Traité:Qu’est-ce que le monde est quelle en est la fin

De mipe
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Question sérieuse pour ceux qui sont du mondeJ.N. Darby

Je voudrais examiner la question ci-dessus, selon la lumière que l’Écriture nous fournit. Et dans cet examen, je n’oublierai pas que le monde dans lequel nous vivons a pris une forme chrétienne.

Et d’abord, qu’est-ce que le monde ? Les hommes sont portés à croire qu’il est aujourd’hui tel que Dieu l’a fait, et que toutes choses continuent comme elles étaient au commencement, avec cette seule différence que l’homme a fait de grands progrès dans le bien-être et la civilisation. Qu’il y ait eu progrès dans le bien-être matériel, personne ne le nie, quoique les hommes des temps passés eussent peut-être fait peu de cas de nos jouissances raffinées ; mais aussi longtemps que les passions existent, la différence n’est pas aussi grande qu’on le suppose. On a des télégraphes, des chemins de fer, des automobiles, des téléphones et des vaisseaux blindés ; mais je ne crois pas que l’on soit plus heureux pour cela. C’est encore une question de savoir si ces choses n’ont pas plus excité les passions qu’elles ne les ont satisfaites. Les enfants ne sont pas plus obéissants, les familles ne sont pas plus unies, les domestiques ne sont pas plus fidèles, plus respectueux, les maîtres ne sont pas meilleurs, les femmes ne sont pas plus fidèles. Moralement parlant, je ne vois pas ce que le monde a gagné. Il a très bonne opinion de lui-même, cela est vrai, et il se glorifie de ses forces : je ne sache pas que ce soit là un grand progrès. Le christianisme, comme lumière introduite dans le monde, a fait une différence. Les hommes ne font pas dans la lumière ce qu’ils font dans les ténèbres. Mais si nous regardons au-dessous de la surface, cette différence même est peu de chose. Quoi qu’il en soit, le monde n’est en aucune manière tel que Dieu l’a fait. Dieu a la souveraineté sur tout, et Il a patience avec le monde, mais Il ne l’a pas fait tel qu’il est aujourd’hui. Dieu a fait le paradis, mais c’est par le péché de l’homme que le monde est devenu ce qu’il est. Depuis que le péché est entré, le monde a déjà été détruit une fois à cause de sa méchanceté. De nos jours, on a la conscience que les choses ne peuvent continuer longtemps comme elles sont, et que nous sommes dans une crise de l’histoire du monde, crise qui se terminera par une grande catastrophe. Les uns nous diront que le mal est dans la démocratie et qu’il faut la réprimer ; d’autres, qu’elle seule peut sauver le monde : tous sentent que les choses ne peuvent pas continuer comme elles sont.

Je ne partage pas les jugements des hommes à cet égard. Mais ces craintes, même si elles sont exagérées, soit d’un côté, soit de l’autre, sont le fruit du travail incessant de quelque principe qui échappe à l’autorité humaine, elles sont la confession de l’instabilité de l’ordre auquel l’homme se confie : elles présagent, et dans l’histoire du monde elles ont toujours présagé quelque grand bouleversement, parce qu’elles étaient l’expression de la conscience d’une force cachée qui ébranlait les fondements de la société — c’est-à-dire que les passions sont plus fortes que ce qui les retient. Les liens de la société sont trop tendus ou trop faibles. Il y a moins de puissance dans ces liens que dans la force qui agit sourdement dans la société et qui tend à les rompre ; les uns voudraient relâcher ces liens pour donner libre cours à la puissance qui est à l’œuvre ; d’autres voudraient les resserrer davantage, dans l’espoir de contenir ou de briser cette puissance. Quelques-uns espèrent, le plus grand nombre craint, personne ne sait ce qui va arriver. « Après nous le déluge », voilà l’expression devenue proverbiale d’un tel état — l’expression acceptée de craintes générales. Le chrétien sait que Dieu est au-dessus de toutes choses, et il ne craint pas comme le monde, et, par conséquent, il est plus calme, plus clairvoyant, moins intéressé dans le maintien de formes particulières, et plus intéressé à juger l’effet des principes sur ces formes. Et si, à cet égard, il est vraiment enseigné de Dieu et guidé par Sa Parole, il saura quel sera le résultat de la crise, bien qu’un grand nombre de chrétiens eux-mêmes ajoutent encore aux illusions du monde, parce que parmi eux on rend un culte idolâtre à la capacité qu’on suppose à l’homme de faire le bien. Cependant, ces mêmes chrétiens commencent eux-mêmes à être mal à l’aise en présence des progrès que la papauté a faits et fait encore.

