Livre:Croître dans la grâce/Chapitre 2

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« Et quand vous ferez la moisson de votre terre, tu n’achèveras pas de moissonner les coins de ton champ et tu ne glaneras pas la glanure de ta moisson… tu les laisseras pour le pauvre et pour l’étranger »

Si le premier chapitre du livre de Ruth nous dépeint la grâce qui sauve, le second nous présente la grâce qui nourrit. La grâce de Dieu non seulement nous apporte le salut, mais nous enseigne ensuite à vivre sobrement, justement et pieusement dans le présent siècle. C’est dans la mesure où nous nous laisserons instruire par la grâce que nous ferons des progrès spirituels. Ce chapitre 2 illustre d’une manière pleine de charme cette croissance dans la grâce, ou progrès spirituel.

Pour le jeune converti, c’est une réelle bénédiction que de bien commencer sa course chrétienne en rompant définitivement avec le monde et en s’engageant dans le sentier de la foi avec le peuple de Dieu. Mais un bon début ne suffit pas. Si nous désirons être maintenus dans le chemin de la foi, nous devons croître dans la grâce. Comme le dit l’apôtre Pierre, si les chrétiens veulent jouir de la grâce et de la paix en abondance, et de « tout ce qui regarde la vie et la piété », et veulent échapper « à la corruption qui est dans le monde par la convoitise », cela ne leur sera possible que par « la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur » (2 Pier. 1, 2-4). C’est pourquoi il conclut son épître en exhortant les croyants à croître « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » (2 Pier. 3, 18).

Les croyants à Corinthe, après avoir pourtant bien commencé, se montraient lents à faire des progrès spirituels. La mondanité et la sagesse de ce monde leur étaient un obstacle. Les Galates firent aussi un bon début, puisque l’apôtre reconnaît qu’ils couraient bien ; mais il doit leur demander : « qui est-ce qui vous a arrêtés pour que vous n’obéissiez pas à la vérité ? » (Gal. 5, 7). Tombés sous l’emprise de faux docteurs, ils avaient été retenus par le légalisme. De même aujourd’hui, beaucoup semblent bien commencer et promettent de devenir des chrétiens consacrés, mais dans la suite de leur vie, ils piétinent spirituellement. Ils ne croissent pas dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Ils succombent aux attractions de ce monde et deviennent mondains, ou ils tombent sous l’influence de faux docteurs et deviennent légalistes.

I

Cette portion de l’histoire de Ruth va donc nous faire découvrir le secret de la croissance dans la grâce. Ruth nous y est présentée de façon insistante comme glaneuse. Au verset 2, nous l’entendons dire à Naomi : « Je te prie, j’irai aux champs, et je glanerai… ». Au verset 7, elle demande aux serviteurs : « Permettez que je glane ». Au verset 17, nous lisons : « Et elle glana », puis au verset 23 : « Et elle se tint auprès des jeunes filles de Boaz, pour glaner ».

Ruth est donc vue comme une glaneuse dans ce chapitre. Mais quelle est la signification spirituelle du glanage ? Nous devons nous rappeler que le premier chapitre se termine sur ces mots : « elles vinrent à Bethléhem au commencement de la moisson des orges ». Naomi et Ruth se retrouvaient au milieu de l’abondance. Mais la moisson, aussi copieuse soit-elle, ne pourra pas rassasier les affamés si elle n’est pas rentrée. Les moissonneurs et les glaneurs doivent faire leur travail, sinon ils mourront de faim au milieu même de l’abondance. En glanant, Ruth s’approprie pour ses propres besoins et pour ceux de Naomi les riches provisions mises à leur disposition par le seigneur de la moisson.

Ne pouvons-nous pas dire que le glanage, sur le plan spirituel, représente l’appropriation par le croyant des bénédictions spirituelles que Dieu lui a octroyées ? Dans l’histoire d’Israël, Dieu avait donné à cette nation un droit de propriété absolu sur le pays promis, dont Il avait délimité les frontières de façon très précise. Toutefois Dieu avait aussi déclaré : « Tout lieu que foulera la plante de votre pied sera à vous ». Les Israélites devaient prendre possession de leur pays. C’est ainsi que Paul pouvait affirmer avec une entière confiance que les croyants sont bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ, mais cette certitude ne l’empêchait pas de prier pour que l’Esprit Saint fasse son travail dans l’homme intérieur, afin que les saints puissent comprendre quelle est la largeur, et la longueur, et la profondeur, et la hauteur de toutes ces bénédictions spirituelles.

