Traité:Le témoignage de Dieu pour le temps actuel et la venue du Seigneur

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H. Rossier

En quoi consiste le témoignage de Dieu

Nous avons montré, dans un écrit précédent[1], que, depuis la chute de l’homme, Dieu a toujours eu un témoignage dans ce monde et que ce témoignage subsistera, sans interruption, jusqu’à la fin. Nous trouvons la raison de ce fait dans la souveraine grâce de Dieu, qui ne voulait pas laisser l’homme sous les conséquences terribles de sa chute. Alors qu’il était perdu, Dieu se fit connaître à lui comme un « Dieu Sauveur » qui avait un moyen de lui ouvrir le ciel dont son péché l’avait exclu pour toujours. Rien de plus immérité qu’une telle grâce ! Le péché qui nous séparait du Dieu saint a été l’occasion par laquelle, ouvrant pour nous Ses trésors, le Dieu d’amour nous a révélé le salut, avec un avenir infini de bonheur et de gloire ! C’est là ce dont Il a rendu témoignage le jour même où l’homme, à l’instigation de Satan, eût goûté le fruit défendu.

En quoi consiste ce témoignage ? Il peut se résumer en un seul mot : Jésus Christ. Dieu déclare publiquement, afin de sauver le monde, que la semence de la femme est le seul remède à la chute et à toutes ses conséquences ; que, par Son œuvre, elle brisera la puissance de Satan, délivrera l’homme de la mort et l’introduira justifié dans la gloire même de Dieu.

Jusqu’à l’apparition du Sauveur, objet de ce témoignage, ce dernier devint plus défini, plus complet, plus actuel, à mesure qu’il fut proclamé dans la suite des siècles : plus on s’approchait du foyer de lumière, plus il augmentait d’éclat. Ce témoignage commença le jour de la chute, se continua par l’organe des patriarches, puis par la loi confiée à un peuple privilégié, enfin par tous les prophètes, y compris Jean-Baptiste, jusqu’à l’apparition du Christ qui en était l’objet. Dès le moment où l’œuvre du Sauveur fut achevée, le témoignage de Dieu fut complet sans qu’il restât rien à y ajouter.

En quoi consiste le témoignage actuel

En rapport avec Son œuvre, le Seigneur nous est présenté sous trois caractères :

1° Comme mort et ressuscité.

À cette position se lie pour nous la rémission des péchés, la justification, la paix, notre introduction dans la faveur de Dieu, notre entière délivrance, nos relations avec Christ comme Ses rachetés, et avec Dieu comme Ses enfants.

2° Comme assis à la droite de Dieu, d’où Il a envoyé le Saint Esprit.

À cette position correspond la formation de l’Église, maison de Dieu, corps et Épouse de Christ, unie indissolublement par le Saint Esprit avec Lui, sa Tête glorieuse dans le ciel ; et les ministères donnés aux hommes par ce même Esprit.

3° Comme étant sur le point de revenir.

À cette position se lie l’espérance chrétienne, proprement dite, l’introduction de l’Église, Épouse de Christ, dans la gloire, et l’établissement sur la terre du royaume du Fils de l’homme.

Tel est le témoignage actuel de la grâce de Dieu. Aucun autre témoignage n’y sera ajouté avant que l’Église soit enlevée auprès du Seigneur[2]. Il est exactement le même que celui de la primitive Église, mais, ayant été perdu, presqu’en totalité par l’infidélité de l’église professante, il a été remis en lumière à certaines époques dans l’une ou l’autre de ses parties.

À qui le témoignage actuel a-t-il été confié ?

À chacun de ceux qui ont été sauvés et qui forment ici-bas l’Église de Christ, par le Saint Esprit envoyé du ciel. Le témoignage est donc à la fois individuel et collectif, collectif, parce que dans la pensée de Dieu, l’Église est la lettre de Christ, connue et lue de tous les hommes (2 Cor. 3, 2, 3), héraut de la grâce qui appartient à ceux qui croiront en Lui et de la gloire qui les attend.

L’Église a-t-elle gardé ce témoignage ? Hélas ! elle y a été complètement infidèle. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir, dans l’Apocalypse, la ruine du témoignage de l’Église ou Assemblée envisagée sous sa responsabilité, depuis l’abandon du premier amour, jusqu’au moment où elle sera finalement vomie de la bouche du Seigneur. À peine le dernier apôtre avait-il disparu de la scène, que toutes les vérités essentielles du témoignage chrétien étaient abandonnées, mais, grâces à Dieu, cela n’en compromet nullement la valeur.

