ayant avec la terre aucune espèce de rapport. Pour moi, je ne crois point que le gouvernement de ce monde soit en aucune manière la portion la plus haute de la gloire des saints ; mais il constituera un élément important de la gloire de Christ, et pour cette même raison ne sera pas sûrement au-dessous de la dignité de l’Église. Nul ne peut négliger ou nier cette vérité sans préjudice pour son âme ; et lorsqu’on la voit et qu’on la tient comme il faut, son influence sur la conduite pratique n’est pas peu considérable : car si je dois juger le monde alors, Dieu ne veut pas que je me mêle avec le monde maintenant. C’est là précisément le motif que l’apôtre Paul faisait valoir auprès des croyants de Corinthe, quand il les blâmait d’avoir recours aux tribunaux des hommes. Une pareille démarche était au-dessous de la vocation chrétienne. Il va sans dire qu’en parlant ainsi, je n’entends en aucune manière mépriser les autorités qui existent. Un chrétien doit leur montrer du respect en tout temps et en toutes choses. Il peut supporter d’être dans le monde l’homme de la plus humble condition, car il est le plus élevé : son exaltation est d’une meilleure espèce et brillera de son éclat le plus vif quand ce monde aura été réduit à rien. Quelle merveilleuse chose que nous soyons déjà revêtus de l’onction royale avant que le jour de la gloire ait commencé à poindre ! pareils à David qui fut sacré roi de longues années avant qu’il fût réellement élevé au royaume. L’huile sainte, l’onction royale, était sur lui, dans le temps même où le roi Saül le pourchassait dans les montagnes. C’est ainsi que dans un sens plus élevé encore nous sommes oints du Saint Esprit non seulement pour que nous soyons rendus capables d’entrer dans les choses de Dieu, mais pour que nous soyons faits rois et sacrificateurs pour Dieu. La conséquence en est que Dieu n’attend pas seulement que nous Lui rendions culte dès à présent comme sacrificateurs, mais que nous gardions dans toutes les circonstances le sentiment de notre dignité comme Ses rois (comp. 1 Pier. 2, 5, 9). Que le monde raille et nous traite de fanatiques, il a fait bien plus à l’égard de Dieu Lui-même. Hélas ! les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs, et les chrétiens eux-mêmes se sont détournés, quant à ce point, de la vérité qui est selon la piété. Ils ont cherché à avoir en même temps le monde et Christ. On peut objecter que c’est là tout au plus une espérance si exclusivement relative à l’avenir qu’elle ne saurait avoir d’application actuelle. Mais l’Esprit de Dieu s’adresse à nous comme possédant ce trésor dès à présent, comme ayant, en principe, tout ce que Christ va bientôt déployer en nous dans Son royaume. C’est ce qui fait que nous sommes sous la responsabilité de marcher maintenant dans la foi à cette vérité. Il en a été ainsi dans le sens le plus élevé du Seigneur Jésus Christ. Il savait qu’Il était roi ; et lorsque Satan vint et Lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, offrant de les Lui donner s’Il voulait se prosterner et lui rendre hommage, le Seigneur rejeta tout absolument. Mais Satan a répété, pour ainsi dire, l’offre à l’Église ; et, à la longue, celle-ci l’a acceptée. En recherchant la gloire du monde, elle a cherché à être honorée là où Satan est le prince. Comment un chrétien peut-il lire sa Bible et ne pas reconnaître la vérité de cela ? Que fit le Seigneur Jésus quand les hommes voulurent Le faire roi ? Il se retira loin d’eux. Devant Pilate, Il admit qu’Il était roi, mais Il ajouta : « Mon royaume n’est pas de ce monde… Maintenant, mon royaume n’est pas d’ici ». Bientôt il en sera. « Le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu ». Et quand il passera entre Ses mains, le règne des chrétiens commencera. C’est Sa volonté que ceux qui Lui appartiennent participent avec Lui au royaume. En conséquence, la foi attend cela ; et en attendant, nous sommes présentement mis à l’épreuve, « comme n’ayant rien, et toutefois possédant toutes choses ». Il semblera à plusieurs que réclamer aujourd’hui un aussi glorieux privilège, n’est que de la présomption. Mais il n’en est point ainsi. C’est de la foi, et elle a pour fruit une séparation toujours plus grande d’avec le monde. Le principe est la chose importante : car si un homme cherche à obtenir, ne serait-ce que la chose la plus simple de ce monde, qui soit pour lui un objet de désir — une distinction quelque insignifiante qu’elle soit, il y a là trace de l’œuvre de l’ennemi. Dieu attend de tous Ses saints une sainte séparation d’avec le monde : ils ne sont pas du monde, de même que Christ n’en est pas. — Seulement, que cela se réalise en chacun selon la mesure de sa spiritualité et de son intelligence. Aussi, quand un chrétien commence sa marche de foi, Dieu ne lui dit-Il pas tout d’un coup : Il faut que tu quittes ceci, que tu renonces à cela ; Il laisse lieu à l’exercice de la grâce et aux progrès dans la vérité. Le jour que le salut entra dans la maison de Zachée, le Seigneur ne lui dit pas un mot de son odieuse position dans le monde, comme Juif collecteur d’impôts pour les Romains. Il ne nous est pas dit non plus que, du moment de sa conversion, Corneille dût quitter sa place de centenier de la cohorte italique : établir et imposer des règles d’une façon pareille, c’eût été détruire tout ce qu’il y a de précieux et de béni dans les voies de Dieu. L’Église n’est point gouvernée par un code de formes et de pratiques. Elle est conduite par la puissance du Saint Esprit conformément à la Parole. Il en est d’elle comme d’un enfant : aux jours de ses tendres années, il parle comme un enfant, comprend comme un enfant, et pense comme un enfant. Qui désirerait trouver chez les petits enfants le langage et les manières des adultes ? Il en est de même des petits enfants de l’ordre spirituel. Le Seigneur n’attend pas qu’ils marchent comme des hommes et des pères en Christ : Il laisse lieu à leur accroissement dans la grâce. Or, si un homme est dans un état d’âme mauvais, il se prévaut de la grâce et dit : Y a-t-il du mal en ceci ? Y a-t-il quelque commandement pour cela ? Quelquefois une personne s’abstient d’actes mauvais, dans la pensée que si elle y persiste, elle est en danger d’être perdue. Mais ce qui a du prix aux yeux de Dieu, c’est qu’on obéisse avec simplicité, d’une obéissance cordiale, qu’on fasse la volonté de Dieu parce que c’est Sa volonté, parce que c’est un plaisir de faire Sa volonté, et que cela Le glorifie. Il nous sauve par Sa grâce, et nous sauve de manière à ne pas voir une seule tache en nous. Et maintenant Il nous dit : Si je vous ai sauvés et vous ai établis devant moi dans une telle certitude et une telle perfection de bénédiction, ce que j’attends de vous c’est votre cœur, sa confiance dans mon amour et ma sagesse, son culte et son obéissance.

Mais Dieu nous donne aussi la connaissance du royaume qui vient et auquel nous devons participer avec Christ notre Seigneur. Il est bon de se souvenir que le Saint Esprit n’effectue point le royaume, et que ce n’est pas Lui, mais le Seigneur Jésus seul, qui est le roi. La présence de Christ est donc essentielle au royaume, au moins pour ce qui est de sa pleine manifestation. Si Christ n’était pas là personnellement, ce serait un royaume sans roi ; et, en conséquence, il est dit : « Ils vécurent et régnèrent avec Christ mille ans ». Christ était Lui-même présent, et c’est Lui qui est le centre de toute gloire, de toute bénédiction, et de toute joie. Le chapitre 19 nous avait montré Christ et eux sortant du ciel en vue du jugement, et là-dessus, au chapitre 20 nous voyons le royaume établi en paix sur la terre.

Ce qui précède peut servir de réponse à la première question, qui a pour objet de savoir qui sont ceux que Jean vit tout d’abord assis sur des trônes, et naturellement dans des corps ressuscités. Ce sont les saints célestes, comprenant l’Église, s’ils ne sont pas l’Église exclusivement. La question suivante est celle-ci : Qui sont ceux dont les âmes ne furent pas d’abord vues réunies à leurs corps ? La réponse est facile. Si les chapitres 4 et 5 de l’Apocalypse nous présentent les saints glorifiés sous le symbole des vingt-quatre anciens, et correspondant à ceux que notre verset mentionne d’abord, le chapitre 6 nous introduit dans une scène tout autre. Il nous apprend que, postérieurement à la scène décrite dans les deux chapitres précédents, il y aura des saints appelés à souffrir et dont Jean vit alors les âmes sous l’autel. Ils avaient été égorgés pour la Parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu, et ils crient à Dieu, Lui demandant de juger et de venger leur sang de ceux qui habitent sur la terre. Qui sont ces saints qui font appel à la vengeance de Dieu ? On peut répondre de la manière la plus positive, qu’à coup sûr l’Église ne se trouve point dans leur nombre. Comment pourrait-elle y être, en effet, puisqu’elle avait été déjà enlevée au ciel ? De plus, l’Église est-elle jamais présentée dans l’Écriture comme appelant Dieu à juger et à venger le sang des saints répandu sur la terre ? Ce serait en complète contradiction avec le dessein de Dieu dans l’Église, et aussi dans le chrétien individuellement. Nous sommes l’épître de Christ, et expressément appelés à manifester la gloire de Dieu en Christ, et Sa grâce envers le monde depuis la croix. Et de même que Dieu a permis que les hommes missent à mort Son propre Fils, et que, bien loin de juger ce crime, Il en a pris seulement occasion de montrer encore plus Sa grâce, de même l’Église est appelée à souffrir, et s’il le faut, à se laisser mettre à mort pour le nom de Christ, sans songer à faire appel à la vengeance, ou même la désirer un seul instant. Voyez-en un exemple signalé dans la personne d’Étienne. Il était traité bien cruellement : on le jeta hors de la ville, et on le lapida. Mais il se met à genoux, et crie : « Seigneur, ne leur impute point ce péché ». Et c’est d’une voix éclatante qu’il intercéda de la sorte, car ce n’était pas une chose que son cœur ne sentait pas vivement ; et le Saint Esprit désirait que ceux qui étaient autour de lui connussent le désir de son cœur à leur sujet, coupables qu’ils étaient de son sang. Était-ce là un appel à la vengeance de Dieu ? Tout le contraire, précisément ; et il en a toujours été ainsi. Voyez les apôtres Pierre et Jean : après avoir été battus, ils se retirèrent de devant le sanhédrin, se réjouissant d’avoir été estimés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Ouvrez encore la première épître de Pierre ; qu’y trouvez-vous, sinon ce principe : « Si, en faisant bien, vous souffrez, et que vous l’enduriez, cela est digne de louange devant Dieu, car vous avez été appelés à cela », etc. Le monde ne pourrait pas subsister un jour sur une pareille base ; il tomberait en pièces si le mal ne devait pas être puni, et si ceux qui font bien et souffrent injustement ne devaient simplement que rendre grâces. Mais ces exhortations n’étaient pas destinées au monde ; et c’est là qu’on fait si fréquemment erreur. On oublie que l’Église était appelée à rendre témoignage du ciel — à être l’expression de la pensée et de la grâce de Christ, tout en marchant sur la terre. C’est là notre seule chose, notre affaire ici-bas. Il va sans dire que cela ne fait pas obstacle à ce que nous nous proposions ce qui est honnête devant tous les hommes ; il est bon que le chrétien le fasse ; mais qu’il prenne bien garde comment il le fait. Notre conduite dans les circonstances les plus ordinaires de la vie devrait être un témoignage à ce fait capital, que nous ne sommes pas du monde ; que nous ne cherchons pas à être honorés et considérés dans le monde, mais à glorifier Christ dans le ciel ; et qu’au lieu d’avoir pour but de coopérer à la réalisation des plans de l’homme, et d’être un ornement dans le monde, notre mission est de lui révéler Christ et de faire Sa volonté durant le peu de temps que nous sommes ici.

Mais revenons au sujet qui nous occupe. Nous avons vu que, quoique les anciens assis sur des trônes soient dans le ciel (Apoc. 4 ; 5), il se trouve plus tard des saints sur la terre, de nouveaux témoins qui sont appelés à souffrir jusqu’à la mort pour la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus ; mais qui, au moment où ils meurent, crient à Dieu de venger leur sang sur leurs ennemis. Et ce n’est pas mauvais de leur part ; quoiqu’une pareille pensée nous soit complètement étrangère, parce que telle n’est pas la volonté de Dieu à notre égard. Mais lorsque Dieu, après avoir achevé de former l’Église et l’avoir prise dans le ciel, se sera suscité de nouveaux témoins sur la terre, Il commencera à en agir Lui-même en jugement avec le monde ; et, en conséquence, lorsque ces saints martyrs crieront à Dieu contre leurs adversaires, ils seront en pleine communion avec Lui. Or, c’est ce que la foi cherche toujours — la communion avec Dieu dans ce qu’Il fait ou va faire réellement. Aujourd’hui Dieu n’intervient pas pour juger le monde, aussi Ses saints ne doivent-ils pas Lui demander, comme le font ceux-là, d’exercer le jugement et la vengeance. Aujourd’hui Il supporte avec une patience parfaite la méchanceté du monde, et pour cette raison un chrétien doit plutôt demander à Dieu de faire tourner Sa patience au salut des âmes. Mais quand le moment où doit s’accomplir la vision d’Apocalypse 6 sera arrivé, Dieu fera tomber jugement sur jugement ; et ceux qui en ce jour-là seront témoins pour Dieu, Lui demanderont de juger, et le Lui demanderont justement. Ce sont les Psaumes, en général si mal compris et si mal appliqués maintenant, mais parfaitement appropriés aux circonstances d’alors, qui leur fourniront le langage prophétiquement préparé de Dieu pour l’expression de leurs besoins les plus pressants, de leur désir et de leurs affections les plus intimes.

Il y aura donc, après l’enlèvement de l’Église, un état de choses bien différent de celui d’aujourd’hui. Dieu commencera alors d’agir en juge, et ceux qui seront réellement convertis, et auront sincèrement à cœur la gloire de Dieu, seront dans de grandes ténèbres comparativement à l’Église. Mais leur pieux témoignage n’en sera pas moins insupportable aux pouvoirs du monde, qui verseront leur sang comme de l’eau. Les martyrs crieront à Dieu en vue du jugement, et Il les entendra. Voyez aux versets 9, 10, 11 du chapitre 6 : « Et lorsqu’il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été égorgés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu ». Remarquez comment cela concorde avec les deux classes mentionnées chapitre 20, 4 : « Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la parole de Dieu ». Considérez en effet la réponse qui leur fut faite. Elles crient : « Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable » etc. « Et il leur fut donné une robe blanche ; et il leur fut dit qu’ils se reposassent encore un peu de temps jusqu’à ce que leurs compagnons de servitude et leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux, fussent accomplis ». Lorsque ceux qui passèrent les premiers par la souffrance après l’enlèvement de l’Église, eurent été appelés et mis à mort, il leur fut parlé d’une autre classe de saints qui devaient être tués postérieurement comme ils l’avaient été eux-mêmes, avant que le plein jugement s’exécute. C’est là exactement ce que nous trouvons ici. Il y a d’abord ceux qui sont assis sur des trônes, investis du pouvoir royal de juger ; ensuite ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la Parole de Dieu ; et, en troisième lieu, leurs frères, qui, comme il avait été déclaré au chapitre 6, avaient encore à être complétés. Ces derniers, quand la Bête produisit son idolâtrie, etc., et qu’il s’agit d’être mis à mort ou de l’adorer, refusèrent nettement : ils furent fidèles jusqu’à la mort. Eh bien ! ils sont ici. « Je vis… et ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la Bête ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ». De sorte que l’Apocalypse nous fournit pleinement la réponse au sujet de ces trois classes. Les vingt-quatre anciens correspondent à ceux qui sont assis sur des trônes ; la deuxième classe, les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus, etc., nous est apparue au chapitre 6 ; et la dernière partie du livre nous présente leurs frères qui devaient être mis à mort comme ils l’avaient été eux-mêmes, et en vue desquels il leur avait été dit d’attendre. En Apocalypse 13, 7, nous lisons qu’il fut donné à la Bête de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Il y a plus encore. La dernière moitié du même chapitre contient une autre partie du tableau et nous fait voir là comment ces saints ont été caractérisés en Apocalypse 20 comme ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la Bête ni à son image, et n’avaient pas non plus reçu sa marque sur leur front et sur leur main. Au verset 14, il est dit que la seconde Bête (chap. 13) séduit « ceux qui habitent sur la terre à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire devant la Bête, disant à ceux qui habitent sur la terre de faire une image à la Bête qui a la plaie de l’épée et qui vit. Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la Bête, afin que l’image de la Bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la Bête fussent mis à mort ». Ceci, très évidemment, appartient à la dernière ou troisième classe. Mais voyez encore chapitre 15, 2 : « Je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête, et sur son image, et sur le nombre de son nom, se tenant sur la mer de verre, et ayant des harpes de Dieu ». L’Apocalypse répond donc pleinement à la question : Qui sont donc ces saints ? Elle nous présente d’abord les saints ressuscités, qui avaient été enlevés au ciel, et qui en sortent avec Christ. C’est la raison pour laquelle ils sont vus séparés des deux autres classes. Ils apparaissent assis tout d’abord sur des trônes, parce qu’ils sont déjà changés à la ressemblance du corps glorieux de Christ. Quant aux autres, on ne les voit jusqu’à ce moment, que comme des âmes, et naturellement non glorifiés. L’Écriture parle de corps glorifiés, mais jamais d’âmes glorifiées. L’âme du croyant est avec Christ après la mort ; mais il faut qu’elle soit réunie avec le corps, avant qu’il puisse en être question comme se trouvant dans une condition glorifiée. Le seul état parfait, c’est lorsque nous porterons l’image du céleste : lorsque nous serons ressuscités ou changés à la ressemblance de Christ.

Si nous regardons à 1 Corinthiens 15, nous verrons cela parfaitement clair. Il y est dit : « Le premier homme est de la terre — poussière ; le second homme est le Seigneur (venu) du ciel. Tel qu’est celui qui est poussière, tels aussi sont ceux qui sont poussière ; et tel le céleste, tels aussi les célestes. Et comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image du céleste. Or, je dis ceci, frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas non plus de l’incorruptibilité. Voici, je vous dis, un mystère : Nous ne nous endormirons pas tous, mais nous serons tous changés… et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corruptible », non pas simplement dépouille la corruption, mais « revête l’incorruptibilité », « et que ce mortel », non pas simplement laisse tomber cette enveloppe mortelle, comme on dit, mais « revête l’immortalité » — évidemment l’état glorifié — « alors la parole qui est écrite s’accomplira : La mort a été engloutie en victoire ». Or, ce n’est point quand un chrétien meurt et déloge pour être avec Christ, que la mort est engloutie en victoire, mais c’est lorsque Christ vient et que les morts sont ressuscités et les vivants changés. Ce qui s’est fait jadis pour Hénoc et pour Élie d’une manière individuelle, se fera sur une grande échelle à la venue de Christ. Alors tous les saints vivants seront changés, et s’en iront pour être avec le Seigneur, sans passer par la mort. Ce sont ceux-là, ressuscités ou changés, qui, ayant été enlevés au ciel, en reviendront avec Christ, et qui sont vus assis sur des trônes. Mais qu’advient-il de ces saints de la terre, qui sont appelés après que les saints précédents ont été pris pour aller à la rencontre du Seigneur ? L’Apocalypse nous montre leurs souffrances pour la justice et leur mort. Que deviennent-ils après ? Déjà l’Église avait été ressuscitée et glorifiée, et ces martyrs sont mis à mort avant que le règne de Christ commence. Eux, qui ont souffert, ne doivent-ils donc pas régner ? Doivent-ils perdre leurs bénédictions parce qu’ils ont résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché ? Jamais cela ne pouvait être. « Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités… et ils vécurent et régnèrent avec Christ les mille ans ». Ils sont eux aussi ressuscités des morts, ils rejoignent les autres déjà glorifiés, et tous règnent ensemble avec Christ dans « le royaume ».

Je pense, mais je ne donne ceci que comme une opinion, que c’est à ce moment-là ou à peu près que leur résurrection a lieu. La Bête et le faux prophète ont été renversés ; Satan a été jeté dans l’abîme, et le règne millénial de Christ et de Ses saints ressuscités est maintenant sur le point de commencer. Le Seigneur attend pour ainsi dire le tout dernier moment. Il ne veut pas qu’une âme de Ses saints martyrs ne jouisse pas de cette récompense qui est leur récompense spéciale. La Bête avait persécuté jusqu’à la fin, et Dieu diffère jusqu’à ce moment-là, afin que quiconque a souffert avec Christ, soit compris dans le privilège d’être glorifié avec Lui. Si le récit de la résurrection avait été donné lorsque les saints ressuscités antérieurement eurent été transportés au ciel (c’est-à-dire avant Apoc. 4), il aurait pu y avoir doute et anxiété relativement au sort de ceux qui devaient souffrir après l’enlèvement de l’Église ; et il est facile de comprendre pourquoi c’est ici que nous le trouvons. Dieu avait particulièrement pour but de consoler ceux qui devaient souffrir et mourir pour Christ à une époque plus avancée, et de leur faire voir qu’ils ne seraient pas oubliés par Lui. Ils ressuscitent maintenant pour rejoindre les saints déjà ressuscités ; « et ils vécurent et régnèrent avec le Christ les mille ans ». Dieu ajourne leur résurrection jusqu’au moment où va commencer le règne de Christ, et alors ceux qui, dans l’intervalle, avaient souffert pour Lui, sont ressuscités. « Et le reste des morts ne vécut pas jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis. C’est la première résurrection ». « Le reste des morts » — quels morts étaient-ce ? Le commencement du verset 4 comprend, à mon avis, non seulement l’Église, mais aussi les saints de l’Ancien Testament ; c’est-à-dire, tous les saints célestes enlevés pour être avec Christ, quand Il viendra pour les prendre à Lui dans l’air. Puis, nous avons eu la première compagnie de ceux qui ont souffert avant que la Bête eût atteint le faîte de sa puissance, et enfin la dernière compagnie de ceux qui furent mis à mort parce qu’ils refusèrent de lui rendre hommage. C’étaient là les trois classes de saints maintenant également en vie et régnant avec Christ. Il faut donc que l’expression « le reste des morts » désigne les méchants morts, car la première résurrection comprenait tous les justes morts, et correspond, de fait, à ce que notre Seigneur a appelé « la résurrection des justes » (Luc 14, 14), sauf qu’elle comporte plus de détails si elle ne comprend pas plus de personnes. Ainsi donc, il y a une résurrection qui appartient spécialement aux justes, sans que les passages qui en traitent disent un mot des injustes. Il y a aussi une résurrection des injustes ; et lorsque l’apôtre Paul parle, Actes 24, devant Félix, il rend témoignage de sa foi à la résurrection, tant des justes que des injustes. Mais quand le Seigneur Jésus Christ cherche à élever la conscience de Ses disciples à ce qui est bon et a du prix devant Dieu, c’est à la résurrection des justes seuls qu’Il fait allusion.

Mais ce n’est pas tout. Aux jours du ministère du Seigneur ici-bas, il se trouvait aussi des gens qui tâchaient de tourner en ridicule la doctrine de la résurrection. Aussi lisons-nous que, dans une autre occasion, des sadducéens vinrent à Lui, tirant une difficulté à l’égard de cette doctrine du fait d’une femme supposée avoir successivement épousé sept frères, tous morts l’un après l’autre, la femme, à son tour, étant morte aussi après eux tous. En la résurrection, demandaient-ils, duquel des sept serait-elle donc la femme ? Le Seigneur fait voir sur-le-champ que la difficulté soulevée provenait de l’ignorance de l’Écriture et de la puissance de Dieu. En la résurrection on ne donnera ni ne sera donné en mariage, mais on sera comme les anges (c’est-à-dire comme eux sous ce rapport, car les saints ressuscités jugeront les anges ; mais semblables quant à ceci, qu’il n’y aura pas de distinction de sexe — ni de mariage non plus). « Et aussi ils ne peuvent plus mourir ». Mais il ajoute : « Ceux qui seront estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là et à la résurrection d’entre les morts », etc. Quelle manière de parler extraordinaire, si tous étaient ressuscités en même temps ! « Ceux qui seront estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là ». Pesez bien la force de cette proposition. La résurrection des saints a lieu en un siècle qui leur est particulier, et auquel ceux qui en sont indignes n’ont point part. « Ceux qui seront estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là (les autres morts ne sont ressuscités qu’après lui) et à la résurrection d’entre les morts ». La résurrection de Christ ne fut pas simplement une résurrection des morts, mais d’entre les morts. Il les laissa tranquilles dans leurs tombeaux. Quelques-uns des saints qui étaient morts, ressuscitèrent, il est vrai, avec Lui, ou plutôt sortirent avec Lui de leurs sépulcres après Sa résurrection ; mais la grande masse des morts ne fut affectée en rien à cet égard par la résurrection de Christ. Il en est de même, en principe, de la résurrection des saints : ce doit être une résurrection d’entre les morts. Le reste des morts doit ressusciter à une époque ; mais ceux qui en seront estimés dignes, auront part à ce siècle-là, et à la résurrection d’entre les morts. Ils ne mourront plus jamais. Dieu pouvait-Il montrer d’une manière plus forte que par ce langage, que la résurrection de Ses saints serait distincte de celle des autres hommes et la précéderait ? Comparez aussi le langage de saint Paul en Philippiens 3, 11 : « Si, en quelque manière que ce soit, je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts ». Sans doute que les versions ordinaires disent « à la résurrection des morts », mais je n’hésite pas à dire que c’est une erreur complète. Le véritable et unique sens du verset, d’après les autorités les meilleures, est : « Si, en quelque manière que ce soit, je puis arriver à la résurrection d’entre les morts », celle qui me tirera du milieu des morts. Il peut sembler à quelques-uns que ce n’est là qu’un petit changement ; mais si nous tenons à connaître la pensée de Dieu, cela fait une grande différence : Car, si c’est bien « la résurrection d’entre les morts » qu’il faut lire, cela implique que pendant que les autres morts restent dans leurs sépulcres, il y a une résurrection qui n’est point commune à tous les hommes bons et méchants, mais est seulement le partage des bien-aimés de Dieu. L’apôtre estimait cette résurrection si brillante et si heureuse qu’il dit en effet : Je ne me mets pas en peine des tribulations et des souffrances que je puis rencontrer sur le chemin — pourvu seulement que je me trouve là ; c’est ce que j’attends et ce que je désire, coûte que coûte. Car en disant : « Si en quelque manière que ce soit », il n’entendait pas exprimer l’ombre d’un doute quant au fait qu’il aurait part à la première résurrection ; mais plutôt, qu’il attachait au prix une valeur telle, qu’il ne pensait pas aux souffrances du chemin qui menait au but.

Maintenant, reportons sur l’Apocalypse la lumière qui jaillit de ce passage. L’expression « le reste des morts » fait allusion aux méchants morts. On avait sous les yeux la résurrection de tous les saints délogés jusqu’à la manifestation du royaume. « Mais », ajoute le prophète », « le reste des morts ne vécut pas jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis » (v. 5). Ce passage n’offre réellement aucune difficulté ; mais les gens ont leurs pensées, leurs opinions à eux, et ils ne peuvent faire accorder l’Écriture avec elles. Tandis que tout est aussi clair que possible, si on s’en tient à ce que déclare le Saint Esprit. « C’est là la première résurrection. Bienheureux et saint celui qui a part à la première résurrection » (v. 6). Quelle admirable harmonie entre cette parole et ce que le Seigneur avait dit aux sadducéens : « Ceux qui seront estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là et à la résurrection d’entre les morts » ! Et aussi avec saint Paul : « Si, en quelque manière que ce soit, je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts ».

« La seconde mort n’a point de pouvoir sur eux ». Remarquez une fois de plus, la force des paroles du Seigneur dans l’évangile : « Car aussi ils ne peuvent plus mourir ». Quant à ceux qui sont laissés dans les sépulcres pour n’être ressuscités qu’après les mille ans, ils sont destinés à mourir d’une autre mort bien misérable — la seconde mort. C’est de cette mort-là que doivent mourir tous ceux qui n’auront pas eu part à la première résurrection. Leur mort sera la seconde mort — l’extinction de toute espérance de bénédiction, quand tout le reste est béni dans le ciel et sur la terre, la demeure à jamais sous la colère de Dieu. Ils sont jetés dans l’étang de feu. Mais pour ceux qui ont part à la première résurrection, « ils seront sacrificateurs de Dieu et du Christ, et ils régneront avec lui mille ans » ; et plus tard ils régneront par Lui dans la vie aux siècles des siècles.

Les trois derniers versets que nous venons de considérer, forment une sorte de parenthèse dans le chapitre, quelque chose d’analogue à ce que nous avons vu dans le chapitre 12. Là, en effet, après nous avoir décrit la guerre qu’il y avait eue dans le ciel, et le fait qui en avait été le résultat, comment Satan en avait été précipité, l’Esprit prophétique reprend, dans le verset 13, l’histoire à laquelle il avait été fait allusion auparavant (v. 6). Ici nous trouvons quelque chose de semblable, car le septième verset continue l’histoire qui avait été déjà commencée précisément à la fin du troisième, où nous avions eu l’emprisonnement de Satan dans l’abîme, et ainsi la répression pour un temps du pouvoir qu’il a de séduire les nations en révolte contre Dieu. Il est ajouté, qu’après cela, il faut qu’il soit délié pour un peu de temps. Le verset 7 nous présente par anticipation le récit de sa mise en liberté et des effets qu’elle produira. « Et quand les mille ans seront accomplis, Satan sera délié de sa prison ; et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, pour les assembler pour le combat ; et leur nombre est comme le sable de la mer » (v. 8). Les versets 4-6 forment donc évidemment une parenthèse — importante sans doute, mais toutefois une parenthèse, et ne font point partie de l’histoire régulière que nous avons ici. Il se peut qu’une des raisons pour lesquelles nous la trouvons à cette place, c’est de faire voir que durant cette même période où Satan est lié, il y a le côté béni — non pas seulement le mal réprimé, mais Christ et Ses saints régnant au-dessus de la terre. Il n’est jamais dit que nous régnerons sur la terre. En Apocalypse 5, 10, j’ai déjà montré que la version ordinaire de ce verset qui comporte cette idée, est un peu inexacte, et que le véritable objet de la pensée du Saint Esprit est, non pas le lieu où les saints de Dieu habiteront alors, mais plutôt la sphère de leur règne. « Ils régneront sur (au-dessus de) la terre ». Ce changement a de l’importance, non pas tant comme fait isolé, mais parce qu’il se rattache à tout le plan de la vérité, et que c’est une partie de ce plan que les saints célestes ne doivent jamais se trouver mêlés avec ceux qui sont sur la terre. La promesse de la première place dans la bénédiction terrestre appartient à Israël, et, en conséquence, cela ferait une confusion extrême, si les saints célestes, les saints glorifiés, se trouvaient mêlés avec les hommes encore dans leurs corps naturels dans ce monde. De fait, une des plus fortes objections que bien des chrétiens font au règne de Christ sur la terre, a pour base l’idée que la doctrine de l’avènement pré-millénial de Christ suppose que les saints glorifiés doivent être mêlés avec les personnes qui seront alors en vie ici-bas. Mais c’est là une grande erreur. L’Église aura sa gloire propre ; mais il y aura, d’ailleurs, deux ordres ou sphères de bénédiction, et l’une d’un caractère plus élevé que l’autre. Toutes les choses qui sont dans les cieux seront réunies sous l’autorité de Christ ; mais en outre, dans le même temps, toutes les choses qui sont sur la terre seront sous le même gouvernement. Tel est le caractère spécial du millénium. Il y aura en haut la portion céleste, et la portion terrestre en bas, réunies ensemble, mais non pas confondues. C’est ce qui est nettement enseigné en Éphésiens 1, 10, où l’apôtre dit que Dieu nous a fait connaître « le mystère de sa volonté selon son bon plaisir, lequel il s’est proposé en lui-même pour l’administration de la plénitude des temps (savoir), de réunir en un toutes choses dans le Christ, tant les choses qui sont dans les cieux, que celles qui sont sur la terre en lui ». Je n’ignore pas qu’il en est qui pensent qu’il s’agit là de la dispensation évangélique actuelle. Mais c’est sans fondement. L’Église n’est pas un rassemblement de toutes les nations, mais, au contraire, un corps élu tiré d’entre elles toutes. Elle n’a jamais été ni ne sera jamais un rassemblement en un de toutes les nations, de tous les peuples, de toutes les tribus, et de toutes les langues. De plus, c’est d’un rassemblement de toutes choses que parle ce verset. Il existe un rassemblement ensemble des enfants de Dieu, car Christ est mort pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés ; mais ici il est question de choses et non de personnes. Quand sera arrivé le moment où l’administration glorieuse dont l’apôtre parle doit être introduite, toutes choses seront placées sous l’autorité de Christ. En droit, Christ a bien toutes choses sous Son autorité maintenant, mais il n’en est pas encore ainsi comme fait réalisé et manifesté.

