Livre:Jonas, fils d’Amitthaï (E.G.)/La résurrection
« Alors, l’Éternel donna commandement au poisson, et le poisson rejeta Jonas sur le rivage ».
Jonas s’est humilié ; il a reconnu qu’il est inutile de contester avec le Dieu fort ; il a compris que Sa volonté souveraine est de ne point restreindre Sa grâce aux Hébreux, et que, pour la faire parvenir aux Gentils, il n’était pas de miracle qu’Il ne fût prêt à opérer. Le but du Seigneur à l’égard du prophète est donc atteint. Après avoir fait descendre au sépulcre Son serviteur coupable, Il en fait maintenant remonter Son serviteur instruit et réconcilié. Étonné de se retrouver sain et sauf sur la terre, après un si long séjour dans les entrailles brûlantes du puissant animal, Jonas en croit à peine ses yeux. C’est une vraie résurrection. Il reporte instinctivement ses regards vers la mer. Le poisson, la gueule encore béante, flotte quelques instants à la surface des eaux, puis se replonge dans les profondeurs de l’abîme. Avec lui ont disparu pour toujours les images hideuses de la mort et de l’enfer. Adieu, affreux poisson, sombre cachot, cercueil mouvant ! Adieu pour jamais ! Jonas est debout sur la rive ; il respire avec bonheur l’air des cieux ; il marche à la pure clarté du soleil, et son cœur ne suffit plus aux saintes émotions de joie, de gratitude et d’admiration qui le remplissent.
La délivrance miraculeuse, que notre verset raconte avec autant de simplicité que de grandeur, a été connue des païens qui, selon leurs habitudes, en ont mêlé le souvenir à leurs fables. Les habitants des rives phéniciennes de la Méditerranée avaient une foule de légendes, telles qu’on en trouve chez les peuples navigateurs. Dans leur nombre figurait la suivante. Le dieu des mers ayant envoyé contre Hercule un monstre marin pour le dévorer, celui-ci s’élança tout armé dans la gueule du monstre, séjourna trois jours dans ses entrailles et n’en sortit qu’après les avoir déchirées. On voit que les païens avaient attribué à l’une de leurs divinités ce qu’ils avaient appris de la délivrance du prophète hébreu.
La folie humaine, qui pose plus de questions que la sagesse n’en peut résoudre, s’est donné ample carrière au sujet de cet événement. Elle a demandé, par exemple, de quelle manière avait eu lieu la délivrance du prophète, comme s’il ne suffisait pas de savoir que l’Éternel commanda et que le poisson obéit ! Elle a encore demandé sur quel endroit de la côte syrienne le poisson avait rejeté Jonas, comme si la chose avait une si grande importance ! Nous ne dirons donc rien de plus sur le premier point. Sur le second, nous n’ajouterons que peu de mots. Des auteurs ont prétendu que le poisson avait déposé Jonas tout près de Joppé ; la raison qu’ils en donnent, c’est qu’on a retrouvé fort anciennement dans ces lieux et longtemps conservé les ossements d’un monstre marin colossal qui, selon le témoignage du célèbre naturaliste Pline, fut transporté plus tard à Rome comme un objet de curiosité. On s’est persuadé que ce monstre était le poisson de Jonas ; et que, pour attester sa haine pour le péché, Sa justice qui ne le laisse point impuni, Sa puissance enfin qui commande à la mer et à tout ce qu’elle contient, comme aussi pour ramener à leur Créateur les habitants de ces parages (misérablement adonnés au culte d’un dieu-poisson), l’Éternel avait ainsi voulu que l’énorme cétacé vint échouer sur les bords mêmes qui avaient été les témoins de la désobéissance et de la fuite du prophète. Nous rapportons ces opinions diverses sans entendre ni les accepter ni les combattre ; nous faisons pareillement grâce au lecteur d’autres spéculations encore moins plausibles, si ce n’est même passablement ridicules, et laissant ces matières de pure curiosité, nous allons tout droit à ce qui nourrit et édifie.
