Traité:Qu’est-ce aujourd’hui que la neutralité

De mipe
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E. Longe 1948

Au temps de la Réformation, des multitudes de croyants en différentes contrées se séparèrent du système romain, et l’évangile de la grâce de Dieu, savoir la justification du pécheur sur le principe de la foi en Jésus Christ, sans œuvres de loi, fut prêché fidèlement en tous lieux.

Malheureusement, cet abandon du système romain ne fut pas suivi d’un retour aux vérités du commencement, relativement au service de Dieu et à la libre action du Saint Esprit dans l’Église, selon le commandement du Seigneur par le moyen de l’apôtre Paul en 1 Corinthiens 12 et 14, 23-40, et ailleurs. On établit divers systèmes religieux, et à la place du ministère dans la puissance de l’Esprit, on instaura un ministère humain. Sur ce point, et sur bien d’autres encore, les pensées des hommes eurent plus de place que l’autorité de la Parole.

Il s’en suivit bientôt un temps de léthargie qui affecta tout l’ensemble de la chrétienté, et que nous trouvons dépeint dans l’épître à l’église de Sardes en Apocalypse 3, 1-6 : « Tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Le protestantisme devint un froid formalisme sans vie. Il y a eu cependant, dans ce que Sardes typifie, des croyants fidèles et dévoués, comme le Seigneur le dit à cette assemblée : « Toutefois tu as quelques noms à Sardes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ; et ils marcherons avec moi en vêtements blancs, car ils en sont dignes ». Il y a eu aussi à certaines époques et en certains endroits, des réveils momentanés ; plusieurs ont été réveillés et ont même souffert pour le nom du Seigneur, mais d’autres restèrent endormis, et cette léthargie n’a jamais été plus profonde que dans la première partie du siècle dernier.

C’est alors que les cœurs de plusieurs furent profondément exercés au sujet du bas état dans lequel était tombé l’Église. Quelques croyants humbles et pieux furent conduits à se réunir pour s’en humilier et pour prier. Ils étudièrent ensemble la Parole de Dieu, et leurs yeux furent bientôt ouverts pour voir que la chrétienté s’était universellement écartée de ce qui avait été « entendu dès le commencement » (1 Jean 2, 24). Ils comprirent aussi qu’ils devaient se séparer de tout système religieux pour se réunir simplement au nom du Seigneur, selon qu’il est écrit : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur » (2 Tim. 2, 19), et : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matt. 18, 20).

Des passages tels que Jean 4, 23, 24 ; 2 Corinthiens 6, 14-18 et Hébreux 13, 13, leur montraient qu’ils ne pouvaient s’associer avec des infidèles pour la prière ou pour le culte ; et d’autres passages tels que 2 Timothée 2, 22 ; Actes 4, 23 et 20, 7, leur indiquaient avec qui ils devaient se trouver lorsqu’ils se rassemblaient autour du Seigneur.

De grandes bénédictions furent répandues sur eux. Ayant retrouvé le privilège de se rassembler selon le commandement du Seigneur, ils furent conduits à découvrir plusieurs autres vérités précieuses qui, pendant bien des siècles, étaient restées dans l’oubli : l’unité de l’Église, corps de Christ, proclamée à la table du Seigneur ; la présence du Saint Esprit ici-bas, dans l’individu et dans l’Assemblée ; l’affranchissement du péché et la position du croyant en Christ ; la séparation pratique du monde et une marche fidèle avec Christ seul pour modèle ; l’attente actuelle du Seigneur pour enlever à Sa rencontre les saints endormis et les vivants ; la première résurrection. Telles sont les vérités, et d’autres encore, qui furent remises en lumière, et animèrent le dernier témoignage collectif du Seigneur avant Sa venue pour ravir en un clin d’œil Son Église de la scène de ce monde.

La connaissance de ces vérités se répandit bientôt, et quantité de croyants dans les contrées les plus diverses comprirent que pour marcher dans le chemin du Seigneur, tracé dans Sa Parole pour les temps de ruine, ils devaient se séparer de tout système humain. Par le moyen de ces fidèles, un témoignage pour le Seigneur fut établi au milieu de la chrétienté.

Mais bien que ces vérités du commencement aient été clairement et largement répandues au siècle dernier, il n’y eut qu’un nombre restreint de croyants qui les reçurent pour marcher dans le témoignage du Seigneur ; la plupart restèrent dans les divers systèmes de la chrétienté.

Malheureusement aussi, parmi ceux qui prirent position dans le témoignage en acceptant les principes de la vérité, il s’est trouvé, de temps à autre, des hommes manquant d’humilité, qui ont fait défection en s’écartant des principes divins posés par la Parole ; quelques-uns ont enseigné des doctrines contraires à la vérité, ou ont refusé l’exercice de la discipline, nécessaire pour que les assemblées ne fussent pas souillées par le levain ; d’autres allèrent même jusqu’à annoncer des doctrines perverses portant atteinte à la personne glorieuse de notre adorable Seigneur.

