Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 6
Chapitre 10
Quelques-uns se rappelleront une ressemblance déjà remarquée entre l’ordre des sceaux et l’ordre des trompettes. Lorsque nous arrivons au sixième, dans l’une et l’autre série, il y a une interruption de l’espèce la plus intéressante. Nous avons vu qu’après le sixième sceau, il y eut un épisode, non de jugement, mais de grâce — Dieu intervenant en faveur de l’homme, après la plus signalée des convulsions parmi les hommes et les choses sur la terre ; et non seulement cela, mais les puissances mêmes des cieux furent aussi ébranlées. Puis nous avons vu Dieu nous montrant qu’au milieu du jugement, Il n’oublie pas d’être miséricordieux ; car il y a le scellement d’un nombre complet choisi dans les douze tribus d’Israël, et de plus, il y a la preuve claire et touchante que les pauvres Gentils ne sont pas oubliés. Ainsi, quand le prophète regarde, il voit une grande foule que personne ne pouvait dénombrer, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient évidemment délivrés par la grande bonté de Dieu et sortaient de cette terrible tribulation qui est encore à venir. Or, au chapitre 9, nous avons eu la sixième trompette, et, comme correspondant à ce que nous avons vu pour les sceaux, il y a une interruption entre elle et la septième, qui est annoncée seulement chapitre 11, 15. La vision décrite est d’un caractère bien marqué et, en considération des visions qui accompagnent les trompettes, bien extraordinaire. Un ange puissant qui paraît être le Seigneur Lui-même descend du ciel. C’est ainsi que nous avons vu dans un précédent chapitre l’ange sacrificateur devant l’autel d’or, donnant efficace par des parfums aux prières des saints, lesquelles il offrait à Dieu. Et personne ne s’imaginera, je suppose, que Dieu confie ce service du sanctuaire céleste à une simple créature quelconque. Dans l’Ancien Testament, Jéhovah a occasionnellement revêtu une forme angélique ; et comme ce livre nous ramène en grande partie aux sujets dont traitent les Écritures juives, ce peut être là une des raisons pour lesquelles Christ prend ainsi la forme angélique. Comme avant que les trompettes sonnassent, l’ange qui donnait le signal général a été vu sous un caractère sacerdotal, c’est revêtu de puissance qu’Il apparaît ici, préparant la voie du royaume. En conséquence, Il est entouré de tout ce qui est de nature à faire ressortir Sa majesté.
« Et je vis un autre ange puissant, qui descendait du ciel, revêtu d’une nuée ». La nuée, comme se le rappellera quiconque est familiarisé avec les idées et les termes scripturaires, était le signe bien connu de la présence de Jéhovah. Lorsque le sang de l’agneau eut été répandu et qu’Israël fut conduit hors du pays de servitude, Dieu Lui-même marchait devant eux comme l’ange de l’alliance, et la nuée en était la forme visible ou le témoignage (Ex. 13, 21 ; 23, 20, 23 ; 40, 36, 38 ; Nomb. 1). L’ange que nous avons ici présente bien des caractères qui semblent indiquer la présence même du Seigneur, revendiquant Son droit à la possession du monde entier. Vous pouvez vous souvenir d’un exemple remarquable dans le Nouveau Testament lui-même, au temps où fut donnée en petit la préfiguration du royaume qui vient. Qu’est-ce donc qui rendait témoignage de la présence immédiate de Dieu ? Et qu’est-ce qui faisait trembler Pierre et Jean, tout habitués qu’ils étaient à la compagnie de Jésus et aux merveilleux effets de Sa puissance ? « Ils eurent peur comme ils entraient dans la nuée », parce que la nuée était le signe particulier et connu de la présence de Jéhovah. Ici donc, je crois que ce n’était pas une simple créature, mais le Créateur Lui-même qui prenait la forme d’un ange. Cela pourrait bien aussi représenter le Seigneur se retirant, si l’on peut ainsi parler, de tout ce qui eût été de nature à Le lier manifestement et directement avec Son peuple, et cela pour une raison fort solennelle. Son peuple, pendant la durée des trompettes, est supposé avoir perdu — mais pas entièrement toutefois — sa séparation distinctive, et s’être plongé dans le monde ; en sorte que Dieu, moralement, ne pouvait pas reconnaître d’une manière publique Sa relation avec Israël. En Hébreux 11, il est dit de certains croyants que Dieu ne prit point à honte d’être appelé leur Dieu. Hélas ! il est des saints dont Dieu aurait honte d’être appelé leur Dieu. Il n’en était pas ainsi des premiers patriarches, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : Dieu était leur Dieu. Il ne se nomme jamais Lui-même le Dieu de Lot. Cela donne sérieusement matière à penser, et nos cœurs doivent veiller contre quoi que ce soit qui pourrait rendre Dieu honteux de s’appeler notre Dieu. Il a été déjà fait allusion à ceci, quand nous avons remarqué que dans cette série, il n’est jamais parlé du Seigneur comme de l’Agneau, parce que le peuple de Dieu se sera mélangé à un si haut point avec les incrédules. Lorsque ces jugements tomberont, les saints seront tristement plongés dans le monde, de telle façon qu’une grande partie des châtiments tombera à la fois sur eux et sur Lui. Souvenez-vous aussi que le Seigneur nous fait connaître les chutes de Son peuple afin que nous soyons avertis par elles. Qu’il est triste de se servir de la prophétie relative à l’infidélité, dans le but de justifier celle-ci, et d’attribuer à la providence de Dieu les effets de notre incrédulité !
Au temps des trompettes il y a un sinistre silence relativement au peuple de Dieu. Il y a tout juste, chapitre 9, 4, une allusion au fait qu’ils sont exemptés du tourment qui frappe les apostats ; mais c’est là le seul trait distinctif qui se rapporte à eux jusqu’à la parenthèse des chapitres 10 et 11. Si vous appliquez les sceaux et les trompettes à l’histoire passée du monde, la signification en est si claire que la plupart des chrétiens sérieux se sont accordés sur les points principaux. Constantin introduisit le christianisme par la force des armes. La conséquence de ce fait fut l’immense renversement du paganisme, avec des témoignages indirects de miséricorde ; et le septième sceau fut suivi d’un silence d’environ une demi-heure dans le ciel. Il n’y eut pas là d’attente illusoire. Dieu savait que, loin que le monde devînt réellement meilleur par cet étonnant changement, tout se terminerait par les effroyables conséquences de l’abus, de la corruption et du mépris de la grâce. Le vaste corps qui avait échangé l’idolâtrie contre la profession du christianisme mûrirait pour le jugement. Ici, le résultat immédiat est l’apparition de ces trompettes. Et puis que voyons-nous ? Dieu a honte de la chrétienté ; le ciel est maintenant dans le silence et pourtant nous savons qu’il y a de la joie pour un pécheur qui vient à repentance. La chrétienté est devenue, extérieurement au moins, un bourbier de formes. Et où est le rocher du salut ? Hélas ! une fois encore, il n’est rien estimé. C’est en connexion avec cela, me semble-t-il, qu’il n’est plus parlé du Seigneur Jésus dans Son caractère de Fils de l’homme, et bien moins encore dans celui de l’Agneau. S’Il apparaît ici, c’est sous une forme angélique. De même que précédemment, et afin qu’on Le distinguât de tous les autres d’une façon particulière, Il tenait l’encensoir devant l’autel d’or, ainsi que nous Le voyons ici « revêtu d’une nuée » — le signe de la gloire de Jéhovah ; « et l’arc-en-ciel sur sa tête », c’est-à-dire le gage de l’alliance invariable de Dieu avec la création. « Son visage était comme le soleil ». Le soleil est toujours le symbole de la gloire suprême en gouvernement, et le visage de cet ange est dit être semblable au soleil. Il en fut de même sur la sainte montagne (Matt. 17, 2), et lorsque Jean vit de nouveau son Seigneur à Patmos (Apoc. 1, 16). « Ses pieds comme des colonnes de feu » (vers. angl.) sembleraient indiquer que la solidité représentée par « la colonne » s’unit au complet et final jugement, si constamment figuré par le « feu ». Il pose Son pied gauche sur la mer, qui représente les masses informes en dehors de cette partie du monde qui est favorisée d’un témoignage et d’un gouvernement divins, et sur laquelle Il pose Son pied droit. En d’autres termes, c’est le droit universel du Seigneur sur les hommes, sur le monde. C’est une déclaration publique de Son droit, non par rapport à l’Église, mais par rapport à la terre : pas encore Son investiture comme Fils de l’homme, mais une action d’un caractère providentiel, qui implique la reprise d’un témoignage préparatoire à l’acte par lequel Il va bientôt se saisir de la domination universelle.
Maintenant, il y a un pas de plus à faire. Ce n’est plus comme au chapitre 5, Dieu assis sur Son trône et tenant dans Sa droite le livre scellé, puis l’Agneau ouvrant le livre, comme Celui qui a vaincu pour le faire. Et comment a-t-Il vaincu ? Par la mort. Ce n’est pas par une force humaine que l’homme de Dieu est vainqueur. Les victoires qui brilleront avec le plus d’éclat, sont celles qui auront été jetées, pour ainsi dire, au moule de la mort du Seigneur Jésus. Dans le cas de l’homme si pauvre, si faible, il y a la vie d’abord, et la mort ensuite, parce que par nature nous sommes morts dans nos fautes et dans nos péchés ; mais dans le cas du Seigneur Jésus, il y a premièrement la mort, et ensuite la vie de résurrection, et tel est le modèle que doit réaliser la foi du chrétien. Notre vie tout entière comme croyants, devrait s’exercer en conformité avec la croix même qui a opéré notre salut ; car la croix est pour nous la puissance de Dieu tout le long du chemin (Gal. 6). C’est Dieu qui nous a donné de souffrir, après quoi vient pratiquement la puissance ; mais celle-ci ne vient peut-être jamais qu’après que l’on a plus ou moins éprouvé la faiblesse et la souffrance (2 Cor. 12 ; 13, 4). Un homme ne saurait remporter de victoires chrétiennes, tant qu’il n’a pas pris place dans la nudité et l’abaissement devant Dieu. Il faut qu’il soit anéanti d’une manière ou d’une autre, et heureux sommes-nous, si nous sommes anéantis dans la présence de Christ ; car si ce n’est là, il nous faudra être anéantis par-devant nous-mêmes, si l’on peut ainsi dire, et peut-être par-devant les autres. Toutefois, au chapitre 5, Christ ouvre le livre qui était inintelligible à toute pensée d’homme, et Il nous montre, par le moyen des sceaux, certains jugements de Dieu qui sont si peu en dehors des événements providentiels ordinaires, que nous les aurions à peine tenus pour des jugements, si Dieu ne nous eût ainsi dévoilé leur véritable caractère. Mais l’Agneau déploie tout, et nous voyons Dieu à l’œuvre pour introduire le royaume du premier-né et mettre l’héritier en possession effective de l’héritage.
Dans le chapitre que nous étudions, il y a une différence. Ce n’est pas un livre scellé que nous avons, mais un livre ouvert : et c’est aussi, d’une façon emphatique, un petit livre. Il n’y a rien de mystérieux dans l’affaire. Il se fait ici un grand changement dans l’Apocalypse. Au lieu de consister comme ci-devant, en événements qui étaient l’œuvre secrète de la main invisible de Dieu, c’est une manifestation de Sa puissance et de Son conseil à l’égard de Son peuple. Tout devient parfaitement clair. Ce ne sont plus des sauterelles emblématiques ayant un roi (cf. Prov. 30, 27), ni d’étranges chevaux et cavaliers extrêmement nombreux, etc. C’est maintenant l’action ouverte, rapide et décisive de Dieu. Voilà ce qui constitue, je crois, la différence entre les deux livres. Le premier était dans la main de Dieu, et scellé, de sorte que nul ne pouvait l’ouvrir, excepté l’Être béni qui a tout souffert pour la gloire de Dieu. Ici, il s’agit d’un livre ouvert, que le prophète prend de la main de l’ange, et immédiatement après nous n’avons plus les figures secrètes ou énigmatiques des premières visions, mais le temple, la sainte cité, les nations la foulant aux pieds — tout cela comme preuve évidente que Dieu agit sur les Juifs. Nous avons vu précédemment le sceau appliqué sur un certain nombre pris dans chaque tribu d’Israël, dispersé, je pense, dans le monde entier. Mais ici (chap. 11), nous arrivons à un cercle plus restreint, où les dispensations de Dieu sont concentrées sur Jérusalem : le sanctuaire, l’autel, les adorateurs, les deux témoins, etc., et où aussi elles sont si clairement exposées, qu’il n’y a pas à se tromper sur ce que Dieu entend par elles. La Bête, comme telle, paraît également ici, en opposition terrible et sans déguisement contre Dieu et Ses serviteurs. Et évidemment le Seigneur Jésus montre que le temps approche auquel Il doit prendre toutes choses en main. Ce livre-ci est donc un livre ouvert, parce que tout ce qu’il contient est parfaitement simple ; et c’est un très petit livre, parce qu’il ne s’applique qu’à un temps fort court et à un cercle fort restreint.
