Traité:Gédéon et ses compagnons

De mipe
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(Juges 6-8)
Traduit de l’anglais
C.H. Mackintosh

Première partie

En étudiant l’histoire de la nation israélite, nous remarquons deux époques différentes : celle de l’unité et celle de l’individualité — la période dans laquelle les douze tribus agissaient comme un homme, et celle dans laquelle un homme était appelé à agir pour les douze tribus. Le livre de Josué illustre pour nous la première de ces époques, et celui des Juges la seconde. Une lecture, même superficielle, suffit pour faire saisir la différence entre ces deux livres. Nous voyons que l’un est caractérisé par la puissance et la gloire, tandis que l’autre l’est par la faiblesse et les chutes. Celui-là nous montre Jéhovah donnant le pays à Israël ; celui-ci Israël négligeant de s’emparer du pays que Jéhovah lui a donné.

Tout cela est exprimé dans ces deux mots qui résument pour ainsi dire ces deux livres : « Guilgal » et « Bokim »[1]. C’est toujours de Guilgal, voyons-nous dans le livre de Josué, que le peuple part pour la guerre ; c’est là qu’il revient pour célébrer sa victoire. Guilgal était leur centre, parce que c’était là qu’ils avaient été circoncis, là que l’Éternel avait roulé de dessus eux l’opprobre de l’Égypte. Voyez Josué 5, 9, 10.

Mais, à peine avons-nous ouvert le livre des Juges, que nous y voyons ce triste récit : « Et l’Ange de l’Éternel monta de Guilgal à Bokim, et dit : Je vous ai fait monter d’Égypte, et je vous ai introduits dans le pays que j’avais promis par serment à vos pères, et j’ai dit : Je ne romprai jamais mon alliance avec vous ; et vous, vous ne traiterez point alliance avec les habitants de ce pays, vous démolirez leurs autels. Et vous n’avez pas écouté ma voix. Pourquoi avez-vous fait cela ? Et aussi j’ai dit : Je ne les chasserai pas de devant vous, et ils seront à vos côtés, et leurs dieux vous seront en piège. Et il arriva que comme l’Ange de l’Éternel disait ces paroles à tous les fils d’Israël, le peuple éleva sa voix et pleura. Et ils appelèrent le nom de ce lieu-là Bokim ; et ils sacrifièrent à l’Éternel » (Jug. 2, 1-5).

Ici donc nous voyons signalé d’une manière bien remarquable le contraste entre les deux livres de Josué et des Juges, le livre de l’unité et celui de l’individualité — le livre de la puissance et de la gloire extérieure, et celui de la faiblesse, des chutes et de la ruine. Hélas ! hélas ! la gloire a bien vite disparu ! La grandeur nationale d’Israël s’est bien vite flétrie ! « Et le peuple servit l’Éternel tous les jours de Josué, et tous les jours des anciens dont les jours se prolongèrent après Josué, et qui avaient vu toute la grande œuvre de l’Éternel qu’il avait faite pour Israël. Et Josué, fils de Nun, serviteur de l’Éternel, mourut, âgé de cent-dix ans… Et toute cette génération fut aussi recueillie vers ses pères ; et, après eux, se leva une autre génération qui ne connaissait pas l’Éternel, ni l’œuvre qu’il avait faite pour Israël. Et les fils d’Israël firent ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, et servirent les Baals… et ils abandonnèrent l’Éternel et servirent Baal et Ashtaroth. Et la colère de l’Éternel s’embrasa contre Israël ; et il les livra en la main de pillards qui les pillèrent ; et il les vendit en la main de leurs ennemis. Partout où ils sortaient, la main de l’Éternel était contre eux en mal, comme l’Éternel avait dit, et comme l’Éternel le leur avait juré ; et ils furent dans une grande détresse » (Jug. 2, 7-15).

Voilà qui est bien triste et humiliant ! Le glaive de Josué était rentré dans le fourreau. Ils étaient passés, ces jours glorieux où il avait conduit ses armées à la victoire sur les rois cananéens. L’influence morale de Josué et des anciens qui lui avaient survécu ne se faisait plus sentir : tout le peuple s’était précipité tête baissée dans les péchés grossiers et dans l’idolâtrie des nations qu’ils auraient dû exterminer de devant eux. En un mot, la ruine était complète pour ce qui concernait Israël. Comme Adam en Éden et Noé sur la terre après le déluge, ainsi Israël faillit complètement dans le pays de Canaan. Adam mangea du fruit défendu ; Noé s’enivra, et Israël se prosterna devant les autels de Baal.

Tel est l’homme. Mais grâces à Dieu, il y a un autre côté au tableau. Il y a ce que nous pouvons appeler un brillant et beau : « Néanmoins », car Dieu restera Dieu, n’importe ce que l’homme peut être en lui-même. C’est là un soulagement et une consolation inexprimables pour le cœur. Dieu demeure fidèle. Voilà la victoire de la foi, quoiqu’il arrive. Il faut toujours compter sur la fidélité de Dieu, en dépit des chutes et des défaillances de l’homme. Sa bonté et Sa fidélité sont la ressource et le refuge de l’âme dans les jours d’affliction et d’obscurité.

Cette vérité si propre à soutenir l’âme brille avec un éclat remarquable dans les paroles qui suivent la citation que nous avons faite : « Et l’Éternel suscita des juges ; et ils les délivrèrent de la main de ceux qui les pillaient » (Jug. 2, 16). Mais remarquez les paroles qui suivent et qui caractérisent si bien le livre des Juges : « Et quand l’Éternel leur suscitait des juges, l’Éternel était avec le juge, et les délivrait de la main de leurs ennemis pendant tous les jours du juge ; car l’Éternel avait pitié à cause de leur gémissement devant ceux qui les opprimaient et qui les accablaient » (Jug. 2, 18).

Cette dernière citation nous montre le grand principe qui se retrouve dans tout le livre des Juges. Nous avons là le secret qui nous explique le succès des Barak, des Gédéon, des Jephthé et des Samson, dont le ministère nous est raconté dans cette portion si intéressante du livre sacré. Israël avait failli, et cela de la manière la plus triste et la plus honteuse. Ils avaient perdu tous les droits à la protection de Dieu. Ils furent donc livrés aux mains impitoyables des rois cananéens ; c’était la juste conséquence de leur conduite. Néanmoins, le cœur de Jéhovah était ému en faveur de Son peuple d’Israël opprimé et gémissant. Sans doute, ils s’étaient montrés méchants et indignes, mais Son oreille était toujours prête à recueillir leurs plus faibles gémissements ; oui, il nous est même dit que « son âme fut en peine de la misère d’Israël » (Jug. 10, 16).

Quelles touchantes paroles ! Quelle exquise tendresse ! Quelle profonde compassion ! Comme une telle déclaration nous fait pénétrer dans les profondeurs du cœur de Dieu ! Le cœur aimant de Jéhovah était ému de compassion pour Son peuple. Les premiers et les plus faibles symptômes de contrition manifestés par Israël trouvaient aussitôt auprès du Dieu d’Israël une réponse pleine de grâce. Ils s’étaient égarés, ils s’étaient rendus coupables de graves péchés, de chutes coupables. N’importe, Dieu était toujours prêt à accueillir les plus faibles soupirs d’un cœur brisé. Les sources de la compassion et de la miséricorde divines sont absolument inépuisables. Son amour est un océan sans limites et sans fond ; aussi pardonne-t-Il dès que Son peuple fait confession, prenant plaisir à agir, selon Ses grandes compassions et pour la gloire de Son nom. Sa joie est d’effacer nos transgressions, de guérir, de restaurer, de bénir d’une manière digne de Lui. Cette glorieuse vérité brille dans l’histoire d’Israël, dans celle de l’Église et dans celle de chaque croyant individuellement.

Mais il est temps que nous en venions à ce qui est proprement notre sujet, savoir « Gédéon et ses compagnons », comme le porte notre titre. Veuille l’Esprit éternel appliquer à nos âmes les leçons qu’Il nous y fera trouver.

Le chapitre 6 commence par un récit bien triste qui ne caractérise que trop l’histoire tout entière d’Israël : « Et les fils d’Israël firent ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel ; et l’Éternel les livra en la main de Madian pendant sept ans. Et la main de Madian fut forte sur Israël. À cause de Madian les fils d’Israël se firent les antres qui sont dans les montagnes, et les cavernes et les lieux forts » (Jug. 6, 1, 2). — Quel humiliant tableau ! Quels revers pour l’Israël de Dieu ! Quel contraste avec les triomphes de l’armée qui avait traversé le Jourdain et marché sur les ruines de Jéricho ! Qu’il est triste et humiliant de penser que pour se dérober aux poursuites des Madianites incirconcis, Israël est réduit à se cacher dans les lieux forts et les cavernes des montagnes !

Il y aura profit pour nous à considérer ce tableau et à méditer la leçon qu’il renferme. La puissance et la gloire d’Israël consistaient uniquement en ce que Dieu était avec eux. Sans cela, ils n’étaient que de l’eau répandue sur le sol, que la feuille d’automne balayée par le vent. Mais si le mal était toléré en Israël, il ne pouvait jouir de la présence de Dieu. C’est pourquoi, quand Israël dans ses égarements se laissait aller à l’idolâtrie, le Seigneur le rappelait à son devoir en étendant Sa verge sur lui et en le livrant entre les mains de l’une ou de l’autre des nations voisines.

Tout cela a quelque chose à nous dire et renferme une leçon pour nous. Aussi longtemps que les enfants de Dieu marchent devant Lui dans l’obéissance, ils n’ont rien à redouter ; ils sont parfaitement à l’abri des pièges et des attaques de leurs ennemis spirituels. Rien absolument ne peut leur nuire tant qu’ils sont en la présence de Dieu. Mais évidemment cette présence exige la sainteté tout en l’assurant. Elle est incompatible avec un mal non jugé. Vivre dans le péché et parler de sainteté, essayer d’allier la présence de Dieu avec le mal toléré, c’est le comble de la perversité. Non, il n’en doit pas être ainsi ! « Dieu est extrêmement redoutable dans l’assemblée des saints, et terrible au milieu de tous ceux qui l’entourent » (Ps. 89, 7). « Tes témoignages sont très sûrs. La sainteté sied à ta maison, ô Éternel, pour de longs jours » (Ps. 93, 5). Si le peuple de Dieu vient à oublier ces salutaires vérités, le Seigneur emploie la verge de la discipline pour les leur rappeler ; et béni soit Son nom, Il les aime trop, Ses enfants, pour leur épargner cette verge, quoi qu’il puisse Lui en coûter. « Le Seigneur discipline celui qu’il aime, et il fouette tout fils qu’il agrée. Si vous endurez la discipline, Dieu agit envers vous comme envers ses fils, car qui est le fils que le père ne discipline pas ? Mais si vous êtes sans discipline, à laquelle tous participent, alors vous êtes des bâtards et non pas des fils. De plus, nous avons les pères de notre chair qui nous ont disciplinés, et nous les avons respectés ; ne serons-nous pas beaucoup plus soumis au Père des esprits, et nous vivrons ? Car ceux-là disciplinaient pour un peu de temps, selon qu’ils le trouvaient bon ; mais celui-ci nous discipline pour notre profit, afin que nous participions à sa sainteté. Or, aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse ; mais, plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par ce moyen. C’est pourquoi redressez vos mains lasses, et vos genoux déjoints » (Héb. 12, 6-12).