Si ces faux docteurs avaient abandonné entièrement la vérité, aucun des saints n’aurait été entraîné dans leur voie ; mais souvent, un certain nombre de vérités étaient mélangées avec l’erreur, et celle-ci s’y trouvait si bien dissimulée que les âmes simples ne pouvaient discerner le poison. L’ennemi est toujours plus dangereux lorsqu’il prend la forme du serpent que lorsqu’il se présente comme un lion rugissant. C’est ainsi que l’apôtre écrivait aux Corinthiens : « Je crains que, en quelque manière, comme le serpent séduisit Ève par sa ruse, ainsi vos pensées ne soient corrompues et détournées de la simplicité quant au Christ… Car de tels hommes sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, se transformant en apôtres de Christ ; et ce n’est pas étonnant, car Satan lui-même se transforme en ange de lumière : ce n’est donc pas chose étrange si ses ministres se transforment en ministres de justice, desquels la fin sera selon leurs œuvres » (2 Cor. 11, 3, 13-15).

Il arrive aussi, le plus souvent, que l’ennemi se sert de personnes douées, et pouvant, grâce aux qualités qu’elles possèdent, exercer une grande influence sur les auditeurs, pour répandre de mauvaises doctrines ou des principes relâchés, tels Hyménée et Philète, qui s’étaient « écartés de la vérité, disant que la résurrection avec déjà eu lieu, et renversaient la foi de quelques-uns » (2 Tim. 2, 17, 18). Ainsi, il s’est trouvé, au milieu du témoignage, des hommes d’un talent incontestable, possédant un vrai don, qui d’abord, se sont imbus de principes relâchés, et ont réussi dans la suite à les faire partager à d’autres.

Mais par la grâce et la miséricorde du Seigneur, il y a toujours eu, en semblables occasions, des serviteurs de Dieu capables de discerner le mal, et qui ont jeté un cri d’alarme pour empêcher le troupeau du Seigneur de se laisser égarer. Ils durent souvent rappeler aux fidèles l’exhortation du Seigneur à Philadelphie : « Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Apoc. 3, 11). Et il y a toujours eu, même dans les temps les plus sombres, des vainqueurs qui, tout en ayant conscience de leur faiblesse, sont restés attachés à la Parole, ne voulant rien céder de ce qui a été entendu dès le commencement (1 Jean 2, 24). Quand l’œil est simple, le corps tout entier est plein de lumière, et la lumière manifeste ce qui est faux : « Toutes choses étant reprises par la lumière, sont manifestées ; car ce qui manifeste tout, c’est la lumière » (Matt. 6, 22 ; Éph. 5, 13). D’autres, cependant, se sont laissés égarer, et de tristes divisions n’ont pu être évitées. C’est ainsi qu’il existe, hélas ! plusieurs rassemblements de chrétiens, séparés du témoignage du Seigneur, qui ont bien retenu certaines vérités de la Parole, mais qui se trouvent dans un chemin d’indépendance, contraire au principe de l’unité du corps.

Un fait triste à constater de nos jours, c’est que quantité d’enfants de Dieu, qui ont été convertis dans ces différents milieux, restent en communion avec ceux qui se sont écartés du chemin, ou qui ont adopté des principes relâchés. Le fait est qu’ils ne tiennent pas compte de ce que le Saint Esprit a opéré au siècle dernier, en remettant en lumière les vérités du commencement, pour établir un témoignage pour le Seigneur au milieu de la ruine ; et qu’ils n’ont aucun souci de s’enquérir soigneusement des causes des divisions survenues. Par cette ignorance volontaire et coupable, ils demeurent rattachés aux systèmes dans lesquels ils ont été élevés, sans rechercher diligemment ce qui plaît au Seigneur, pour marcher dans le chemin qu’Il a tracé dans Sa Parole pour le fidèle. Comme ce fut le cas en Israël dans un temps de décadence, « chacun fait ce qui est bon à ses yeux » (Jug. 17, 8 ; 21, 25).

Cet état, manifesté chez quantité d’enfants de Dieu, et que nous venons de dépeindre, a amené quelques-uns à penser qu’ils devaient considérer ces croyants, appartenant aux différents systèmes de la chrétienté, comme des croyants « neutres », et qu’il est permis, en conséquence, de s’unir à eux et même de prendre la cène avec eux en certaines occasions. Certains croient même que c’est en maintenant une telle communion avec ces soi-disant « neutres » que l’on peut aujourd’hui réaliser l’unité de la famille de Dieu. C’est ce sujet qu’il est important d’examiner.

