Livre:L’attente actuelle de l’Église/Progrès du mal sur la terre
Cinquième soirée
Nous avons parlé jusqu’ici de l’union de Christ et de l’Église, qui Lui est semblable ; de la venue de Christ proprement dite, et de la résurrection de l’Église, par laquelle elle a part à cette gloire de Christ comme cohéritière.
Le sujet qui va nous occuper ce soir n’est pas aussi plein de joie et de bonheur ; mais il faut que nous connaissions bien le témoignage que Dieu rend de la malice de l’homme. J’espère, chers amis, que la conséquence en sera de nous rendre sérieux. La vue du progrès du mal et du jugement qu’il attire, a pour effet, d’abord, de nous faire éviter ce mal ; puis, de nous convaincre de la puissance de Dieu, qui seul peut l’ôter. « Prenez garde que vous ne refusiez pas celui qui vous parle », etc. (Héb. 12, 25-29). Voilà la pensée de l’apôtre sur le grand changement qui aura lieu quand la puissance du mal sera renversée.
Ce que j’ai à vous présenter ce soir tend à vous montrer ceci, qu’au lieu de pouvoir espérer un progrès continu du bien, nous devons attendre, au contraire, un progrès du mal ; et que l’espérance que la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel avant l’exercice de Son jugement, et la consommation de ce jugement sur la terre, est une fausse espérance.
Nous avons à attendre le mal, jusqu’à ce qu’il devienne si flagrant qu’il faudra que le Seigneur le juge.
Premièrement, je vous montrerai que le Nouveau Testament nous présente constamment le mal comme allant en croissant jusqu’à la fin, et que Satan l’augmentera jusqu’à ce que le Seigneur détruise son pouvoir ; secondement, je tâcherai de vous montrer le caractère que revêtira le mal comme puissance extérieure.
En d’autres termes, ce que j’ai à dire revient à ces deux points :
Premier point : l’apostasie qui a lieu dans la chrétienté même. Second point : la formation, la chute et la ruine de la puissance mondaine de l’Antichrist, dans le sens d’une puissance visible.
Je commence par Matthieu 13, 36 qui est la parabole de l’ivraie. Vous savez qu’elle nous présente cette circonstance, que, pendant que les hommes dormaient, l’ennemi a semé l’ivraie dans le champ du père de famille ; et que, sur la demande des serviteurs si l’ivraie doit être arrachée, il leur est répondu que non, que le bon grain et l’ivraie doivent croître ensemble jusqu’à la moisson. C’est donc la sentence du Seigneur, que le mal que Satan a fait dans le champ où la bonne semence de la Parole a été semée, y demeure et mûrisse jusqu’à la fin. C’est une déclaration expresse que les efforts des chrétiens n’aboutiront pas à ôter le mal jusqu’au jour du jugement : « Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson ».
« La moisson », c’est la fin du siècle, c’est-à-dire de l’économie actuelle.
Ce qui agit maintenant dans le règne de Dieu, c’est la grâce, et non pas le jugement ; nous n’avons point à juger le monde. Lors même que nous pouvons dire d’un tel : C’est un enfant de Satan, — il est par là même hors de notre juridiction ; c’est de l’ivraie. C’est avec la grâce que j’ai affaire ; c’est-à-dire, je ne puis pas toucher au mal que Satan a produit ; mais je puis agir comme instrument de la grâce, car Dieu nous permet de semer du bon grain.
L’ivraie, ce ne sont pas simplement des hommes méchants, des païens, car ces derniers n’ont pas été semés parmi le bon grain. L’ivraie, c’est quelque chose de mal qui a été fait par l’ennemi, après que Jésus Christ eut semé le bon froment. Ce que je puis appeler hérésie, corruption de la vérité, restera donc jusqu’à la moisson ; le mal que Satan a produit par la religion corrompue subsistera jusqu’à la fin ; tous nos efforts doivent tendre non à ôter l’ivraie, mais à recueillir les enfants de Dieu, à rassembler les cohéritiers de Jésus Christ[1].