Qu’est-ce donc que le monde ? C’est un vaste système qui s’est formé après que l’homme se fut éloigné de Dieu, système qui s’est développé sans interruption, et dont Satan est actuellement le dieu et le prince. L’homme fut chassé du paradis où Dieu l’avait placé dans l’innocence et la paix. Sous l’influence de Satan, il abandonna Dieu pour suivre ses propres convoitises ; et ainsi Satan établit son pouvoir sur l’homme. Le chemin de l’arbre de vie fut fermé à celui-ci par la puissance divine. Ensuite, là même où Dieu l’avait fait vagabond, l’homme bâtit une cité qu’il embellit par les mains des ouvriers en airain et en fer, et dont il rendit le séjour agréable par ceux qui « touchent le violon et les orgues ». Mais l’homme était sans Dieu dans cette ville-là. Laissé « sans loi », le monde devint si méchant que Dieu dut détruire par le déluge toute la race humaine, excepté huit personnes. « Sous la loi », l’homme s’est plongé dans l’idolâtrie dont aucun avertissement prophétique n’a pu finalement le détourner. Dieu a envoyé Son Fils ; « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant point leurs offenses ». Mais l’homme n’a pas voulu de Christ, qui fut jeté hors de la vigne et tué. Le monde est un système dont l’origine remonte à la chute de l’homme, et qui a rejeté Dieu, dans la personne de Son Fils quand Il est venu en grâce ici-bas. C’est pourquoi le Seigneur dit du monde comme système : « Maintenant est le jugement de ce monde ». C’est là son état de péché. Mais c’est aussi un système dans lequel l’homme a été mis à l’épreuve de toute manière pour voir s’il pourrait être délivré d’un tel état. Dieu lui a donné des promesses, la loi, les prophètes, et Son propre Fils. C’est spécialement parmi les Juifs que cette épreuve a eu lieu ; cette nation était représentée sous la figure d’une vigne, dans laquelle le propriétaire vint chercher du fruit, mais il n’en trouva point. Les serviteurs du maître de la vigne, et même son fils unique, furent mis à mort. Et si nous regardons maintenant aux principes et aux motifs du monde, sont-ils autre chose que la convoitise des yeux, la convoitise de la chair et l’orgueil de la vie ? Le plaisir, le gain, la vanité et l’ambition, ne gouvernent-ils pas les hommes ? Je ne parle pas des exceptions, mais de ce qui caractérise le monde. Quand nous parlons d’hommes qui prospèrent et qui s’élèvent dans le monde, n’est-ce pas l’ambition et le gain qui sont en question ? Est-ce qu’il y a beaucoup de différence entre ce que Caïn faisait dans sa ville, et ce que les hommes font maintenant dans les leurs ? Si un Chinois, qui a entendu parler de Christ et du christianisme, venait à Londres, ou à Paris, ou à Rome, pour voir ce qui en est, trouverait-il, dans ces villes, la masse des hommes gouvernée par d’autres motifs que ceux qui gouvernent le monde, les hommes, à Pékin, Nankin, ou Canton ? Dans les premières villes comme dans les dernières, ne poursuit-on pas le gain, le plaisir, la puissance et la gloire ? Qu’est-ce que le monde dans ses motifs ? Un système dans lequel les hommes recherchent l’honneur l’un de l’autre, et non la gloire qui vient de Dieu seul. En un mot, le monde ayant rejeté le Fils de Dieu quand Il vint sur la terre, le Père L’a élevé à Sa droite en réponse à cet appel solennel du Bien-aimé : « Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que c’est toi qui m’as envoyé ». Ensuite vient cette sentence : « Tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, n’est pas du Père, mais est du monde ».