Dans l’histoire de nos vies, le jour où le Seigneur Jésus nous a appelés à Lui, où nous avons su que nos péchés étaient pardonnés, où nous avons été scellés du Saint Esprit et rendus par là capables de participer au lot des saints dans la lumière, reste à jamais merveilleux ; mais, bien qu’il ne puisse y avoir d’accroissement dans notre capacité de participer à la gloire, l’apôtre désire pourtant constater chez les croyants une croissance « par la connaissance de Dieu » (Col. 1, 10). Hélas ! nous avons été de bien médiocres glaneurs. Combien peu nous sommes entrés dans les richesses insondables du Christ !

II

Comment cela se fait-il que nous soyons des glaneurs si négligents ? N’est-ce pas que le glanage requiert des conditions auxquelles nous ne sommes pas toujours prêts à nous soumettre ? Ceci devient évident au fur et à mesure que nous relevons les qualités qui firent de Ruth une si bonne glaneuse.

Tout d’abord, elle était caractérisée par un esprit d’humilité et de soumission. Elle dit à Naomi : « Je te prie, j’irai aux champs, et je glanerai… ». Plus tard, elle demanda aux serviteurs de Boaz : « Permettez que je glane ». Elle n’agissait pas de manière indépendante face à ceux qui étaient plus âgés et plus expérimentés qu’elle. Elle ne méprisait pas les directives et les conseils. Elle n’était pas affectée d’une volonté indomptée, qui l’aurait conduite à faire ce qui était juste à ses propres yeux. Pierre peut dire : « Pareillement, vous, jeunes gens, soyez soumis aux anciens ; et tous, les uns à l’égard des autres, soyez revêtus d’humilité ; car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles » (1 Pier. 5, 5). Le Saint Esprit associe la soumission et l’humilité. L’homme fier n’aime pas se soumettre à qui que ce soit. Une volonté non brisée est le plus grand obstacle à la croissance dans la grâce.

Deuxièmement, Ruth était caractérisée par la diligence. Comme nous le lisons au verset 7, « elle est venue, et est demeurée depuis le matin jusqu’à cette heure ; ce qu’elle a été assise dans la maison est peu de chose ». Puis au verset 17, « et elle glana dans le champ jusqu’au soir ». Ne constate-t-on pas un grand manque de diligence parmi les croyants pour les choses de Dieu ? Nous sommes bien zélés pour les choses de ce monde, mais hélas ! nous ne réservons trop souvent que les moments creux de notre vie pour les choses du Seigneur. Étudions-nous la Parole avec application ? Sommes-nous diligents dans la prière ? Nous pouvons bien alléguer que le stress et les difficultés de la vie ne nous laissent guère de temps, mais la question demeure néanmoins : comment utilisons-nous le peu de temps qui nous reste ? En Hébreux 6, 12, l’auteur exhorte à la diligence et ajoute : « que vous ne deveniez pas paresseux, mais imitateurs de ceux qui, par la foi et par la patience, héritent ce qui avait été promis ». Si nous désirons jouir de notre héritage, nous devons montrer du zèle. Il n’est pas étonnant que nous fassions peu de progrès spirituels si nous trouvons le temps de lire les quotidiens et la littérature légère de ce monde, mais que nous n’ayons pas le temps de glaner dans les richesses de la sainte Parole de Dieu.

Troisièmement, Ruth était persévérante. Elle n’était pas diligente un jour et paresseuse le lendemain, mais « elle se tint auprès des jeunes filles de Boaz pour glaner, jusqu’à ce que la moisson des orges et la moisson des froments fût achevée » (v. 23). Jour après jour, elle alla glaner, jusqu’à l’achèvement des deux récoltes. Les Béréens reçurent des éloges spéciaux, non pas simplement pour avoir examiné les Écritures, mais pour l’avoir fait chaque jour (Act. 17, 11). Il est facile de se montrer zélé une journée, mais rester diligent jour après jour demande de la persévérance. « Chaque jour » est une expression exigeante qui nous met à l’épreuve. Le Seigneur demande à Son disciple de prendre Sa croix chaque jour (Luc 9, 23). Fournir un grand effort pour accomplir un acte de renoncement héroïque est relativement facile, mais persévérer tranquillement jour après jour, à la suite du Christ, est l’épreuve à réussir. Ce n’est pas l’homme qui commence bien qui gagne la course, mais celui qui persévère.

