Livre:Étude sur l’épître aux Galates/Chapitre 6, 1-10

De mipe
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De même qu’à la fin de l’épître aux Romains (15, 1-3), l’apôtre exhorte « les forts » à porter les infirmités des faibles, et à ne pas se plaire à eux-mêmes, il s’adresse ici au cœur et à la conscience de ceux qui sont « spirituels » pour leur rappeler leur devoir d’amour envers leurs frères. L’exhortation s’adresse à tous : « vous qui êtes spirituels ». Méritaient-ils tous cette qualification ? Chacun pouvait répondre pour lui-même. On est continuellement amené à ressentir combien la Parole est sérieuse et combien elle sonde ! En vérité « les paroles de l’Éternel sont… un argent affiné dans le creuset de terre, coulé sept fois » (Ps. 12, 6) ! C’est ce que le début de notre chapitre montre une fois de plus.

« Frères, quand même un homme s’est laissé surprendre par quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez un tel homme dans un esprit de douceur, prenant garde à toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté » (v. 1). « Quand même un homme s’est laissé surprendre » ! Il n’est donc pas supposé que le croyant pèche ; mais si cela devait arriver, si une fois le cas devait se produire, qu’un homme — remarquons l’expression : un homme, une faible créature encline à manquer — s’oublie et se laisse surprendre par quelque faute, « redressez un tel homme ». C’est comme en 1 Jean 2, 1. Là comme ici, il n’est pas supposé que le croyant doive pécher ou commettre des faux pas. Au contraire, Jean écrit à ses enfants afin qu’ils ne pèchent pas, et Paul dit à ses frères : « Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez point (en aucune manière) la convoitise de la chair ».

Mais qui sont ceux qui sont appelés « spirituels » ? Tous ceux qui sont nés de Dieu portent ce caractère, s’il s’agit de leur position et de leur appel. Mais se montrent-ils tous pratiquement des hommes « spirituels » dans leur marche et leurs paroles, marchent-ils tous « par l’Esprit » ? — c’est une autre question. Ils le devraient tous, ils devraient tous être « spirituels » et cela d’autant plus s’ils sont depuis plus de temps dans le chemin chrétien. Mais nous savons trop bien que la réalité ne correspond pas toujours à ce qui est supposé être, ni à ce qu’on pourrait attendre. Être « spirituel » ne dépend pas tant de la mesure de connaissance spirituelle, tout importante et appréciable qu’elle soit, que de l’état intérieur du cœur, de la mesure dans laquelle nous sommes dirigés, dans toutes nos pensées et nos activités, par la puissance de l’Esprit qui nous instruit et nous sanctifie.

L’apôtre s’adresse ainsi à tous ; mais, alors comme aujourd’hui, seuls ceux qui sont vraiment spirituels sont à même de suivre son exhortation et encore ne sont-ils aptes à le faire que dans la mesure de croissance intérieure atteinte sous ce rapport. Nous ne voulons pas l’oublier. Si sacré que soit le devoir et si grand que soit le privilège de redresser un frère ou une sœur qui ont manqué, il faut pour cela une grâce particulière. Il semblerait naturel que les croyants les plus âgés soient les plus appelés à ce service ; mais si importants que soient l’âge et l’expérience dans ce cas comme dans bien d’autres, ils ne suffisent pas à eux seuls.

Ce qui caractérise sans équivoque un chrétien vraiment spirituel, c’est une « marche avec Dieu », c’est-à-dire une vie dans la lumière, dans la condamnation habituelle du mal en lui-même, dans le jugement sans ménagement du moi et, ce qui est nécessairement lié à cela, dans la conscience qu’il a besoin de la grâce à chaque pas, et qu’il ne peut vivre que par la grâce. On pourrait penser qu’un tel chrétien sera un juge sans aucun égard, toujours prêt à condamner le mal qu’il constatera chez un autre. Mais l’expérience montre le contraire, et il ne pourrait en être autrement. C’est précisément le jugement continuel de soi-même qui rend le croyant capable de juger avec indulgence les manquements d’autrui ; n’userait-il pas de grâce, lui qui chaque jour et à chaque heure réalise qu’il est l’objet de tant de grâce ? Non pas qu’il minimise ou excuse le mal chez son frère ; au contraire, il lui est très douloureux de le constater là, car il sait combien le Seigneur est ainsi déshonoré et que, d’autre part, l’heureuse communion d’une telle âme avec Dieu est rendue impossible. Mais ses propres expériences le rendent apte à rencontrer son prochain dans « un esprit de douceur » et à lui être utile. Ayant appris à connaître la corruption de son propre « moi », il sait combien il a besoin de prendre garde à lui-même de peur que lui aussi ne soit tenté et ne tombe.