Ce sont là, en tout temps, des paroles d’encouragement pour le peuple de Dieu. La discipline peut être pénible, et sans doute elle l’est ; mais si nous savons que c’est la main d’un Père qui l’exerce, et si nous réalisons quel en est le but, nos cœurs peuvent en recueillir les fruits paisibles de la justice. Tandis que si nous recevons la discipline avec impatience, avec un esprit de révolte, nous ne faisons que rendre nécessaire la continuation ou même l’aggravation de l’épreuve, car notre tendre Père ne nous abandonnera pas. Il veut à tout prix que nous Lui soyons unis dans la sainteté. Dans Sa grâce, Il prend notre parti contre nous-mêmes, soumet notre volonté rebelle et brise tout ce qui en nous fait obstacle au développement de la sainteté et de Sa grâce.

Oh ! quelle grâce infinie brille pour nous dans le fait que Dieu s’occupe de nos chutes et de nos inconséquences, de nos coupables égarements, de nos péchés et de nos infidélités pour nous en délivrer ! Rien de ce qui nous concerne ne Lui est étranger. Il connaît toutes nos aspirations intérieures et en tient compte. Il agit avec nous dans Sa sagesse infinie et dans Sa patience parfaite, ayant toujours en vue dans Sa grâce de nous rendre participants de Sa sainteté, et — pensée merveilleuse ! — d’imprimer en nous Sa nature et Son caractère. Sans doute ainsi, en présence de cette grâce et de cette miséricorde surabondante, nous pouvons dire : « Fortifiez les mains lassées et affermissez les genoux qui chancellent » (És. 35, 3).

Deuxième partie

Il y a dans le livre des Juges une vérité qui brille d’un éclat remarquable, c’est celle-ci, que l’action de Dieu se manifeste toujours, même dans les moments les plus sombres de cette histoire ; et de plus que la foi peut toujours compter sur Lui. Dieu ne trompe jamais un cœur qui se confie en Lui, non, jamais. Celui qui, s’emparant de la Parole avec la simplicité de la foi, regarde à Lui dans la chute même la plus profonde, dans l’infidélité la plus manifeste, ne sera jamais confondu.

C’est une vérité bien consolante et propre à nous encourager en tout temps et dans toutes les circonstances. En toutes choses l’homme pèche, ce n’est que trop vrai. Suivez-le partout où vous voudrez, voyez-le agir dans n’importe quelle sphère, c’est toujours la même triste histoire, ce sont toujours des infidélités, des chutes et la ruine. C’est toujours l’homme qui, en possession du plus beau capital et dans les circonstances les plus favorables, a fait banqueroute. C’est ce qui s’est vu depuis Éden jusqu’à aujourd’hui. Nous pouvons affirmer sans crainte d’être contredits qu’il n’y a pas eu une seule exception à cette loi fatale dans l’histoire de la race déchue d’Adam. C’est ce que nous ne devons jamais oublier, et ce que la vraie foi se rappelle toujours dans ses visions les plus sublimes. Ce serait le comble de la folie de vouloir dissimuler ce fait, que le mot ruine est imprimé en larges caractères sur toute l’histoire de l’homme du commencement jusqu’à la fin.

Mais, au milieu de tout cela, Dieu demeure fidèle. Il ne peut se renier Lui-même. C’est là le refuge assuré de la foi. Elle reconnaît franchement la ruine, mais elle compte sur Dieu. Elle ne méconnaît pas la chute, mais elle regarde à la fidélité de Dieu. Elle confesse la ruine de l’homme, mais elle compte sur les ressources de Dieu.

Tout cela ressort d’une manière frappante de l’histoire intéressante et instructive de Gédéon. Il était vraiment fait pour réaliser dans sa personne et dans ses expériences le fait de la condition déchue d’Israël. Le contraste entre Gédéon et Josué est aussi frappant qu’une chose peut l’être quant à leur condition et à leurs circonstances. Josué peut mettre le pied sur le cou des rois de Canaan. Gédéon dut battre son blé dans un coin pour le dérober aux Madianites. Le jour de Josué fut marqué par de glorieuses victoires ; celui de Gédéon fut celui des petits commencements. Mais le jour des petits commencements pour l’homme est celui des grandes choses pour Dieu. C’est ce que compris Gédéon. Sans doute il ne lui fut pas donné de voir le soleil et la lune arrêtés dans leur cours ou les villes des incirconcis rasées jusqu’au sol. Il vit simplement des gâteaux d’orge et des cruches brisées, plutôt que des miracles ou de remarquables événements. Mais Dieu était avec lui ; et c’était assez. « Et un ange de l’Éternel vint, et s’assit sous le térébinthe qui est à Ophra, lequel était à Joas, l’Abiézerite. Et Gédéon son fils battait du froment dans le pressoir, pour le mettre en sûreté de devant Madian. Et l’Ange de l’Éternel lui apparut, et lui dit : L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme » (Jug. 6, 11, 12).

Quel effet durent produire ces paroles sur Gédéon, qui se cachait dans le pressoir pour se mettre à l’abri des ennemis ! C’étaient des paroles venant du ciel pour élever son âme au-dessus des épreuves, des peines et des humiliations de la terre — paroles divines propres à redonner force et vigueur à son cœur triste et abattu. « Toi, fort et vaillant homme » ! Comme il devait être difficile pour Gédéon de recevoir de telles paroles et de se les appliquer ! Où était la puissance ? Où était la valeur ? Bien sûrement pas en lui-même, ni en ceux qui l’entouraient. Où étaient-elles donc ? Dans le Dieu vivant ; précisément là où Josué avait trouvé sa puissance et sa valeur. Il y a vraiment une ressemblance frappante dans les paroles qui sont adressées à ces deux éminents serviteurs de Dieu. Cette ressemblance est tout aussi marquée que la différence qui existe dans les circonstances où ils se trouvaient. Voici ce qui est dit de Josué : « Ne t’ai-je pas commandé : Fortifie-toi et sois ferme ? Ne te laisse point terrifier, et ne sois point effrayé ; car l’Éternel ton Dieu est avec toi partout où tu iras » (Jos. 1, 9). Et qu’est-il dit de Gédéon ? La même chose : « L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme » (Jug. 6, 12).

Précieuses paroles ! Accents propres à encourager et à fortifier ! Paroles de lumière, de vie et de puissance ! Et pourtant Gédéon était lent à se les approprier, lent à les saisir par cette puissance de foi qui réjouit le cœur de Dieu et glorifie Son nom. Combien souvent n’en est-il pas ainsi de nous ! Constamment, nous sommes en dessous des pensées et des plans de Dieu à notre égard. Nous sommes portés à raisonner sur nous-mêmes et nos circonstances, au lieu de croire Dieu et de nous reposer tranquillement sur Son amour parfait et Son infaillible fidélité.

Il en était ainsi de l’homme de Dieu dont nous nous occupons maintenant. La déclaration divine était claire, complète, absolue et inconditionnelle : « l’Éternel est avec toi… ». Dans ces paroles, il n’y avait matière à aucune question, à aucun doute, à aucune difficulté quelconque ; et pourtant voyez ce que Gédéon réplique : « Et Gédéon lui dit : Ah ! mon Seigneur, si l’Éternel est avec nous, pourquoi donc toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? Et où sont toutes ces merveilles que nos pères nous ont racontées, en disant : l’Éternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d’Égypte ? Et maintenant l’Éternel nous a abandonnés et nous a livrés en la main de Madian » (Jug. 6, 13).

Ici, c’est évident, Gédéon raisonne en regardant à ses circonstances. De là ce petit mot « si », ce si de l’incrédulité. On l’a dit avec beaucoup de raison : Voulez-vous être misérable, regardez au-dedans de vous ; voulez-vous être distrait, regardez autour de vous ; voulez-vous être heureux, regardez en haut, regardez à Jésus. Cela sera toujours vrai. Si nous sommes occupés de nous ou des hommes et des choses, c’est-à-dire de ce qui nous entoure, nous serons troublés et malheureux. Notre seule force, notre seule consolation, notre seule lumière, c’est d’avoir les yeux de la foi dirigés sur Jésus, et le cœur concentré invariablement sur Lui. Sans doute, les circonstances de Gédéon étaient aussi tristes que possible. Son horizon était couvert de sombres nuages. Mais il y avait un rayon brillant, bien propre à relever son esprit abattu, rayon émané du cœur même de Dieu et compris dans cette courte phrase qui renferme tant de choses : « L’Éternel est avec toi ! ». Il n’y avait pas là de si, pas de doute, pas de difficulté, pas de réserve ou de condition. Cette déclaration était claire et absolue ; il ne fallait qu’une chose pour qu’elle devint une source de joie, de force et de victoire dans l’âme de Gédéon, c’était qu’elle fût mêlée avec la foi. Mais le si n’est pas de la foi. La vraie foi ne répond jamais par des si, par la simple raison qu’elle regarde seulement à Dieu, et qu’il n’y a pas de si quand il s’agit de Lui. La foi ne juge pas Dieu par les circonstances, mais les circonstances par Lui. La seule difficulté pour la foi est renfermée dans cette question : Comment ne le ferait-Il pas ? Elle ne dit jamais : « Comment fera-t-Il ? ». Ce serait le langage de l’incrédulité.

Mais quelqu’un dira peut-être : le si et les pourquoi de Gédéon n’ont-ils aucune raison d’être ? Aucune, certainement, ni en Dieu, ni en Sa parole, quels qu’aient pu être les actes d’Israël. Sans doute, si Gédéon avait seulement jeté les yeux sur son passé et sur l’histoire de son peuple, il aurait parfaitement compris les raisons de la triste et humiliante condition dans laquelle il se trouvait lui-même. Ces tristes pages n’auraient que trop donné la réponse à cette question : « Pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? » (Jug. 6, 13). Les actes d’Israël avaient-ils obscurci les miracles éclatants de Jéhovah ? Non pas, bien sûrement, pour la foi. Dieu avait fait en faveur de Son peuple des choses grandes et glorieuses ; et le récit en subsiste toujours pour l’encouragement de l’âme. Sans doute, Israël était tombé, tombé de la manière la plus honteuse, et le récit de cette chute fournit aussi pour la foi une sérieuse réponse à la question de Gédéon : « Pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? ». La foi reconnaît le gouvernement de Dieu aussi bien que Sa grâce, et de plus elle s’incline, respectueusement soumise, devant tous les coups de Sa verge.

Il est bon de se souvenir de tout cela. Nous sommes trop disposés à l’oublier. Dieu, à certains moments, nous fait sentir Son autorité. Il ne peut admettre ce qui est contraire à Son nom et à Sa nature. C’est ce que Gédéon devait se rappeler. Israël avait péché, et c’était la raison pour laquelle ils étaient sous la verge représentée, aux jours de Gédéon, par la puissance madianite.