Daniel ne dit pas que tout doit être mis sous l’autorité du Fils de l’homme, et le Saint Esprit ne révèle pas non plus dans l’Ancien Testament ce secret de la volonté de Dieu : il y est parlé de la grandeur du royaume sous tous les cieux. Mais le Nouveau Testament nous en dit davantage ; il nous apprend que, dans le même moment où toutes les choses qui sont sur la terre seront mises sous le gouvernement de Christ, toutes les choses qui sont dans les cieux y seront mises aussi. Et ce ne sera pas simplement par Sa providence, comme c’est le cas aujourd’hui, que Christ gouvernera, mais personnellement et d’une manière directe. Naturellement le Seigneur est au-dessus de Satan, le dieu et le prince du monde actuel. Il agit maintenant par Sa providence, et, en outre, Il a pleinement et personnellement droit à toute gloire, céleste et terrestre. Mais le temps, où Il veut faire valoir Son droit, et prendre en mains le gouvernement de toutes choses, est encore à venir. S’Il l’avait aujourd’hui d’une manière immédiate, toute méchanceté serait réprimée, personne ne pécherait sans être frappé du jugement ; et on ne verrait pas non plus le juste souffrir, ni le méchant prospérer. Tout cela prouve que, dans le sens plein et réel du mot, le Seigneur Jésus Christ ne règne pas encore, quelque véritable que soit Son règne pour la foi. Voyez, par exemple, au psaume 97 : « L’Éternel règne ». On cite cette parole comme si elle s’appliquait au temps où le Saint Esprit la faisait écrire, ou du moins au temps actuel. Mais celles qui suivent réfutent cette manière de voir, parce que lorsque l’Éternel régnera dans le sens que l’entend le psaume, la terre se réjouira, etc. Tandis que nous savons parfaitement par Romains 8, pour ne pas parler de l’expérience de tous les jours, que la terre gémit dans la misère, et que toute la création soupire et est en travail jusqu’à maintenant, ce qui est tout le contraire de se réjouir. Mais quand les Psaumes recevront leur plein accomplissement, toute la création sera délivrée et tressaillira d’allégresse sous le règne de Jéhovah. Certes, la foi a raison de dire que l’Éternel règne aujourd’hui ; mais Il n’exerce pas encore sur la terre Son pouvoir royal. Quand Il commencera à le faire, tous les adversaires devront être renversés, et par conséquent il devra y avoir le jugement. La Bête et le faux prophète furent mis de côté, ainsi que nous voyons chapitre 19, et alors vient le règne. Et quoique tous ne doivent pas être convertis, il ne sera pas toléré de péché manifeste. Il se peut que ce ne soit qu’une « obéissance feinte » qui sera rendue par une portion considérable de ceux qui se trouveront sur la terre, mais ce n’en sera pas moins encore, sous quelque rapport, de l’obéissance, même de la part des « enfants de l’étranger ». Tel est le vrai caractère du règne millénial. Ce sera un temps, non pas où il n’y aura pas de mal, mais où le mal sera supprimé par la présence du Seigneur ; où la gloire céleste sera en relation immédiate avec la terre délivrée et joyeuse ; où le peuple terrestre sera restauré dans son pays propre, converti, et confessant ce bien-aimé qu’avaient crucifié leurs pères, car ces mêmes circonstances auxquelles je fais allusion sont décrites, au moins pour ce qui concerne la terre, en Zacharie 12-14. Dans le dernier chapitre, l’Éternel est « roi sur toute la terre : en ce jour-là il n’y aura qu’un seul Éternel, et son nom ne sera qu’un ». Voilà précisément le millénium. Toutes les nations montent pour confesser l’Éternel : si quelqu’une d’elles s’y refuse, elle sera châtiée. L’Esprit de Dieu signale d’une façon particulière le châtiment dont seront frappées les nations qui ne monteront point pour célébrer la fête des tabernacles : la pluie leur sera retenue. En Égypte, où on ne se ressentirait pas d’une privation pareille, la terre ayant d’autres sources de fertilité, la punition sera d’une autre nature, ce sera « la plaie dont l’Éternel frappera les nations », etc. La prophétie nous montre donc clairement la gloire terrestre sous le règne de Christ. Éphésiens 1 ne nous a pas montré simplement la gloire céleste, mais la réunion sous Christ de toutes choses, tant des choses qui sont dans les cieux que de celles qui sont sur la terre. Non pas qu’elles doivent être mises toutes au même niveau, mais elles feront toutes partie d’un seul et même système, comme ayant un seul et même chef au-dessus de tout, à savoir Christ. Mais l’Église n’est pas comprise dans aucune de ces deux catégories de choses. Nous ne sommes confondus ni avec l’une ni avec l’autre : au contraire, il est fait mention de nous comme ayant obtenu en Christ un héritage sur toutes choses. L’Église ne doit pas être seulement un peuple glorieux sur lequel Christ doit régner. Nous sommes héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ — non pas simplement héritiers sous Christ, mais avec Lui — conformément au type si remarquable qui en fut donné dès le commencement de l’histoire de l’homme, où, tandis qu’Adam avait la gloire d’être chef sur ce bas monde, sa femme participe à l’empire, en vertu de son union avec lui. L’Église est l’Ève spirituelle du Seigneur Jésus, l’Épouse du dernier Adam. Ceci peut expliquer un peu la force des expressions d’Éphésiens 1, 10, 23, et nous montre l’importance du jour que nous contemplons en Apocalypse 20. Car « les mille ans » correspondent à cette même période où l’administration sera dans les mains du Seigneur Jésus, où Il sera exalté et manifesté comme Chef sur toutes choses, et où l’Église participera à tout avec Lui.

Une autre remarque que je voudrais ajouter, c’est que le Nouveau Testament seul nous donne la période du règne, et en précise la durée comme devant être de mille ans. Presque toute la prophétie s’y rapporte, mais ce n’est qu’ici que nous apprenons quelles limites lui sont assignées, et dans quelle relation il doit être avec l’état éternel qui lui succède.

Dans un sens, Christ régnera, et les saints aussi, aux siècles des siècles. La chose est positivement ainsi enseignée, indépendamment du temps, par exemple en Romains 5, 17, où il est dit : « Ceux qui… régneront en vie par un seul, Jésus Christ ». Cette parole ne se rapporte pas particulièrement au règne millénial, qui n’est qu’une partie du privilège de régner en vie par le Christ Jésus. Notre vie en Christ étant une vie éternelle implique, selon moi, que, dans un certain sens aussi important que réel, il y aura une manière de régner glorieusement avec Christ, qui durera éternellement. Mais, d’un autre côté, lorsqu’il s’agit d’un royaume donné à Christ, que Christ remet avant la fin à Dieu le Père, ce règne spécial pour un temps limité a aussi une portée pour les saints célestes. Naturellement la gloire proprement divine de Christ est distincte de ces gloires-là et ne saurait être communiquée à personne. Mais Dieu a parlé d’une récompense spéciale — la récompense des souffrances endurées pour Christ : « Si nous souffrons, nous régnerons aussi avec lui » ; « Si, du moins, nous souffrons avec lui, afin que nous soyons aussi glorifiés avec lui ». Tout cela a trait au règne millénial. Christ sera alors publiquement exalté dans le monde, au lieu même où Il fut méprisé et rejeté ; et les saints seront publiquement exaltés avec Christ sur la scène même de leur opprobre et de leur souffrance, où ils avaient suivi Christ d’un pas bien faible et bien chancelant, sans doute, mais où ils s’étaient tenus attachés au nom de Jésus malgré la persécution et l’opprobre. Mais outre ces récompenses spéciales, il y a la gloire, la félicité, et la joie qui ne passeront jamais.

Le millénium sera un temps où bien des âmes seront amenées à la connaissance du Seigneur. Ce sera la grande moisson de la bénédiction : le temps célébré avec tant de ravissement dans les Psaumes et les Prophètes, où la connaissance de l’Éternel couvrira la terre comme les eaux couvrent le fond de la mer ; ce qui n’implique pas nécessairement que tous ceux qui connaîtront la gloire de Jéhovah, connaîtront Sa grâce, et seront convertis. Toutefois, beaucoup seront amenés au Seigneur. Mais il sera aussi donné en ce même temps une vraie et réelle connaissance de Dieu, car le Saint Esprit sera répandu d’en haut d’une manière spéciale dont le jour de la Pentecôte ne fut, comparativement, que comme la pluie de la première saison, tandis que ce sera alors comme la pluie de la dernière. La Pentecôte fut la figure anticipée de la plénitude de bénédiction à venir — plus grande au moins en étendue — qui sera réalisée dans le millénium.

Or, les saints de « ce jour-là » ne connaîtront jamais la souffrance comme un privilège — ne sauront jamais ce que c’est que suivre Christ dans l’opprobre, et qu’être rejeté avec Lui. En conséquence, ils ne régneront pas dans le royaume. Tous les saints, à partir du commencement et jusqu’au millénium, auront souffert plus ou moins avec Christ. Mais l’Église ayant connu prééminement la communion de Ses souffrances, aura une gloire toute spéciale ; tandis que les saints qui seront amenés à la connaissance du Seigneur après que le millénium aura commencé, et qui n’auront jamais connu les souffrances de Christ, ne participeront pas au royaume. Les saints antérieurs au millénium auront place et part dans l’économie de la gloire, et ils seront changés parce que la corruption ne peut jamais hériter de l’incorruptibilité. Aussi, quand ils sont introduits là où Dieu fait toutes choses nouvelles, portent-ils, sans qu’il puisse exister à cet égard le moindre doute, la ressemblance de Christ, par la raison qu’ils font partie du dernier Adam ; et comme ils sont en connexion avec Christ, et qu’ils ont Sa vie, cette vie aura toute son efficace tant à l’égard du corps qu’à l’égard de l’âme : ils seront changés en Sa ressemblance. Il est vrai que pour ce qui concerne les saints de la période milléniale, nous n’avons pas de déclaration positive sur le moment où ce changement aura lieu. Toutefois, nous pouvons, ce me semble, déduire de principes généraux, que ce sera dans l’intervalle qui s’écoule après que le millénium a pris fin, et avant que les nouveaux cieux et la terre nouvelle apparaissent avec leurs bienheureux habitants. Mais ce silence de l’Écriture a donné lieu à ce que quelques-uns se soient laissés entraîner à l’idée étrange que les saints de la période milléniale resteront dans leur corps naturel, prenant et donnant en mariage durant toute l’éternité ! Une pareille idée ne trouve aucune espèce de fondement dans la Parole de Dieu. On l’a déduite de l’idée qu’il fallait toujours interpréter l’expression « aux siècles des siècles », « à toujours », « éternellement », dans les versions françaises, comme si elle devait, nécessairement et dans tous les cas, signifier l’éternité. Or, dans quelques passages, elle a en effet cette signification, mais elle ne l’a pas dans d’autres. Supposé que Dieu parle d’un état de choses terrestre, et qu’Il emploie l’expression « régner aux siècles des siècles », comme c’est le cas en Daniel 7 et Luc 1, on ne saurait la prendre d’une manière absolue. La portée des mots doit être limitée par le sujet dont Dieu parle. C’est ainsi que, dans les choses humaines, si un homme achète une maison « pour toujours », cela ne veut pas dire qu’il l’achète pour toute l’éternité, mais pour tout le temps que le monde existera sous sa forme actuelle : son droit subsiste aussi longtemps que la terre elle-même, en tant que laissée entre les mains de l’homme. C’est dans le même sens que Dieu se sert de l’expression « aux siècles des siècles » (à toujours, éternellement) en parlant des choses de la terre et de Son peuple terrestre. Seulement, le cas est beaucoup plus fort que dans les transactions humaines ordinaires, car une révolution peut laisser de côté et même détruire tous les actes d’acquisition pareils, tandis que le royaume de Christ devant lequel toute autorité contraire doit s’incliner et disparaître, est ce qui garantit à Israël, etc., l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu. L’expression « régner sur la maison de Jacob » ne peut donc qu’être modifiée par cette idée-ci — aussi longtemps que la maison de Jacob existe comme telle. Mais quand c’est en rapport avec les nouveaux cieux et la terre nouvelle, et dans sa pleine signification, que cette expression est employée, Israël n’est plus trouvé dans son existence nationale terrestre : de semblables distinctions s’évanouissent quand les hommes sont ressuscités d’entre les morts ou changés. S’agit-il de vie éternelle, ou d’éternelle punition, il nous faut prendre l’expression dans son sens le plus étendu, parce que les choses ne se rapportent pas à la terre : elles appartiennent à l’état de résurrection. S’agit-il, au contraire, de choses terrestres, elle doit être prise dans son sens restreint. Mais s’applique-t-elle aux choses en dehors de ce monde, il faut la prendre absolument dans toute son étendue. Or, en Daniel 7, 27, il est dit que « le royaume sous tous les cieux » (vers. angl.), qui est donné au peuple des saints du Souverain, est un royaume éternel. C’est là, je pense, la même période que celle qui est appelée ici les mille ans. Dans le Nouveau Testament, le Saint Esprit nous donne le développement complet de toutes les voies de Dieu, et nous fait voir que ce qui peut avoir semblé aux saints de l’Ancien Testament être un état de choses absolument éternel, est limité et qualifié par des révélations ultérieures qui nous y révèlent deux stages, pour ainsi dire, au lieu d’un. Ainsi, le royaume terrestre dont il est parlé en Daniel doit être « éternel » dans ce sens qu’il ne sortira jamais de dessous la domination de Christ, ne Lui sera jamais retiré et donné à un autre (comme les empires précédents ont été retirés à leurs chefs respectifs), mais restera en Ses mains, et dans les mains des saints du Très-haut, aussi longtemps que Dieu aura un royaume terrestre. Lorsque l’état de choses terrestre prend fin, et que le royaume est remis, le règne de Christ se poursuit éternellement, quoique d’une autre manière, car dans l’état éternel il ne s’agira plus évidemment du fait que tous les peuples, toutes les nations, et toutes les langues doivent Le servir.

Ce chapitre passe rapidement sur l’état millénial, pour ce qui concerne les hommes qui seront alors sur la terre ; et si on désire considérer la partie terrestre des mille ans, c’est à l’Ancien Testament qu’il faut recourir. Là il en est parlé constamment comme de « ce jour-là » — le jour où les Gentils seront introduits et bénis — où le nom de Dieu sera exalté — où tout train de guerre aura disparu ; le jour où le désert se réjouira et fleurira comme le jardin d’Éden, et où ceux dont l’Éternel aura payé la rançon viendront en Sion avec chant de triomphe et une joie éternelle sera sur leur tête — où la douleur et le gémissement s’enfuiront. Telles sont les descriptions que le Saint Esprit nous donne de la bienheureuse période du royaume. Plusieurs ont été disposés à prendre dans un sens figuré ces tableaux prophétiques du millénium : mais il faut bien qu’ils admettent que ces images peuvent être beaucoup plus pleinement accomplies qu’ils ne le supposent. En d’autres termes, je vois dans les brillants récits que nous trouvons dans les prophéties de l’Ancien Testament touchant le millénium, des emblèmes d’une riche et abondante bénédiction qui doit se répandre réellement sur la terre. Sans doute que ces figures peuvent avoir aussi une signification spirituelle ; mais tout en admettant cela, nous ne voulons point enlever aux mots leur sens simple et naturel. Ainsi, par exemple, l’Écriture parle du loup et de l’agneau et d’autres animaux qui aujourd’hui se dévorent les uns les autres, comme vivant alors paisiblement ensemble. Rien n’empêche de faire une application figurée de ces termes et de s’en servir pour décrire ce qui sera moralement vrai des hommes — quoique, pour ce qui me concerne, je ne croie pas que ce soit là leur portée réelle. Car pourquoi Dieu ne ramènerait-Il pas les créatures qu’Il a faites et auxquelles Il porte beaucoup plus d’intérêt qu’on ne le suppose, à une condition pour le moins aussi bonne que celle dans laquelle elles furent créées ? Pourquoi Dieu ne supprimerait-Il pas toutes les tristes conséquences que le péché a amenées, physiquement aussi bien que moralement ? Les effets du péché d’Adam se sont étendus bien au-delà de sa propre race : tout ce qui avait été placé sous sa domination est tombé dans le désordre et dans la ruine. Et cette idée de l’état de ruine où toutes choses se trouvent, n’est pas simplement un fruit de l’imagination, non plus que cette manière de présenter la prophétie de l’Ancien Testament. C’est la doctrine clairement et positivement établie dans le chapire 8 de l’épître aux Romains. Il est écrit là que « la création a été assujettie à la vanité, non de sa volonté, mais à cause de celui qui l’a assujettie ». Ce passage dit la chute de celui qui avait été établi sur la création : il tomba, et la création qui avait été assujettie à Adam, tomba en même temps que lui. C’est lui qui l’assujettit à la vanité ; la misère et la mort entrèrent par lui. Car il n’y a pas de raison pour supposer que la mort eût plus régné sur la création purement animale du monde adamique, que sur l’homme, si le péché ne fût pas entré. Je n’ignore pas que les savants de ce monde parlent souvent de débris fossiles qui prouveraient que des animaux sont morts avant la création de l’homme. Je n’entre pas dans de pareilles recherches, mais je dirai seulement que sous Adam il n’y avait pas le même état de choses. Supposé maintenant que les faits signalés par les géologues, et les inductions qu’ils en tirent, soient véritables, comme l’Écriture garde un silence absolu à l’égard des animaux qui ont pu avoir été formés et détruits sur la terre avant qu’Adam eût été créé, je désire faire de même dans l’explication que j’essaie d’en donner. Il est des questions qui n’ont aucune importance morale, et dont en conséquence un chrétien n’a pas à s’occuper. Mais j’ajoute que ces théories, lors même qu’elles soient vraies, ne sont pas le moins du monde en contradiction avec l’Écriture ; car il n’existe pas le plus petit indice que l’homme ait été en rapport avec l’état de choses antérieur à Adam, et l’Écriture le passe sous silence, ayant hâte, ce semble, d’arriver à ce qui se rattache immédiatement à lui. Aussitôt que la race humaine se trouve sur la terre, les voies morales de Dieu se développent graduellement. Mais bientôt l’homme tomba, et la création fut dégradée par la chute de son chef. La mort, pour ce qui est du monde adamique, entra par la désobéissance d’Adam — la mort directement quant aux hommes, et comme conséquence, ses ravages s’étendirent à toute la création animale inférieure.

Quand le second Adam, exalté au-dessus des cieux, viendra de nouveau, Il n’aura pas simplement une domination comme celle que possédait le premier Adam. Toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre seront soumises à Son glorieux pouvoir : pas un lieu, pas une créature dans tout l’univers de Dieu, qui n’éprouve les effets de cette puissance glorieuse par laquelle Il peut même s’assujettir toutes choses. Ainsi, si jadis l’homme tomba, introduisant le péché, la mort et la misère, et si tous les efforts de sa race pour remédier au mal, au-dehors et au-dedans, n’ont été que des palliatifs et non une véritable cure, le Seigneur Jésus sera le bon, le souverain, le tout-puissant médecin qui guérira tous les maux et toutes les souffrances de la création. Et Dieu aussi aura de la joie — Sa propre joie — en soulageant toute la misère amenée par le péché, conformément à Son estimation de la valeur de Son Fils. Et si, jusques alors, tout n’a fait que remplir pour l’homme la coupe de malheur, quel temps béni ne sera-t-il pas, celui où Dieu reprendra l’histoire à l’inverse, et où Son propre Fils, tant méprisé et rejeté jadis, occupera le trône de Sa double gloire, Sa gloire céleste et Sa gloire terrestre ! Ce temps où la méchanceté sera supprimée, et la justice exaltée à toujours, non pas simplement par la puissance et la gloire, mais par Celui qui avait d’abord porté en grâce le poids de toutes les douleurs, et souffert sur la croix toutes les conséquences de la malice, conformément à la parfaite sainteté de Dieu ! Quelle douceur aussi dans la pensée que Dieu fera voir là qu’il n’y a pas un mal, pas une dégradation, pas une angoisse, pour lesquels Il n’ait pas en Son Fils et par Lui une réponse appropriée et glorieuse ! Car Il déploiera alors toute Sa puissance pour glorifier Son Fils en présence de toute chair, de ceux-là même qui envoyèrent après Lui ce message : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Mais lorsque ce Bien-aimé reviendra après avoir reçu le royaume, et qu’Il régnera comme le Fils de l’homme ressuscité et exalté, toute la création éprouvera les réjouissants et bienheureux effets de la suprématie et du gouvernement du Seigneur.

Le Seigneur veut qu’Israël occupe sur la terre une position élevée, et que, eux, qui ont été si particulièrement Ses ennemis acharnés, ils entonnent le cantique de louange avec leur Messie que jadis ils rejetèrent, mais qui, désormais, est au milieu de l’assemblée. C’est alors qu’ils reprendront le psaume 100, le psaume d’actions de grâces, et inviteront tous les pays à venir et à célébrer l’Éternel, et même à entrer dans Ses parvis avec des louanges. Quel contraste avec tout ce qui s’est passé jusqu’ici, et se passe encore maintenant ! Combien c’est différent de la haine que les Juifs ont toujours montrée pour quiconque voulait porter le message de grâce aux Gentils ! Quand Paul, en effet, leur raconte comment le Seigneur lui avait dit, pendant qu’il priait dans le temple de Jérusalem : « Va, car je t’enverrai au loin vers les nations » — ils l’écoutèrent jusqu’à ce mot ; mais c’était plus que leur cœur orgueilleux ne pouvait supporter, aussi élevèrent-ils leur voix, disant : « Ôte de la terre un tel homme, car il ne convient pas qu’il vive ». Mais combien la grâce aura changé et élargi le cœur étroit de ceux d’Israël, quand ils sortiront eux-mêmes pour porter les invitations de la miséricorde aux Gentils qui les avaient accablés d’outrages dans toutes leurs fatigantes pérégrinations sur la terre, et qui avaient foulé aux pieds Jérusalem durant tous les temps que Dieu leur avait assignés !

Les Juifs, comme Caïn, ont sur eux la marque de l’Éternel, afin qu’ils ne s’éteignent pas entièrement, nonobstant le meurtre dont ils se sont rendus coupables. Mais dans le dernier jour, le Seigneur leur donnera la repentance, et à partir de là ils seront les hérauts convenables et bénis de Sa grâce jusque dans les parties de la terre les plus lointaines.

Ce temps de bénédiction sous le Messie est ce que nous trouvons si fréquemment et avec tant de détails dans les écritures de l’Ancien Testament. Les évangiles, aussi, s’ouvrent en nous montrant les saints juifs nourrir des espérances pareilles. Mais à mesure que les choses se dessinent d’une manière plus décidée dans le sens de la réjection de Christ, il y rayonne une nouvelle mesure de lumière, jusqu’à ce qu’à la fin, la rédemption étant accomplie, le Saint Esprit fut envoyé du ciel, et manifesta pleinement la pensée de Dieu. C’est alors que la distinction entre le royaume et l’état éternel fut clairement établie et mise dans tout son jour (1 Cor. 15, 24-28). Il fut montré que le règne terrestre de Christ qui, d’après l’Ancien Testament, aurait pu paraître d’une durée sans limites, aura, en réalité, un terme quand Il aura aboli toute principauté, et toute autorité, et toute puissance.

Beaucoup de personnes croient que l’état de choses que le millénium verra réalisé, doit être amené progressivement par la prédication de l’évangile et les autres moyens d’action actuellement en œuvre. Sans doute, ils comptent que Dieu bénira cette activité dans une mesure plus grande encore que ce n’est le cas aujourd’hui, car il n’est pas de chrétien, peut-être, qui voulût affirmer que les apparences actuelles autorisent une attente semblable. Mais on pense que s’il y avait un nombre plus considérable de serviteurs de Dieu, qu’il plût à Dieu de bénir en tout lieu la Parole pour la conversion des multitudes, et qu’un esprit d’amour, d’union, et de dévouement prévalût davantage parmi ceux qui aiment le nom de Christ, ce qui en résulterait serait le règne de Christ sur la terre.

Mais, voudrais-je demander, comment savons-nous qu’il doit y avoir un millénium ? Vous répondez : Par la Parole de Dieu. Et de quelle manière le millénium doit-il être amené ? L’humilité devrait répondre : Il nous faut aussi apprendre cela de la Parole de Dieu. Nous reconnaissons tous que la terre doit être remplie de la connaissance de l’Éternel comme les eaux couvrent le fond de la mer. — De quelle manière cela doit-il être effectué ? C’est une chose remarquable que dans le passage même (És. 11, 9) où ces paroles se trouvent, le Saint Esprit donne à entendre que le jugement doit précéder ce temps de bénédiction (voyez v. 4). Nous y apprenons que la connaissance de l’Éternel doit se répandre de toute part et devenir universelle à la suite de l’intervention par laquelle Il aura frappé la terre par la verge de Sa bouche et aura fait mourir le méchant par l’esprit de Ses lèvres — le passage même que l’apôtre Paul applique à la destruction de l’Antichrist, l’homme de péché en 2 Thessaloniciens 2, 8. Le Seigneur le consumera par le souffle de Sa bouche et l’anéantira par l’apparition de Sa venue.

Il est donc parfaitement vrai, et reconnu de tous, qu’il doit y avoir un temps millénial de bénédiction sur la terre ; et voici la réponse à la question concernant la manière dont ce temps doit être amené : la même portion de l’Écriture qui nous révèle ce changement béni, nous déclare que c’est le Seigneur qui l’effectue Lui-même, en venant et frappant le méchant ; en d’autres termes, c’est par le jugement qu’il est amené, et non point par la prédication de l’évangile. L’évangile est de toute importance pour appeler les âmes de la terre au ciel ; mais ce n’est pas par lui que Dieu veut en agir avec le monde et le remplir de bénédiction. Il est le moyen par lequel se fait le rassemblement de l’Église tirée du monde pour Christ. Lorsque le jugement aura eu pleinement son cours, le Seigneur enverra Ses serviteurs. Le Seigneur prononcera la parole, et grande sera la compagnie de ceux qui la publieront. « La loi sortira de Sion, et la parole de l’Éternel sortira de Jérusalem ». La dispensation actuelle est une dispensation qui a pour objet de rassembler, en séparation d’avec le monde. L’évangile doit bien être prêché à tous, mais ce n’est point dans la vaine espérance que tous doivent jamais y croire. Aussi, le Seigneur, en Marc 16, tout en ordonnant à Ses disciples d’aller par tout le monde, et de prêcher l’évangile à toute la création, prend-Il soin d’ajouter : « Celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé ; et celui qui n’aura pas cru sera condamné ». Il les prépare à ne compter pour leur message que sur un accueil partiel et individuel. De cette manière ils ne devaient pas se sentir découragés et abattus s’il ne se trouvait çà et là que quelques personnes qui reçussent la parole de vie. Peut-être n’y aurait-il qu’un Denys, l’Aréopagite, et une femme nommée Damaris, et d’autres avec eux. Et qu’étaient ces quelques personnes relativement aux multitudes qui entendirent l’apôtre sur la colline de Mars ? C’était un sujet de joie et d’actions de grâce, d’apprendre que quelque âme avait cru à la vie éternelle, car c’est ainsi que Dieu préserve Ses serviteurs de l’abattement. Il est bon de savoir que tous ne vont pas recevoir l’évangile, mais que Dieu accomplit Ses propres desseins. C’est pourquoi, quand le Seigneur bénit la Parole, et réveille çà et là la conscience d’un pauvre pécheur, il y a lieu de se réjouir. Mais nous savons que pour ce qui est du monde considéré comme un tout, le mal croîtra et « les hommes méchants et les imposteurs iront en empirant, séduisant et étant séduits ». Comment cela peut-il arriver, si la bénédiction milléniale doit être le résultat de l’œuvre d’évangélisation à laquelle travaillent aujourd’hui les chrétiens ? Mais le Seigneur doit frapper la terre de la verge de Sa bouche et faire mourir le méchant par le souffle de Ses lèvres, qui est dit être comme un torrent de soufre (És. 30, 33) ! Est-ce là l’évangile ? C’est tout le contraire, précisément — une figure de jugement de destruction. L’évangile délivre de Topheth, mais ce jugement du Seigneur y précipite d’une manière irrévocable. C’est donc, évidemment, un jugement qui procède de la main de Dieu Lui-même, et non point un jugement que l’homme, et bien moins encore l’Église, doive frapper. Ce n’est pas l’affaire de l’Église de précipiter dans Topheth. Nulle puissance, si ce n’est celle de Dieu, ne peut livrer à l’enfer.

Mais il y a une autre chose qui caractérise le millénium — Satan lié dans l’abîme. L’Église peut-elle lier Satan ? Et quelqu’un affirmera-t-il que Satan peut être absolument empêché de séduire aujourd’hui le monde ? Or, jusqu’à ce qu’il soit lié, il ne saurait y avoir de bénédiction universelle pour le monde ; et tout chrétien est obligé de reconnaître que c’est Dieu seul qui peut lier ou briser Satan. Il peut bien pour le faire se servir d’un ange, ou s’associer les saints, ainsi que nous lisons en Romains 16, 20 : « Le Dieu de paix brisera bientôt Satan sous vos pieds » : car l’Église est unie à Christ, et sera alors réellement avec Lui, à qui, comme la semence de la femme, il appartient de briser la tête du serpent ; mais la puissance qui le fait est en Christ, et non dans l’Église. Quand ce jour de jugement sera venu, Christ renversera tous les adversaires ainsi qu’il est dit : « Il frappera les nations, et les gouvernera avec une verge de fer » (Apoc. 19). Nous ferons la même chose en vertu de notre association avec Christ (Apoc. 2) ; et dans le règne de paix (Apoc. 20, 4, 6), nous Lui serons encore associés. C’est par l’Église, dans sa condition céleste, et non pas pendant que nous sommes sur la terre, que Satan sera ainsi brisé.

Mais il est parfaitement clair, d’un autre côté, que le millénium n’est pas exclusivement le règne des saints glorifiés ; la terre, comme telle, avec ses habitants, sera introduite dans la délivrance et la bénédiction. Nous avons vu cela en Éphésiens 1, 10, où se trouve la vraie clé du caractère de cette période merveilleuse — l’union de la gloire céleste et de la gloire terrestre sous une seule et même Tête, en qui, nous aussi, le corps, avons été faits héritiers. Il y aura sur la terre les Juifs et les Gentils bénis comme tels dans leurs corps naturels, tandis que les saints glorifiés seront les instruments de la bénédiction pour la terre.

Maintenant, la terre est un séjour misérable, et les hommes savent à peine jusqu’à quel point ils sont devenus des rebelles par le péché. Mais outre cela, il y a un ennemi invisible, un sombre et infatigable adversaire de Dieu et de l’homme, qui a à ses ordres ses armées de mauvais anges qu’il emploie comme instruments de sa séduction. Tout cela passera ; et ces mêmes lieux qui sont remplis maintenant de mauvais esprits, les lieux célestes (non pas, naturellement, le lieu où Dieu habite dans la gloire inaccessible, mais les cieux inférieurs qui sont en rapport avec la terre) seront une portion de l’empire de l’Église dans la gloire, et les saints célestes serviront de canaux et de moyens de joie et de bénédiction pour le monde, autant que les mauvais esprits sont maintenant les principaux agents de toute sa misère. Ils pourront bien, après le millénium, sortir pour un peu de temps de leur prison pour engager les nations éloignées de la terre dans une dernière conspiration contre le Seigneur, mais ils ne recouvreront jamais leur premier accès dans les lieux célestes où leur influence était la plus subtile et la plus dangereuse.