Seulement Dieu confia dès lors Son témoignage à un résidu chrétien qu’Il sortit de la masse professante, et auquel Il donna la fonction, jadis confiée à l’Église comme ensemble, d’être la colonne et l’appui de la vérité. Ce résidu fut composé des « autres qui sont à Thyatire » (Apoc. 2, 24), de ceux qui sortirent à la Réformation des ténèbres du catholicisme[3]. Eux aussi déclinèrent rapidement et devinrent, comme le savent tous les lecteurs intelligents de l’Apocalypse, l’assemblée de Sardes, le corps sans vie du protestantisme, après que Dieu lui eut confié, pour le temps d’alors, d’une manière si bénie, le témoignage à la justification par le sang de Christ, et lui eut ouvert tout entières les saintes Écritures, par lesquelles il aurait dû en apprendre bien davantage.

À la suite de cette faillite du premier résidu chrétien, sorti de Thyatire, le corps des témoins fut restreint à un plus petit nombre et c’est à leur témoignage que nous assistons de nos jours. Il se pourrait que le mal acquît un tel développement que ces témoins ne fussent plus que deux ou trois au milieu des ruines de la chrétienté, et c’est ce que Jésus laissait entendre en parlant à Ses disciples (Matt. 18, 20), mais, grâce à Dieu, s’il devait en être ainsi, le témoignage du Seigneur, complet dès le commencement du christianisme, n’en serait nullement altéré, ni diminué. Ne voit-on pas Jérémie, en un temps de ruine, être le seul témoin fidèle au milieu d’Israël ?

Possibilité de rendre ce témoignage aujourd’hui

De quelle manière ce témoignage peut-il donc être rendu actuellement comme il le fut aux plus beaux jours de l’Église naissante ? En manifestant, ne fût-ce qu’à deux ou trois, ce que l’Église, comme ensemble, a été infiniment coupable de ne pas maintenir (c’est-à-dire le salut et la position céleste du chrétien, l’unité de l’Église corps de Christ, et son espérance, le retour du Seigneur), car au lieu d’être une lettre de Christ, elle s’est assimilée au monde dont son témoignage devait la séparer.

Mais, direz-vous, même le témoignage de deux ou trois a failli comme les autres. Qu’y a-t-il donc à faire ? Pas autre chose qu’à revenir, par la repentance, à une marche de sainteté et de vraie séparation du monde. « Si tu te retournes », dit l’Éternel à Jérémie, « je te ramènerai ; tu te tiendras devant moi ; et si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche » (Jér. 15, 19). Ce n’est point en s’appuyant sur le plus ou moins grand nombre des témoins que le témoignage retrouvera sa force ; c’est en marchant, et fût-on tout seul, dans une vraie séparation du mal. Nous ne pouvons assez insister sur le fait que toute la force du témoignage dépend de la sainteté pratique des témoins. Examinons donc de plus près le sujet de la sainteté.

La sainteté pratique inséparable du témoignage

C’est dans le chemin de la sainteté que l’on trouve la lumière. Quand Dieu suscite un témoignage nouveau[4], ce témoignage, à son début, n’est pas établi sur des doctrines, quelque excellentes qu’elles puissent être, mais sur la sainteté de la vie, sur une vraie séparation du monde dans les habitudes, dans les maisons, dans les relations, dans la marche. Cette séparation, Dieu la reconnaît et l’approuve ; Il la récompense en révélant des vérités nouvelles à ceux qui marchent dans ce chemin de sainteté ; Il leur ouvre, en un mot, les trésors de Sa Parole. La sainteté pratique est toujours accompagnée d’un accroissement dans la connaissance des Écritures. Au temps de la Réformation, si le résidu chrétien avait observé une vraie séparation du monde, il ne se serait pas borné à proclamer la justification par la foi, partie, si importante soit-elle, des conséquences de la mort et de la résurrection de Christ[5] ; ces fidèles auraient eu la révélation du « mystère » de l’Église, c’est-à-dire de l’unité du corps de Christ, et de la venue du Seigneur, vérités contenues dans la Parole placée entre leurs mains, et qui leur ont été presque entièrement cachées. C’est pourquoi nous voyons Sardes jugée comme témoignage et remplacée par Philadelphie, sur laquelle nous reviendrons plus tard.