Gédéon, nous le répétons, était appelé à réaliser pratiquement la signification de toutes ces dispensations ; bien plus, à s’identifier avec son peuple opprimé et affligé, ce qui d’ailleurs était la part de tous les vrais serviteurs de Dieu en Israël ; car, ne faisant qu’un avec le peuple d’Israël, leur âme devait être exercée de la même manière. Fût-il un juge, un prophète, un sacrificateur ou un roi, tout Israélite devait participer aux peines et aux épreuves de son peuple. Quel cœur sincère, aimant véritablement Dieu et Son peuple, aurait voulu être exempté de ces saints et profonds exercices de l’âme ? C’est ce que réalisa plus que tous, le seul serviteur parfait qui fut jamais sur cette terre. Quoique personnellement exempt de toutes les conséquences du péché et de la chute d’Israël, quoique pur et sans tache, divinement saint dans Sa nature et dans Sa vie, Il voulut néanmoins, dans Sa grâce parfaite, s’identifier avec Son peuple dans ses épreuves et son humiliation. « Dans toutes leurs détresses, il a été en détresse » (És. 63, 9). Voilà ce qu’a fait notre bien-aimé Seigneur Jésus Christ ; et tous ceux qui en quelque degré participaient à Son esprit, devaient, selon leur mesure, boire à la même coupe, quoique personne ne pût s’élever jusqu’à Lui en cela non plus qu’en autre chose.

Mais, en comparant attentivement les paroles de l’ange à Gédéon avec sa réponse, il y a un point très intéressant à remarquer, et ce point caractérise tout particulièrement le livre des Juges. L’ange dit : « Le Seigneur est avec toi ». Gédéon répond : « Si le Seigneur est avec nous… ». Ceci renferme une instruction importante pour nous ; de plus, elle s’accorde parfaitement avec un passage déjà cité. C’est au chapitre 2, 18 : « Or, quand l’Éternel leur suscitait des juges, l’Éternel était aussi avec le juge » ; — il n’est pas dit « avec le peuple », remarquez-le. Mais quelle touchante grâce nous révèle ce qui suit : « … et les délivrait de la main de leurs ennemis pendant tout le temps de la vie du juge ; car l’Éternel se repentait lorsqu’il entendait les sanglots qu’ils jetaient à cause de ceux qui les opprimaient et qui les accablaient ».

Ceci est bien précieux à remarquer. Si Jéhovah devait cacher Sa face à Son peuple et le livrer pour un temps entre les mains des incirconcis, Son cœur était pourtant toujours plein d’amour pour eux et toujours sensible aux moindres indices de repentance de leur part. « Qui est un Dieu comme toi, pardonnant l’iniquité et passant par-dessus la transgression du reste de son héritage ? Il ne gardera pas à perpétuité sa colère, parce qu’il prend son plaisir en la bonté. Il aura encore une fois compassion de nous, et mettra sous ses pieds nos iniquités ; et tu jetteras tous leurs péchés dans les profondeurs de la mer. Tu accompliras envers Jacob ta vérité, envers Abraham ta bonté, que tu as jurées à nos pères dès les jours d’autrefois » (Mich. 7, 18-20).

Troisième partie

Rien de plus encourageant pour le cœur que de considérer la manière dont le Seigneur agit avec l’âme de Gédéon, et comment Il le prépare pour l’œuvre à laquelle Il l’appelait. Gédéon, comme c’est le cas pour nous, avait l’esprit rempli de si et de pourquoi, ces petits mots tout gros d’incrédulité. Le pauvre cœur humain est toujours lent à saisir la grâce dans toute son étendue ; nos faibles regards sont éblouis par la splendeur divine de la révélation. La foi toute simple peut seule se sentir parfaitement à l’aise en présence des riches manifestations de la bonté et de la miséricorde de Dieu. La foi ne dit jamais si ou pourquoi. Elle croit ce que Dieu dit, parce qu’Il le dit. Elle se repose en parfaite paix sur toute parole qui sort de la bouche de Dieu. L’incrédulité regarde aux circonstances et ne voit rien d’autre ; la foi regarde à Dieu et à Lui seul. De là l’immense différence qui existe dans leurs conclusions. Gédéon, jugeant par les circonstances, en conclut que Jéhovah avait abandonné Son peuple. Une foi simple l’aurait conduit à une conclusion opposée ; elle lui aurait montré et lui aurait rappelé que Jéhovah avait toujours été fidèle aux promesses qu’Il avait faites à Abraham, Isaac et Jacob, alors même que dans Son action gouvernementale Il avait dû détourner Ses regards de leurs offrandes criminelles. La foi compte toujours sur Dieu, et Dieu, béni soit Son nom ! honore toujours la foi. Il la crée d’abord, et ensuite Il y répond.

Non seulement Dieu, dans Sa grâce, honore la foi, mais Il condamne aussi nos craintes. Il s’élève au-dessus de notre incrédulité et fait taire tous nos raisonnements insensés. Ainsi, dans Ses dispensations à l’égard de Son serviteur Gédéon, Il semble ne pas tenir compte des si et des pourquoi. Réalisant Ses propres pensées, employant Ses propres ressources, Il remplit l’âme de Son serviteur d’une confiance et d’un courage qui devaient l’élever au-dessus de toutes les influences agissant autour de lui et de nature à l’abattre.

Et l’Éternel le regarda et lui dit : « Va avec cette force que tu as, et tu sauveras Israël de la main de Madian. Ne t’ai-je pas envoyé ? » (Jug. 6, 14). Nous avons ici le vrai secret de la force : « L’Éternel l’a regardé ». Il y avait une puissance divine dans ce regard ; si seulement Gédéon avait voulu la saisir ! Mais, hélas ! il était encore plein de questions : « Et il lui dit : Ah ! mon Seigneur, avec quoi sauverai-je Israël ? Voici mon millier est le plus pauvre en Manassé, et moi, je suis le plus petit dans la maison de mon père » (Jug. 6, 15).

Il en est toujours ainsi. L’incrédulité tourne les yeux en dedans sur elle-même ou en dehors sur les circonstances. Elle nous pousse à comparer les ressources dont nous disposons avec l’œuvre à laquelle Dieu nous appelle. L’Éternel a dit : « Va avec cette force que tu as ». Quelle était cette force ? En quoi consistait-elle ? Était-ce une grande fortune, une position élevée ou une grande puissance matérielle ? Rien de tout cela. L’Éternel l’avait regardé et lui avait dit : « Va avec cette force que tu as, et tu sauveras Israël ». C’était absolu, inconditionnel. Dès lors, que devenaient les avec quoi ou les comment de Gédéon ? Il était parfaitement évident que la force par laquelle il devait sauver Israël n’était pas en lui-même ni dans la maison de son père, mais dans le Dieu d’Israël. Peu importait que sa famille fût riche ou pauvre, qu’il fût petit ou grand. C’était Dieu qui allait l’employer, Dieu pour qui richesse et grandeur ne sont rien, Dieu qui pouvait employer à Son gré un gâteau d’orge ou une cruche brisée. C’était là un trait spécial du livre des Juges, que les divers instruments employés nous répètent tous : « Nulle chair ne se glorifiera devant Dieu ». Qu’il était humiliant pour les armées d’Israël d’avoir à combattre sous la conduite d’une femme (voir Jug. 4) ! Quelle humiliation encore pour l’orgueil humain d’être délivre par le moyen d’un homme « gaucher » (Jug. 3, 15).

Mais, d’un autre côté, nous voyons la gloire de Dieu éclater précisément dans la proportion où disparaît celle de l’homme. Plus humble est l’instrument, plus se montre la puissance de Dieu. Qu’importe au Tout-puissant si Son instrument est un gaucher ou non, un homme ou une femme, un nain ou un géant ! L’instrument n’est rien, Dieu est tout. Sans doute, Il daigne en employer, mais la puissance vient tout entière de Lui, et c’est à Lui qu’appartient toute gloire jusque dans l’éternité. Voilà ce que Gédéon avait à apprendre, comme Moïse et nous tous. C’est une précieuse leçon !

Nous sommes si prompts à nous croire capables d’accomplir telle ou telle œuvre placée devant nous, quand nous devrions nous rappeler que Dieu seul agit dans les œuvres qui s’accomplissent sur la terre. Toute notre capacité vient de Lui. Nous ne pouvons rien faire, et, si nous le pouvions, ce ne serait que le mal. La main de l’homme ne peut laisser qu’une trace souillée. Les œuvres des hommes périssent comme leurs pensées. L’œuvre de Dieu demeure pour toujours. Souvenons-nous-en, afin que, marchant humblement, nous nous appuyions toujours et uniquement sur le bras du Dieu vivant. C’est ainsi que l’âme demeure bien équilibrée, libre d’un côté de la confiance en elle-même et d’une excitation charnelle ; et, de l’autre, de la tristesse et du découragement. Si nous ne pouvons rien faire, la confiance en soi-même est le comble de la présomption. Si Dieu peut tout faire, c’est le comble de la folie de désespérer.

Mais, dans le cas de Gédéon comme pour tous les serviteurs de Dieu, il y a deux choses bien dignes d’attention à observer : d’abord le message divin tel qu’il est exprimé dans ces paroles importantes : « Ne t’ai-je pas envoyé ? » (Jug. 6, 14), ensuite l’assurance de la présence de Dieu qui est garantie à Gédéon par ces paroles : « Je serai avec toi » (Jug. 6, 16). Voilà ce qu’ont à se rappeler tous ceux qui veulent servir Dieu au milieu de leur génération. Ils doivent être assurés que le sentier qu’ils suivent a été tracé d’une manière distincte par la main de Dieu, et, de plus, avoir le sentiment de Sa présence avec eux tout le long du chemin. Faute de quoi, notre marche manquera toujours de fermeté et de constance : nous courrons d’une œuvre à l’autre ; nous entreprendrons une chose, et, après l’avoir poursuivie un certain temps, nous l’abandonnerons pour une autre. Nous travaillerons par accès seulement et par élans. « Bouillonnant comme les eaux, nous n’excellerons pas » (Gen. 49, 4). Il y aura toujours dans notre conduite quelque chose d’hésitant. Et là où manquent l’assurance et la stabilité, il ne peut y avoir de progrès.

Voilà pour nous tous des choses bien sérieuses à considérer. Il est extrêmement important pour tout serviteur de Christ, pour tout enfant de Dieu, qu’il soit à la place que Dieu lui a donnée et occupé de l’œuvre qu’Il lui a assignée. C’est ce qui lui donnera de la persévérance dans ses desseins, une élévation morale et une sainte indépendance, et c’est ce qui nous préservera aussi d’être ballottés à tout vent de doctrine par les opinions et les jugements des hommes. Si nous sommes assurés d’être à l’œuvre que le Maître nous a donnée à faire, quel privilège ! Les pensées de nos semblables à notre sujet ne seront alors pas plus pour nous que la pluie qui bat nos vitres.

Non pas, remarquons-le bien, que nous devions un seul instant garder et encore moins cultiver un esprit d’orgueilleuse indépendance. Loin de nous cette pensée ! Comme chrétiens, nous ne pouvons jamais dans un sens être indépendants l’un de l’autre. Comment le pourrions-nous, puisque nous sommes les membres les uns des autres ? Nous sommes unis l’un à l’autre et à notre chef ressuscité en gloire par l’Esprit qui est avec nous et en nous. L’individualité la plus accentuée — et notre individualité devrait toujours être aussi forte que notre unité est indissoluble — ne peut jamais toucher à la précieuse vérité qu’il y a un seul corps et un seul Esprit.