Rappelons d’abord que l’unité de la famille de Dieu est une précieuse chose, et elle est à la gloire de Dieu quant elle est réalisée (Jean 17, 20-21). Mais l’unité selon Dieu s’accompagne toujours de la vérité. Or l’assemblée du Dieu vivant est « la colonne et le soutien de la vérité » (1 Tim. 3, 15). Si cette dernière manque, l’unité n’est plus la vraie unité selon l’Écriture. L’unité sans la vérité peut même devenir un terrible instrument d’oppression, comme cela s’est montré dans l’église romaine, et parfois aussi ailleurs.

La question est donc celle-ci : « Peut-on appeler des chrétiens neutres ceux qui, ignorant volontairement les mauvaises doctrines qui ont provoqué des divisions parmi les saints, observent une attitude passive en présence de ces divisions, en allant rompre le pain indifféremment dans n’importe quel milieu ? ». Ne convient-il pas, au contraire, de considérer une telle attitude comme une opposition organisée contre la vérité et contre le témoignage de notre Seigneur ? N’est-il pas évident que l’on ne peut observer une position de neutralité lorsqu’on assiste à l’accomplissement des prédictions de l’apôtre aux anciens de l’assemblée d’Éphèse : « Il se lèvera d’entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux » (Act. 20, 30) ?

Lors de l’apparition de certaines hérésies, des assemblées ont dû refuser la communion à des frères qui avaient pris une telle attitude, attitude douteuse qui donnait lieu à des craintes sérieuses à leur égard. Ces assemblées ne purent supporter indéfiniment cette sourde hostilité qui mine la confiance des saints, et les affaiblit contre le mal. Elles avaient compris que la neutralité n’est pas possible en présence de fausses doctrines. D’ailleurs, nombre de ceux qui l’ont arborée n’ont pu s’y maintenir : ils ont fini par tomber dans le filet dans lequel ils avaient déjà mis le pied par le fait de leur neutralité. La neutralité est contraire aux principes scripturaires ; l’apôtre Jean y voyait, lorsqu’elle apparaissait, la complicité avec les faux docteurs : « celui qui le salue participe à ses mauvaises œuvres » (2 Jean 11).

L’expérience a donc démontré que vouloir rester neutre en présence du mal, c’est prendre parti pour le mal contre la vérité, et que si l’on ne travaille pas pour l’édification du corps de Christ de concert avec les saints qui se sont retirés de l’iniquité, il ne reste plus qu’à se tourner vers le mal. Or un chrétien, ou bien se trouve sur le terrain de l’Assemblée de Dieu, ou n’y est pas. Le Seigneur nous dit : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi ; et celui qui n’assemble pas avec moi, disperse » (Luc 11, 23). Il convient donc d’agir comme jadis Josué, lorsqu’il vit un homme se tenant « debout devant lui, son épée nue dans sa main, il alla vers lui et lui dit : Es-tu pour nous, ou pour nos ennemis ? » (Jos. 5, 13).

Bien-aimés, n’imitons pas le mal, mais le bien. « Celui qui fait le bien est de Dieu, celui qui fait le mal n’a pas vu Dieu » (3 Jean 11). Gardons-nous donc d’imiter certains chrétiens qui, sous couleur de neutralité, prétendaient rester purs de fausses doctrines ; en fait, ils en avaient retenu assez pour troubler les assemblées et égarer beaucoup d’âmes ; leur dissimulation bientôt mise eu jour, ils ont fini par prendre leur niveau.

D’autre part, retenons fermement les principes de la vérité, selon qu’il est écrit : « Achète la vérité, et ne la vends point » (Prov. 23, 23), si même en agissant ainsi, nous devions encore être qualifiés de frères « exclusifs ».

En rapport avec ce nom, attribué aux frères qui refusent la cène à tout chrétien restant sciemment en communion avec le mal, il est bon de rappeler ici un « fragment » paru dans le Messager 1882, page 380 : « On nous appelle exclusifs ; mais nous devons l’être. Comme au temps de Néhémie, nous ne pouvons bâtir la muraille sans que cette muraille soit exclusive. Pourquoi remettre en place ses portes et leurs barres, si ce n’est pas pour garantir et pour exclure ? Nous ne pouvons recevoir sincèrement la vérité précieuse d’un seul corps, sans qu’elle exclue toute vue sectaire. Pourrions-nous recevoir la vérité qu’il y a un seul Dieu, et tolérer ensuite les autres dieux des païens ? Or nous ne pouvons pas davantage recevoir la vérité du seul corps de Christ, et accepter en même temps les « plusieurs corps » de la chrétienté ».

Rappelons encore ces paroles de l’Éternel au prophète Jérémie, dans un temps où Il ne pouvait supporter plus longtemps l’iniquité du peuple d’Israël : « Si tu te retournes, je te ramènerai, tu te tiendras devant moi ; et si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche. Qu’ils reviennent vers toi, mais toi, ne retourne pas vers eux » (Jér. 15, 19-21).