Messager Évangélique:Vérité, Pyrrhonisme, Dogmatisme, Christianisme

De mipe
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Cher frère, je vous envoie quelques observations simples et pratiques, qui seront, je l’espère, utiles à vos lecteurs. Je les diviserai en quatre partis : « Vérité, Pyrrhonisme, Dogmatisme, Christianisme ».

Par « Vérité », j’entends la vérité révélée, ces annales que la miséricorde infinie et la sagesse de Dieu nous ont données dans les Saintes Écritures. J’appelle « Pyrrhonisme » ce doute de l’esprit qui dit : Qu’est-ce que la vérité (Jean 18, 38) ? — et qui n’a pas de cœur pour aller plus loin et poursuivre la recherche de cette vérité. Sous le nom de « Dogmatisme », je range la profession de la vérité sans pratique, de cette vérité : « Ils disent » — et disent peut-être justement — « mais ils ne font pas » (Matt. 23, 3). Par « Christianisme », j’entends cette vivante expression de l’évangile de grâce que l’apôtre résume en ces mots : « La foi, l’espérance, l’amour » (1 Cor. 13, 13).

1. Vérité. J’estime que la vérité est une chose définie, immuable et parfaitement révélée dans les Écritures. Celles-ci sont, pour ce qui concerne l’homme, la seule fontaine et le seul dépôt de vérité. Quant à son essence et à sa personnification vivante, la vérité ne se trouve qu’en Celui qui a dit : « Je suis la vérité » (Jean 14, 6), et qui, grâces à Dieu, est aussi : « le chemin et la vie » (Jean 14, 6). Bien malheureux sont ceux qui pensent autrement, car ils n’ont pas l’ancre sur laquelle on peut compter dans la tempête. La vérité, je ne le nie pas, peut être l’objet d’une longue, laborieuse et anxieuse recherche, parce que la vérité qui n’est que l’expression de la pensée de Dieu, quoiqu’elle soit parfaitement révélée, n’est pas, immédiatement et nécessairement, parfaitement comprise, même par ceux qui sont appelés « les enfants de la sagesse » et qui sont « nés de Dieu ». « Nous connaissons en partie et nous prophétisons en partie » (1 Cor. 13, 9). Mais la vérité elle-même, dans les Écritures, est parfaite, absolue, immuable ; et ce fait, pour qui le comprend, est riche de conséquences : il écarte le doute de notre sentier ; il est le pivot de toute vraie recherche de la vérité ; il met à découvert la source et le moyen d’y puiser l’eau vive ; il tourne l’attention vers l’oracle et nous apprend avec quelles dispositions nous devons le consulter.

L’étude ou la recherche de la vérité doit se faire avec le propos d’obéir, et non pas de spéculer. « Si quelqu’un veut faire sa volonté, il connaîtra de la doctrine » (Jean 7, 17). C’est la place de disciple et non pas celle de maître, qui appartient à quiconque étudie la vérité ; et de plus, si l’étude doit être couronnée de succès, il faut qu’elle soit recherchée pour elle-même ou plutôt pour son auteur. Celui dont le secret propos est de nourrir son imagination ou de satisfaire ses désirs de savoir, doit connaître qu’il apprendra toujours, sans que jamais il puisse arriver à la connaissance de la vérité (voyez 2 Tim. 3, 7). D’un autre côté : « Si tu appelles à toi la sagesse (comprenant qu’elle te manque), et que tu élèves ta voix vers l’intelligence (dans le vrai désir de la posséder) ; et si tu la cherches comme de l’argent (en appréciant sa valeur) et si tu la recherches soigneusement comme un trésor caché (prêt à défoncer, s’il le faut, tout le champ, plutôt que d’abandonner ta recherche), alors tu connaîtras la crainte de l’Éternel, et tu trouveras la connaissance de Dieu » (Prov. 2, 3-5). « Si la sagesse entre dans ton cœur, et si la connaissance est agréable à ton âme, la prudence te conservera, et l’intelligence te gardera » (Prov. 2, 10, 11). Si la vérité a du prix pour notre cœur, nous la rechercherons diligemment ; et c’est cette valeur que nous y attachons, et non l’aride activité de notre esprit, qui détermine le degré et la mesure du progrès que nous pourrons y faire.