Tout cela est divinement vrai ; nous le reconnaissons avec actions de grâces. Mais, en même temps, nous devons insister sur le fait de notre individualité et de notre responsabilité personnelles. C’est ce qu’il faut maintenir énergiquement. Tout serviteur a affaire avec son maître, dans la sphère et dans l’œuvre particulière à laquelle il a été appelé. Il faut que chacun reconnaisse quelle est l’œuvre à laquelle il doit consacrer son temps et ses forces ; qu’il possède la sainte assurance et l’autorité que donne à l’âme cette puissante parole : « Ne t’ai-je pas envoyé ? ».

Mais vous direz peut-être : Nous, ne sommes-nous pas tous des Gédéon ou des Josué ? Nous ne sommes pas tous appelés à occuper une place aussi distinguée, à suivre une voie aussi élevée que ces illustres serviteurs. C’est vrai ; mais nous sommes tous appelés à servir, et il est essentiel pour tout serviteur de savoir et de comprendre à quoi il a été appelé, d’être assuré qu’il est dans le chemin que Dieu lui a tracé. Nous le répétons, s’il y a incertitude à cet égard, aucun progrès n’est possible.

Mais il y a plus que cela. Ce n’est pas assez de savoir que nous marchons par le chemin que Dieu nous a marqué. Nous devons réaliser la présence de Dieu, réaliser dans notre expérience ces précieuses paroles : « Je serai avec toi ». C’est là ce qui rend parfaite l’armure du serviteur. L’assurance que Dieu nous a appelés à l’œuvre que nous accomplissons et Sa présence en nous, c’est là tout ce dont nous avons besoin ; et, d’un autre côté, nous ne pouvons absolument pas avancer sans les posséder. Si nous les réalisons, peu importe qui nous sommes, ce que nous sommes, où nous sommes. Le Seigneur peut employer une faible femme, un gaucher, un gâteau de pain d’orge ou une cruche brisée. L’instrument n’est rien. Celui qui opère est tout. L’incrédulité peut s’écrier : « Ah ! mon Seigneur, avec quoi sauverai-je Israël ? Voici mon millier est le plus pauvre en Manassé, et moi je suis le plus petit dans la maison de mon père » (Jug. 6, 15). La foi peut s’écrier à son tour : Qu’importe tout cela si Dieu est pour nous ? A-t-Il besoin du riche ou du noble ? Que sont pour Lui la richesse et la grandeur ? Rien. Frères, vous voyez votre vocation, qu’il n’y a pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles… « Mais Dieu a choisi les choses folles de ce monde pour couvrir les hommes sages de honte ; et Dieu a choisi les choses faibles de ce monde pour couvrir de honte les choses fortes ; et Dieu a choisi les choses de ce monde, et les méprisées, et celles qui ne sont point, pour annuler celles qui sont ; en sorte que nulle chair ne se glorifie devant Dieu » (1 Cor. 1, 26-29).

Ce sont là des paroles bienfaisantes pour chacun de nous. C’est, pour tout serviteur de Christ, une bénédiction inexprimable d’être maintenu dans le sentiment habituel qu’il n’est absolument rien, de réaliser en quelque mesure la profondeur, la plénitude et la puissance de cette courte mais significative déclaration : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». S’il est séparé du cep, ne fût-ce que par l’épaisseur d’un fil, aucun sarment, quelle belle apparence qu’il ait, ne peut produire le moindre fruit. Pour être en état de produire des fruits agréables à Dieu, il faut que nous réalisions habituellement notre union vivante avec Christ, que nous vivions et demeurions en Lui par la foi jour par jour, heure par heure, moment par moment. C’est seulement si nous demeurons en Christ que la sève circule librement en nous et qu’elle produit le bourgeon et plus tard le fruit en sa saison.

Voilà le grand secret de la puissance. Demeurer uni au cep vivant. « Béni l’homme qui se confie en l’Éternel, et de qui l’Éternel est la confiance ! Il sera comme un arbre planté près des eaux, et il étendra ses racines vers le courant ; et il ne s’apercevra pas quand la chaleur viendra, et sa feuille sera toujours verte ; et dans l’année de la sécheresse, il ne craindra pas, et il ne cessera de porter du fruit » (Jér. 17, 7, 8).

Tout cela est absolument personnel : nous devons, chacun de nous, pour ce qui le concerne, nous attacher à Christ par la foi. Il est de la dernière importance pour les chrétiens d’être bien convaincus que le christianisme est une chose complètement individuelle. Il en est de même de notre repentance, de notre foi, de notre salut, de notre communion, de notre service et de notre récompense. Voyez les exhortations adressées aux sept églises dans l’Apocalypse 2 et 3. Remarquez ces mots soulignés : « Que celui qui a des oreilles… » « À celui qui vaincra… ». Que nous disent-ils, sinon de la manière la plus distincte et la plus évidente, que le caractère du christianisme est bien celui dont nous parlons ? Mais l’unité en serait-elle atteinte ? Pas le moins du monde. C’est un domaine qui reste parfaitement intact. « Il y a un seul corps et un seul Esprit ». C’est ce qu’il faut toujours maintenir avec soin, en dépit de la ruine et de l’état misérable de l’église professante. Néanmoins, les écrits de Jean sont éminemment individuels. Dès les premières lignes de son évangile jusqu’à la dernière phrase de l’Apocalypse, c’est le trait distinctif que nous remarquons. Il nous montre les Philippe, les Simon, les André, les Nathanaël venant à Jésus chacun individuellement. Il nous parle ici d’un des principaux d’entre les Juifs, là d’un pécheur samaritain que le Père attire à Jésus. Il nous parle du bon Berger qui appelle Ses brebis par leur nom, des sarments qui sont attachés au cep vivant. Voilà ce que nous voyons dans l’évangile de Jean. Dans les épîtres, nous trouvons, d’un bout à l’autre, le même principe. Il écrit à une dame élue, à son cher Gaïus ; et si, une fois, il parle de « l’église », ce n’est que pour pleurer sur sa gloire perdue et pour faire entendre, au milieu de ces ruines, cet avertissement adressé à des individus : « Prenez garde à vous ». Et l’Apocalypse finit comme elle commence, par un appel solennel fait à « celui qui entend ».

Quatrième partie

Plus nous étudions avec attention les voies de Dieu à l’égard de Gédéon, plus nous sommes frappés des moyens merveilleux qu’Il emploie avec lui. Comme tous les serviteurs de Dieu dans tous les temps, Gédéon dut passer par une époque de secrète discipline avant d’être propre à agir en public. La durée et le caractère de cette époque de préparation peuvent varier ; mais, soyons-en sûrs, ceux que Dieu emploie pour un service public ont été enseignés de Dieu en particulier. Il se trompe grandement, celui qui se hâte de se produire en public sans être préparé pour cela ; et cette préparation ne se fait qu’en secret, dans la présence de Dieu. C’est seulement dans la retraite et dans Sa communion que les vaisseaux se remplissent et que les instruments se forment pour Son œuvre.

C’est ce qu’il ne faut jamais oublier. Moïse dut passer quarante ans derrière le désert avant d’être propre à entreprendre un service public. David eut à paître les troupeaux de son père avant d’être appelé à gouverner le peuple d’Israël. Il tua en secret un lion et un ours avant de tuer Goliath en présence de tout le peuple. Malgré tout ce qu’il y eut de remarquable dans sa conversion et sa vocation, le grand apôtre des Gentils dut rester trois ans en Arabie. Après avoir passé trois ans et demi dans la société de leur Maître, les apôtres eurent encore à attendre avant d’être revêtus de la puissance d’en haut. Il en a toujours été ainsi pour ceux qui sont appelés à occuper une place élevée dans l’œuvre de Dieu. Et notre Maître bien-aimé Lui-même, quoiqu’Il n’eût sûrement pas besoin d’une éducation, ni d’une discipline, puisqu’Il était parfait, n’a-t-Il pas, pour nous donner un exemple, passé trente ans dans la retraite avant de paraître en public ?

Il y a là une instruction précieuse pour nos âmes. Recevons-la et profitons-en. Personne ne peut paraître en public sans avoir passé par cet enseignement particulier à l’école de Christ. C’est là ce qui donne de la profondeur, de la solidité et du moelleux au caractère ; ce qui rend vrais, sincères et persévérants ceux qui ont un travail quelconque à accomplir dans l’œuvre du Seigneur. Partout où manquera cette préparation, la profondeur et la persévérance manqueront aussi. Il y aura peut-être plus d’éclat et d’apparence dans ces caractères superficiels que chez ceux qui ont été à l’école de Christ, mais chez eux rien ne dure. Cette excitation de sentiments a bientôt passé comme la nuée du matin ou la rosée de l’aube du jour. La persévérance est uniquement le résultat direct de la communion avec Dieu, de l’enseignement secret reçu en Sa présence et sous Sa discipline.

C’est ce que nous montre bien l’histoire de Gédéon. Sans doute, ce serviteur distingué fut profondément exercé dans son âme avant d’agir en public ou même avant de rendre témoignage dans la maison de son père. Il dut commencer par lui-même, par sa propre personne, par son propre cœur. Ceux qui veulent être utiles aux autres doivent commencer par eux-mêmes. C’est ce qui arriva à Gédéon. Mais poursuivons son histoire.

« Et l’Éternel lui dit : Moi, je serai avec toi, et tu frapperas Madian comme un seul homme. — Et il lui dit : Je te prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, donne-moi un signe que c’est toi qui parles avec moi. Ne te retire pas d’ici, je te prie, jusqu’à ce que je vienne à toi, et que j’apporte mon présent et que je le dépose devant toi. — Et il dit : Je m’assiérai jusqu’à ce que tu reviennes. — Et Gédéon entra, et apprêta un chevreau et des pains sans levain d’un épha de farine ; il mit la chair dans un panier et mit le bouillon dans un pot, et les lui apporta sous le térébinthe, et les présenta. Et l’Ange de Dieu lui dit : Prends la chair et les pains sans levain, et pose-les sur ce rocher-là, et verse le bouillon. — Et il fit ainsi. Et l’Ange de l’Éternel étendit le bout du bâton qu’il avait en sa main, et toucha la chair et les pains sans levain, et le feu monta du rocher et consuma la chair et les pains sans levain. Et l’Ange de l’Éternel s’en alla de devant ses yeux. Et Gédéon vit que c’était un ange de l’Éternel, et Gédéon dit : Ah, Seigneur Éternel, si c’est pour cela que j’ai vu l’Ange de l’Éternel face à face ! Et l’Éternel lui dit : Paix te soit ; ne crains point, tu ne mourras pas » (Jug. 6, 16-23).

Nous voici arrivés à un moment extrêmement intéressant de ce temps de préparation par lequel passe Gédéon. Il est appelé à éprouver d’une manière pratique la réalité de ce grand principe dont tous les serviteurs de Dieu font l’expérience : « Quand je suis faible, alors je suis fort » (2 Cor. 12, 10). Cette loi précieuse est un élément indispensable dans l’éducation de tous les serviteurs de Christ. Que personne ne s’imagine pouvoir jamais être employé dans l’œuvre du Seigneur ou faire des progrès dans la vie de Dieu, s’il n’a pas réalisé en quelque mesure ce grand principe. Où manque ce principe essentiel pour former les serviteurs de Christ, il y aura aussi manque de soumission, résistance, préoccupation de soi-même et tendances fâcheuses qui nuiront de la manière la plus triste à tout ce qui est bon, utile et saint.

