Livre:Jonas, fils d’Amitthaï (E.G.)/Le combat de la foi (suite)

De mipe
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« Les eaux m’ont entouré jusqu’à l’âme ; l’abîme m’a enveloppé de toutes parts. Les plantes marines se sont entrelacées autour de ma tête. Je suis descendu jusqu’aux racines des montagnes. La terre semblait m’avoir renfermé dans ses barres pour toujours. Mais tu m’as fait remonter vivant de la fosse, ô Éternel mon Dieu ! Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu de l’Éternel ; et ma prière est montée vers toi, jusqu’au palais de ta sainteté. — Que ceux qui servent les vanités trompeuses, t’abandonnent, toi qui es leur gratuité, pour moi, je t’offrirai des sacrifices de louange, et je m’acquitterai de ce que j’ai voué : car c’est de l’Éternel que vient le salut ».

Le Seigneur nous ordonne de couper la main ou le pied qui nous fait broncher, et nous dit qu’il vaut mieux pour nous que nous entrions boiteux ou manchots dans la vie, que si nous avions deux mains et deux pieds, et que nous soyons jetés dans la géhenne du feu. Mais pour l’ordinaire, nous refusons d’obéir. Que fait alors le Seigneur ? Il nous dit : Tu ne veux pas couper, eh bien, je couperai. — Laissons-Le faire ; nous avons les pensées du temps ; Il a les plans de l’éternité ; Il veut notre salut, et toujours le sourire de la bonté perce à travers l’apparente sévérité de Ses dispensations : c’est l’expérience que Jonas fit en son temps et qu’il consigna pour nous dans sa requête.

Dans les versets qui complètent la prière du prophète, nous retrouvons l’expression des mêmes sentiments qui l’animèrent successivement dans le ventre du poisson. D’abord, il éprouve le besoin d’épancher son cœur devant Dieu. « Les eaux m’ont entouré jusqu’à l’âme », s’écrie-t-il avec le psalmiste (Ps. 69). « L’abîme m’a enveloppé de toutes parts ; les plantes marines se sont entrelacées autour de ma tête. Je suis descendu jusqu’aux racines des montagnes ; la terre semblait m’avoir renfermé dans ses barres pour toujours ».

L’imagination la plus vive trouverait-elle des traits plus saisissants ou des paroles plus impressives, pour dépeindre l’état d’un malheureux criminel relégué pour la vie dans la sombre demeure du désespoir ? Et pourtant, chacune de ces paroles, appliquées à Jonas, est parfaitement exacte, chacun de ces traits est littéralement vrai. Jonas était enfoncé dans les profondeurs de la mer : l’abîme au-dessus de lui, l’abîme au-dessous, de tous côtés l’abîme. On sait que la mer, comme la terre, a ses collines, ses montagnes, ses vallées et ses cavernes. Eh bien, Jonas se figure le poisson, sa demeure mobile, se plongeant tour à tour dans les plus basses de ces vallées, descendant jusqu’aux racines des plus hautes de ces montagnes, ou s’enfonçant dans les réduits les plus obscurs des plus profondes de ces cavernes. Ses cheveux se dressent d’horreur sur sa tête, son sang se glace d’effroi dans ses veines. Dans la geôle affreuse où il gémit, et où les plantes marines, que foule de tout son poids le monstre qui le porte, lui semblent s’entrelacer autour de sa tête : dans cette geôle affreuse, Jonas, pareil au prisonnier que des verrous et des barres séparent à jamais de la société de ses semblables, n’avait plus d’espoir qu’en Celui qui ressuscite les morts. Il n’est sur la terre cachot si profond ni si bien fermé qu’un généreux bienfaiteur ne puisse y descendre pour porter une parole de sympathie à l’infortuné qui y consume tristement ses jours. Mais quel être au monde descendrait dans la prison où se désole le fils d’Amitthaï ? Je me trompe : Satan peut y pénétrer ; les infranchissables barrières qui empêchent Jonas d’en sortir n’empêchent pas l’ennemi de s’y introduire avec le cortège accoutumé de ses tentations. Il en a pour toutes les âmes et pour toutes les situations ; il en a de particulièrement horribles pour les cœurs plongés dans la détresse. Peut-être, s’approchant de Jonas, lui dit-il à cette heure comme autrefois à Job : « Maudis Dieu et meurs ! ».