« Achète la vérité, et ne la vends pas » (Prov. 23, 23), car pour l’acquérir, nul prix n’est trop grand, et rien n’est suffisant pour en compenser la perte. « Que sert le prix dans la main du fou pour acheter la sagesse, puisque son cœur n’y tient pas ? » (Prov. 17, 16). Cependant le fou de l’Écriture, c’est l’homme sage de ce monde. C’est pourquoi, si quelqu’un veut avancer dans la connaissance de la vérité, il ne faut pas que l’instruction de Paul à Timothée soit pour lui une lettre morte : « Occupe-toi de ces choses, et y sois tout entier, afin que tes progrès soient évidents parmi tous » (1 Tim. 4, 15). Et l’apôtre ajoute : « Sois attentif à toi-même et à l’enseignement ; persévère en ces choses ; car en faisant ainsi, tu te sauveras toi-même et ceux qui t’écoutent » (1 Tim. 4, 16).

La communication de la vérité, directement tirée de la Parole divine ou apprise d’ailleurs et éprouvée et confirmée par cette Parole (car tous ne sont pas des mineurs également heureux, bien que tous indistinctement devraient savoir estimer le minerai), doit être définie et déterminée. Quand l’enseignement cesse d’être défini, il cesse d’être puissant, car il cesse d’être vérité enseignée. Toute vérité est définie, ou elle n’est plus vérité, et tout enseignement qui perd ce caractère, peut bien être attrayant ou produire de l’excitation, mais il n’édifie pas. « Que celui par devers lequel est ma parole, profère ma parole fidèlement. Quelle convenance y a-t-il de la paille avec le froment ? dit l’Éternel » (Jér. 23, 28). Mais celui qui se fait propagateur de vérité non définie et déterminée, prend d’abord lui-même la balle pour le froment, et ensuite fait tomber les autres dans la même déception. C’est le simple devoir de tout homme qui a pris à cœur sa tâche, de présenter la vérité sous la forme la plus simple et la plus fidèle, et de la développer en termes qui soient à la portée des esprits les plus ordinaires. Mais chercher à populariser la vérité en l’affaiblissant, chercher à la draper de telle sorte que ses proportions restent cachées, chercher à l’orner par les efforts de l’imagination, afin de la rendre agréable et de lui gagner une place dans les cœurs de ceux qui n’ont pas d’amour pour elle, c’est « semer le vent et recueillir le tourbillon » (Os. 8, 7). La vérité spirituelle ne peut être saisie que si l’entendement devient spirituel, et celui qui essaiera de la mettre à la portée d’un esprit non spirituel ne pourra tout au plus que gâter et corrompre la vérité, au lieu d’en user comme d’un puissant levier pour élever l’âme jusqu’à Dieu. Celui qui a confiance en la vérité, ou qui croit, laisse Dieu agir et ouvrir ses propres portes pour sa réception. Mais il y a une activité inquiète et agitée qui se précipite toujours elle-même en avant, qui court quand les nouvelles ne sont pas préparées, et qui, quoiqu’elle puisse prendre l’apparence du zèle pour la vérité, ne produit pas, après tout, de meilleur résultat que des semailles dans un terrain non labouré. Il y a une sagesse divine dans l’exhortation que le Seigneur adresse aux hommes de Juda et de Jérusalem, quand Il dit : « Défoncez vos terres incultes, et ne semez pas parmi les épines » (Jér. 4, 3). Je ne parle pas ici contre cette insistance de celui qui porte le message de l’évangile, quand il s’adresse à des auditeurs mal disposés, quoique à cet égard on doive rechercher auprès du Seigneur et le temps, et la sagesse, et une porte ouverte, et prendre garde que l’amour ne manque jamais comme principal agent dans l’œuvre.

