Livre:Messages aux sept églises/Chapitre 6
Le message adressé à Éphèse montre clairement que si la profession chrétienne a perdu sa position de témoin pour Christ sur la terre, l’abandon du premier amour pour Lui en fut l’origine. Dans le message à Smyrne, nous apprenons comment ce déclin fut arrêté pour un temps par la persécution que le Seigneur laissa Son Église traverser. En même temps, elle fut troublée par des docteurs judaïsants qui cherchaient manifestement à échapper à la persécution du monde en tendant de lier les formes du judaïsme avec les enseignements du christianisme. Pour un temps, la persécution réveilla la fidélité des saints. Néanmoins, le levain du judaïsme, bien qu’alors rejeté avec indignation, fermentait durant la période de Smyrne. Cet effort pour changer l’assemblée chrétienne composée uniquement de vrais croyants, en une pseudo-synagogue juive, composée d’un mélange de croyants et d’incrédules, ouvrirait naturellement la porte de l’Église au monde et préparerait ainsi le chemin qui l’amènerait à s’installer dans le monde.
C’est là la phase suivante du déclin de la profession chrétienne, le caractère dominant de l’Église dans la période de Pergame. Une Église judaïsée n’est plus un scandale pour le monde. Un peu plus tôt, l’apôtre Paul pouvait écrire : « Si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? — alors le scandale de la croix est anéanti » (Gal. 5, 11).
— Verset 12 : La présentation de Christ à l’ange de l’église à Pergame fait référence à l’état de l’Église dans cette période. Le Seigneur se présente comme « celui qui a l’épée aiguë à deux tranchants ». Nous savons par Hébreux 4, 12 que l’épée à deux tranchants est une figure de la Parole de Dieu. Le psalmiste peut parler de la Parole comme d’une lampe à son pied (Ps. 119, 105). Ici, elle n’est pas vue comme une lumière pour le chemin du chrétien, mais comme une épée qui s’occupe de tout ce qui est contraire à la lumière. La Parole vue comme l’épée a toujours un aspect judiciaire. Elle peut certes être utilisée par l’Esprit pour protéger le chrétien des ruses du diable (Éph. 6, 11-17), ou, comme dans ce passage solennel, elle peut être utilisée par Christ contre le corps public de la profession chrétienne, à moins qu’il n’y ait repentance.
— Verset 13 : Le Seigneur en vient tout de suite à ce qui est si sérieux à Ses yeux. Il dit : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan ». Satan, nous le savons, est le prince de ce monde, et il siège là où il gouverne. Son trône n’est pas en enfer, comme l’imaginent faussement des poètes. Il siège là où il règne et non dans le lieu où il sera lié quand son trône sera anéanti et le temps de son règne terminé. Il ne règne pas seulement à Rome, ou à Pergame. Son royaume n’est pas limité à un lieu, il s’étend au monde entier. Si l’église professante habite là où est le trône de Satan, nous pouvons être sûrs que l’Église a abandonné son caractère d’étrangère et s’est installée dans le monde.
Le Seigneur a dit des siens : « Vous n’êtes pas du monde, mais… moi, je vous ai choisis du monde » (Jean 15, 19). De plus, le Seigneur Jésus Christ « s’est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu’il nous retirât du présent siècle mauvais » (Gal. 1, 4). En outre, les chrétiens ont reçu un appel céleste, leur habitation est dans le ciel. L’Église appartient au ciel et devrait porter un caractère céleste. Combien c’est alors solennel pour ce qui a la position de l’Église devant le monde, d’abandonner l’appel céleste, de rejeter son caractère céleste et de s’installer dans le monde. Il est vrai que le chrétien est dans le monde et, en effet, le Seigneur parle de Ses disciples comme étant envoyés dans le monde, car Il peut dire au Père : « Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jean 17, 18). Comment donc y a-t-Il été envoyé ? Assurément pas pour « habiter » dans le monde, mais pour rendre témoignage à Dieu comme la lumière du monde. Celui qui, quand Il était sur la terre, pouvait parler de Lui-même comme « le Fils de l’homme qui est dans le ciel » (Jean 3, 13), n’était pas un « habitant » de ce monde. Certes, Il marchait sur la terre, mais Sa demeure était dans le ciel. L’Écriture montre d’une manière absolument claire que le monde est le lieu de notre pèlerinage, où nous sommes laissés pour un temps afin de reluire « comme des luminaires dans le monde » (Phil. 2, 15). Habiter dans le monde, c’est chercher à s’y établir comme si c’était notre habitation permanente.