D’abord reconnaissons encore ici la souveraine puissance de Dieu. Il parle, à l’instant Ses créatures obéissent. À Sa voix, elles frappent le pécheur qu’Il leur désigne, et à Sa voix elles s’éloignent de lui. Il commande, et les êtres les plus méchants agissent contrairement à leur nature : la vipère s’attache à la main de Paul sans lui causer de mal ; les lions dorment comme des agneaux aux pieds de Daniel, et le cachalot ou le requin dévorant promène Jonas dans les mers sans le blesser, puis le dépose sain et sauf sur la rive. C’est peut-être une vérité triviale que nous exprimons ici ; mais toute triviale qu’elle est, il s’en faut pourtant bien que notre cœur la sente et la réalise aussi facilement que notre esprit l’accepte. Rien de plus aisé, quand tout va bien, que de dire avec le psalmiste : « Dieu fait tout ce qui lui plaît dans les cieux et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes » ; mais rien de plus difficile que de le croire tout de bon « au jour de la nuée et de l’obscurité ». Ah ! veuille le Seigneur mettre ou augmenter en nous cette foi qui ne « borne point le Saint d’Israël » (Ps. 78) ! Et puisse l’exemple de Son prophète montrer, même au plus coupable, que le désespoir ne doit jamais se trouver de ce côté-ci de la tombe ! La puissance de Satan est restreinte, celle de Dieu n’a point de limites ; si nous pouvons croire et prier, Il peut toujours sauver ; pour Lui, nulle plaie n’est incurable, nulle brèche irréparable, nulle délivrance impossible.
Autant que le souverain pouvoir de Dieu, notre verset proclame Sa clémence infinie. Jonas avait agi follement sans doute ; toutefois il s’humilie et Dieu le sauve. Tel est le Seigneur. Il châtie les siens, et les châtie selon la grandeur de leurs fautes ; aux cœurs les plus revêches, aux caractères les plus forts, Il réserve aussi Ses plus grands coups ; mais toujours, répétons-le, oui, toujours Il pèse le châtiment à la balance de Ses compassions, et jamais non plus Il ne le fait durer plus longtemps que Sa gloire et notre bien ne le demandent. Il dit à l’affliction : « Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas plus loin » ; et sitôt qu’elle a atteint le but auquel Il l’avait destinée, Il lui prescrit de s’éloigner de nous comme Il commanda au poisson de déposer Jonas sur le rivage.
Enfin, nous voyons également briller ici la sagesse infinie du Seigneur, cette sagesse qui tire constamment le bien du mal. Elle s’y montre à différents égards. D’abord, Jonas gardé par la puissance de Dieu dans le ventre du poisson, puis délivré par la même puissance ; Jonas est là, devant nous, comme un insigne monument du pouvoir et des compassions de Dieu, dressé tout exprès pour encourager notre foi. Ensuite, tout ce qui venait de se passer devait naturellement avoir sur la mission du prophète l’influence la plus heureuse ; en se rappelant la magnifique délivrance dont il venait d’être l’objet, il devait comprendre que Celui qui l’avait sauvé de la fureur des flots et de la gueule du poisson, saurait bien le garantir de tout autre péril ; il devait se sentir ainsi porté à parler et à agir d’autant plus librement dans Ninive. Il est bien permis enfin de croire que le récit de sa fuite, de son châtiment et de sa délivrance, en l’accompagnant dans la cité-reine, dut y donner à ses paroles une plus grande autorité.