La sainteté en rapport avec la cène comme témoignage

La sainteté, avons-nous dit, est indispensable pour rendre témoignage, et sans elle ce dernier ne peut exister. Il en est aujourd’hui comme il en était d’Israël autrefois. Au moment de célébrer la Pâque, il leur fallait ôter, dès le premier jour, tout levain de leurs maisons et garder la fête des pains sans levain pendant sept jours. Il en est de même de la cène du Seigneur, envisagée non pas comme mémorial, mais sous l’aspect d’un témoignage. Pour qu’elle gardât ce dernier caractère, il fallait que ceux qui y participaient se souvinssent qu’un peu de levain fait lever toute la pâte. Ils devaient ôter du milieu d’eux le vieux levain (1 Cor. 5, 7), afin d’être en pratique une nouvelle pâte, comme en principe ils étaient sans levain. Leur Pâque, Christ, avait été sacrifiée. Appelés à annoncer la mort du Seigneur, ils devaient célébrer la fête de la sainteté pratique, fête qui commençait à la Pâque et ne se terminait qu’au bout de sept jours, symbole de la durée complète de notre carrière. C’est que, en effet, la cène n’est pas seulement un mémorial et la jouissance inexprimable de la communion avec le Sauveur : « Faites ceci en mémoire de moi » ; elle est aussi un témoignage : « Vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ».

L’importance de la cène comme faisant partie du témoignage chrétien doit être estimée très haut. Ce simple acte nous présente les trois caractères du témoignage actuel, que nous avons signalés en commençant.

1° un témoignage rendu, le jour de la résurrection de Christ, à l’œuvre parfaite accomplie par Sa mort (1 Cor. 11, 26) ;

2° un témoignage à l’unité du corps de Christ (1 Cor. 10, 17) ;

3° un témoignage à la prochaine venue du Seigneur (1 Cor. 11, 26).

Ces trois caractères, unis dans le même acte, ne peuvent en réalité se séparer l’un de l’autre, aussi ne verra-t-on jamais un témoignage vivant, où la cène n’aurait pas toute son importance et n’occuperait pas la première place dans la vie de l’Assemblée.

Le témoignage devenu partiel comme résultat du manque de sainteté pratique

Il est possible qu’à certains moments, pour donner plus d’évidence à telle vérité qui convient aux besoins du jour, l’Esprit insiste davantage sur un des côtés du témoignage, mais jamais, si les chrétiens sont fidèles, ce ne sera au détriment et à l’exclusion des autres. À la Réformation le témoignage à la mort et à la résurrection de Christ fut seul mis en avant (encore était-il incomplet, comme nous l’avons dit, car l’affranchissement et les privilèges célestes du croyant étaient sinon ignorés, du moins passés sous silence) ; mais devait-il en être ainsi ? Nullement. Les chrétiens possédaient les Écritures, incalculable trésor, privilège unique de la Réforme ; ils avaient le Saint Esprit pour leur enseigner les choses qu’elle contient ; mais la position céleste de Christ et Son prochain retour furent ignorés parce que ce qui aurait dû être le témoignage de Christ abandonna la sainteté pratique en se mélangeant avec le monde politique et religieux, et aboutit finalement à une profession chrétienne sans vie. Ainsi toute l’œuvre fut irrémédiablement gâtée.

Partout où la sainteté ne fut pas maintenue, le témoignage fut incomplet et perdit bientôt sa valeur. Le chandelier fut ôté de sa place, la lumière enlevée et confiée à d’autres. Cela ne changeait rien au témoignage de Dieu, car, pour nous servir d’une expression vulgaire, le chandelier n’est pas la chandelle. Un nouveau chandelier peut devenir le porteur du même flambeau sans modifier en quoi que ce soit l’éclat de ce dernier. Le témoignage de Dieu ne change pas, mais ses porteurs ont grièvement failli, et c’est en cela que consiste la ruine de l’Église. Aujourd’hui encore, un témoignage complet est rendu par quelques-uns, non seulement aux vérités magnifiques de l’évangile, mais à l’unité du corps de Christ produite par le baptême du Saint Esprit, proclamée et réalisée autour de la table du Seigneur, ainsi qu’à Sa prochaine venue. De nos jours, la proclamation si pressante, si actuelle, si générale de cette venue a pour but, dans les pensées de Dieu, de séparer les chrétiens du monde et de les réunir dans une commune espérance, mais en aucun cas les autres vérités du témoignage ne sont annulées en vue de ce résultat. Si donc aujourd’hui le cri : Voici l’Époux ! se fait entendre avec plus de force, que les vrais témoins soient prompts à en propager le son, tout en maintenant l’ensemble des vérités que le Seigneur leur a confiées.