Finalement, nous lisons que Ruth « battit ce qu’elle avait glané » (v. 17). Il ne suffit pas de glaner l’orge et le froment, encore faut-il les battre. Les vérités que nous recueillons, soit par notre étude personnelle, soit par le ministère d’autrui, doivent devenir aussi le sujet de nos prières et de notre méditation, pour pouvoir contribuer à notre croissance spirituelle. La simple acquisition d’une vérité ne fera qu’enfler notre esprit. Il faut jouir de cette vérité en communion avec le Seigneur pour qu’elle puisse nous mener plus loin dans la connaissance de Sa personne.

Ainsi, pour faire des progrès spirituels, une certaine condition de l’âme est requise, caractérisée par la soumission, la diligence, la persévérance et la méditation.

En outre, l’état de l’âme, bien que primordial, n’est pas tout. L’aide que nous recevons des autres croyants contribue aussi à nos progrès spirituels. Nous voyons cela de manière frappante dans les différents personnages qui apparaissent au cours de ce chapitre. Naomi, les jeunes filles, les moissonneurs, le serviteur établi sur ces derniers, et finalement Boaz, l’homme puissant et riche, défilent les uns après les autres devant nos yeux, et sont toujours présentés en relation avec Ruth. De diverses façons, tous aident la jeune glaneuse dans son travail, nous montrant par là les différents moyens que Christ utilise pour stimuler chez les siens la croissance spirituelle dans la grâce.

III

Naomi était de longue date en relation avec Boaz ; aussi est-elle capable de conseiller et d’instruire Ruth. De même aujourd’hui, certains marchent depuis longtemps sur le chemin, en relation avec Christ ; et bien qu’ils aient pu, à l’instar de Naomi, manquer gravement, l’expérience les rend néanmoins aptes à donner des conseils et des instructions aux plus jeunes croyants. Il serait difficile de voir en Naomi la figure d’un croyant doué pour l’enseignement ou la prédication ; bien plutôt, nous voyons en elle l’image de ces saintes femmes âgées, dont Tite 2 nous parle, qui sont appelées à être des exemples, « enseignant de bonnes choses », et capables de donner avec amour des conseils judicieux aux femmes plus jeunes. Dans l’esprit de tels versets, Naomi ne soulève pas de difficulté ni ne place d’obstacle sur le chemin de Ruth. Elle répond immédiatement : « Va, ma fille ». Elle encourage Ruth dans cet heureux travail. En outre, lorsque Ruth revient de son labeur, elle reconnaît avec joie les progrès réalisés, car nous lisons : « et sa belle-mère vit ce qu’elle avait glané » (v. 18). Non seulement elle constate les progrès, mais elle s’y intéresse vraiment, puisqu’elle s’enquiert : « Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ? » (v. 19). Finalement, elle éclaire Ruth au sujet de Boaz et lui prodigue affectueusement ses conseils pour la suite du glanage. Si seulement l’esprit de Naomi pouvait animer davantage les sœurs âgées et les conduire à prendre soin des plus jeunes, pour les encourager, pour relever leurs progrès, s’enquérir de leur bien-être spirituel, les instruire dans la connaissance du Christ, et les aider de leurs conseils dans leur glanage.

IV

Les jeunes filles sont aussi des aides pour Ruth dans cet heureux travail de glanage. Elles apparaissent aux versets 8, 22 et 23. Ruth glane à leur côté ; elles sont ses compagnes de labeur. Ne nous parlent-elles pas, en image, de cette heureuse communion entre les enfants de Dieu qui contribue tant aux progrès spirituels ?