Le Seigneur s’était proposé, dans la délivrance du prophète, un autre but non moins digne de Sa divine sagesse. Il voulait que Jonas, jeté dans les flots, puis conservé par un miracle, puis délivré par un autre miracle, devînt pour son peuple un type éminent de ce charitable Rédempteur qui devait mourir pour nos offenses, puis descendre dans la tombe et en remonter ensuite pour notre justification. Or, ce type admirable, l’Église de Jésus l’eût-elle possédé si le prophète de Gath-Hépher n’eût violé le commandement de Dieu ? Nous avons déjà vu comment le séjour de Jonas dans le ventre du poisson avait préfiguré le séjour d’égale durée que le Seigneur fit dans le tombeau. La délivrance du prophète préfigura de même la résurrection du Sauveur. Les paroles de Jésus en saint Matthieu (chap. 12) et en saint Luc (chap. 11) le supposent nécessairement, puisque Jonas ne resta sous les flots qu’un temps limité, après lequel il reparut parmi les vivants. Les Juifs incrédules venaient de demander au Seigneur un signe, un témoignage miraculeux de Sa mission divine ; et ce signe, ils ne le voulaient plus sur la terre comme ceux dont ils avaient été plus d’une fois témoins et qui n’avaient pu vaincre leur incrédulité ; ils le voulaient dans le ciel (Luc 11, 16 ; Matt. 16, 1), comme ceux peut-être qu’avaient jadis opéré Josué, Samuel et Élie (Jos. 10 ; 1 Sam. 7 ; 1 Rois 18). Eh bien, le Seigneur ne leur accordera pour le moment de signe, ni sur la terre, ni dans les cieux ; Il leur en donnera tout à l’heure un sous la terre, en quelque sorte. Plus tard, Il leur en donnera un autre dans le ciel ; mais à l’aspect de ce signe-là, « ils se frapperont la poitrine et se lamenteront » (Matt. 24 ; Apoc. 1).
Le signe que notre Seigneur annonçait aux pharisiens, et qui devait les laisser sans excuse, c’était Sa propre résurrection. Car, « comme Jonas », leur dit-Il, « fut dans le ventre du grand poisson trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits ». Et, « de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même aussi le Fils de l’homme en sera un pour cette génération. Les hommes de Ninive se relèveront au jugement avec cette génération et la condamneront parce qu’ils se convertirent à la prédication de Jonas ; et voici, il y a ici plus que Jonas » (Matt. 12, 40 ; Luc 11, 30, 32). Comme si le Seigneur eût dit à ces Juifs : Tout ce qui est arrivé typiquement à Jonas va s’accomplir réellement en moi, dans ma mort, ma sépulture, ma résurrection, la prédication de mon évangile dans le monde, l’appel et la conversion des Gentils. Et de même que l’emprisonnement et la délivrance de Jonas furent pour Ninive une preuve de son caractère prophétique, ainsi ma sépulture, ma résurrection et les grands événements qui la doivent suivre seront, pour la nation juive, une éclatante démonstration de ma mission divine. Si donc, après avoir contemplé ces prodiges, vous persistez à me rejeter, moi le Christ de Dieu et mes envoyés, pendant que les Gentils vont me recevoir, les Ninivites qui se convertirent à la voix du serviteur vous condamneront un jour, vous qui fermez obstinément l’oreille aux paroles du Maître.
La ruine que Jésus dénonçait aux Juifs était celle du dernier jour ; mais cette ruine devait avoir ses préludes, ce que le Seigneur semblait insinuer aussi dans les paroles qu’Il leur adressait. Jonas avait donné, de la part de Dieu, quarante jours aux Ninivites pour se convertir ; Jésus devait accorder de même quarante ans à la Judée, avant de détruire Jérusalem et de rejeter la nation.
Il est bien possible que les paroles du Seigneur, outre leur sens prophétique, aient eu une portée symbolique. Jésus a peut-être voulu donner à entendre aux Juifs que, comme Jonas, par sa mort, avait figuré celle que les Ninivites avaient méritée, et, par sa délivrance, de quelle manière ce peuple pouvait éviter les jugements de Dieu, ainsi Sa propre résurrection montrerait à la nation juive comment elle pourrait éloigner d’elle les terribles châtiments qui la menaçaient (savoir en ressuscitant pour une vie nouvelle). Mais, plus dure que Ninive, Jérusalem incrédule ne comprit ni ne réalisa le signe de Jonas et du Fils de l’homme.