1 Timothée 4, 1 : « L’Esprit dit expressément que dans les derniers temps, quelques-uns apostasieront de la foi, s’attachant à des esprits séducteurs et à des enseignements de démons, disant des mensonges par hypocrisie… ».
On ne doit pas s’attendre au progrès universel de l’évangile proprement dit ; il pourra y en avoir, et il y en aura certainement autant qu’il sera nécessaire pour le rassemblement des membres de la famille de Dieu ; mais ce que nous devons attendre, c’est ce qui est renfermé dans ces paroles comme tableau des derniers temps : « Il y en a qui apostasieront de la foi » (comp. 2 Pier. 2, 1-3).
2 Timothée 3, 1-5 : « Or, sache que, dans les derniers jours il surviendra des temps fâcheux… ». Est-ce que nous devons nous en tenir à ce que disent les hommes ? Non, mais à ce que dit Dieu. Voyez le langage que tient Jérémie à Hanania (Jér. 28, 6 et suiv.). On nous répondra que la connaissance de l’Éternel remplira la terre comme les eaux le fond de la mer. Je crois sans doute que la connaissance de l’Éternel remplira la terre, mais ce n’est pas là la question ; la question est : Comment cela s’accomplira-t-il ? Je réponds : Par des jugements de Dieu. « C’est quand les jugements seront sur la terre que les habitants du monde apprendront la justice ».
Revenons à notre passage : « Les hommes seront idolâtres d’eux-mêmes… ». Ce ne sont pas les païens, ce sont les chrétiens, les chrétiens de nom ; car il est dit : « qui ont la forme de la piété, mais qui en ont renié la puissance ». Les caractères de ceux qui professent le christianisme qu’indique l’apôtre sont les mêmes que ceux des païens, tels qu’ils sont dépeints, dans le plus bas degré de leur avilissement, au commencement de l’épître aux Romains, et à peu près dans les mêmes termes. Et il est ajouté concernant ces hommes des derniers temps : « Ils iront en empirant ».
Nous voyons la même attente du mal en 2 Timothée 4, 1-4 : « Je t’en adjure devant Dieu », etc.
Une chose à remarquer, c’est que l’ivraie était déjà semée du vivant même des apôtres, ce qui est très heureux pour nous. Si cela était arrivé plus tard, nous n’aurions pas eu le témoignage de la Parole à cet égard pour nous en avertir, nous diriger quand ces événements fâcheux seraient arrivés, et pour nous communiquer la parfaite lumière de Dieu sur cet état de choses.
1 Pierre 4, 17 : « Car le temps est venu de commencer le jugement par la maison de Dieu ». Comparez ces paroles avec Actes 20, 28-31 : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint Esprit vous a établis surveillants, pour paître l’assemblée de Dieu, qu’il a acquise par le sang de son propre Fils. Car je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups redoutables, qui n’épargneront pas le troupeau et que, d’entre vous-mêmes, s’élèveront des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux ».
Ces choses commencèrent du vivant des apôtres.
1 Jean 2, 18. On voit par ce passage que « les derniers temps » signifient non pas le temps de Jésus Christ, mais le temps de l’Antichrist. Il y avait des précurseurs du grand Antichrist. Ce qui caractérise les derniers temps, ce n’est pas l’évangile répandu sur toute la terre, mais la présence de l’Antichrist.