Les vrais témoins commencent toujours par la sainteté pratique

Nous avons donc dit que, sans la sainteté pratique, sans la séparation du monde sous ses divers aspects, jamais un témoignage fidèle ne pouvait être rendu, et que là où ces choses manquaient, le témoignage manquait nécessairement. En effet, l’on a pu observer historiquement que c’est avec la sainteté dans la marche, dans la conduite et dans les habitudes, que le chemin des vrais témoins a toujours commencé. Dieu ne leur a jamais confié des vérités nouvelles quand leur conduite ne correspondait plus à la sainteté de Dieu, car il ne faut pas oublier que Dieu ne révèle une vérité nouvelle que lorsque la vérité, reçue précédemment, a été réalisée dans la marche journalière. L’histoire d’Abraham et de son témoignage en est un exemple frappant qui se recommande à l’étude sérieuse des chrétiens. Des chrétiens mondains ne sont pas et ne seront jamais des témoins. Dès que les enfants de Dieu se trouvent dans le chemin d’une vraie séparation pour Lui, les vérités en rapport avec Christ et Son œuvre deviennent comme le privilège du sentier même où ils marchent et leur sont confiées. S’ils abandonnent la sainteté, ces mêmes vérités perdent bientôt leur valeur et n’exercent plus une action vivifiante autour d’eux. Ils les laissent tomber à terre en tout ou en partie : ils oublient la liberté de la grâce, la puissance de l’Esprit, lui substituent des formes cléricales et reviennent à la loi comme règle de vie ; ou bien ils s’accoutument au relâchement quant à la discipline, remplacent l’unité du corps par l’indépendance des assemblées ; ou encore ils n’attendent pas le Seigneur, et confondent Sa venue en grâce avec Sa venue en jugement. Ces choses sont arrivées à beaucoup de chrétiens qui d’abord avaient été les instruments bénis du témoignage. Les uns sont retournés aux divers systèmes religieux d’où l’Esprit de Dieu les avait fait sortir ; d’autres, indifférents aux attaques dirigées par l’Ennemi contre la personne de Christ, ont gardé certaines vérités doctrinales et en ont oublié la puissance sanctifiante ; d’autres enfin sont restés stationnaires dans la connaissance de l’affranchissement ou dans la communion avec le Seigneur Jésus. Par contre, la sainteté habituelle dans la marche conduit à une vue plus approfondie, non pas d’une, mais de toutes les vérités contenues dans la Parole et, par conséquent, à un témoignage plus éclatant rendu à Christ.

Une partie du témoignage actuel, la venue du Seigneur, remise en lumière

Occupons-nous maintenant de l’œuvre du Saint Esprit, à laquelle nous assistons aujourd’hui et qui a pour but de réunir les enfants de Dieu dans la commune espérance de la venue du Seigneur.

L’appel : « Voici l’Époux, sortez à sa rencontre ! » avait, il y a près de quatre-vingts ans, trouvé un écho dans le cœur des vrais témoins, mais l’immense majorité des enfants de Dieu y était restée indifférente. Cet appel, la grâce de Dieu le fait retentir aujourd’hui de nouveau. Le milieu d’où il sort est peu propre à rassembler les chrétiens dans une attente commune, parce que ceux qui prêchent la venue du Seigneur ignorent ou ne veulent pas reconnaître tout un côté du témoignage, fruit de la séance de Jésus à la droite de Dieu : les dons de l’Esprit qui anéantissent les prétentions du clergé, et l’unité de l’Église, corps de Christ, réalisée à la table du Seigneur en dehors des sectes affligeantes de la chrétienté. Ces mêmes chrétiens ne peuvent, par conséquent, insister sur la sainteté pratique qui pousse l’ensemble des fidèles à se séparer des vases à déshonneur pour réaliser l’espérance chrétienne. Malgré cela, nous avons la conviction qu’enseignés par l’Esprit, un grand nombre d’enfants de Dieu comprendront que, pour sortir à la rencontre de l’Époux, on ne peut rester associé à une profession sans vie et sans réalité. Il est certes trop évident que tous les chrétiens n’obéiront pas à cet appel et se contenteront d’attendre le Seigneur individuellement dans le milieu auquel ils appartiennent. On ne manquera pas de leur dire qu’ils peuvent réaliser cette espérance au sein d’une association quelconque, on les trompera sur l’espérance de l’Épouse de Christ qui ne peut appartenir qu’à un ensemble séparé du monde professant. N’en avait-il pas été de même, il y a une trentaine d’années, quand on persuadait aux nouveaux convertis qu’ils pouvaient être sauvés sans sortir de leurs milieux sectaires ? Cela, dans un sens, était parfaitement vrai, mais que devenait leur témoignage ? Hélas ! les chères âmes appelées aujourd’hui feront bientôt la triste expérience que l’attente individuelle du Seigneur ne suffit pas pour les garder éveillés et elles retomberont bientôt, comme nous avons pu maintes fois le constater, dans l’apathie dont le cri de minuit les avait momentanément tirées. Du reste, hâtons-nous de le dire, il en est de même pour tous ceux qui, après s’être séparés des systèmes religieux actuels, se contentent d’une position de séparation extérieure sans y ajouter la séparation du cœur.