Mais la vérité ne peut jamais être populaire dans ce monde. Sans parler du témoignage des Écritures à ce sujet, ne voyons-nous pas les philosophes eux-mêmes embarrassés de savoir comment il se fait que les hommes puissent aimer le mensonge, quand le mensonge ne doit contribuer ni à leur plaisir, comme le cas pourrait se présenter chez un poète, ni à leur profit, comme il arrive dans le commerce, mais lorsqu’ils mentent pour le plaisir de mentir ? Nous savons qui a dit : « Parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas » (Jean 8, 45). La vérité dévoile trop clairement la folie des hommes et les objets non avoués de leur poursuite ; elle jette une lumière trop vive sur les faux semblants du monde, pour être jamais bienvenue pour celui-ci. Celui-là seul « qui pratique la vérité, vient à la lumière » (Jean 3, 21). Les hommes se plaisent à vivre dans une sorte de demi-jour, ou à marcher à la lumière d’un feu qu’ils ont allumé eux-mêmes, et des torches dont ils se sont entourés (És. 50, 11) : ils sont à leur aise dans cette voie aussi longtemps que la vérité est mêlée avec les pensées et les spéculations des hommes, mais quand la vérité luit de sa propre et pure lumière, toutes les fausses prétentions, toute la sotte vanité et toutes les imaginations des hommes, sont mises à découvert. La lumière du jour dépouille de leur éclat les choses qui brillent et semblent belles à la lumière factice du monde, mais les hommes ne peuvent pas supporter ce jour qui démasque le monde et lui ôte sa gloire. Supposez, en effet, qu’on laissât luire la lumière de la vérité sur les hommes et les objets de leur poursuite, et leur estimation d’eux-mêmes, sans aller plus loin, n’est-il pas évident qu’ils viendraient à sentir qu’ils sont de pauvres êtres misérables à moins que Christ ne vienne remplir dans le cœur le vide qu’a laissé ce que la vérité a ôté ; car c’est à la lumière de manifester les choses telles qu’elles sont : « Ce qui manifeste tout, c’est la lumière » (Éph. 5, 13). Il y a une inconséquence frappante et qui sera bientôt manifestée dans la lumière, à habiller la vérité de telle sorte qu’elle passe au travers de ce monde aux dépens de la reconnaissance de ses justes droits et de l’accomplissement d’aucun des buts pour lesquels elle a été donnée, et c’est ce qui a lieu quand la vérité ne juge, ni la conscience, ni les voies de ceux qui la professent. Le plaisir qu’on peut témoigner à entendre la vérité ainsi présentée et le profit qu’on peut prétendre en retirer, ne sont qu’une déception, et celui qui l’annonce devrait rougir s’il n’a su lui gagner des suffrages qu’à la condition de la dépouiller de son autorité. N’est-ce pas faire de la vérité une prostituée pour satisfaire aux convoitises de l’esprit ? C’est Dieu qui communique la vérité, et Il a donné la vérité, afin que le cœur de l’homme soit amené à se soumettre à Son autorité et le connaître Lui-même avec Ses œuvres et Ses voies. Celui qui s’occupe de la vérité, en quelque manière, soit pour son propre profit, soit pour le profit d’autrui, est tenu de le faire dans la soumission à Dieu ; c’est pourquoi Paul disait : « Nous avons entièrement renoncé aux choses honteuses qui se font en secret, ne marchant point avec ruse, et ne falsifiant point la parole de Dieu ; mais nous recommandant à toute conscience d’homme devant Dieu par la manifestation de la vérité » (2 Cor. 4, 2).