On dira : Oui, mais le christianisme est maintenant dans le monde, et ce que vous dites ne s’adresse qu’au monde païen. Je réponds : « Le royaume de Dieu n’est pas en parole, mais en puissance ». Ce n’est pas seulement chez les païens qu’on trouve la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie ; ces choses se trouvent aussi, et dans une mesure plus grande encore, parmi les chrétiens eux-mêmes. Mais il est important de considérer le christianisme comme un système, non seulement parce que la foi le reconnaît comme la vérité et la vraie révélation de Dieu en Christ, mais aussi parce qu’il a formé le monde dans son état actuel. Si je veux rechercher ce qu’est le monde, il faut que je considère, non pas les païens ou les mahométans, mais la chrétienté ; car c’est la chrétienté qui caractérise l’état du monde. Or, j’ai déjà parlé des motifs qui gouvernent les hommes dans la chrétienté : le plaisir, le gain, l’ambition, la vanité. On peut poursuivre ces choses et garder une bonne réputation devant les hommes, c’est seulement un nouveau piège dans lequel on tombe, et qui fait de l’homme un pharisien, ou les poursuivre sans conscience. Mais on poursuit ces choses, et, moralement, l’homme est ce qu’il poursuit : il est cupide, si c’est le gain ; ambitieux, si c’est le pouvoir ; homme de plaisir, si c’est le plaisir, et ainsi de suite.

Mais considérons la chrétienté elle-même. Au commencement, la manifestation de la grâce et de la puissance de Christ par le Saint Esprit, en élevant des hommes au-dessus des motifs humains, en les unissant en un seul cœur dans la jouissance des choses célestes, en leur donnant de prendre les uns des autres un soin que le monde ne connaît pas, en réalisant ce que c’est que d’être mort au monde, chose qui est l’opposé même du principe de l’existence du monde — pure dans sa marche et sans égoïsme dans ses voies — l’Église attirait nécessairement sur elle-même l’attention d’un monde qui lui était hostile, et qui cependant l’admirait. Or, pendant des siècles, ce qui s’appelle par excellence l’église, a été le siège d’une ambition jalouse et tortueuse, de perfidie et de crimes de toute sorte, de puissance hautaine, de luxe mondain, de mal. Le nom des hommes qui ont été les plus fermes appuis de ce qui s’appelle l’église, est devenu, dans le langage ordinaire, la désignation des hommes faux, rusés et sans conscience. Le monde a été poussé dans l’incrédulité par ce qui s’appelle l’église.

Prenez l’église grecque. Où l’ignorance règne-t-elle souverainement ? Là où le clergé est influent. Dans l’église romaine où tout paraît beau quant à la profession, l’incrédulité domine dans toute la partie intelligente des populations qui la composent. Dans le protestantisme où tout est connu, chacun sait jusqu’à quel point il est tombé dans l’incrédulité. Le christianisme ajoute seulement ce nouveau trait à l’histoire du monde, savoir : que la pire corruption y a été introduite, la corruption de ce qu’il y a de plus excellent. La Réformation eut pour cause principale l’iniquité intolérable de l’église. Cette iniquité avait été prédite par les apôtres, de sorte que loin d’ébranler la foi de celui qui lit et croit la Parole de Dieu, elle la confirme ; mais cet état de choses enseigne que l’existence de la chrétienté n’est pas la preuve que Satan ne soit plus le prince et le dieu de ce monde ; au contraire, la chrétienté est, pour ainsi dire, la plus éclatante démonstration de cette vérité ; car ce qui était donné comme un témoignage de Dieu, le christianisme, Satan s’en est emparé et en a fait le siège de sa puissance et de sa corruption. Si nous prenons la chrétienté comme un tout, que voyons-nous ? Le mahométisme a dominé en Orient, la papauté en Occident. Le nord de l’Europe a été délivré de cette dernière, mais quel est son état ? Il est dominé par l’incrédulité ou par des tendances papistes. Au milieu de tout ce mal, je ne doute pas que l’Esprit de Dieu n’agisse et que le bien ne se fasse. Je le crois et j’en bénis Dieu. Mais cela n’est pas le monde ; c’est un pouvoir qui en est distinct et qui agit au milieu de lui. Par son influence sur le monde et sur les gouvernements, la papauté a fait plus de progrès pendant ces trente dernières années que la puissance de la vérité. On peut le déplorer, mais on ne peut le nier. La culpabilité du monde est beaucoup plus grande depuis que le christianisme y a été introduit. Mais il n’a pas cessé d’être le monde.