Mais l’Éternel est là qui le soutient, et qui, le couvrant de Son impénétrable bouclier, le met à l’abri des « traits enflammés du malin », tellement que, après avoir savouré l’avant-goût de l’éternelle condamnation, Jonas s’écrie : « Tu m’as fait remonter vivant de la fosse, ô Éternel mon Dieu ! ». Il parle de sa délivrance, disions-nous tantôt, avec la même certitude que si déjà elle était accomplie. « Je ne resterai point dans cette fosse ; tu me rachèteras de la puissance de la tombe, et je reverrai la lumière du jour et la terre des vivants ». En rappelant à Dieu, dans sa prière, par quelles détresses il venait de passer, il semblait moins implorer Son secours que Lui rendre déjà grâce de son salut. Puissions-nous, dans l’épreuve, glorifier Dieu par une confiance pareille à la sienne ! Il est toujours avec nous, Celui qui sut tracer une voie à Son peuple à travers les flots de la mer Rouge, qui fit remonter Jérémie du bourbier où l’avaient plongé ses ennemis, qui racheta le fils d’Amitthaï du ventre du poisson, qui délivra Daniel de la fosse aux lions et les jeunes gens des ardeurs de la fournaise. Il est « le même hier, aujourd’hui, éternellement ». « Croyons » et nous « verrons sa gloire ». Il sauve quand nul autre ne peut le faire. Reposons-nous pleinement sur Lui ; s’Il nous garantit, qui nous frappera ? Après nous avoir fidèlement gardés pendant la vie, Il nous soutiendra puissamment à l’heure du départ, et nous protégera jusque dans notre tombe ; puis, au dernier jour, Il nous fera remonter vivants du sépulcre pour nous introduire, avec tous les siens, dans les demeures éternelles que Son amour nous a préparées.

« Quand mon âme défaillait en moi », poursuit Jonas, s’appropriant encore une parole des psalmistes (Ps. 22 et 61), « quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu de l’Éternel, et ma prière est montée vers toi, jusqu’au palais de la sainteté ». Avant lui, sûrement, plusieurs étaient descendus dans l’abîme de la détresse ; mais quel autre y avait été plongé aussi avant que lui ? Qu’étaient auprès de son cachot la caverne de David, la fosse de Joseph, et même celle de Daniel ? Que seront, auprès des liens qui l’enserrent, les doubles chaînes d’airain dont Dieu fera plus tard garrotter l’impie Manassé ? Quel autre avant le prophète de Gath-Hépher, et quel autre après lui a pu s’écrier : « La terre semblait m’avoir renfermé dans ses barres pour toujours » ? La mort était là devant Jonas avec toutes ses horreurs, le désespoir avec toutes ses terreurs, l’enfer avec toutes ses menaces. Mais il en a détourné les regards. Le nom de l’Éternel son Dieu lui est revenu en mémoire. C’est le « Dieu clément, riche en grâce et qui se repent » aisément « du mal » dont Il a menacé (Ex. 34 ; Jon. 4). C’est « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui fait tout ce qui lui plaît aux cieux, sur la terre et dans les plus profonds abîmes, qui garde la fidélité à toujours ». À peine Jonas L’a-t-il regardé, que déjà l’espoir a ranimé son cœur. Ah ! que la pensée consolatrice et le doux ressouvenir du Dieu qui le soutint dans sa détresse te rassure également dans la tienne, chère âme éprouvée ! Et que la verge qui te frappe, au lieu de t’éloigner de Celui qui la tient, te ramène plutôt dans Ses bras. « Il y a un jour en sa colère, toute une vie en sa faveur ». C’est sur Lui, non sur les épreuves, ou sur les dangers qui t’environnent, que tu dois arrêter tes regards. Tant que Jonas envisage sa situation, le cœur lui manque ; tourne-t-il les yeux vers l’Éternel et le palais de Sa sainteté, aussitôt il reprend courage. Pierre marche d’un pas ferme sur les eaux aussi longtemps qu’il regarde à Jésus ; voit-il l’abîme, à l’instant il enfonce ; mais bientôt la prière de la foi le relève. Comme Pierre, comme Jonas, au lieu d’arrêter tes yeux sur les difficultés ou les périls de ta situation, appelle le Seigneur à ton aide ; que le nom de l’Éternel ton Dieu te revienne en mémoire ; et que, devant la douce image du Roi de Jacob, ton puissant Rédempteur, s’enfuient et disparaissent les sombres et lourdes pensées de l’accablement et du chagrin.