Après avoir tellement entendu parler de loi dans les chapitres précédents et avoir été exhortés à ne pas nous laisser placer sous un joug légal, quelle qu’en soit la forme, nous pourrions être étonnés qu’il soit néanmoins question, dans le deuxième verset de ce chapitre, d’une loi que nous avons à accomplir : « Portez les charges les uns des autres, et ainsi accomplissez la loi du Christ ». L’apôtre dit en quelque sorte : Vous parlez tellement de loi ; si donc vous voulez absolument une loi, en voici une : « accomplissez la loi du Christ ». Une loi est une règle, une ligne de conduite. Eh bien, la règle de toute la vie de Christ, ce qui Le dirigeait ici-bas, c’était de servir les autres. Il trouvait Sa joie à prendre leurs fardeaux sur Lui. Faisons de même ! Outre bien des tentations à pécher, la vie comporte des difficultés, des épreuves et des peines de toutes sortes ; autant de choses qui pèsent comme de lourdes charges sur le cœur et l’esprit, surtout de ceux qui sont faibles dans la foi. Il y a là d’abondantes occasions de prouver notre amour et notre empressement à servir. Mais si nous voulons le faire, nous devons nous courber et ne pas épargner nos épaules. La loi du Sinaï n’avait pas une telle exigence, car elle était donnée à l’homme dans la chair ; mais c’est de cette manière que « l’homme spirituel » accomplit la « loi du Christ ». Quel vaste champ s’ouvre là à notre activité !

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, il faut, pour accomplir cette loi, un esprit humble, un cœur soumis et rempli des sentiments qui animaient Christ. « Car si, n’étant rien, quelqu’un pense être quelque chose, il se séduit lui-même » (v. 3). L’homme religieux se donne volontiers de la peine pour servir les autres, mais porter humblement les charges d’un autre, dans l’amour de Christ, cela il ne le peut pas. L’amour et les sentiments de Christ lui sont étrangers et, au lieu de prendre les charges des autres sur lui, il préfère en mettre sur eux. Il en était ainsi, au temps du Seigneur, des pharisiens et des scribes zélés pour la loi ; il en est de même aujourd’hui de toute religion légale ou, ce qui revient au même, de toute religion humaine. Sur un tel terrain on se plaît à donner des aumônes, à faire des bonnes œuvres, à mettre son nom en tête des listes de collectes pour les pauvres et les malades, pour les missions dans le pays ou à l’étranger. Suivant les circonstances, on sera même disposé à d’importants sacrifices pour les diverses formes d’activité en faveur du prochain ; mais, en faisant cela en vue d’avoir l’approbation des hommes, en pensant être quelque chose, on se trompe sur soi-même. Devant Dieu on n’est rien, et ce prétendu service religieux est vain. Remarquons cependant que l’apôtre n’écrit pas à de simples professants, mais à de vrais croyants ; eux aussi sont donc exposés au danger de se croire quelque chose, de se rechercher eux-mêmes. Mais combien cela est laid, et combien méprisable ! Les paroles de l’apôtre sont simples, mais d’autant plus significatives et incisives : Celui qui, « n’étant rienpense être quelque chose ». Puissent-elles se graver profondément dans nos cœurs !