C’est alors que brillera pour le monde le jour de la plus grande gloire. Il va sans dire que je ne parle pas de la croix ; car, entre toutes les gloires qui seront jamais données à Christ, aucune ne saurait être comparée à la gloire si réelle et si profonde de Sa mort. C’est elle qui a, pour ainsi dire, rendu possible à Dieu de déployer Sa miséricorde conformément à Son propre cœur ; et, en conséquence, parmi toutes les joies et toutes les bénédictions milléniales, il ne s’en trouvera pas une seule qui ne découle de la croix de Jésus. Et plus encore, car elle a des conséquences éternelles, et non pas pour le millénium seulement. Toutefois, quelle que soit son importance, et quoiqu’il doive être un temps de bénédiction merveilleux, le siècle à venir, ou millénium, sera encore imparfait ; car il y aura encore sur la terre des hommes dans leur corps naturel, et bon nombre d’entre eux seront inconvertis. Conformément à cela, ce même chapitre nous montre qu’après l’expiration des mille ans, « Satan sera délié de sa prison, et sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, pour les assembler pour le combat ; et leur nombre est comme le sable de la mer » (v. 7, 8). Ce trait-là ne se trouve point dans l’Ancien Testament ; car comme il ne donne pas à entendre que le règne doive prendre fin, il ne nous mentionne pas non plus la période où Satan sera délié. Les termes, dans lesquels le jugement qui tombe sur le méchant est mentionné là, pourraient s’entendre d’un seul coup qui terminera l’affaire. Nous apprenons d’Ésaïe que le lieu de la punition de l’armée superbe (vers. angl. de ceux d’en haut) sera en haut, comme les rois de la terre seront punis sur la terre. Il est évident que par l’expression « l’armée superbe », l’Esprit de Dieu ne fait pas allusion aux grands de la terre (car Il la place en contraste avec les rois de la terre), mais aux puissances de méchanceté qui sont dans les lieux célestes (comp. Éph. 6, 12). C’est exactement ce que nous trouvons, quoique avec plus de détails, en Apocalypse 12 ; 19 ; 20. Les rois de la terre reçoivent leur châtiment sur la terre, tandis que Satan et ses favoris, l’armée superbe, souffrent en haut. Satan est précipité sur la terre, et ses anges sont précipités avec lui. Leur place ne se trouve plus dans le ciel. Les détails ne sont point donnés jusqu’à l’Apocalypse. Ce jour verra le jugement de tous les ennemis en haut ou en bas. Que tel soit le caractère du jour millénial, n’exige pas de preuve.

Dans le chapitre suivant (És. 25, 6), il est dit : « Et l’Éternel des armées fera à tous les peuples en cette montagne un banquet de choses grasses, un banquet de vins purifiés (un banquet, dis-je), de choses grasses et moelleuses, et de vins sans aucune lie, bien purifiés ». C’est un temps de bénédiction comme on n’en a jamais connu auparavant. Et la bénédiction n’est pas limitée, comme c’est le cas maintenant, à un certain nombre de personnes recueillies d’une masse considérable, mais « l’Éternel des armées fera à tous les peuples en cette montagne », etc. « Cette montagne » signifie la Palestine, parce que elle sera pour toute la terre le lieu où l’Éternel sera exalté. Il va sans dire que c’est dans un sens moral et non dans un sens matériel qu’il faut prendre tout ceci. Remarquez ce que nous trouvons dans le verset suivant. « Et Il enlèvera en cette montagne l’enveloppe redoublée qu’on voit sur tous les peuples ». Le Seigneur détruira les ténèbres qui sont aujourd’hui sur la face de toutes les nations, « et la couverture qui est étendue sur toutes les nations ». Mais cette ère sera aussi caractérisée par la résurrection. « Il engloutira la mort en victoire », paroles par lesquelles le Saint Esprit fait évidemment allusion à la première résurrection mentionnée dans l’Apocalypse. Alors seulement la victoire est complète (comp. 1 Cor. 15). « Et le Seigneur l’Éternel essuiera les larmes de dessus tout visage, et il ôtera l’opprobre de son peuple de dessus toute la terre ; car l’Éternel a parlé ». C’est le temps de la bénédiction pour le peuple juif. « Et l’on dira en ce jour-là : Voici, c’est ici notre Dieu ; nous l’avons attendu, aussi nous sauvera-t-il ». Ici, ce sont bien incontestablement des personnes sur la terre qui ont besoin d’être sauvées. L’Église est sauvée déjà, et nous n’attendons point la venue de « ce jour-là » pour que notre Dieu nous sauve. Ceux-là seront sauvés au jour de la gloire ; nous sommes sauvés, nous, au jour de la grâce. « C’est ici l’Éternel ; nous l’avons attendu, nous nous égaierons et nous réjouirons de son salut. Car la main de l’Éternel reposera sur cette montagne, mais Moab sera foulé sous lui comme on foule la paille pour en faire du fumier ». Nous avons là un des ennemis d’Israël foulé, car ce doit être un jour de jugement aussi bien que de bénédiction. Dans le chapitre suivant (26) il est écrit : « En ce jour-là ce cantique sera chanté au pays de Juda : Nous avons une ville forte », etc. Et dans sa dernière partie à laquelle je désire renvoyer le lecteur à cause de son importance, Israël dit : « Nous avons conçu, et nous avons été en travail… nous ne saurions en aucune manière délivrer le pays », etc. « Tes morts vivront, même mon corps mort vivra, ils se relèveront ». « Tes morts » c’est-à-dire, le peuple juif qui est regardé figurément comme étant mort ; absolument comme en Ézéchiel où ils sont représentés non seulement comme morts, mais comme dans leurs sépulcres. Mais, de même que le Seigneur fait passer Son vent sur ses ossements desséchés, de telle sorte qu’ils vivent ; de même ici, « tes morts vivront, même mon corps mort vivra ». Il n’est pas dit simplement : Ton corps mort, mais Mon corps. Je les reconnais — ils sont à moi. Jéhovah se les approprie. Il les reconnaît pour siens, quelque morts qu’ils aient pu être. On ne les aura plus dans cet état ; ils se relèveront. « Réveillez-vous et vous réjouissez avec chant de triomphe, vous habitants de la poussière ; car ta rosée est comme la rosée des herbes, et la terre jettera dehors les trépassés. Va, mon peuple, entre dans tes cabinets, et ferme la porte sur toi ». Ceci ne ressemble pas à l’Église. Les saints célestes n’entrent point dans leurs cabinets sur la terre, mais ils sont enlevés pour être dans la maison du Père dans le ciel. Mais ici il est question du peuple juif. L’Esprit prophétique s’occupe de les consoler, et leur annonce qu’ils se relèveront de leur état dégradé, « car ta rosée est comme la rosée des herbes ». « Va, mon peuple… cache-toi pour un petit moment, jusqu’à ce que l’indignation soit passée ». L’indignation dont Dieu a été indigné si longtemps contre Son peuple, se changera désormais en indignation contre leurs ennemis. L’Assyrien dont Dieu s’est servi jadis comme d’une verge pour châtier Israël, doit maintenant subir lui-même sa sentence finale. « Car, voici, l’Éternel s’en va sortir de son lieu pour visiter l’iniquité des habitants de la terre commise contre lui ; alors la terre découvrira le sang qu’elle aura reçu, et ne couvrira plus ceux qu’on a mis à mort ». Et toutefois, c’est bien ici évidemment le temps où Dieu introduit le millénium, et nullement celui où il est passé. L’Éternel sort de Son lieu pour punir les habitants de la terre. Y a-t-il là quelque chose qui ressemble à l’évangile, puisque au lieu de proclamer la rémission de leurs péchés, Il vient pour les punir ? Certainement non. De plus, « en ce jour-là, l’Éternel punira de sa dure et grande et forte épée le léviathan, le serpent tortu, le léviathan, dis-je, serpent tortu, et il tuera la baleine (vers. angl. le dragon) qui est dans la mer ». Sans aucun doute, il y a là une allusion générale au méchant, Satan, l’ancien serpent. Seulement, il n’est pas envisagé ici comme quelqu’un qui occupait une place en haut, mais comme défait et rejeté ici-bas. Il n’est pas parlé de lui d’une manière aussi détaillée que dans l’Apocalypse, qui nous donne la pleine lumière de Dieu sur ce sujet et sur tous ses détails.

Une autre chose que nous apprenons de notre chapitre (Apoc. 20), c’est qu’à la fin du millénium, Dieu fera voir que le jour de la gloire (les mille ans, qui forment une partie du jour du Seigneur quand Satan est lié, et que le Seigneur Jésus règne d’une manière manifeste) ne convertira pas plus les âmes par lui-même, que ne l’ont fait le jour de la grâce et la publication de l’évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Car si au jour de la grâce, le salut d’une seule âme exige la puissance immédiate de Dieu, naturellement il ne faudra pas moins que la même puissance ici-bas au jour de la gloire. Tandis que le Seigneur sera là, le mal sera tenu bas ; il n’y aura pas de chef pour guider l’homme dans son mal. Mais du moment qu’il est permis à Satan de sortir de son lieu et d’exercer sa puissance, on a la preuve manifeste que le cœur de l’homme n’est point changé. Il s’en va aux quatre coins de la terre pour séduire les nations, et il les rassemble pour leur ruine.

Ces nations sont appelées d’un nom symbolique, qui est une sorte d’allusion aux ennemis d’Israël mentionnés en Ézéchiel 38 ; 39. Mais ce ne sont pas les mêmes, et il faut les en distinguer soigneusement, car, en Ézéchiel, Gog est à la lettre un individu — le prince des vastes territoires et des peuples du nord-est, connus de nos jours comme l’empire de Russie. Gog sera alors le chef de cette contrée que l’Écriture appelle « le pays de Magog ». C’est là le véritable sens des mots rendus dans nos versions par « prince des chefs » et qui doivent être traduits par « prince de Rosh ». Mais à l’époque où les Écritures furent traduites en latin (version qui eut une grande influence sur celles qui suivirent), l’empire russe n’existait pas et ne pouvait être connu sous ce nom, le nord de l’Europe étant alors habité seulement par des hordes errantes de barbares appelés sarmates, scythes, etc. Ainsi, quand Jérôme, qui corrigea la vieille version latine, arriva au terme hébreu « Rosch », il crut qu’il devait être pris, non comme le nom d’un peuple, mais comme un nom commun signifiant « chef » ou « prince », juste comme il en est arrivé des Francs, dont le nom, outre qu’il est devenu celui de la contrée qu’ils avaient conquise, signifiait aussi « hommes libres ». De là vient probablement que dans nos versions « Rosh » été traduit par chef, ce que l’hébreu pouvait également bien supporter, si le contexte n’exigeait pas un nom propre. C’est pour cela, je suppose, que les traducteurs, ne connaissant pas de meilleure manière de le rendre, s’arrêtèrent à la vague expression de « prince des chefs de Méshec et de Tubal ». Cependant, c’est une chose bien connue que des personnes instruites qui n’avaient pas de lumière sur la prophétie, ou n’en avaient que partiellement — que des savants qui examinaient ce sujet il y a cent ans déjà, arrivaient à la conclusion qu’il fallait entendre par là la Russie. Mais ce qui est d’une importance beaucoup plus grande, c’est que la version grecque, ou celle des Septante, qui a été faite deux siècles avant l’ère chrétienne, a laissé ce mot tel qu’il est dans l’original, Rosh ; ils ne savaient pas quel lieu ou quelle race ce nom désignait, mais voyant que Méshec et Tubal étaient donnés comme des noms propres, ils comprirent de la même manière le mot précédent. Gog doit donc être réellement « le prince de Rosh, de Méshec et de Tubal » qui seront tous trouvés dans l’empire russe. Ézéchiel fait voir alors que, à l’époque où Dieu restaure Israël et le plante dans son propre pays, la Russie doit être le dernier grand ennemi qui monte pour l’attaquer, et trouve sa propre ruine, qui lui vient de la main de Dieu, sur les montagnes d’Israël. Sa prophétie ne porte pas, je pense, sur les événements actuels, sauf en tant qu’ils sont un acheminement à celui-là ; bien moins encore doit-on la confondre avec le rassemblement de Gog et de Magog décrit dans les versets 8, 9 (Apoc. 20). Impossible que les deux passages aient trait au même événement. En effet, le prophète juif parle d’une vaste confédération qui est antérieure au millénium, ou du moins a lieu dans ses tous premiers jours ; tandis que celle dont il s’agit dans l’Apocalypse ne se forme qu’après que les mille ans sont écoulés. Je pense qu’ici Gog et Magog sont purement et simplement des expressions symboliques qui ont, il est vrai, leur fondement dans le prophète de Kebar, mais qui en sont entièrement distinctes. La prophétie d’Ézéchiel reçoit son accomplissement lorsque Israël est restauré (voyez chap. 36 ; 37). Gog monte quand le peuple habite dans ses villes sans murailles, et il pense en faire pour cette raison aisément sa proie. Mais l’Éternel intervient : Gog est détruit, et Israël vit et prospère paisiblement dans son pays. Ici (Apoc. 20), ce sont des symboles empruntés aux circonstances de l’Ancien Testament, mais appliqués à des temps bien postérieurs. Le dernier ennemi qu’Israël eut à combattre avant le millénium était le véritable Gog, Gog dans le sens littéral ; la dernière rébellion qui a lieu après lui tire son nom de cet effort bien mémorable des nations extérieures à la Palestine. D’innombrables essaims de peuples venus des quatre coins de la terre, sous la conduite de Satan, répéteront (ce qui ne sera plus jamais répété) ce que le chef russe aura fait avant elles. Ils monteront sur la largeur de la terre, et ils environneront le camp des saints et la ville bien-aimée. Il va sans dire que c’est du peuple et de la ville terrestre qu’il s’agit, car Israël sera alors un corps de saints, un peuple saint, et Jérusalem sera la ville bien-aimée, non pas de nom seulement, mais, en réalité, alors, la ville du grand Roi. Ces nations montèrent et les environnèrent, et Dieu sera forcé, s’il m’est permis de parler de cette manière, de les détruire pour toujours. « Et du feu descendit du ciel de la part de Dieu et les dévora » (v. 9). Le feu est constamment la figure du jugement de Dieu. C’est ainsi qu’ils périssent. Leur chef n’est point atteint par ce jugement : un sort pire lui est réservé. « Et le diable qui les avait séduits fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où aussi sont la Bête et le faux prophète ; et ils seront tourmentés jour et nuit aux siècles des siècles ». Ceux qui le suivaient sont détruits par un jugement divin sur la terre, mais le diable, qui les avait entraînés par ses impostures, est jeté dans l’étang de feu et de soufre.

Mais il y a encore une autre scène — la plus solennelle de beaucoup pour l’homme, et où tout est réellement solennel. « Et je vis un grand trône blanc, et celui qui est assis dessus, de devant la face duquel la terre s’enfuit et le ciel ; et il ne fut point trouvé de lieu pour eux » (v. 11). Remarquez cela. Il est beaucoup de personnes qui supposent que c’est là le temps de la venue du Seigneur, et qui, en conséquence, placent le millénium avant Sa venue. Mais cette opinion ne peut soutenir la lumière de l’Écriture. Sans recourir à des preuves en dehors de ce chapitre, je voudrais prendre une autre voie qui est courte et simple, et à mon avis, parfaitement concluante sur cette question. Quand le Seigneur Jésus vient, Il vient à la terre depuis le ciel. Telle est généralement, autant que je puis le savoir, la foi de tous ceux qui ont sur ce point des pensées précises. Or, ce n’est point ce que nous trouvons ici ; car le Seigneur est assis sur un grand trône blanc, et au lieu de Sa venue du ciel à la terre, c’est la disparition de la terre et du ciel à la fois qui nous est présentée. Impossible qu’il s’agisse de la venue du Seigneur à la terre, car il n’existe plus de terre à laquelle Il puisse venir. Tout le système de la terre et du ciel, tels qu’ils sont maintenant, aura disparu de la scène — aura été, non pas anéanti, mais détruit ; car il y a une grande différence entre ces deux idées. Toutefois, la terre n’est plus trouvée occupant sa place : elle a disparu. Le grand trône blanc n’est dont point en aucune façon sur la terre ; car la terre et le ciel se sont enfuis de devant la face de Celui qui est assis sur le trône, et il ne fut point trouvé de lieu pour eux. Et de peur qu’on ne pensât que leur fuite n’était qu’une simple figure de langage, il est ajouté qu’il ne fut point trouvé de lieu pour eux. Ainsi que c’est annoncé en 2 Pierre 3, ils seront dissous, et leurs éléments se fondront par l’ardeur du feu. Remarquez donc qu’au moment où Christ est vu assis sur le grand trône blanc, la terre et le ciel se sont enfuis. Quelle conséquence devons-nous tirer de cela ? Ou bien que le Seigneur Jésus Christ doit être venu auparavant, ou bien qu’Il ne viendra jamais sur la terre ; car ce ne serait nullement la même chose que de supposer qu’Il viendra seulement sur la terre nouvelle après que tout jugement, même celui des méchants morts, sera passé. Or, nous savons que « le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils »« établi de Dieu juge des vivants et des morts ». La foi générale des chrétiens est qu’Il viendra sur cette terre-ci. Un jour qui est encore futur, Ses pieds se tiendront debout sur la montagne des Oliviers qui est vis-à-vis de Jérusalem du côté de l’orient, et qui, dès ce moment-là, doit être non pas détruite, mais fendue par le milieu en témoignage de cet événement solennel. Toutes ces circonstances ne sauraient s’appliquer à ce que saint Jean nomme les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Lorsque le grand trône blanc apparaît, la terre n’est plus là ; et, par conséquent, il faut que la venue de Christ à la terre ait eu lieu antérieurement à cette dernière scène du jugement. De fait, aussi, nous avons eu déjà la description de la venue du Seigneur dans le chapitre 19, et celle de Son règne dans la première partie du chapitre 20. Ceci donne d’une manière très précise le caractère du grand trône blanc. Rien de plus simple, si vous prenez les choses dans l’ordre dans lequel Dieu les arrange. Mais l’homme est toujours intraitable ; et ainsi il efface la venue de Christ du chapitre 19 où elle est présentée, et l’imagine dans le chapitre 20, 11, où elle n’est point, ni ne saurait être.

Remarquez encore que le jugement du grand trône blanc n’est pas un jugement général, pas plus que la résurrection mentionnée ici n’est une résurrection générale. De fait, l’idée d’une résurrection commune aux justes et aux injustes est pure imagination. Je tiens, que toute âme d’homme, c’est-à-dire, de ceux qui sont morts, doit se trouver dans l’une ou l’autre résurrection. Mais l’Écriture nous montre que la résurrection des justes est une chose entièrement différente de celle des injustes, et a lieu dans une tout autre époque : elles n’ont rien de commun, si ce n’est que, dans les deux cas, l’âme et le corps doivent être réunis pour toujours. Il n’existe pas de passage en faveur d’un relèvement commun à tous. On en allègue pourtant quelques-uns pour fournir une apparence de preuve. Le Seigneur dit en Jean 5, 28 : « L’heure vient en laquelle tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix ; et ils sortiront, ceux qui auront pratiqué le bien, en résurrection de vie ; et ceux qui auront mal fait en résurrection de jugement ». Mais ces paroles ne montrent pas qu’ils ressusciteront dans le même temps. L’heure vient en laquelle l’une et l’autre de ces classes se relèveront ; mais au lieu de dire qu’ils doivent se relever tous dans une résurrection commune, Christ s’attache à faire voir que ceux qui ont pratiqué le bien doivent sortir de leurs sépulcres pour une résurrection de vie, et ceux qui ont mal fait pour une résurrection de jugement. Il y a donc deux résurrections, et non une seule résurrection commune à tous. Le passage même qu’on cite à l’appui d’une résurrection générale, enseigne, de fait, le contraire. L’évangile de saint Jean montre qu’elles sont distinctes l’une de l’autre quant à leur caractère respectif ; son Apocalypse montre qu’elles le sont quant au temps où elles ont lieu.

On dira peut-être que ces paroles : « l’heure vient », impliquent que tous doivent être ressuscités à peu près dans le même temps. Mais le mot « heure » est employé dans l’Écriture (et même partout ailleurs) dans un sens très large. Il pourrait comprendre mille ans, ou plus encore ; de sorte que, si l’une des deux résurrections avait lieu au commencement, et l’autre à la fin du millénium, ce pourrait encore être la même « heure ». « L’heure vient, et elle est maintenant, que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et l’ayant entendue ils vivront » (Jean 5, 25). Cela a trait à l’œuvre qui s’est poursuivie depuis que Christ était sur la terre jusqu’au moment actuel. « L’heure » comprend là près de deux mille ans ; et certainement ce n’est pas trop d’en inférer que dans le verset 28 « l’heure » pourrait embrasser, si c’était nécessaire, une période aussi longue. C’est à l’Écriture qu’il appartient de décider. Le même Jean, qui nous montre le relèvement de toute chair hors de sépulcre, divisé en deux résurrections, en contraste l’une avec l’autre, d’hommes caractérisés par des qualités morales opposées, nous montre avec non moins de clarté et de certitude l’intervalle qui sépare ces deux résurrections. Le chapitre de l’Apocalypse que nous examinons maintenant répond à cette question, et prouve qu’il y aura entre les deux un intervalle de mille ans au moins. Mais ce n’est pas tout. Ces résurrections ne sont pas seulement distinctes l’une de l’autre par le temps où elles ont lieu, il y a encore dans leur nature une différence profonde, fondamentale. L’évangile de Jean déclare que la première est une résurrection de vie, et la seconde une résurrection de jugement. Dans la première sont les justes ; tous ceux qui sont jugés dans la seconde sont les méchants. Nos traducteurs l’appellent la résurrection de « condamnation », quoique le véritable sens du mot soit « jugement ». C’est le même terme qui est employé auparavant dans un verset ou deux (v. 22, 27). « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils… Et lui a donné autorité aussi de juger, parce qu’il est Fils de l’homme ». Et il est nécessaire de se bien mettre dans l’esprit que, si Christ donne Sa vie comme Fils de Dieu, Il vient comme Fils de l’homme pour exécuter le jugement dans Son royaume. Il donne Sa vie pour celui qui croit, et Il exécute le jugement sur l’incrédule. Ainsi, il y a deux résurrections correspondant à ces deux titres. Il y a la résurrection de vie, ou la résurrection du croyant : c’est l’application à son corps de cette puissance de vie qu’il possède déjà dans son âme. Mais ceux qui ont repoussé Christ, que leur est-il réservé ? La résurrection de jugement. Ils ont méprisé Christ maintenant, impossible qu’ils évitent alors la résurrection de jugement.

Revenant à Apocalypse 20, n’est-ce pas ce que nous avons ici ? D’abord nous y avons vu la résurrection de vie, de « ceux qui ont pratiqué le bien ». « Bienheureux et saint celui qui a part à la première résurrection ». Qu’a-t-il été dit à leur sujet ? « Ils vécurent et régnèrent avec le Christ les mille ans ». C’est une résurrection de vie. Mais regardez aux autres, aux méchants, « ceux qui ont mal fait » : « Le reste des morts ne vécut pas jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis ». Qu’avez-vous ici ? « Le reste des morts ne vécut pas jusqu’à ce que », etc. Ils ressuscitent donc. « Et je vis les morts, petits et grands, se tenant devant Dieu ». Il n’y a là que des morts — et de quelle manière différente ils apparaissent devant le trône ! « Et les livres furent ouverts ; et un autre livre fut ouvert, qui est celui de la vie : et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres » (v. 12). Or, je crois pleinement que toutes les œuvres des saints de Dieu seront examinées ; ce qu’ils auront fait dans le corps viendra en évidence. Nous recevrons louange ou blâme selon notre fidélité ou notre infidélité, quand le Seigneur Jésus prendra place sur le siège du jugement, que nous nous tiendrons devant Lui et que nous serons manifestés. C’est saint Paul qui nous dit cela (Rom. 14 ; 2 Cor. 5). Mais dans saint Jean, le but du Saint Esprit est de placer les deux résurrections en contraste l’une avec l’autre. En conséquence, il n’est pas dit un mot, dans le récit de la première résurrection, de notre comparution devant Christ afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, soit bien soit mal ; mais nous y sommes représentés comme jugeant les autres. Telle est la manière dont est décrite la résurrection de vie. « Je vis des trônes ; et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné ». Naturellement, ils rendent compte pour eux-mêmes au Seigneur, et reçoivent en conséquence ; mais le Saint Esprit a Ses raisons parfaitement sages pour ne faire ici aucune allusion à cela. C’est une résurrection de vie dans l’évangile, et c’est aussi une résurrection de vie dans l’Apocalypse. Mais lorsque vous en venez au reste des morts qui n’ont pas pratiqué le bien, quand ils sont ressuscités et qu’ils se tiennent debout devant le trône, c’est tout le contraire d’une résurrection de vie. Ils n’ont fait que le mal, et quand le livre de vie est ouvert, il ne doit s’y trouver aucun nom ; car ce n’est point une résurrection de vie mais une résurrection de jugement. Ils doivent être jugés selon leurs œuvres écrites dans ces autres livres, et leurs œuvres appellent à grands cris le jugement. Leurs œuvres sont toutes et toujours mauvaises ; ils sont jugés d’après elles, et quel est le résultat ? Il pouvait y avoir de la différence entre eux sous plusieurs rapports : il y avait des grands et des petits, mais ils étaient pareils en ceci — ils n’étaient point écrits dans le livre de vie ; et quiconque n’y était pas trouvé écrit, était jeté dans l’étang de feu. Pas un mot touchant ceux qui y étaient écrits. C’est la résurrection de ceux qui n’avaient point de part dans ce livre, et ils sont jetés dans l’étang de feu. C’est comme si Dieu disait : les livres de leurs œuvres appellent le jugement ; n’y a-t-il rien à dire pour la défense de ces misérables ? En conséquence, le livre de vie est ouvert, mais ils ne s’y trouvent point : la dernière espérance s’est évanouie ; « et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre, il était jeté dans l’étang de feu » (v. 15). C’est la résurrection de jugement, il n’y a là ni vie ni miséricorde. Ceux qui avaient eu part à la résurrection de vie, étaient ressuscités longtemps auparavant, et ne viennent jamais en jugement ; il est dit en effet (Jean 5, 24) : « Celui qui entend ma parole, et croit en celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne viendra pas en jugement (le même mot que dans les versets 22, 27, 29), mais il est passé de la mort à la vie ».

Rien de plus certain que cette résurrection est distincte de l’autre, qu’elle est d’un caractère différent, et qu’elle en est séparé par un long intervalle. La résurrection de vie avait eu lieu depuis longtemps, et maintenant arrive la résurrection de jugement. « Et la mer rendit les morts qui étaient en elle ». Les profondeurs que l’homme ne pouvait explorer qu’imparfaitement, ne peuvent plus cacher ceux qui y furent engloutis ; et le monde invisible lui-même, sur lequel il n’exerce aucun contrôle, est aussi forcé de lâcher ses misérables habitants : « Et la mort et le hadès rendirent les morts qui étaient en eux, et ils furent jugés chacun selon ses œuvres » (v. 13). Et leurs œuvres les condamnent. Le livre de vie ne renferme pas un mot à leur sujet, et ils sont jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. Ils sont relevés de leur première mort pour être jetés à toujours dans ce lieu de tourment, d’où il est impossible d’échapper.

L’autre passage de l’Écriture, d’une extrême importance, souvent cité à l’appui d’une résurrection générale, est celui de Daniel. Qu’y trouvons-nous ? Il est écrit chapitre 12, 1 : « Or en ce temps-là Micaël, ce grand chef, qui tient ferme pour les enfants de ton peuple (c’est-à-dire le peuple de Daniel, les Juifs), tiendra ferme ; et ce sera un temps de détresse tel qu’il n’y en a point eu depuis qu’il y a eu des nations jusqu’à ce temps-là ». Évidemment, ce n’est point là le millénium. « Et en ce temps-là, ton peuple, c’est à savoir, quiconque sera trouvé écrit dans le livre, échappera ». Ce n’est pas là non plus le temps où l’Église est délivrée ; car nous avons été délivrés depuis longtemps par la croix du Seigneur Jésus Christ. Mais depuis la croix de Christ, le peuple juif n’a eu en partage que la misère : cette croix était leur crime. N’avaient-ils pas crié : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants » ? Le temps de leur plus grande souffrance doit précéder immédiatement l’heure de leur délivrance (Jér. 30, 7). Notre délivrance, comme la leur, est accomplie au moyen des souffrances d’un autre ; mais ce n’est qu’après que nous sommes délivrés que nous sommes appelés à souffrir. Il en est tout autrement pour les Juifs. Ils ont encore à passer par une effroyable tribulation, la pire de toutes celles qu’ils aient eue jamais à traverser ; mais immédiatement après arrive leur délivrance finale — « En ce temps-là ton peuple échappera », etc. Ils n’échapperont pas seulement en tant que peuple, mais ils seront sauvés et convertis individuellement, selon le dessein de Dieu — « Quiconque sera trouvé écrit dans le livre ». « Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour les opprobres et pour l’infamie éternelle ». Voilà le verset qui a été généralement appliqué à la résurrection ; mais je suis convaincu qu’il ne s’applique point au relèvement du corps. C’est une figure qui, à la vérité, est prise de lui, et qui suppose cette grande vérité connue ; mais c’est la même sorte d’expression, et ayant trait à un sujet et à un but analogues, que celle que j’ai fait remarquer en Ésaïe 26, 19, où Israël était désigné comme « mon corps mort », était invité, comme un habitant de la poussière, à se réveiller et à se réjouir avec chant de triomphe. Il est dit de même ici : « Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre, se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour les opprobres et pour l’infamie éternelle ». Cela ne cadre avec aucun système d’interprétation, s’il faut l’appliquer littéralement à la résurrection corporelle des bons et des méchants dans le même moment. Vous remarquerez que cela se passe avant le millénium. C’est évidemment antérieur au temps de la délivrance et de la bénédiction. Il y a un temps de détresse, immédiatement après lequel le peuple de Daniel est délivré ; et ceux qui auraient pu être oubliés (dormant, pour ainsi dire, parmi les Gentils), apparaissent de nouveau, mais non pas tous pour la même destinée, les uns pour les opprobres, et les autres pour la vie éternelle (comp. aussi És. 66, 20, 24). Cela ne répond point au dessein de ceux qui citent ce passage ; car leur idée est qu’il y a d’abord le millénium, et ensuite la résurrection des bons et des méchants ; tandis que la résurrection dont il s’agit ici, littérale ou figurée, précède le millénium, et est suivie du temps de la plus grande détresse qu’Israël ait jamais connue. Aussi, ma conviction est-elle qu’elle se rapporte aux Juifs. D’abord, au verset 1, ceux qui doivent échapper sont mentionnés en rapport avec la Palestine. Ensuite, il est annoncé que plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre, sortiront de leur dégradation, se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, etc. Parmi ces Juifs qui doivent s’avancer hors de tous les lieux où ils sont comme cachés, ensevelis sur la terre, les uns se montreraient des rebelles, et seraient traités en conséquence ; tandis que les autres apprendront que l’Éternel a opéré en leur faveur pour l’amour de Son nom. Nous pouvons rapprocher cela d’Ézéchiel 37 où les os secs représentent la maison d’Israël. Il ne peut rester aucun doute dans tout esprit sérieux relativement à ce passage, le Seigneur Lui-même l’ayant interprété comme une figure de la résurrection à venir d’Israël. « Mon peuple, voici, je vais ouvrir vos sépulcres, et je vous tirerai hors de vos sépulcres ». Et si en Daniel il est dit que les uns doivent avoir la vie éternelle, Ézéchiel déclare que l’Éternel mettra Son Esprit en eux. C’est une restauration spirituelle, aussi bien qu’une restauration nationale. Le passage de Daniel se rapporte donc à une résurrection figurée d’Israël, où quelques-uns se réveilleront de leur mort morale.