Souvenez-vous, cher lecteur, que c’est à la mort de Christ que Satan reçut le titre de prince de ce monde, et quant à son influence religieuse, il est appelé le dieu de ce monde qui aveugle les pensées des incrédules. Dieu n’a appelé Satan le prince de ce monde, qu’après qu’Il eut mis le monde à l’épreuve et qu’il fut démontré quel était son prince. Lorsque le monde suivit complètement Satan en rejetant le Fils de Dieu (les quelques-uns qui croyaient en Lui l’ont confirmé en se sauvant, poussés par la frayeur), alors ce titre lui fut donné. Il n’en pouvait être ainsi quand le trône de Dieu était à Jérusalem ; mais lorsque le vrai gouverneur du monde fut rejeté, alors il est clair que Satan était son prince. Les intrigues pour la puissance quand l’empire devint chrétien ont prouvé, non pas l’exclusion de Satan du trône du monde, mais que son autorité s’est établie sur ce qui s’appelle l’église. Sans doute, aux yeux de Dieu et de la foi, la croix donna le coup de mort à la puissance de Satan, mais elle ne lui donna pas le coup de mort dans le monde. Dans le monde, la croix était une victoire pour lui. Mais Christ fut élevé à la droite de Dieu, jusqu’à ce que Ses ennemis soient mis pour le marchepied de Ses pieds. Les hommes ont donc heurté contre la pierre, et quand elle tombera sur eux en jugement, elle les réduira en poudre.

Or, quoique la domination de Satan dans son caractère religieux soit la pire des dominations, quoique sous ce caractère elle soit même plus horrible que lorsque la bête blasphématrice rugit (Apoc. 17), comme on peut voir en lisant le caractère de la seconde bête, cependant Satan règne partout seulement par les motifs corrompus du cœur de l’homme. À ces moyens, que Satan emploie pour exercer son pouvoir, on peut ajouter les craintes d’une mauvaise conscience. Il égare les hommes par leurs convoitises et leur donne ensuite sa religion pour tranquilliser leurs consciences qu’il ne peut pas purifier. Il fait de la religion (caractérisée par certaines formes qui frappent l’imagination et par une grande activité dans ce que la chair peut accomplir), il fait de la religion un instrument de pouvoir au profit de ceux qui gouvernent de sa part ; il excite les passions des hommes à combattre pour leur religion comme pour quelque chose en quoi leur honneur et leurs intérêts sont en jeu ; la religion devient ainsi l’activité de la chair pour soutenir superstitieusement, ou dans des vues d’intérêt, un système pour la conservation duquel on ne recule devant aucune méchanceté, de sorte que la méchanceté devient une méchanceté religieuse et que la conscience pense rendre service à Dieu, tandis que Satan, par ses ruses, dirige tout cela à ses propres fins. De plus, en dehors de ce système direct du pouvoir de Satan, c’est lui qui gouverne le monde chrétien — comme tout le reste et plus que le reste — par les convoitises ordinaires des hommes. La recherche du gain est plus ardente que jamais, et on a moins de scrupule pour l’acquérir ; en dépit de Christ, le plaisir gouverne les hommes, comme il les gouvernait quand il n’y avait pas un tel motif pour le modérer ; plus que jamais, la guerre exerce ses horreurs, l’oppression est plus étendue qu’autrefois : tandis que, malgré les vanteries des hommes, la puissance nominale du christianisme a des limites plus restreintes qu’au septième siècle, alors qu’il régnait sur l’Afrique connue, remplissait l’Asie, et était presque la religion dominante en Chine.