« Mais que chacun éprouve sa propre œuvre, et alors il aura de quoi se glorifier, relativement à lui-même seulement et non relativement à autrui » (v. 4). Encore un principe important ! Si j’éprouve ma propre œuvre à la lumière de Dieu, le danger ne sera pas grand de me glorifier de moi-même, ou de mes actes. D’une part je verrai constamment mon insuffisance, et d’autre part il y aura pour moi assez de gloire qu’il m’ait été permis de faire quelque chose pour le Seigneur. Mais que faisaient ces docteurs de la loi en Galatie ? Il ne leur suffisait pas de se complaire dans leur qualité de Juifs, ils se glorifiaient aussi de ceux qui, suivant leurs enseignements, se laissaient de nouveau assujettir au joug de la loi. Au lieu de porter les charges des autres, ils plaçaient des charges sur eux ! Quel triste travail ! Ils s’étaient introduits dans le champ d’un autre ouvrier et cherchaient à détruire les fruits de son œuvre. En réalité, ils ne travaillaient pas pour le Seigneur et Son honneur, mais pour eux-mêmes et leur propre gloire.

Combien différent avait été le travail de l’apôtre, et avec quel beau résultat ! Avoir conduit des âmes à Christ, telle était sa gloire. Aussi pouvait-il regarder tranquillement vers l’avenir et penser à la fin de toutes choses. « Chacun portera son propre fardeau » (v. 5). Nous avons tous affaire avec Dieu. Chacun de nous devra une fois rendre compte pour lui-même à Dieu (Rom. 14, 12). Ce n’est pas que le croyant puisse jamais être jugé pour ses péchés ; Christ a été à cet effet sous le jugement de Golgotha, une fois pour toutes ; mais nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu, un jour nous serons tous manifestés, pour voir toute notre vie de croyants à la lumière de ce tribunal. Alors « chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail » — « chacun recevra sa louange de la part de Dieu » (1 Cor. 3, 8 ; 4, 5). Alors il sera vu comment chacun de nous aura répondu à sa responsabilité de croyant, de serviteur de Christ, mais aussi comment tout ce que nous aurons pu faire ici-bas pour notre Seigneur a été exclusivement un effet de Sa grâce. Combien cette pensée devrait nous stimuler à être vigilants, abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur ! Combien nous devrions nous efforcer de Lui être agréables à Sa venue !

Dans le verset suivant, Paul rappelle à ces croyants galates un devoir dont il parle à plusieurs reprises dans d’autres épîtres, et dans l’accomplissement duquel ils étaient peut-être devenus négligents : « Que celui qui est enseigné dans la parole fasse participer à tous les biens temporels celui qui enseigne ». Tout ouvrier du Seigneur, où qu’il travaille, est digne de son salaire, et c’est le privilège des croyants de soutenir, dans leur travail et de toute manière, tous ceux que le Seigneur envoie, que ce soit au près ou au loin, selon qu’ils en ont besoin et dans la mesure du possible. Le regard plein d’amour du Seigneur repose sur tous Ses serviteurs et aucun service d’amour envers eux n’échappe à ce regard. Aucun ne restera sans récompense. Paul lui-même appelle un don qu’il avait reçu des Philippiens « un parfum de bonne odeur, un sacrifice acceptable, agréable à Dieu » (Phil. 4, 18).

« Ne soyez pas séduits ; on ne se moque pas de Dieu ; car ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (v. 7). Ce n’est pas impunément que l’on professe le christianisme, que l’on parle de grâce, tout en marchant selon la chair. Le Dieu que nous invoquons comme Père est le Dieu trois fois saint, « Celui qui, sans acception de personnes, juge selon l’œuvre de chacun » (1 Pier. 1, 17). Qui osera se moquer de Lui en professant être un enfant de Dieu, posséder le Saint Esprit, tout en suivant sa propre volonté et en servant la chair ? Les sérieuses conséquences ne peuvent tarder à venir. Telle la semence, telle la moisson. Ce qu’un homme sème, il faut qu’il le moissonne. « Car celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l’Esprit moissonnera de l’Esprit la vie éternelle » (v. 8). Les principes sacrés du gouvernement de Dieu sont irrévocables.