Nous pouvons maintenant revenir à Apocalypse 20 avec une conviction plus affermie que la doctrine d’une résurrection générale est une erreur complète, et que la Parole de Dieu enseigne une résurrection pour les justes et une autre pour les injustes. Celle dont il est question à la fin de notre chapitre, est uniquement la résurrection des méchants morts ; c’est une résurrection de jugement. J’en appelle à vous-mêmes : Pouvez-vous faire reposer sur vos œuvres le salut de vos âmes ? J’admets que nos œuvres seront examinées et que nous recevrons conformément à ce qu’elles auront été ; mais ce n’est point la même chose que d’être jugés selon nos œuvres. Dans le premier cas, la personne est acceptée, mais ses œuvres sont passées en revue pour la louange ou pour le blâme ; dans l’autre, la personne est jugée selon des œuvres complètement mauvaises. En effet, l’homme naturel, l’homme inconverti, n’a pas de vie pour Dieu, il ne peut donc se trouver en lui que de mauvaises œuvres pour lesquelles il doit être jugé. Il n’en est point ainsi du croyant. Sans doute qu’il se trouve en lui des œuvres quelquefois bien mélangées, et même pires quelquefois ; mais il a une position au-delà de toutes ces œuvres, quelque pénibles, quelque tristes qu’elles soient. Il possède la nouvelle nature que Dieu a donnée et qu’Il ne veut pas retirer. Ses œuvres seront examinées, et elles auront une influence très grande sur la position que le Seigneur lui assignera dans Son royaume. Il ne s’agit jamais de récompense, mais uniquement de la grâce et de la puissance de Christ, dans l’affaire du salut ou de la perdition. Quand vous parlez de récompense, c’est une dette à acquitter pour une œuvre faite ; mais l’Écriture ne présente jamais le salut comme une récompense des œuvres. Il est l’œuvre de Christ — le fruit du travail et des souffrances d’un autre, dans la jouissance duquel Dieu nous place par un effet de Son amour souverain. Et lorsque nous nous trouverons devant le tribunal de Christ, ce ne sera point comme si notre comparution devait avoir pour issue l’acquittement ou la condamnation : ce serait nier notre justification et la valeur de Son œuvre propre. Toutes nos voies seront manifestées à la lumière de Dieu, et le Seigneur nous mènera en triomphe à travers elles toutes ; mais Il ne passera pas sur une seule chose qui aura été faite contre Lui. Et de même qu’un chrétien peut aujourd’hui faire devant Dieu l’examen de ses voies, passer condamnation sur elles, et rendre grâces à Dieu pour Sa discipline fidèle, il en sera de même, et d’une manière plus brillante, plus bénie, et plus parfaite encore, devant le tribunal de Christ. Il ne sera pas question alors d’être sauvé seulement, mais de justifier la gloire et la bonté de Dieu. Et certes ce n’est pas là une chose que nous ayons à redouter : c’est ce dont nous aurons à rendre grâces durant toute l’éternité. Après le bonheur d’adorer Dieu et de Le servir fidèlement par grâce, la meilleure chose, même dès à présent, n’est-elle pas, en effet, de nous juger nous-mêmes ? Nous n’aurons pas une parole à dire pour notre défense, mais le Seigneur aura beaucoup à dire en notre faveur. Il manifestera tout ce que nous aurons fait, et nous recevrons en conséquence. Pour les choses mauvaises nous souffrirons une perte, pour les bonnes nous obtiendrons une récompense. Mais ici, quelle différence ! Les morts qui se tiennent debout devant le trône ; ils n’ont pas de vie — rien que des œuvres mortes. Ils n’avaient point Christ, que peuvent donc mériter leurs œuvres ? Ils sont jetés dans l’étang de feu. La mort et le hadès ne sont plus désormais nécessaires ; ils sont personnifiés comme ennemis de Dieu et de l’homme, et comme tels ils sont, dans la vision (v. 14), jetés aussi dans l’étang de feu.

Chapitre 21

La division de ces chapitres eût été plus heureuse, si le chapitre 21, versets 1 à 8, eût fait partie de la série d’événements qui a été donnée au chapitre 20, car c’en est la suite non interrompue. Il y a une terminaison bien marquée de la chaîne, avec le verset 8 de ce chapitre. De là à la fin, y compris même les cinq premiers versets du chapitre 22, nous avons une autre portion dont les détails se lient entre eux. Les huit premiers versets se rattachent à une époque tout à fait différente de celle qui suit. À partir du verset 9 du chapitre 21, vous revenez au millénium ; au lieu que les précédents versets du chapitre sont le récit le plus complet que la Parole de Dieu fournisse sur les nouveaux cieux et la nouvelle terre, dans le sens propre de ces expressions. Les nouveaux cieux et la nouvelle terre sont subséquents au règne de mille ans, ainsi qu’au grand trône blanc, et tout naturellement aussi, à la dissolution des cieux et de la terre qui existent maintenant, lesquels sont encore là quand ce trône est élevé. Puis, lorsque cette rapide description de l’état éternel est terminée, l’Esprit de Dieu ajoute un très important appendice, si l’on veut bien me permettre ce mot, sur l’état des choses durant le millénium, appendice dont les détails n’avaient pas été donnés lorsque cette époque milléniale a été mentionnée dans la succession historique d’Apocalypse 19 ; 20 ; 21, 1-8.

Mais quelques personnes objecteront peut-être à cela, et nous diront : Sur quelle autorité vous fondez-vous pour diviser ainsi les chapitres ? Pourquoi ne pas prendre le chapitre 21 en entier (ainsi que l’ont probablement compris ceux qui ont fait la division) comme s’appliquant à un seul et même temps ? Pourquoi ne pas supposer que ce qui est dit de la nouvelle Jérusalem au verset 10, se rapporte à la même date que ce qui est dit au verset 2 ? La réponse est toute simple. Dans l’état éternel, Dieu est en relation avec les hommes ; toutes les distinctions de temps ont pris fin ; il n’y a alors ni rois, ni nations. Et cette relation, nous la trouvons en exercice dans les huit premiers versets. Prenez, pour exemple, le verset 3 : « Et j’entendis une grande voix du ciel, disant : Voici, l’habitation de Dieu est avec les hommes, et il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu ». Tandis que si nous jetons un coup d’œil sur la dernière partie du chapitre, nous voyons qu’il s’agit encore là de nations et de rois terrestres. « Et les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre lui apporteront leur gloire » etc. Lorsque commencera l’éternité, Dieu aura fini d’en agir avec les choses qui sont selon l’ordre du monde — comme les rois, les nations, ou autres semblables arrangements pris par Sa providence en vue du temps. Tout cela implique le gouvernement, et le gouvernement suppose un mal qui demande à être réprimé. Conséquemment, ce n’est pas l’état éternel que nous avons dans la dernière partie de notre chapitre, mais un état de choses antérieur, les premiers versets (1 à 5) du chapitre 22 étant la suite de cette description. Il y est fait mention d’un arbre : « et les feuilles de l’arbre sont pour la guérison des nations ». Ce qui signifie qu’au temps dont parle le verset, il n’y a pas seulement des nations, mais des nations qui ne sont pas relevées du besoin de guérison ; et Dieu pourvoit à ce que leur condition réclame. Voilà ce qui doit convaincre tout esprit non prévenu que l’Esprit de Dieu, au chapitre 22, ne fait pas allusion à ce qui suit le dernier jugement, alors que tout ce qui tient au monde aura entièrement pris fin, mais qu’Il revient à un état préalable dans lequel Dieu gouverne encore. Il est à remarquer aussi que, dans la partie relative au millénium (c’est-à-dire à partir du verset 9 du chapitre 21), nous avons des noms d’économies, tels que le nom de Seigneur Dieu Tout-puissant, et celui d’Agneau ; il n’en est pas ainsi dans le chapitre 21, 1 à 8, passage qui nous dévoile l’éternité, où Dieu sera tout en tous.

Mais une remarque qui peut aider à convaincre de la vérité de ma manière d’envisager ce passage, c’est que, dans ce livre, les tableaux rétrospectifs sont habituels à l’auteur inspiré. Je dis cela pour montrer qu’en cherchant à établir mon opinion quant à l’ordre selon lequel je conçois que ces événements sont arrangés, je ne soutiens pas du tout un fait qui serait sans précédents. Prenez, par exemple, le chapitre 14. Là, nous avons vu une septuple série bien régulière d’événements, dans le cours desquels la chute de Babylone occupe la troisième place. Après ce jugement vient celui des adorateurs de la Bête ; ensuite, le Saint Esprit déclare bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur, puis, la venue du Seigneur en jugement, présentée de deux manières : 1° comme faisant la moisson ; 2° comme foulant la cuve — la moisson figurant un jugement où il se fait une distinction ; la vendange, un jugement de pure vengeance. Là, Babylone a sa place très clairement assignée. Mais longtemps après, dans la prophétie, lorsque l’Esprit de Dieu nous a donné les sept coupes de la colère de Dieu, Babylone apparaît de nouveau. La chute de Babylone a lieu sous la septième coupe. Et cela est important ; car alors le Saint Esprit revient en arrière pour décrire le caractère et la conduite par lesquels Babylone s’était justement attirée une si terrible visitation de la main de Dieu. Dans ce cas, le Saint Esprit, au chapitre 14, nous a conduits jusqu’à des événements subséquents à la chute de Babylone, et même jusqu’à la venue du Seigneur en jugement ; puis, Il revient en arrière pour nous exposer des détails concernant Babylone et son association avec la Bête et les rois de la terre, etc.

Or, il me semble que cela est parfaitement analogue à l’ordre des événements du chapitre 21. Il y a une analogie frappante dans la manière dont Babylone et la Jérusalem céleste sont introduites ; et, bien que, sans doute, il existe entre les deux choses en elles-mêmes le contraste le plus fort et le plus accentué, il est cependant assez manifeste, selon moi, que le Saint Esprit les avait l’une et l’autre à la fois dans Sa pensée. Ainsi, en Apocalypse 17, 1, il est dit : « Et l’un des sept anges qui avaient les sept coupes, vint et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux ». Telle est la déclaration, à l’endroit où la vision revient en arrière pour donner la description de Babylone et de sa sentence. C’est exactement de la même manière que nous sommes introduits dans la contrepartie de cette vision au chapitre 21, lequel nous reporte en arrière à l’épouse, la femme de l’Agneau. « Et un des sept anges qui avaient les sept coupes qui avaient été pleines des sept dernières plaies, vint et me parla, disant : Viens, je te montrerai l’épouse de l’Agneau, la femme ». De même que Babylone avait eu sa place précise dans la série historique des événements, et que cette série ayant été complètement déroulée, le Saint Esprit s’était arrêté pour mettre à découvert, d’une façon rétrospective et en plein, ces voies morales qui avaient, pour ainsi dire, forcé Dieu à la juger — de la même manière exactement, l’épouse de l’Agneau, la nouvelle Jérusalem avait été vue sous ces deux caractères dans l’esquisse finale de l’histoire jusqu’à la fin. Et maintenant, le Saint Esprit revient en arrière, décrivant la même nouvelle Jérusalem dans son rapport avec le règne millénial et les rois et nations qui seront alors sur la terre. Nous avons vu, chapitre 19, 7, que l’épouse, la femme de l’Agneau, s’était préparée. Au chapitre 21, 2, il est parlé de la nouvelle Jérusalem comme descendant du ciel d’auprès de Dieu, encore fraîche de la beauté de ses épousailles après que plus de mille ans ont passé. Mais maintenant, au chapitre 21, 9, ressort le très important fait que l’épouse, la femme de l’Agneau, est la ville, la sainte Jérusalem. « Et un des sept anges… vint et me parla, disant : Viens, je te montrerai l’épouse de l’Agneau, la femme. Et il m’emporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra (non pas comme au Texte Reçu, la grande cité, mais) la ville, la sainte Jérusalem, descendant du ciel d’auprès de Dieu ». Jean était appelé pour voir l’épouse, et, regardant, il vit la Jérusalem céleste. Ainsi, si nous avons eu au chapitre 19 l’épouse dans sa relation avec l’Agneau, et ensuite comme la sainte ville, la nouvelle Jérusalem, dans sa relation avec l’état éternel, les versets 9 et suivants de ce chapitre (21) nous montrent que pendant l’intervalle qui s’écoule entre les noces de l’Agneau et les nouveaux cieux et la nouvelle terre de l’état éternel, l’épouse occupe une place extrêmement bénie aux yeux de Dieu et des hommes. C’est la manifestation milléniale de l’Église.

Ces quelques remarques préliminaires pourront frayer la voie, et prouver que je n’avance rien qui ne puisse être démontré, en prenant les huit premiers versets comme la suite propre des événements trouvés dans les chapitres 19 et 20, et le restant de ce chapitre, à partir du verset 9, comme une description rétrospective de l’état millénial. Il y a évidemment les raisons les plus fortes en faveur de cette interprétation, et il me semble véritablement que toute autre est hors de question, si l’on tient dûment compte du contexte. Impossible qu’une personne instruite et non prévenue, qui considère attentivement les circonstances ici décrites, puisse supposer que ce qui suit le verset 9 se lie chronologiquement avec la section qui précède immédiatement. Ce sont, comme nous l’avons déjà remarqué, deux états de choses inconciliables.

Qu’est-ce que le Saint Esprit fait voir à l’apôtre, après le jugement dernier et la disparition des cieux anciens et de l’ancienne terre ? « Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés, et la mer n’est plus ». Il ne faut pas donner à ces mots simplement une portée préparatoire et morale. Le prophète Ésaïe avait parlé dans ce sens. En Ésaïe 65, de nouveaux cieux et une nouvelle terre sont annoncés ; mais de quelle manière différente ! Là, il faut, en effet, prendre le langage dans un sens figuré. « Car, voici (v. 17), je m’en vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre ; et on ne se souviendra plus des choses précédentes, et elles ne reviendront plus au cœur. Mais plutôt vous vous réjouirez, et vous vous égaierez à jamais en ce que je vais créer : car, voici, je vais créer Jérusalem pour n’être que joie, et son peuple pour n’être qu’allégresse. Je m’égaierai donc sur Jérusalem, et je me réjouirai sur mon peuple, et on n’y entendra plus de voix de pleurs, ni de voix de clameurs. Il n’y aura plus désormais aucun enfant né depuis peu de jours, ni aucun vieillard qui n’accomplisse ses jours ; car celui qui mourra âgé de cent ans sera encore jeune, mais le pécheur, âgé de cent ans, sera maudit ». Voilà, évidemment, un très brillant changement, mais c’est un état terrestre. Il y a des enfants et des vieillards ; et bien que la description établisse à dessein un contraste entre les choses d’alors et toutes celles que le monde a vues jusqu’ici, il s’agit cependant d’un état de bénédiction qui se rattache au temps : ce n’est pas l’éternité. L’apôtre Jean nous montre, dans l’Apocalypse, un nouveau ciel et une nouvelle terre, non dans un sens relatif, mais dans le sens le plus absolu. Dans l’Ancien Testament, les nouveaux cieux et la nouvelle terre ont une limite, parce qu’ils se rattachent à Israël sur la terre. C’est ainsi qu’il est dit du Seigneur qu’Il « régnera sur la maison de Jacob à toujours et qu’il n’y aura pas de fin à son royaume ». Cela est une espérance propre à l’Ancien Testament, quoique l’expression en soit trouvée dans le Nouveau, et le passage signifie naturellement que le Seigneur régnera sur la maison de Jacob aussi longtemps qu’elle existera comme telle sur la terre. Lorsque la terre disparaîtra et qu’Israël cessera d’être une nation, il sera, sans nul doute, béni d’une autre et meilleure manière ; mais il n’y aura pas alors de règne de Christ sur lui comme peuple terrestre ici-bas ; de sorte que ce royaume, quand même il n’a pas de fin aussi longtemps que la terre subsiste, doit nécessairement être limité à la durée de la terre. C’est ainsi que je comprends les nouveaux cieux et la nouvelle terre dont il est parlé en Ésaïe. Le Nouveau Testament emploie cette expression dans une acception pleine et absolue, comme signifiant un état sans fin ; mais dans l’Ancien Testament, elle se lie aux relations terrestres dont le Saint Esprit parlait alors. Ce qui rend la chose encore plus claire, c’est que le verset suivant (És. 65, 21) continue et dit : « Même ils bâtiront des maisons et y habiteront ; ils planteront des vignes et ils en mangeront les fruits. Ils ne bâtiront pas des maisons afin qu’un autre y habite… mes élus jouiront longtemps du travail de leurs mains. Ils ne travailleront plus en vain et n’engendreront plus pour être dans l’anxiété ; car ils sont la postérité des bénis de l’Éternel » etc. (vers. angl.). Or, cela est très réjouissant. Et encore : « Le loup et l’agneau paîtront ensemble… On ne nuira point et on ne fera aucun dommage dans toute la montagne de ma sainteté, a dit l’Éternel ». Si beau et si brillant que soit ce tableau de ce que le Seigneur peut accomplir, il est cependant en rapport avec la terre et un peuple terrestre. Ce n’est pas un état éternel, mais un jour excessivement glorieux, dans lequel la mort sera l’exception, et la vie la règle. Je dis que la mort sera ainsi rare, au moins dans la Terre sainte, à cause de ce verset : « Celui qui mourra âgé de cent ans sera encore jeune ; mais le pécheur, âgé de cent ans, sera maudit ». Ce qui signifie que si quelqu’un meurt à l’âge de cent ans, il sera encore, comparativement, un enfant ; et que si même la mort survient à cet âge, c’est seulement comme résultat d’une malédiction expresse de la part de Dieu. C’est ainsi qu’il en sera durant le millénium ; et c’est la réponse à une question fréquemment adressée : Que deviendront les justes pendant ce merveilleux règne ? Si la première résurrection a déjà eu lieu alors, et que dans la seconde il n’y ait que les méchants, que les morts, qui ressuscitent, quelle peut être la destinée de ces justes qui vivent au temps du millénium ? La vérité est qu’il n’y a pas de preuve dans l’Écriture que des justes meurent dans le cours des mille ans. Ce qui est dit implique le contraire. Si donc il n’en meurt pas dans le cours du millénium, il n’y en a pas à ressusciter à sa fin. En conséquence, la résurrection de la fin ne demeure que pour les méchants, pour les morts seulement. Les justes seront ressuscités avant le millénium, les méchants après. Les justes qui vivent pendant le règne de Christ ne sont pas du tout appelés à mourir, pour autant que l’Écriture nous renseigne à leur sujet. Nous pouvons être sûrs que ces saints du millénium seront changés en la ressemblance de Christ. Ils seront transportés dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Nous ne sommes pas appelés à conjecturer sur la manière dont ces faits s’accompliront. Il nous suffit de savoir que, quoique ils ne soient pas présentés comme passant par la mort durant le millénium, et que, par conséquent, ils n’aient pas besoin d’être ressuscités, cependant, lorsque la nouvelle terre apparaît, des hommes sont trouvés en elle, et bien distingués de la nouvelle Jérusalem, qui est le symbole des saints célestes glorifiés. Je crois que le verset 3 garantit ce que j’avance. « Voici l’habitation de Dieu (ou la cité qui descend) est avec les hommes », etc.

Une autre preuve qu’Ésaïe ne parle pas de l’état éternel ici décrit, est celle-ci : Quand les nouveaux cieux et la nouvelle terre sont vus par le prophète du Nouveau Testament, il est rapporté que les premiers s’en sont allés et que la mer n’est plus. Or, il n’en est pas ainsi dans la prophétie d’Ésaïe. Là, c’est plutôt l’esprit ou le gage des nouveaux, qui venait dans les anciens — l’ombre de ce qui devait arriver, et non l’image même ou l’accomplissement des choses. Prophétiquement ils sont dits être « nouveaux », à cause de la grande joie et de la bénédiction que Dieu accordera à Son peuple d’Israël et à leur pays. Dans l’Apocalypse, « la mer n’est plus ». Dans l’Ancien Testament, au contraire, « l’abondance de la mer (est-il écrit) se sera tournée vers toi… Car les îles s’attendront à moi, et les navires de Tarsis les premiers » (És. 60). Il n’y a pas de raison de douter que ce chapitre parle du même temps que le chapitre 65. « Car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s’est levée sur toi ». Ce passage, ainsi que plusieurs autres, prouve qu’il doit encore y avoir la mer au temps dont parle Ésaïe : les îles et les navires l’impliquent nécessairement, et « les îles éloignées » sont introduites entre les deux déclarations concernant les nouveaux cieux et la nouvelle terre en Ésaïe 65 et 66.

Ici, dans l’Apocalypse, ce n’est pas seulement la dispensation actuelle, mais le ciel et la terre d’à présent qui s’en sont allés, et ont fait place à « toutes choses faites nouvelles ». Sans doute, le nouveau ciel et la nouvelle terre seront formés du premier ciel et de la première terre. Tout comme le corps de résurrection sera formé du corps d’humiliation actuel par la puissance de Dieu, ainsi la terre et les cieux actuels sont destinés à une transformation de même nature. Après leur dissolution, ils reparaîtront dans la forme du nouveau ciel et de la nouvelle terre. « Plus de mer » serait chose impossible sans un miracle, aussi longtemps que la vie, dans sa condition présente, doit être maintenue. Mon lecteur sait que la mer est absolument nécessaire pour animer la nature telle qu’elle est ; sans elle, l’homme ne pourrait pas exister. Et tout le règne animal et même le règne végétal, sans parler du vaste monde des eaux, ne le pourraient pas davantage. Mais lorsque le temps aura pris fin, lorsque aura cessé la vie naturelle qui est soutenue par Dieu — lorsque le millénium aura achevé de rendre le plus éclatant témoignage à ce fruit aussi bien qu’à tous les autres fruits de Sa sagesse, de Sa bonté et de Sa puissance — alors suivra un état de choses entièrement nouveau, un état de chose parfait et éternel. Il y aura de nouveaux cieux et une nouvelle terre, car les premiers cieux et la première terre auront passé et la mer ne sera plus.

Mais cela n’est pas tout. Dans ce tabernacle et cet ordre de choses que Dieu aura formés, distingués d’une manière si remarquable de tout ce qui aura existé auparavant et même de ce qui accompagne le règne de Son propre Messie, Jean voit « la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, descendant du ciel d’auprès de Dieu, préparée comme une épouse ornée pour son mari. Et j’entendis une grande voix du ciel, disant : Voici, l’habitation de Dieu est avec les hommes, et il habitera avec eux ; et ils seront Son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu » (v. 2, 3). À mon sens, la nouvelle Jérusalem est le tabernacle de Dieu. C’est là que, d’une manière toute particulière, Dieu habite. Et ce tabernacle de Dieu descend du ciel pour être avec les hommes. Les saints célestes composent le tabernacle de Dieu, tandis que ceux qui sont vus dans la nouvelle terre sont simplement nommés « les hommes ». Ils ne sont plus désormais Juifs et Gentils, comme dans le millénium ; cette différence aura passé avec « les premières (ou vieilles) choses ». C’en sera fait de toute distinction qui aura été en rapport avec le temps. Lorsqu’un saint est ressuscité ou changé, il cesse d’être Juif ou Grec : il est un homme, toutefois portant l’image du céleste. De même ici, Dieu a affaire avec les hommes : « et il habitera avec eux et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu ». Au lieu de la contempler à distance, Dieu ne viendra pas seulement visiter la scène que Sa main aura formée pour les hommes, comme c’était autrefois le cas au jardin d’Éden, mais Il habitera éternellement au milieu d’eux. « Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car les premières choses sont passées » (v. 4). Il n’y a pas de doute que les figures employées pour décrire cet état de choses sont tirées d’Ésaïe — figures que l’Esprit de Dieu avait primitivement appliquées à la bénédiction milléniale. Ésaïe prédit une condition glorieuse mais terrestre, que Dieu amènera à réalisation en faveur des justes durant le millénium. En ce temps-là, la bénédiction sera la règle ; la douleur, l’exception. Le Saint Esprit reprend maintenant des termes semblables, mais avec des différences frappantes, et les applique dans un sens infiniment plus profond et qui réellement ne peut pas se qualifier.

Et si nous considérons un moment 2 Pierre 3, nous y trouverons, je crois, un lien entre Ésaïe et l’Apocalypse. Il est écrit en 2 Pierre 3, 10 : « Or, le jour du Seigneur viendra comme un larron dans la nuit, et dans ce jour-là les cieux passeront avec un bruit sifflant, et les éléments étant embrasés, seront dissous, et la terre et les œuvres qui sont en elle, seront brûlées entièrement… Les cieux étant en feu, seront dissous, et les éléments embrasés se fondront ». Or, il me paraît bien clair que c’est là ce qui a lieu à l’époque du grand trône blanc. Car du moment que le Seigneur prend place sur ce trône, la terre et le ciel s’enfuient de devant Sa face, et il n’est plus trouvé de lieu pour eux. Cela forme une partie du « jour du Seigneur », jour qui comprend tout l’intervalle depuis le moment où le Seigneur intervient pour juger le monde, entrer dans Sa grande puissance et dans Son règne, jusqu’au moment où Il remettra le royaume, après le millénium et l’exécution des jugements qui le doivent suivre[47]. « Puis donc que toutes ces choses doivent se dissoudre, quelles gens devriez-vous être en sainte conduite et piété ; attendant et hâtant la venue du jour de Dieu, dans lequel les cieux étant en feu, seront dissous, et les éléments embrasés se fondront. Mais nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dans lesquels la justice habite ».

Or, c’est là l’état de choses décrit, avec des détails plus complets quant au temps, etc., par l’apôtre Jean. Le nouveau ciel et la nouvelle terre, c’est ce que nous trouvons au commencement du chapitre 21 ; ce sont les nouveaux cieux et la nouvelle terre « dans lesquels la justice habite ». La justice est là chez elle parce que Dieu y habite, et la chose ne peut être ainsi rapportée que parce que la justice est le trait dominant. Il est clair que le Saint Esprit, dans Pierre, fait allusion au passage d’Ésaïe, ainsi qu’il est dit : « Nous attendons, selon sa promesse » ; mais encore lui donne-t-Il une signification plus étendue et plus profonde. Et Jean, le dernier des écrivains du Nouveau Testament, reprend la même pensée et met chaque détail à sa place. Il nous montre que si le millénium peut présenter un accomplissement partiel de ces expressions, ce n’est qu’après le millénium que leur pleine force ressortira, alors que toutes choses étant conformes à la pensée et au conseil divins, Dieu se reposera, et que les hommes — non pas seulement Israël mais des hommes rachetés et glorifiés — seront Son peuple et qu’Il sera leur Dieu.

Mais il faut encore que je cite un autre passage pour rapprocher les uns des autres les passages divers qui traitent de l’état éternel. En 1 Corinthiens 15, 23, nous lisons que chacun doit ressusciter en son propre rang : « Christ, les prémices (Lui qui est déjà ressuscité) ; puis ceux qui sont de Christ, à sa venue ; ensuite, la fin, quand il remettra (c’est ainsi qu’on doit lire) le royaume à Dieu le Père, quand il aura aboli toute principauté, et toute autorité, et toute puissance ». Voilà la tâche que Christ remplira pendant le millénium : Il abolira toute domination contraire, s’assujettissant à Lui-même tous les adversaires, et toutes choses à la gloire de Dieu le Père, car c’est là le but suprême de Son exaltation, ainsi que nous le voyons en Philippiens 2. « Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. L’ennemi qui sera détruit le dernier, c’est la mort ». Cela est en parfaite harmonie avec Apocalypse 20 ; 21, où nous avons d’abord le règne de Christ, puis la mort détruite, et ensuite le nouveau ciel et la nouvelle terre, ou le temps auquel, en 1 Corinthiens 15, 24, Christ est dit remettre le royaume à Dieu le Père. Non pas que Christ cesse de régner dans un sens divin ; mais le règne spécial de Christ, comme homme, finira — c’est-à-dire Son acte de régner pendant une période donnée sur un peuple terrestre et sur le monde en général, règne auquel les saints célestes dans la gloire auront part avec Lui. Un tel acte aura un terme. À la fin, tous les justes se trouveront dans un état de résurrection ou de changement ; tous les méchants, les morts, seront jetés dans l’étang de feu, et alors le royaume finira. Sa remise à Dieu le Père ne touche en aucune manière à la gloire personnelle du Seigneur Jésus. Le royaume que Christ possède pendant le millénium, n’est pas ce qu’Il a comme Dieu, mais comme homme ressuscité — comme Celui qui a été humilié, mais ensuite exalté. Ce royaume, Il le remet à Dieu le Père (Lui-même aussi comme homme prenant une place de sujétion dans la gloire, ainsi qu’autrefois sur la terre Il le fit dans la grâce), afin que Dieu — Père, Fils et Saint Esprit — soit tout en tous ; c’est-à-dire, Dieu, comme tel, occupant une place de suprématie dans toute l’éternité. Mais, bien que le règne médiatorial de Christ doive avoir un terme, il n’en est pas ainsi du règne divin ; c’est pourquoi nous, qui sommes participants de la nature divine, nous sommes dits régner aux siècles des siècles (Apoc. 22). C’est ainsi qu’en Romains 5, il est écrit : « Nous régnerons en vie par un seul, Jésus Christ ». Il est évident que le fait de notre participation à la nature divine n’affecte en rien la gloire incommunicable de la divinité. Mais il demeure vrai que nous avons une vie éternelle, et que son caractère d’être sans fin découle du fait qu’elle nous est donnée par Celui qui, bien que véritablement homme, est une personne divine, par Celui qui est le vivant, et qui a été mort, et voici, qui est vivant aux siècles des siècles… L’expression : « régneront en vie par un seul, Jésus Christ », indique un règne qui n’est pas plus limité par rapport au temps, que par rapport à la sphère.

Vous remarquerez que, dans cette dernière partie de l’Apocalypse, c’est Dieu qui est l’objet prééminent, en parfaite harmonie avec ce que nous avons vu en 1 Corinthiens 15, 28. « Et celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il me dit : Écris, car ces paroles sont certaines et véritables » (v. 5). Celui qui parle est Celui qui est assis sur le trône. Vous ne voyez pas qu’il soit fait mention de l’Agneau. C’est, dans le sens le plus complet possible, la gloire de Dieu que nous avons ici. « Et il me dit : C’est fait : Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin ». Sans doute, Christ est aussi l’alpha et l’oméga, ainsi que nous le voyons au chapitre 22, 13 ; mais ici ce n’est pas le Seigneur comme tel qui agit et parle, c’est Dieu. « À celui qui aura soif, je donnerai, moi, gratuitement, de l’eau de la fontaine de la vie. Celui qui vaincra héritera de toutes choses, et je lui serai Dieu et il me sera fils » (v. 6, 7). Rien ne saurait être plus clair que ceci, à savoir, que c’est Dieu comme tel qui parle d’un bout à l’autre du passage. « Mais quant aux timides, et aux incrédules, et à ceux qui se sont souillés avec des abominations, et aux meurtriers, et aux fornicateurs, et aux empoisonneurs et aux idolâtres et à tous les menteurs, leur part sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre, qui est la seconde mort » (v. 8). Parole d’avertissement terrible au plus haut degré, surtout dans la forme où elle est employée ici. Considérez-en bien la force. C’est alors que Dieu sera tout en tous — Dieu qui est amour. Mais Il n’est pas amour seulement : cela est une pensée fausse, infidèle ; Il est lumière aussi bien qu’amour. Il appartient à Dieu autant de se révéler en sainteté, que de se révéler en grâce ; c’est la même portion de la Parole, qui nous enseigne l’une et l’autre de ces vérités. Et ici nous en avons la preuve finale. En amour, Il descend pour habiter avec Son peuple. Son peuple, ce peuvent être des hommes, mais ce sont des hommes qui ne connaissent plus la faiblesse, ni la souffrance, car Dieu Lui-même a essuyé toutes larmes de leurs yeux. Mais Il est lumière ; et c’est pour cela qu’en présence des choses faites nouvelles, des choses où la justice habite en paix, où il n’y a plus aucun mal ou péché, mais une séparation complète du mal à jamais par la puissance de Dieu ; c’est pour cela, dis-je, qu’alors précisément la part des méchants est dans l’étang brûlant de feu et de soufre. Remarquez bien que ceci est l’état éternel. Souvenez-vous que c’est pour l’état éternel qu’est prononcé le jugement, la condamnation sans fin de ceux qui auront rejeté Christ, pris position sur leur misérable moi. Telle est la sentence, rendue de la part de Dieu Lui-même. Leur part est dans la seconde mort, où leur ver ne meurt point, et où le feu ne s’éteint point, comme le Seigneur Jésus l’exprime d’une manière si touchante. Il n’est pas de déclaration plus solennelle que celle d’Apocalypse 21, 8, non seulement à cause de son caractère, mais à cause de la place qu’elle occupe. Lorsque Dieu prendra Son repos dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre — lorsque Dieu descendra pour habiter avec les hommes, parce qu’il n’y aura plus de mal pour empêcher qu’Il demeure avec eux — c’est alors que se présente l’effroyable scène du tourment sans espoir et sans fin qui attend le mal. Voilà ce que Dieu nous enseigne dans le tableau qu’Il trace de l’état éternel. Il n’y a pas seulement le côté glorieux, mais il y a une place pour l’étang de feu, au sujet duquel, en outre, il n’est jamais donné à entendre qu’il aura une fin.