L’homme, sous la direction de l’Esprit de Dieu, n’est que l’interprétateur des oracles célestes : il en résulte qu’il y a une limite dans le service de la vérité. On doit cesser d’interpréter dès qu’on cesse de comprendre. Le manque de compréhension peut tenir à notre négligence ; et le reconnaître, s’il en est ainsi, peut devenir un aiguillon à plus de diligence, particulièrement si nous nous souvenons qu’« à celui qui a, il sera donné » (Matt. 13, 12), mais jamais une autorisation pour couvrir l’ignorance par la prétention au savoir. Combien d’expositions des Écritures ne rencontrons-nous pas, qui, par leurs contradictions avec elles-mêmes, montrent clairement qu’elles ne présentent pas la vérité, mais les notions incertaines et à jamais variables des hommes. Qu’est-ce qui est donc profitable dans l’enseignement écrit ou oral ? La vérité définie et déterminée ; la vérité appliquée, sans doute par le Saint Esprit, à la conscience et au cœur, mais la vérité présentée sous une forme définie. Je ne conteste pas qu’il puisse y avoir un effet produit par un enseignement qui n’a pas ce caractère, mais quel effet ? — Celui de faire penser aux lecteurs ou aux auditeurs, si toutefois ils pensent, que l’Écriture est aussi vague et émoussée que les explications qu’on en donne. La vérité est déterminée, ou elle n’est pas la vérité. Infinie dans son étendue, et infiniment variée dans son application, elle est toujours définie et déterminée ; et là où ce caractère de la vérité n’est pas saisi, on n’affirme pas et on n’est pas préparé pour agir. Une profession facile et orthodoxe pourra se contenter de vague et de généralité, d’un enseignement fade et insipide, mais si la vérité doit détacher les âmes du monde, les amener à la paix et à la liberté, et les diriger vers la juste espérance du chrétien, il faut qu’elle soit définie.

Mais que dire de ceux qui s’impatientent de tout ce qui dépasse leurs propres conceptions de la vérité et qui s’imaginent que la perfection de l’enseignement est dans une perpétuelle répétition de vérités connues et reconnues, mais élémentaires, pour ne rien dire de ceux qui cherchent plutôt l’excitation que l’édification dans notre très sainte foi ? La condition générale des chrétiens nous fournit la réponse à cette question. Mais que ceux qui professent y avoir échappé par la vérité, prennent garde, ceux-là surtout qui enseignent la vérité, car les fleuves ne monteront pas plus haut que le niveau de la source, et il y a toujours une relation plus ou moins marquée entre le caractère et la condition de celui qui enseigne et le caractère et la condition de ceux qui sont enseignés. Les personnes qui sont gagnées par un enseignement imaginatif, sentimental, superficiel et verbeux, comme celles qui le sont par un enseignement clair et sérieux, porteront infailliblement le cachet de celui qui les a instruites. De plus, tout ce qui est vrai ne profite pas. Je rappelle aussi pour ceux pour qui un effet populaire pourrait devenir un piège, l’instruction que renferme l’exemple de Simon, que nous trouvons au chapitre 8 des Actes. Mais par-dessus tout, nous devrions étudier la manière dont Celui qui parla comme jamais aucun homme ne parla, détachait, par la vérité qu’Il présentait, les multitudes rassemblées autour de Lui, des fausses espérances qu’elles auraient pu rattacher à Ses paroles et à Sa mission, par un esprit charnel ou mondain. Le discours sur la montagne (Matt. 5 et suiv.) et le chapitre 6 de l’évangile de Jean nous en fournissent deux exemples remarquables. Il est profondément douloureux pour nos pauvres cœurs de devoir compter qu’une présentation nette et distinctive de la vérité nous fera faire l’expérience que Jésus a faite Lui-même, comme nous lisons de Lui : « Dès cette heure-là, plusieurs de ses disciples se retirèrent, et ils ne marchaient plus avec lui » (Jean 6, 66). Ce résultat n’était que le légitime, quoique douloureux effet de la fidélité du Seigneur à Sa mission telle qu’Il la définit devant Pilate : « Je suis né pour cela, et c’est pour cela que je suis venu au monde, afin de rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix » (Jean 18, 37).