Le chapitre troisième de Jonas nous ramènera forcément aux paroles que nous venons de commenter ; pour l’heure, nous n’avons à les envisager que dans leur rapport avec la résurrection de Jésus. Or, ici le parallèle entre le type et l’antitype se présente comme de lui-même. Ceux qui virent tomber Jonas dans la gueule du monstre marin durent croire que c’en était fait de lui pour toujours ; ainsi le crut-on de Jésus quand Il descendit dans le sépulcre, tellement que les disciples eux-mêmes se dispersèrent tristes et découragés ; et, si les saintes femmes rendirent à Son corps les devoirs funèbres, ce fut comme à la dépouille mortelle d’un être chéri qu’on n’espère plus jamais revoir ici-bas. Au troisième jour, l’Éternel donne commandement au poisson, et il dépose son prisonnier sur la rive ; au troisième jour, Dieu commande à la tombe, et à l’instant elle laisse aller le Prince du salut. Et de même que le poisson trembla, sans nul doute, en rejetant Jonas sur le rivage, ainsi fit la terre en rendant Jésus à la vie.
Mais, il faut bien le répéter encore : « Voici, il y a ici plus que Jonas ». Au lieu que le prophète ne contribua en rien à sa propre délivrance, Jésus, qui avait le pouvoir de reprendre Sa vie comme Il avait eu celui de la donner, Jésus brisa Lui-même « les liens de la mort » parce qu’il n’était « pas possible qu’il fût retenu par elle » (Act. 2). Jonas sortit du ventre du poisson tel qu’il y était entré, mortel, terrestre, infirme ; Jésus se releva du tombeau tout autre qu’Il n’y était descendu, immortel, inaccessible à la souffrance, avec un corps plus rapide que le vent ou l’éclair, plus resplendissant que le soleil. Et tandis que Jonas, délivré du poisson, ne se vit replacé sur la terre des vivants que pour ramper tout de nouveau dans la poudre, et achever ses jours dans cette vallée de deuil, Jésus, magnifiquement délivré de la tombe, alla « s’asseoir » victorieux à « la droite de la magnificence dans les lieux très hauts », comme le « second homme, couronné de gloire et d’honneur », la Tête de l’Église, le Seigneur et le Prince de la création.
Poursuivons le contraste. Le fils d’Amitthaï laissa son poisson ce qu’il était auparavant, prêt à recommencer ses ravages dans les mers ; le Fils de Marie ressuscité vainquit le monstre qui L’avait englouti et ruina pour toujours son pouvoir. Jamais, avant le Rédempteur, fils d’Adam n’était descendu dans la tombe sans qu’elle l’eût dévoré ; Jésus meurt ; le sépulcre ouvre sa gueule large et profonde pour le recevoir ; il saisit avec avidité l’appât de la nature humaine du Seigneur ; mais il n’a pas vu l’hameçon de Sa nature divine ; à peine l’a-t-il senti que, plein de fureur, il lâche à l’instant sa proie, mais après avoir reçu une blessure qui ne guérira point. On pourrait aussi comparer, sous ce rapport, le Seigneur à cet ennemi du crocodile qui, pénétrant, dit-on, dans la gueule du redoutable animal, et de là dans l’intérieur de son corps, lui perce les entrailles, et, sortant ensuite par la brèche qu’il a faite, laisse sur place le monstre immobile et sans vie. C’est ainsi que Jésus a anéanti la puissance du roi des épouvantements, et que, selon l’oracle, Il a été la peste de la mort et la destruction du sépulcre (Os. 13).