Jonas a donc trouvé le vrai soutien dans la détresse : c’est un regard porté sur Dieu. « Je me suis souvenu de l’Éternel ! ». Heureux secret, précieuse recette ! Pareil au bois que l’Éternel fit connaître à Moïse, le ressouvenir du nom du Seigneur adoucit nos épreuves et en ôte l’amertume. Grâce ineffable de Dieu ! Le cœur de Jonas lui a dit de la part de l’Éternel : « Cherche ma face » ; il a « cherché la face » du Dieu vivant et l’a trouvée. « Ma prière est montée vers toi, jusqu’au palais de ta sainteté ». En attendant que sa personne entre dans le sanctuaire, il sait pour certain que sa requête y est reçue. Au reste, la prière de la foi voyage rapidement ; en un moment, et au travers de l’impénétrable obscurité de l’abîme, le cri de Jonas est parvenu jusqu’au palais de la sainteté de Dieu, et Dieu l’a accueilli. « Quoique puissant, il ne dédaigne personne » (Job 36) ; Il ne méprise point le cri des chétifs ; Il prête l’oreille à leurs requêtes : pour mieux entendre nos soupirs, Il ferait plutôt taire les alléluia des anges ; Il dit à Israël qui gémit sous la servitude de Pharaon : « J’ai très bien vu l’affliction de mon peuple » et à Éphraïm qui se désole sous la main d’un autre oppresseur : « J’ai très bien ouï la plainte d’Éphraïm ». Tout à l’heure Il montrera de même qu’Il a fort bien ouï le cri de Jonas. En attendant de le voir, celui-ci le croit. « Et ma prière », dit-il, « est montée vers toi jusqu’au palais de ta sainteté ». Aurions-nous donc moins de foi que lui, nous qui possédons plus de promesses ? Ah ! crions, crions à Dieu du fond de notre misère ; implorons Celui qui réside, non plus dans un temple matériel, symbole du véritable, mais dans le ciel même : faisons monter librement vers Lui nos supplications ; elles sont infirmes, il est vrai, pleines de défectuosités et de souillures ; mais n’avons-nous pas un souverain Sacrificateur « qui ôte l’iniquité de nos saintes offrandes » et qui a « reçu beaucoup de parfums pour les offrir » avec nos prières ? Déposons-les avec confiance dans Ses mains sacerdotales pour qu’Il y mêle le pur encens de Son intercession, et les rende ainsi parfaitement dignes d’être présentées à Celui qui est assis sur le trône « dans le palais de sa sainteté » (Ex. 28 ; Héb. 4 ; 7 ; 9 ; Apoc. 8 ; etc.).

Jonas a donc écouté la verge et compris la correction ; maintenant il s’écrie : « Que ceux qui servent les vanités trompeuses t’abandonnent, toi qui es leur gratuité, pour moi je t’offrirai des sacrifices de louange et je m’acquitterai de ce que j’ai voué : car c’est de l’Éternel que vient le salut ».

« Ceux qui servent les vanités trompeuses ». C’est encore une parole du Messie au psaume 31. « Ceux qui servent les vanités trompeuses t’abandonnent », toi qui es « leur gratuité ». Nouveau fruit de l’épreuve ! Expérience précieuse, et qui n’est point achetée trop cher au prix des plus vives douleurs ! Au lieu de la garder pour lui seul, Jonas veut en faire part à tout le peuple de Dieu. « Ceux qui servent les vanités trompeuses t’abandonnent », toi qui es « leur gratuité ». Rien ne convainc comme l’expérience. Jonas avait goûté de Dieu ; il avait aussi goûté du péché, et maintenant vous entendez sa conclusion. Il reconnaît que lui-même a servi les « vanités trompeuses ». Les vanités ne sont donc pas seulement les idoles des païens, lesquelles, dit Jérémie, « ne sont qu’un ouvrage propre à abuser » (Jér. 10) ; c’est aussi tout ce que notre cœur recherche et adore ; c’est tout ce qu’il aime plus que Dieu, tout ce dont il attend sa délivrance et son bonheur ; ce sont nos parents, nos amis, quand nous les divinisons ; c’est l’argent, c’est l’approbation des hommes, c’est la renommée ; c’est le moi, sa justice, sa sagesse, sa volonté : le moi charnel, cette « idole de jalousie » qui, par-dessus toutes nos idoles, « provoque » l’Éternel à « la jalousie ».