« Et il cria à haute voix comme un lion qui rugit ; et quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs propres voix. Et quand les sept tonnerres eurent parlé, j’allais écrire, et j’entendis une voix du ciel, disant : Scelle les choses que les sept tonnerres ont prononcées et ne les écris point » (v. 3-4). « Le lion rugira-t-il dans la forêt, s’il n’y a quelque proie ? Le lionceau jettera-t-il son cri de son gîte, s’il n’a pris quelque chose ?… Le cor sonnera-t-il par la ville, sans que le peuple en soit tout effrayé ? ou y aura-t-il dans la ville quelque mal que l’Éternel n’ait fait ? Car le Seigneur ne fera aucune chose qu’Il n’ait révélé son secret aux prophètes ses serviteurs. Le lion a rugi : qui ne craindra ? Le Seigneur l’Éternel a parlé : qui ne prophétisera ? » (Amos 3). Je ne puis considérer ce passage du prophète juif, que comme jetant du jour dans ses divers points, sur la vision que nous examinons. De plus, dans l’Ancien Testament, le tonnerre est toujours l’expression de l’autorité de Dieu en matière de jugement. Nous sommes appelés à écouter cette déclaration terrible des jugements de Dieu. Jean était sur le point d’écrire, mais une voix du ciel le lui défend. Il ne devait pas communiquer les détails de ce que Dieu allait maintenant faire. Mais l’ange « leva sa main droite vers le ciel et jura par Celui qui est vivant aux siècles des siècles, lequel a créé le ciel… qu’il n’y aurait plus de délai, mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu sera aussi terminé, comme il a été déclaré à ses esclaves les prophètes. » (v. 5-7).
En général, on se fait une idée extrêmement vague de ces mots « qu’il n’y aurait plus de temps ». Beaucoup s’imaginent que cela signifie que le temps serait alors tout près de finir et l’éternité de commencer. Mais ce n’est pas du tout là le sens, et cet exemple montre combien il est important de chercher la lumière auprès de Dieu. Le sens est que Dieu ne laisserait pas davantage le temps couler, avant d’intervenir dans le cours de ce monde. Ce n’est pas que l’éternité dût tout à coup commencer, mais qu’il n’y aurait plus de laps de temps, avant les dernières sommations de Dieu au monde et l’introduction d’une dispensation nouvelle, dans laquelle Il agira d’une manière ouverte avec les hommes sur la terre. Depuis la réjection et l’ascension du Seigneur Jésus Christ, les hommes — « ses concitoyens » — ont envoyé après Lui une ambassade, disant, au moins dans leurs cœurs : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Telle a été toujours la voix du monde depuis que Christ s’en est allé dans un pays éloigné. Le désir réel de l’homme est de se débarrasser de Christ, et, en général, l’homme croit qu’il en est débarrassé. Aussi n’est-ce pas étonnant qu’il n’aime pas à entendre parler de Son retour en puissance et en gloire ; car l’Écriture déclare expressément que Christ doit juger l’homme, et l’homme n’aime pas à paraître devant son juge. De là vient qu’il éloigne autant que faire se peut, la pensée de la venue de Christ pour juger le péché et les pécheurs. Le Seigneur donne à entendre ici, que sous peu, un terme sera mis au délai actuel. Tout le temps que Christ est loin, à la droite, il y a suspension de jugement. Mais Dieu sympathise profondément avec Son peuple dans la souffrance qu’il endure pendant l’intervalle de la réjection de Christ, et maintenant Il ne permettra plus qu’un pareil état de choses se continue davantage — de sorte qu’il y a des signes et des témoignages évidents que le Seigneur vient pour agir contre Ses ennemis. L’ange puissant jure qu’il n’y aurait plus de nouveau délai — non pas avant l’éternité, mais avant le jour du Seigneur. L’espace ou délai, dont il est ici parlé, c’est le jour de l’homme, et quand celui-là finit, le jour du Seigneur commence, jour qui, dans l’Écriture, n’est jamais confondu avec l’éternité parce qu’il a une fin, tandis que, cela va sans dire, l’éternité ne peut jamais finir. La force réelle de l’expression, considérée sous toutes ses faces, est donc « qu’il n’y aurait plus de délai ». Et remarquez les paroles du verset suivant : « Mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu sera aussi terminé », etc. Ceci contredirait d’emblée la pensée que l’éternité doit suivre immédiatement après. Au contraire, après ceci, vient en plein le millénium ; après le millénium, une courte période, et ensuite l’éternité. Quelquefois les âmes sont empêchées d’entrer dans la vérité de Dieu, par un seul petit mot, et je crois que tel a été le cas pour ce passage. Souvent, lorsqu’un léger point est éclairci, des monceaux de difficultés disparaissent.
Dieu mettra un terme au délai actuel : « le mystère de Dieu » sera alors terminé. Ceci me paraît signifier le secret par lequel Il a permis à Satan d’avoir sa voie propre, et à l’homme aussi ; c’est-à-dire, cette chose étonnante de voir prospérer le mal et fouler aux pieds le bien. Dieu, sans doute, réprime le mal jusqu’à une certaine mesure, en partie par le moyen du gouvernement humain et en partie par Ses propres dispensations providentielles. Et, en vérité, c’est une immense grâce qu’un tel frein soit posé à la malice de ce monde ; car sans cela, qu’adviendrait-il là où, au milieu même de répressions providentielles de Dieu, la méchanceté est si souvent triomphante, et la piété si souvent jetée à terre ? Toutefois il y a une influence du mal qu’aucun gouvernement ne peut déraciner, et le bien qui existe est contrefait, en sorte qu’il n’y a que peu ou point d’influence. Voilà ce qui nous paraît si mystérieux, lorsque nous connaissons Dieu et savons combien Il hait le mal. Mais cela va bientôt finir. Dieu est près de porter la main contre tout ce qui est contraire à Lui-même, d’introduire tout ce qui a été promis dès le commencement et de mettre le sceau de Son approbation sur tout ce qui aura été fait selon Lui. Et cela, Il va le faire par Son Fils. Celui que l’homme a méprisé et rejeté, est Celui-là même que Dieu enverra pour mettre fin à la confusion actuelle et ranger toutes choses dans un ordre resplendissant de sainteté et d’harmonie.
Il ne faut pas confondre « le mystère de Dieu, » avec le mystère de Sa volonté (Éph. 1, 9). Ce dernier est celui qui a toujours été près de Son cœur, car il renferme non seulement la gloire de l’Église, mais celle de Christ. Il est « selon son bon plaisir, lequel il s’est proposé en Lui-même » ; il n’y a personne qui l’ait suggéré. C’est le fait de Sa propre volonté. Et quel est le mystère de Sa volonté ? « Qu’en l’administration de la plénitude des temps, il réunit en un toutes choses dans le Christ, tant les choses qui sont dans les cieux que celles qui sont sur la terre, en Lui ». Toutes ces choses que Satan a maintenant dispersées, seront réunies en un, sous Christ. Alors la bonté et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s’entre-baiseront. Ceci est vrai du croyant dès à présent, pour autant qu’il s’agit de sa réconciliation avec Dieu. Satan insinue bien ceci : Comment serait-ce vrai, en présence de tant de mal au-dedans ? C’est là une chose qui pénètre droit à la conscience de l’homme qui doute de Dieu, et même de celui qui craint Dieu, s’il regarde à lui-même. Quand je regarde à moi, de pareils doutes peuvent bien s’élever, mais jamais si je regarde à Christ. Christ seul a titre pour me donner du repos devant Dieu. Christ seul peut dissiper les vagues et les vents. Satan a dressé l’homme contre Dieu en toute manière, même contre la bonté qui procède de Lui ; mais Dieu ne veut pas permettre que cela dépasse une certaine limite. Quoiqu’il soit permis à Satan, par son opposition, de traverser les plans de Dieu dans le temps actuel, cependant toutes les voies dans lesquelles Dieu a agi sur la terre depuis le commencement, sont destinées à triompher, et à triompher toutes ensembles à la fin (Os. 2, 21-23). Ainsi l’homme a été établi en Adam, le gouvernement a été mis entre les mains de Noé, l’appel de Dieu a été donné à Abraham, il y a eu la longue et patiente épreuve de la loi, et finalement, il y a la mission de Son Fils et de Son Esprit. Toutes ces choses, pour ainsi dire, sont des courants émanés de Dieu et qui ont coulé à travers cette terre. Ils ont été corrompus ou repoussés par l’homme dès le commencement, et par la puissance de l’ennemi, les hommes abuseront de ces dispensations mêmes de Dieu, pour amener la conspiration la plus audacieuse et la plus fatale que le monde ait jamais vue — Satan et l’homme associés contre Dieu, qui permettra à tout ce mal de jaillir et alors y mettra fin par le jugement. C’est là la consommation du mystère.
Mais ce qui est appelé « le mystère de sa volonté », n’est pas le sujet de la prophétie. Christ sera le chef de toute bénédiction et assemblera toutes choses en bénédiction réunie, sous Sa propre primauté, toutes les choses que Satan se sera efforcé de gâter. Tout ce que Dieu créa originairement était simplement placé dans une condition d’innocence ; mais ce que le Seigneur Jésus Christ opérera à la fin, la réconciliation de toutes choses, sera ce à quoi Satan ne pourra pas porter atteinte. Toutes choses seront réunies en un, en Christ le Chef. Laissez-moi encore établir un autre point. Dans ce mystère de la volonté de Dieu, nous ne sommes pas seulement appelés à être bénis sous Christ, mais afin de posséder en plein le caractère de la bénédiction, nous sommes bénis avec Lui ; c’est ce que nous avons dans l’épître aux Éphésiens. Nous ne sommes pas une espèce d’héritage pour Christ, mais nous sommes cohéritiers avec Lui. Dans ce grand mystère de Dieu, en Christ, il y a deux pensées — la primauté universelle de Christ, et l’union de l’Église avec Lui. Pour nous, il n’y a rien de pareil à l’idée que nous devons être réunis en un sous la puissance de Christ ; mais toutes les choses qui furent jamais, sont destinées à être réunies sous Sa primauté, et, pensée merveilleuse ! l’Église est appelée à partager toute cette gloire avec Lui. Ce n’est pas ce qui appartient à Christ comme personne divine, mais ce qui Lui revient comme prix de la rédemption, et cette œuvre même Lui donne le droit de conférer cette gloire à quiconque Dieu veut. L’Église est unie comme le corps, et l’épouse de Celui qui est Seigneur de tout. Elle est l’Ève du second Adam. En Éphésiens 5, Paul traite particulièrement la dernière partie de ce sujet. Christ doit se la présenter à Lui-même Église glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable. Le grand mystère, ici dévoilé, c’est la proximité, l’amour, l’intimité de la relation d’époux à épouse entre Christ et l’Église.
Dans l’épître aux Colossiens, vous avez la même chose rapportée (Col. 2, 2) : « Pour la connaissance du mystère de Dieu (et du Père et de Christ) » (vers. angl.). Ces derniers mots ont été insérés sans autorité, et quand on essaie de corriger l’Écriture, on ne fait que l’endommager. Il est parlé en Colossiens, chapitre 1 (v. 26), d’un certain grand mystère. Le terme mystère signifie un secret ; ce peut ne pas être un secret maintenant, mais ce mot indique que la chose en question en a été un. Où il y a quelque chose qu’on ne comprend pas, on est porté à dire : « c’est un mystère ». Mais dans l’Écriture, ce terme désigne une vérité que Dieu a tenue cachée, mais qui ne l’est plus désormais ; quelque chose que les saints ne connaissent pas comme hommes, ou comme Juifs, mais que Christ devait leur apprendre comme chrétiens. Ici paraît un autre grand mystère (v. 27) : « auquel Dieu a voulu donner à connaître quelles sont les richesses de la gloire de ce mystère parmi les nations, c’est à savoir Christ en vous, l’espérance de la gloire ». Si nous prenons la prédication qui est faite de Christ dans l’Ancien Testament, c’est une erreur d’appeler cela un mystère, car elle était, certes, bien assez claire. Que proclamaient les prophètes juifs ? La venue d’un Messie qui devait régner sur eux, et qui associerait le salut avec Son caractère de « grand Roi ». Ce qu’ils ne comprenaient pas, quoique révélé, c’était Son humiliation et Sa mort. Il a été pour eux une pierre d’achoppement. Mais le « mystère » est une expression qui n’est jamais appliquée à la mort et à la résurrection de Christ. Cela n’était pas du tout un secret, mais c’est, au contraire, clairement prédit en Ésaïe 53 ; psaumes 16 ; 17 ; 69 ; 106 et en beaucoup d’autres passages. Le mystère était que, pendant le rejet de Christ par Son peuple et pendant la durée de Son exaltation dans le ciel, Dieu Le ferait devenir la tête d’un corps céleste, choisi par Sa grâce parmi tous — Juifs et Gentils. De cela il n’en est pas traité dans l’Ancien Testament. Il y avait certaines choses que nous pouvons maintenant montrer comme en étant des types ; mais ces choses n’eussent jamais projeté la moindre lumière sur cette vérité, si le mystère n’avait pas été donné à connaître. Dans ce temps-là, il n’y avait rien, même comme prédiction, qui ressemblât à l’état de choses actuel de Juifs et Gentils, bénis ensemble en un seul corps ; et voilà la raison pourquoi c’est appelé « le mystère qui avait été caché dès les siècles et dès les générations ». C’était un secret caché en Dieu, auquel les prophètes ne touchèrent pas. Lorsque les Juifs auront leur Messie, ce ne sera pas comme étant l’espérance de la gloire, mais comme étant Celui-là même qui introduit la gloire. Lorsque sera venu le temps de bénédiction qu’ils attendent, il n’y aura pas de doute à avoir là-dessus, car tout sera manifesté, tant pour les amis que pour les ennemis ; ce ne sera pas davantage une espérance, mais la manifestation effective de la gloire au milieu d’eux. Mais maintenant Dieu opère parmi les Gentils une œuvre d’un caractère spécial, tandis que les Juifs sont rejetés. Les Gentils ont Christ actuellement, non pas comme apportant la gloire visible sur la terre, ainsi que ce sera le cas bientôt parmi les Juifs ; mais ils ont Christ en eux, l’espérance de la gloire toute prochaine, et cela dans le ciel.