Jude. Nous avons dans cette épître un traité tout particulier sur l’apostasie, et, dans le verset 4, une description succincte de son caractère. L’apôtre annonce qu’il a été nécessaire d’exhorter les croyants à combattre pour ce qu’ils avaient déjà reçu ; que parmi eux se glissaient, déjà dans ce temps-là, des gens qui étaient des fauteurs de l’apostasie ; et cela doit continuer jusqu’au jugement de Jésus Christ ; car nous voyons qu’après avoir décrit leur caractère plus en détail, il ajoute, verset 15, que c’est cette classe même qui doit être l’objet du jugement du Seigneur, quand Il reviendra ; c’est-à-dire que le mal, qui s’est manifesté dans l’Église dès le commencement, doit durer jusqu’à la venue de Christ. Dans le verset 11, nous avons les trois sortes d’apostasie et les hommes caractérisés par leur esprit : l’apostasie naturelle, l’apostasie ecclésiastique, la révolte ouverte, sur laquelle tombera le jugement. Nous voyons premièrement le caractère de Caïn : apostasie de la nature, haine, injustice ; secondement, le caractère de Balaam : enseignement de mauvaises choses pour une récompense ; c’est une apostasie ecclésiastique ; et troisièmement, le caractère de Coré, c’est-à-dire de celui qui s’est élevé contre les droits de la sacrificature et de la royauté, de la royauté de Christ dans les types de Moïse et d’Aaron.
Hélas ! ce qui rassemblera le monde, ce n’est pas l’évangile, c’est le mal. « Et je vis sortir de la bouche du dragon et de la bouche du faux prophète trois esprits immondes… », etc. (Apoc. 16, 13, 14). On peut discuter sur ce à quoi les traits de ces trois esprits impurs s’appliquent, mais on est sûr que ce n’est pas à l’évangile, mais au mal.
Mais, nous dira-t-on, on voit que la puissance extérieure de la chrétienté corrompue a disparu par le jugement, et l’on prétend que la destruction de son influence donnera place à l’évangile. — Mais l’Esprit dit : « Les dix cornes (rois) que tu as vues et la Bête (empire romain), ce sont ceux qui haïront la prostituée (puissance ecclésiastique), et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair, et la brûleront au feu ; car Dieu a mis dans leurs cœurs d’exécuter sa pensée, et d’exécuter une seule et même pensée, et de donner leur royaume à la Bête, jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies » (Apoc. 17, 16, 17). Voilà ce que les chrétiens désiraient, la destruction de l’influence de la prostituée sur le monde. Mais, quand même sa puissance extérieure sera détruite, les royaumes seront-ils donnés à Jésus Christ ? Au contraire, les rois donneront leur puissance à la Bête. Longtemps la prostituée a dominé la Bête ; enfin, sa domination et ses richesses lui seront ôtées, mais seulement pour que les dix cornes donnent leur puissance à la Bête, que toute incertitude soit dissipée, et que sa volonté et son caractère blasphématoire soient pleinement manifestés dans sa dernière apostasie. C’est la puissance de corruption et de séduction qui cédera le pas à la puissance de rébellion ouverte contre Dieu.
2 Thessaloniciens 2, 3-12 : « Ce jour ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant, et que l’homme de péché n'ait été révélé, le fils de perdition, qui s’oppose et s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ».
Voilà donc ce qui doit arriver avant que le jour du Seigneur vienne. Il faut prendre les choses comme la Parole de Dieu les dit. Les chrétiens, ayant vu dans l’Écriture la promesse que la terre doit être remplie de la connaissance de l’Éternel, ont dit : « Eh bien, nous l’en remplirons » ; tandis que, dans l’Écriture, cet événement est attribué à la gloire du Christ.
Le souffle de sa bouche, par lequel le Seigneur détruira l’inique, n’est pas l’évangile, mais la force et la puissance du jugement de Christ. Voyez Ésaïe 11, 4 : « Il fera mourir le méchant par le souffle de ses lèvres » ; Ésaïe 30, 33 : « Le souffle de l’Éternel allume le jugement ».
Nous verrons que cet Antichrist réunira les caractères de la méchanceté qui ont paru dès le commencement. Premièrement, l’homme en Éden a voulu faire sa propre volonté ; secondement, s’exalter comme Dieu ; troisièmement, il s’est mis sous la conduite de Satan. Eh bien, ce sont les trois choses que nous verrons se reproduire dans l’Antichrist ; toute l’énergie de l’homme s’exaltant contre Dieu. C’est là ce qui se produira à la fin sous la dernière forme de l’empire romain, ou quatrième Bête. C’est le fruit mûri du cœur humain, qui est lui-même un antichrist.