Tel est le monde qui est attaché aux choses du monde : la grandeur, la puissance, le plaisir et le gain — et non à Christ ; il est ainsi l’esclave de celui qui gouverne le monde par ces motifs. Au lieu de détacher les âmes de ces principes mondains, le système extérieur du christianisme en est le foyer et le siège principal, et là où n’existe pas l’influence concentrée de ces motifs, on trouve à la place la philosophie et l’incrédulité.

Quelle sera donc la fin d’un tel monde ? Le jugement ! un prompt jugement ! Quant au jour et à l’heure, personne ne les connaît. Ce jour viendra comme un larron dans la nuit. Le monde ne deviendra réellement pas meilleur. On le croit bien cependant ; et cette pensée manifeste qu’on a confiance en l’homme, dans le développement et les énergies de l’homme. Et non seulement on croit que l’homme deviendra meilleur, mais quelques-uns vont jusqu’à dire que le christianisme n’est qu’une phase de l’histoire de l’homme, et que nous allons entrer dans une phase plus excellente. Que sortira-t-il de tout cela ?

Le commerce, nous dit-on, civilise ; l’éducation agrandit et perfectionne l’intelligence. En effet, le commerce fait disparaître la grossièreté et la violence, mais le gain en est le motif. L’ardente recherche du gain tend à détruire des motifs plus élevés, et fait qu’on en vient à attacher une valeur morale à l’argent et à l’égoïsme. Le commerce n’a nulle part élevé le ton de la société, mais le contraire. Il n’a pas arrêté les guerres, il en a occasionné plusieurs. Les nations commerçantes sont en général les moins scrupuleuses et les plus ardentes au gain. On peut présenter des excuses, mais il n’y a qu’une nation commerçante qui voudrait faire une guerre pour vendre de l’opium.

Et l’éducation qu’a-t-elle fait ? Elle agrandit l’intelligence : soit ! elle le fait. Change-t-elle les motifs qui gouvernent le cœur ? En aucune manière. Les hommes ont plus d’éducation qu’autrefois, mais quel est le changement ? L’influence de la superstition est-elle réellement diminuée ? Nullement : au contraire, l’incrédulité produite par la confiance dans l’intelligence de l’homme, a forcé ceux qui ne sont pas personnellement affermis dans la vérité divine à se jeter dans la superstition pour trouver du repos. L’un des plus mauvais signes du temps présent — et qu’on peut observer partout — c’est que la délivrance de la superstition et de l’erreur n’a pas lieu maintenant par le moyen de la vérité positive, mais se caractérise comme le libre-penser, cette liberté qui ne tient à aucune vérité, qui n’en connaît point, mais qui doute de toute vérité, liberté qui ne fait que détruire. Allez où vous voudrez : dans l’Inde, en Angleterre, en Italie, en Russie, ou en Amérique, la délivrance de la superstition ne se fait pas par le moyen de la vérité, mais par l’incrédulité à l’égard de toute vérité connue. La vérité bénie de l’évangile est comme une goutte d’eau dans l’océan de la pensée et de l’erreur de l’homme. Pour dissiper les ténèbres, beaucoup de chrétiens, au lieu de compter sur l’Esprit et la Parole de Dieu, comptent sur ce qu’ils appellent le progrès. On sert ainsi les intérêts de la papauté et de l’autorité absolue de l’église ; l’âme ne connaissant pas la vérité pour elle-même, ceux qui craignent, avec raison, les impudentes prétentions de la pensée humaine, qui, satisfaite du droit de juger, n’a aucun goût, aucun intérêt quelconque pour la vérité elle-même ; ceux, dis-je, qui rejettent ces prétentions et qui ne sont pas personnellement affermis dans la vérité, se jettent dans le papisme. D’un autre côté, l’absence complète de la vérité dans ce qui s’appelle l’église, les prétentions qu’elle manifeste malgré l’absence de bons fruits, plongent même des esprits droits dans le gouffre de ces prétentions de l’intelligence humaine qui ne possède aucune vérité quelconque. Le combat du jour est évidemment entre la superstition et les prétentions de l’intelligence humaine (c’est-à-dire de l’incrédulité quant à toute vérité positive, toute base certaine de la vérité, ou toute vérité acquise et reconnue). La superstition ni l’incrédulité ne connaissent aucune vérité, et n’ont aucun égard pour elle. L’une reconnaît l’autorité, l’autre en est le rejet. L’une est appelée l’église, l’autre la libre pensée. Ni l’une ni l’autre ne connaissent la foi dans la vérité. J’en appelle à toute personne intelligente : Ne voyons-nous pas, d’un côté, la revendication de l’autorité ; et, de l’autre, la pensée de l’homme se manifestant en dehors de la vérité ? Personne ne sait où est la vérité ; l’occupation de l’homme est de combattre toute prétention à la posséder de fait. Et l’une n’est pas meilleure que l’autre : l’autorité ecclésiastique a toujours été très hostile au peuple de Dieu, comme le jugement de Babylone montre que tout le sang des saints a été trouvé en elle ; et l’autre, la libre pensée, n’est qu’une révolte de l’homme contre Dieu, qui finira par la destruction du rebelle.