Il est possible que le terme « le mystère de Dieu » soit employé dans notre chapitre, parce que c’est spécialement pendant le temps de non-intervention à l’égard du monde, que Dieu a produit ce merveilleux secret concernant Christ et l’Église. Ici, c’en est fait de ce temps-là. Toutefois, ce mystère par lequel il est permis au mal de prospérer, cette passivité de Dieu par laquelle Il n’empêche pas que le mal ait la haute main et que le bien soit foulé aux pieds, se continue pour un certain temps. Ceci prendra fin, comme Il en a déclaré la bonne nouvelle à Ses esclaves les prophètes. La voix parle de nouveau et dit : « Va, prends le petit livre ouvert qui est dans la main de l’ange » etc. (v. 8). En conséquence, Jean prend le livre, et après l’avoir dévoré, le trouve dans sa bouche doux comme du miel, mais lorsqu’il en sonde le contenu et en digère les résultats, combien il est amer au-dedans ! Ainsi en est-il et en sera-t-il. Quand nous voyons comment Dieu accomplira toutes choses, nous devons être peinés en pensant à ce qui est réservé à l’homme, comme nous devons l’être, en effet, quand nous savons avec quelle persévérance il se rebelle contre Dieu, et méprise même la miséricorde dont il est l’objet.
Le Seigneur veuille que ce dont Il s’est servi pour débarrasser notre position de tout principe terrestre et pour réveiller un juste sentiment de la parfaite dignité de la place qu’Il nous a donnée, soit imprimé sur nos cœurs ! Personne n’est dans une position d’aussi grande responsabilité que ceux qui sont occupés des choses célestes. Et ne supposons pas qu’une position quelconque ou même la vérité, puisse d’elle-même garder une âme : rien ne le peut, sinon l’Esprit de Dieu. Et jamais l’Esprit de Dieu ne gardera une âme, là où il n’y a pas de dépendance et où le moi n’est pas jugé. Il est venu pour glorifier Christ. Que le Seigneur nous accorde de veiller et de prier ! Car, tandis que la vérité a pour but de séparer du monde, cependant où l’on en fait abus, et où elle n’est rien que cette connaissance qui enfle, on est préparé pour les plus mauvais résultats.
Il reste, comme à l’ordinaire, à ajouter quelques mots sur la mesure d’accomplissement que cette vision parenthétique a déjà reçue. Je ne suis pas disposé à mettre en doute qu’elle ait trait, dans son application générale, à cette merveilleuse et divine intervention : la Réformation. L’empire d’Orient avait depuis quelque temps succombé à la furieuse attaque des Turcs. L’Occident n’était pas d’une ombre moins impénitent et moins imbu d’idolâtrie et d’imposture qu’auparavant, lorsque cette subite lumière d’en haut parut sur l’Europe étonnée. Ce n’est pas que la grâce de Christ ait été profondément réalisée ou réfléchie dans la Réformation. Le témoignage de son principal conducteur, Luther, a plutôt ressemblé aux éclairs et aux tonnerres de Sinaï, et tenu trop souvent de la terre bien plus que du ciel. De fait, c’est ce caractère relativement terrestre qui fait que les fauteurs de l’école historique trouvent tant de coïncidences apparentes entre cette grande œuvre et la vision qui est devant nous. C’est justement parce que Luther s’est si fortement rapproché, non de la ligne de ministère de Paul, mais du témoignage prophétique de Jésus, lequel doit être rendu par les témoins du dernier jour, qu’il y a tant de points communs entre le caractère de sa vie et la tendance de ses travaux, et les prédictions de ce que ces témoins doivent enseigner, faire et souffrir ci-après. L’idée de comparer cette vision avec la propagation de l’évangile et la formation de l’Église à la Pentecôte, est, je ne puis penser autrement, une erreur fort grossière.
De plus, est-il vrai qu’il n’y ait pas, dans la vision, un détail auquel la Réformation ne réponde exactement ? Est-ce que le resplendissement du Soleil de justice implique une nouvelle publication de Son évangile ? Je ne doute pas que la pleine signification de la vision ne renferme un témoignage public à l’arrivée du « jour » ; mais pour cette raison même, l’évangile de la grâce est exclu, ainsi que peut le voir toute personne spirituelle qui examine sans préjugé Malachie 4. Car l’essence de l’évangile est que par lui, Dieu justifie l’impie et sauve le perdu ; au lieu que nous lisons : « c’est pour vous (le résidu pieux d’entre les Juifs), que se lèvera le soleil de justice, avec la santé dans ses rayons ; vous sortirez et vous prendrez de l’embonpoint, comme de jeunes bœufs que l’on engraisse. Et vous foulerez les méchants, car ils seront comme de la cendre sous les plantes de vos pieds, au jour que je ferai mon œuvre, a dit l’Éternel des armées. Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur ». Il peut y avoir une certaine ressemblance entre ceci et les motifs et le but, les aspirations, la carrière, le cours des travaux, le genre d’action (pas l’issue toutefois) des réformateurs les plus belliqueux ; mais dans la proportion même de cette ressemblance, c’est l’opposé de l’évangile, ou de la conduite pratique qui en découle et lui est conforme.
En outre, la nuée rappelle la délivrance d’Israël, comme l’arc-en-ciel rappelle l’alliance établie avec la terre, lorsque le gouvernement fut institué ; les colonnes de feu représentent la fermeté judiciaire, et la voix forte comme celle d’un lion qui rugit, c’est la frappante et terrible affirmation de ses droits, précédée de l’acte significatif par lequel il y comprend le monde entier, et suivie de l’expression complète de la puissance de Dieu. Toutes ces choses, y compris le petit livre ouvert (lequel semblerait être la prophétie connue relativement à la cité et au temple), sont des figures qui s’accordent pleinement avec la prochaine reprise des relations du Seigneur avec Jérusalem et les Juifs, et le monde en général : mais pas une seule de ces figures, dans tout ce qu’elles impliquent, ne me paraît ressembler à l’évangile de la grâce de Dieu. Le ciel et l’Église sont entièrement laissés en dehors de la vision ; il est question d’un peuple terrestre, et partant, de rois et de nations ; c’est la reprise, non pas de l’évangélisation, bien moins encore de l’édification du corps de Christ, mais du témoignage prophétique ici-bas. Le décret est publié. Le roi oint de Jéhovah est sur le point de prendre Sion, la montagne de Sa sainteté, oui, les nations mêmes pour Son héritage, et les parties les plus éloignées de la terre pour Sa possession. Il n’a plus à faire des demandes au Père concernant les fils célestes, mais concernant le monde lui-même. Il n’a plus à mettre à part au moyen de la vérité pour associer avec Lui-même en haut, mais à briser les peuples avec une verge de fer et à les réduire en pièces comme le vaisseau du potier. « Maintenant donc, ô rois, ayez de l’intelligence ; juges de la terre, recevez instruction ». Voilà évidemment à quoi se rapporte la scène qui nous occupe. Tel est l’ordre de faits auquel elle sert de prélude. Si les réformateurs eussent compris la haute vocation des saints, ou la nature, le caractère, et les conséquences de notre union avec Christ dans les lieux célestes, il y aurait eu, de leur côté, contraste et non analogie. De fait, ce fut, je le répète, l’effet de leur manque d’intelligence spirituelle comme chrétiens et leur ressemblance avec des Juifs pieux, qui imprimèrent à leur œuvre la ressemblance qu’on y trouve avec la scène que nous examinons.
Enfin, essayer d’établir une complète correspondance entre cette scène et la Réformation, c’est faire violence au sens, et je pourrais presque dire, tomber dans l’absurde. Car dans son empressement à appliquer le principe des allusions, comme on l’a nommé, l’auteur des Horæ Apoc. n’aperçoit pas même la connexion des sept tonnerres avec Christ. Ce serait perdre une trop bonne occasion de faire allusion aux foudres du Vatican. Mais ici, chose étrange à dire et en opposition, me paraît-il, avec le principe même qui est invoqué, M. Elliot enlève ces tonnerres à Celui qui est le personnage principal de la vision et les applique exclusivement au pape ! Le raisonnement sur lequel on appuie la proposition, si monstrueuse pour tout esprit qui n’est pas sous le poids écrasant d’un système, ce raisonnement me paraît manquer absolument de base, tout en n’étant pas indigne de l’adresse bien connue de M. Elliot. La faculté possédée par les tonnerres de faire entendre leur voix, n’est pas sans précédents dans ce livre (Apoc. 6, 1), et de plus, les trompettes sont dites la posséder aussi (chap. 8, 13). Comparez aussi Apocalypse 16, 7, pour l’autel. Le parallèle supposé en Jean 12, 28, n’est certainement pas en faveur des oracles papistes. Le pronom réfléchi implique sans nul doute que les voix étaient bien proprement les leurs, les sons propres aux tonnerres dont il est parlé ; mais qu’elles fussent en opposition avec le cri de l’ange, semblable au cri d’un lion qui rugit, c’est une induction au plus haut point contre nature. Quoi que l’on pense de la théorie d’une allusion à Léon X, même dans ce cas, l’analogie de toutes les autres visions est en faveur de l’idée que cela se rapporte directement à la parfaite expression de la puissance divine, comme le sceau de Dieu sur l’affirmation que l’ange fait de son droit. Il me paraît presque effrayant d’avancer que la proposition « ne les écris pas », implique que les voix n’étaient « pas les véritables paroles de Dieu, mais plutôt une fausseté et une imposture » (H. A. Vol. II, p. 105). La raison véritable est très simple. Ce que nous avons ici, c’est le fait général que « la voix de Jéhovah » fait écho aux droits que Christ fait valoir à la possession du monde ; les détails ne doivent pas être écrits. L’apôtre Paul fut ravi dans le paradis pour entendre des secrets (ἄρρητα ρηματα) qu’il n’est pas permis à l’homme d’exprimer. Le prophète Jean allait écrire ce que les tonnerres annonçaient, mais la voix du ciel commande que les choses soient scellées, pas écrites — manière de faire des plus extraordinaires, si les paroles des voix sont supposées être les faux décrets de Rome, mais bien en harmonie avec cette conclusion que d’autres choses seraient révélées encore, avant que la puissance de Dieu fût déployée et que les droits de Christ fussent validés par le jugement ; 4° de là vient que je rejette entièrement, comme un corollaire de l’erreur précédente, l’idée qu’il y ait ici une allusion aux sept collines de Rome. Jusqu’ici, l’emploi du nombre sept dans l’Apocalypse a été entièrement indépendant de ce signe local, qui apparaît seulement au chapitre 17, où le contexte prouve que Rome est en question. Ici, pour la même raison du contexte, les collines romaines sont une intrusion, et l’idée de plénitude est le seul sens naturel ; 5° cette remarque explique aussi la présence de l’article comme dans le cas des sept anges (chap. 8) qui, je le présume, ne sont pas en rapport spécial avec cette ville. Quant à l’opinion que ce n’est qu’aux bulles papales que les sept tonnerres apocalyptiques aient jamais été appliqués, elle est naturelle à la région d’où elle vient ; mais quand l’écrivain ajoute : « ou puissent jamais l’être », il dépasse, pensé-je humblement, la limite de la sagesse ou de la modestie. Nul de nous n’est la mesure de la connaissance divine, ni de ce que le Seigneur peut conférer. De plus, je confesse, moi tout le premier, mon incapacité à discerner, aidé même de l’argumentation particulière des Horæ, la liaison spéciale du serment de l’ange avec les convictions puissantes des pères de la Réforme ou de leurs enfants protestants. Savonarole et d’autres avant lui paraissent avoir été occupés de la proximité du royaume de Christ, plus que Luther et ses collaborateurs. Ce qu’attendait le grand réformateur allemand était plutôt la destruction du royaume du pape par la Parole seulement, et cela fondé sur le sens qu’il donnait à Daniel, tout aussi bien que sur saint Paul, c’est-à-dire, me semble-t-il, en contraste avec le livre ouvert et les choses qu’annonce l’ange de la manière la plus solennelle. Mélanchthon n’a pas non plus mieux vu que Luther quand il a appliqué Daniel 7 au mahométisme, et Daniel 8 au papisme. Je ne puis davantage admettre que la prophétie, telle qu’elle est adressée à Jean et annoncée par les deux témoins, ou par n’importe quels autres, soit simplement l’acte d’exposer les Écritures et d’exhorter par elles, ainsi que le fait tout fidèle ministre de l’évangile. En outre, prétendre que dans cette expression : « Va, prends le petit livre », et dans cette autre : « Il faut que tu prophétises encore », nous devons voir (et cette fois, cela va sans dire, non plus par allusion, mais réellement) une sorte de préfiguration de l’ordination des diacres pour annoncer l’évangile ou exercer le ministère chrétien, et la prise en main du Nouveau Testament pour le traduire en langue vulgaire ; et plus encore, que saint Jean représentant les ministres fidèles de la Réforme à cette époque, cela indique que ceux-ci se trouveraient dans le fil de la succession apostolique — prétendre, dis-je, et soutenir de telles choses, me fait plutôt l’effet de jouer avec les sentiments que de s’occuper d’une sérieuse exposition de ce chapitre. Essayer d’appliquer les détails au passé, c’est révéler ce qu’il y a de peu satisfaisant dans le système protestant exclusif. J’ai déjà admis, à l’égard de la Réformation, dans l’application de l’Apocalypse à une longue période, une certaine portée assez précise pour faire voir qu’une œuvre pareille n’avait pas été méconnue de Dieu. L’entier accomplissement littéral de toutes les paroles du livre n’aura lieu qu’à la fin du siècle.