Toutes ces choses sont des vanités. Et des vanités trompeuses. Elles ne donnent point le bonheur. Après les avoir servies l’une après l’autre, Salomon s’écrie : « Vanité des vanités, tout est vanité et rongement d’esprit ! ». On saute de joie à la vue de quelque brillant hochet ; au moment où l’on croit le saisir, un incident imprévu détruit soudain l’illusion ; la brillante fantasmagorie s’évanouit, et plus notre attente avait été vive, plus est profond notre désappointement. Le monde et tout ce qu’il renferme est comme Baal ; en vain lui criez-vous : « Exauce-nous ! », il ne peut rien pour vous. Tout ce qui est dans toute la création dit à celui qui a des oreilles pour ouïr : «  Le bonheur n’est pas en moi ; va au Dieu qui m’a fait ; c’est lui qui le donne ». Pauvre âme, qui te fatigues inutilement à poursuivre les vanités trompeuses, quand voudras-tu donc enfin comprendre que tu cours après un fantôme fuyant, fuyant toujours devant la main qui s’avance pour le saisir, semblable à ces petits enfants qui courent après l’arc-en-ciel dans l’espoir de l’atteindre, ou qui se flattent de pouvoir toucher le ciel, une fois parvenus au sommet de la montagne !

Non seulement les vanités trompeuses ne donnent pas le bonheur, elles enfantent encore le chagrin. Aussi, dans l’original, la Parole de Dieu les appelle-t-elle d’un nom qui signifie également douleurs. Certes, elles sont bien nommées. Dès que vous avez quitté Dieu, n’importe à laquelle de ces idoles vous vous donnez ; qu’avec le roi d’Israël vous alliez au dieu d’Ékron pour retrouver la santé ; qu’avec Saül vous recouriez à la pythonisse pour être secourus dans la détresse ; que vous imploriez la vierge et les saints, ou que vous mettiez votre confiance dans vos parents, vos amis, ou vos autres bras de chair, encore une fois, il n’importe : vous serez tous à la fin déçus dans votre attente, humiliés, confus ; vous détesterez vos idoles et maudirez vos douleurs.

Mais ceux qui servent les idoles ne poursuivent pas seulement des vanités qui les trompent ; ils « t’abandonnent », dit Jonas, toi, Seigneur ! qui es « leur gratuité » ; — « faisant ainsi deux maux », selon l’expression de Jérémie, « délaissant l’Éternel qui est la source des eaux vives », pour courir « aux citernes crevassées qui ne contiennent point d’eau ». Si Jonas revient plusieurs fois sur l’épreuve qui l’enveloppe, c’est, comme on le voit, pour ajouter ensuite qu’elle est le juste châtiment de sa révolte ; à cette condition, ne craignons pas non plus de nous arrêter sur nos maux, de les compter, de nous en rappeler toutes les circonstances ; il n’y a que profit à le faire quand c’est entre Dieu et nous, quand ce n’est pas pour nous amollir le cœur, pour exciter outre mesure la compassion de nos semblables, ou pour satisfaire ce malheureux orgueil qui trouve partout sa pâture, et lorsqu’enfin c’est pour conclure avec Jonas : « Ceux qui servent les vanités trompeuses t’abandonnent, toi qui es leur gratuité ».