Vous savez qu’il y a eu trois bêtes successives : l’empire de Babylone, puis l’empire des Perses, puis l’empire des Grecs, ou d’Alexandre spécialement, et que la quatrième est l’empire romain. Mais ce dernier a un caractère tout à fait à part.
Au commencement, ou plutôt avant le commencement de ces quatre monarchies, vous savez que le trône de Dieu sur la terre était à Jérusalem. Au-dessus de l’arche où était Sa loi, dans Son temple, l’Éternel manifestait Sa présence d’une manière sensible. Eh bien, au commencement de la période actuelle, qui est celle des Gentils, le trône de l’Éternel a été ôté de Jérusalem. Vous trouvez cela décrit très clairement dans les chapitres 1 à 11 du prophète Ézéchiel. La gloire de l’Éternel que le prophète avait vue près du fleuve Kebar, au premier chapitre, il la voit partir de Jérusalem au onzième ; de la maison, 10, 18, 19 ; de la ville, 11, 23. C’est un fait très remarquable que la gloire de l’Éternel a quitté son trône terrestre. De plus, au même instant, cette puissance terrestre a été transportée de Jérusalem aux Gentils (gouvernement des hommes) ; c’est ce que nous voyons dans Daniel 2, 36-38 : « C’est là le songe, et nous en dirons l’interprétation devant le roi. Toi, ô roi, tu es le roi des rois, auquel le Dieu des cieux a donné le royaume, la puissance, et la force, et la gloire… ».
Vous voyez que, par la destruction du dernier roi des Juifs, la domination humaine a passé aux Gentils dans la personne de Nebucadnetsar. Car roi a commencé par établir la fausse religion par la force ; il a fait une statue pour que tout le monde l’adorât, et il s’est enorgueilli ; et voilà pourquoi il a été comme une bête pendant sept ans ; c’est-à-dire qu’au lieu de se tenir comme un homme humblement devant Dieu, comme devant Celui qui lui avait donné la puissance, d’un côté il s’est exalté lui-même, et, de l’autre, il s’est mis à ravager le monde pour satisfaire sa volonté.
Omettant la seconde et la troisième monarchies, qui n’ont pas pour nous dans ce moment une importance aussi directe, et poursuivant le caractère de la quatrième, nous y rencontrons certains traits dignes de remarque. Les Juifs sont dans un état de captivité depuis Nebucadnetsar jusqu’à ce jour. Il est bien vrai qu’il y a eu un retour de ce peuple de la captivité, mais sans qu’il ait cessé d’être sous la puissance des Gentils ; le trône de Dieu n’a nullement été rétabli, et, si Dieu a permis que les Juifs rentrassent momentanément dans leur pays, c’est qu’Il a voulu faire paraître Son Fils au commencement de la quatrième monarchie. Et, en effet, c’est au moment où la quatrième monarchie, sous sa forme impériale, était devenue la puissance universelle, c’est justement alors que le Fils de Dieu, de droit roi des Juifs et des Gentils, leur a été présenté. Et qu’ont-ils fait ? Ils L’ont crucifié. Les grands sacrificateurs, qui étaient les représentants de la religion de la terre, selon Dieu, et Ponce Pilate, celui de la puissance terrestre, se sont unis pour rejeter et mettre à mort le Fils de Dieu. Voilà la quatrième monarchie coupable d’avoir rejeté les droits du Messie. Les Juifs, comme nous le verrons plus en détail dans une autre réunion, sont mis de côté, et alors a lieu l’appel de l’Église pour les lieux célestes. Mais, quant à ce qui regarde l’état de l’Église sur la terre, nous l’avons vue altérée par la semence du malin, et l’apostasie qui en résulte ; nous avons vu ensuite que la corruption de la chrétienté fera place à une révolte plus ouverte et plus prononcée de la Bête elle-même, c’est-à-dire de cette même quatrième monarchie, sous une nouvelle et dernière forme encore à venir. C’est ce qui donnera lieu à son jugement (Dan. 7, 9-11, 13-14) : « Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés[2], et que l’Ancien des jours s’assit ; son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête comme de la laine pure ; son trône était des flammes de feu ; les roues du trône un feu brûlant. Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et des myriades de myriades se tenaient devant lui. Le jugement s’assit, et les livres furent ouverts. Je vis alors à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait, je vis jusqu’à ce que la bête fut tuée ; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu ». Versets 13 et 14 : « Je voyais dans les visions de la nuit, et voici, quelqu’un comme un fils d’homme vint avec les nuées des cieux, et il avança jusqu’à l’Ancien des jours et on le fit approcher de lui. Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté, pour que tous les peuples, les peuplades et les langues le servissent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit ».