Chapitre 11
Du moment que Dieu commence à agir ouvertement à l’égard de la terre, Israël entre naturellement en première ligne, puis viennent les Gentils en connexion avec lui (Deut. 32, 8, 9). Nous avons eu les douze tribus dans la dispersion, et un nombre déterminé d’entre elles, scellé ; mais ce sont la Judée et Jérusalem qui forment surtout le premier plan du tableau que nous voyons ici : « Lève-toi », est-il dit au prophète, « et mesure le temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent ». Ici, l’autel correspond clairement, je pense, à l’autel d’airain ; car l’autel d’or était compris dans le temple. « Ceux qui adorent » sont des personnes que caractérise une position de proximité avec Dieu. L’autel est l’expression d’un accès véritable auprès de Dieu, et ces personnes ont été approchées de Lui. C’était le lieu de l’holocauste qui marquait l’acceptation de l’individu. Or, ceci nous montre que Dieu reconnaît ici un certain nombre d’entre le peuple sur la terre, comme capable de s’approcher de Lui. « Mesure le temple » etc. indique et détermine, je suppose, la portion que Dieu s’appropriait pour Lui-même (v. 1).
« Et jette dehors la cour qui est en dehors du temple, et ne la mesure point, car elle a été donnée aux nations, et ils fouleront aux pieds la sainte cité quarante-deux mois » (v. 2). Les Juifs sont reconnus de Dieu jusqu’à une certaine mesure ; et, comme conséquence, il est parlé de leur ville comme de la sainte cité, et des Gentils comme de ceux qui la souillaient et la foulaient aux pieds. Mais il est important, avant d’aller plus loin, de rechercher s’il est fait allusion en d’autres portions de l’Écriture à cette période dénommée ici, période de « quarante-deux mois ». On ne contestera pas qu’il y soit référé en Daniel, le livre de l’Ancien Testament qui correspond le plus à l’Apocalypse du Nouveau. Là, nous trouvons mentionnée une période de trois ans et demi, appelée dans un langage mystique : « Un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Voyons Daniel 7. Là, nous trouvons les puissances gentiles représentées par des bêtes sauvages, qui ont partiellement quelque ressemblance dans la nature. Il y a un lion, un ours, et un léopard portant quatre ailes pour exprimer la rapidité de conquêtes qu’on verrait dans la puissance représentée par cette bête ; et tout le monde sait que dans l’antiquité, jamais empire ne s’étendit par de rapides conquêtes comme l’empire grec sous Alexandre ; et plus que cela, il s’enracina profondément, de telle sorte qu’à ce jour même, on en voit des restes qui, loin d’apparaître comme exhumés, pour ainsi dire, se montrent par des effets vivants. La quatrième bête était d’un caractère composé, différente de tout ce qui a été vu auparavant. Elle avait dix cornes sur sa tête ; et après ces dix cornes — au milieu d’elles — le prophète vit une autre petite corne qui montait. Cette dernière prend la place de trois autres, et devient le grand objet dont l’Esprit de Dieu est occupé ; non pas, sans doute, parce que quelque chose de bon s’y rattache, mais à cause de sa mortelle hostilité contre Dieu et contre Son peuple. Daniel voit plus particulièrement cette corne sous son caractère politique, et l’Apocalypse la présente plutôt sous son caractère politico-religieux. C’est avec ce quatrième empire, la bête romaine, et en relation avec les Juifs, qu’est donnée la période de « un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Ce n’est pas, semble-t-il, par une légère aberration d’esprit qu’on se refuse à appliquer ces passages à la Judée pour les appliquer à Rome. Mais la cause en est manifeste. Les hommes se sont tellement occupés de controverse entre le protestantisme et le papisme, qu’ils ont naturellement cherché à découvrir dans l’Écriture quelque chose touchant le pape ; et voyant qu’il s’y trouvait un personnage plus méchant que tous les autres (l’Antichrist), ils en ont conclu que l’Antichrist et le pape étaient un seul et même individu. Or, il est vrai que l’un et l’autre font jusqu’à un certain point des choses pareilles. Mais en examinant les Écritures, vous trouvez que l’Antichrist prend place en Judée et en rapport avec le peuple juif, comme il n’est jamais arrivé au pape de le faire. Je ne dis pas que le pape ne puisse pas agir ainsi ; mais il est impossible d’appliquer pleinement et exclusivement au pape comme tel ce qui est dit de l’Antichrist. Il est un système à venir d’iniquité, et à la tête de ce système un personnage à venir, qui s’élèvera contre Christ dans Sa gloire et Ses droits juifs, et unira le pouvoir politique à la prétention religieuse, et cela dans la ville du grand Roi. Il y a beaucoup d’antichrists, il est vrai, et l’on peut avec raison regarder le pape comme l’un d’eux, mais non pas comme l’Antichrist qui doit venir. Celui-ci est réservé pour le temps qui précédera immédiatement l’apparition du ciel du Seigneur Jésus Christ. Il essaiera personnellement de contrefaire le Seigneur Jésus et de s’opposer à Lui, et il sera personnellement renversé par Lui. On devrait être préparé à cet événement ; mais on s’imagine, au contraire, que le pape est le dernier antichrist, et qu’il va tellement en décrépissant, qu’il est bien près de descendre dans la tombe. Mais la Bible enseigne clairement que le développement le plus affreux de l’iniquité est encore à venir, et que, lorsqu’il arrivera, il n’entraînera pas seulement les pays papistes, mais aussi les pays protestants, et les Juifs eux-mêmes dans ses fatales déceptions.
En Daniel 7, il est dit de la petite corne qu’elle proférera de grandes paroles contre le Souverain, « et détruira les saints du Souverain et pensera de pouvoir changer les temps et la loi ; et ils seront livrés en sa main jusqu’à un temps, des temps et une moitié de temps ». Or, il me paraît parfaitement clair que « les temps et la loi » dont il est question ici, sont ceux avec lesquels le prophète Daniel était familier. Les temps étaient liés aux fêtes d’Israël, et les lois (pluriel — vers. angl.) avec l’ordre ou le rite juif. Les « saints du Souverain » sont ceux que connaissait le prophète, et auxquels il portait intérêt ; tout comme au chapitre 12, ce sont les enfants du peuple auquel appartenait Daniel, qui sont compris dans l’expression : « Les enfants de ton peuple ». Ceci montre qu’il y aura un ennemi particulier du peuple de Dieu en Judée, lequel s’élèvera en ce jour-là. Il se mêle des Juifs au moment où ils commencent à être jusqu’à un certain point reconnus de Dieu. Ce pouvoir inique détruit les saints du Souverain et pense changer les temps et les lois, lesquels seront livrés en sa main. Ce ne sont pas les saints qui sont livrés entre ses mains, car Dieu ne les abandonne jamais à l’ennemi. Il pourra permettre qu’ils soient tourmentés pour un temps, mais Il ne les abandonnera jamais. Ce sont les temps et les lois qui sont ainsi mis à sa disposition pour un temps, parce que la nation n’est pleinement reconnue que quand le Messie vient, et jusque-là il s’agit seulement d’une reconnaissance partielle de leur culte. Les temps et les lois lui sont donc abandonnés pour « un temps, et des temps et une moitié de temps ». Il s’agit de la même période dans les quarante-deux mois, qui donnent exactement le même laps de temps, si l’on admet que « un temps » signifie une année.
En Daniel, chapitre 9, vous avez une autre désignation de temps, les fameuses soixante-dix semaines. « Et après ces soixante-dix semaines, le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26 — vrai sens de l’original) ; c’est-à-dire qu’après soixante-neuf des soixante-dix semaines, le Messie est retranché. Alors, pour cause de ce retranchement, une interruption a lieu. Toutes les semaines ne sont pas écoulées. Il en reste une — la dernière — à accomplir, laquelle est tenue séparée, comme un anneau arraché à la chaîne qui précède. Vous remarquerez qu’après la mort du Messie le conducteur, il est fait allusion à un autre conducteur encore à venir, lequel est évidemment un conducteur ennemi, un conducteur de la nation romaine. La grande méprise dans laquelle plusieurs sont tombés, c’est que ce conducteur était Titus, qui vint et prit la ville de Jérusalem : mais il n’en est point ainsi. Le verset n’établit pas que le conducteur détruirait, etc. ; mais « le peuple du conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire », et c’est ce qu’ils ont fait. Les Romains vinrent sous ce général. Mais lorsqu’il est dit : « Le peuple du conducteur qui viendra », cela me donne clairement à entendre qu’un certain grand conducteur viendrait après, un conducteur en rapport avec l’empire romain. Son peuple devait venir le premier, ce qu’il a fait sous Titus ; plus tard, le conducteur lui-même vient, ce que je crois être encore futur. Car remarquez bien que la destruction passée de la ville et du sanctuaire, n’est pas du tout comprise dans le cours des soixante-dix semaines. Elle a lieu dans l’intervalle qui sépare la soixante-neuvième de la soixante-dixième semaine. Il y a eu, pour ainsi dire, une chaîne de soixante-neuf semaines donnée jusqu’à la mort de Christ ; elle fut rompue alors. Il y avait un anneau important, la soixante-dixième semaine. Que devient cet anneau ? Le dernier verset le reprend, et il en ressort assez clairement que cette soixante-dixième semaine a affaire, non point avec Christ, mais avec l’Antichrist, qui sera manifestement en rapport avec l’empire romain, et aussi avec les Juifs. Observez que, au verset 26, après les soixante-deux semaines ajoutées aux sept qui les précèdent, c’est-à-dire après que le Messie est retranché, il n’est plus fait mention des semaines. Dans ce qui vient ensuite nous n’avons pas de date, jusqu’à ce que nous arrivions au verset 27 ; preuve que ce qui survient n’est pas compté comme faisant partie de la suite continue des semaines. « Et la fin en sera avec débordement, et les désolations sont déterminées jusqu’à la fin de la guerre ». La ville et le sanctuaire ont été depuis longtemps détruits ; mais les désolations durent « jusqu’à la fin », et elles se poursuivent encore.