C’est bien du cœur qu’il la prononça, cette parole. Au lieu du repos qu’il avait cru trouver hors de la voie du Seigneur, il avait perdu Sa faveur et couru le risque d’être rejeté de Lui pour toujours. Aussi désormais s’attachera-t-il à ce qui ne trompe point. Puissent son exemple et notre expérience personnelle nous détacher enfin de tout ce qui ment pour nous lier irrévocablement à Celui qui « donne la paix » et « ne la donne pas comme le monde la donne » ! De quels trésors de bonheur l’homme se prive en se privant de la communion de Dieu ! Quel choix insensé il fait quand il préfère la créature au Créateur, le présent à l’éternité, les ombres mobiles du temps aux réalités glorieuses du siècle à venir, le vil potage d’Ésaü à l’immarcescible couronne des premiers-nés ! Supposez un homme qui ayant, pour éclairer sa route, la brillante lumière de l’astre du jour, lui préférerait néanmoins la pâle clarté d’une lampe, à condition qu’on la mît immédiatement dans ses mains, et qui dirait ensuite : « Maintenant, je n’ai que faire du soleil, vous pouvez l’ôter du firmament ; il est d’ailleurs trop loin de moi et ma lampe me suffit ». Sûrement, penseriez-vous, cet homme a perdu le sens. Eh bien, ce voyageur insensé, cet aliéné, c’est toi, cher lecteur, c’est moi, c’est l’homme depuis la chute ; il saisit avec ardeur toute jouissance actuelle, immédiate : il préfère la clarté douteuse et perfide des joies passagères d’ici-bas à la vive et pure lumière de la communion de Jésus Christ, le soleil de grâce — aux douceurs de Son service et aux délices immortelles de la cité dont Il sera éternellement le flambeau. En vain Dieu lui crie-t-Il dans Sa Parole : « Ceux qui servent les vanités trompeuses m’abandonnent », moi qui suis « leur gratuité » ; en vain le peuple de Dieu, instruit et désabusé par de longues et douloureuses expériences, lui répète-t-il l’importante leçon ; malgré l’avis salutaire renouvelé chaque jour, en dépit de l’écriteau dressé comme en tête du chemin de la vanité, il poursuit obstinément sa route, et il a le temps de s’en repentir. « Le niais passe outre », dit le sage, « et paie l’amende » (Prov. 27, 12). « C’est dans tes voies, Seigneur Jésus ! qu’il faut marcher. C’est ta volonté qu’il faut accomplir, sous ton regard et dans ta force, pour être heureux. C’est à toi, cher Sauveur ! qu’il faut aller dans la détresse ; c’est toi qu’il faut servir, toi seul qu’il faut aimer : « ta gratuité est meilleure que la vie » ; hors de toi tout est vanité ; tu es « la bonne part » qu’il « faut choisir ». Dieu ! qui n’es jaloux de mon cœur que parce que tu es jaloux de me rendre heureux, tu as « bouché d’épines mon chemin » quand je courais après les « vanités trompeuses », et par les mécomptes et la douleur, tu m’as ramené à tes gras pâturages, à « ton vin, à ton froment, à ton huile » (Os. 2). L’éternité ne sera pas trop longue pour te bénir.

Jonas termine sa prière en disant : « Pour moi, je t’offrirai des sacrifices de louange et je m’acquitterai de ce que j’ai voué, car c’est de l’Éternel que vient le salut ». David avait dit de même : «  Tu m’as racheté, Seigneur ! Je prendrai la coupe des délivrances et te rendrai mes vœux devant tout ton peuple, dans les parvis de la maison de l’Éternel » (Ps. 116). Aussitôt retirés de la détresse, accomplissons fidèlement comme eux les vœux que notre bouche a prononcés dans la tribulation ; c’est une dette sacrée dont il faut nous acquitter sans délai. Offrons à Dieu par Jésus notre cœur avant tout, notre vie, puis le sacrifice de nos louanges. En même temps que l’action de grâce est notre culte raisonnable, elle est aussi notre privilège et notre bonheur. Jamais, dans le service journalier du tabernacle, la première sacrificature ne se trouvait plus près du lieu très saint que lorsqu’elle faisait brûler les parfums sur l’autel d’or à côté du voile ; jamais non plus la nouvelle sacrificature, dans le culte qu’elle rend à Dieu chaque jour, n’est plus près du vrai sanctuaire et ne respire davantage l’air du ciel que lorsqu’elle présente à Dieu le parfum de la louange, dans la communion de Jésus Christ, notre mystique autel et le Prince de notre royale sacrificature.