D’un autre côté, quand on a appris ce grand principe ; quand, en présence de Dieu, on peut dire : « Quand je suis faible, alors je suis fort » ; quand la nature a été pesée à la balance du sanctuaire — alors il y aura nécessairement en quelque mesure contrition, douceur, esprit soumis, et même aussi largeur de cœur, promptitude pour toute bonne œuvre, et ce qui nous rend capables de nous élever au-dessus des misérables considérations d’intérêt personnel qui entravent si fatalement l’œuvre de Dieu. En un mot, le cœur doit d’abord être brisé, puis être restauré, et, étant restauré, se donner sans partage à Christ et à Son saint service. Il suffit de passer en revue la brillante armée des soldats de Christ pour être convaincus de cette vérité. Moïse, Josué, David, Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel dans l’Ancien Testament ; Pierre, Paul et Jean dans le Nouveau, ont tous commencé par être brisés. Ils ont dû être vidés pour pouvoir être remplis ; ils ont dû apprendre qu’ils ne pouvaient rien pour être, dans la force de Christ, rendus propres à toute bonne œuvre.

Telle est la loi de la famille, de la vigne du Seigneur ou du royaume de Dieu, la loi que Gédéon vit se réaliser. Son : « Ah ! Seigneur ! » fut suivi de cette bonne parole : « Paix te soit, ne crains point », et alors il fut prêt à tout. Il s’était trouvé face à face avec l’ange de Dieu, et là il avait appris, non seulement que « sa famille était pauvre et lui le plus petit dans la maison de son père », mais que, en lui-même, il était absolument incapable de rien et que toutes ses sources étaient dans le Dieu vivant. Précieuse leçon que celle-là pour le fils de Joas et pour nous ! leçon qui ne s’apprend pas dans les écoles de ce monde, mais seulement dans la sainte et profonde retraite du sanctuaire de Dieu.

Voyons maintenant quel fut le premier acte de Gédéon quand ses craintes eurent été calmées et que son âme eut été remplie d’une paix divine. Ce qu’il fit tout d’abord fut d’élever un autel : « Et Gédéon bâtit là un autel à l’Éternel, et l’appela Jéhovah-Shalom. Il est jusqu’à ce jour à Ophra des Abiézerites » (Jug. 6, 24). Gédéon prend la place bénie d’un adorateur, et la révélation du caractère de Dieu imprime son sceau sur son culte. Il appelle son autel de ce nom précieux : « L’Éternel de paix ». Il avait été souvent et profondément exercé dans son âme, et ces exercices, personne ne les connaît que ceux qui sont appelés à occuper une place éminente au milieu du peuple de Dieu. Il comprenait la ruine et la faiblesse qui se manifestaient autour de lui, l’état de chute et d’humiliation de son peuple bien-aimé. Il sentait sa propre petitesse, son néant. Comment pouvait-il aller en avant et frapper les Madianites ? Comment pouvait-il sauver Israël ? Qui était suffisant pour ces choses ? Tout semble bien aller pour les personnes qui vivent à leur aise, sans se sentir responsables ; qui ne connaissent pas les fatigues, les soucis et les anxiétés qu’entraîne le service de Christ en public et le témoignage pour Son nom dans les jours mauvais. Ces personnes ignorent les pénibles exercices par lesquels a passé l’âme de Gédéon, et ce poids qui pesait sur son esprit quand, à l’ombre du chêne de son père, il réfléchissait aux dangers et aux responsabilités qui se présentaient à lui. Elles ne peuvent que bien imparfaitement comprendre ces paroles d’un homme bien haut placé dans l’école de Christ : « Mais nous-mêmes, nous avions en nous-mêmes la sentence de mort, afin que nous n’eussions pas confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts » (2 Cor. 1, 9).

Ce sont des paroles profondément sérieuses pour tous les serviteurs de Christ, mais nous devons être Ses serviteurs en réalité si nous voulons en comprendre toute la signification. Si nous nous contentons d’une vie d’indolence, de recherche de nous-mêmes, il nous est impossible d’en saisir le sens, et notre âme reste étrangère à ces profonds exercices par lesquels les vrais serviteurs de Christ, les témoins fidèles ont à passer dans tous les temps. Sans exception, nous trouvons toujours que tous ceux que Dieu a employés pour le service public, ont passé dans le secret par les eaux profondes. C’est quand la sentence de mort est écrite pratiquement sur le moi que brille aussi la vie de résurrection en Christ. C’est ainsi que Paul pouvait dire aux Corinthiens : « Ainsi donc la mort opère en nous et la vie en vous » (2 Cor. 4, 12). Précieuses paroles ! paroles qui nous introduisent dans les intimes profondeurs du ministère de l’apôtre. Quel ministère ce devait être que celui qui avait de pareils principes à sa base ! Quelle puissance ! Quelle énergie ! La mort opérait dans de pauvres vaisseaux de terre, mais des torrents de vie, de grâce divine et de puissance spirituelle coulaient en ceux en faveur desquels Paul exerçait son ministère.

Voilà, lecteur, soyez-en sûr, le vrai secret de tout ministère efficace. Il est facile de parler du ministère, de consacrer des ministres ; mais comme l’église professante s’est éloignée de la réalité du ministère selon Dieu ! Hélas ! le cœur saigne à cette seule pensée : Où sont les Paul, les Gédéon, les Josué ? Où rencontre-t-on ces âmes profondément travaillées et exercées comme dans les anciens jours ? Nous sommes légers et prompts à parler, superficiels et vides, présomptueux et indulgents envers nous-mêmes. Comment nous étonnerions-nous de nos chétifs résultats ? Pourrions-nous nous attendre à voir la vie agir dans les autres quand nous réalisons si peu la mort opérant en nous ?

Puisse l’Esprit éternel nous réveiller tous et nous faire sentir plus puissamment ce que c’est que d’avoir l’œil simple, d’être droits de cœur et complètement consacrés à Jésus Christ !

Cinquième partie

Nous allons maintenant voir Gédéon à l’œuvre. Il a reçu son message de Jéhovah. Ses questions ont eu une réponse, ses craintes ont été calmées, son cœur tranquillisé, et il peut maintenant élever un autel. Tout cela est en rapport avec sa propre condition, avec l’état de son âme et de son cœur en présence de Dieu.

Il en sera toujours ainsi. Nous devons tous commencer de cette manière, si nous voulons que Dieu nous emploie pour agir sur les autres. Il faut que nous ayons affaire avec Dieu dans le secret de nos cœurs ; autrement il deviendra bientôt évident que nous sommes de tristes ouvriers. Tous ceux qui veulent entrer dans un service public sans avoir passé par cet enseignement secret, montreront bientôt leur faiblesse et leur manque de profondeur. Le moi doit être jugé en la présence de Dieu. Nous avons à apprendre que ce qui vient de la nature est de nulle valeur dans l’œuvre de Dieu. « Ni par force, ni par puissance, mais par mon esprit, dit l’Éternel des armées » (Zach. 4, 6).

Gédéon ne peut être employé pour le service qu’après avoir passé en quelque manière par cette discipline secrète. Et remarquons bien par où il dut commencer : « Et il arriva, en cette nuit-là, que l’Éternel lui dit : Prends le jeune taureau qui est à ton père et le second taureau de sept ans — car l’Éternel savait combien de taureaux Joas possédait, et l’âge de chacun — et tu renverseras l’autel de Baal qui est à ton père et tu couperas l’ashère qui est auprès ; et tu bâtiras un autel à l’Éternel, ton Dieu, sur le sommet de ce lieu fort, avec l’arrangement convenable. Et tu prendras le second taureau, et tu l’offriras en holocauste sur le bois de l’ashère que tu auras coupée » (Jug. 6, 25, 26).

Nous voyons là que Gédéon devait commencer par sa maison. Il devait rendre témoignage d’abord dans sa famille, dans la maison de son père. Remarquons-le bien, car il y a là pour nous une leçon importante. Il ne servira de rien d’agir en public si nos voies ne sont pas bien réglées au-dedans, et si notre maison n’est pas ce qu’elle doit être. Il est inutile de renverser en public l’autel de Baal s’il reste debout chez nous.

Ceci est de la dernière importance. Au-dehors et dans leurs rapports avec les autres chrétiens, bien des personnes semblent animées d’une piété si élevée, d’une si haute spiritualité, qu’on pourrait les croire des chrétiens hors ligne ; mais voyez-les dans leur intérieur, et vous vous convaincrez qu’elles sont bien loin de rendre témoignage à Christ devant ceux avec qui elles sont en contact journalier. C’est triste à constater, car cela déshonore le Seigneur Jésus, contriste l’Esprit, scandalise et repousse les jeunes croyants ; l’ennemi trouve ainsi une occasion de nous faire des reproches et nos frères de douter de nous.

Ah ! il n’en devrait pas être ainsi ! Il faut que le témoignage soit rendu dans nos maisons. Ceux qui nous voient le plus devraient aussi être ceux qui voient le mieux Christ en nous. Ceux qui nous connaissent le mieux devraient aussi savoir mieux que personne que nous Lui appartenons. Mais, hélas ! combien souvent c’est le contraire ! Combien souvent n’arrive-t-il pas que c’est précisément dans notre cercle intime que nous réalisons le moins les traits du caractère chrétien ! Notre femme ou notre mari, nos parents ou nos enfants, notre frère ou notre sœur, notre maître ou notre serviteur, notre compagnon de service ou telle autre personne avec laquelle nous vivons habituellement, sont justement ceux qui découvrent le moins en nous les fruits de la vie de Dieu. C’est dans la vie privée que se manifestent tous nos points faibles, nos singularités et toutes les aspérités de notre caractère, tandis que ce devrait être là avant tout que devrait se manifester la grâce de Jésus.

Lecteur chrétien, acceptez, acceptons cette parole de reproche, d’avertissement et d’exhortation. Elle peut ne pas nous être agréable ; mais, soyons-en assurés, il nous est bon de l’entendre. Si elle ne plaît pas à la chair, elle est saine pour l’âme. Nous devons, comme Gédéon, commencer à la maison, si nous voulons être en aide à nos frères ou agir utilement contre l’ennemi commun.

Sans doute, ce témoignage à rendre à l’intérieur rencontrera des difficultés ; comme, par exemple, quand un enfant se croira appelé à protester contre la mondanité de son père ou de sa mère, ou même de toute sa famille. Mais, si le Seigneur voit en nous un esprit d’humilité et de dépendance de Lui, Il nous soutient et nous porte d’une manière merveilleuse. Une chose est certaine : il n’y a rien de tel que la décision. Le tout est de commencer, dit le proverbe. Oui, un seul coup souvent suffit pour gagner la bataille quand on l’a donné en pleine communion d’esprit avec Christ.

D’un autre côté, là où il y a faiblesse et hésitation, là où l’on joue avec la vérité divine, avec les principes et avec la conscience, où l’on regarde aux conséquences, où l’on pèse et calcule les résultats probables — là, sûrement, l’ennemi aura bientôt la haute main et le témoignage est perdu. Dieu agit avec ceux qui agissent pour Lui. C’est là le grand secret de leur succès ; mais là où l’œil n’est pas simple, il n’y a pas de progrès réel, pas de résultat selon Dieu.