Jusqu’à ces derniers temps, de tous les peuples de la terre, un Juif avait le plus de difficulté à entrer dans le pays. Il survient un changement dans les dispositions des nations envers Israël ; cela je l’admets. Les Gentils en partie semblent oublier que le Juif est sous un jugement spécial de Dieu. Sans doute, ce n’est pas une excuse pour traiter ce peuple avec dureté, mais c’est une raison grave pour laquelle les hommes ne devraient pas se mêler politiquement de lui. Pour le Juif, se mêler ainsi avec les Gentils est une sorte d’apostasie ; et pour les Gentils, c’est mépriser le jugement de Dieu et l’attirer éventuellement sur eux. On découvrira que Dieu ne peut pas sanctionner une semblable union. Je crois que lorsque les Gentils auront abandonné toute idée de particularité concernant les Juifs, la main de Dieu confondra leurs desseins, et qu’Il interviendra pour manifester Son peuple distinctement et séparément de tous les autres, par le jugement d’abord et par la bénédiction ensuite. Lorsque tout semblera tranquille et en prospérité, Dieu annulera ce que l’homme croit faire, car Il n’a pas rejeté Israël à toujours. Les Juifs peuvent avoir abandonné Dieu et s’être amalgamés avec les Gentils, mais Dieu n’oublie jamais qu’Il a choisi les pères et qu’Il a fait des promesses pour les enfants. Il est vrai que les Juifs ont pris la responsabilité d’être Son peuple et ont misérablement manqué à remplir leur obligation ; mais Dieu ne faillira pas à accomplir Son dessein. Lorsque les mariniers gentils avaient Jonas dans leur navire, Dieu résolut de l’en faire sortir, et s’ils ne l’eussent pas jeté dans la mer, Dieu aurait brisé leur navire pour en tirer Son prophète et l’avoir à Lui-même et à Son œuvre. Ainsi en sera-t-il au jour qui approche rapidement. En examinant Ésaïe 18, nous voyons qu’il doit y avoir une restauration partielle d’Israël par le pouvoir gentil, principalement au moyen d’une certaine puissance maritime « qui envoie par mer des ambassadeurs, etc. ». Ils pourront ramener une partie des Juifs dans leur terre, mais les Juifs seront encore en état de rébellion et d’incrédulité. Lorsque tout paraît florissant, soudain il survient une ruine de la part de Dieu : et, qui plus est, Dieu permettra que l’ancienne inimitié des Gentils contre les Juifs se réveille, ainsi qu’il est écrit : « Les oiseaux de proie seront sur eux tout le long de l’été, et toutes les bêtes du pays y passeront leur hiver » — c’est-à-dire que toute sorte d’impitoyable haine leur sera montrée. Ils sont le corps mort, et là où est le corps mort, là se rassemblent les aigles. Les Gentils qui auront d’abord paru si bienveillants à leur égard s’en éloigneront de nouveau et s’uniront une fois encore dans le but de les écraser. Et quelle sera la fin de tout cela ? Les Gentils étant revenus à leur vieille haine contre les Juifs, Dieu épousera la cause de Son peuple. Dieu s’abstient tandis que l’homme s’en mêle ; mais lorsqu’une immense armée monte contre Israël, en ce temps-là même sera présentée à l’Éternel des armées l’offrande d’un peuple dispersé et pillé, et de la part d’une nation terrible dès son origine (vers. angl.). Dieu se fera présent à Lui-même, si je puis ainsi parler, de Son Israël si longtemps dispersé et persécuté.
Ce qui précède fera voir combien il est naturel que nous ayons dans l’Apocalypse une réorganisation de la constitution et du culte juifs après l’enlèvement de l’Église au ciel et avant l’apparition de Christ. Nous y voyons un petit résidu, au milieu de la masse qui devait être livrée aux Gentils. Pendant quarante-deux mois, la sainte cité sera foulée aux pieds. Le Seigneur permet qu’une certaine période aille s’écoulant pour ce qui regarde « les plusieurs » ; mais Il mesure pour Lui-même le temple et l’autel, et ceux qui y adorent. Il se pourrait que ce résidu fût égorgé, mais toutefois Il l’apprécie. À l’époque où une partie des Juifs sont ainsi dans leur propre terre, mais à laquelle Israël comme ensemble n’est pas encore entièrement ramené par Dieu, à cette époque viendra le conducteur romain prédit, lequel « confirmera (non pas l’alliance, mais) une alliance avec les plusieurs pour une semaine ». Je sais que quelques-uns appliquent ceci à Christ ; mais le Seigneur n’a jamais traité d’alliance pour une semaine ou sept ans. Il est impossible d’appliquer légitimement ces mots à une alliance que le Seigneur ait jamais établie, bien moins encore à une alliance établie après Sa mort. « L’alliance éternelle » est évidemment le contraste et non l’accomplissement de cette alliance établie pour une semaine. Plusieurs interprètent ainsi le passage de Daniel 9, 27 ; mais ceux qui le font oublient qu’au verset précédent, Christ a été vu comme « retranché ».
« Au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation ; puis, à cause de la protection des abominations, il y aura un désolateur, etc. ». Ici nous avons des événements subséquents d’une nature tout à fait différente. On demandera : Quand et comment devons-nous supposer qu’aura lieu cette cessation du sacrifice et de l’oblation ? Qui, et d’où, est ce personnage qui les fait cesser ? « Le Messie, le conducteur », et le « conducteur qui viendra », sont-ils la même personne ou sont-ils deux personnes différentes ? Par rapport au Messie, l’histoire se clôt au verset 26. « Le peuple » de ce conducteur qui viendra, était l’ennemi d’Israël, sujet d’une puissance contraire, et non pas le peuple du Messie. Au verset 27, le conducteur, dont l’arrivée est annoncée par le verset 26, est venu lui-même ; et c’est lui qui confirme une alliance avec « les plusieurs », ou la masse des Juifs, pour une semaine ; mais à la moitié de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et à cause de la protection des abominations, etc. Le langage peut sembler quelque peu obscur, mais ce qui est bien clair, c’est qu’il doit se trouver après la mort de Christ un certain conducteur — un prince romain — dont le peuple vint d’abord causer une désolation depuis longtemps accomplie ; après quoi, lui-même survient enfin. Au moment où il paraît sur la scène, commence la dernière semaine de Daniel. Cette interruption entre la soixante-neuvième et la soixante-dixième semaines semblera peut-être étrange, et l’on demandera peut-être : Comment se pourrait-il qu’il y eût une semblable lacune ? Mais le fait n’est pas sans précédent. En principe, la même chose se présente en Luc 4, lorsque le Seigneur lit dans le prophète Ésaïe. La portion lue est la description de Son ministère personnel, en Ésaïe 61, 1, 2. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur froissé… pour publier l’an agréable du Seigneur ». « Et il ploya le livre ». Il n’acheva pas le passage. Pourquoi ? Parce que, si l’on peut ainsi répondre avec révérence, le reste, c’est-à-dire « le jour de la vengeance de notre Dieu », était l’affaire de la prophétie. Proclamer l’an agréable du Seigneur, est ce que Christ a fait à Sa première venue ; mais ce temps-là n’était pas le jour de la vengeance du Seigneur ; — de telle sorte que le christianisme tout entier et la vocation de l’Église ont pris place entre l’an agréable du Seigneur et le jour de la vengeance. Lorsque Christ vint en humiliation et en amour, c’était l’an agréable du Seigneur : c’est pourquoi Il ploya le livre ; mais le jour de la vengeance est différé jusqu’à ce que le Seigneur revienne en gloire.
Il en est de même en Daniel : les soixante-neuf semaines courent jusqu’à ce que le Messie soit retranché, puis nous avons une lacune évidente. La destruction de Jérusalem n’est pas comprise dans le cours des soixante-neuf semaines, et avec non moins d’évidence ne saurait être placée dans le cours de la soixante-dixième. Car, si vous entendez que la dernière semaine commence à la mort du Messie, elle vous donnerait sept ans seulement, au lieu que Jérusalem ne fût prise que quarante ans après la mort de Christ[1]. La soixante-dixième semaine n’a rien à faire avec ce siège, et, de fait, les guerres et les désolations eurent lieu avant que nous arrivions à la soixante-dixième semaine, qui n’est citée qu’au dernier verset.
Dans le dernier ou 27e verset, il y a une alliance confirmée. Est-ce que Titus ou tout autre prince romain confirma jamais une alliance avec les Juifs pour une semaine ? Et de plus, il est dit : « À la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation ». Cela montre qu’il y aura un renouvellement de service religieux dans Jérusalem au dernier jour. Le sacrifice et l’oblation auront été rétablis, et ce conducteur, malgré l’alliance traitée avec eux, met fin à tout. Et puis, après ? Les abominations, c’est-à-dire l’idolâtrie, sont publiquement établies et protégées. Elles seront introduites jusque dans le sanctuaire même, ce qui ne fut pas le cas lors de la destruction de Jérusalem. Il y eut alors beaucoup d’effroyable méchanceté, toute sorte d’autres crimes et d’excès, mais pas d’idolâtrie. Ici, au contraire, il est insinué que l’idolâtrie sera ouvertement tolérée jusque dans le temple. Cela ne répond pas à la prise de la ville par Titus, ni à la mort du Seigneur Jésus Christ ; car à ce temps-là, l’esprit immonde de l’idolâtrie avait quitté la nation, qui, depuis l’époque de la captivité babylonienne — à en excepter la profanation d’Antiochus — s’était gardée pure de telles abominations, et, en ce sens, se trouvait « vide, balayée et ornée ». Mais nous savons que l’esprit immonde doit revenir en plus grande force que jamais (Matt. 12, 45). La chrétienté et le judaïsme contribueront, chacun de son côté, à produire la dernière forme du mal — l’antichristianisme. Vous vous rappelez que les pharisiens accusaient le Seigneur, lorsqu’Il était sur la terre, de faire Ses miracles par la puissance de Satan, et la signification de la parabole qui leur est ici présentée, est réellement l’histoire d’Israël lui-même. Le vieil esprit immonde s’en était allé ; le peuple ou ses conducteurs étaient remplis de zèle pour leurs ordonnances. Et que dit le Seigneur ? Que le vieil esprit immonde, depuis longtemps parti, reviendrait. Et quand il reviendra, il prendra avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même. Les Juifs tomberont dans l’idolâtrie en s’unissant avec l’antichristianisme, et leur dernier état sera pire que le premier. Comparez aussi Ésaïe 65 ; 66.
Mais revenons à l’Apocalypse. Nous avons constaté en Israël cet état de chose, savoir : la nation partiellement reconnue de la part de Dieu, et le culte s’exerçant, bien que la profession extérieure soit livrée à l’oppression des Gentils. Et remarquez que le Seigneur dit : « Et je donnerai puissance à mes deux témoins, et ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs » (v. 3). Que le Seigneur fasse mention d’eux par le nombre de jours qu’ils passent ici-bas plutôt que par un nombre de quarante-deux mois — semble indiquer la valeur qu’Il attache à leur témoignage. Il l’apprécie, pour ainsi dire, autant qu’Il le peut. Il n’en donne pas la somme, comme lorsqu’Il parle de la bête (chap. 13, 5). Avec une tendre sollicitude, Il parle du temps par les jours, comme s’Il les comptait tous un par un. « Ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs » — un témoignage rendu dans la tribulation. Ce n’est pas le christianisme, ni l’état de choses qui subsistera après l’apparition du Messie en gloire ; mais c’est un temps de transition entre l’enlèvement de l’Église et sa venue du ciel avec le Seigneur Jésus Christ — le temps où l’homme aura ramené Israël dans sa terre, alors que la masse du peuple sera complètement impropre à entrer en relation avec Dieu. Il y a un petit résidu de croyants, il y a un culte, il y a enfin un témoignage prophétique, mais un témoignage prophétique évidemment juif dans son caractère. En Zacharie, bien qu’il soit fait mention de deux oliviers, il n’y a pourtant qu’un chandelier (Zach. 4, 11) ; ici, il y a deux chandeliers parce qu’il y a deux témoins, qui prophétisent touchant la manifestation de la gloire terrestre sans toutefois l’introduire personnellement. Ce qui signifie que ce n’est pas l’ordre régulier de Dieu, mais une preuve que Ses yeux sont en bien sur Son peuple, avant que soit manifestée la plénitude de la bénédiction.