Celui qui enseigne devrait, pour l’amour de la vérité, éviter toute imitation des autres dans leurs manières de la communiquer. Partout où perce cette folle pensée, elle prévient défavorablement et elle ferme souvent la porte des cœurs. En outre, elle donne au message une apparence de non-réalité entre les mains de celui qui le délivre. La simplicité dans l’intention et le but marquera toujours de son empreinte le mode de communication ; et, sous cette puissance, le vase apparaîtra toujours tel que Dieu l’a préparé et non défiguré par l’effort de le faire ressembler à ce dont il diffère peut-être le plus, aussi bien quant au caractère originel que quant à l’éducation pour l’œuvre.

2. Pyrrhonisme. Ce que j’ai à dire du « Pyrrhonisme » n’exigera pas beaucoup de détails, et ne nous forcera pas non plus, pour le but que nous nous proposons, de nous occuper de Pyrrhon ou de son système philosophique, si toutefois on peut appeler système ce qui recommandait le doute universel et le perpétuel équilibre de l’esprit. Mais le Pyrrhonisme peut exister sans en porter le nom ; et au milieu du renversement des modes de penser conventionnels, et de l’insuffisance reconnue des formules ordinaires de l’orthodoxie, l’âme en qui la superstition ne vient pas prendre la place de la vérité, est particulièrement exposée au danger de se lasser dans la recherche de cette vérité. En effet, si la superstition n’enchaîne pas l’âme à une autorité usurpée, qui interdit d’un côté à la conscience de trouver son repos là où Dieu l’a placé, savoir dans le sang de Christ, et qui de l’autre met une barrière à tout recours direct à la sainte Parole de Dieu, on court le risque de se lasser et de devenir indifférent dans la poursuite de ce qui est vital, et de chercher son refuge dans la question : « Qu’est-ce que la vérité ? » — comme si cette question n’admettait pas une réponse définie ou suffisante. Cet état d’âme peut, dans une certaine mesure, infester l’Église, aussi bien qu’elle peut devenir le péché dominant du monde, et il faut en chercher la source dans la constitution même de l’esprit humain, alors qu’il est placé sous l’influence particulière de temps semblables à celui où nous vivons.

Il y a bien d’autres choses encore, qui, sans être l’aversion ouverte de la vérité, tendent cependant à maintenir l’âme dans un état d’hésitation constante. Plus d’un cas de ce genre trouve son explication dans les paroles de Christ : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l’un de l’autre, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jean 5, 44) ; ou bien encore dans cette déclaration plus sévère : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Matt. 6, 24). Le monde est en antagonisme direct avec le Père ; et en proportion que le monde, sous quelque forme que ce soit, conserve son empire sur nous, nous sommes peu disposés à prêter l’oreille aux communications du Père par le Fils. Nous ne faisons pas opposition ; nous ne sommes pas précisément incrédules : nous doutons seulement. Ici, nous doutons du sens ; là, nous doutons de l’application ; ailleurs, nous doutons de la possibilité de l’accomplissement dans telle ou telle situation. Mais sache ceci, toi qui doutes ! que la vérité ne sera jamais vérité pour toi ou pour ton âme, jusqu’à ce qu’elle ait été traduite en action ! La vérité fait appel à ta conscience, à tes affections, à ton devoir, avec toute l’autorité du Dieu de vérité. Elle commence par s’occuper de perdition et de rédemption. Ensuite, elle prétend former tes motifs, diriger tes actions et tes pensées, animer tes espérances, être le surveillant de toute ta vie, intérieure et extérieure. La vérité n’existe pas pour toi, si tu lui refuses ton obéissance et ton cœur.