C’est en quoi un si grand nombre parmi nous manquent d’une manière déplorable. Nous ne sommes pas de tout notre cœur, pas entièrement décidés, pas tout à fait pour Christ ; aussi ne faisons-nous rien pour Dieu et n’avons-nous aucune action sur les autres. Nous n’avons pas d’idée de ce qui peut être fait par un cœur entièrement consacré, par une volonté sérieuse et énergique. Dieu peut s’en servir pour élever un étendard autour duquel viendront se grouper des foules qui n’auraient peut-être jamais eu le courage ou l’énergie de le déployer elles-mêmes.

Voyez Gédéon ! comme il travailla pour Dieu, et comme Dieu travailla avec lui ! « Et Gédéon prit dix hommes d’entre ses serviteurs, et fit comme l’Éternel lui avait dit ; et comme à le faire de jour il craignait ceux de la maison de son père et les hommes de la ville, il le fit de nuit. Et quand les hommes de la ville se levèrent de bonne heure le matin, voici l’autel de Baal était démoli, et l’ashère qui était auprès était coupée, et le second taureau était offert sur l’autel qui avait été bâti. Et ils se dirent l’un à l’autre : Qui a fait cela ? Et ils s’enquirent et cherchèrent et dirent : Gédéon, fils de Joas, a fait cela. Et les hommes de la ville dirent à Joas : Fais sortir ton fils et qu’il meure, car il a démoli l’autel de Baal et a coupé l’ashère qui était auprès » (Jug. 6, 27-30).

Nous pouvons bien appeler cela frappant dans toute la force du terme. Le culte de Baal est complètement aboli. Ce n’était pas une petite affaire. Nous ne nous représentons pas ce qu’il en coûta au fils de Joas ; mais, par la grâce de Dieu, il le fit quoique peut-être avec crainte et tremblement. Il donna un coup vigoureux à tout ce culte de Baal en faisant tomber son autel dans la poussière. Des demi-mesures auraient manqué le but. Il n’aurait servi de rien d’ôter ici et là une pierre de l’autel des idoles ; il devait être complètement renversé et l’idole elle-même abattue en présence de ses adorateurs désabusés. Il fallait pour cela un coup hardi et décisif, et c’est Gédéon, ce « fort et vaillant homme », qui le donna.

Il n’y a rien de tel, nous le répétons, qu’une décision absolue, une fidélité pleine de hardiesse qui ne regarde à rien qu’à Christ quoiqu’il puisse lui en coûter. Si Gédéon avait été moins décidé dans toute sa ligne de conduite, son père Joas n’aurait pas été gagné si complètement. Il fallait justement cette manière d’agir à l’égard de Baal pour convaincre un être raisonnable que le culte d’une telle divinité était une honte et une tromperie. « Et Joas dit à tous ceux qui se tenaient près de lui : Est-ce vous qui plaiderez pour Baal ? Est-ce vous qui le sauverez ? Celui qui plaide pour lui, qu’il soit mis à mort, d’ici au matin. S’il est dieu, qu’il plaide pour lui-même, car on a démoli son autel » (Jug. 6, 31).

C’était un raisonnement bien simple : S’il est dieu, qu’il défende sa cause. Grâce à la conduite hardie de Gédéon, les choses en étaient venues maintenant à un point décisif. Baal était une réalité ou une complète tromperie. S’il est vraiment dieu, qu’il défende sa cause. Sinon qui voudrait se charger de le défendre ? Rien de plus simple. L’acte de Gédéon eut un succès complet. Le culte de Baal fut aboli et remplacé par celui de l’Éternel.

L’œuvre de Dieu fait ainsi de rapides mais réels progrès dans l’armée de Gédéon. Il va de force en force. Quand pour la première fois il entendit la voix de Dieu, il n’avait sans doute aucune idée du coup hardi qu’il devait accomplir si peu de temps après. Si quelqu’un lui avait dit alors : « Tu aboliras bientôt le culte de Baal au milieu même de la maison de ton père », il ne l’aurait pas cru. Mais le Seigneur l’a conduit pas après pas, doucement, d’une manière bien évidente, et à mesure que la lumière divine augmentait dans son âme, sa confiance et son courage croissaient aussi.

C’est ainsi que le Seigneur agit toujours avec Ses serviteurs. Il n’attend pas d’eux qu’ils courent avant d’avoir appris à marcher ; mais quand le cœur est sincère et que le but est honorable et bien déterminé, Il fournit dans Sa grâce, de moment en moment, la force dont on a besoin. Il fait disparaître des montagnes de difficultés, dissipe maint nuage sombre, fortifie le cœur et l’esprit, en sorte que les faibles sont revêtus de force, les lâches remplis d’amour et de louange et que la grâce de Dieu triomphe.

Tout cela nous est représenté d’une manière bien vivante dans l’histoire de Gédéon. Aussitôt qu’il eut démoli l’autel de Baal, il fut appelé à aller à la rencontre des armées de Madian : « Et tout Madian et Amalek, et les fils de l’orient, se réunirent ensemble et passèrent le Jourdain, et campèrent dans la vallée de Jizreël. Et l’Esprit de l’Éternel revêtit Gédéon, et il sonna de la trompette, et les Abiézerites furent assemblés à sa suite. Et il envoya des messagers par tout Manassé, et eux aussi furent assemblés à sa suite ; et il envoya des messagers à Aser, et à Zabulon, et à Nephthali, et ils montèrent à leur rencontre » (Jug. 6, 33, 34, 35).

En résumé, il y avait un réveil complet. L’Esprit agissait puissamment et remplissait de force et d’énergie des milliers d’hommes qui étaient comme transformés. L’œuvre qui avait commencé dans le cœur de Gédéon s’étendait au loin dans tout le pays. L’Esprit du Seigneur déployait Sa puissante énergie pour rassembler les multitudes autour de l’étendard arboré par la foi.

Mais ici, semble-t-il, la foi de Gédéon avait besoin d’une nouvelle confirmation. Il se peut que son esprit fut saisi de crainte quand il vit les puissantes armées des incirconcis défiler devant lui ; et alors, pour un moment, son courage faiblit, et il demanda un nouveau signe de la part du Seigneur : « Et Gédéon dit à Dieu : Si tu veux sauver Israël par ma main, comme tu l’as dit — hélas ! voilà comme le pauvre cœur met des si en face même de la parole de Dieu qui ne peut mentir — voici, je mets une toison de laine dans l’aire : si la rosée est sur la toison seule et que la sécheresse soit sur toute la terre, alors je connaîtrai que tu sauveras Israël par ma main, comme tu l’as dit » (Jug. 6, 36, 37).

Nous nous étonnons ; mais faisons un retour sur nous-mêmes et nous verrons, hélas ! que la simple parole du Dieu vivant ne suffit pas au pauvre cœur de l’homme, qu’il lui faut un signe, une marque, quelque chose que l’œil puisse voir, que la main puisse toucher. Telle est notre incrédulité naturelle !

Mais remarquez la grâce infinie et les tendres égards avec lesquels, dans Son amour, Il traite la faiblesse de Son pauvre serviteur. « Et il arriva ainsi. Et il se leva de bonne heure le lendemain, et il pressa la toison et exprima la rosée de la toison, plein une coupe d’eau » (Jug. 6, 38). Quelle condescendance de la grâce ! Au lieu de reprocher à Gédéon ce si de l’incrédulité, Il affermit sa foi chancelante par les gages certains qu’Il lui donna.

Et cependant tout cela ne suffisait pas. Gédéon cherche encore une autre confirmation. Et Gédéon dit à Dieu : « Que ta colère ne s’embrase pas contre moi, et je parlerai seulement cette fois : encore une seule fois, je te prie, je ferai un essai avec la toison ; je te prie, qu’il n’y ait de la sécheresse que sur la toison, et que sur toute la terre il y ait de la rosée » (Jug. 6, 39).

Telle est la grâce surabondante, telle est la patience inépuisable du Dieu avec lequel nous avons affaire. Que Son nom soit à jamais loué ! Qui voudrait ne pas se confier en Lui, L’aimer et Le servir ?

Sixième partie

Ouvrons maintenant notre Bible au chapitre 7 du livre des Juges. Il est question des compagnons de Gédéon. Leur histoire, comme celle de leur chef, est pleine d’intérêt et d’instruction pour nous. Ils devaient comme nous être instruits et éprouvés. Étudions le récit :

« Et Jerubbaal, qui est Gédéon, se leva de bonne heure, et tout le peuple qui était avec lui, et ils campèrent près de la source de Harod ; et il avait le camp de Madian au nord, du côté de la colline de Moré, dans la vallée. Et l’Éternel dit à Gédéon : Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian en leur main, de peur qu’Israël ne se glorifie contre moi, disant : ma main m’a sauvé » (v. 1, 2).

Les sons de la trompette retentissante avaient attiré autour de Gédéon un peuple nombreux, mais cette troupe devait être éprouvée. C’est une chose d’être attiré par le zèle et l’énergie de quelque fervent serviteur de Christ, et c’en est une autre de posséder les qualités morales qui seules peuvent faire qu’un homme est lui-même un zélé serviteur. C’est tout autre chose de marcher à la suite d’un homme consacré à Dieu et de marcher soi-même avec Dieu, d’être appuyé et conduit par la foi et l’énergie d’un autre, et de s’appuyer soi-même sur Dieu, étant soutenu par une foi personnelle.

C’est là un sérieux sujet de considération pour nous tous. Prenons garde de n’être que des imitateurs de la foi des autres, de faire comme eux sans avoir leur puissance spirituelle, d’adopter leur ligne de conduite sans avoir la communion dont ils jouissent. Voilà à quoi il faut veiller. Que les jeunes chrétiens tout spécialement y fassent attention. Soyons simples, humbles et vrais. Nous sommes bien petits peut-être, notre sphère d’action est restreinte, notre sentier solitaire et obscur ; mais, n’importe, pourvu que nous soyons précisément ce que la grâce nous a faits, que nous occupions la place dans laquelle notre Maître bien-aimé nous a mis et que nous marchions dans le sentier qu’Il nous a tracé. Il n’est nullement nécessaire que nous soyons grands devant les hommes, que nous ayons à jouer un rôle ou que nous fassions du bruit dans le monde, mais il est absolument nécessaire que nous soyons vrais et humbles, obéissants et dépendants. C’est ainsi que notre Dieu peut nous employer et que nous ne risquons pas de nous glorifier nous-mêmes. C’est alors aussi que nous sommes en sûreté, paisibles et heureux. Il n’y a rien de plus délicieux pour le vrai chrétien, le sincère serviteur de Christ, que de suivre ce sentier humble, tranquille et obscur où l’on ne s’occupe plus du moi et où l’on jouit de la précieuse lumière de la face de Dieu, où l’on tient peu de compte des pensées des hommes, et où la précieuse approbation de Christ est tout pour l’âme.