Tout en exprimant nos appréhensions, nous pouvons néanmoins attendre de grandes choses du mouvement qui se produit aujourd’hui, parce que nous savons que si l’homme est sans force, le Seigneur est puissant pour maintenir ce réveil. Une petite foi n’attendra jamais de grands résultats, parce que, au lieu de compter sur Dieu, elle regarde à l’homme et désespère. Elle nous dira, et avec raison, que les insinuations de l’Ennemi cherchent à détruire l’espérance dans les cœurs qui viennent de la recevoir. Déjà nous voyons, en effet, la différence si simple et si puissante entre la venue et l’apparition du Seigneur, sinon complètement ignorée, du moins considérablement affaiblie par les prédicateurs de ce réveil ; déjà les grandes lignes si claires des événements prophétiques — je ne parle pas des détails, souvent obscurs pour plusieurs — sont effacés ; — déjà l’on enseigne que « les temps des Gentils » sont accomplis, produisant ainsi une sérieuse confusion entre les deux actes de la venue du Seigneur. En un mot, des symptômes de l’abandon possible de cette précieuse vérité se font sentir, parce qu’on la dissocie de l’ensemble du témoignage confié à l’Église de Christ.

Mais ayons bon courage : l’Esprit de Dieu est puissant, le Seigneur est miséricordieux et peut remédier à la faiblesse de Ses rachetés ; Dieu veut glorifier Son Fils, et nous pouvons compter que, lorsqu’Il viendra, Il trouvera, malgré toutes les barrières que Satan lui oppose, un ensemble de témoins qui L’attendent, assez attachés à Sa gloire, pour rejeter loin d’eux les obstacles dont le monde voudrait entraver leur marche à la rencontre de leur Sauveur.

Le témoignage actuel est un tout

Répétons donc encore et ne l’oublions jamais, que le témoignage actuel ne se borne pas à un côté de la vérité, mais à la vérité tout entière, vérité dont l’Église est la colonne et l’appui, vérité qui a Christ comme objet, Sa Parole comme expression, Son Esprit comme puissance. Aussi qu’arrive-t-il ? Dans les milieux où le témoignage aux dons de l’Esprit et à l’Église, corps de Christ, est rejeté, les chrétiens qui sont actuellement les prédicateurs de la vérité quant à la prochaine venue du Seigneur, ne voulant pas subir les conséquences de vérités qui les sortiraient de leurs sectes, ces chrétiens, dis-je, ignorent volontairement et ne mentionnent pas d’une seule parole tout un corps de témoins qui, il y a quatre-vingts ans, sont sortis de ces mêmes sectes pour obéir au Seigneur et ont trouvé dans ce chemin l’espérance de Sa venue jointe à l’ensemble du témoignage chrétien. Mais si quelque chose pouvait affermir les témoins fidèles dans l’ensemble de leur témoignage et les y rendre heureux, ce serait précisément le fait que, par une entente tacite, ils sont ignorés aujourd’hui, car ils savent qu’ils ne doivent pas attendre d’être reconnus des hommes. Leur Seigneur l’a-t-Il été des conducteurs et des docteurs de la loi ? Qu’il leur suffise d’être inconnus, même du monde religieux, mais bien connus de Dieu (2 Cor. 6, 9).

Nous ne pouvons attendre de voir l’ensemble des chrétiens réunis par l’espérance de la venue du Seigneur, par la simple raison que la grande majorité des enfants de Dieu a ses intérêts aux choses de la terre. Si les pensées sont à ces choses on n’attend jamais le Seigneur, et si même ceux auxquels Il avait d’abord confié ce témoignage ont peu à peu glissé vers le monde, il n’y aurait pas lieu de s’étonner qu’il leur fût ôté pour être confié à d’autres. Toutefois un fait demeure : l’Esprit de Dieu souffle pour rassembler les élus en vue de la prochaine venue de Christ. S’ils obéissent à cet appel, ils sortiront à Sa rencontre ; s’ils n’obéissent pas, ils retomberont bientôt dans le courant de mondanité et de sommeil spirituel qui caractérise le milieu duquel ils auraient dû sortir.