Il est aussi nécessaire, si on veut connaître l’état du monde, de considérer son aspect religieux que les motifs plus vulgaires qui le gouvernent. Grâces à Dieu, au milieu de toute cette scène, l’Esprit de Dieu agit pour la bénédiction de quelques-uns ; mais cela n’affecte pas l’état du monde. C’est un phénomène frappant que là où le libéralisme, ou parti incrédule, est libre, là où il n’est pas opprimé par la papauté, il préfère la papauté à la vérité. La vérité est divine, et on ne peut pas la supporter ; la papauté est humaine, et pour elle le libéralisme sera libéral, mais non pas pour la vérité. Ainsi les gouvernements, à moins qu’ils ne soient trop rudement pressés par la papauté, sont ses ministres complaisants, parce que c’est un pouvoir politique puissant et sans scrupule. La vérité n’est pas l’affaire propre des gouvernements ; si elle se produit et se fait sentir, elle les incommode. Tout ceci a une tendance évidente qui est de donner force à la superstition aussi longtemps que les gouvernements la soutiennent ; mais, quand la volonté de l’homme se manifeste avec force, il y a des bouleversements et la destruction de tout le système. Un exemple bien connu de ceci s’est vu à la révolution française.

Si nous considérons les États-Unis qui, pour beaucoup, sont la partie la plus intéressante du nouveau monde, que voyons-nous ? Une grande profession et une grande activité religieuse, mais les églises ont été les principaux promoteurs de l’horrible guerre qui a désolé ce pays ; les chrétiens y sont plus mondains que le monde, l’argent est l’influence suprême ; l’ivrognerie, en partie réprimée par la loi, y exerce de grands ravages ; on y entend sans cesse des jurements profanes ; on y est démoralisé par la corruption qui est la conséquence de l’absence de la vie de famille. Et cependant, là règnent l’intelligence, l’activité, l’énergie, l’éducation. Aucune des entraves supposées de l’ancien monde n’y existe. Tous ceux qui ont été dans cet immense pays, ont pu voir l’étonnant développement de l’énergie de l’homme ; mais moralement, quel spectacle il présente !