Mais maintenant, après nous avoir conduits jusqu’à « la fin », dans le sens le plus absolu du mot, le Saint Esprit nous ramène en arrière. Nous avons vu, au moment où commence cet état éternel, la nouvelle Jérusalem descendant du ciel d’auprès de Dieu, préparée comme une épouse ornée pour son mari. Mais quelle est sa relation avec la terre milléniale ? Si nous n’avions que les révélations antérieures, nous ne pourrions pas répondre à cette question d’une manière positive. L’épouse, la femme de l’Agneau, a trouvé dans le ciel la consommation de sa joie ; ensuite, comme la nouvelle Jérusalem après le millénium, elle entre en sa place par rapport aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre ; mais quelle est sa relation vis-à-vis de ceux qui seront ici-bas pendant le millénium ? Cette question devient maintenant bien claire. « Et un des sept anges qui avaient eu… et me parla, disant : Viens, je te montrerai l’épouse de l’Agneau, la femme. Et il m’emporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la ville, la sainte Jérusalem, descendant du ciel, d’auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu ; et son luminaire était semblable à une pierre très précieuse, comme à une pierre de jaspe cristallin ». Il me semble que le récit qui assimile le brillant luminaire de la ville à une pierre de jaspe, est en rapport très intime avec ce qui vient d’être dit d’elle comme ayant « la gloire de Dieu » ; car lorsque Dieu Lui-même est vu sur le trône, au chapitre 4, Il apparaît semblable à une pierre de jaspe et de sardius. Ici, la nouvelle Jérusalem a la gloire de Dieu, et son luminaire est semblable à une pierre de jaspe. Mais ce n’est pas tout. « Elle avait une grande et haute muraille », et après cela il nous est dit, au verset 18, que « sa muraille était bâtie de jaspe ». De sorte qu’il est évident que cette pierre est, d’une manière spéciale, celle qui sert à décrire la gloire de Dieu, pour autant qu’elle peut être contemplée par la créature — non pas cette gloire de Dieu qu’il est impossible à la créature de contempler, car Dieu possède une gloire inaccessible. — Mais il est aussi de Son bon plaisir de déployer une gloire à Lui, appropriée à la capacité de la créature ; et la pierre précieuse employée dans le livre de l’Apocalypse comme figure de cette gloire, c’est le jaspe.

De plus, il nous est rapporté que la ville avait « douze portes, et aux portes, douze anges, et des noms écrits sur elles, qui sont ceux des douze tribus des fils d’Israël ». Il est particulièrement fait mention du nombre « douze » dans tout le récit qui est donné au sujet de la nouvelle Jérusalem. Il est dit immédiatement auparavant que la ville a la gloire de Dieu, dans l’espérance de laquelle nous nous glorifions (Rom. 5, 2). Ici, nous voyons que cette espérance dans l’attente de laquelle nous sommes et dans laquelle nous nous glorifions, est devenue jouissance. Mais il plaît à Dieu de se souvenir que c’est un peuple sur la terre qui est l’objet de Ses voies, et la nouvelle Jérusalem a une relation toute particulière avec les hommes pendant la durée du millénium. En conséquence, il y a douze portes, avec les noms des douze tribus d’Israël écrits sur elles. Aux portes se tiennent douze anges, montrant leur subordination. Dans ce jour de gloire, les anges sont heureux d’être établis portiers aux portes de la céleste ville ; heureux, s’il ne leur est pas donné d’entrer, d’avoir leur charge et leur fonction en dehors. « Car ce n’est point aux anges qu’il a assujetti le monde habitable à venir duquel nous parlons » (Héb. 2). « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ?… Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? » (1 Cor. 6).

« Et la muraille de la ville avait douze fondements, et sur eux, les douze noms des douze apôtres de l’Agneau » (v. 14). Éphésiens 2, 20 nous donne, je crois, la force de ce symbole, « Ainsi donc, vous n’êtes plus étrangers, ni forains, mais concitoyens des saints… ayant été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus Christ lui-même étant la maîtresse pierre du coin ». Sans doute, tout l’édifice croît pour être un temple saint dans le Seigneur. Mais nous sommes édifiés sur « le fondement des apôtres et prophètes » — soit, les apôtres et prophètes du Nouveau Testament. S’il se fût agi des prophètes de l’Ancien Testament, ils auraient naturellement été nommés avant les apôtres, afin d’éviter toute confusion ; mais l’expression, telle qu’elle se présente, semble construite à dessein pour prévenir une pareille erreur. Les prophètes de l’Ancien Testament complétaient la loi, outre qu’ils rendaient témoignage des choses futures, des jugements, de la nouvelle alliance, etc. La loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean, ainsi qu’il est écrit (voyez aussi Matt. 5, 17). Leur autorité ne saurait jamais être détruite. Mais lorsque le Messie fut rejeté par Israël et que la rédemption fut accomplie sur la croix, un fondement nouveau fut posé pour une nouvelle œuvre de Dieu, œuvre entièrement distincte de ce que la loi, ou les prophètes, ou même Jean-Baptiste, avaient en perspective. C’est le fondement des apôtres et prophètes du Nouveau Testament, et c’est sur ce fondement que la nouvelle Jérusalem est édifiée. Maintenant, Dieu a donné à connaître toute Sa pensée comme fondement de la vérité. Dans les temps de l’Ancien Testament, il y avait certaines choses encore réservées. Voyez le Deutéronome. « Les choses cachées, y dit Moïse, sont pour l’Éternel, notre Dieu ; mais les choses révélées sont pour nous et pour nos enfants à jamais, afin que nous fassions toutes les paroles de cette loi » (chap. 29, 29). Ici, les choses révélées sont rattachées à la loi et ses conséquences, dans le but d’insister sur l’obéissance. Mais les choses secrètes, qui alors appartenaient à Dieu, sont maintenant elles-mêmes révélées — les réponses de la grâce alors que tout était ruine sous la loi. Et c’est là-dessus que l’apôtre Paul insiste si fortement, là où il nous déclare de quelle manière Dieu, par révélation, lui a fait connaître le mystère ou secret : « D’où vous pouvez comprendre, en le lisant, quelle est mon intelligence dans le mystère du Christ, lequel n’a pas été donné à connaître aux fils des hommes dans d’autres générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit à ses saints apôtres et prophètes ». Pareillement aussi en Colossiens 1, 26. Le Saint Esprit a manifesté ce qui a été tenu secret dans les temps anciens. Le mystère a été révélé. Il semble que ce soit cette pleine révélation de la vérité qui est appelée le fondement des apôtres et prophètes, fondement sur lequel l’Église est édifiée. C’est pourquoi il est dit en 1 Timothée 3, 15, que l’Église est « la colonne et le soutien de la vérité ». La vérité est venue, et Dieu n’a en quelque sorte plus de secrets maintenant. Tout ce qu’Il a trouvé bon de révéler, tout ce qui a pu être de quelque service à la créature, tout ce qui a pu glorifier Son propre Fils, Dieu l’a manifesté, de manière qu’en ce sens comme en tout autre il peut être dit que « les ténèbres s’en vont et la vraie lumière luit maintenant ». Ainsi donc, c’est sur ce vaste et profond fondement, sur lequel sont déployés non seulement les dispensations de Dieu envers des individus ou envers un peuple, non seulement Ses promesses et Son gouvernement, mais sur lequel tout ce que Dieu peut donner à connaître de Lui-même à la créature, a été révélé en Son Fils, c’est dis-je, sur ce fondement que l’Église est édifiée. Et c’est là ce qui a été maintenant manifesté à Ses saints, savoir, ce qui était caché, mais qui a été maintenant révélé. « La muraille de la ville avait douze fondements, et sur eux, les douze noms des douze apôtres de l’Agneau ». Les apôtres étaient les instruments de cette révélation.

« Et celui qui me parlait avait un roseau d’or, pour mesurer la ville et ses portes et ses murailles. Et la ville était bâtie en carré, et sa longueur était aussi grande que sa largeur… et sa longueur, et sa largeur et sa hauteur étaient égales » (v. 15, 16). Cette image démontre la perfection de la ville, « dont Dieu est l’architecte et le créateur ». Je ne veux pas dire que l’on doive prendre cette description comme s’appliquant à une ville dans le sens littéral du mot. Dans mon appréciation, ce tableau est purement symbolique, exprimant certaines relations dans lesquelles se trouve placée l’épouse de l’Agneau, la femme. L’Écriture elle-même déclare positivement que la nouvelle Jérusalem est (non pas la demeure des rachetés, mais) l’épouse elle-même, décrite sous la figure d’une ville. Tout comme l’église apostate, le vaste système ecclésiastique idolâtre dont il est si souvent parlé dans ce livre, est présentée sous la figure d’une grande ville, Babylone ; de même ici l’Église glorifiée est présentée sous le caractère d’épouse, la femme de l’Agneau, en contraste avec la grande prostituée, et sous l’aspect de la sainte ville descendant du ciel d’auprès de Dieu, en contraste avec la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre. Lors donc que nous lisons que la ville forme un carré, de longueur, de largeur et de hauteur égales, il faut simplement l’entendre comme expression figurative de sa perfection. En même temps, il ne faut pas confondre ces symboles l’un avec l’autre ; car immédiatement après il est dit : « Et il mesura sa muraille, cent quarante-quatre coudées, mesure d’homme, c’est-à-dire d’ange » (v. 17). Or, la hauteur de la ville a été ci-devant donnée comme égale à sa longueur et à sa largeur — soit, douze mille stades. Évidemment cette mesure est énormément plus grande que celle de cent quarante-quatre coudées, qui désigne expressément la hauteur de la muraille. Premièrement, nous avons l’idée générale d’une ville qui forme un carré sous tous ses côtés, de fait, un cube ; ensuite, quand nous arrivons aux détails de la muraille, une hauteur est donnée, qui montre que nous ne devons pas simplement rechercher une harmonie littérale, comme s’il s’agissait d’un portrait. Le nombre douze maintient l’idée de la perfection par rapport à l’homme.

« Et sa muraille était bâtie de jaspe ; et la cité est d’or pur, semblable à du verre pur » (v. 18). Nous avons déjà, dans une précédente partie du livre, découvert la signification de ces deux figures, l’or et le verre. Le Seigneur conseillait à Laodicée en état de chute, d’acheter de Lui « de l’or éprouvé par le feu ». L’or est invariablement la figure de la justice divine — de la justice qui peut subsister devant le feu pénétrant du jugement de Dieu. La justice humaine ne pourrait pas s’y tenir ; aussi n’est-elle jamais représentée par l’or, mais plutôt par le fin lin. Le fin lin, Dieu peut le nettoyer et n’y laisser aucune tache ou souillure ; mais le feu, ce serait sa destruction : au lieu que pour ce qui regarde l’or, il ne peut qu’en faire ressortir la perfection. En conséquence, cette cité est d’or pur. Si la cité a la gloire divine, la justice divine la caractérise également. Mais il y a plus. Elle est d’or pur, « semblable à du verre pur ». La sainteté, maintenant fixe et sans défaut, distingue encore la cité. Quant à la sainteté qui nous est indispensable, elle est exprimée sous la figure de l’eau, parce qu’il s’agit d’être nettoyé de la souillure dans le sens pratique. Dans l’Apocalypse, ce n’est pas le cas ; car à partir du quatrième chapitre, les saints qui sont vus associés avec la sainteté, sont des saints ressuscités, qui, par conséquent, n’ont plus à faire d’être nettoyés. C’est pourquoi ils sont représentés, ainsi que dans le cas de cette compagnie de saints dont il est fait mention au chapitre 15, comme étant sur une mer de verre, parce que c’est la pureté qui est dans une condition de fixité et d’inaltérabilité. Leur état n’est plus un état qui puisse avoir besoin de nettoiement. C’est la sainteté qui repousse tout ce qui serait de nature à souiller. De même ici, la cité est d’or pur, semblable à du verre pur. En Apocalypse 15, il est remarquable que la mer de verre soit dite être mêlée de feu, ce qui n’est pas le cas en Apocalypse 4, et cela parce que les saints dont il est parlé en ce premier endroit avaient non seulement passé par une complète purification de cette nature et étaient maintenant dans un état de pureté inaltérable, mais parce qu’ils avaient traversé la dernière et terrible tribulation, dont le feu, dans ce passage, est une figure. De cette tribulation, les saints ravis d’Apocalypse 4 avaient été exempts. Ainsi donc nous avons la cité d’or pur, semblable à du verre pur ; c’est-à-dire, qu’il y a maintenant une justice divine, et une sainteté à laquelle rien ne saurait porter atteinte.

« Et les fondements de la muraille de la ville étaient ornés de toute pierre précieuse : Le premier fondement était de jaspe, etc. Et les douze portes étaient douze perles ; chacune des portes était d’une seule perle ; et la rue de la ville était d’or pur comme du verre transparent » (v. 19-21). Sans prétendre donner la signification, au sens spirituel, des diverses pierres précieuses, nous pouvons apprendre par elles qu’en ce jour de gloire Dieu parera Ses saints de toutes sortes de beauté. Il y aura différents rayons de Sa gloire réfléchis par eux, rayons qui sont typifiés par ces différentes pierres précieuses. Pour ce qui regarde Dieu Lui-même, il n’en est pas ainsi. Sa gloire essentielle n’est pas décrite de cette manière. C’est une plénitude, une concentration de lumière. Elle n’est pas divisée en une variété de nuances, si nous pouvons ainsi parler, comme c’est le cas pour la gloire qui est conférée à l’Église. Dieu est lumière, et Il habite dans une lumière inaccessible. L’arc-en-ciel avec ses couleurs variées est le signe par lequel Dieu a indiqué Son alliance avec la création et Ses voies diverses envers l’homme ruiné. Mais quand il s’agit du luminaire des saints dans la gloire céleste, et de la manière en laquelle Dieu déploiera la beauté de Son peuple (car Il voit véritablement de la beauté en Son peuple), ces pierres précieuses sont les emblèmes employés.

« Et les douze portes étaient douze perles ; chacune des portes était d’une seule perle ». C’est sous cet aspect qu’elles apparaissaient aux hommes du côté extérieur : comme quelque chose de tout à fait surnaturel. C’est une description qui renferme une allusion à la Jérusalem terrestre ; mais, dans le cas de cette dernière ville, ce qui existe réellement dans la nature servira à l’orner. Ici la beauté de l’Église est représentée par une image surnaturelle : chacune des portes était d’une seule perle. Ce sont des symboles qui représentent la parfaite et divine beauté dont Dieu revêtira Son peuple. Déjà cela est vrai d’eux en Christ ; mais ils sont destinés à reluire ainsi, de fait et personnellement, en ce jour-là. Le fait que chaque porte est d’une seule perle montrerait, ce me semble, la ressemblance spéciale et la communion avec Christ que Dieu accordera à Son peuple — l’Église. En Matthieu 13, nous avons, je pense, le Seigneur Jésus présenté comme un marchand qui cherche de belles perles, lequel ayant trouvé une perle de très grand prix, s’en alla, et vendit tout ce qu’il avait et l’acheta. C’est la beauté de l’Église, vue dans la pensée de Dieu, qui, si l’on peut ainsi parler, ravit le Seigneur Jésus, de sorte qu’Il se dépouilla de toute Sa gloire terrestre pour acquérir cette perle ; l’expression est très forte, en effet, mais pas trop forte pour dire jusqu’à quel degré Il appréciait l’Église. Mais nous savons que si le Seigneur a pu voir quelque beauté en l’Église, cette beauté tout entière émanait de Lui. Il voyait l’Église telle qu’elle était dans la pensée et le dessein de Dieu ; et c’est là-dessus qu’Il vendit tout ce qu’Il avait afin d’acheter cette perle de grand prix, qui n’est, après tout, que la réflexion de Sa propre beauté. Pareillement ici, la perle sans défaut — perfection de beauté morale qui avait été si précieuse aux yeux de Christ — est la figure de ce qui, à l’entrée même, apparaîtra aux yeux des hommes et des anges.

« Et je ne vis point de temple en elle ; car le Seigneur Dieu, le Tout-puissant, et l’Agneau en sont le temple » (v. 22). Ceci est très important. Car peut-être quelqu’un dira-t-il : Qu’est-ce que tout cela a affaire avec les saints maintenant ? Je réponds : Il faut que le monde attende le jour de la gloire pour voir la beauté de l’Église. Et nous-mêmes sommes, comme le monde, si souvent incrédules, qu’il y a chez nous tendance, si nous échappons au rêve illusoire d’améliorer la chrétienté, à ne voir que les ténébreuses, les pénibles circonstances de l’Église. Lequel de nous porte habituellement, constamment, dans son cœur le sentiment de délices qu’éprouve le Seigneur Jésus en dévoilant ce que l’Église doit être — oui, ce qu’elle est déjà même à Ses yeux et à Son cœur ? Notre incrédulité sous ce rapport est une des principales et secrètes sources de l’esprit de murmure et de rébellion. Je ne dis pas que nous devions rester indifférents à l’égard de la chute de l’Église de Dieu, quant à l’état des choses sur la terre. À Dieu ne plaise que j’aie une telle pensée ! Mais notre sentiment de sa chute ne serait que plus vif et accompagné de plus d’amour, s’il y avait chez nous un sens plus profond de la proximité de l’Église avec Christ, et de la gloire dans laquelle elle est appelée à resplendir bientôt. Une bonne partie de ce que nous ressentons, en considérant le mal qui se rencontre dans les enfants de Dieu, vient de ce que le moi est atteint. Nous sommes tous enclins à traiter durement en quelqu’un la vanité, l’orgueil et choses semblables. Pourquoi ? N’est-ce pas, trop fréquemment, parce que cela nous blesse ? On ne nous a peut-être pas porté le respect, reconnu l’importance auxquels nous nous imaginions avoir droit ? et cela nous aigrit facilement. Mais ce n’est pas là être impressionné selon Christ. Non pas que nous devions être insensibles aux voies de la chair et du monde, mais il faut en être affligés pour Christ et non pour nous-mêmes. Qu’est-ce qui peut nous en rendre capables ? Rien, sinon un cœur rempli de Christ et de la place excessivement bénie dans laquelle Il nous a mis. Nous sommes appelés à montrer Christ maintenant. Ce n’est pas seulement que nous sommes destinés à devenir membres de Son corps, de Sa chair et de Ses os, mais que nous le sommes maintenant ; aussi l’amour pour Dieu et le désir de Sa gloire devraient-ils nous amener à marcher d’une manière conforme à cette position, dans l’Église et devant les hommes. Ce que Dieu ne tardera pas à déployer devant l’univers entier, Il veut de nous que nous nous attendions à le trouver maintenant dans les siens. Quand ce jour-là sera venu, il n’y aura plus d’empêchements ; mais le Saint Esprit agit dans le but de réaliser en nous ce qui, alors, sera manifesté en perfection, mais qui est vrai en principe dès à présent. S’il y a une tache en quelqu’un qui est destiné à reluire avec Christ alors, cela stimule nos affections pour que le mal soit ôté selon Dieu et pour Sa gloire. Et c’est là ce qui augmente chez nous, dans une si grande proportion, le sentiment de la honte, dans le cas où de semblables taches se trouveraient en nous-mêmes. Pour moi, il est évident que le Saint Esprit communique la description de la gloire divine qui sera dans l’Église, dans le but d’agir maintenant sur nos âmes par une grande puissance pratique, si la Parole est mêlée avec de la foi dans ceux qui l’entendent. La véritable raison pour laquelle nous en tirons si peu de profit, c’est que nous sommes des croyants si incrédules ! Nous sommes croyants ; mais n’est-il pas humiliant que nous puissions passer sur d’aussi précieux fruits de l’amour de Christ, d’aussi brillantes visions de gloire assurée, comme si nous n’en avions pas besoin maintenant, ou comme s’il ne s’agissait pas des certaines et véritables paroles de Dieu ? Bientôt nous serons dans la gloire, et nous connaîtrons comme nous sommes connus ; mais la gloire est révélée à ceux qui n’y sont pas encore afin que leurs âmes soient maintenant pleines de la joie de cette gloire, et afin que les effets en soient manifestes même pour le monde qui fait mépris d’eux. Le Saint Esprit est les arrhes de l’héritage, aussi bien que le sceau de la rédemption.

Mais cela n’est pas seulement vrai de la beauté dans laquelle l’Église est appelée à briller alors ; il y a une chose qui doit exercer présentement sur nous une puissante influence ; il y a une immédiate relation avec Dieu dans le sens du culte ; et quoi ensuite ? Le symbole ici employé est celui d’une ville ; c’est pourquoi nous ne sommes pas présentés sous le caractère de sacrificateurs. S’il était parlé de nous comme individus, nous serions vus comme ayant été approchés de Dieu, c’est-à-dire comme sacrificateurs, et c’est ainsi que nous le sommes au chapitre 20, 6. Mais ici, nous voyons une ville — et une ville dans laquelle il n’y a point de temple, non qu’il n’y eût pas là un siège spécial pour la présence de Dieu, mais parce que Sa présence remplissait le lieu tout entier et partout également. L’accès à Dieu est immédiat. Mais cela est aussi une vérité présentement applicable (Héb. 10). Ici-bas, maintenant, il n’y a point de temple, ni de sacrificateurs entre nous et Dieu. Sans doute, nous avons en haut le grand et fidèle souverain Sacrificateur — ministre des lieux saints et du vrai tabernacle que le Seigneur a dressé, et non pas l’homme. Mais il y aura ici-bas temple et sacrificateurs pendant le futur royaume, pour ceux qui, sur la terre, auront besoin de Lui, alors qu’Il « s’assiéra comme sacrificateur sur son trône » (Zach. 6, 13, vers. angl.). Ainsi, pour le chrétien il n’y a maintenant ni temple ni sacrificateurs sur la terre. Nous nous tenons, quant à la foi, dans la présence immédiate de Dieu, dont la parfaite faveur luit sur nous. Si l’on ne sent pas cela, c’est qu’on ne le croit pas. Nous devons toujours croire une chose sur l’autorité de la Parole de Dieu premièrement ; et plus nous mettons de simplicité à croire, plus nous jouissons de la consolation, de la force et des fruits de la vérité.

« Et je ne vis point de temple en elle : car le Seigneur Dieu, le Tout-puissant, et l’Agneau en sont le temple. Et la cité n’a pas besoin du soleil, ni de la lune, pour l’éclairer ». Il n’est besoin d’aucune lumière terrestre, ni même céleste, appartenant à la première création : « car la gloire de Dieu l’a illuminée, et l’Agneau est sa lampe » (v. 23). De quelle admirable façon cette description tout entière est en harmonie avec quelques paroles de Jean 17, auxquelles je renverrai avant d’aller plus loin.

Dans son étonnante prière (si nous pouvons appeler prière ce qui est plutôt l’épanchement du Fils devant le Père), le Seigneur a dit : « La gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée ». C’est une gloire divine, mais non la gloire de Sa divinité ; car celle-ci ne peut jamais être donnée, attendu qu’elle appartient à Dieu seul. Le Seigneur Jésus possédait la gloire de la divinité, mais non pas comme Lui ayant été donnée : Il la possédait d’une manière essentielle, Il la possédait de droit, comme étant Dieu de toute éternité. Mais celle que le Père Lui a donnée comme homme, Il l’a donnée à Ses disciples : « afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé ». Or, ceci correspond exactement à ce que nous avons dans l’Apocalypse. Nous y voyons la sainte ville, descendant du ciel d’auprès de Dieu ; et l’Agneau est en elle, et le Seigneur Dieu se fait connaître d’une manière spéciale, pour ainsi dire, dans l’Agneau ; car l’Agneau n’est pas seulement la lumière, mais le vaisseau de la lumière, la lampe. Nous pouvons voir une diffusion de lumière, ainsi qu’il est écrit : « la gloire de Dieu l’a illuminée » ; mais si nous en voulons voir la concentration, où nous faut-il regarder ? L’Agneau est cette lumière. C’est ainsi que Dieu Lui-même fait resplendir Son éclat dans toute cette glorieuse cité : l’Agneau est le grand objet de concentration, répandant la lumière sur la scène entière. Or, voici dans quel ordre cela a lieu : « Moi en eux, et toi en moi ; afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse », etc.[48]. L’Agneau leur fait connaître Dieu, comme eux font connaître l’Agneau à tous les autres. C’est là ce qui est exposé dans l’Apocalypse. « Les nations marcheront à sa lumière » ; — non pas immédiatement dans la lumière de l’Agneau, mais au moyen de la lumière de la cité céleste, et c’est précisément ce que nous trouvons en Jean 17 (« afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé »). Voilà, me semble-t-il, ce qui répond aux nations marchant à la lumière de la cité. L’Église avait passé à travers ces nations dans les jours de son pèlerinage, et elle y avait été méprisée à cause de sa communion avec Christ (1 Jean 3, 1). Car, comme Lui-même y a été, et y a été méconnu, ainsi « le monde ne nous connaît pas ». Mais maintenant, lorsqu’arrive le jour éclatant, lorsque Jésus, longtemps absent et rejeté, Lui l’homme béni et exalté, le Seigneur du ciel, viendra dans Sa gloire, comme le grand témoin et l’accomplissement de la gloire de Dieu, de même qu’Il en est le véritable resplendissement — Il ne sera pas vu séparé de Son épouse. Elle apparaîtra avec Lui en gloire, et les nations marcheront à la lumière de cette méprisée qu’elles auront rejetée si longtemps. Même les rois de la terre lui[49] apportent leur gloire. Il est nécessaire de constater cela, afin que personne ne s’imagine qu’il y aura communication directe entre les habitants de la terre et la cité céleste. Car si la cité est vue descendant du ciel, elle n’est pas dite descendre sur la terre de manière à être avec les hommes, comme c’est le cas lorsque le nouveau ciel et la nouvelle terre sont là. Ici, sa gloire est au-dessus de la terre, en conséquence, les rois et les nations lui apportent leur gloire et leur honneur, dans le sens d’hommage, je présume, pour Celui qui y habite.

« Et ses portes ne seront point fermées de jour : car il n’y a point là de nuit ». Aucun danger ne menace la cité ; au contraire : « et on lui apportera la gloire et l’honneur des nations ». Naturellement, cette expression a le même sens qu’au verset 24. « Et il n’y entrera aucune chose souillée, ni ce qui fait une abomination et un mensonge : mais seulement ceux qui sont écrits au livre de vie de l’Agneau ». Ainsi, place entière est laissée à la sainteté de Dieu, et les choses impures, abominables, sont exclues de Sa présence, comme, en vérité, elles sont moralement et absolument impropres à y paraître ; mais, de plus, Sa souveraineté est maintenue intacte. Nul n’y entre, excepté ceux inscrits au livre de vie de l’Agneau. Nous avons remarqué que les cinq premiers versets du chapitre 22 sont nécessaires pour compléter la vision, mais, je ferai mieux, je crois, de les réserver pour la prochaine méditation où nous verrons aussi la conclusion du livre à sa vraie place.

Chapitre 22

L’un des traits distinctifs et bien intéressants de ce livre, c’est qu’il ne peut être compris si on le sépare du reste de la Parole de Dieu, ou si, du moins, on l’envisage en dehors des autres portions de cette Parole. Dieu a, d’une manière très remarquable, lié ce volume avec le premier des Saintes Écritures. Par exemple, dans ce chapitre, le Saint Esprit se sert d’images pour dépeindre la bénédiction de la cité céleste dans ses relations avec la terre durant le millénium ; mais d’où ces figures sont-elles tirées ? Il me faut aller au commencement du livre de Dieu, à la Genèse, au commencement même de la Genèse, et je trouve là l’arbre de vie, les fleuves, etc., auxquels le Saint Esprit fait évidemment allusion dans le chapitre qui s’offre aujourd’hui à notre étude. Et c’est pour moi une indication frappante du lien que Dieu tient à établir entre les diverses parties de Sa Parole, lorsque je considère que, pour avoir une connaissance entière d’une portion quelconque, il est urgent que je ne la sépare pas de l’ensemble. Cette union est d’autant plus importante, que cette même Parole de Dieu nous révèle plusieurs états ou dispensations en contraste positif les uns avec les autres. Il y eut d’abord un temps d’innocence ; puis une époque durant laquelle le péché seul se manifestait, et cela, sans rencontrer aucune opposition jusqu’à ce que vînt le jugement de Dieu exercé par le moyen du déluge, et qui fit périr tous les hommes excepté le petit nombre qui trouva un refuge dans l’arche. Après cela parut la loi, et enfin l’évangile, ayant chacun en vue un but différent. Durant le temps actuel, nous sommes dans l’attente de la scène importante qui clora le présent siècle, et où tout ce que Dieu a opéré sur la terre, tout ce que la révélation a fait connaître de Ses pensées, mais qui a été corrompu par l’homme, sera manifesté dans ses résultats.

Pour bien comprendre ce que le Saint Esprit m’enseigne touchant ces résultats, il faut d’abord que je me reporte au commencement. Or, si nous ouvrons la Genèse, nous trouverons que, quoiqu’il y ait une sorte d’analogie entre le temps d’innocence, où Dieu déployait Ses voies envers Sa créature placée sous la responsabilité de se maintenir dans sa position d’innocence, et l’époque encore future, celle-ci fait néanmoins, avec la première, le contraste le plus béni, en ce qu’elle manifeste d’une manière bien plus remarquable encore la profondeur de cette grâce que Dieu déploiera dans la sainte cité. Examinons donc un peu la différence de ces époques. La Genèse nous fait voir quatre fleuves, et quoique nous ne sachions pas grand-chose ou plutôt que nous ne sachions rien des deux premiers, il est manifeste toutefois que les deux autres, l’Euphrate et Hiddékel, ou le Tigre, se lient un peu plus tard aux circonstances les plus pénibles de l’histoire terrestre du peuple de Dieu. Sur ces rivières furent bâties les deux villes les plus fameuses de l’antiquité : Ninive située sur le Tigre, et Babylone sur l’Euphrate. Il est évident que je fais ici allusion à une époque de beaucoup postérieure à Adam ou même au déluge. Et quoique ce cataclysme ait transformé une partie de l’ancien monde, il n’a pas changé le cours de ces rivières que nous retrouvons ensuite. Le paradis a disparu, nous le savons ; mais ces fleuves devaient encore jouer un rôle important dans l’histoire de l’homme, et surtout dans l’histoire de ce qui leur acquiert plus d’importance qu’ils n’en ont par eux-mêmes, le fait qu’ils se trouvent, dans les voies de Dieu, mêlés aux vicissitudes et aux châtiments de Son peuple d’Israël.

Ces deux fleuves, disons-nous, furent identifiés avec les puissances qui devaient causer respectivement la ruine de Juda et d’Israël. Ninive fut la capitale de l’Assyrie qui transporta en captivité la grande masse des dix tribus d’Israël ; Babylone fut employée de Dieu pour châtier cette portion du peuple qui, pendant un temps, avait semblé témoigner pour Lui aussi fidèlement que l’avait fait la maison de David, mais qui plus tard s’égara encore davantage que le coupable Israël. C’est ainsi que ces deux fleuves, qui d’abord avaient été rattachés au paradis, devinrent ensuite les représentants des puissances employées de Dieu pour le châtiment de Son peuple infidèle.