On ne peut pas, avons-nous dit, séparer une partie du témoignage actuel de l’autre partie sans courir le risque de le perdre tout entier. Combien de chrétiens ne veulent connaître que le témoignage découlant de la mort et de la résurrection de Christ, c’est-à-dire l’évangile annoncé aux pécheurs ! Qu’arrive-t-il en pareil cas ? Même ce témoignage — et Dieu s’en sert, grâces Lui en soient rendues, pour la conversion d’un très grand nombre — perd de sa puissance. L’évangile est réduit au pardon des péchés et les âmes converties s’en ressentent ; l’affranchissement du péché est ignoré ; l’on oublie enfin que l’évangile de la grâce est en même temps l’évangile de la gloire. À bien plus forte raison les chrétiens qui font abstraction du témoignage de l’Église, épître de Christ, et du ministère de l’Esprit, font-ils preuve d’ignorance quand on leur en parle. L’Église ! la chose la plus chère au cœur de Christ ! l’objet dont Dieu conservait le secret (maintenant révélé) dans Ses conseils éternels ! l’Épouse qu’Il destinait à Son Fils bien-aimé ! L’Église ! ce mystère d’un corps uni ici-bas avec sa Tête glorieux dans le ciel ; d’un organisme faisant partie de Christ Lui-même et sans lequel Celui qui remplit tout en tous n’aurait pas Sa plénitude ! L’Église qu’Il a tant aimée que de se livrer Lui-même pour elle ! l’Église qu’Il sanctifie et purifie pour se la présenter glorieuse ! l’Église qu’Il destinait à être Son témoin devant le monde, une épître signée de Son nom, un témoignage pour les anges même qui y apprennent la sagesse si diverse de Dieu ; l’Église, corps visible (car il est responsable de l’être) d’un Christ glorieux, prêt à être manifesté !… C’est là, comme nous l’avons vu, cette partie du témoignage qui se lie à la position actuelle de Christ, caché et assis dans la gloire à la droite de Dieu. Et tout cela serait sans importance pratique et n’aurait qu’une valeur secondaire ? Et nous lui préférerions de misérables et coupables contrefaçons, œuvre de l’Ennemi, qui déshonorent le Seigneur et qu’Il rejettera loin de Lui quand Il entrera en compte avec la chrétienté coupable ? Et nous devrions ne pas croire que ce qu’est l’Église dans la pensée de Dieu doive faire partie du témoignage actuel des chrétiens ?

Que livrée à sa responsabilité, l’Église ait entièrement failli et doive comme telle devenir sous peu une habitation de toute bête impure (Apoc. 18, 2) — et combien nous devrions ressentir douloureusement sa ruine comme porteur du témoignage — cela ne change, ni ne diminue en rien la valeur de ce témoignage, car il est confié désormais à un résidu croyant qui peut et doit le rendre autour de la table du Seigneur.

Il y a des chrétiens qui ne sont pas des témoins

Donc, ignorer, abandonner ou passer volontairement sous silence une seule de ces vérités : l’œuvre parfaite de Christ, l’Église, corps et Épouse de Christ, habitation de Dieu par l’Esprit, et la venue du Seigneur, c’est ignorer, méconnaître ou abandonner le caractère du témoignage de Christ pour le jour actuel.

Il peut y avoir (chose sans doute infiniment triste à constater chez des chrétiens, sans qu’elle touche en rien à leur salut éternel) une quantité de croyants qui ne sont pas des témoins. Abdias, à la cour d’Achab, bien qu’il « craignît beaucoup l’Éternel », n’était pas un témoin en Israël ; même les sept mille hommes cachés, que Dieu s’était réservés, n’étaient proprement que des témoins négatifs, tandis qu’Élie était le témoin de Dieu au milieu de l’infidélité générale. Avant lui, Gédéon et les trois cents qui l’accompagnaient étaient des témoins actifs. Tout Madian et Amalek purent entendre le son de leurs trompettes, associé à la proclamation du nom de l’Éternel, et purent voir la lumière sortant de leurs cruches brisées.

Heureux ceux qui, placés en présence de ces vérités, en sont devenus les témoins et y ont conformé leur marche : il y a des couronnes pour les témoins fidèles et elles ne leur seront point ôtées. Combien sont à plaindre ceux qui ignorent ces choses ; combien plus sont à blâmer ceux qui, sortis du témoignage après l’avoir rendu, n’en ont plus retenu qu’une partie, tandis qu’ils rejetaient l’autre ! Mais quelque douloureux que soit, pour le cœur du fidèle, un tel abandon, il est consolé en pensant que, malgré tout, le Seigneur atteindra Son but et sera finalement glorifié dans tous ceux qui auront cru.

Quelques réflexions sur le témoignage de Philadelphie

Nous désirons illustrer ce que nous avons dit par quelques considérations sur le témoignage de Philadelphie. Cette église présente tous les caractères du témoignage de Christ au temps de la fin.