Nous rencontrons une parole semblable en Romains 8, 13. « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ». Elle est adressée à des croyants, exactement comme celle qui est devant nous. De la chair, il ne peut être récolté que mort et corruption. Si un homme qui professe croire en Christ s’engage dans les chemins de la chair, sème pour la chair, la Parole l’avertit : la fin de ton chemin c’est la mort, c’est la perdition ! Celui qui ne demeure pas fondé et ferme dans la foi, qui se laisse détourner de l’espérance de l’évangile (Col. 1, 23), qui, en d’autres termes, ne persévère pas dans le chemin, mais retourne à ce qu’il avait professé avoir abandonné, n’atteindra pas le but, ne recevra pas la fin de la foi, le salut de l’âme (1 Pier. 1, 9).

Peut-être que l’un ou l’autre de nos lecteurs demandera en secouant la tête : Comment dois-je comprendre cela ? Mon salut éternel dépend-il donc en définitive de moi, de ma conduite ? La vie éternelle n’est-elle plus le don libre et immérité de Dieu, qu’aucune puissance du monde ou de l’enfer ne peut me ravir ?

On dit avec raison, quant aux choses temporelles : Chaque médaille a son revers. Il en est de même quant aux choses éternelles ou spirituelles, elles ont leur côté divin et leur côté humain. Lorsqu’il s’agit du côté de Dieu, tout est parfait, assuré pour l’éternité. Qui ou quoi pourrait ravir une âme sauvée de la main de Dieu, ou remettre en question l’œuvre de Christ, ou encore rendre son sacrifice inefficace ? Quelle puissance, hauteur ou profondeur pourrait « nous séparer de l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus, notre Seigneur » (Rom. 8, 39) ? Là, il n’y a pas de « si », pas de doute, pas de condition. Dieu achèvera Son œuvre, accomplira Son conseil, malgré toute notre faiblesse et notre imperfection.

Mais voyons maintenant le côté de l’homme. Que dit la Parole à l’âme sauvée ? Lui dit-elle : Puisque tu es sauvée pour toujours, tu peux demeurer les bras croisés ; ne t’inquiète surtout pas, si même le péché est encore en toi et si le monde autour de toi est plein de dangers et de tentations : tout s’arrangera ? Non, elle dit au contraire, pour ne citer que quelques exemples : Veille et prie pour que tu n’entres pas en tentation, conduis-toi avec crainte pendant le temps de ton séjour ici-bas, travaille à ton propre salut avec crainte et tremblement, celui qui vaincra héritera de ces choses, celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. Beaucoup d’autres déclarations semblables pourraient encore être citées, mais celles-ci suffisent à démontrer que, bien que nous soyons sauvés, nous ne trouverons l’entière béatitude, l’entier salut du corps, de l’âme et de l’esprit qu’à la fin du chemin de la foi ; bien que nous possédions déjà actuellement la vie éternelle dans le sens dont Jean en parle toujours, nous sommes en même temps en chemin vers la vie éternelle, et tous ceux qui sèment pour l’Esprit moissonneront de l’Esprit la vie éternelle. Accomplissant ici-bas avec simplicité et fidélité la volonté de Dieu, et étant gardés par la puissance de Dieu par la foi, ils trouveront là-haut cette vie éternelle.

Nous le répétons : là se retrouvera ce que nous aurons pu accomplir pendant notre pèlerinage, conduits par l’Esprit, à la gloire de notre Seigneur et pour le bien de ceux avec lesquels nous marchons. Rien ne sera oublié, rien ne restera sans récompense. Ainsi donc « ne nous lassons pas en faisant le bien, car, au temps propre, nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas » (v. 9). De nouveau un « si », une condition, et notre volonté renouvelée, notre homme intérieur, y répond par : oui et amen. Le croyant fidèle désire ne pas défaillir, mais saisit avec joie chaque occasion de faire le bien, même s’il devait rencontrer plus d’une déception, plus d’une ingratitude. Il ne se laisse ni arrêter, ni irriter. Il va sans dire que son amour s’exerce et doit s’exercer surtout en faveur de « ceux de la maison de la foi », avec lesquels il est spécialement lié ; mais, dépassant le cercle des croyants, il cherche à faire du bien à tous les hommes, quelle que soit l’occasion et où qu’elle se présente.