Deux arbres attirent ensuite notre attention dans le jardin d’Éden ; le premier est celui de la connaissance du bien et du mal, et le second celui de la vie. Mais quelles que soient les bénédictions que semblait promettre l’arbre de vie, l’homme ne devait y trouver aucun avantage, puisque l’autre arbre lui faisait subir une épreuve dans laquelle il ne pouvait que succomber. Bientôt, en effet, il faillit : il prêta l’oreille à la voix de sa femme qui elle-même avait écouté le serpent, et il tomba dans la rébellion. La conséquence fut que l’arbre de vie ne put plus servir à son usage ; en eût-il été autrement, cela n’eût servi qu’à perpétuer une vie de péché et de misère. De sorte que le chérubin armé, gardant l’arbre de vie, manifestait bien le jugement de Dieu, mais un jugement mêlé d’une miséricorde profonde. Dieu réservait pour l’homme quelque chose de meilleur, savoir, un arbre de grâce si je puis m’exprimer ainsi.

Arrivés au dernier récit de la Parole de Dieu, nous ne rencontrons pas plusieurs fleuves comme en Éden, ni un arbre destiné à éprouver l’homme. Il ne se trouve dans le tableau offert à nos regards qu’un seul fleuve et qu’un seul arbre. Tout ce qui était en quelque manière lié avec la faiblesse, le péché, et le jugement, a disparu. Les souvenirs pénibles de la culpabilité et de la discipline ne sont plus nécessaires. Le paradis de l’homme a été perdu, Israël a failli, l’Église aussi a manqué dans son témoignage ; et maintenant, le paradis, le peuple, et la cité, tout est de Dieu. Il s’y fait connaître et y révèle Sa gloire, de sorte que tout ce qui n’aurait été introduit que pour éprouver ou discipliner l’homme, disparaît complètement afin de laisser resplendir l’amour de Dieu, Sa grâce céleste, Sa fidélité à l’égard d’Israël, Sa souveraine miséricorde en faveur des Gentils, Son juste et bienfaisant gouvernement. Le Seigneur Jésus Christ était intervenu, et avait par Lui-même enduré le châtiment que méritait le peuple de Dieu, de sorte que Dieu pouvait avec justice ne laisser éclater que Son amour, en leur donnant la vie et en faisant propitiation et purification pour eux par Son Fils bien-aimé.

« Et il me montra un fleuve d’eau vive, éclatant comme du cristal sortant du trône de Dieu et de l’Agneau. Et au milieu de la rue et des deux côtés du fleuve était l’arbre de vie, portant douze fruits, rendant son fruit chaque mois : et les feuilles de l’arbre sont pour la guérison des nations » (v. 1, 2). Dans ces versets, nous avons évidemment la grâce régnant par la justice, en tant du moins qu’il s’agit de l’arbre et du fleuve. Rien ne peut y être corrompu par la puissance de Satan. Il ne s’y trouve rien non plus, qui corresponde au chérubin tenant l’homme à l’écart de l’arbre de vie. C’est précisément tout le contraire. Cet arbre de vie rapporte du fruit chaque mois. Naturellement ce n’est là qu’une figure. Il n’y aura littéralement ni arbre ni fleuve ; mais comme les eaux de la vie symbolisent la vie et la bénédiction abondantes qui jailliront de la cité, c’est-à-dire l’Épouse, la femme de l’Agneau, il s’y trouve aussi des ressources pour la guérison des nations. Il n’est rien dit d’explicite concernant les douze fruits, qui peuvent exprimer une bénédiction beaucoup plus élevée et une provision infiniment riche pour le rafraîchissement continuel des saints célestes, mais les feuilles sont désignées d’une manière expresse comme devant servir à la guérison des nations. Cela est d’autant plus remarquable, que nous sommes habitués à voir dans les prophètes un tout autre tableau de la Jérusalem terrestre, même lorsqu’il s’agit du jour glorieux à venir. Prenez pour exemple la description que nous fournit le soixantième chapitre d’Ésaïe. Le chapitre 59 nous a appris que le Rédempteur paraîtra en Sion, et le chapitre 60 nous décrit la cité : « Tes portes aussi seront continuellement ouvertes ; elles ne seront fermées ni nuit ni jour », etc. Mais quelles sont, en principe, les relations qui existeront entre la Jérusalem terrestre et les nations ? « Car la nation et le royaume qui ne te serviront point, périront ; et ces nations-là seront réduites en une entière désolation ». Le gouvernement est confié à une justice impitoyable, accompagnée du jugement. Dieu exige que l’honneur soit rendu à Son peuple qui a si longtemps été méprisé et foulé aux pieds par les nations. Nous le savons, un Juif est maintenant traité avec le dernier mépris, même dans la chrétienté ; et si par sa prospérité il obtient la faveur du monde, chacun regarde la chose comme un acte surprenant de libéralisme dont on se glorifie extrêmement, quoique en général, on agisse ainsi sur un principe faux, que ce soit le scepticisme ou le pseudo-christianisme.

On a été tellement habitué à mépriser les Juifs, que les concessions qui leur sont faites accidentellement semblent arrachées souvent en vertu de principes aussi faux que celui des droits de l’homme, etc. Je ne fais ici qu’allusion à des faits bien connus de l’histoire du monde. Comme chrétiens, de semblables questions ne nous regardent pas, sauf pour les apercevoir et en juger. La mission du chrétien ici-bas consiste uniquement à rendre témoignage d’un Christ rejeté ici-bas, mais exalté dans le ciel, et à agir en accord avec la grâce et la gloire de Celui qui est maintenant assis à la droite de Dieu. Lorsque nous perdons de vue ce but, nous sommes semblables au sel qui a perdu sa saveur. Une personne peut avoir de la philanthropie et s’efforcer de faire beaucoup de bien dans le monde, mais Dieu a en vue un objet plus élevé que tous les plans que peut concevoir notre imagination, et c’est ce qui découle de notre sujet actuel. Car, qu’il s’agisse de l’Église antérieurement à la gloire, ou de l’Église quand la gloire vient, comme c’est le cas ici, la grâce est ce qu’il nous est convenable de manifester, puisque c’est cette grâce qui caractérise vraiment la manière d’agir de Dieu envers l’Église ; elle est la manifestation de Lui-même tel qu’Il s’est révélé en Christ. C’est là ce que l’apôtre présente en Éphésiens 5, quand il dit : « Soyez donc imitateurs de Dieu ». Et comment cela ? « comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l’amour ». De quelle manière ? Le chapitre précédent avait parlé de Christ comme de l’offrande par laquelle seule Dieu peut pardonner le péché (v. 32), et c’est pour cette raison que nous devons nous pardonner les uns aux autres « comme Dieu aussi vous a pardonné en Christ ». Mais au chapitre 5, l’apôtre va beaucoup plus loin. « Marchez dans l’amour, comme aussi le Christ nous a aimés et s’est donné lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu en odeur de bonne senteur ». Ces quelques mots vous dépeignent parfaitement la grâce, qui fournit à ceux qui la connaissent et y demeurent la puissance de Christ pour marcher à travers ce monde.

Si je découvre ici ou là chez l’un de mes frères des pensées erronées ou de fausses espérances ; ou bien encore si je le vois agissant sans conscience et contrairement à la volonté du Seigneur, de quelle manière Dieu réveillera-t-Il mes affections à son égard ? Ce sera en me rappelant la grâce que Dieu Lui-même déploie envers Ses saints et en me conduisant à agir de la même manière, me donnant, si possible, d’élever l’âme de mon frère jusqu’à la connaissance du sentiment que Dieu éprouve pour lui et de Sa volonté envers lui. S’il entrevoit la grâce dans laquelle Dieu a agi, il sera préparé à discerner ce qu’il doit à Dieu. C’est ainsi que l’apôtre parle toujours. Jetez un nouveau coup d’œil sur l’épître aux Éphésiens. De quoi Paul a-t-il été occupé depuis le commencement de cette épître jusqu’au chapitre 5 ? Il a fait resplendir l’amour parfait de Dieu envers Ses saints, et l’union avec Christ dans laquelle Il les a Lui-même introduits ; ce n’est pour ainsi dire qu’après cela, que l’apôtre ajoute : Marchez dans l’amour que Christ vous a Lui-même témoigné. Dans notre chapitre, je découvre un fait analogue. Il n’est plus question des tonnerres, des éclairs et des voix sortant du trône ; tout cela a complètement disparu. Le chapitre 4 nous avait bien fait entrevoir de telles scènes et ouïr de semblables sons. Ils convenaient alors et étaient même nécessaires pour maintenir et manifester la sainteté de Celui qui était assis sur le trône ; ils étaient l’expression de Ses sentiments alors que l’Église ayant été recueillie au ciel, l’homme était laissé s’exalter lui-même, réprimé seulement par des jugements providentiels. Mais dans le chapitre que nous avons maintenant sous les yeux, il n’y a rien de semblable ; nous y voyons le trône de Dieu et de l’Agneau, mais que jaillit-il de là ? Un fleuve d’eau vive éclatant comme du cristal. Et pourquoi cela ? Parce que le trône est vu ici en rapport avec la cité céleste, et que la cité céleste est le symbole de l’Église glorifiée dont le caractère habituel, même dans la gloire, est la grâce. C’était un fleuve de vie, non de mort, et les feuilles de l’arbre étaient pour la guérison et non la destruction des nations.

La Jérusalem d’ici-bas est la cité de la justice terrestre — le lieu où Dieu amènera les Juifs en les faisant passer par une détresse excessive. Ils seront obligés de traverser d’abord une affreuse tribulation, le temps de la détresse de Jacob, mais il en sera délivré. Le châtiment qu’ils endureront ne sera que la juste rétribution de leurs nombreux péchés. Ils traverseront toute cette affliction que Dieu Lui-même leur a justement infligée, mais l’indignation cessera, et cela par la destruction de ceux qui en auront été les instruments. « Mais encore un peu de temps, un peu de temps et mon indignation sera consommée et ma colère sera à leur destruction ». Dieu prendra en mains la cause de Son peuple, et durant le millénium l’appel d’Israël sera encore empreint de cette justice qui a caractérisé les voies publiques de Dieu à son égard, quelles qu’aient pu être les sources cachées de Sa grâce. Toutes les nations monteront à Jérusalem lorsque la maison de l’Éternel sera affermie au sommet des montagnes. « Car la loi sortira de Sion et la parole de Jérusalem ». La loi est la règle de la justice ; la grâce est tout autre chose. Elle n’est pas une règle de justice dont la conséquence inévitable soit la mort. La grâce, il est vrai, règne par la justice ; mais alors il s’agit d’une justice qui est de Dieu et non pas de l’homme ; et par l’effet de sa miséricordieuse culture, celle-ci remplit le saint du fruit de la justice qui est à la gloire et à la louange de Dieu par Jésus Christ. C’est donc une scène de grâce parfaite que nous avons ici. Rien ne peut surpasser vis-à-vis de l’homme une telle mesure de bénédiction. Le nombre douze est toujours employé en rapport avec les voies de Dieu envers l’homme dans l’administration humaine. Sept est le nombre de la perfection en rapport avec les choses de Dieu, ou plutôt avec ce qui est spirituel qu’il s’agisse de choses bonnes ou de choses mauvaises — douze a trait au côté humain. C’est pour cela que lorsque Dieu choisit les patriarches, il y en eut douze ; ils ne correspondaient pas seulement, je suppose, aux douze tribus qui naquirent d’eux, mais bien aussi au reste de l’humanité. Plus tard lorsque les apôtres furent appelés, nous en voyons paraître douze, nombre correspondant à celui des tribus d’Israël. Du moment où il est question de l’apôtre qui a particulièrement la mission d’établir l’Église sur un fondement céleste et inébranlable, le nombre douze disparaît, et les apôtres dont il est ensuite parlé ne sont plus limités à ce nombre (Act. 14, 4, 14 ; Éph. 4). Cela peut servir à développer la pensée que j’ai émise au sujet des douze portes et des douze fondements que nous fait voir le vingt-et-unième chapitre et que je considère comme dépeignant le caractère de la cité vis-à-vis du monde. Elle est envisagée dans son caractère gouvernemental public. Il en est de même de cet arbre. Le fait qu’il porte douze fruits, et qu’il rend son fruit chaque mois, le présente dans ses rapports avec l’homme. C’est pour la même raison qu’il est ajouté après cela, que les feuilles de l’arbre sont pour la guérison des nations.

Un autre point est aussi parfaitement clair : c’est qu’il n’est pas question ici de l’état éternel, mais bien du millénium, car dans l’éternité les nations n’existeront plus comme telles et elles n’auront évidemment aucun besoin de guérison. Mais rappelons-nous bien cependant que s’il s’agit de la cité céleste elle-même, elle est éternelle. L’introduction du millénium ou de l’état éternel, n’apporte aucun changement dans sa position. Le chapitre 21 nous a fait voir deux descentes de la cité, l’une au commencement du millénium et l’autre à l’introduction de l’état éternel : dans le verset second, c’est sa descente alors que l’état éternel a paru, et au verset 10 sa descente en vue du millénium. La raison en est, je pense, qu’à la fin du millénium les cieux anciens et l’ancienne terre passent naturellement, et que la cité disparaît de cette scène de bouleversement. Puis, quand la nouvelle terre apparaît, la cité céleste apparaît de nouveau et prend une place permanente dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite. Il est important de remarquer cela, parce que, tandis que toutes choses seront changées à la fin des mille ans, la cité céleste n’en demeurera pas moins à toujours. « À Lui soit gloire dans l’assemblée dans le Christ Jésus pour tous les âges du siècle des siècles. Amen ». Il est évident que dans la gloire éternelle, l’Église n’exercera plus, vis-à-vis du monde, certains offices qu’elle doit remplir durant le millénium, mais la bénédiction qui lui est propre demeurera éternellement la même. Aussi est-il dit dans le chapitre que nous étudions : « Et il n’y aura plus de malédiction ». À partir de ce moment la chose est aussi éternellement vraie pour la cité céleste, qu’elle le sera plus tard pour les nouveaux cieux et la nouvelle terre. « Et le trône de Dieu et de l’Agneau sera en elle, et ses esclaves le serviront ; et ils verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Et il n’y aura plus là de nuit ; et ils n’auront plus besoin d’une lampe ni de la lumière du soleil » — l’un de ces luminaires représentant la lumière produite par l’homme, et l’autre celle qui vient de Dieu ; mais tout ce qui était approprié à ce monde n’a plus aucune valeur pour la cité. « Car le Seigneur Dieu fera briller sa lumière sur eux ; et ils régneront aux siècles des siècles » (v. 3-5). Cette expression aux siècles des siècles doit, je n’en doute pas, être prise ici dans son sens le plus étendu. Elle ne s’applique pas uniquement à ce qui est appelé « le royaume », quoique le règne commence alors. En 1 Corinthiens 15, 24, il est question d’un royaume que Christ remet à une époque déterminée appelée « la fin ». La fin implique que les mille ans et le jugement des vivants et des morts ont eu lieu, car ce jugement fait partie du règne de Christ ; — en est, pouvons-nous dire, le grand et dernier acte. Toutes ces choses appartiennent au royaume ; et ce n’est qu’après leur accomplissement et lorsque le dernier ennemi, la mort, a été détruit, que le Seigneur Jésus remet le royaume à Dieu.

Le but du royaume est d’assujettir tous les ennemis ; et quand cela se trouve accompli, ce royaume terrestre spécial prend fin. Mais s’il se produit alors un grand changement dans la condition corporelle des saints terrestres, il n’en est pas de même de ceux qui sont déjà glorifiés et assis dans les lieux célestes. Ils régneront aux siècles des siècles ; réalité éternelle ! Ces mots semblent employés ici sans aucune restriction. Tout le récit contenu depuis le neuvième verset du chapitre 21, jusqu’au cinquième verset du chapitre 22 présente la relation de la cité céleste avec la terre durant le millénium ; mais parmi les traits qui la caractérisent, il en est quelques-uns qu’elle garde éternellement. Un de ces traits, outre celui de sa gloire intrinsèque qui ne changera jamais, est celui que le service des saints durera aux siècles des siècles ; il en est de même du règne. Il pourra y avoir quelque changement dans la manière de régner et de servir après que le royaume terrestre aura pris fin ; mais, quant aux choses mêmes, elles subsistent, je pense, aux siècles des siècles.

Nous en sommes maintenant venus aux considérations finales du prophète et à son entretien avec l’ange au sujet de la prophétie, ainsi qu’au dernier message du Seigneur Jésus Lui-même. Rigoureusement, on peut dire que le cinquième verset termine la prophétie. Mais de même que le livre commence par une sorte de préface, il se termine aussi par une conclusion solennelle.

Vous remarquerez que, dans les dernières paroles du Seigneur, il est trois fois question de la venue du Seigneur, et chaque fois dans une acception nouvelle. Le verset 7 nous présente le premier de ces cas, évidemment en rapport avec le verset 6. « Et il me dit : Ces paroles sont certaines et véritables ; et le Seigneur, le Dieu des saints prophètes, a envoyé Son ange pour montrer à Ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt. Et voici je viens bientôt ; bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre » (v. 6, 7). Le Seigneur Jésus parle ici de Sa venue, en rapport avec la bénédiction réservée pour l’homme qui est attentif aux paroles de la prophétie. Le Saint Esprit, en connexion étroite avec cela, recommande alors d’une manière solennelle cette prophétie qui allait se clore. Évidemment le Seigneur Jésus prévoyait le mépris avec lequel les hommes allaient traiter ce livre, et leurs efforts pour le mettre de côté. Je n’aime pas de faire allusion à des sociétés religieuses particulières, mais permettez-moi pourtant de dire un mot d’un corps réformé bien connu. Chose extraordinaire ! dans l’arrangement qu’il a fait pour présenter au peuple toute la Parole de Dieu en portions journalières, quelle place a-t-il donnée au livre de l’Apocalypse ? À peine en trouve-t-on quelque court fragment en une ou deux occasions spéciales, tandis que de nombreuses portions des livres apocryphes y sont insérées. Le Seigneur cherchait, il me semble, à mettre les siens en garde contre le mépris plus ou moins avoué pour ce livre de la Révélation.

Mais ce n’est pas seulement dans le cas que nous venons de citer, qu’une indifférence coupable se signale pour cette Parole divine ; beaucoup de personnes dans des circonstances toutes différentes ne sont pas moins en faute à cet égard. Ah ! disons-le, ce livre est-il quelque part honoré comme le Seigneur le demande ? De chers enfants de Dieu qui n’ont pas en principe l’intention de le négliger, le font hélas constamment dans la pratique ; et si ce livre est étudié, ce n’est généralement qu’en vue de questions de controverse, d’histoire, ou d’imagination. À peine en existe-t-il une exposition simple et pratique. Il est bien peu de serviteurs qui s’en occupent au temps convenable de manière à le faire servir à la nourriture des gens de la maison de Dieu. Et si on s’aventure parfois à en fournir des interprétations, ne sont-elles pas généralement des plus indigestes, étant empruntées d’ordinaire aux savantes élucubrations de quelque archéologue, ou se fondant sur les ignobles comparaisons de tel historien ou tel journaliste incrédule ? Quelle chose solennelle de s’écarter de cette Parole que Dieu a confiée aux siens, afin qu’elle soit comme une lumière resplendissante dans un lieu obscur et non pas du tout pour servir d’aliment à la science et à l’imagination des hommes ! Elle avait pour but d’aider au développement de la vie spirituelle des chers enfants de Dieu, et d’entretenir leur communion avec Lui. Dieu voulait non seulement qu’ils connussent Sa grâce, mais encore qu’ils fussent instruits des jugements qui doivent fondre sur le monde ; Il voulait qu’ils comprissent que ce livre qui montre le cours et le jugement du monde, indique aussi leur délivrance de ce jugement ; car l’Apocalypse révèle clairement que l’Église occupera une place assurée dans la présence de Dieu avant que le moindre jugement éclate ici-bas : à partir du commencement du chapitre 4, elle est vue assise dans les cieux. Oh ! n’est-il pas évident que toutes les paroles de la prophétie sont de la plus haute importance pour nous ? Dieu désire que nous soyons heureux dans la communion qu’Il nous donne avec Lui-même, avant qu’arrivent les événements qui vont avoir lieu : « Bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Et pourquoi a-t-il, de fait, été si peu profitable ? Tout simplement parce que la prophétie a été séparée de la promesse. Cette déclaration pleine de grâce : « Voici je viens bientôt », n’a pas été distinguée des « paroles de la prophétie de ce livre » ; et par suite, la portion de l’Église a été confondue avec les jugements qui doivent fondre sur le monde. L’Apocalypse suppose les enfants de Dieu dans l’attente de la venue de Christ, attente qui devrait sûrement être de jour en jour leur plus glorieuse espérance. Lorsque cela n’est pas le cas, il est, je crois, moralement impossible de pénétrer dans les profondeurs de ce livre et d’en jouir. « Bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Le Seigneur vient bientôt. Mais si nous ne sommes pas dans l’attente de sa venue, nous ne manquerons pas d’altérer ses paroles au lieu d’en tirer profit.

Dès que l’apôtre Jean eut entendu et vu ces choses, il se jeta à terre pour adorer devant les pieds de l’ange qui les lui montrait. Il en avait fait autant précédemment (chap. 19, 10)[50]. Il se peut que la grandeur imposante de la vision lui ait fait supposer que le Seigneur Jésus Lui-même se trouvait devant lui sous la forme d’un ange ; mais son erreur est aussitôt relevée. L’ange lui apprend qu’il est son co-esclave et celui de ses frères les prophètes, et non pas du tout le Seigneur : et par conséquent l’adoration ne lui appartient pas. « Garde-toi de le faire, je suis ton co-esclave et celui de tes frères les prophètes et de ceux qui gardent les paroles de ce livre. Rends hommage à Dieu ». Mais il ajoute quelques paroles d’une grande importance pratique pour les enfants de Dieu. Vous pouvez vous souvenir que, dans le dernier chapitre de Daniel, il est écrit (v. 4) : « Mais toi Daniel, ferme ces paroles et cachette ce livre jusqu’au temps de la fin (vers. angl.) auquel plusieurs courront et la science sera augmentée ». Remarquez maintenant dans quelle place merveilleuse Dieu a établi Son Église. Il venait d’adresser Sa parole à l’homme le plus privilégié entre tous les prophètes privilégiés de l’Ancien Testament, à celui qui avait été appelé « l’homme aimé de Dieu ». Et quoiqu’une prophétie lui eût clairement annoncé la venue et la mort de Christ, une nouvelle communication venait de lui être faite au sujet de laquelle il lui fut dit : « Mais toi Daniel, ferme ces paroles et cachette ce livre jusqu’au temps de la fin ». Ici, à la fin de l’Apocalypse, le même Esprit s’adresse à Jean et lui dit : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre ; le temps est proche » (v. 10). Comment cela se fait-il ? Tout l’appel de l’Église se trouve au temps de la fin. À partir du jour où l’Église commença réellement d’exister, ce fut le temps de la fin ; et tout le cours de son histoire, c’est encore le temps de la fin. Je ne veux pas dire, naturellement, que c’est d’une manière positive le temps de la fin pour les Juifs, qui doivent attendre le développement de tout sur la base de l’accomplissement littéral des faits ; mais c’est là que consiste le caractère particulier de l’appel de l’Église. Elle est au-dessus des temps et des saisons, quoiqu’elle les connaisse ; elle n’a rien à faire avec les dates, les signes, ou les événements antérieurs, pas plus qu’avec l’histoire du monde, dont ces choses sont l’accompagnement naturel et nécessaire. L’Église plane au-dessus d’une scène pareille ; elle est céleste. Le ciel, voilà le lieu où la grâce de Dieu nous place complètement en dehors des supputations qui se rapportent au gouvernement de ce monde.

Quant au Juif dont Daniel était le type, il faut qu’il attende jusqu’à ce que le temps de la fin soit réellement venu, jusqu’à ce que la connaissance soit donnée par Dieu à ceux qui comprendront alors. Jusqu’à ce moment-là, tout est cacheté pour Israël. Tel n’est pas le cas de l’Église représentée par Jean. À lui il est dit : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre » ; etc.

Mais c’est ici qu’est l’erreur commise par beaucoup d’excellents esprits. Sir Isaac Newton, homme de la plus grande réputation dans les sciences humaines, appliqua à l’Église cet ordre de fermer et de cacheter le livre qui fut donné à Daniel ; et en conséquence, il l’abandonna comme une chose qui ne pouvait être comprise jusqu’au temps de la fin. S’il eût comparé le passage de Daniel avec les dernières paroles de l’Apocalypse de Jean, il aurait compris que les paroles mêmes qui furent cachées au prophète juif sont expressément révélées au chrétien. Si Daniel devait sceller, Jean reçoit expressément l’ordre de ne pas sceller. Et pourquoi ? Parce que Christ était venu, qu’Il s’en est allé au ciel, et qu’Il est à la droite de Dieu, prêt à juger les vivants et les morts ; Il est rejeté, et dès ce moment-là c’est moralement le temps de la fin. C’est ainsi que parlent les écrivains du Nouveau Testament. L’apôtre Jean dit : « Jeunes enfants, c’est la dernière heure ». « La fin de toutes choses est proche », écrit Pierre ; et Jacques : « Le juge se tient devant la porte ». Saint Paul écrivait de la même manière : « Or toutes ces choses leur arrivaient en types ; et elles ont été écrites pour nous servir d’avertissement à nous que les fins des siècles ont atteints ». Voyez aussi Hébreux 9, 26. Vous trouvez donc la même grande vérité formellement enseignée depuis les épîtres de saint Paul, de saint Pierre, et de saint Jacques, jusqu’à l’Apocalypse. À mon avis, c’est là ce qui est supposé, lorsque Jean reçoit l’ordre de ne pas cacheter les paroles de la prophétie de ce livre. Nous avons à en faire usage, et à la comprendre maintenant en vertu de la connaissance de Christ, et avec le Saint Esprit donné par Christ comme une onction par laquelle nous connaissons toutes choses. Pour nous, le temps est toujours proche, et les paroles de ce livre ne sont pas scellées pour nous ; de sorte que c’est pure incrédulité, si au lieu de porter le livre pour ainsi dire, à Christ qui est la lumière pour révéler cela comme tout le reste, nous le soumettons au monde et à sa sagesse, qui ne peuvent qu’en obscurcir l’intelligence. C’est là, je n’en ai aucun doute, la source et la raison des erreurs si répandues relativement à l’interprétation du livre et des difficultés qu’elle rencontre. Pour le bien comprendre, ainsi que toute autre portion de l’Écriture, il faut que je voie ce que Dieu est occupé à faire pour la gloire de Son Fils. Comme chrétien, je suis encouragé à lire la prophétie : ses paroles ne sont point scellées pour ceux qui ont la pensée de Christ. Si j’étais juif, j’aurais à attendre jusqu’au temps de la fin dans la pleine acception prophétique du mot, c’est-à-dire jusqu’à la fin du siècle. Alors les intelligents parmi les Juifs comprendront ; ils sont le résidu, fidèle, intelligent. C’est par un tel résidu, du moins en principe (appelé, il est vrai, à de meilleures espérances), que l’Église commença.

Mais, diront peut-être quelques personnes, il y avait dans la prophétie de Daniel certaines choses qui devaient être scellées, et d’autres qui ne devaient pas l’être : pourquoi ne seraient-ce pas ces dernières (et non les premières) qui étaient celles qu’il fut dit à Jean de ne pas sceller ? Je réponds que l’Apocalypse suppose toute la vérité que nous trouvons en Daniel, et bien davantage encore. Elle ne saurait être comprise si Daniel ne l’était pas ; tandis qu’il y a bon nombre de vérités comprises dans l’Apocalypse qui ne furent point données en Daniel. Un pareil argument est donc sans valeur. De fait, Daniel parle dans les termes les plus généraux, et il lui fut dit de fermer les paroles et de cacheter le livre et non pas quelques-uns de ses parties seulement. L’Apocalypse est sur le même terrain que Daniel pour ce qui concerne le dernier empire, mais contient nombre de choses d’une portée encore plus vastes et de beaucoup plus profondes — choses provenant de l’apostasie chrétienne, et qui s’ajoutent à la ruine antérieure d’Israël et à la méchanceté future tant d’Israël que des Gentils. Si donc il se trouvait dans le Nouveau Testament quelque livre qu’on pût naturellement s’attendre à voir sceller, c’est sans contredit celui de l’Apocalypse ; car, comme il est le dernier de tous les livres de la Bible, il en est aussi le plus difficile, le plus abstrus, et le plus étendu. C’est pourquoi, lorsque j’entends le Saint Esprit dire : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre », je vois clairement impliquée dans cet ordre, l’indication des privilèges particuliers du chrétien. Il le suppose placé dans la pleine lumière de Dieu ; de sorte que ce qui peut avoir été caché auparavant, est aujourd’hui pleinement révélé, à cause que Christ est venu et nous a fait membres de Son corps, et qu’Il nous a donné le Saint Esprit qui sonde toutes choses et même les choses profondes de Dieu. Telle est, à mon avis, la raison pour laquelle il est dit : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre ».

Cela est important sous un autre rapport qu’on ne voit pas toujours. Les événements signifiés par les visions prophétiques de l’Apocalypse ne rendent jamais capable de comprendre le livre lui-même. Lors même qu’ils s’accompliraient aujourd’hui, cela ne donnerait pas par soi-même l’intelligence de l’Apocalypse. La seule clef pour la prophétie, c’est le Saint Esprit qui peut seul nous faire connaître la relation qu’elle a avec Christ ; et tant que cette relation n’est pas connue, on ne saurait comprendre la prophétie. Prenez, par exemple, une des prophéties les plus claires et les plus précises, celle des soixante-dix semaines de Daniel. On admet généralement qu’elle a été accomplie ; mais demandez qu’on vous en donne le sens réel, et vous verrez combien peu on la comprend : on a une idée vague qu’elle est accomplie, et c’est là presque tout ce qu’on en connaît. Ce ne sont donc pas les événements qui expliquent la Parole : il nous faut l’enseignement du Saint Esprit qui est aussi nécessaire pour interpréter la prophétie, que pour toute autre partie des Écritures. Les événements peuvent être l’accomplissement d’une prophétie particulière, et un témoignage de sa vérité pour ceux qui doutent ; mais ils n’apportent jamais par eux-mêmes la vraie interprétation de la prophétie ; ils la corroborent, incontestablement, quand elle est accomplie, et peuvent servir à fermer la bouche aux adversaires ; mais il faut comprendre la prophétie elle-même avant de pouvoir l’appliquer aux événements ; et lorsque vous la comprenez, vous avez ce que Dieu voulait donner à votre foi, indépendamment des événements. De fait, pour réfuter une idée pareille nous n’avons qu’à peser ce qui est dit ici, comme où que ce soit ailleurs : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre ; car le temps est proche ». Le prix, l’utilité, que la prophétie a pour nous, pour l’Église, est avant les événements, quelque utilité qu’elle puisse avoir pour ceux qui se trouveront là quand les événements auront lieu.

Mais écoutez maintenant une vérité bien solennelle. Lorsque le temps dont traite la prophétie sera réellement arrivé, quelle sera la condition des hommes ? Elle se trouvera fixée, à jamais fixée pour tous — sans espérance pour quelques-uns. « Que celui qui est injuste, soit injuste encore ; et que celui qui est souillé, se souille encore ; et que celui qui est juste, soit rendu plus juste encore ; et que celui qui est saint, soit sanctifié encore » (v. 11). C’est-à-dire, que ce n’est plus un temps où il puisse s’opérer un changement moral ; plus un temps où il puisse y avoir conversion des pécheurs, où un homme qui se trouve sous la puissance de Satan, puisse en être délivré et être transporté dans le royaume du bien-aimé Fils de Dieu. Tout cela a pris fin. Alors il faut que celui qui est injuste reste injuste, et que celui qui est souillé se souille encore. Les hommes sont solennellement fixés dans la condition dans laquelle ils sont trouvés. Le jour de la grâce aura passé, le jour du jugement sera venu, et la porte sera fermée alors pour toujours.