Tel était donc l’état solennel de l’Église dans la période de son histoire décrite dans le message à Pergame. Elle n’était plus un témoin dans le monde, mais une habitante du monde. Habiter montre le caractère moral de la profession, tout comme l’expression « ceux qui habitent sur la terre », utilisée ensuite dans l’Apocalypse, montre le caractère d’une certaine classe de personnes. Les anges visitèrent Sodome, ayant à y rendre témoignage ; Lot y habita, il trouva là son chez-lui, et son caractère fut formé par le lieu où il habitait.
S’étant installée dans le monde, l’Église cesse d’être un témoin pour Christ, et le monde cesse de la persécuter. Quand le monde et l’Église s’associent, il ne reste plus aucun motif de persécution. À partir de cette période, l’Église dans son ensemble a perdu son caractère céleste et ne le retrouvera jamais tout au long de son histoire sur la terre ; et il y eut pire, car le christianisme est devenu parmi les hommes simplement un moyen pour élever le niveau des masses et faire prospérer des intérêts matériels.
Néanmoins, il y avait encore ce que le Seigneur pouvait approuver, car nous L’entendons dire : « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi ». Le nom dans l’Écriture est toujours l’expression de ce qu’est une personne, et cela parle de la vérité concernant la personne de Christ. « Ma foi » désigne les grandes vérités du christianisme concernant l’incarnation, la mort et la résurrection de notre Seigneur.
En dépit du fait que le corps professant s’était installé dans le monde et avait ainsi abandonné son caractère céleste, l’Église, pendant cette période, tenait encore ferme la vérité concernant la personne de Christ et refusa de se laisser entraîner en aucune manière à renier la foi chrétienne.
Cela implique toutefois que, à cette époque, il y eut des attaques pour enlever à l’Église les grandes vérités du christianisme. L’arianisme qui niait la divinité de Christ, l’apollinarisme qui attaquait Son humanité et le nestorianisme qui faisait de notre Seigneur deux personnes, surgirent au quatrième siècle. L’Église, en condamnant l’hérésie au cours de différents conciles, tint ferme la vérité concernant la personne de Christ, certains sacrifiant même leur vie plutôt que d’abandonner la vérité. Antipas fut un brillant exemple de ceux dont le Seigneur parle : « Mon fidèle témoin, qui a été mis à mort parmi vous, là où Satan habite ». Le Seigneur ne pouvait plus parler de l’Église dans son ensemble comme « mon fidèle témoin », mais il y avait encore des individus fidèles.
Il est extrêmement encourageant que le Seigneur nous fasse connaître que, si grand que soit le déclin général et si sombre que soit l’époque, il y a toujours des personnes isolées qu’Il peut approuver et dont Il peut parler comme étant « à Lui », et pas seulement comme étant des témoins pour Lui, mais de « fidèles témoins ». De même l’apôtre Paul, nous donnant des instructions pour un jour de ruine, envisage manifestement l’existence de telles personnes, car il charge Timothée de transmettre la vérité « à des hommes fidèles » (2 Tim. 2, 2).
La fidélité d’Antipas lui valut une mort de martyr. Il fut un lumineux témoin de Christ dans le monde de Satan et, par là, un brillant exemple de ce que toute l’Église aurait dû être dans ce monde ; et par contraste, il condamnait le bas état de l’Église. Il est vrai que l’Assemblée n’était pas en association reconnue avec le monde gouverné par Satan, qui avait déjà montré son vrai caractère en mettant à mort le fidèle témoin du Seigneur ; néanmoins, les paroles du Seigneur semblent faire un sérieux reproche à l’Église déchue, car Il dit de ce fidèle témoin qu’il « a été mis à mort parmi vous, là où Satan habite ». C’est comme s’Il disait à l’Église : « vous vivez où Satan habite, mais mon fidèle témoin y est mort ».