« Et si quelqu’un veut leur nuire, le feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; et si quelqu’un veut leur nuire il faut qu’il soit ainsi mis à mort » (v. 5). Voilà ce qui montre que ce n’était pas un témoignage proprement chrétien, ni les fruits qui y répondent pratiquement. C’était la chose même que le Fils ne voulut pas faire lorsqu’Il était sur la terre (excepté, naturellement, dans le sens figuré de Luc 12, 49) et au sujet de laquelle Il censura fortement Jacques et Jean, qui la désiraient (Luc 9, 54, 55). Ici, au contraire, le feu sort de la bouche des témoins, et dévore leurs ennemis — chose parfaitement juste quand Dieu va prendre le caractère de juge sur la terre. Mais ce n’est pas maintenant que le Seigneur prend ce caractère. Il sauve les pécheurs, ou autrement déploie la plénitude de la grâce ; et aussi longtemps qu’Il agit ainsi, Il ne peut demander que Son peuple soit le dépositaire d’une puissance terrestre. C’est pourquoi les miracles de Ses serviteurs, durant ce temps de la manifestation de Sa grâce, n’ont pas un caractère de destruction. Le Seigneur pourrait agir aujourd’hui — dans un cas de péché — comme Il agit envers les saints de Corinthe : je ne vois pas pourquoi Il ne pourrait pas ainsi agir en tout temps. — Mais ce serait une chose étrangère au christianisme et contraire à tout ce qu’il respire, qu’un saint, parce qu’il aurait subi de la part d’un autre une méchante opposition, désirât à celui-ci la mort ou quelque malheur. Le christianisme fait voir que la victoire que la grâce nous fait remporter, c’est de montrer de l’amour et de la bonté à son ennemi. Ce peut être là amasser des charbons de feu sur sa tête ; mais telle est la manière de faire du Seigneur : surmonter le mal par le bien. Cependant, c’est le Seigneur qui sanctionne ici la puissance de destruction qui accompagne le témoignage de ces témoins juifs ; car Il dit : « Je donnerai puissance à mes deux témoins… Et si quelqu’un veut leur nuire, il faut qu’il soit ainsi mis à mort ». Voilà ce qu’Il entendait qu’ils fissent — et ce qui, évidemment, était fait selon la pensée de Dieu. Cela indique une condition différente de celle du chrétien, qui est appelé à souffrir sans résister. Il s’agit de la fin du siècle, alors que le christianisme aura fait son œuvre, et que le Seigneur recommencera d’agir envers les Juifs. De plus, le ministère et les miracles de ces témoins sont de la même nature que le ministère et les miracles accomplis par Moïse et par Élie. C’est ainsi qu’ils ont « pouvoir sur les eaux pour les changer en sang et pour frapper la terre de toutes sortes de plaies », comme au temps de Moïse ; et qu’ils ont le pouvoir de fermer le ciel, afin qu’il ne pleuve pas durant les jours de leur prophétie, « comme au temps d’Élie » (v. 6). Et effectivement, ce que l’on verra dans ces temps coïncide en plusieurs manières avec ce que l’on a vu aux temps de Moïse et d’Élie. Il y avait alors de l’idolâtrie en Israël, et un témoignage remarquable de la part d’Élie contre elle. Dieu Lui-même châtiait Son peuple — les cieux au-dessus d’eux étaient comme de l’airain. Ainsi en arrivera-t-il de nouveau. Celui qui, dans ce temps-là, tiendra en main les destinées d’Israël sera un apostat qui admettra et imposera l’idolâtrie. En outre, Israël sera trouvé assujetti à l’autorité gentile, comme il l’était aux jours de Moïse : — néanmoins, il y aura un petit résidu mis à part pour Dieu. Mais quoique ces deux témoins soient gardés pendant un certain temps par des miracles, toutefois dès que les jours sont achevés, il ne leur reste, pour ainsi dire, plus du tout de puissance. La bête qui monte de l’abîme leur fait la guerre, et ils sont tués comme d’autres hommes. « Et leurs corps seront étendus sur la grande place de la ville, qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où aussi leur Seigneur a été crucifié » (v. 8). Il est de toute évidence que cette ville est Jérusalem. Plusieurs pensent que c’est Rome, parce que, comme je l’ai dit ci-devant, les protestants sont absorbés et influencés par leur controverse avec le papisme. Lorsqu’il est question des droits de Dieu sur la terre, Il attache autant d’intérêt que possible à Son peuple d’Israël. Mais pourquoi l’Écriture est-elle si brève au sujet du papisme ? Parce que Dieu ne reconnaît jamais Son Église pour un peuple terrestre. La politique, les aspirations, les intérêts de ce monde font assez bien l’affaire de ceux qui n’ont de portion qu’en la terre et se passent fort bien d’intrus. Mais rivaliser avec les pots de terre est au-dessous de ceux qui sont nés du ciel.
Nous voici maintenant, dans ce chapitre, à Jérusalem, le centre des dispensations et du témoignage de Dieu, et de l’opposition qui monte de l’abîme. Le grand adversaire du peuple d’Israël y est clairement nommé pour la première fois dans l’Apocalypse : « la Bête », absolument comme si vous aviez déjà connaissance de toute son histoire. C’est une remarquable puissance, qui ne monte pas simplement de la mer, comme au chapitre 13, mais qui, comme au chapitre 17, est dite « monter de l’abîme ». Cet empire ne monte pas de la terre, symbole d’un gouvernement stable, comme la seconde bête du chapitre 13, 11 ; ni seulement de la mer, qui figure une condition révolutionnaire incertaine. Dans ce passage est ajouté ce trait caractéristique vraiment extraordinaire et effrayant, qu’elle monte de l’abîme. Satan a directement à faire avec son dernier état. Les hommes ont de temps à autre caressé le projet de former un vaste empire universel. Charlemagne en fit l’essai, mais il échoua. Il ne posséda jamais l’ancien empire romain. Et plusieurs se rappellent un autre personnage qui eut la même chose au cœur, mais qui, lui aussi, échoua et mourut dans un triste exil. Mais le moment se hâte où ce plan même sera réalisé. Dans les autres empires, il y a toujours eu un gouvernement suprême de la providence de Dieu. Dieu était par-dessus tous, réclamant de Son peuple soumission envers les autorités qui existent, quels que soient les éléments dont elles sont formées. Le chrétien ne doit pas se mêler de ce qui les regarde, mais il doit les reconnaître et leur payer tribut. Mais il est un empire qui va être formé et qui sera aussi complètement sous le pouvoir immédiat de Satan, que tous les autres empires ont été sous la providence immédiate de Dieu ; et Dieu retirera les soins et le frein sous lesquels Il a jusqu’ici gardé les royaumes du monde, et permettra que tout mûrisse pour un chef soumis à Satan. C’est donc bien justement que cet empire est dit monter de l’abîme.
Cela s’accorde avec ce que nous avons en Daniel. Le personnage qui se mêlera des affaires des Juifs d’une façon particulière (chap. 7, 25 ; 9, 27) est la Bête romaine, le conducteur de ce même empire qu’en son dernier état Dieu ne reconnaît plus. Lorsque Jésus naquit, le quatrième empire ou l’empire romain, existait, et Dieu prit avantage de ses décrets pour introduire l’héritier de David à Bethléem. C’est cette même « Bête » qui était là. En Apocalypse 17, il est écrit : « La Bête qui était et n’est pas, et va monter de l’abîme » (v. 8). Faites attention à ce trait important que Daniel ne donne pas et que Jean fournit. Celui-ci expose trois conditions successives de l’empire romain. Cet empire existait au temps de Jean — puis il devait cesser d’exister — et, en dernier lieu, monter de l’abîme, une influence satanique toute particulière se rattachant à sa condition finale. La Bête qui « n’est pas » décrit exactement l’état actuel de non-existence de l’empire. Les Goths et les Vandales se sont jetés sur lui et l’ont amené à sa ruine. Depuis lors, les hommes n’ont pas été capables de le réorganiser, parce que Dieu avait une autre pensée. Dieu a déclaré dans Sa Parole qu’il serait réorganisé, non par l’homme, mais par la puissance de Satan. La source de son existence viendra d’en bas. Combien tout cela n’est-il pas remarquable ! Nous avons eu le déclin et la chute de l’empire romain ; mais il est une chose qu’aucun historien ne pouvait signaler, que la prophétie seule signale et pouvait signaler, savoir : la restauration de l’empire romain. Puissions-nous la voir, cette chose, non point comme étant sur la terre, mais comme regardant du ciel à la terre. Je crois que ceux qui, aujourd’hui, rejettent l’évangile, seront entraînés, s’ils vivent encore, dans les terribles déceptions de ce jour-là. Ils recevront la marque de la Bête à leur front ou à leur main droite : ils adoreront son image — et il est écrit par Dieu que ceux qui le feront, seront tourmentés dans le feu éternel. Le monde pourra s’imaginer, à cause du surcroît de grandeur, de prospérité et de luxe qui existera alors ou préalablement, que le millénium est arrivé ; mais ce sera le millénium de Satan. Tel est le sort réservé à ces pays-ci ; car c’est une partie du juste jugement de Dieu que là où l’évangile aura été prêché et où le monde en fait peu de cas jusqu’à tolérer l’idolâtrie dans un but politique, Dieu retire la lumière et y envoie une énergie d’erreur. Et c’est alors que Satan produira l’homme de péché. Tout cela est d’une importance pratique immense. On peut demander : « À quoi bon pour nous de savoir cela, si, comme chrétiens, nous devons être enlevés auparavant ? ». Parler ainsi, c’est dédaigner ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler. Lorsque Dieu lui annonça d’avance la destruction de Sodome, Abraham ne dit pas : « En quoi cela me regarde-t-il ? ». Dieu aime que nos cœurs débordent en louange et en gratitude à cause de Sa grâce et de Son amour pour nos âmes ; mais Il nous fait part aussi de la triste destinée qui attend le monde et Il réveille l’esprit d’intercession pour les saints infidèles qui peuvent s’y trouver mêlés.
Je ferai cette remarque quant aux deux témoins, qu’il n’y a pas absolument nécessité de les considérer comme étant deux personnes ; il se pourrait qu’ils fussent deux cents ou plus. Ils sont présentés comme deux témoins (que ce soit littéralement ou non), parce que c’est un principe divin que « par la bouche de deux ou de trois témoins toute parole sera établie ». Dieu offrait un témoignage suffisant. « Ceux-ci » soutenaient les droits de Christ relativement à la terre, ils soutenaient qu’Il était « le Seigneur de la terre », et c’est ce qui excitait l’ennemi. La « bête » ne se serait peut-être pas autant souciée d’eux s’ils eussent dit : « le Seigneur du ciel », mais ils réclamaient la terre, non pour eux-mêmes, mais pour Lui, et c’est ce que les hommes ne supporteront pas. L’incrédulité aime de jouir actuellement, et tout ce qui y met obstacle et produit du malaise dans la conscience, est haï et mal venu. Aussi, lorsque le témoignage est achevé et que les témoins sont renversés, ce n’est pas seulement la bête, mais les deux grandes catégories de l’espèce humaine qui sont affectées de leur chute. « Et ceux d’entre les peuples et les tribus et les langues et les nations voient leurs corps morts durant trois jours et demi, et ils ne permettent point que leurs corps morts soient mis dans les sépulcres. Et ceux qui habitent sur la terre se réjouissent… et s’enverront etc. » (v. 9, 10). Ce n’est pas là la première ni la seule fois que nous trouvons cette distinction établie entre « les peuples, et tribus, et langues, et nations », et « ceux qui habitent sur la terre ». Cette dernière expression ne désigne pas seulement des hommes sur la terre, elle a une portée morale et désigne ceux qui ont essentiellement leurs pensées aux choses de la terre, ceux qui par le cœur et par la vie, ne s’élèvent pas au-dessus de la terre. Les corps morts des témoins sont étendus sur la grande place de la ville, et ceux d’entre les peuples et tribus et nations les y voient trois jours et demi, et ne permettent pas qu’ils soient mis dans des sépulcres. Voilà qui était assez mauvais, comme exprimant la malice de l’homme contre ceux qui rendaient témoignage pour Dieu. Mais « ceux qui habitent sur la terre » vont beaucoup plus loin ; car de leur part il y a des réjouissances positives ; ils s’égaient et s’envoient des présents les uns aux autres. Et pourquoi tout cela ? « Parce que ces deux prophètes », est-il écrit, « tourmentaient ceux qui habitent sur la terre ».
La distinction que j’établis ici n’est pas purement imaginaire, ou fondée sur un seul passage. Vous trouverez la même chose en plusieurs autres. Ainsi, chapitre 14, 6, où l’on voit l’inverse de ce que nous avons ici, il est dit : « Et je vis un autre ange volant par le milieu du ciel, ayant l’évangile éternel, afin de l’annoncer à ceux qui habitent sur la terre et à toute nation et tribu et langue et peuple ». Dans notre passage, nous avons premièrement la masse des peuples gentils qui manifestent leur méchanceté envers les deux témoins en ne permettant pas que leurs corps morts soient ensevelis. Mais il y a une réjouissance spéciale de la part de ceux qui demeurent sur la terre, ou qui ont leurs pensées aux choses de la terre. Au chapitre 14, au contraire, Dieu envoie un message solennel, l’évangile éternel. Et par qui commence-t-Il ? Par les plus mauvais, « ceux qui demeurent sur la terre » tous kathêmenous littéralement « qui sont assis », ce qui me semble plus fort que tous katoikountas ; — puis ensuite le message s’étend aux hommes en général. Et après examen, vous trouverez la même distinction confirmée par d’autres passages. En d’autres termes, « demeurer sur la terre » n’est pas seulement une vague description de la position extérieure des hommes, c’est aussi l’expression d’une condition morale.