Boaz met en garde Ruth : « Ne va pas glaner dans un autre champ, et ne t’en va pas non plus d’ici, mais tiens-toi ici auprès de mes jeunes filles » (v. 8). Il existe d’autres champs et d’autres servantes, mais ils sont étrangers à Boaz. Que nous soyons jeunes ou plus âgés dans la foi, nous faisons bien de prêter attention à l’avertissement de Boaz. Le monde en effet compte beaucoup de champs attrayants, et peut offrir parfois une compagnie très agréable, mais les champs opulents et la vaine société de ce monde ne sont pas de Christ. Jadis, le monde n’octroya qu’une prison aux apôtres ; et lorsque ceux-ci furent libérés, ils rejoignirent « les leurs » (Act. 4, 23). Nous avons nécessairement affaire aux gens de ce monde dans le cadre professionnel ou de la vie courante, mais nous ne pouvons pas jouir d’une douce communion ni faire des progrès spirituels dans ce cercle-là. Ce n’est que dans la compagnie des « nôtres » que nous pourrons les réaliser. Dans les premiers jours du christianisme, la communion ininterrompue des croyants résultait en « une grande puissance » et « une grande grâce » (Act. 4, 33). En Hébreux 10, 24, nous sommes exhortés à prendre « garde l’un à l’autre pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres, n’abandonnant pas le rassemblement de nous-mêmes, comme quelques-uns ont l’habitude de le faire, mais nous exhortant l’un l’autre, et cela d’autant plus que vous soyez le jour approcher ». La source de l’amour et des bonnes œuvres ne se trouve pas dans les saints, mais la compagnie des croyants stimule certainement cet amour et ces bonnes œuvres. Le jour approche où ce monde sera jugé, c’est pourquoi nous faisons bien de nous en séparer pour trouver notre lot béni parmi « les jeunes filles de Boaz », c’est-à-dire parmi ceux qui ne se sont pas souillés, et qui ont gardé leurs vêtements blancs. Plus le jour est proche, plus nous devrions nous rapprocher les uns des autres.

V

Les moissonneurs ont aussi un service à l’égard de Ruth. Ces derniers sont mentionnés aux versets 4, 5 à 7, 9 et 21 de notre chapitre. Serviteurs de Boaz, ils offrent une vivante image des qualités requises des serviteurs du Seigneur qui se consacrent au ministère pour aider les enfants de Dieu.

La première chose nécessaire à tout serviteur de Dieu est la présence du Seigneur. Ainsi, nous entendons Boaz saluer ses moissonneurs par ce vœu magnifique : « L’Éternel soit avec vous » (v. 4). Nous retrouvons ce même esprit à l’époque de l’évangile : « Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux » (Marc 16, 20).

Deuxièmement, pour accomplir le service de Boaz de manière efficace, les moissonneurs doivent se soumettre au serviteur établi sur eux. Nous avons besoin non seulement de la compagnie du Seigneur, mais aussi du contrôle de l’Esprit, la personne divine préfigurée par ce serviteur anonyme (v. 5).

Troisièmement, les moissonneurs précèdent Ruth, comme elle peut le dire elle-même : « Permettez que je glane et que je ramasse entre les gerbes, après les moissonneurs ». Les Écritures reconnaissent l’existence de conducteurs spirituels parmi le peuple de Dieu, qui nous exposent la Parole de Dieu et dont nous avons à imiter la foi. Nous sommes appelés à obéir et à nous soumettre à de tels conducteurs, car ils veillent sur nos âmes (Héb. 13, 7 et 17).

Quatrièmement, ces jeunes hommes — les serviteurs de Boaz — tirent l’eau du puits. Si le privilège de Ruth était de boire de cette eau, c’était la responsabilité des jeunes hommes de la puiser. Tous ne sont pas appelés, ni capables, de tirer l’eau des puits profonds de Dieu, mais tous peuvent boire cette eau, une fois versée dans des vases adaptés à leur capacité. L’eau au fond du puits est hors de portée pour beaucoup, mais l’eau dans les vases est à la disposition de tous. C’est pourquoi le mot d’ordre pour Ruth est : « tu iras aux vases, et tu boiras ». Timothée était invité à s’occuper de « ces choses, à s’y donner tout entier. Ceci correspond certainement au puisage de l’eau ; mais le résultat, ses « progrès », devaient aussi être « évidents à tous ». Nous voyons là l’eau dans les vases, accessible à tous (1 Tim. 4, 15).