3. Dogmatisme. Par « dogmatisme » je n’entends pas cette manière raide et inconvenante dans l’affirmation de la vérité, qu’on désigne ordinairement par ce nom, mais plutôt cet état de l’esprit qui, en voulant maintenir la vérité, expose celle-ci à devenir une affaire d’opinion, au lieu qu’elle soit, selon l’expression du Seigneur lorsqu’Il parle de Ses propres paroles : « esprit et vie » (Jean 6, 63). On peut, en effet, porter préjudice à la vérité par la manière cassante et répulsive dont on l’énonce ; mais on peut aussi, par la disposition dont nous voulons parler ici, la dépouiller de sa puissance en évaporant l’esprit même et la vie de la vérité. Des principes, séparés de la puissance vitale de la vérité, perdent leur valeur, tournent en déception et dégénèrent bien vite en opinions ou en dogmes d’une secte. Ce n’est pas que la grâce et la vérité, lorsqu’elles s’expriment, n’affectent pas des formes définies qui sont très justement appelées des principes ; mais si ces principes doivent être pratiquement de quelque valeur, il faut qu’ils soient animés par l’énergie de la vie intérieure. Il y a une forme qui naît de l’énergie de la vie et se développe par elle-même, et il y a une forme qui est ajoutée et superposée, et qui, si elle est le signe de l’absence de la vie, réprime aussi la vie. L’Écriture fait mention de toutes deux, en ces mots : « Ayant la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance » (2 Tim. 3, 5). La vérité, pour le dogmatiste, n’est qu’un moule qui imprime une forme extérieure ; la vérité, pour le chrétien, devrait être et est ce que la racine et la sève sont pour la plante ou pour l’arbre.

L’apôtre s’adresse ainsi aux dogmatistes de son temps : « Voici, tu portes le nom de Juif, et tu te reposes entièrement sur la loi, et tu te glorifies en Dieu, et tu connais sa volonté, et tu sais discerner les choses excellentes, étant instruit dans la loi ; et tu crois que tu es conducteur d’aveugles, lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, instructeur des hommes dépourvus d’intelligence, maître des petits enfants, ayant la formule de la vérité dans la loi ; — toi donc, qui enseignes les autres, ne t’enseignes-tu pas toi-même ? » (Rom. 2, 17-21) ; et ces paroles, auxquelles je n’ajouterai que les suivantes, adressées par le Seigneur à Ses disciples, réclament l’attention d’un auditeur bien disposé : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites » (Jean 13, 17).

4. Christianisme. Nous abandonnons maintenant le sujet du témoignage objectif ou de l’expression de la vérité qui fait autorité, pour nous occuper de l’expérience subjective ou de l’expression vivante de cette vérité.

La question qui se présente ici est celle-ci : Supposant que la vérité a été « justement » exposée, et reçue de même, quel sera son légitime effet ? L’apôtre Paul nous répond de la manière la plus directe dans le sommaire qu’il nous donne de l’effet de l’évangile chez les Thessaloniciens. Il s’adresse à ceux-ci, « se souvenant de leur œuvre de foi, de leur travail d’amour, et de leur patience d’espérance devant notre Dieu et Père » (1 Thess. 1, 3), comme il dit ailleurs aux Corinthiens : « Or maintenant, ces trois choses demeurent, la foi, l’espérance et l’amour » (1 Cor. 13, 13). Il y a dans la révélation des vérités de la grâce céleste ce qui opère ainsi, par la puissance de Dieu sur l’âme, lorsque celle-ci se soumet à Sa puissance. « L’œuvre de foi » se manifeste en ce qu’elle tourne le cœur « des idoles à Dieu » avec toute l’intensité du contraste qu’il y a entre ce qui n’est que néant et vanité, et une éternelle et vivante plénitude. « Le travail d’amour » s’exprime dans le fait que les énergies de la vie naissent et se dépensent au service de Celui qui, dans la puissance souveraine de Son amour infini et sans bornes, se fait connaître Lui-même à l’âme, et par l’amour enchaîne ainsi celle-ci et la mène captive. « La patience d’espérance » prend la forme déterminée de l’attente de l’accomplissement de la promesse de Celui qui a dit : « Je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, moi, vous, vous soyez aussi » (Jean 14, 3). « L’espérance » montre sa puissance en soutenant la patience qui « attend du ciel le Fils de Dieu qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient » (1 Thess. 1, 10).