« C’est de l’Éternel que vient le salut », s’écrie Jonas pleinement assuré que Dieu va le tirer enfin de son affreux cachot. « C’est de l’Éternel que vient le salut » ! Belle conclusion d’une belle prière ! Prodige de la foi ! Et merveilleux témoignage de la bonté de ce Dieu, qui non seulement empêchait que le rebelle ne succombât dans sa détresse, mais le remplissait d’un noble et glorieux espoir ! Jonas a décidément tourné ses regards vers le temple de Jérusalem, il y est entré par la pensée ; il a vu en esprit l’autel d’airain, où le souverain sacrificateur présentait journellement à Dieu, pour les coupables, l’oblation de bonne odeur ; il a contemplé l’autel d’or où pour eux il offrait l’encens continuel ; et, pénétrant avec lui jusque dans le lieu très saint, il l’a vu répandre sur le propitiatoire le sang qui les nettoyait de tous leurs péchés ; maintenant il s’écrie : « C’est de l’Éternel que vient le salut ! ». Cette parole, il lui tarde de la faire retentir dans les parvis du Seigneur.

Une chose ici nous frappe : dans le navire, Jonas avait ouï le tonnerre du jugement ; dans le ventre du poisson, il n’entend plus que la douce voix de la miséricorde. Vainqueur de la tombe par la foi, il parle de la vie encore tout environné des ombres de la mort, et proclame le salut comme s’il le tenait déjà. C’est l’assurance de Noé dans l’arche au milieu des jugements de Dieu ; il ne pouvait lui-même en ouvrir la porte, il ne pouvait en sortir avant le temps marqué, mais il saluait la terre nouvelle avec une entière certitude de foi. C’est l’assurance d’Israël célébrant, au sein des désolations de l’Égypte, la pleine rédemption de Dieu comme s’il possédait déjà le beau pays de la promesse. C’est enfin la parfaite confiance du meurtrier involontaire dans la ville du refuge : le vengeur du sang est bien là, debout, l’œil étincelant, l’épée nue à la main ; mais les portes de la cité sont fermées, et le meurtrier jouit à plein du salut qu’il a trouvé dans ses murs et du doux espoir de revoir un jour le foyer domestique.

Encore une fois, chers frères, que dans l’épreuve et dans la détresse, la confiance du prophète soit la nôtre ; qu’admis par la foi, comme nous le sommes, dans le sanctuaire véritable, nous y contemplions en esprit l’autel d’airain, où la victime sainte « s’offrit » à « Dieu » pour nous « sans nulle tache » ; l’autel d’or, où notre souverain Sacrificateur Lui présente en notre faveur le parfum de Son intercession ; et le vrai propitiatoire, « le trône de grâce », sur lequel Il s’est glorieusement assis, « après avoir achevé par lui-même la purification de nos péchés » et mis devant Dieu « le sang de l’aspersion qui prononce de meilleures choses » que celui d’« Abel » (Héb. 1 ; 9 ; 12). Alors, comme Jonas, au milieu de la mort nous parlerons de la vie ; nous proclamerons la victoire au plus fort de la bataille ; assurés, tranquilles comme Noé dans l’arche, comme Israël dans ses demeures teintes du sang de l’agneau pascal, comme le meurtrier dans la cité du refuge, nous répéterons avec le fils d’Amitthaï : « C’est de l’Éternel que vient le salut ! ». Nous le répéterons dans un sens beaucoup plus élevé, beaucoup plus glorieux ; car, pour nous, le Tout-puissant a fait de grandes choses ; Il nous a tirés d’infiniment plus bas que le prophète pour nous placer infiniment plus haut : Il nous a pris dans « le tombeau de nos péchés » et nous a « fait asseoir » en Jésus Christ « sur le trône de sa magnificence », dans le « palais de sa sainteté, au-dessus de tout nom qui se nomme, non seulement dans ce siècle, mais dans celui qui est à venir » (Éph. 1 et 2). À Lui soit gloire éternellement, amen !