— Verset 14 : Ainsi, nous comprenons que, si le Seigneur aura toujours des témoins fidèles, à partir de ce moment-là, l’Église, dans son ensemble, est désormais installée dans le monde. Le pas suivant dans le déclin est de composer avec le monde où elle s’est installée. On pourrait objecter que le monde avait changé de caractère, puisqu’il avait cessé de persécuter l’Église. Ce n’était qu’un changement extérieur, un changement de comportement. Il couvrait sa nudité d’une profession extérieure de christianisme ; de cœur, il demeurait le même : il aimait le péché et haïssait Christ. Néanmoins, l’Église ayant abandonné son premier amour était prête à devenir la proie de ses séductions.
Ce palier dans le déclin est illustré par l’histoire de Balaam. Cet homme profondément méchant nous est présenté dans les chapitres 22 à 24 des Nombres. Il fut soudoyé par Balak pour maudire le peuple de Dieu. Empêché d’aider Balak à le détruire par les malédictions, il lui enseignait comment en provoquer la chute par la corruption. Contraint de donner la pensée de Dieu quant à Israël, il avait dit : « Voici, c’est un peuple qui habitera seul, et il ne sera pas compté parmi les nations » (Nomb. 23, 9). C’était cette barrière entre Israël et le monde que Balaam essayait de renverser. L’association avec le monde que Moab représente, est la doctrine de Balaam. Pour s’assurer « le salaire d’iniquité » (2 Pier. 2, 15), il enseigne à Balak « à jeter une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël », en renversant le mur de séparation et en établissant ainsi des relations entre Israël et les nations (Nomb. 31, 16). Balak agit selon ce conseil pervers et on en trouve le résultat dans le chapitre 25 des Nombres. Au lieu de chercher à soulever une opposition plus violente contre Israël, Balak permet au peuple de s’installer dans son pays. Ainsi, nous lisons : « Israël habitait en Sittim » (Nomb. 25, 1), ville des plaines de Moab (Nomb. 33, 49). Installé dans le pays de Moab, le peuple de Dieu tombe dans les voies idolâtres et impies de ce monde. Il en va de l’Église comme d’Israël : elle s’est installée dans le monde, elle y habite, elle a contracté une alliance impie avec lui et adopte son idolâtrie. Ainsi, à cette étape de l’histoire de l’Église, des hommes ont été laissés libres d’enseigner qu’il serait avantageux pour l’Église et pour le monde que les chrétiens se mêlent aux hommes du monde. Il pouvait y avoir des protestations isolées, mais il n’y avait plus d’opposition générale à ces faux docteurs. Le Seigneur ne dit pas comme à Éphèse : « Tu hais » ou « Tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres… et tu les as trouvés menteurs » (2, 2), mais : « Tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam ». Des faux docteurs étaient tolérés et de mauvaises pratiques suivirent. Comme toujours, une doctrine mauvaise conduit à une pratique mauvaise.
— Verset 15 : Balaam enseignait au peuple de Dieu à s’associer au monde. En outre, la période de l’histoire de l’Église représentée par Pergame fut marquée par ceux qui tenaient la doctrine des Nicolaïtes. Leur doctrine perverse était manifestement de tourner la grâce de Dieu en licence. Au début, cela se montra par l’introduction dans le milieu chrétien de pratiques immorales venant du monde païen. Ces pratiques dissolues étaient haïes et rejetées à Éphèse. À Pergame, ce mal affreux avait pris une forme plus subtile, cette licence ayant le support de la doctrine. Pierre fait probablement référence aux docteurs de cette doctrine perverse quand il avertit l’Église qu’il « y aura parmi vous de faux docteurs qui introduiront furtivement des sectes de perdition », et il ajoute : « Plusieurs suivront leurs excès » (2 Pier. 2, 1, 2).
On ne peut absolument pas ajouter foi aux allusions à la secte des Nicolaïtes que l’on trouve dans les écrits profanes ; c’est pourquoi, il est difficile d’y glaner quoi que ce soit de sûr concernant ces personnes. Pour cette raison, certains ont pensé que le mot est pris dans un sens symbolique. Ils disent que le mot signifie « conquérants du peuple » et se réfère à la naissance du cléricalisme. Contre cette manière de voir, nous devons nous souvenir que l’étymologie du mot est fondée sur de simples suppositions.