On ne peut se fier à la chair. En lui obéissant, nous ferons du service de Christ une occasion de nous élever. Le nom même de celui qui s’est réduit à n’être rien, elle l’emploiera pour arriver à être quelque chose. Elle travaillera à sa propre gloire en paraissant travailler pour Celui qui a renoncé à la sienne. Voilà la chair ! Voilà ce que nous sommes, des créatures insensées toujours prêtes à s’exalter, à se glorifier tout en professant qu’elles ne sont rien en elles-mêmes et qu’elles ne méritent que les flammes de l’enfer.

Quoi d’étonnant que les compagnons de Gédéon aient dû être passés au crible ? Tous doivent l’être. Le service du chrétien est une chose bien sérieuse et sainte ; et tous ceux qui s’y engagent doivent se juger, perdre toute confiance en eux-mêmes, s’anéantir en quelques sorte et s’appuyer avec une confiance inébranlable sur le Dieu vivant. Voilà ce qui caractérise le serviteur de Christ et ce qui ressort d’une manière frappante de la portion du saint livre que nous avons sous les yeux.

Mais poursuivons le récit :

« Et l’Éternel dit à Gédéon : Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian en leurs mains… Et maintenant crie aux oreilles du peuple, disant : Quiconque est peureux et tremble, qu’il s’en retourne et s’éloigne de la montagne de Galaad. Et vingt-deux mille hommes du peuple s’en retournèrent, et il en resta dix mille » (7, 2, 3).

Nous avons ici la grande épreuve appliquée à l’armée de Gédéon, épreuve destinée à faire connaître ceux qui se confiaient simplement à Jéhovah. Un cœur lâche ne résistera pas au jour de la bataille, un esprit qui doute ne tiendra pas dans la lutte. Le même principe est établi dans ces paroles du Deutéronome (20, 8) : « Et les magistrats continueront à parler au peuple, et diront : Qui est l’homme qui a peur et dont le cœur faiblit ? Qu’il s’en aille et retourne en sa maison, de peur que le cœur de ses frères ne se fonde comme le sien ».

L’esprit de timidité est bien contagieux ; il se répand avec rapidité. Il désarme le bras qui devrait porter le bouclier et paralyse la main qui devrait manier l’épée. Le seul remède pour cette maladie, c’est de se confier simplement en Dieu, de regarder invariablement à Sa fidélité, de croire comme un enfant à Sa Parole et d’avoir avec Lui des rapports vraiment personnels. Nous devons connaître le Seigneur de telle sorte que Sa Parole soit tout pour nous et que nous puissions marcher seuls avec Lui dans les heures les plus sombres.

Lecteur, en est-il ainsi pour toi ? As-tu cette confiance en Dieu ? As-tu dans ton cœur une connaissance expérimentale de Dieu et de Son Christ si profondément gravée qu’elle puisse te soutenir lors même que tu n’aurais sous le ciel le secours et la sympathie d’aucun autre croyant, et que tu serais appelé à marcher seul ici-bas ?

Ce sont là des questions importantes, et nous sentons le besoin de les répéter à l’Église de Dieu aujourd’hui. Les vérités de Dieu sont abondamment répandues et reçues par un grand nombre. Comme la trompette de Gédéon, le témoignage clair et distinct qui a été rendu, en a attiré beaucoup ! Il y a là un sujet d’actions de grâces, mais matière aussi à de sérieuses réflexions. La vérité est une chose bien précieuse quand on l’a trouvée véritablement et qu’on la retient fidèlement. Mais souvenons-nous que plus est précieuse cette vérité, plus aussi il y a danger pour nous à en parler sans que le cœur soit jugé et la conscience exercée. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est de foi — d’une foi sincère, sérieuse, simple, d’une foi qui lie fortement l’âme à Dieu, d’une foi qui nous rende capables de surmonter toutes les difficultés et les découragements de la route. Cette foi-là ne peut s’imiter. Nous la possédons réellement ou pas du tout. Une foi d’emprunt sombrera bientôt. Celui qui essaie de marcher par la foi sans l’avoir réellement, bronchera certainement. Nous ne pouvons affronter les armées de Madian sans une pleine confiance au Dieu vivant : « Quiconque est peureux et tremble, qu’il s’en retourne » (7, 3). Il en sera toujours ainsi. Personne ne peut aller à la bataille sans posséder cette foi qui saisit les réalités invisibles de l’éternité et tient ferme, comme voyant Celui qui est invisible. Puisse cette foi, cher lecteur, être toujours plus la vôtre.

Remarquons l’effet de cette première épreuve sur l’armée de Gédéon ; notre cœur en recevra un enseignement précieux. Cette épreuve éclaircit singulièrement les rangs : « Et vingt-deux mille hommes du peuple s’en retournèrent » (7, 3). C’était là une bien forte réduction. Mais il vaut beaucoup mieux avoir dix mille hommes qui se confient en Dieu, que dix mille fois dix mille qui ne peuvent le faire. Une masse d’incrédules, quelque grande qu’elle soit, n’est capable de rien. À quoi sert le nombre d’hommes s’ils ne sont pas animés d’une foi vivante ? À rien du tout. Il est comparativement facile de se grouper autour d’un étendard tenu par une main vigoureuse, mais c’est tout autre chose de tenir bon au milieu de la bataille soutenu par l’énergie personnelle. C’est ce qu’une foi sincère peut seule accomplir. C’est pourquoi, quand se pose cette question solennelle : « Qui veut se confier en Dieu ? » les rangs s’éclaircissent aussitôt.

Mais les compagnons de Gédéon furent soumis à une autre épreuve encore : « Et l’Éternel dit à Gédéon : Le peuple est encore trop nombreux, fais-les descendre vers l’eau, et là je te les éprouverai ; et il arrivera que celui dont je te dirai : Celui-ci ira avec toi, celui-là ira ; et que chacun de qui je dirai : Celui-ci n’ira pas avec toi, celui-là n’ira pas. Et il fit descendre le peuple vers l’eau. Et l’Éternel dit à Gédéon : Quiconque lapera l’eau avec sa langue, comme lape le chien, tu le mettras à part, et aussi tous ceux qui se courberont sur leurs genoux pour boire. Et le nombre de ceux qui lapèrent dans leur main (en la portant à leur bouche) fut de trois cents hommes ; et tout le reste du peuple se courba sur ses genoux pour boire l’eau. Et l’Éternel dit à Gédéon : Par les trois cents hommes qui ont lapé l’eau, je vous sauverai, et je livrerai Madian en ta main ; mais que tout le peuple s’en aille, chacun en son lieu » (Jug. 7, 4-7).

Ici, nous voyons un autre caractère que doivent revêtir ceux qui, dans les jours mauvais, se déclarent pour Dieu et pour Son peuple. Ils doivent non seulement avoir confiance en Lui, mais encore être prêts à renoncer à eux-mêmes. C’est une loi universelle dans le service de Christ. Si nous voulons nager dans ce courant divin, nous devons laisser mourir le moi, et nous n’y parviendrons que dans la mesure où nous nous confions en Christ. Il en est toujours ainsi. Il ne s’agit pas ici du salut, mais du service. La question n’est pas : Suis-je un enfant de Dieu ? mais suis-je un vrai serviteur de Christ ? Les trente et un mille sept cents qui furent congédiés étaient tout aussi bien Israélites que les trois cents qui restaient, mais ils n’étaient pas prêts pour le moment du combat : ce n’étaient pas des hommes propres à soutenir la lutte. Et pourquoi ? Est-ce qu’ils n’étaient pas circoncis ? — Oui, sans doute. Pourquoi donc, demandons-nous encore, devaient-ils être renvoyés ? C’est qu’ils ne pouvaient pas se confier en Dieu et renoncer à eux-mêmes. Ils étaient pleins de crainte, tandis qu’ils auraient dû être pleins de foi. Leur but était de se rafraîchir plutôt que de combattre.

Voilà, lecteur, la vraie et seule cause de leur incapacité morale. Dieu ne peut pas se fier à ceux qui ne se fient pas à Lui, et ne renoncent pas au moi. Ceci est éminemment solennel et pratique. Nous vivons dans des temps où la profession est facile et où l’on se complaît à soi-même. Les connaissances peuvent aujourd’hui s’acquérir à très peu de frais. On peut de tous côtés en recueillir des lambeaux de seconde main. Telle vérité qui n’a été conquise qu’au prix de longues recherches et après de pénibles exercices spirituels est maintenant entrée, en quelque sorte, dans le domaine commun ; elle est professée par bien des personnes qui l’ont saisie par l’intelligence, mais qui ne savent absolument rien de cette discipline de l’âme.

Mais gardons-nous de jamais oublier que la vie de la foi est une réalité, que le service est une réalité, et que le témoignage pour Christ l’est aussi. Mettons-nous bien dans l’esprit que si nous voulons tenir pour Christ dans les mauvais jours, si nous voulons être de vrais serviteurs et de vrais témoins, nous devons savoir nous confier en Dieu et renoncer à nous-mêmes.

Septième partie

C’est un fait singulièrement frappant que de tant de milliers d’hommes en Israël, au temps de Gédéon, il n’y en eut que trois cents qui furent en état de combattre contre les Madianites. Il est de nature à faire réfléchir et renferme pour nous un enseignement. Des milliers de vrais Israélites, des fils d’Abraham dûment circoncis, faisant partie du peuple de Dieu, n’étaient nullement à la hauteur de leur position quand il s’agissait de combattre à mort avec Madian, c’est-à-dire quand il était question de se confier réellement en Dieu et de renoncer à soi-même. Nous pouvons dire hardiment que les hommes qui étaient moralement prêts pour affronter le moment critique, au jour de la bataille, n’étaient pas un sur mille. Que c’est sérieux ! Pas un sur mille qui pût se confier en Dieu et renoncer à lui-même !

Lecteur chrétien, ceci ne vaut-il pas la peine d’être considéré avec attention ? Ne nous demanderons-nous pas tout naturellement s’il en serait autrement parmi nous aujourd’hui ? N’est-il pas évident, hélas ! que nous vivons dans des temps où l’on connaît bien peu ce précieux secret de la confiance en Dieu, et encore moins le renoncement à soi-même ? Dans le fait, on ne peut jamais séparer ces deux choses. Essayer de le faire, ce serait tomber dans les trompeuses illusions du monachisme, de l’ascétisme ou du ritualisme, ce serait vouloir soumettre la nature par la nature ; ce qui, avons-nous besoin de le dire ? est l’opposé du christianisme. Ce dernier part de ce fait glorieux que le vieux moi a été condamné et mis de côté par la croix de Christ, et qu’en conséquence nous pouvons y renoncer chaque jour par la puissance du Saint Esprit. C’est là la signification de ces belles paroles de Colossiens 3, 3 : « Vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». Il ne dit pas : Vous devez mourir. Non, mais : vous êtes morts. Et puis, ensuite : « Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre » (v. 5). Paul, dans l’épître aux Romains, nous donne aussi ce profond et précieux enseignement : « Nous qui sommes morts au péché, comment y vivrons-nous encore ? Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés pour le Christ Jésus, avons été baptisés pour sa mort ? » (Rom. 6, 2-3). Et quoi encore ?… « Vous aussi tout de même, tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (v. 11).

C’est là qu’est le secret de tout vrai renoncement au moi. Si l’on n’a pas compris cela et qu’on n’y soit pas entré pratiquement, ce sera le moi qui essaiera de prendre une autre forme. C’est une fatale illusion. C’est un piège du diable, dans lequel sont en grand danger de tomber des âmes sérieuses qui soupirent après une vie sainte, mais qui ne connaissent pas la puissance de la rédemption accomplie et l’habitation du Saint Esprit, qui ne sont pas édifiées sur le solide fondement du christianisme.