Voilà le royaume donné au Fils de l’homme lorsque la quatrième bête est détruite. Or, ce jugement et cette destruction de la quatrième monarchie ne sont pas encore arrivés. Je citerai comme preuve Daniel 2, 34, 35 : « Tu vis, jusqu’à ce qu’une pierre se détacha sans mains ; et elle frappa la statue dans ses pieds de fer et d’argile, et les broya. Alors furent broyés ensemble le fer, l'argile, l'airain, l’argent et l’or ; ils devinrent comme la balle de l’aire d’été ; et il ne se trouva aucun lieu pour eux ; et la pierre, qui avait frappé la statue, devint une grande montagne, qui remplit toute la terre ». C’est-à-dire qu’avant que la pierre coupée sans main s’étende et remplisse toute la terre, elle détruit complètement la statue ; or, argent, airain, fer, terre sont emportés comme la balle de l’aire. Eh bien, cela n’est pas le moins du monde accompli. Dans l’action de la pierre, il ne s’agit pas d’un changement du caractère de la statue ; c’est un coup, un coup soudain ; c’est un coup qui brise, qui détruit, qui ne laisse pas même de trace de l’existence de la statue, comme il est dit ici, qu’« il ne se trouva aucun lieu pour eux » ; l’empire romain, les pieds, et, avec les pieds, tout le reste, disparaît. Par ce seul coup tout est pulvérisé, détruit, anéanti, et, après ce jugement, la pierre qui a frappé la statue devient une montagne qui remplit toute la terre.
Chers amis, est-ce que le christianisme a frappé la quatrième monarchie quand il a commencé à s’étendre ? Au contraire, l’empire romain a continué d’exister, il est devenu chrétien lui-même ; bien plus, les pieds de la statue n’existaient pas à cette époque. L’acte de destruction qui est signalé dans la chute de la petite pierre sur les pieds de la statue, ne représente nullement la grâce de l’évangile, n’a aucun rapport avec l’œuvre que l’évangile accomplit. Enfin, c’est après la destruction totale de la statue que la pierre commence à grandir, c’est-à-dire que la connaissance de la gloire de l’Éternel, qui doit remplir toute la terre, ne commencera à se répandre qu’après que la quatrième bête aura été jugée et détruite.
Reste une difficulté qui peut se présenter dans l’histoire de cette bête. On peut alléguer que l’empire romain n’existe pas aujourd’hui. C’est une preuve de plus à l’appui de ce que nous venons de dire. Apocalypse 17, 7, 8 : « L’ange me dit : La bête que tu as vue, était, et n’est pas », c’est-à-dire que l’empire romain, en tant qu’empire, a cessé d’exister ; mais qu’est-ce qui suit ? « Mais elle doit monter de l’abîme et aller à la perdition ; et ceux qui habitent sur la terre s’étonneront ». Elle existait ; puis elle n’existe plus, puis elle sortira de l’abîme. Elle aura proprement un caractère diabolique, elle sera l’expression de la puissance de Satan.