Enfin, Jonas sortit seul de sa tombe pendant que Jésus se releva de la sienne avec tout Son corps mystique, c’est-à-dire, avec tous les saints, morts, ensevelis et fédéralement ressuscités avec Lui. L’heure vient, où, à Sa voix toute-puissante, leurs corps s’élanceront aussi du tombeau, spirituels, incorruptibles, pleins de force, en un mot parfaitement « conformes au corps de sa gloire ». La résurrection du dernier Adam est le gage et le principe de celle de toute Sa postérité spirituelle. Elle en est encore le type et le modèle : « Comme nous avons porté l’image de celui qui est tiré de la poussière, nous porterons aussi l’image du céleste ». La moisson toute entière (1 Cor. 15), déjà sanctifiée par l’oblation des « prémices », doit ressembler un jour, dans tous les épis qui la composent, à l’épi glorieux qui est maintenant devant Dieu dans le sanctuaire éternel. Privilège ineffable du chrétien ! Tandis qu’il a, dans la Parole de vérité, la promesse certaine d’une bienheureuse résurrection et qu’il en possède le gage assuré dans la résurrection du Christ, pour que rien ne manquât à ses consolations, Dieu a voulu qu’en même temps il en contemplât l’image dans les symboles de la nature, par exemple, dans la renaissance du grain de blé.
Il en trouve encore un autre emblème dans la transformation de la chenille. Cet emblème, il le comprend, il en jouit ; il sait que, de la chenille de ce corps mortel, purifié dans la chrysalide du tombeau de tout ce qu’elle a de corruptible et de grossier, sortira le papillon qui doit voltiger un jour de fleur en fleur dans le paradis de Dieu. Heureux fidèle ! Il n’appréhende plus de descendre dans la tombe : Jésus y descendit avant lui, et, pour l’Église, elle n’est plus qu’un asile qui la reçoit, la garde et va la déposer en paix sur les rives de la céleste Canaan. Il ne craint pas de demeurer sous la puissance de la mort, depuis que, nouveau Samson, triomphateur magnifique du tombeau, le premier des ressuscités en arracha les portes et les enleva pour jamais. Le bras de Celui qui ramena Jonas des entrailles du cétacé le ramènera par Jésus des entrailles de la terre. Le sépulcre n’a pu retenir sous son pouvoir la Tête bénie de l’Église, comment y retiendrait-il les membres de Son corps ? Bientôt la même voix qui commanda au poisson de vomir Jonas sur la rive, ordonnera pareillement à la terre de rendre ses morts ; alors le monstre qui engloutit tout ce qui respire ici-bas, alors la « mort » elle-même « sera » à son tour « engloutie en victoire » (És. 25 ; 26 ; 1 Cor. 15).
Nous achèverons plus tard le développement du type. Indiquons seulement ici l’un des traits qui doivent servir à le compléter. Jonas, sorti de sa tombe, va tout à l’heure prêcher la repentance dans Ninive, étrangère aux alliances, et sauver ainsi la cité des nations : Jésus ressuscité fera de même publier « en son nom », dans tout le monde, « la repentance et la rémission des péchés », et rachètera du pouvoir de la mort une multitude de transgresseurs. Mais encore « ici », il y aura « plus que Jonas ». Le prophète délivré ne fera ouïr sa voix que dans Ninive ; Jésus ressuscité fera retentir la sienne dans tout l’univers. Jonas n’accompagnera sa prédication d’aucun miracle ; Jésus confirmera Sa doctrine par d’éclatants prodiges. Plus jaloux de sa propre réputation que du salut de ses auditeurs, Jonas pleurera sur Ninive, non de ce qu’elle refusera de se repentir, mais de ce qu’elle se repentira ; le Seigneur, au contraire, pleurant sur Jérusalem impénitente, s’écriera : « Combien de fois n’ai-je pas voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! ». Enfin, Jonas, simple prophète, se bornera à prêcher la repentance ; Jésus, le prophète des prophètes, la prêchera tout à la fois et la donnera.