« Voici, je viens bientôt, et ma récompense est avec moi pour rendre à chacun selon ce que son œuvre sera » (v. 12). Ceci confirme évidemment ce que nous avons remarqué. Lorsque ce jour arrive, c’est le jugement des vivants. La venue du Seigneur n’est pas mentionnée ici comme un encouragement pour celui qui entend et garde les paroles de la prophétie de ce livre, mais plutôt comme en rapport avec un jugement qui saura tout discerner. « Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (v. 13). Le Seigneur Jésus prend ici, outre ce qui Lui est particulier, le même titre que Dieu Lui-même a pris au chapitre 21, 6. Comme Dieu était la somme et la substance de toute la révélation en cours d’action, Christ l’était pareillement. « Personne ne vit jamais Dieu ; le Fils unique qui est au sein du Père, Lui, l’a fait connaître ». « Bienheureux sont ceux qui font ses commandements, afin qu’ils aient droit à l’arbre de vie, et qu’ils entrent par les portes de la ville. Dehors sont les chiens et les empoisonneurs, et les fornicateurs et les meurtriers, et les idolâtres, et quiconque aime et fait le mensonge » (v. 14, 15).

Mais nous avons ensuite une autre chose. Il ne s’agit plus de la venue du Seigneur, présentée comme un encouragement à ceux qui garderaient les paroles de la prophétie de ce livre ; ce n’est pas non plus le Seigneur venant pour juger tous les hommes, et ayant Sa récompense avec Lui pour rendre à chacun selon ses œuvres. Nous avons vu les saints et les justes ayant leur portion, et les souillés et les injustes leur jugement. Mais le Seigneur a aussi Sa relation propre et parfaite avec l’Église. Et en conséquence, Sa voix se fait maintenant entendre ici avec une expression toute particulière. « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange, pour vous rendre témoignage de ces choses dans les assemblées. Je suis la racine et la postérité de David » (v. 16). C’est-à-dire, qu’Il fait allusion à Sa nature humaine et à Sa nature divine. Mais, outre cela, Il a une relation spéciale avec nous — « l’étoile brillante du matin ». Quand le Seigneur vient dans Sa gloire en vue du monde, c’est comme le soleil de justice avec la santé dans ses rayons pour ceux qui ont été brisés, dispersés, et pillés — pour le peuple terrible depuis là où il est et par-delà. Mais Il apparaît alors dans un appareil de terreur, pour fouler sous Ses pieds ceux qui L’ont méprisé. Ce n’est point ainsi qu’Il se présente à nous. Ce n’est pas pour nous l’image du soleil quand l’homme ne doit plus dormir. Lorsque le soleil de justice adresse son appel à l’homme, ce n’est pas pour l’inviter à travailler comme il travaille à présent ; il le cite à comparaître pour être jugé pour toujours, pour entendre sa sentence éternelle prononcée par le Seigneur de gloire qu’il ne peut plus mépriser. Voilà de quelle manière Il apparaîtra au monde, et « tous les orgueilleux, et tous les méchants seront comme du chaume. Et ce jour qui vient, a dit l’Éternel des armées, les embrasera et ne leur laissera ni racine ni rameau ». Mais pour ceux qui veillent durant la nuit du jour de l’homme, avant que le Seigneur Jésus apparaisse dans Sa gloire, pour ceux qui veillent avec des affections d’épouse, ne dormant pas comme les autres — dans quels termes le Seigneur s’adresse-t-Il à ceux-là ? Sous quel aspect se présente-t-Il à eux ? « Je suis l’étoile brillante du matin ». Précieuse étoile, étoile bénie du matin avant que naisse le jour ! Ce n’est point en vue du jour que nous veillons ; nous veillons en vue de Christ durant la nuit, et Il nous donnera l’étoile du matin, avant-coureur de l’aurore. Position bienheureuse — celle de notre amour et de notre espérance : elle ne sera jamais frustrée de sa joie, et le Seigneur Jésus viendra sûrement à nous comme l’étoile brillante du matin. Il nous encourage pendant que nous L’attendons, et Il viendra Lui-même bientôt pour nous. Il se peut que nous ayons à attendre un peu ; au moins il peut nous sembler à nous que le temps est long. Hélas ! il sera trop court pour ceux qui le perdent dans le sommeil ; mais quant à ceux qui attendent Christ et qui soupirent avec ardeur après le moment où ils Le verront, l’espérance peut sembler longtemps différée. Puissent nos cœurs, au lieu d’être fatigués et languissants, être remplis au contraire de la joie et de l’assurance ferme que le Seigneur vient bientôt ! Il est l’étoile brillante du matin.

Mais plus encore : « Et l’Esprit et l’épouse disent : Viens ». Quelle chose précieuse pour nous de penser que le Saint Esprit Lui-même est Celui qui prend la parole et dit : « Viens » ! Il gémit avec nous, entrant dans nos souffrances, maintenant qu’Il est descendu. Je n’ai pas besoin de dire qu’Il n’en est pas moins divin, mais Il a daigné en outre condescendre à s’identifier, pour ainsi dire, avec nos cœurs, et à partager nos sentiments. Mais ce ne sont pas des gémissements que nous avons ici ; telle n’est point la pensée de l’Esprit quand Il pense à la venue du Seigneur pour nous. C’est la calme et paisible ardeur du désir. « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ». Combien n’est-il pas fortifiant de savoir que c’est la voix du Saint Esprit Lui-même qui dit au Seigneur Jésus : « Viens » ! Ce n’eût pas été une chose tout à fait aussi bénie, si l’Église avait seule dit : « Viens ». Mais c’est « l’Esprit et l’Épouse ». Elle avait fait bien des choses mauvaises, elle avait commis bien des fautes dans ses pensées, dans ses sentiments, et dans ses voies. Mais maintenant c’est l’Esprit, le Saint Esprit Lui-même, qui dit : « Viens ». C’est Lui qui dirige le cœur à désirer la venue de Jésus ; c’est Lui qui est l’énergie de l’Église, la hâtant de Ses vœux et de Ses prières. « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ». C’est en regardant à Jésus que l’Église ou le chrétien, dit : Viens ; ce n’est pas en regardant au pauvre pécheur et lui disant de venir. Le Saint Esprit conduit et inspire le cœur de l’Épouse à crier ainsi, non seulement par sympathie pour ses souffrances, mais en communion avec la joie avec laquelle elle regarde en haut dans l’espérance du retour de l’Époux.

« Que celui qui entend, dise : Viens ». Si seulement j’ai entendu la voix de Jésus, je suis autorisé à dire : Viens. Ici, il en est peut-être qui sont prêts à s’écrier : Oh, que je serais heureux de pouvoir demander au Seigneur de venir ! Mais comment puis-je dire : Viens, quand je me vois si indigne ? Chères âmes, le Seigneur Lui-même vous autorise à dire : Viens. Ce n’est pas seulement l’Épouse remplie du Saint Esprit qui dit : Viens — entrant dans la plénitude de ses privilèges ; mais écoutez cette parole : « que celui qui entend dise : Viens ». Avez-vous entendu la voix de Jésus et goûté combien Il est bon ? Ne savez-vous pas qu’Il est le bon Berger ? Je pourrais être le plus chétif et le plus faible, et par ignorance reculer à la pensée de la venue immédiate du Seigneur ; et néanmoins je trouve ici le Saint Esprit m’invitant moi-même à me saisir de la même parole que l’Esprit et l’Épouse font entendre : « Qui celui qui entend, dise : Viens ». Il est bien évident aussi que cette effusion des premières affections du cœur pour Christ et Sa venue, n’endurcit point le cœur à l’égard de ce pauvre monde, et ne nous rend pas indifférents à la conversion des pécheurs perdus. Elle produit bien plutôt un effet tout contraire. Quelque bonne opinion que les hommes aient de leurs propres efforts, ma conviction est que ceux qui désirent le plus la conversion des pécheurs, sont, toutes les autres choses égales d’ailleurs, ceux qui soupirent le plus ardemment après la venue du Seigneur Jésus. Je ne crois pas que ceux qui veulent l’ajourner, soient ceux qui prient et travaillent le plus pour la conversion des âmes. Qu’est-ce qui porte ces personnes à désirer que les pécheurs se convertissent ? Elles travaillent dans ce but parce qu’elles voient les âmes périr éternellement, et qu’elles sentent avec raison que sans Christ elles sont toutes profondément misérables. Mais ces sentiments-là leur sont communs avec tous leurs frères. Tous nous croyons que si les hommes ne reçoivent pas l’évangile, ils seront précipités en enfer, et nous sommes extrêmement affligés de les voir rejeter le Sauveur. Nous éprouvons ces sentiments aussi bien qu’eux. Mais nous avons une autre chose qui leur est étrangère : je veux dire la voie même du Seigneur, celle-là vaut mieux que la leur. Il sait, Lui, incomparablement mieux que Ses serviteurs, ce qui est bon pour les pauvres pécheurs et les pauvres saints. Or, Il nous fait voir dans ce passage que c’est le même Esprit qui regarde à Jésus et dit : Viens, qui peut aussi nous faire tourner nos regards vers les pécheurs perdus, avec la miséricordieuse invitation : « Que celui qui a soif, vienne ». Voilà l’autre côté de notre position bénie. Ici ce n’est pas l’Esprit dirigeant l’Église à regarder en haut au Seigneur, et à dire : Viens, mais c’est le cœur dirigé maintenant vers le monde et disant : « Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut, prenne gratuitement de l’eau de la vie » (v. 17). Le pécheur n’est pas invité à dire : Viens. Observez qu’il y a une grande différence dans la dernière partie du verset. Dans les deux premières clauses, on dit : Viens ; mais dans la dernière, ceux dont il est question n’appellent pas la venue de Jésus, mais sont invités à venir eux-mêmes : « Que celui qui a soif vienne », etc.

C’est ainsi que Dieu fait voir que la première pensée de mon cœur doit être pour le Seigneur Jésus. Si je Lui suis fidèle, je désirerai Sa venue. L’Esprit inspire et sanctionne ce désir. Et quel est l’effet de cela sur mes sentiments à l’égard du monde ? J’y trouve un motif céleste pour désirer la conversion des pécheurs. J’aurai les mêmes motifs moraux, et les mêmes affections qui agissent sur mes frères dont le cœur ajourne la venue du Seigneur, mais j’aurai de plus toute l’impulsion que peuvent me donner l’espérance de la prompte arrivée de Christ et le sentiment du danger de ceux pour lesquels Sa venue ne saurait être autre chose qu’un jugement certain, même dans ce monde. Plus un chrétien attend la venue de Christ à chaque moment, et plus aussi il doit désirer ardemment que les âmes viennent et prennent de l’eau de la vie, et déployer dans ce but une sollicitude active et pleine de zèle.

Dans ce verset 17, Dieu signale donc notre double relation. Il me montre ma relation avec Christ, qui doit être la pensée de mon cœur — non pas seulement pour que mon âme soit en paix s’Il vient, mais pour qu’elle soit remplie de l’ardente affection qui désire qu’Il vienne. Il me fait voir ensuite que si je suis en bon état à cet égard, je regarderai autour de moi avec un zèle plein d’ardeur dans le sentiment de la grâce de Christ, et dirai à quiconque a soif : Viens. Plus que cela : Si j’aperçois une âme qui peut-être n’éprouve pas une soif ardente, mais qui veut venir, je ne lui dirai pas d’attendre qu’elle ait soif. Je l’engagerai à venir sur-le-champ, et lui ferai bon accueil ; car voici la teneur de la parole : « que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie ». Lors même qu’il n’y ait que le simple désir du cœur, il vient de Dieu et personne n’a le droit de dire : Il vous faut attendre que vous ayez fait telle ou telle expérience. Si un homme n’est pas allé aussi loin dans la connaissance de son état réel, je ne dois pas le tenir à l’écart. L’eau de la vie est pour quiconque veut : cet homme est engagé à venir et à en boire gratuitement. Quelle plénitude de grâce il y a dans la manière dont le Seigneur nous présente notre position !

« Moi, je rends témoignage à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre, que si quelqu’un ajoute à ces choses, Dieu lui ajoutera les plaies écrites dans ce livre ; et si quelqu’un ôte quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu ôtera sa part de l’arbre de vie et de la sainte ville, des choses qui sont écrites dans ce livre » (v. 18, 19). Vous remarquerez que l’arbre et la ville mentionnés ici, correspondent à ce que nous avons vu au verset 14. Ceux qui font Ses commandements sont bienheureux, et ont droit de manger de l’arbre de vie et d’entrer par les portes dans la cité. Mais quant à ceux qui ôtent quelque chose des paroles de ce livre, Dieu ôtera leur part tant de l’arbre que de la ville, des choses qui sont écrites dans ce livre. Ils n’y auront point accès.

Le Seigneur venait de dire que s’il se trouvait des hommes qui ôtassent quelque chose des paroles de la prophétie de ce livre, et qui le déshonorassent, Il le saurait certainement, le ressentirait et en ferait punition. Mais Il ne pouvait terminer par de telles paroles. Il a gardé, pour ainsi dire, le meilleur vin pour la fin. Il avait déjà parlé de Sa venue en rapport avec le jugement, et de Sa venue pour l’Église en parfaite grâce ; et maintenant Il ne pouvait pas nous quitter sous une impression de tristesse. Il faut qu’Il ramène nos cœurs à l’allégresse et à la joie que fait éprouver la pensée de Son retour ; et en conséquence Il ajoute : « Celui qui rend témoignage de ces choses, dit : Oui, je viens bientôt. Amen ». Est-ce Son amen à Lui, affirmant la vérité, ou simplement la réponse du cœur du prophète ? Si c’est le Sien, il est véritablement plein de douceur. Ce serait le Seigneur mettant Son propre sceau sur la vérité de la parole qu’Il avait dite auparavant : « Voici je viens bientôt ». Toujours est-il certain qu’immédiatement Jean, comme représentant l’Église, répond : Viens, Seigneur Jésus. Si c’est l’« amen » du prophète, il est la prompte réponse que son cœur fait au Seigneur.

Et si c’est notre privilège de regarder à Christ et d’entendre Sa voix ; si nous avons connu quelque chose de la joie d’être, même dès à présent, en union avec Lui-même, d’avoir été faits membres de Son corps, de Sa chair et de Ses os ; si nous attendons dans la conscience de notre relation d’Épouse avec Christ et sûrs que nous aurons la portion de l’Épouse, en présence de l’Agneau pour toujours, que le Seigneur nous accorde que ce soit là la réponse de nos cœurs et de nos lèvres — « Amen, viens Seigneur Jésus ». Puisse notre attente ne pas être l’attente de quelque chose, pour nous, ni pour l’Église, bien moins encore pour le monde ! Quel déplorable aveuglement que d’attendre des jours meilleurs, tandis que Jésus est absent ! Sans doute qu’il y a en réserve d’heureux jours, même pour ce pauvre monde — les jours du ciel sur la terre ; mais il faut auparavant que le Seigneur vienne, et il faut qu’avant tout, il nous ait pris à Lui. Le Seigneur ne dispensera pas au monde, envisagé comme un tout, une période de joie réelle, permanente, jusqu’à ce qu’Il ait l’Église avec Lui-même. Car, comme nous le voyons en Romains 8 : « la vive attente de la création attend la révélation des fils de Dieu ». La révélation, dont il s’agit ici, sera une révélation en gloire. Saint Paul avait parlé un peu avant de la gloire qui sera révélée en nous, lorsque nos corps seront changés et rendus semblables au corps glorieux de Christ. Nous ne sommes pas semblables au Fils de Dieu maintenant, pour ce qui est de nos corps : nous savons trop bien que nous portons encore l’image de celui qui est poussière ; mais un jour nous porterons l’image du céleste. Et alors, quand Dieu nous verra briller à la ressemblance de Son propre Fils, Il n’aura pas lieu d’avoir honte de nous. Il ne veut pas nous produire devant l’univers, jusqu’à ce que nos corps soient aussi dignes de Lui, que l’est la vie nouvelle qu’Il a donnée à nos âmes. Quand les fils de Dieu seront manifestés, la création cessera de gémir et la terre et les cieux, remplis de félicité et d’allégresse, publieront à la fois la gloire et la bonté de Dieu : « Les fleuves battront des mains, et les montagnes chanteront de joie, au-devant de l’Éternel ». Il sera manifesté alors, que la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire que le Seigneur a mises devant nous, auront pour résultat des chants de louange, de joie et d’allégresse, qui retentiront jusque dans les parties de la terre les plus lointaines, et jusqu’aux plus extrêmes limites de la création.

Que le Seigneur daigne nous faire la grâce de pouvoir dire : « Amen, viens, Seigneur Jésus » ! Puissions-nous le dire pour nous-mêmes, comme pour toute l’Église, et dans un sens, aussi pour toute la création dont la bénédiction dépend de notre manifestation avec Christ ! En attendant, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec tous les saints.