Ce que nous apprenons donc, en général, sur le caractère de cette bête, c’est que : 1° dès son commencement, l’empire romain a été coupable du rejet de Jésus comme Roi de la terre ici-bas ; 2° que plus tard, dans cette quatrième monarchie, il y a une petite corne qui dit de grandes choses ; et, enfin, 3° que cette quatrième bête, après avoir cessé d’exister pour quelque temps, sortira de l’abîme pour exister de nouveau, et puis être détruite, à cause des grandes paroles que la petite corne profère. Cela se lie avec 2 Thessaloniciens 2, 9 : « Et quant à la venue du méchant, il est, selon l’opération de Satan, en toute sorte de miracles et signes et prodiges de mensonge » ; et sa destruction se trouve au verset 8.
Il y a encore une description de la dernière tête de la Bête (voir Apoc. 17, 11), qui est la Bête même.
Daniel 11, 36, etc. Le rapport entre ce passage et 2 Thessaloniciens 2, 9, est reconnu : nous y voyons la même exaltation de soi-même contre Dieu. Cette dernière épître y ajoute la force de Satan, parce que le méchant est présenté dans son caractère d’apostasie et d’iniquité ; tandis qu’en Daniel 11, c’est dans son caractère terrestre et royal. Quant au troisième caractère d’iniquité que nous avons signalé, la volonté de l’homme y apparaît clairement : « Le roi agira selon son bon plaisir ».
Je désire vous faire remarquer aussi ce qui est décrit dans Jean 5, 43. La nation juive recevra celui qui viendra en son propre nom.
Voilà l’iniquité du cœur de l’homme parvenue à son comble sous le dernier chef de la quatrième monarchie.
Ésaïe 14, 13-15, dépeint son exaltation de lui-même sous le titre de roi de Babylone : « Tu as dit… ».
Ce sont exactement tous les privilèges, tous les droits de Christ que ce roi s’arroge. « Je monterai aux cieux » ; c’est ce que Christ a fait. « J’élèverai mon trône au-dessus des étoiles du Dieu fort » ; le trône de Christ est au-dessus des puissances. « La montagne d’assignation au fond du nord », c’est le palais du grand roi, le roi d’Israël à Jérusalem. « Je monterai sur les hauteurs des nues, je serai semblable au Très-haut ». Christ doit venir sur les nuées ; Il est l’image du Dieu invisible. « Cependant, on t’a fait descendre dans le shéol, au fond de la fosse ».
Ce soir j’ai heurté des idées bien chères, justement chères aux âmes fidèles, je veux dire leur espérance que l’évangile doit s’étendre sur toute la terre pendant l’économie actuelle. C’était bien à l’Église d’accomplir cette tâche, de faire retentir la proclamation de la gloire de Christ partout ; mais, de fait, si l’on veut s’exprimer selon la Parole, il faut le dire, nous verrons tout ce qui est efficace, tout ce qui est puissant dans ce monde, nous verrons tout cela mis en œuvre, mais sans égard à Dieu ; tous les moyens de l’homme, toutes ses facultés, tous ses talents, toutes ses connaissances seront déployés ; tout ce qui peut séduire le cœur et dominer l’esprit, tout ce qu’il y a de ressources dans le caractère et dans la nature de l’homme, sans aucune conscience, étonnera le monde, et l’entraînera sur les traces de l’Antichrist et lui fera reconnaître la Bête, parce qu’on veut accomplir la gloire de l’homme, s’exalter contre Dieu, et non servir Christ, ni s’humilier sous Lui. « Or celui qui s’élève sera abaissé ».