Cinquièmement, pour être rendus propres à leur service, les moissonneurs reçoivent des directives spéciales de leur maître. « Et Boaz commanda à ses jeunes hommes, disant : Qu’elle glane même entre les gerbes, et ne lui en faites pas de reproche ; et vous tirerez aussi pour elle quelques épis des poignées, et vous les laisserez ; et elle les glanera, et vous ne l’en reprendrez pas » (v. 15, 16). Pour répondre aux besoins spécifiques des individus, il est nécessaire de recevoir des directives particulières de la part du Seigneur. Combien le serviteur doit être proche du Maître s’il veut savoir, au cours de son service, où et comment laisser tomber la poignée qui correspondra au besoin spécifique du moment, et cela sans faire ni reproche ni réprimande. Le Seigneur est ici, comme toujours, l’exemple parfait pour nous. Lorsqu’au jour de la résurrection, Il fait envoyer un message à Pierre : « … allez, dites à ses disciples et à Pierre… », ne tire-t-Il pas, dans Son infinie perfection, « quelques épis des poignées » pour Sa pauvre brebis égarée, sans y ajouter ni blâme ni reproche (Marc 16, 7) ?

Finalement, le labeur des moissonneurs amène la fin de la moisson, car Boaz donne l’ordre à Ruth de se tenir près de ses jeunes hommes « jusqu’à ce qu’ils aient achevé toute la moisson que j’ai » (v. 21). Il en est des serviteurs du Seigneur comme des serviteurs de Boaz, puisque l’apôtre évoque la glorieuse espérance placée devant nous comme stimulant dans le service. « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur… » (1 Cor. 15, 58).

VI

Le serviteur de Boaz établi sur les moissonneurs joue aussi son rôle dans les progrès accomplis par Ruth dans son glanage. Il n’est pas nommé et n’apparaît que rarement dans le récit, mais il est néanmoins derrière tout ce qui se passe et, au nom de Boaz, contrôle chaque moissonneur qui travaille dans les champs de son maître. C’est lui qui introduit Ruth auprès de Boaz. Il fait un rapport véridique au sujet de la jeune femme, sans ajouter un mot de dénigrement à son égard ; il anticipe aussi la pensée de Boaz en encourageant Ruth à glaner dans ses champs. En tout cela, le serviteur agit en parfait accord avec la pensée de son maître. Certainement, nous avons là un type frappant de cette glorieuse personne, le Saint Esprit, qui est venu de la part de Christ glorifié, au nom de Christ, pour représenter les intérêts de Christ. Quelqu’un qui ne parle pas de Lui-même, qui est invisible aux yeux du monde, mais qui dirige les serviteurs du Seigneur et qui, par Son travail de grâce dans les âmes, les met en contact avec Christ. Quelqu’un qui est venu sur la terre pour les intérêts de Christ, qui pense et agit en parfait accord avec la pensée et le cœur du Père et du Fils.

VII

Finalement, il y a Boaz, qui représente Christ sous deux aspects. D’abord dans la gloire de Sa personne et de Son œuvre, puis dans Sa manière d’agir, pleine de grâce, envers nous, individuellement.

Sur le plan personnel, Boaz est présenté comme un « parent », et un « homme puissant et riche ». Le mot « parent » si souvent utilisé dans le livre de Ruth est rendu ailleurs par « rédempteur », terme qui indique bien la vraie portée du service de parent. Le parent avait et le droit et le pouvoir de racheter son frère ainsi que son héritage, si l’un ou l’autre avaient passé aux mains d’un étranger.

Par la chute, l’homme a perdu tous ses droits sur son héritage terrestre ; lui-même est tombé au pouvoir de l’ennemi, et se trouve, en tant que pécheur coupable, exposé à la mort et au jugement. Il ne peut ni se racheter lui-même ni racheter la terre de la puissance du péché, de la mort et de Satan. Il a besoin d’un rédempteur, de quelqu’un qui ait aussi bien le droit que le pouvoir d’accomplir la rédemption. Christ est le grand Rédempteur, celui dont Boaz n’est que le type. Il rachète les siens d’une double façon, par un acte de rachat et par un acte de puissance. Le prix du rachat qu’Il a payé est Sa propre vie donnée pour nous. Nous avons été rachetés « non par des choses corruptibles, de l’argent ou de l’or, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache » (1 Pier. 1, 18, 19). Outre cela, Il nous a aussi rachetés par un acte de puissance, car non seulement Son sang a été versé, mais par la résurrection, Il a annulé le pouvoir de la mort et du tombeau. Déjà rachetés par Son sang, nous attendons donc la rédemption en puissance, c’est-à-dire le moment où Il délivrera nos corps mortels de toute trace de mortalité en transformant « le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses » (Phil. 3, 21). Et finalement, nous obtiendrons notre héritage — une riche possession qu’Il a acquise — qu’Il rachètera du pouvoir du péché, de la mort et de Satan, et dont nous jouirons ensemble avec Lui à la louange de Sa gloire (cf. Éph. 1, 14).