Or, ces choses ne nous sont pas présentées comme les fruits venus à maturité d’une longue expérience dans la vérité, mais comme les tout premiers résultats de la réception de l’évangile de grâce, comme le fruit céleste et spontané d’un sol vierge lorsqu’il est mis en culture pour la première fois par Dieu, comme la pure harmonie de l’âme dont les cordes sont touchées par la main habile de l’amour infini. Le Seigneur Jésus Christ était la source et l’objet de la foi, de l’amour et de l’espérance des Thessaloniciens ; et la présence reconnue et sentie, pour leur foi, de Celui qui était leur Dieu et Père, donnait une solennelle réalité à tout ce que la vérité avait apporté dans leurs âmes. Il y avait chez eux « l’œuvre de la foi », « le travail d’amour » et « la patience d’espérance » : rien ne demeurait inerte dans le témoignage divin. En effet, en dehors de cette énergie vivante, le christianisme n’existe pas dans ce monde. Les vérités qui l’ont produit au commencement demeurent, et la puissance divine qui donna à ces vérités leur vivante expression demeure aussi ; mais le christianisme n’existe que dans cette vivante expression. Bien des choses qui ont marqué la brillante carrière de l’Église primitive ont passé, mais l’Écriture nous dit expressément que celles-ci demeurent, « la foi, l’espérance et l’amour », ces trois choses sans lesquelles il n’y a point de christianisme.

Une exposition et une réception vraies et justes de la vérité de l’évangile, ne devraient-elles pas produire toujours les mêmes effets ? Ne devrions-nous pas considérer comme un évangile défectueux, un enseignement ou une prédication où ces effets font défaut ? Dieu ne veut pas que nous limitions sa grâce, mais je parle ici de la responsabilité sous laquelle la vérité place l’âme. L’effet de l’évangile n’est pas limité dans l’Écriture, comme il arrive souvent de nos jours, à la communication de la paix ou même à la possession de la vie éternelle. Si le cœur se repose sur les vérités divines qui forment la base du christianisme, ne doit-il pas revendiquer pour elles un pouvoir puissant et transformateur ? Sans doute, je le reconnais, là où Dieu agit, il convient que l’homme mesure ses pas ; mais dans ce qu’on appelle des « réveils », il me semble que je vois, du côté de Dieu, des âmes réveillées à un point extraordinaire, et amenées en grand nombre à Christ, je n’en doute pas ; du côté de l’homme, la nature abondamment mise en jeu, une présentation d’un évangile défectueux, des âmes trop concentrées sur leur propre sentiment d’assurance et de joie. Il en résulte, là même où l’œuvre est réelle, des produits de serre chaude qui dépérissent et montrent leurs feuilles jaunies dès que la chaleur et les influences extraordinaires ont disparu. La conversion n’est pas tout, et la ferveur ne peut pas tenir la place de la vérité entée dans l’âme. L’activité n’est pas le seul signe de vie spirituelle et de puissance. On peut se réjouir d’entendre quelqu’un exprimer sa joie d’avoir trouvé en Christ ce qu’il ne pouvait trouver nulle part ailleurs, disant : « Je suis si heureux ! ». Mais il y a à côté de cette parole : « Tes péchés te sont pardonnés », une autre parole de Christ qui mérite également notre attention : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive » (Jean 12, 26). Il ne faut pas rabaisser le but pratique que le chrétien doit poursuivre. J’estime que les vrais réveils sont ceux qui amènent les âmes à comprendre d’où elles sont déchues, et à la repentance, et à faire les premières œuvres. Le signe certain d’un réveil dans l’Église (je ne veux pas parler ici du fait de fréquentes conversions), c’est que les chrétiens soient amenés à se demander sérieusement si l’Église est dans un état où elle puisse rencontrer le Seigneur et si elle est Son vrai et fidèle témoin pendant Son absence. Il y a les dangers de tous les temps, et il y a les dangers particuliers de notre temps ; mais la plénitude de la vérité que Dieu nous a communiquée est suffisante pour rendre le chrétien, simple et obéissant, capable de faire face à tous, et de trouver ainsi la bénédiction spéciale, promise par Celui dont nous portons le nom, « à celui qui vaincra » !