Après avoir considéré la délivrance de Jonas comme un type de la résurrection du Sauveur, ne pourrions-nous pas l’envisager aussi comme un symbole prophétique de la résurrection morale d’Israël ? Jusqu’à ce jour les membres de ce peuple ont été comme des ossements desséchés, épars sur toute l’étendue de la vallée de la mort (Éz. 37). Nulle espérance pour eux ; « notre attente est perdue », soupirent-ils douloureusement ; « c’en est fait de nous ! ». Cependant l’heure approche où le signe de Jonas doit s’accomplir en eux comme il s’accomplit en Ninive. Après avoir ressemblé au prophète dans son égarement et dans sa punition, ils lui ressembleront aussi dans son repentir et dans sa délivrance. Revenus à leur sens, ils seront « en deuil et en amertume » comme on l’est « pour la mort d’un premier-né » ; ils « rechercheront l’Éternel dès le grand matin : Venez », diront-ils, « et retournons à Lui ; car c’est Lui qui a déchiré, mais il nous guérira ; il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous aura remis en vie dans deux jours, et, au troisième jour, il nous aura rétablis, et nous vivrons en sa présence. Alors, ouvrant leurs sépulcres, le Seigneur les tirera de leurs tombeaux, et, mettant son Esprit en eux, il les replacera sur leur terre ». Aux accents de la douleur, succèderont les chants de l’allégresse. La terre entière sera bénie, comme le fut Ninive après la repentance et la libération de Jonas. « La loi sortira de Sion, la Parole de l’Éternel, de Jérusalem, et la réception d’Israël sera » pour le monde comme « une vie d’entre les morts » (Zach. 12 ; Os. 6 ; Éz. 37 ; Mich. 7 ; És. 2 ; Rom. 11).
Il est une autre transformation que rappelle également la délivrance du prophète. Quand, après avoir gémi plus ou moins longtemps sous le faix de sa misère, l’âme humaine implore avec ardeur le Dieu de son salut, elle Le voit enfin accourir à son aide. Il la délivre, Il l’introduit par la foi dans le monde nouveau de la grâce, où Jésus répand sur elle Ses douces clartés. C’est encore une vraie résurrection. Pour cette âme « de nouveau créée en Jésus Christ, les choses vieilles sont passées » ; la loi a fui avec ses menaces, l’enfer avec ses malédictions, la mort avec ses horreurs ; pour elle, enfin, « toutes choses sont faites nouvelles ». Ajoutons que tout cela est aussi l’effet d’un miracle, mais d’un miracle bien autrement grand que celui qui fut opéré en faveur de Jonas ; tandis que celui-ci n’était qu’un prodige de la nature, celui-là est un prodige de la grâce ; et pendant que le premier ne sauva que le corps, le second sauve tout à la fois le corps et l’âme. Ce miracle, le connais-tu par expérience, cher lecteur ? La grâce divine l’a-t-elle opéré en toi ? Le signe de Jonas et du Fils de l’homme s’est-il réalisé à ton égard ? Et peux-tu dire, en vérité, qu’il y ait autant de différence entre ta condition précédente et ton état actuel, qu’il y en avait entre le mode d’existence du prophète dans le ventre du poisson et sa manière d’être après sa délivrance ? À moins que tu ne connaisses et ne sentes la vie de grâce, jamais tu ne connaîtras la vie de gloire.
Enfin, la délivrance du prophète nous apparaît aussi comme un symbole de la pleine libération de l’âme fidèle après tous les combats de la vie. D’abord comme ensevelie pour un temps dans l’épreuve, au jour de la miséricorde Dieu l’introduit dans le repos du paradis. Quel moment pour elle que celui où, brisant les liens de la chair — où, disant adieu à la foi, adieu à l’espérance, à la charité : Sois la bienvenue ! — où, rompant, pour ainsi dire, ses bandelettes et laissant son suaire à la tombe — elle s’élance enfin libre, sainte, heureuse dans les bras d’Emmanuel, pour s’y reposer jusqu’au jour où la trompette de l’archange donnera le signal de la première résurrection ! Quel moment surtout pour cette âme bienheureuse que celui où, revêtant, avec toute l’Église des prédestinés, le corps incorruptible, et complètement transformée à la ressemblance du second homme, elle entrera avec Lui dans la cité céleste, pour y servir, nuit et jour, le Dieu trois fois saint, et chanter éternellement, dans la compagnie de tous ses co-rachetés : « Le salut est de notre Dieu qui est assis sur le trône et de l’Agneau » !