Nous mettons le lecteur en garde contre cette erreur mortelle qui tend positivement au monachisme et à l’ascétisme. Elle prend les apparences du piétisme et de la sainteté et attire particulièrement une certaine classe d’esprits ardents qui soupirent après la victoire sur les passions et les mauvais penchants de la nature, mais qui, ne sachant pas comment y arriver, se détournent de Christ et de Sa croix pour recourir à une religion faussement ainsi nommée. C’est contre ce système pernicieux et dangereux pour l’âme que l’apôtre nous met en garde quand il nous dit, dans Colossiens 2, 18-23 : « Que personne ne vous prive du prix du combat par une humilité volontaire et par le culte des anges, s’ingérant dans les choses qu’il n’a pas vues, vainement enflé par les pensées de sa chair, et ne tenant pas ferme le chef duquel tout le corps, fourni et bien uni ensemble par des jointures et des liens, croît d’un accroissement de Dieu. Si vous êtes morts avec Christ aux éléments du monde, pourquoi établissez-vous des ordonnances, comme si vous étiez encore en vie dans le monde — ne prends, ne goûte, ne touche pas ? — (choses qui toutes doivent périr par l’usage), selon les commandements et les enseignements des hommes, qui ont bien une apparence de sagesse en dévotion volontaire et en humilité, et en ce qu’elles n’épargnent pas le corps, et ne rendent pas un certain honneur à la chair en la satisfaisant ».

Pour être bien compris et pour éviter toute méprise sur ce sujet, nous répétons que le seul fondement possible du renoncement est la connaissance de la rédemption accomplie et notre union avec Christ par la puissance du Saint Esprit. C’est là la base de toute notre marche chrétienne. En un mot, la connaissance du salut est la base ; le Saint Esprit habitant en nous la puissance, et la Parole de Dieu le vrai guide pour le renoncement.

Mais qu’est-ce que Gédéon et ses compagnons savaient de toutes ces choses ? Rien, comme les chrétiens le savent aujourd’hui. Mais ils avaient confiance en Dieu, et de plus leur soulagement n’était pas leur but, mais seulement un moyen d’y atteindre. Et ici ils donnent un précieux enseignement, même à ceux qui ont le privilège de marcher dans la pleine lumière du christianisme, tel que nous l’avons dans le Nouveau Testament. Si ceux qui vivaient dans une sorte de crépuscule pouvaient se confier en Dieu et renoncer à eux-mêmes, que dirons-nous pour nous excuser, nous qui, avec toutes nos lumières et tous nos privilèges, sommes si prêts à douter de Dieu et à chercher nos propres intérêts ?

N’est-il pas, hélas ! évident que de nos jours où nous avons tant de lumières et de privilèges, nous sommes moralement peu préparés pour le service et le combat auxquels nous sommes appelés ? Hélas ! c’est un fait incontestable ! Il y a un manque déplorable de vraie confiance dans le Dieu vivant, manque du vrai esprit de renoncement. C’est là, soyons-en sûrs, qu’est tout le secret de l’état que nous déplorons. Dieu n’est pas connu d’une manière pratique ; on n’a pas l’habitude de se confier en Lui ; on traite le moi avec complaisance, on le glorifie. C’est pourquoi nous sommes impropres à la guerre et nous faiblissons au jour de la bataille. Être sauvé et être un soldat sont deux choses tout à fait différentes ; tout comme savoir que nos péchés sont pardonnés et avoir nos épées effilées ou nos boucliers en bon état. Prendre part au combat est tout autre chose qu’en parler, et nous ne pouvons nous défaire de la douloureuse conviction que de nos jours, où la profession de l’évangile est si généralement répandue, la proportion des ouvriers et des guerriers ne serait absolument pas plus forte qu’au temps de Gédéon et de ses compagnons. Le fait est que nous manquons d’hommes de foi, d’hommes qui n’ont qu’une pensée, au cœur décidé, à l’œil simple, d’hommes si absorbés par Christ et Sa cause, qu’ils n’ont plus de temps pour autre chose. Nous craignons fort que si la double épreuve par laquelle passa Israël au temps de Gédéon était employée maintenant à l’égard de ceux que leur profession met le plus en vue, le résultat en définitive ne serait pas différent.

Mais relevons encore deux ou trois points importants ; après quoi, nous laisserons nos lecteurs à leurs propres réflexions.

La fin du chapitre 7 des Juges nous montre Gédéon et ses compagnons complètement victorieux. Le gâteau de pain d’orge et les cruches brisées l’emportèrent sur toute la puissance des Madianites et des Amalékites, quoique ceux-ci « fussent étendus dans la vallée comme des sauterelles, tant il y en avait, et leurs chameaux sans nombre, comme le sable qui est sur le bord de la mer, tant il y en avait » (Jug. 7, 12). Dieu était avec le gâteau d’orge et avec les cruches, comme Il sera toujours avec ceux qui sont prêts à prendre une place humble, prêts à n’être rien, mais à faire de Lui leur tout en tout ; prêts à se confier en Lui et à renoncer à eux-mêmes. C’est là, ne l’oublions jamais, le principe fondamental dans toute la marche, celui sans lequel nous ne réussirons pas et avec lequel nous ne pourrons jamais faillir. Il importe peu quelles sont les difficultés, quel est le nombre ou le pouvoir de nos ennemis, tout doit céder devant la présence du Dieu vivant ; et tous ceux qui se confient en Lui, en renonçant à eux-mêmes, en jouiront.

Ce n’est pas tout. La ferme confiance en Dieu et le renoncement à soi-même, voilà le secret de la victoire sur les ennemis extérieurs ; mais c’est aussi celui de vaincre et de désarmer, en les réduisant au silence, les frères poussés par la jalousie et l’envie — et il est souvent plus difficile d’avoir affaire avec eux qu’avec des ennemis déclarés. C’est ainsi que, aussitôt après sa victoire sur les incirconcis, Gédéon dut affronter la mesquine et coupable jalousie de ses frères : « Et les hommes d’Éphraïm lui dirent : Que nous as-tu fait, de ne pas nous avoir appelés lorsque tu es allé faire la guerre contre Madian ? Et ils contestèrent fortement avec lui » (8, 1).

Et c’était une accusation bien injuste. N’avaient-ils pas entendu le son de la trompette appelant Israël à la bataille ? Ne savaient-ils pas que l’étendard était déployé ? Pourquoi n’étaient-ils pas aussitôt accourus ? C’était chose facile de venir à la fin pour le partage des dépouilles, et avec cela d’accuser celui qui avait été réellement un instrument de Dieu dans cette occasion.

Mais, sans nous arrêter trop longtemps sur cette conduite injustifiable des hommes d’Éphraïm, voyons pour un moment comment Gédéon leur répondit : « Et il leur dit : Qu’ai-je fait maintenant en comparaison de vous ?… Dieu a livré en votre main les princes de Madian, Oreb et Zeëb, et qu’ai-je pu faire en comparaison de vous ? Alors leur esprit s’apaisa envers lui quand il leur eut dit cette parole » (8, 2, 3).

Voilà, lecteur chrétien, la meilleure conduite à tenir avec les frères jaloux et envieux. Le gâteau de pain d’orge et les cruches vides peuvent l’emporter sur la jalousie des Éphraïmites aussi bien que sur les armées des Madianites. Ne point se rechercher soi-même, voilà le grand secret de la victoire sur l’envie et la jalousie, quelles que soient leurs formes odieuses. Il est difficile, sinon impossible, d’en vouloir à un homme qui se met dans la poussière par un sentiment sincère d’humilité. « Qu’ai-je pu faire en comparaison de vous ? ». Voilà le langage de quelqu’un qui a quelque expérience du vrai recueillement, et nous pouvons dire avec certitude qu’un tel langage désarmera toujours l’envie et la jalousie de ceux qui sont pleins d’eux-mêmes et présomptueux. Puissions-nous, de plus en plus, le connaître dans sa réalité !

Mais venons-en maintenant à la scène finale de cette histoire remarquable, scène qui renferme un grand enseignement pour tous les serviteurs de Christ. Nous y voyons qu’il est bien plus facile de remporter une victoire que d’en faire un bon usage ; bien plus facile de parvenir à une position que de s’y maintenir. « Et les hommes d’Israël dirent à Gédéon : Domine sur nous, et toi et ton fils et le fils de ton fils ; car tu nous as sauvés de la main de Madian. Et Gédéon leur dit : Je ne dominerai point sur vous, et mon fils ne dominera point sur vous : l’Éternel dominera sur vous » (8, 22, 23).

Jusque-là, tout était bien. Tout était en accord avec le renoncement dont Gédéon avait fait preuve auparavant. Tout vrai serviteur de Christ cherchera toujours à attirer les âmes à son Maître plus qu’à lui-même. Gédéon n’aurait pas voulu, pour des mondes, détrôner Jéhovah en Israël. Mais, hélas ! ce qu’il avait repoussé sous une force, il l’accepte sous une autre, et cela simplement parce que son renoncement n’était pas complet. Un seul a réalisé le parfait renoncement, et c’est Lui qui en toutes choses doit avoir la prééminence. « Et Gédéon leur dit : Je vous ferai une demande. Donnez-moi chacun de vous les anneaux de son butin — car les Madianites avaient des anneaux d’or, parce qu’ils étaient Ismaélites. Et ils dirent : Nous les donnerons volontiers. Et ils étendirent un manteau et y jetèrent chacun les anneaux de son butin… Et Gédéon en fit un éphod, et le mit dans sa ville, dans Ophra ; et tout Israël se prostitua là après celui-ci ; et cela devint un piège pour Gédéon et pour sa maison » (8, 22, 27).

Tel est l’homme, même le meilleur, quand il est laissé à lui-même. L’homme qui avait conduit ses frères à la victoire contre Madian, leur donne maintenant l’exemple d’une honteuse idolâtrie. Les anneaux d’or des Ismaélites firent ce que leurs glaives n’avaient pu faire, et les faveurs d’Israël furent plus dangereuses pour lui que les reproches injustes des Éphraïmites. Ceux-ci ne firent que manifester son humilité, tandis que ceux-là furent un piège pour Gédéon et pour toute la maison d’Israël.

Lecteur, souvenons-nous tous de cela. Si Gédéon avait refusé les anneaux d’or aussi bien que le trône, tout aurait été bien pour lui et pour ses frères ; mais le diable mit devant lui un piège dans lequel il tomba et où il entraîna tous ses frères. Que cette chute de Gédéon soit pour nous tous un avertissement et ses victoires un encouragement. Puissions-nous nous rappeler que c’est une chose de remporter une victoire et une autre d’en faire un bon usage ; qu’il est plus aisé de parvenir à une position que de s’y maintenir. Que Dieu donne au lecteur et à l’auteur de ces lignes plus de simple confiance en Lui et une plus grande mesure du vrai esprit de renoncement ! Que ce soit là le résultat de nos méditations sur Gédéon et ses compagnons !



  1. Guilgal signifie : « acte de rouler », et Bokim, « pleureurs ».