  1. Ce mot Asie, ne désigne pas même l’Asie mineure mais seulement cette portion de sa côte occidentale qui formait la province proconsulaire romaine. Ce titre avait été donné au royaume de Pergame, précisément comme une partie du territoire carthaginois avait reçu le nom de province de Libye ou d’Afrique. — Quelques-uns expliquent l’absence de toute allusion à Colosses et à Hiérapolis, par la circonstance que ces villes avaient été détruites par un tremblement de terre, peu après la date de l’épître de Paul à la première. Si Eusèbe et Tacite parlent du même fait (car leurs dates différent), il semble que Laodicée, quoique enveloppée dans la même catastrophe, fut rebâtie avant le règne de Domitien. Mais en adoptant la date de l’historien romain (an 61), comment cela s’accorderait-il avec la date attribuée communément à l’épître aux Colossiens de l’an 64 ? Comment ne pas être surpris aussi, que quelqu’un d’impartial accueille l’idée étrange de Théodoret, que saint Paul fut le fondateur des églises de Colosses, de Laodicée et d’Hiérapolis ? Colossiens 2, bien compris, met les Colossiens et les Laodicéens parmi ceux qui n’avaient point vu l’apôtre dans la chair.
  2. À la fin du livre (chap. 22, 12) le Seigneur prend des titres pareils ; car s’Il est l’homme exalté, et s’Il doit venir et juger comme tel, Il est beaucoup plus, et aucune manière de désigner l’Éternel Dieu ne peut dépasser la dignité de Sa personne. Mais les paroles du texte ordinaire, au verset 11 (« je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier et »), sont une interpolation, et gâtent l’harmonie du contexte. Tous les meilleurs manuscrits, versions, etc., les rejettent et ont « Dieu » au verset 8.
  3. Quiconque croit à l’inspiration de l’Apocalypse, admet naturellement l’application universelle des tableaux contenus dans Apocalypse 2 et 3, comme celle des Actes dans le Nouveau Testament, ou celle des histoires de l’Ancien. Mais l’idée que les sept églises représentent toutes les églises, ou l’état et le caractère général des choses, aux jours de Jean, me semble pure confusion. Le fait est que chacune d’elle représente un état moral distinct, dans lequel le corps professant pouvait se trouver en tout ou en partie à un temps donné. En un mot, que les assemblées locales présentassent alors les traits spéciaux décrits ici, la chose est parfaitement vraie ; mais elles ne pouvaient pas toutes caractériser l’état général de l’Église et ce moment-là, parce que ce sont des conditions morales différentes et même opposées qui ressortent dans chacune d’elles. Si nous admettons par conséquent, comme nous devons le faire, que leur portée s’étend au-delà des assemblées locales, ou de la conduite des individus simplement, elles ne peuvent avoir trait naturellement qu’aux phases successives d’un état spirituel, bon ou mauvais, dans l’histoire de l’église professante. Les partisans extrêmes de l’école protestante dans l’interprétation de l’Apocalypse, ne savent peut être pas généralement que leur savant chef, Mède, s’exprime ainsi dans ses plus mûres « Courtes observations sur l’Apocalypse » (œuvres, page 905) : « Si nous faisons attention à leur nombre sept, nombre d’une révolution de temps, et qu’en conséquence, dans ce livre, les sceaux, les trompettes et les coupes sont au nombre de sept ; si nous réfléchissons au choix que fait le Saint Esprit, et par suite duquel il ne prend pas toutes les églises, ni l’église la plus célèbre du monde comme Antioche, etc., et qui avaient sans doute autant besoin d’instruction que celles qui sont nommées ici — si tout cela est considéré attentivement, ne semble-t-il pas qu’outre ce point de vue littéral, ces sept églises furent prises comme des modèles et des types des divers âges de l’église catholique, a principio ad finem (NdE : Du commencement jusqu’à la fin), de manière à être pour nous comme une esquisse prophétique de la septuple condition de toute l’Église visible, selon les âges divers, correspondant à la description de ces sept églises ? Et si on accorde ceci, savoir que l’intention du Seigneur était d’en faire autant de modèles d’un pareil nombre de conditions de l’Église se succédant dans un ordre semblable à celui dans lequel ces églises sont nommées, alors certainement la première église (l’état éphésien) doit être la première, et la dernière être la dernière », etc.
  4. Origène et Andréas adoptèrent le premier sens, mais Épiphane et d’autres le rejettent expressément. Plusieurs parmi les modernes supposent que ce terme est emprunté à la synagogue, et répond au chazan de celle-ci. Dans ce cas, l’ange de l’église ne saurait être un ancien, bien moins encore le président des anciens, comme le prétend Vitringa, mais plutôt celui que l’on appelle le clerc ou le sacristain. Le terme employé par le Nouveau Testament pour désigner ce chazan ou ange de la synagogue, parait être hupérétès, celui qui prenait soin des livres, etc. (Luc 4, 20) ; le chef de la synagogue était distinct, et il y en avait plusieurs (Act. 13, 15).
  5. La véritable leçon du verset 15 est « pareillement » au lieu de « ce que je hais » qui a été probablement copiée de 2, 6. Le sens est qu’il y avait des gens qui tenaient la doctrine nicolaïte, aussi bien que des gens qui tenaient celle de Balaam.
  6. L’application du jaspe, dans la description de la cité céleste, semble décidément mettre de côté l’idée que la couleur de cette pierre devait représenter quelque chose d’un aspect fort terrible aussi bien que glorieux. Il serait tout à fait hors de question d’attribuer un trait semblable à la nouvelle Jérusalem, dont la figure est encore plus emphatiquement employée. Je ne puis donc que penser qu’il nous en faut chercher la signification en retenant l’un et l’autre de ces caractères, et que l’idée de gloire et de splendeur est la plus satisfaisante. Bien plus insoutenable encore est l’opinion que le jaspe désigne l’incarnation ; elle ne me paraît répondre à aucun des cas où se rencontre la figure ; elle mettrait d’une manière désespérante le chapitre 4 en contradiction avec le chapitre 5, et entraînerait, je crains, un abandon sérieux de la saine doctrine si on l’appliquait au chapitre 21.
  7. Tout le monde admet que les chérubins sont invariablement les ministres du trône de Dieu, et qu’ils occupaient par conséquent le lieu le plus saint, étant faits du même morceau d’or que l’arche elle-même sur laquelle Jéhovah était assis. Mais on met en avant que bien que dans tous les exemples fournis par l’Ancien Testament ils aient un caractère angélique, parce que la loi a été ordonnée par les anges (Gal. 3, 19), ils pourraient bien avoir un caractère humain dans l’Apocalypse, parce que le monde à venir est assujetti à l’homme (Héb. 2, 5). Ainsi, les chérubins et les anciens représenteraient les saints sous un double aspect, en action et en contemplation. Et c’est bien certainement un fait remarquable, ainsi qu’on l’a observé, qu’avant que l’Agneau paraisse et prenne le livre, il n’est pas fait mention d’anges qui donnent gloire, et que les chérubins ou les animaux ne font qu’exprimer ou célébrer la sainteté de Dieu, sans être associés à un culte intelligent, au lieu que lorsque l’Agneau est en scène, les anciens et les chérubins s’unissent en un culte intelligent, et les anges sont expressément distingués d’eux. Mais nous pourrons nous étendre davantage sur ce point en traitant du chapitre 5.
  8. Il faut soigneusement distinguer, quoiqu’en dise Bengel, l’expression toute créature « sous la terre » hupokatô tês gês, de Phil. 2, 10, katachthoniôn. La première signifie, je pense, les choses, animées ou inanimées, sous la surface de la terre, lesquelles anticipent, dans la vision, leur affranchissement de la corruption et leur introduction dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Elles ne peuvent pas, naturellement, partager la liberté de la grâce dont nous jouissons ; mais quand nous serons dans la gloire, ce sera le gage que leur changement glorieux suivra rapidement. La dernière, en Philippiens, signifie les êtres infernaux qui doivent se prosterner, comme tout genou doit fléchir en tout lieu, au nom de Jésus
  9. On remarquera que cette assertion, si elle est bien fondée, tranche la question de l’application propre et vraie du reste du livre. Car quoi de plus important que de savoir s’il parle, dans toutes ces visions, du temps pendant lequel l’Église est encore sur la terre, ou des jours qui suivront — de la grande crise en laquelle l’Église ne sera plus ici-bas, mais sera ressuscitée, et où Dieu en agit avec la terre sur un autre principe ? Dire qu’il nous est donné de connaître ces visions ne prouve rien. Toute l’Écriture nous est donnée et nous est bonne ; mais certainement ne nous concerne pas toujours, et nous tirons grand profit, non pas de l’idée que Dieu ne pense jamais qu’à nous, mais de la véritable intelligence de sa portée et de son but. Si Abraham s’était imaginé qu’il devait être enveloppé dans la catastrophe qui menaçait Sodome, parce que le Seigneur dans Sa grâce la lui avait révélée avant qu’elle arrivât, une telle illusion lui aurait fait du mal. Ce n’est pas à Lot, qui était là, mais à Abraham, qui n’y était pas, que fut faite la plus complète communication. Et tel sera encore le cas, je n’en doute pas. Un résidu est destiné à être sauvé — sauvé comme à travers le feu. Puisse notre place être au-dessus de tout cela, au-dessus du monde, en esprit maintenant, et puissions-nous regarder en bas, à ses plans et à ses progrès, avec la conscience permanente que le jugement se hâte — destinés que nous sommes à être de fait en haut quand ce jugement viendra.
  10. Un chœnix, ou environ une pinte et demi, pour un denier, ou environ seize sous de notre monnaie.
  11. Il peut être bon de mentionner dans cette note mon opinion, que voici : les mots « et vois », qui d’après le texte reçu et la version autorisée, suivent « Viens » dans le cri des quatre animaux vivants, me paraît être une interpolation. Dans le cas du second cri (v. 3), il n’y a pas de différence de jugement parmi les critiques de quelque notoriété, mais, chose étrange, Griesbach et Scholz retiennent le sens ordinaire dans les deux derniers cas et, dans le premier, Knapp avec eux. Buttmann, Hahn, Lachmann, Tischendorf et Tregelles sont unanimes à supprimer ces mots, et, je pense, avec raison. La différence quant à l’interprétation serait celle-ci. D’après la leçon du texte reçu, c’est un appel fait par chaque animal à Jean ; mais s’ils crient seulement : « Viens », l’appel semblerait s’adresser directement à ceux qui sont montés sur les divers chevaux, et qui, en conséquence, sortent à leur commandement. Le rapport des animaux avec l’action des cavaliers, est rendu plus clair et plus expressive par ce petit changement.
  12. La Vulgate, avec une forte autorité des manuscrits, lit : leur colère (ipsorum, non pas, ipsius).
  13. La vision n’implique pas que ces personnes doivent se trouver dans le ciel plutôt que sur la terre quand le royaume s’établit. L’expression « devant le trône et devant l’Agneau » a une portée plutôt morale que locale (comp. Apoc. 11, 4 ; 14, 3). Elle exprime simplement la place où le prophète les voit dans la pensée de Dieu. La description par laquelle le chapitre se termine donne l’idée de personnes délivrées d’amères souffrances, et désormais à l’abri pour toujours. Sans aucun doute ce sera pour elles une inexprimable bénédiction ; mais rien de ce qu’elles disent ne s’élève à la hauteur de la joie et de l’intelligence qui se montrent dans les anciens, et il n’est dit non plus absolument rien à leur sujet qui les mette sur un même niveau avec eux. On ne les voit jamais avec des couronnes ni assises sur des trônes comme les vingt-quatre. Elles sont en relation avec Dieu quand Il n’est plus envisagé comme assis sur un trône de grâce, aspect sous lequel nous Le connaissons maintenant, mais comme sur un trône d’où procèdent des jugements. Tout cela est en harmonie avec l’intervalle d’une action de Dieu en gouvernement qui précède le millénium auquel elle sert comme d’introduction.
  14. On a cherché à établir un contraste entre ces Gentils d’Apocalypse 7 et notre position propre en Apocalypse 1, 5, 6, en insistant sur la différence des déclarations, qu’ils ont lavé leurs robes, et qu’Il nous a lavés. Mais des rapprochements semblables mènent souvent à de graves erreurs, comme c’est le cas certainement de celui-ci. Je désire en conséquence déclarer d’une manière explicite mes convictions personnelles (auxquelles sans doute l’auteur à qui je fais allusion se joindrait cordialement), que le salut de tous les sauvés de tous les temps dépend de l’œuvre de Christ, et que l’Esprit l’applique seul efficacement à toute âme. La question réelle, c’est celle de la diversité des voies de Dieu et de Ses dispositions souveraines parmi les sauvés. À mon avis, l’Écriture est parfaitement claire sur tout cela, si on voulait abandonner toute idée préconçue et s’attendre à Dieu pour la réponse à cette question.
  15. L’extrait suivant de la dissertation préliminaire du docteur John Owen à son commentaire sur l’épître aux Hébreux est fortement recommandé à l’attention par un professeur de théologie vivant, et peut servir à prouver les ténèbres qui règnent sur le sujet en question. « À la venue du Messie, il n’y eut pas d’église ôtée et remplacée par une autre ; mais la même Église continua d’exister en ceux qui étaient les enfants d’Abraham selon la foi. L’église chrétienne n’est pas une église différente ; elle est exactement l’église même qui existait avant la venue de Christ, partageant la même foi qu’elle, et étant intéressée dans la même alliance. L’olivier est le même, seulement quelques branches ont été coupées et d’autres y ont été entées ; les Juifs sont tombés et les Gentils sont venus à leur place. C’est là ce qui fait et doit faire la différence entre les Juifs et les chrétiens relativement aux promesses de l’Ancien Testament. Elles sont toutes faites à l’Église. Personne n’y a part, si ce n’est en qualité de membre de l’Église. Cette église est, et a toujours été, la même. Quels que soient ceux dans lesquels elle se poursuit, les promesses leur appartiennent, non pas par application ou analogie, mais directement et proprement. Elles appartiennent aussi immédiatement aujourd’hui, soit aux Juifs ( ?), soit aux chrétiens, qu’elles appartenaient jadis à qui que ce soit. Il s’agit de savoir quels sont ceux qui composent cette église qui est fondée sur la semence promise dans l’alliance ; car là où elle est, là se trouvent Sion, Jérusalem, Israël, le temple de Dieu ». Pas une phrase en tout cela, qui ne renferme une erreur, car là même où il y a un certain fond de vérité, il en est fait un usage trompeur. Sur ce pied, la transformation de l’Église en quelque chose de tout juif est complète. Le fait est que le Dr Owen confond la vocation de l’Église selon le mystère caché dès les siècles et les générations, avec l’ordre terrestre auquel appartient l’administration des promesses. Ainsi, la doctrine des épîtres aux Éphésiens, aux Colossiens, et d’autres portions semblables de l’Écriture, est laissée de côté et inconnue : c’est-à-dire, la doctrine d’un corps uni à Christ, sa tête glorifiée, et manifesté sur la terre par le Saint Esprit envoyé du ciel. Un état de choses pareil n’existait pas avant la première venue de Christ, ni ne saurait exister après Sa seconde venue. Quant à l’héritage des promesses, nous y avons part avec les saints des anciens temps, mais cela ne constitue pas notre lot particulier de bénédiction. L’Église, comme telle, est une chose toute différente, quoique ses membres soient, avec d’autres, héritiers par Christ. De même pour l’olivier. Sans doute, les Gentils y sont entés maintenant, mais est-ce possible qu’un homme spirituel confonde cela avec le corps de Christ ? Ces Juifs étaient des branches naturelles, l’olivier était leur propre olivier ; les branches incrédules elles-mêmes en faisaient partie, quoiqu’elles aient été coupées à la fin pour que les Gentils entrassent. Mais y a-t-il en tout cela un mot qui manifeste l’Église telle qu’elle nous apparaît en Éphésiens 1 et 2 ? Ici tout n’est-il pas au-dessus de la nature ? Dans ce corps qui est un, nous n’avons pas des Juifs faisant place aux Gentils, mais les croyant juifs ou gentils, retirés de leur ancienne condition précédente, réconciliés en un par la croix, et édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l’Esprit. Tout cela est annulé par la théorie du Dr Owen. M. Elliot l’abandonne au moins pour ce qui regarde l’avenir. « L’Église des premiers-nés, l’épouse peut être complète, dit-il, mais il ne s’en suit pas que personne ne peut être sauvé après. La déclaration que les rois de la terre marcheront à la lumière de la Jérusalem céleste, me semble impliquer une jouissance de la bénédiction par d’autres que ceux qui composent l’épouse de Christ, la nouvelle Jérusalem. Le fait lui-même que Christ est un sacrificateur sur Son trône (s’il s’applique, comme je le pense, à l’époque milléniale), implique que Christ agit comme intercesseur et qu’Il remplit d’autres fonctions sacerdotales. Et si la manière dont je comprends Jean 17, 21, 23 est juste, c’était un point important de Sa toute première prière d’intercession, qu’il résulterait de la manifestation distinctive en gloire de l’église de Ses disciples de la dispensation actuelle que le monde généralement croirait en Lui ; — manifestation qui, comme tous en conviennent, n’aura lieu qu’à sa seconde venue » (Horæ Apoc. page 187). Chacun doit reconnaître que dans le millénium l’olivier sera florissant plus que jamais, et que les promesses à Abraham seront accomplies à la lettre. Si donc l’Église, l’Épouse de Christ, est distincte des saints de l’époque milléniale quoique ces derniers héritent des promesses et soient des branches de l’olivier, le principe est évidemment abandonné. La même chose peut être vraie des saints de l’Ancien Testament. C’est une question de témoignage de l’Écriture. Or, celle-ci, nous l’avons vu, déclare que l’Église de Dieu, le corps de Christ, dépend du don et de la présence du Saint Esprit à la suite de la mort, de la résurrection et de la glorification du Sauveur (Matt. 16, 18 ; Jean 7, 39 ; 14-16 ; Actes 1 ; 2 ; 1 Cor. 12 ; etc.).
  16. Tout ce qu’il y a de fantastique et d’incertain dans le système d’interprétation des trompettes, particulièrement de ceux qui nient qu’elles sont postérieures aux sceaux et qui tâchent d’en déduire un cours d’événements parallèle à celui des sceaux, peut se voir par l’esquisse ci-dessous tracée par l’un des plus habiles d’entre eux. « Il suffira de choisir neuf ou dix commentateurs des plus éminents et des plus renommés, pour voir combien leurs vues diffèrent dans les détails ; tandis qu’il y a accord unanime quant à l’idée générale que ces trompettes indiquent les jugements politiques qui tombèrent dans les premiers siècles sur l’empire romain. Comparons Mede, Cressener, sir Isaac Newton, Whiston et Lowman ; et parmi les auteurs vivants M. Faber, M. Cuninghame, M. Frere et le Dr Keith avec le dernier desquels M. Elliot est à peu près d’accord dans l’arrangement de cette partie de la prophétie. La première trompette commence, selon Lowman, au temps de Constantin ; selon M. Cuninghame et M. Frere, à la mort de Valentinien, l’an 376, et finit à la mort de Théodose, l’an 395. Mais Mede, Newton, Keith, et M. Elliot la font commencer à la mort de Théodose et durer jusqu’à la mort d’Alaric, l’an 410. Cressener et Whiston y comprennent les deux périodes. M. Faber s’accorde avec Mede et Newton quant à son commencement, mais la continue quarante ans après la mort d’Alaric, années 395-450. La seconde, d’après Lowman, M. Cuninghame et M. Frere, s’étend depuis Théodose jusqu’à Alaric, précisément l’intervalle que Mede, Newton, Keith et M. Elliot assignent à la première. Mede la rapporte à la chute de la souveraineté romaine, années 410-455 ; Cressener, aux invasions au-delà des Alpes, années 410-448 ; sir Isaac Newton, aux Visigoths et aux Vandales, 407-427 ; Whiston, Faber et Keith aux Vandales seulement, mais dans des limites différentes, années 406-450, 439-477, et 429-477 respectivement. La troisième trompette est appliquée par sir Isaac Newton aux Vandales, années 427-430 ; par Whiston, M. Cuninghame et Dr Keith, à Attila et ses Huns, années 441-452 ; par Mède, Cressener et Lowman, aux troubles d’Italie ou à l’établissement du César occidental, années 450-476 ; par M. Faber, aux mêmes événements dans de plus étroites limites, années 462-476 ; et par M. Frere, à l’hérésie nestorienne. Enfin, la quatrième est rapportée par M. Cuninghame à la chute de l’empire, années 455-476 ; par Whiston, à son extinction elle-même, année 476 ; par Mede, Cressener, Lowman et Keith, à l’éclipse subséquente de Rome, années 476-540 ; par Newton, aux guerres de Bélisaire, années 535-552 ; par M. Faber et M. Frere, au règne de Phocas et à l’invasion des Perses en Orient, années 602-610. La remarque de M. Faber sur ces différences entre les auteurs qui l’avaient précédé, est très naturelle et très juste : « Tandis qu’ils conviennent que la chute de la puissance romaine en Occident est au moins le trait le plus saillant de la prophétie, c’est à peine si deux s’accordent sur la division de ce sujet entre les diverses trompettes que l’on suppose s’y rapporter. Le résultat en général qu’ils font ressortir, c’est le renversement de l’empire d’Occident, mais on ne saurait imaginer plus de variété et de désaccord dans les degrés particuliers par lesquels ils y conduisent. Une aussi curieuse circonstance peut être considérée avec juste raison comme la honte de l’interprétation de l’Apocalypse, et peut naturellement nous amener à soupçonner que la véritable clef pour l’application distincte des quatre premières trompettes n’a jamais été trouvée encore ou, que, si elle l’a été, on ne s’en est jamais encore servi d’une manière satisfaisante. La conséquence naturelle qui découle de cette étrange variété d’opinions parmi les meilleurs commentateurs, c’est que les divisions historiques qu’ils ont adoptées sont obscures et vagues, comparées à la netteté avec laquelle les quatre premières trompettes sont distinguées les unes des autres » Birks’ Mystery of Providence, pages 103, 104. Je dois ajouter cependant que peu de commentateurs ont dépassé M. B. dans la liberté qu’il s’est donnée dans la manière dont il applique ce chapitre. Il appelle les versets 2-4 la saison de l’intercession, et les applique au temps qui va depuis Nerva jusqu’après Aurélien (années 86-180) ; — pourquoi à cette époque plutôt qu’une autre quelconque, c’est ce qu’on ne voit pas clairement. Puis les versets 5-6 sont l’avertissement et la préparation (années 181-248) ; ensuite, verset 7, la première trompette (années 250-268) avec une pause imaginaire dans le jugement (années 270-365) ; versets 8, 9, la seconde (années 365-476) ; versets 10, 11, la troisième (années 431-565) ; verset 12, la quatrième (années 540-622).
  17. L’expression « la troisième partie » se rencontre souvent dans les quatre premières trompettes. Elle est relative, je pense, à la partie occidentale de l’empire romain. Nous la retrouvons au chapitre 9 dans une connexion différente où sa signification doit être modifiée ; car, à mon avis, il ne saurait y avoir de doute que les deux premières trompettes de malheur (quoi qu’on puisse penser de la dernière), trouvent leur application locale en Orient. De fait, cela est si clair qu’un écrivain de nos jours voudrait décider du sens de l’expression dans le chapitre 8, par son rapport incontestable avec l’Orient (ou comme peut-être il voudrait dire la Grèce), dans le chapitre suivant. Mais évidemment ce mode d’interprétation n’est pas légitime, et c’est une erreur de voir là une allusion au troisième emblème de Daniel. En elle-même l’expression « troisième partie » ne détermine rien, sinon qu’il y a une division en trois parties. Elle peut s’appliquer également à l’une ou à l’autre des trois : pour déterminer celle qui est particulièrement désignée, il nous faut tenir compte du contexte.
  18. L’Égypte est la première puissance renommée dans l’histoire pour ses chevaux (Ex. 6). Ainsi, elle en était le grand marché du temps de Salomon (1 Rois 10, 28), comme Togarma le fut pour Tyr (Éz. 27, 14). Voyez Ésaïe 31, 1, 3. En Zacharie ils symbolisent les divers empires.
  19. Si, d’après Usher, la mort de Christ doit se placer au milieu de la soixante-dixième semaine, il me semble que la confusion n’en est qu’augmentée ; car, en toute justesse d’interprétation, la dernière semaine ne commence pas à s’accomplir avant que la ville et le sanctuaire soient détruits par les Romains, pour ne rien dire d’un temps de désolation subséquente. Ainsi la manière de voir d’Usher, sur le verset 27, place réellement la mort de Christ à trois ans et demi, au moins, plus tard que la destruction de Jérusalem, si le verset 26 est dûment examiné. Ce qu’il y a de vrai, c’est que la prophétie elle-même, si elle est bien comprise, laisse place pour, et permet de supposer, une lacune de temps indéfini après que le Messie est retranché et avant que commence la dernière semaine. Il est certain que l’invasion romaine et les désolations qui s’en suivirent pour les Juifs, à part de l’action du conducteur qui viendra, ne se rattachent pas plus à la soixante-neuvième semaine qu’à la soixante-dixième. Le texte lui-même prouve donc l’existence de ce long intervalle.
  20. Les deux plus anciens manuscrits en lettres onciales jusqu’ici connus, A et C, avec un grand nombre de cursives, confirment le texte reçu, qui me paraît renforcé encore par le fait que dans les autres endroits du livre il y a : êkousa. Car sous de telles circonstances, l’idée d’assimilation, soit par accident soit à dessein, est bien plus vraisemblable que l’idée de différence. S’il en est ainsi, le sens est que les témoins ont reçu une publique et glorieuse justification à la face et aux oreilles de leurs ennemis.
  21. La véritable leçon est probablement ο ἄρρητα ρηματαἐν τῷ οὐρανῳ (c’est-à-dire : qui est dans le ciel). C’est ainsi du moins que rendent bon nombre de manuscrits.
  22. Il est étonnant que le vrai rapport de ce verset ait échappé à l’attention d’un si grand nombre de chrétiens intelligents ; cela tient, je suppose, au simple fait qu’on l’a malheureusement attaché à la fin du chapitre 11, au lieu qu’il devrait ouvrir la nouvelle vision qui commence le chapitre 12.
  23. Quelques-uns n’admettent pas qu’il soit fait ici allusion à la naissance de Christ, parce que cette hypothèse ne s’accorde pas avec la portée exclusivement future de l’Apocalypse, et penchent vers l’idée que l’enfantement de la femme signifie, symboliquement, la formation de Christ dans les cœurs d’Israël ou d’une certaine partie au moins, avant la crise finale. Comparez Galates 4, 19.
  24. Il faut que le lecteur sache que c’est ici la leçon la plus contestée du livre. Dans le grec, la différence n’est que d’une lettre de plus ou de moins ; mais dans un cas c’est de Jean qu’il s’agit, dans l’autre du dragon. Les autorités (manuscrits, versions, éditeurs et commentateurs) sont partagées. Si on compare notre texte avec Apocalypse 10, 5-10, cela suffira peut-être pour montrer qu’il n’y a pas d’inconvenance interne à assigner à Jean une telle position. Il faut se rappeler Daniel 10, 4, 5 ; 12, 5. D’un autre côté, si on doit lire « il se tint », je ne vois pas que cela attribue à Satan un pouvoir de providence, chose à laquelle il y aurait fort à objecter.
  25. Il faut se rappeler que ces remarques ont été écrites en Angleterre.
  26. M. Elliott voie dans la bête à deux cornes semblables à l’agneau le clergé papiste, le clergé séculier et le clergé régulier unis sous le pape comme patriarche de l’occident, et qui le soutiennent dans son caractère plus orgueilleux de vicaire de Christ, ou d’Antichrist. À son avis, le passage de Matthieu 7, 15 exclut presque toute possibilité d’erreur dans cette manière d’interpréter le symbole du corps clérical antichrétien. Mais l’expression, une « bête » n’implique-t-elle pas toujours, dans le langage figuré de la prophétie, une corporation politique ou un pouvoir civil, et jamais nulle part, une classe sacerdotale, quelque organisée qu’elle soit ? Devrait-on laisser de côté un pareil élément, en interprétant ce chapitre ?
  27. L’allusion est évidemment et incontestablement à Daniel 11, qui a en vue les Juifs et leur pays, et nullement l’Église. Cela est complètement confirmé par le passage de Matthieu 24, 15, qui se rapporte certainement à une chose et à une époque postérieures à la réjection de Christ par les Juifs, et à la réjection qu’Il fit d’eux Lui-même ; mais il signale aussi clairement, selon moi, un temps où Christ aura de nouveau un résidu pieux au milieu d’une génération incrédule, gouvernée par un faux roi sous l’influence romaine. Si, en de telles circonstances, le temple peut être appelé « le lieu saint », pourquoi ne pourrait-il pas être aussi appelé « le temple de Dieu » ? L’argument tiré de ce que la maison de Dieu est maintenant, tandis que l’Église est ici, est tout à fait frivole. Comparez aussi l’expression : « la sainte cité » en Matthieu 27, 53. Le dessein de Dieu n’est point révoqué, nonobstant le péché d’Israël.
  28. C’est aussi ce que pensait Hippolyte de Rome, qui fut martyr sous Maximin ou Décius, et que Photius dit avoir été disciple d’Irénée. Il semblerait d’après Jérôme qu’il écrivit positivement sur l’Apocalypse, outre son court traité encore existant sur notre sauveur Jésus Christ et sur l’Antichrist. Voici comment il parle de la seconde Bête, dans ce dernier traité (par. 49) : la bête qui monte de la terre exprime la royauté future de l’antichrist.
  29. Je ne suis pas en état d’affirmer que « l’abomination de la désolation » dont notre Seigneur parle en Matthieu 24, par allusion à Daniel 12, 11, est la même chose que « l’image » que nous avons ici. Il est absurde de supposer que notre Seigneur fît allusion à l’acte par lequel Antiochus Épiphane souilla le temple (Dan. 11, 31). Cela était passé depuis longtemps ; tandis qu’Il donne un avertissement à l’égard d’une autre abomination encore future et finale. On peut remarquer en conséquence que la phrase donnée par l’évangéliste répond exactement (non pas à Daniel 11, 31, mais) à chapitre 12, 11, dans les Septante. En Daniel 8, 13, il s’agit d’une chose tout autre, « le crime qui cause la désolation » ; et en Daniel 9, 27, quoiqu’il y ait un lien de connexion, il faut lire, je pense, « à cause de l’aile (c’est-à-dire la protection) des abominations, il y aura un désolateur » — déclaration entièrement distincte lors même qu’on accorderait qu’il s’agit de la même époque. Cela signifie que l’Antichrist établit l’idolâtrie dans le temple, fait à cause duquel il apparaît un désolateur dans la personne du grand ennemi d’Israël, le roi du Nord. La tentative d’appliquer ce passage aux Romains sous Titus, ou au pape, est complètement illusoire. La première de ces deux applications est due probablement à l’erreur par laquelle on confond Matthieu 24, 15, etc., avec Luc 21, 21. Ce n’est que Luc qui introduit le sujet du siège et de la captivité dont les Romains furent les instruments, comme il traite seul des temps des Gentils. D’un autre côté, Matthieu, également inspiré de Dieu, laisse de côté cette partie du grand discours prophétique de notre Seigneur, et s’arrête longuement sur la crise finale, en réponse à la question des disciples quant à la fin du siècle, crise finale qu’en conséquence Luc omet entièrement.
  30. Il est possible que le sens soit « afin que l’image de la Bête parlât et agît ; afin que tous ceux » etc. S’il en est ainsi, ce passage attribue à l’image de La Bête les mêmes choses qui caractérisent la Bête dans le verset 5.
  31. Il n’est pas surprenant que ceux qui sont fort occupés des choses présentes éprouvent le sentiment de l’étonnement le plus profond et de la plus profonde horreur, non pas à la vue de l’Antichrist, tel que les futuristes le dépeignent, mais à la vue du papisme tel qu’il a été et qu’il est, reconnaissant une si grande mesure de la vérité révélée et en même temps détruisant l’efficacité de la rédemption et de toute relation immédiate avec Dieu, pour ne rien dire de sa hideuse idolâtrie et de sa persécution systématique de ceux qui ne se sont point inclinés devant elle, qu’ils fussent ou non de vrais chrétiens. Mais plus de pareilles considérations font ressortir sa subtile hypocrisie, et plus aussi semblent-elles prouver que le romanisme correspond au mystère d’iniquité. Naturellement, son action dans les jours apostoliques n’était qu’un germe de ce qui se développa plus tard, jusqu’à ce que ce mystère aboutit à cette effroyable corruption que les écrivains protestants ont, dans un fidèle service, dévoilée et flétrie avec une vigueur et un zèle incontestables. De là vient que ce que nous trouvons en Apocalypse 17, c’est la femme corrompue (non pas la bête vorace) dont le nom est « Mystère, Babylone la grande, la mère des prostitués et des abominations de la terre ». Et remarquez-le, c’est la vue de la femme qui causa le profond étonnement de Jean. Toutefois, « l’apostasie », comme je lis dans l’Écriture, implique la négation publique de la vérité chrétienne, et non le maintien orthodoxe à tout prix des faits essentiels de l’évangile, que nous voyons dans le romanisme ; d’un autre côte, le fait que l’homme de péché doit s’asseoir et être l’objet du culte dans le temple de Dieu implique un défi à Jéhovah, sous la fausse attente d’Israël, qui a trait dans l’avenir à une autre forme plus audacieuse de la puissance de Satan.
  32. Aussi est-ce aller trop loin, et c’est non seulement sans preuve mais tout à fait inexact, que de dire que les coupes sont les événements compris dans la septième trompette. Il ne sert de rien d’alléguer à l’appui de cette opinion que les trompettes sont le développement du septième sceau. Cela, je n’en doute pas, parce qu’il n’y a absolument rien sous ce sceau, sauf un silence d’une demi-heure et que les trompettes sont alors données aux sept anges, etc. Mais il ne se trouve rien d’analogue à la fin d’Apocalypse 11, car dans cet état de chose interviennent les chapitres 12, 13, 14 dont le dernier contient la vision d’une scène de jugement par le Fils de l’homme, qui est incontestablement postérieure aux coupes.
  33. Jérôme a remarqué la coïncidence de cette donnée avec la longueur de la Palestine ; et Fuller, Faber, etc., l’appliquent littéralement à ce pays comme le grand Aceldama futur. D’un autre côté, Mède suggère le fait d’une longueur pareille dans les états de l’Église, de Rome à Vérone.
  34. Il n’y a que le sang de l’Agneau seul, cela va sans dire, qui soit efficace pour le péché devant Dieu.
  35. Ναος toujours employé exclusivement dans l’Écriture pour désigner le temple intérieur, les lieux saints.
  36. Le texte reçu en Apocalypse 21, 10 est fautif.
  37. C’est-à-dire seulement la partie proprement romaine de l’empire, ainsi que cela découle de Daniel 2, 34, 35, et du chapitre 7 — pour ne rien dire de Daniel 11 ; tous passages desquels il résulte clairement que le royaume partie de fer et partie de terre ne se rapporte pas à ce qui fut jadis, en dehors de l’Europe, sous la domination romaine, mais à la partie occidentale qui n’appartint jamais à la Grèce, ni à la Perse, ni à Babylone.
  38. C’est en vain que l’école protestante s’efforce de concilier ce passage avec sa théorie, que la femme et la bête se rapportent à l’église ou à la ville de Rome et à la papauté. Ainsi, par exemple, on a récemment annoncé que la femme est la Roma Dea, tant païenne que papale, la scène représentant Rome elle-même sous ce dernier point de vue, et l’explication de l’ange impliquant aussi l’histoire préalable du paganisme. En conséquence, on pense que, non couronnées, les dix cornes sont les pouvoirs gothiques désolant Rome, et que, couronnées, ce sont les mêmes royaumes donnant leur puissance au pape. Bien certainement, les barbares ont ravagé l’empire dans son ensemble — non pas la ville exclusivement — et de cet empire démembré ont formé leurs propres royaumes indépendants : ce qui revient à dire que la bête fut bien plus totalement endommagée et détruite que la femme. Ces hordes n’étaient pas non plus unies dans un commun sentiment de haine envers Rome. L’envie, la cupidité, la soif de conquête, caractérisent plus fidèlement les motifs de la horde particulière qui attaqua la ville. Encore moins peut-on dire que, couronnés ou non, ces peuples donnèrent leur puissance au pape. Il serait plus vrai de dire qu’ils la tirèrent de lui, comme tête ecclésiastique et spirituelle. Pour ma part, j’admets en plein ce principe, que l’explication de l’ange nous fournit, non seulement la clef de ce qui a été vu à l’origine, mais une vérité additionnelle. Seulement, l’absurdité consiste, comme je l’ai fait voir, à présumer que ce nouveau renseignement est quelque chose qui concerne l’ancienne forme païenne de Rome. Il présente, au contraire, le futur aspect final, alors que la bête et les dix cornes auront une politique commune, d’abord pour assouvir leur haine et satisfaire leur cupidité sur la prostituée — ensuite, pour rassembler leurs forces, de consentement unanime, en vue du combat final contre l’Agneau. La bête doit monter de l’abîme, et le Seigneur des seigneurs descend du trône de Dieu. Le chapitre nous fournit le caractère et la description, point de dates. L’histoire est reprise au chapitre 19 ; — premièrement, par rapport au ciel, et en second lieu par rapport à la terre, les chapitres 17 et 18 présentant un épisode descriptif.
  39. Les efforts faits par le célèbre et subtil Bossuet pour détourner de la Rome christianisée ou papale l’application de Babylone telle qu’elle est décrite en Apocalypse 17 et 18, ne sont pas seulement faibles ; mais, dûment passés au crible, ils font ressortir la vérité avec plus d’évidence encore. Son argument est celui-ci : que l’Église étant mariée à Christ, l’Église coupable serait une adultère plutôt qu’une prostituée. À quoi nous répondons que le mot fornication n’est pas seulement un terme générique, ainsi que chacun peut le voir tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, mais que, si même on en fait la plus rigoureuse application, le terme « prostituée » décrit le plus exactement le péché actuel, parce que l’Église est maintenant fiancée à Christ, et non pas mariée. Selon l’Apocalypse, le mariage n’est consommé qu’après le jugement final de Babylone, au chapitre 19.
  40. Babylone n’est pas seulement « la grande prostituée », mais « la mère des prostituées et des abominations de la terre ». Il y a en religion plusieurs sortes de corruption, parentes par nature, bien que Rome soit prééminente, « la mère et maîtresse » des autres, ainsi qu’elle le prétend.
  41. Il suit de là qu’il n’est pas besoin d’adopter l’idée bizarre de Vitringa, d’après laquelle le verset 6 serait adressé aux rois, ni de détruire la distinctive vocation pratique de l’Église en supposant qu’elle est le vengeur des fautes de Babylone. La justice rétributive de Dieu adressera d’une manière mieux appropriée Son appel à Son peuple, les Juifs, qui sont destinés à être les témoins de Son gouvernement en justice ici-bas.
  42. Elle n’est pas envisagée ici au même point de vue que dans l’Apocalypse, où elle symbolise l’Église même dans la gloire ; elle représente plutôt la demeure bienheureuse des saints célestes comme c’est aussi le cas, je pense, en Hébreux 11, 10, 16. Dans la dernière, la gloire est objective, et subjective dans la première.
  43. La note suivante, que je transcris de Daubuz, intéressera certainement beaucoup de lecteurs : « Autre chose est d’être les époux et autre chose d’être invité à un festin de noces. Cela est évident ; et le Saint Esprit distingue fort bien entre ces deux sortes de personnes. L’Épouse, à qui le fin lin est donné, se composant des personnes auxquelles une justification parfaite et les effets qui en découlent sont attribués, implique des personnes ressuscitées auxquelles Christ a ratifié Son contrat antérieur. Mais ceux qui ne sont qu’invités au festin ne sauraient être les mêmes personnes que les époux. Ceux qui sont honorés du fin lin, et déclarés par là pleinement justifiés et saints, doivent naturellement être heureux, mais cette déclaration de bonheur est faite aussi à l’égard d’une autre classe de personnes. Qui sont-elles donc ? Les nations converties, tous les hommes convertis qui, n’ayant pas goûté la mort, ni paru devant le tribunal de Dieu, jusqu’à ce que la mort et le hadès soient détruits, sont encore dans cette vie-ci et dans un état d’infirmité quant à leur chair ; n’étant pas impeccables sans doute, mais richement assistés par de très grandes et extraordinaires effusions de la grâce. Cependant, le Saint Esprit ne les déclare pas saints, expression qui à cette place aurait eu le sens de sainteté parfaite ; Il les dit simplement bienheureux ; tandis que ceux qui ont part à la première résurrection sont à la fois bienheureux et saints. Cette bénédiction et ce bonheur consistent comme on le voit chapitre 21, 24, en ce qu’ils marchent à la lumière de la nouvelle Jérusalem », etc. (comm. Perp. p. 869). On peut différer quant à la mesure d’adhésion à donner à ces pensées, mais qui n’en reconnaîtra l’intérêt et la finesse ?
  44. Ces lignes furent écrites en 1858. J’ai à peine besoin de faire ressortir quelle nouvelle force ces considérations reçoivent de la dernière guerre d’Italie et de la paix qui a suivi.
  45. Daubuz signale une autre distinction bien digne d’être remarquée, mais ce qu’il dit à cet égard a besoin d’être rectifié. « Ces trônes, dit-il, dont le nombre n’est pas déterminé (comme au chap. 4), doivent être distingués soigneusement des vingt-quatre mentionnés là » (Comme Perp. p. 925). Je dis la même chose ; mais quand il continue d’enseigner que l’état de l’Église chrétienne, et son institution primitive et militante étaient ce que les anciens couronnés signifiaient, je rejette une explication pareille, comme font presque tous les chrétiens. Toutefois, il est manifeste qu’il y a une différence notable entre cet état de choses et l’état millénial qui nous est présenté ici. La seule solution satisfaisante, j’en suis convaincu, dépend de l’enlèvement des saints célestes, antérieurement à l’accomplissement du chapitre 4, et de l’intervalle qui s’écoule avant qu’ils apparaissent avec Christ en gloire, comme nous voyons dans les chapitres 19 et 20.
  46. « Je ne puis consentir (dit le doyen Alford) à enlever aux mots leur sens manifeste, et la place chronologique qu’ils occupent dans la prophétie en raison des difficultés que peut entraîner avec elle la doctrine du millénium ou de l’abus qu’on peut en faire. Ceux qui vécurent après les apôtres, et l’Église tout entière pendant trois cents ans, les comprirent dans leur sens littéral ; et c’est un étrange spectacle aux jours actuels de voir les commentateurs qui sont les plus ardents à révérer l’antiquité, mettre complaisamment de côté l’exemple le plus incontestable d’unanime accord que l’antiquité primitive présente. Pour ce qui est du texte lui-même, impossible d’en tirer d’une manière tant soit peu légitime ce qu’on appelle l’interprétation spirituelle aujourd’hui en vogue. Si, dans un passage où se trouvent mentionnées deux résurrections où certaines ψυχαι εζησαν à la première, et le reste des νεϰροι εζησαν seulement à la fin d’une période particulière qui a suivi cette première — si, dis-je, dans un passage pareil, on peut entendre la première résurrection d’une élévation spirituelle avec Christ, tandis que la seconde signifie une sortie littérale du tombeau ; — alors il faut renoncer à chercher quelque signification au langage, et à trouver dans l’Écriture un témoignage positif à quoi que ce soit. Si la première résurrection est une résurrection spirituelle, alors la seconde l’est aussi, ce que, je suppose, personne n’aura l’audace de maintenir ; mais si la seconde est à la lettre une résurrection, la première en est une de même, ce que je maintiens et reçois comme un article de foi et d’espérance, en commun avec toute l’Église primitive et avec bon nombre de commentateurs modernes des meilleurs » (vol. 4, deuxième partie). J’ajouterai seulement quant à ce qui est dit de « la place chronologique », que, comme ceux qui sont assis sur les trônes, ou le premier groupe de cette vision, ne sont pas représentés comme des âmes, on ne doit pas non plus les comprendre dans l’expression « ils vécurent ». Le fait qu’ils étaient vivants et destinés à régner avec Christ, ressortait assez clairement du fait qu’ils étaient assis sur des trônes. Cela est dit maintenant des martyrs postérieurs à leur enlèvement, et des confesseurs durant la crise finale. Ceux-ci rejoignent les autres dans la résurrection, et participent au règne, juste quand il commence.
  47. Je ne crois pas que le jour du Seigneur, dans le sens où Pierre emploie l’expression, soit seulement l’époque de la venue du Seigneur, mais plutôt la période entière qui comprend Son règne et le jugement. D’où il suit que le millénium, aussi bien que la dissolution finale du ciel et de la terre d’à présent, peuvent arriver et arrivent en effet dans la limite de Son jour, tandis que Sa venue peut précéder l’un et l’autre. Il ne faut pas identifier le jour du Seigneur avec la venue du Seigneur.
  48. Les versets 22 et 23 de ce chapitre s’appliquent au temps de la glorification, le seul temps d’unité parfaitement déployée ; mais il ne faut pas confondre cette unité avec celle demandée aux versets 20, 21, laquelle est aussi clairement une question de grâce et de témoignage au monde, que l’autre sera une question de gloire à la connaissance du monde. Ce qu’il y a de vrai, c’est que l’unité est demandée sous trois formes. Il y a premièrement au verset 11, celle qui est absolue et au-dessus de toutes les circonstances : « afin qu’ils soient un, comme nous ». Il y a, secondement, l’unité qui embrasse ceux qui croiraient par la parole des apôtres : « afin que tous (Juifs ou Gentils, esclaves ou libres) soient un (non pas en vertu de la loi de Jéhovah et des rites et ordonnances forcés du système lévitique, mais par la révélation du Père et du Fils), comme toi, Père, es en moi, et moi en toi ; afin qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie (ce n’est pas encore : connaisse, mais croie) que c’est toi qui m’as envoyé ». Ce témoignage-là, les saints rassemblés l’étaient pendant qu’ils marchaient ici-bas dans une unité céleste. Puis vient la troisième forme — le couronnement — celle qu’il sera impossible au monde de nier, quand il verra les saints apparaissant dans une même gloire avec Christ. C’est pourquoi il est ajouté : « et que le monde connaisse que tu m’as envoyé » ; mais ce n’est pas tout : « et que tu les as aimés comme tu m’as aimé ». Comment contredire, lorsque Christ et l’Église apparaîtront soudain, dans une communauté de gloire, à ses yeux étonnés ? Mais cela ne change en rien la vérité précédente, vérité qui ne doit pas être affaiblie, à savoir, que le Seigneur désirait une unité actuelle de tous Ses disciples, comme un moyen et un puissant témoignage par lequel le monde puisse croire en la mission qu’Il avait reçue du Père. De fait, cette vérité forme une partie importante de notre responsabilité pratique, et il n’est pas sage de s’en détourner par la raison qu’elle est grossièrement pervertie en vues de puissance terrestre et d’orgueil par l’Église-monde dans toutes ses variétés. Les Actes des apôtres exposent les faits ; les épîtres démontrent l’importance de la doctrine.
  49. Dans le sens de, lui rapporteront leur gloire, la lui attribueront, lui en feront hommage, et, par-dessus tout, à Dieu en elle, comme il est dit plus bas.
  50. Il peut être bon d’observer ici que, dans la proposition réciproque dont on fait si souvent une vague ou une fausse application, « l’esprit de prophétie est le témoignage de Jésus », nous devons comprendre qu’il s’agit, non d’un témoignage à Jésus, mais bien du témoignage qu’Il a rendu, et en général dans tout le livre de l’Apocalypse, de Son témoignage prophétique, qu’Il l’ait confié à un ange ou à Ses serviteurs. C’est donc inexact de dire que cette proposition signifie un témoignage rendu à Jésus, ce qui est régulièrement exprimé par le datif, ou par le génitif avec περι. L’ange qui était l’intermédiaire de la communication n’était qu’un compagnon de service des compagnons de service de Jean : c’est à Dieu qu’il devait être rendu hommage.