Le monde a donc été malade dès son origine, car on ne peut pas nier les horreurs de l’idolâtrie. Ensuite, l’homme a corrompu le christianisme qui n’a pas réformé le monde, et la chrétienté est actuellement le siège de la plus grande corruption. Le commerce, l’une des choses qui contribuent à la civilisation, absorbe les hommes par le motif le plus vil — l’argent ; il est totalement indifférent pour la vérité et l’élévation morale : pour le commerce, un homme de bien est celui qui a des capitaux. L’éducation aussi qui délivre l’homme de ce qui est grossier, n’a pas, malgré ses prétentions, changé les motifs ni amélioré le moral des hommes ; elle ne les a pas même délivrés de la superstition, sauf en tant qu’elle a mis de côté toute vérité positive, toute base certaine de vérité ; de sorte qu’en nourrissant l’incrédulité d’un côté, on rive les fers de la superstition de l’autre. J’en appelle aux faits. Ce qui caractérise l’activité de l’Angleterre en ce moment, n’est-ce pas le papisme et le puséysme d’un côté, et l’incrédulité de l’autre ? Ailleurs, ce n’est pas autre chose. Quelle que soit la patience de Dieu envers les hommes, et quelque béni que soit le témoignage de Sa grâce, Dieu ne sera pas à tout jamais le spectateur indifférent de la puissance de la superstition, et de l’audacieux rejet de la vérité par ceux qui se disent les amis de la vérité, tandis qu’ils en renversent les fondements. Dieu peut rendre témoignage, et Il le fait aussi longtemps que les âmes peuvent être gagnées et délivrées ; mais supportera-t-Il à jamais la puissance du mal ? Certainement non ! Il permettra que la coupe de la fausseté et de la méchanceté se remplisse ; Il déclare que les méchants et les imposteurs iront en empirant, mais c’est pour eux-mêmes qu’ils remplissent la coupe de la colère. Dieu a patience jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de remède. L’iniquité des Amoréens, dit-Il, n’est pas encore venue à son comble ; mais ensuite Il ôtera le mal et bénira la terre.

Mon but n’est pas d’entrer ici dans aucun détail quant à la prophétie ; j’en ai parlé ailleurs. Mais ce qui est très clairement exposé dans l’Écriture, c’est que le monde s’en va au-devant du jugement, c’est que la puissance du mal sera renversée par la puissance divine. Je ne parle pas du jugement des morts et des secrets des cœurs devant le grand trône blanc, mais du jugement de ce monde visible. Dieu a arrêté un jour dans lequel Il jugera ce monde habitable (telle est la force du mot οἰϰουμένη) en justice par l’homme qu’Il a destiné pour cela, de quoi Il a donné une preuve certaine à tous, L’ayant ressuscité d’entre les morts. L’homme a multiplié ses transgressions, et il continuera ainsi jusqu’à ce que le jugement arrive. Le péché capital du monde, celui par lequel son vrai caractère s’est montré, c’est le rejet et la mort de Christ. Mais Celui que le monde a rejeté, Dieu L’a ressuscité d’entre les morts et Lui a donné tout pouvoir de juger. Tout genou ploiera devant Lui, et plus on se sera opposé à Lui et plus on L’aura audacieusement rejeté, plus aussi le jugement sera terrible. Il faut que l’orgueil, la vanité et les prétentions de tout homme soient abaissés (És. 2, 10-22 ; 24, 19-23 ; 26, 21 ; Zach. 3, 8). Il en sera de même du système corrompu et idolâtre (Apoc. 16, 19 ; 17, 1-6 ; 18, 21-24). Et ainsi encore de la puissance hautaine et de la rébellion de l’homme (Apoc. 16, 13-14 ; 19, 11-21). Ce sont des figures, sans doute, mais des figures dont la signification est assez claire (voyez Dan. 2, 34-35 ; 7, 9-11).

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Telle est la fin du monde comme il est maintenant. Le christianisme professé par le monde augmentera la sévérité du jugement. Ceux qui auront connu la volonté de leur Maître, et qui ne l’auront pas faite, seront battus de plus de coups. Pouvons-nous dire que la chrétienté, telle qu’elle existe, ressemble le moins du monde à l’état céleste dans lequel se trouvent les disciples dans le Nouveau Testament ? Il est vrai qu’ils furent bientôt déchus de cet état, et que le mal entra parmi eux. Mais le même récit nous dit aussi que la chrétienté deviendra de plus en plus méchante, et qu’elle mûrira pour le jugement qui l’attend certainement. Fuyez la colère à venir.



  1. Publié dans l’Écho du Témoignage de 1864.