Philadelphie, entourée du déclin général, et n’ayant que « peu de force » pour son témoignage, est cependant qualifiée du titre d’église, aussi bien que toute autre forme de l’Église responsable au cours de son existence, et cependant elle n’est qu’un faible résidu (les « quelques noms » de Sardes), bien autrement insignifiant que celui qui, à la Réformation, était sorti de Thyatire et que son infidélité avait finalement conduit à être « mort » (Apoc. 3, 1). Entre cette mort et la « tiédeur » dégoûtante de Laodicée, Philadelphie a retrouvé Christ comme son Chef ; elle fait moralement corps avec Lui, et cela est très remarquable. Tous les caractères de Philadelphie se trouvent être en accord avec les caractères de Christ ; aussi le Seigneur lui dit : « Je t’ai aimée », ce qu’Il ne dit à aucune autre assemblée. Il a aimé l’Église, Il s’est donné lui-même pour elle et s’occupe d’elle pour se la présenter sainte et sans défaut à la fin, et Il aime Philadelphie parce qu’elle Lui est restée fidèle et qu’elle a gardé Sa Parole. La Parole de Christ contient, avons-nous dit, toutes les parties de Son témoignage : aucune ne manque à ce faible résidu et ne reste en souffrance. De plus, Jésus dit à Philadelphie : « Tu n’as pas renié mon nom ». Cela ne signifie pas seulement qu’elle n’a supporté aucune doctrine attentatoire à la perfection divine exprimée par le nom du « Saint », mais elle l’a glorifié par sa conduite. Elle est en communion avec le Seigneur par une marche de sainteté pratique, de séparation du monde ; elle réalise cette parole de son Sauveur : « Ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde… et moi je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité ». C’est, en effet, comme nous l’avons remarqué, ce qui caractérise, dans ces temps de la fin (où la mondanité a tellement envahi l’Église qu’on y distingue à peine les croyants des professants), tout vrai témoignage pour Christ. Il y a désaccord complet entre Philadelphie et Sardes qui a souillé ses vêtements. Philadelphie a réalisé cette parole : « Soyez saints, car moi je suis saint ». Elle n’a pas renié ce nom, auquel, par sa marche, elle a déclaré appartenir.

C’est ce qui, dans le siècle passé, caractérisa dès le début le témoignage des disciples de la Parole. Ils ne se distinguaient point, tout d’abord, par leurs lumières, mais, tout en confessant leur ignorance, ils désiraient glorifier le nom du Seigneur par une vraie séparation du monde qui les entourait et qui, sous sa forme religieuse, pouvait exercer le plus d’attraction sur des âmes sérieuses comme les leurs.

Ce fut ainsi qu’un nouveau résidu se mit en route, mangeant les pains sans levain dès le début du voyage et proclamant les sept jours de la fête. Le résultat fut l’approbation du Seigneur qui accorda la connaissance des vérités contenues dans Sa Parole, mais jusque-là oubliées ou ignorées, à ces disciples dans le chemin de la sainteté pratique. Il leur confiait le contenu de la Parole de vérité, parce qu’ils étaient attachés au « Véritable ».

Le témoignage de ce résidu retrouva donc, non par puissance ni par intelligence, mais à la suite d’une vraie séparation du monde, l’ensemble des vérités qui caractérisent le temps actuel et constituaient le témoignage de l’Église avant son déclin. Prétendre les posséder sans séparation d’avec le monde et sans réaliser ce qu’est l’Église de Christ, c’est se faire une cruelle illusion. Il est possible, dans les systèmes religieux des hommes, de saisir l’une ou l’autre des vérités qui constituent l’ensemble du « témoignage », mais elles n’y seront jamais comprises dans leur puissance sanctifiante, ni comme vérités collectives, et resteront la part incomplète de quelques chrétiens isolés. En outre, il arrivera nécessairement qu’à l’annonce d’une vérité nouvelle se mêleront toute sorte d’erreurs, comme on peut le constater aujourd’hui, au sujet de la proclamation de la venue du Seigneur.

Hélas ! la sainteté pratique n’a pas duré chez les témoins dont nous parlons. Les divisions survenues parmi ceux auxquels le Seigneur confiait Son témoignage, l’ont prouvé à leur extrême confusion.

Cette sainteté pratique que le Seigneur reconnaissait chez Philadelphie, Il la définit par ces mots : « Je connais tes œuvres ». C’est à cela qu’Il regarde avant tout pour juger de l’état de l’assemblée (Apoc. 2, 2, 19 ; 3, 1, 8, 15). Il cherche et reconnaît ce qu’il peut y avoir de louable dans les diverses périodes de son histoire, mais Il est obligé d’ajouter constamment cette parole : « J’ai contre toi ». À Sardes Il ne l’ajoute pas même, car les œuvres de celle-ci ne sont qu’une apparence de vie. Il n’en est point ainsi de Philadelphie. Pas un blâme ne sort à son sujet de la bouche de Jésus. Ses œuvres sont peu de chose peut-être ; elle serait la première à ne pas les apprécier et à ne savoir les énumérer, mais Jésus les connaît et cela suffit à ce résidu méconnu. Il a peu de force, mais il peut avoir confiance en Jésus Christ en qui est la force, la clef de David pour ouvrir et fermer.