Mais revenons à notre sujet — Dieu intervient. « Et après les trois jours et demi, l’esprit de vie venant de Dieu entra en eux ; et ils se tinrent sur leurs pieds et une grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient. Et ils[2] ouïrent une grande voix qui venait du ciel leur disant : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée, et leurs ennemis les virent » (v. 11-12), Ce n’est pas simplement « dans une nuée », comme le porte le texte reçu, mais « dans la nuée ». Je pense qu’il s’agit de la nuée que l’on voit au commencement du chapitre 10, enveloppant l’ange puissant. Ce fut la nuée — emblème spécial et connu de la présence de Jéhovah — qui reçut les témoins, et démontra ainsi que leur Seigneur, le Seigneur du ciel aussi bien que de la terre, était pour eux. Ils montèrent au ciel à la face même de leurs ennemis. « Et à cette heure-là, il se fit un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville tomba et sept mille noms d’hommes furent tués dans le tremblement de terre, et les autres furent épouvantés et donnèrent gloire au Dieu du ciel ». Avant d’aller plus loin, je dirai un mot sur la distinction remarquable qui se rencontre en ce verset même. Les témoins rendaient témoignage au Seigneur de la terre ; mais ceux qui furent épouvantés en voyant de quelle manière la cause de Ses serviteurs martyrs était vengée, donnèrent gloire au Dieu du ciel. Dans ce jour-là, il sera plus facile aux hommes de reconnaître Dieu en haut d’une façon vague, que de le reconnaître Seigneur de la terre, s’occupant Lui-même de ce que les hommes font ici-bas. En reconnaissant Dieu de la première manière, on peut ne Le voir que comme un Dieu à distance ; quoique, dans ce sens plus élevé je puisse Le connaître comme Celui qui est descendu ici-bas afin de me donner une part avec Lui en haut. Ainsi donc, Dieu dans le ciel est ou extrêmement près des siens, ou à grande distance pour ceux qui ne sont travaillés que par cette terreur passagère. L’homme du monde peut bien supporter la pensée d’un Dieu éloigné de lui ; et c’est précisément ce que nous avons ici. Les hommes étaient alarmés par les choses qui approchaient. Mais le témoignage n’était pas reçu, il n’y avait pas de conversion. C’est devant le Seigneur de la terre que les hommes auraient dû fléchir. Ils donnent gloire au Seigneur du ciel ; mais c’est trop tard, ils sont tués dans le tremblement de terre : « sept mille noms d’hommes », comme on doit le rendre littéralement.
Avant tout, nous avons vu le résidu au milieu des Juifs au dernier jour, occupé à rendre culte à Dieu. Après cela, nous avons les témoins qui sont loin de présenter de la part de Dieu ce qu’Il manifeste aujourd’hui, mais qui soutiennent Ses droits par rapport à l’avenir, comme l’implique naturellement la prophétie. Ici, je puis faire une autre remarque. Il se rencontre dans l’Apocalypse une expression qui a été souvent mal comprise : « Le témoignage de Jésus est l’esprit de prophétie ». Cette expression ne veut pas dire que toute la prophétie se rapporte au Seigneur Jésus Christ (ce qui pourtant est vrai dans un certain sens), mais que le témoignage de Jésus contenu dans ce livre — ce dont Jésus témoigne dans ce livre — est l’esprit de prophétie. C’est le Saint Esprit, comme il nous est montré tout le long du livre ; non pas amenant les âmes en communion actuelle avec le Seigneur Jésus Christ dans le ciel, mais communiquant ce qu’Il doit bientôt faire. Eux, les témoins, soutenaient les droits de Christ par rapport à la terre. Quoi que les hommes en pussent dire, c’est au Seigneur que la terre appartenait, et Il viendrait bientôt ratifier leur témoignage.
La fin du chapitre renferme une troisième chose. Outre une position sacerdotale, et puis un témoignage prophétique, il y a la venue du royaume. La trompette sonne. Et maintenant il ne s’agit plus, comme dans le cas des témoins, d’une proclamation environnée de puissance miraculeuse ; cela avait pris fin : leur sang avait scellé leur œuvre. Mais s’il semble que la Bête a joué une partie facile en les mettant à mort, Dieu dirige l’attention vers un autre point : « Le septième ange sonna de la trompette, et il y eut dans le ciel de grandes voix », etc. Voilà la proclamation d’un royaume, qui toutefois n’est pas entendue sur la terre, mais dans le ciel ; et aussitôt que cette proclamation a eu lieu, ceux qui ont la pensée de Christ, « les vingt-quatre anciens qui étaient assis devant Dieu sur leurs trônes, tombèrent sur leurs faces et rendirent hommage à Dieu ». Je désire ajouter un mot sur ce verset 15. La manière dont on l’a rendu, l’a beaucoup affaibli dans sa forme. « Les royaumes de ce monde » sont devenus « les royaumes de notre Seigneur et de son Christ » (vers. angl.). En voici la véritable force : « Le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu ». À mon avis, cette forme donne au verset une signification bien différente et un poids bien plus grand. C’est le royaume du monde ; et pourquoi ? Parce que ce livre, dès le commencement, nous a fait voir qu’il y avait un royaume d’un ordre tout à fait différent. Au chapitre 1, Jean parlait de lui comme d’un « frère qui participe avec vous à l’affliction, au règne et à la patience de Jésus Christ ». Ainsi, là existe le royaume (ou règne) de Christ, et pourtant il est caractérisé ou du moins accompagné d’affliction et de patience. Mais ici, l’ange introduit le royaume du Seigneur et de Son Christ, par rapport à ce monde. Ci-devant, il s’agissait d’un royaume connu seulement de la foi et réclamant de la patience — d’une chose que, par conséquent, le monde ne voudrait pas croire. Parlez-lui d’un royaume dont les sujets souffrent, et où Christ permet qu’ils souffrent au lieu de faire valoir Ses droits ! Et c’est là, exactement, ce par quoi les enfants de Dieu ont été appelés à passer depuis ce jour jusqu’à présent.
Mais permettez-moi de dire que ceci montre l’extrême erreur dans laquelle sont nombre de personnes pieuses qui pensent qu’il est tout à fait juste de se servir de la puissance terrestre en cherchant à établir la cause de Christ. Pour ne considérer que le puritanisme, sans parler du romanisme, ses partisans ont complètement oublié que le royaume de Christ est actuellement un royaume de patience et non d’autorité. Ils se sont figurés que parce que leur cause était juste, au moins à ce qu’ils croyaient, il ne convenait pas qu’ils souffrissent ; au lieu que la chose même sur laquelle Dieu insiste, est que, parce que le monde a tort et que Ses enfants ont raison, il leur faut par conséquent souffrir. De là, Pierre rend ce témoignage : « Si en faisant bien vous souffrez, et que vous l’enduriez, cela est digne de louange devant Dieu ». Là, vous avez évidemment la grande conséquence morale du royaume de Christ dans les choses pratiques : un chrétien fidèle n’est pas « souffleté » parce qu’il fait mal, mais parce qu’il fait bien. Et pourtant il y a, même parmi le peuple de Dieu, quelque chose comme être souffleté pour avoir mal marché. Quelle fut l’épreuve de Lot ? Et quelle fut l’épreuve d’Abraham ? Celle-ci avait pour but de prouver qu’Abraham était fidèle ; mais celle de Lot provenait de ce qu’il était infidèle. Ce n’est pas qu’Abraham ait toujours été fidèle envers Dieu ; mais chez lui, l’infidélité était l’exception, au lieu que je crains bien qu’elle ne fût trop souvent la règle chez le pauvre Lot. Lot était sans doute plus heureux dans ses circonstances extérieures. Il était à la porte de la ville, nous est-il rapporté, siégeant là où il n’aurait pas dû, bien que ce soit là où la chair aime à se trouver. Nous ne devons pas supposer pourtant qu’il fut entraîné dans l’impiété du corps politique au milieu duquel il demeurait. Sans nul doute, il pouvait fort bien leur faire des reproches à l’égard du mal qu’ils commettaient ; mais pour autant qu’il s’agissait de Dieu, il occupait une place de déshonneur, tout en ne participant pas au péché ouvert, si l’on ne pense qu’à sa conduite morale. Par la miséricorde de Dieu, il fut délivré, mais il le fut ignominieusement. Ses beaux-fils restèrent derrière ; sa femme fut faite un monument durable de sa folie et de son péché. C’est un autre genre d’affliction qu’Abraham expérimenta, l’affliction d’un homme qui connaissait Dieu et qui était sorti à Sa parole. Nous voyons des manquements en Abraham, comme, par exemple, en Genèse 12 et 20. Mais cependant, quoiqu’il y eut de faux pas, Abraham fut, si nous considérons l’esprit de sa marche dans son ensemble, un homme béni de Dieu au plus haut point, et un modèle de foi pour tous, ainsi que Dieu le place devant nous en Hébreux 11 et ailleurs. Il connut l’épreuve, parce qu’il fut fidèle à Dieu et à Son appel. Lot connut l’épreuve, parce qu’il voulut saisir quelque jouissance présente, une place dans le monde. Et quelle fut l’issue ? Un ébranlement frappe le monde, et Lot en est atteint : tout ce en quoi il avait placé ses affections est balayé, et ne lui est rendu que par le secours opportun d’Abraham pour être perdu à tout jamais lorsque le jugement vient fondre sur Sodome, En dernier lieu, une sombre tache de honte reste empreinte sur cet homme, et il lui faut apprendre amèrement qu’une voie mondaine est pour le croyant une voie où la peine et les désappointements sont fréquents, une voie, qui, si elle assure une affliction présente quand on y persévère, laisse également derrière elle la semence de la misère et les fruits de la honte. Si nous sommes véritablement des enfants de Dieu, il nous faut passer par l’un ou par l’autre de ces genres de souffrances : ou par la souffrance qui vient sur le monde, si nous sommes infidèles à Dieu ; ou par les souffrances de Christ, si nous confessons Son nom.
Ainsi donc, le septième ange donne le signal de la fin de cette mystérieuse forme du royaume. Les voix célestes proclament que le royaume de ce monde est devenu celui du Seigneur et de Son Christ. Au lieu d’avoir un royaume ouvert seulement à la foi, et que nul n’apprécie sinon le croyant — un royaume dont la portion terrestre est dans la tribulation et l’attente du Seigneur, seule place que puisse maintenant prendre l’espérance — au lieu de cela, nous avons un changement complet. Dieu ne permettra pas que le monde soit plus longtemps le camp, le lieu de parade et de plaisir de Satan. Et lorsque sonne la septième trompette, il est annoncé que ce royaume du monde de notre Seigneur est venu. Si l’on objecte que le Seigneur Lui-même déclare, en Jean 18, que Son royaume n’est pas de ce monde, je répondrai que ceci dépasse la vérité. Ce monde n’est jamais la source du royaume de Christ, mais n’est-il pas destiné à en être la sphère ? Le monde n’était pas Son royaume alors, mais cela prouve-t-il qu’il ne doive pas être Son royaume en quelque temps à venir où Il combattra avec Ses serviteurs, mais d’une manière bien différente de celle d’aujourd’hui ? Ici, vous avez cette parole positive de Dieu, que le royaume du monde de notre Seigneur et de Son Christ est venu. La souveraineté sur l’univers est transférée au Seigneur Jésus : « Et il régnera aux siècles des siècles ». Sans doute, il faut prendre la phrase « aux siècles des siècles » en connexion avec le sujet tout entier. Lorsqu’il est question de l’éternité, il faut la prendre dans son extension pleine et illimitée ; mais ici, elle ne peut que signifier : « à toujours », dans le sens de : aussi longtemps que durera le monde. Et je sens, bien que ce ne soit pas la plus brillante pensée dont nos âmes puissent jouir par rapport à l’avenir, que le fait que le Seigneur Jésus doit prendre possession du monde, communique un grand repos au cœur au milieu de la confusion actuelle. Cela élève au-dessus de l’esprit du présent ; parce que si je sais que la place de l’Église n’est pas ici-bas, mais que je suis maintenant dans le règne et la patience de Jésus Christ, je n’aurai pas besoin d’honneur ou d’autorité dans ce monde. Une bien meilleure place nous est destinée dans le ciel, et les saints qui se trouveront sur la terre lorsque le Seigneur apparaîtra et que nous apparaîtrons avec Lui en gloire, seront dans une position de sujets. Mais quelle est la position de ceux qui sont dans le règne et la patience du Christ Jésus ? Nous ne serons pas simplement des sujets de Christ lorsqu’Il viendra ainsi, mais des rois, régnant avec Lui. Dès maintenant même, ceux qui sont rejetés pour Christ, sont des rois rejetés. Ils ne chantent pas seulement : « À lui qui nous aime », mais encore : « qui nous a faits rois et sacrificateurs pour son Dieu et Père ».