À terme, la tolérance de ces fausses doctrines ouvre la voie de façon inévitable à l’union de la profession chrétienne, dans ses dernières étapes, avec le monde : l’Église s’est avilie en tombant dans l’idolâtrie du monde, et le monde s’est donné un vernis extérieur de respectabilité en adoptant la profession chrétienne.
— Verset 16 : Suivent des avertissements et un appel à la repentance. Si cet appel n’est pas entendu, le Seigneur viendra à ce corps professant comme un juge, et promptement. Il ne s’agit pas là de la venue du Seigneur qui va effectivement enlever au ciel ceux qui constituent Son Église, Son corps ; — et l’Écriture dit que cette venue aura aussi lieu promptement. Il viendra à Pergame d’un point de vue moral et agira judiciairement contre ceux qui corrompent la profession chrétienne. Il ne dit pas : Je combattrai contre « toi », mais : Je combattrai contre « eux ». Si l’Église n’a plus de puissance pour s’occuper des faux docteurs et des méchants, le Seigneur peut agir directement pour ôter le mal et maintenir l’honneur de Son nom. Ce jugement sera exécuté par l’épée de Sa bouche. Ces faux docteurs seront démasqués et condamnés par la Parole de Dieu. La Parole qui est une lumière et une consolation pour ceux qui lui obéissent, devient une épée pour condamner ceux qui méprisent ses avertissements et ses instructions.
— Verset 17 : L’invitation à écouter ce que l’Esprit dit aux assemblées est suivie de la promesse au vainqueur, liée à « la manne cachée », au « caillou blanc » et au « nouveau nom ».
La manne était la provision de Dieu venant du ciel pour nourrir Israël durant son voyage dans le désert. Spirituellement, nous savons que Christ est « le pain qui est descendu du ciel » (Jean 6, 58) pour être la nourriture de Son peuple dans le désert. La manne présente Christ venu ici-bas, non seulement dans la condition humaine — à part le péché — mais aussi dans les circonstances d’ici-bas pour connaître tout ce que nous avons à rencontrer dans un monde déchu. La « manne cachée » fait référence à l’omer de manne qui était placé dans l’arche en mémorial. Christ est maintenant exalté dans le ciel ; Il n’est plus vu dans l’humiliation. Cependant, le privilège du vainqueur est de savoir que Celui qui est maintenant dans la gloire, fut autrefois dans le désert où Il parcourut Son chemin solitaire, débonnaire et humble, et rencontra le mépris d’un monde hostile et la contradiction des pécheurs.
Hélas ! le corps professant s’était installé dans le monde pour y trouver son chez-soi ; il s’associait à lui par une alliance impie et mangeait des choses sacrifiées aux idoles. Le vainqueur refuse de se laisser entraîner dans le monde qui est toujours pour lui un désert qu’il traverse en n’étant qu’étranger et pèlerin. Ayant refusé de manger les choses sacrifiées aux idoles, il reçoit la promesse du Seigneur : « Je lui donnerai de la manne cachée ».
Ensuite, le Seigneur dit : « Je lui donnerai un caillou blanc ». C’est sans doute là une image : lors d’une élection, le citoyen déposait un caillou dans l’urne, blanc ou noir selon qu’il approuvait le candidat ou non. Cette image exprime que la pensée du Seigneur donne au vainqueur le sentiment de Son approbation. Le vainqueur peut certes se heurter à la désapprobation des hommes quand il résiste à l’alliance impie de l’Église avec le monde ; cependant, la pensée de l’approbation du Seigneur exprimée par le caillou blanc sera pour lui un encouragement.
De plus, sur le caillou se trouve un nouveau nom écrit. Les noms dans l’Écriture ne sont pas utilisés simplement pour distinguer une personne d’une autre, mais pour montrer le caractère particulier d’une personne. Le nouveau nom n’indique-t-il pas le caractère que Christ voit et apprécie chez celui à qui Il donne un nouveau nom ? Le monde peut diffamer et chercher à attribuer de mauvais motifs au vainqueur qui refuse d’aller avec la foule pour faire le mal. Quoi qu’il en soit, le Seigneur donne au vainqueur la joie secrète de réaliser que son vrai caractère est connu et apprécié par Lui-même.