Le sentiment de l’amour de Christ est le ressort de la vie de Philadelphie. Elle peut « aimer les frères » parce qu’elle connaît l’amour de Jésus pour elle. Ne lui a-t-Il pas dit : « Ils connaîtront que moi je t’ai aimée » ?

Nous avons vu que « garder la Parole » de Christ comprenait de fait l’ensemble du témoignage actuel, de ce qui était au commencement. Philadelphie manifestait ainsi pratiquement, appuyée sur cette Parole, ce qu’était l’Église aux yeux du Seigneur

Le Seigneur pourvoyait aussi Lui-même à ce que la vérité de Son évangile, cette partie du témoignage à la perfection de l’œuvre de Christ accomplie sur la croix, fût toujours à la portée de ce résidu et ne pût lui être enlevée. Il avait mis devant Philadelphie une porte ouverte que personne ne pouvait fermer.

Parlons maintenant de la troisième partie du témoignage de Philadelphie. L’Église de Christ approche de la fin ; elle a conscience que le Seigneur vient ; elle attend patiemment comme Lui. Elle a pu lire et apprendre toutes les autres vérités dans la Parole, mais ici, elle garde « la parole de Sa patience ». Celle d’Éphèse, au chapitre 2, 2, était la patience d’Éphèse, celle de Philadelphie, la patience de Christ.

Garder Sa parole, ne pas renier Son nom, proclamer Son évangile, vivre dans la conscience de l’amour de Christ pour Son Assemblée, garder la parole de Sa patience, voilà ce qui, aux yeux du Seigneur, caractérise en ces jours de la fin un résidu qu’Il approuve. Tous ceux qui considèrent une partie quelconque de la Parole de Christ comme non avenue, soit qu’ils combattent la perfection de Son œuvre sur la croix, soit qu’ils veuillent remplacer la libre action du Saint Esprit par des institutions humaines, soit qu’ils renient pratiquement l’unité du corps de Christ et la manifestation de cette unité à la table du Seigneur, soit qu’ils combattent ou altèrent l’espérance de Sa venue, tous ceux-là ne peuvent être aujourd’hui des témoins et n’ont aucun droit à porter le nom de Philadelphie. Mais répétons ici ce que nous avons dit en commençant : Tous ceux qui abandonnent une vraie séparation pour Dieu dans leur marche et dans leur conduite, en vivant comme le monde, tous ceux qui s’associent aux hommes « qui habitent sur la terre » ou qui veulent être à la fois citoyens du monde et citoyens du ciel, ont abandonné le chemin du témoignage. Ils sont plus blâmables que les chrétiens qui n’y sont jamais entrés ; ils ne se rendent pas compte que tout témoignage doit commencer par la sainteté.

Philadelphie est le tableau d’un témoignage complet, rendu dans la faiblesse, mais approuvé du Seigneur, en un temps de ruine. Que les chrétiens fidèles se contentent de le rendre dans l’infirmité, car même leur peu de force a l’approbation du Seigneur au lieu d’encourir Son blâme.

Il y aura certainement à Sa venue un rassemblement plus grand des enfants de Dieu et le mouvement actuel le fait prévoir, mais, à part celui que la « dernière trompette » produira en un clin d’œil, il ne peut s’agir, lors des trompettes qui précéderont la dernière, d’un rassemblement général. En Apocalypse 22, 17, deux classes de personnes attendent le Seigneur : d’une part l’Église, telle que Christ la considère, réalisant par l’Esprit sa relation d’Épouse, et c’est à elle que le Seigneur dit, comme à Philadelphie : « Je viens bientôt » — d’autre part les saints considérés isolément et non pas réunis comme Assemblée. Puisse chacun d’eux, puissent-ils tous ensemble, du fond du cœur, Lui dire : Viens !



  1. Le témoignage, par H.R..
  2. Après le témoignage de l’Église il y aura encore celui du royaume confié au résidu prophétique de la fin, mais qui ne rentre pas dans notre sujet.
  3. Nous parlons d’un ensemble qui sortit du catholicisme, car il y eut auparavant à diverses reprises dans son sein des témoins recommandés par la sainteté de leur vie.
  4. Je dis nouveau, ce qui n’est pas proprement le terme. Il n’y a pas de témoignage nouveau aux jours de l’Église ; mais quand tout espoir de restauration est perdu pour elle, et qu’elle n’a pas voulu se repentir, quand ce que Dieu en a séparé s’est mondanisé et n’a plus que le nom de vivre, Dieu suscite un nouveau résidu, celui de Philadelphie, extérieurement beaucoup plus misérable que Sardes à son début et chez lequel il y a peu de force, mais qui marche dans les voies du « Saint et du Véritable ».
  5. Nous disons une partie parce que le vrai affranchissement du chrétien et sa vocation céleste n’étaient ni réellement connus ni enseignés.