Le Seigneur possédera un royaume approprié à la terre, mais les Juifs ne sont pas destinés à être rois. Ils occuperont sur la terre une place très honorée ; mais lors même que la nation sera convertie à Dieu, ils ne jouiront pas de cette proximité qui appartient à toute âme, juive ou gentile, qui croit en Christ maintenant. Notre portion peut paraître à l’incrédulité une portion éprouvante, et en effet elle est éprouvante pour le temps présent. Mais le Seigneur Jésus a le premier foulé le sentier et connu la souffrance comme nul autre ne le pouvait. Il l’a traversée tout entière, et quand Il viendra prendre le royaume, Il assignera une place à chacun de ceux qui auront souffert pour Lui. Ils seront comme les compagnons intimes de David lorsqu’il parvint au trône. Il y a David dans la caverne d’Adullam, et David pourchassé dans les montagnes par Saül ; mais dans toutes ces circonstances, c’était la foi de David, comme moyen, qui avait allumé la flamme dans leurs cœurs. Ils avaient saisi le ton de l’âme de David ; et, bien qu’il leur fallût endurer la tribulation pour un temps, et qu’il se trouvât beaucoup de fous dans le genre de Nabal qui accusait David d’être un serviteur débandé d’avec son maître, cependant David, tout susceptible qu’il était et prompt à ceindre son épée à la cuisse, accepte la parole même d’un vase plus faible, et prend une meilleure place, celle de la grâce — la place où le bien se pratique, où l’on peut souffrir pour le bien et endurer patiemment la souffrance (1 Sam. 25). Et bientôt après vient le trône. Et puis ensuite ? Les pauvres persécutés qui avaient connu le sentier de la souffrance, et qui avaient partagé les tribulations de David au jour de son rejet, allaient maintenant partager ses honneurs. Où était Jonathan en ce jour-là ? Il est vrai que son cœur s’était attaché à David, mais sa foi ne fut pas en état de supporter l’épreuve. Et quelle en fut la conséquence ? Il tomba en la montagne de Guilboa avec son misérable père ; et celui dont le cœur aurait volontiers donné la première place à David, et qui s’était déjà dépouillé pour l’amour de David, maintenant tombe avec le monde avec lequel il était extérieurement resté jusqu’à la fin. C’est ainsi que, quelle que soit notre affection pour Christ, si nous restons dans une fausse position mondaine, ce ne sera jamais à notre honneur dans le jour de Christ, auquel ceux qui souffrent régneront avec Lui. Puissions-nous attendre ce royaume avec des cœurs exercés par la vérité !
On trouve beaucoup de personnes qui n’aiment pas à entendre parler du royaume de Christ, faisant profession de préférer quelque chose qui touche davantage aux besoins immédiats de l’âme. Mais Dieu ne saurait-Il pas ce qui nous fait besoin ? Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’avoir confiance, non pas en nous-mêmes, mais au Dieu vivant. Tout en donnant toujours la première et la dernière place à la croix de Christ, puissions-nous ne pas oublier que Son royaume vient ! Si la croix est le seul fondement du repos pour le pécheur, c’est le royaume qui réjouit et encourage le chrétien dans son sentier de foi et de patience. Ceux qui suivaient David dans ses souffrances, étaient bien, où qu’ils allassent, séparés de tout le monde d’alentour. Ils étaient rassemblés de toutes les conditions et de tous les pays ; mais entourer David et participer aux pensées et aux desseins de Dieu envers lui, voilà ce qui les soutenait. Bien que Dieu ait oint le Seigneur Jésus Christ pour cela même, Il n’a cependant pas encore pris possession du royaume dans le sens de ce « royaume du monde » dont j’ai parlé. Rejeté et crucifié, Il est monté en haut, et nous L’attendons tout en souffrant patiemment. Mais le jour approche rapidement, où ce ne sera plus la tribulation et la patience, mais la puissance et la gloire. Toutes choses seront assujetties à Christ, et Il régnera aux siècles des siècles.
Lorsque cette nouvelle est annoncée dans le ciel, les vingt-quatre anciens se lèvent de leurs trônes (v. 16). Quelle douceur dans cet acte. Auparavant, lorsque la gloire était attribuée à Dieu, ou lorsque l’Agneau paraissait sur la scène, ils se jetaient sur leurs faces devant Lui. Ils étaient prêts pour tout ce qui exaltait la divinité ! S’il s’agit du Créateur (chap. 4), ils se prosternent devant Celui qui est assis sur le trône ; ou s’il s’agit de l’Agneau, immolé quand Il est sur le point de dévoiler les secrets de l’avenir (chap. 5), ils tombent sur leurs faces devant Lui et Le proclament digne.
De même ici la dernière trompette sonne, « le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ » est annoncé, et incontinent les vingt-quatre anciens tombent sur leurs faces et rendent grâces de ce qu’Il a pris Sa grande puissance et est entré dans Son règne. Mais ce fait, il est vrai, n’a pas lieu sans beaucoup de douleur pour les hommes coupables, car il faut que l’épée du jugement nettoie le chemin afin que le sceptre de la justice ait libre cours. « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue, etc. ». Mais ils savent bien que s’il faut que l’homme tombe avec fracas, il sera toutefois exalté de la seule manière qui soit vraie et durable dans le royaume de notre Seigneur et de Son Oint. Et, en conséquence, ils rendent grâces au Seigneur Dieu Tout-puissant « qui est, et qui était (et qui vient) » (v. 17). Je demande la permission d’omettre la dernière partie : « et qui vient » — non pas d’après une conjecture (parce que conjecturer sur l’Écriture, c’est de la présomption), mais en vertu de ce que maintiennent les meilleures autorités critiques touchant la Parole de Dieu. Le dernier membre : « et qui vient » a été introduit dans le but de faire concorder la phrase avec d’autres passages où elle se trouve contenue.
Vous pouvez vous rappeler que dans le chapitre premier, la salutation est ainsi conçue : « Grâce et paix vous soient de la part de Celui qui est, qui était, et qui vient ». Chacune de ces trois parties est de Dieu. Elles affirment qu’Il est Jéhovah, Celui qui est, qui était et qui vient ; en un mot, ces trois titres sont la traduction en grec du nom de Jéhovah — nom qui signifie : Celui qui est toujours le même. La même chose est répétée chapitre 1, 8 ; — seulement, là, ce n’est pas la salutation de Jean aux églises, mais la parole directe de Dieu Lui-même : « Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, qui est, et qui était et qui vient, le Tout-puissant » — paroles qui désignent l’invariable continuité de Son Être. Au chapitre 4 se trouve une petite différence avec l’ordre donné dans les passages précédents, et cela tout à fait à propos. « Saint, saint, saint, Seigneur Dieu Tout-puissant, qui étais, qui es et qui viens ». Ici ce n’est pas : « qui es et qui étais », mais « qui étais et qui es ». Ce changement peut paraître sans importance, mais il a bien sa signification. Au chapitre 1, l’emphase repose sur les mots « qui est », parce que Dieu se présente comme Celui qui existe de toute éternité. L’expression « qui était » semble venir la première au chapitre 4, parce que les animaux (qui avaient été les instruments des jugements de Dieu dans les dispensations passées, comme ils le seront dans les futures) regardent au passé, et, par conséquent, n’appuient pas sur le « qui es » mais commencent par ce que Dieu a été dans tous les temps antérieurs. En premier lieu, ils se trouvent au jardin d’Éden ; ensuite ils forment une sorte de représentation judiciaire de la puissance de Dieu dans le tabernacle et dans le temple ; puis, finalement, on les voit en action à l’époque où Jérusalem fut balayée et où le jugement de Dieu tombe sur Israël. En conséquence, dans le passage qui nous occupe, ces animaux, qui avaient été les témoins des voies de Dieu dans tout le passé, commencent par déclarer que Dieu « était » pour démontrer la perfection de Son Être, telle, si l’on peut ainsi dire, qu’elle avait été déployée historiquement. Au chapitre 11, il y a omission des mots : « et qui viens », parce que c’est la venue du royaume du monde de notre Seigneur qui est ici célébrée, de sorte qu’il n’est pas besoin d’y ajouter quelque chose. Avant qu’Il entrât dans Son règne, ces paroles étaient bien appropriées ; mais ici, elles conviendraient difficilement. Comme j’ai trouvé que les meilleures autorités rejettent ces mots, il est parfaitement légitime de montrer comment la meilleure traduction est en harmonie avec la vérité de Dieu dans le passage même.
La signification générale du verset suivant (v. 18) est claire. « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue, et le temps des morts pour être jugés, etc. » — toutes choses qui devaient recevoir exécution ci-après. C’est en quelque sorte une vue qui embrasse tout ce qui aurait lieu à partir du commencement du royaume, alors que les divers genres de corruption seront jugés, et durant le millénium, jusqu’à « la fin », où tout jugement se terminera. Les trois grandes pensées de ce chapitre sont donc, ainsi que nous l’avons vu, le culte sacerdotal (v. 1) ; puis un témoignage prophétique (v. 3-14) ; et enfin, le royaume annoncé dans le ciel comme venu (v. 15). Le Seigneur veuille que nos cœurs, amenés dans la jouissance de tels privilèges, soient avec Christ, non seulement à cause de la bénédiction, mais pour l’amour de Lui-même. Christ vaut mieux que toutes les bénédictions qui viennent de Lui ; et nous ne jouirons jamais de ce qu’Il donne, que dans la proportion où nous jouirons de Lui-même.
Verset 19. Je crois que l’ouverture du temple dans le ciel marque une nouvelle partie du livre, et que, par conséquent, ce fait est moins en rapport avec ce qui précède qu’avec ce qui suit ; car il est clair que les versets précédents (15 à 18) ont rendu la voix de la dernière trompette, et annoncé les conséquences du fait que Dieu prend Sa grande puissance et entre dans Son règne — non pas le gouvernement de l’homme seulement, mais la puissance de Dieu se manifestant d’une façon entièrement nouvelle. Il a fourni des exemples de Sa puissance, mais pas en rapport avec Christ, au temps où Il combattait avec Son peuple et renversait les Cananéens. Mais lorsque cette puissance s’exerçait au milieu d’un Israël coupable et en chute, et n’ayant pas son Messie, souvent Il lui fallait agir contre le peuple lui-même et non contre ses ennemis seulement, parce que Dieu ne peut jamais traiter alliance avec le péché. Mais maintenant, au temps de la dernière trompette, c’est le royaume de Dieu et de Son Christ qui est venu. Or, voilà ce qu’attendent la terre et le Seigneur Lui-même, car Il attend « jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour son marchepied ». Alors la scène tout entière sera changée ici-bas, Il viendra pour exécuter une colère aussi terrible que Sa patience aura été divine, et l’effet en sera que « lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprendront la justice ». Il y aura la présence du Seigneur Jésus et l’absence de Satan ; il y aura, non seulement l’exécution de la colère sur les vivants, mais aussi le jugement des morts à la fin. Et ces choses paraissent devoir être rangées sous la même trompette. Tout est anticipé, du commencement à la fin du royaume, toutes les grandes manifestations de la gloire divine dans l’exercice de la puissance et sur les vivants et sur les morts. Et là se termine, évidemment, ce sujet, car le temple de Dieu ouvert dans le ciel (v. 19) introduit une autre vision, entièrement différente, qui n’a pas particulièrement rapport avec l’action de Dieu dans Son royaume : d’abord et avant tout, c’est le temple qui paraît devant nous.
- ↑ Si, d’après Usher, la mort de Christ doit se placer au milieu de la soixante-dixième semaine, il me semble que la confusion n’en est qu’augmentée ; car, en toute justesse d’interprétation, la dernière semaine ne commence pas à s’accomplir avant que la ville et le sanctuaire soient détruits par les Romains, pour ne rien dire d’un temps de désolation subséquente. Ainsi la manière de voir d’Usher, sur le verset 27, place réellement la mort de Christ à trois ans et demi, au moins, plus tard que la destruction de Jérusalem, si le verset 26 est dûment examiné. Ce qu’il y a de vrai, c’est que la prophétie elle-même, si elle est bien comprise, laisse place pour, et permet de supposer, une lacune de temps indéfini après que le Messie est retranché et avant que commence la dernière semaine. Il est certain que l’invasion romaine et les désolations qui s’en suivirent pour les Juifs, à part de l’action du conducteur qui viendra, ne se rattachent pas plus à la soixante-neuvième semaine qu’à la soixante-dixième. Le texte lui-même prouve donc l’existence de ce long intervalle.
- ↑ Les deux plus anciens manuscrits en lettres onciales jusqu’ici connus, A et C, avec un grand nombre de cursives, confirment le texte reçu, qui me paraît renforcé encore par le fait que dans les autres endroits du livre il y a : êkousa. Car sous de telles circonstances, l’idée d’assimilation, soit par accident soit à dessein, est bien plus vraisemblable que l’idée de différence. S’il en est ainsi, le sens est que les témoins ont reçu une publique et glorieuse justification à la face et aux oreilles de leurs ennemis.