Mais, nous dira-t-on, c’est décourager touts les entreprises que nous pourrions faire pour la propagation de l’évangile sur la terre, si elles ne doivent aboutir qu’à un semblable résultat. — Oui, si l’on conçoit de fausses espérances, on s’est déjà trompé. En effet, s’attendre à de grandes choses, et voir toutes ses espérances déçues, ce n’est certes pas encourageant. Il est bien vrai, néanmoins, que cette vue des progrès du mal semble offrir peu d’encouragements à nos efforts ; mais c’est parce que nos espérances ont été fondées sur nos propres pensées. Mais le véritable effet de ces vues est exactement le contraire. Dites-le-moi, le fait que Dieu avait dit à Noé : Je vais détruire le monde, et que Noé était pleinement convaincu que le jugement de Dieu allait bientôt venir, l’empêchait-il de prêcher à ses contemporains ? C’est précisément, au contraire, ce qui l’y poussait, afin de gagner ceux qui avaient des oreilles pour écouter. La conviction que le faux christianisme se montrera plus raffiné, plus corrompu dans le monde, cette conviction ne donnera que plus d’énergie et d’action à l’amour de celui qui croit ; et la proximité des jugements de Dieu, au lieu de paralyser nos efforts, nous poussera aussi avec infiniment plus de force, de suite, de fidélité, à présenter l’évangile, le seul moyen de faire éviter aux hommes les justes malheurs qui les menacent.
Quand je dis que l’ivraie, au lieu de diminuer, continuera de croître, est-ce à dire que le bon grain ne puisse augmenter aussi ? Nullement. Si le mal doit empirer pour le jugement, Dieu donne en même temps efficace au témoignage qui doit en séparer le bien. Je crois que c’est toujours ainsi que Dieu procède. Si nous avions vu trois mille âmes converties en un jour à Genève, on dirait : Voici le millénium, l’évangile va se répandre par toute la terre. — Eh bien, il n’y en a peut-être pas trois cents de converties en une année. La conversion de plusieurs milliers de personnes à Jérusalem, qu’est-ce que cet événement prouvait, sinon que Dieu allait juger cette ville, et qu’Il sauvait de la génération perverse ceux qui devaient être sauvés ? Toutes les fois que nous voyons le mal croître, et Dieu agir pour en retirer ceux qui croient, c’est seulement un signe que le jugement de Dieu est proche. On ne peut le nier, Dieu agit visiblement de nos jours, nous devons Lui en rendre grâces de tout notre cœur, et c’est ce qui me prouve encore plus que le temps approche où Dieu va retirer les siens du monde.
Il y a deux signes de l’imminence du jugement : l’un que le mal grandit, que l’impiété augmente, que toutes les ressources de l’homme se déploient d’une manière merveilleuse ; l’autre, que des chrétiens se retirent de cet état de choses. Eh bien, il n’y a rien là qui doive nous empêcher de travailler à l’œuvre de Dieu. Je vois que le bien s’opère, se répand, s’étend, que Dieu sépare Ses enfants du mal ; je vois, d’un autre côté, tous les principes du méchant se développer visiblement ; je vois dans la Parole de Dieu une déclaration expresse que l’économie présente va prendre fin, et le mal arriver au plus haut degré, jusqu’à ce que le méchant soit détruit par l’avènement de Christ.
Romains 11, 22. Voici, pour conclure, l’avertissement que le Seigneur nous donne : « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, bonté de Dieu envers toi si tu persévères dans cette bonté ; autrement, toi aussi, tu seras coupé ».
Est-ce que l’Église a répondu à cette bonté de Dieu ? La chrétienté s’est complètement corrompue, les Gentils ont été infidèles aux dispensations de Dieu à leur égard. L’Église peut-elle être rétablie ? Impossible. Comme l’économie juive a été retranchée, la chrétienté le sera aussi. Que Dieu nous fasse la grâce de nous tenir fermes dans notre espérance, et de nous appuyer sur Sa fidélité, qui ne nous manquera jamais !
- ↑ On lit, dans 2 Samuel 23, 1-7, une prophétie très remarquable du jugement des méchants, qui ne peuvent être pris avec les mains de l’homme, et de la beauté et de la bénédiction de la venue de Celui qui régnera en justice, et dont les bienfaits seront mis en regard de la fidélité qu’Il met à garder Son alliance pendant notre état de misère.
- ↑ On traduit ordinairement « roulés » ; mais « placés » est plus exact. C’est ainsi que traduisent les LXX et bon nombre d’autres autorités.