VIII

Nous voyons en Boaz non seulement une figure des gloires de notre grand Rédempteur, mais aussi une magnifique exposition de Ses voies de grâce envers nous individuellement. C’est notre privilège, non seulement d’apprendre à connaître la vérité concernant Sa personne et Son œuvre, mais aussi de faire l’expérience de Ses soins pleins de grâce, qui nous mènent plus loin dans la connaissance de Sa personne. Puissent tous les croyants désirer mener une vie plus réelle, plus déterminée avec Christ dans le secret de leur âme — vie dont ils ne pourraient raconter grand-chose — connue seulement de Christ et d’eux-mêmes, où aucun tiers ne saurait intervenir.

C’est de cette relation entre Christ et l’âme que nous parle l’attitude bienveillante de Boaz, l’homme riche, à l’égard de Ruth l’étrangère. Son attitude est caractérisée par la grâce et la vérité, évoquant pour nous celui qui est venu par la grâce et la vérité. Dans notre faiblesse, il nous arrive de faire preuve de grâce au détriment de la vérité, ou de maintenir la vérité aux dépens de la grâce. En Christ, l’expression infinie de la grâce s’accompagne du parfait maintien de la vérité.

Avec une grâce touchante, Boaz met toutes ses richesses à la disposition de l’étrangère venue de Moab, quelqu’un qui, selon la lettre de la loi, n’était pas autorisé à entrer dans la congrégation de l’Éternel, même à la dixième génération (Deut. 23, 3). Ses champs, ses jeunes filles, ses jeunes hommes, ses puits, son grain, tout est mis à la disposition de Ruth. Elle doit demeurer dans ses champs, se tenir auprès de ses jeunes filles, glaner après ses jeunes hommes, et boire de son puits. Il ne fait aucune allusion à son origine, à son statut d’étrangère, ou à sa pauvreté. Dans sa bouche, pas un mot de reproche quant à son passé, pas de menaces pour le futur, ni d’exigences exprimées en contrepartie de sa générosité présente : tout est donné dans une grâce souveraine et illimitée. Il n’en est pas autrement dans la manière d’agir de Christ envers les pécheurs que nous sommes. La grâce met les plus excellents dons du ciel à la disposition d’une pécheresse au puits de Sichar, la grâce donne des ordres aux poissons de la mer pour un homme pécheur comme Pierre, et la grâce ouvre le paradis de Dieu au malfaiteur mourant. De même, la grâce nous a bénis de toutes les insondables richesses du Christ, et cela « sans argent et sans prix » (voir És. 55, 1).

Mais, comme nous le savons bien, les richesses de la grâce ne ternissent pas l’éclat de la vérité. Bien au contraire, c’est justement la grâce qui fait ressortir la vérité. Boaz n’a pas besoin de rappeler à cette étrangère son humble origine : elle la confesse d’elle-même. Mais c’est sa grâce qui l’incite à une telle confession. Elle tombe sur sa face devant Boaz, s’effaçant ainsi dans la conscience de la grandeur de la personne devant qui elle se tient, et à qui elle doit toute bénédiction. Par la question qu’elle pose : « Pourquoi ai-je trouvé grâce à tes yeux ? », elle reconnaît que rien en elle-même ne mérite une telle grâce. Elle reconnaît également que, par nature, elle ne peut avoir aucune prétention sur Boaz, puisqu’elle avoue : « Je suis une étrangère ». Ce n’est qu’en présence de la grâce de Boaz qu’elle donne à ce dernier la place qui lui revient, et qu’elle prend sa juste place. Cela nous rappelle d’autres beaux exemples des voies de grâce et de vérité manifestées par notre Seigneur alors qu’Il était ici-bas.

Si la grâce propose à une pauvre pécheresse le don gratuit de l’eau vive, jaillissant en vie éternelle, elle va aussi manifester la vérité à son sujet. La simple phrase de Jésus : « Va, appelle ton mari », est la vérité qui dévoile tout ce qu’elle a commis, et l’invitation qui suit : « Et viens ici » est la grâce qui lui ouvre l’accès à tout l’amour du cœur de Dieu. La vérité lui révèle la méchanceté de son cœur, mais la grâce lui révèle un cœur qui, tout en n’ignorant rien des actes commis dans sa vie, pouvait néanmoins l’aimer et l’inviter à venir à Lui.

En une autre occasion, avec une autre femme étrangère comme Ruth, une Cananéenne, nous voyons le même déploiement de la grâce et de la vérité. Les disciples, eux, défendent la vérité aux dépens de la grâce : « Renvoie-la », disent-ils. Le Seigneur ne procède pas ainsi, mais Il ne dispense pas non plus la grâce au détriment de la vérité. C’est pourquoi Il agit envers cette Cananéenne de façon à ce que la vérité sorte de ses propres lèvres, en l’amenant à confesser : « Oui, Seigneur ; car même les chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Elle souscrit à la déclaration de son interlocuteur, mais elle discerne aussi en Lui la grâce qui ne saurait refuser une miette même à un chien. La grâce du Seigneur la conduit à reconnaître la vérité sur elle-même. Elle reçoit alors la récompense de la foi, car le Seigneur répond avec joie aux appels faits à Sa grâce ; Il peut lui dire : « Femme, ta foi est grande, qu’il te soit fait comme tu veux » (Matt. 15, 21-28).

Quel moment béni dans le cours de nos vies, lorsque seuls avec le Seigneur, nous sommes rendus conscients de la méchanceté de nos cœurs en présence de la grâce qui remplit le sien. Quelle bénédiction d’apprendre en de tels instants qu’aussi vils que nous puissions être, la grâce dans Son cœur pourvoit à tout !

C’est donc Boaz qui console le cœur de Ruth. Elle a reconnu la vérité : « Je ne suis qu’une étrangère », et Boaz par sa réponse semble lui dire qu’elle ne peut rien lui raconter sur elle-même qu’il ne sache déjà : « Tout ce que tu as fait… m’a été rapporté » (v. 11). Aucune crainte ne peut désormais subsister en son for intérieur qu’un jour quelque chose de son passé soit révélé au grand jour et conduise Boaz à lui retirer ses dons de grâce. Libérée, elle peut dire : « Tu m’as consolée, et tu as parlé au cœur de ta servante… ». Rien ne touche, ne gagne et ne console autant le cœur que la certitude acquise dans la présence du Seigneur qu’Il sait tout et qu’Il m’aime malgré tout.

IX

L’histoire de Ruth ne se termine cependant pas là. Boaz a fait preuve de grâce, Ruth a confessé la vérité, il en est résulté de la paix dans la conscience et de la joie dans le cœur ; mais ce n’est pas tout. Boaz ne se contente pas d’apporter du soulagement à Ruth et de la laisser avec un cœur rempli de gratitude. Car quand même la jeune femme pourrait s’estimer comblée, le cœur de Boaz ne serait pas satisfait. Si Ruth n’attendait pas d’autres bénédictions, Boaz avait davantage à donner. Boaz ne s’estimerait pas satisfait sans la compagnie de celle au cœur de laquelle il a parlé. C’est pourquoi il ajoute : « Approche-toi ici ». D’une manière plus profonde encore, n’est-ce pas ainsi que le Seigneur agit à notre égard ? S’Il apaise nos craintes, parle à nos cœurs, et gagne nos affections, c’est pour pouvoir jouir de notre compagnie. L’amour n’est pas satisfait sans la présence de la personne aimée. Dans ce but, Il est mort, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec Lui (1 Thess. 5, 10). Bienheureux sommes-nous si nous prêtons nous aussi l’oreille et répondons à l’invitation pleine de grâce qu’Il nous adresse : « Approche-toi ici ».

C’est ainsi que Ruth se retrouva assise au milieu d’un peuple qu’elle n’avait pas connu jusque-là. Mais si « elle s’assit à côté des moissonneurs », elle le fit en la compagnie de Boaz, car nous lisons : « et il lui tendit du grain rôti ». Heureux sommes-nous si, dans la conscience de la présence personnelle du Seigneur, nous prenons place parmi les siens. Alors nous nous nourrirons du grain du pays. Comme Ruth, nous serons rassasiés et nous en laisserons de reste (v. 14). C’est dans Sa présence que nos âmes sont nourries et nos cœurs satisfaits ; et le cœur satisfait, puisant dans Sa plénitude, aura de quoi donner à d’autres.