Messager Évangélique:Sur l’épître aux Romains/Partie 1

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Chapitre 1

Sans entrer ici dans tous les détails de cette épître, je me propose, guidé, je l’espère, par le Seigneur, d’en suivre l’idée principale, cherchant en même temps à constater l’intention de l’Esprit et le cours des raisonnements de l’apôtre, avec la confiance que le Seigneur daignera me donner quelque exhortation pratique pour le bien des âmes.

En m’occupant de l’épître de Jean, j’ai fait remarquer ailleurs la différence qui existe entre les écrits de cet apôtre et ceux de Paul. Le sujet de la première épître de Jean, c’est le caractère de la vie divine, qui était avec le Père, qui fut manifestée dans le Fils, et nous a été communiquée par l’Esprit, en sorte que cette nature divine en nous se manifeste dans les affections de l’enfant de Dieu. En somme, on peut dire que Jean, dans sa première épître, présente d’abord la manifestation de la vie divine, et ensuite la communication de cette vie. Les épîtres de Paul ont un tout autre caractère : elles nous révèlent les conseils et les voies de Dieu, et les relations dans lesquelles les hommes, par suite, sont placés, par la grâce qui les justifie devant Dieu.

Le but principal du Nouveau Testament tout entier c’est, d’abord, la manifestation et la communication de la vie divine, c’est de nous rendre participants de la nature divine, et puis de nous amener dans la présence de Dieu, pour que nous jouissions de Lui dans cette nature. L’enfant reçoit la vie de son père, et il en résulte, non seulement une ressemblance de caractère entre l’enfant et son père, mais aussi la relation particulière elle-même d’un enfant avec son père.

Afin de mieux faire comprendre ceci, je voudrais rappeler les quatre vérités principales qui se présentent à nous dans le Nouveau Testament : 1° la manifestation et la communication de la vie divine ; 2° les conseils de Dieu dans l’accomplissement en Christ de toutes les promesses faites depuis Adam, confirmées pour les Juifs, Son peuple ; 3° la grâce accordée aux pauvres Gentils, comme nous le voyons Romains 15, 8 : « Jésus Christ a été serviteur de la circoncision pour la vérité de Dieu, afin de confirmer les promesses faites aux pères, et afin que les nations glorifient Dieu pour la miséricorde » ; 4° l’Église, unie à Christ qui est sa tête. — La première de ces vérités se trouve développée dans l’épître de Jean, savoir, la manifestation et puis la communication de la vie divine ; la seconde et la troisième nous sont présentées dans l’épître aux Romains, avec un aperçu seulement de la quatrième, la relation individuelle de l’homme avec Dieu étant le sujet dominant de cette épître ; enfin l’épître aux Éphésiens traite de la quatrième. L’Église n’est qu’entrevue, non enseignée, dans l’épître aux Romains, tandis qu’elle est révélée dans l’épître aux Éphésiens : cette quatrième vérité, dont nous parlons, est une chose distincte des promesses faites aux Juifs, et de l’idée générale de miséricorde envers les Gentils : c’est une chose nouvelle. L’intelligence des différents points que nous venons de signaler facilite singulièrement la lecture des épîtres ; et des passages, qui autrement resteraient obscurs, s’expliquent ainsi sans difficulté.

Nous avons vu que l’épître aux Romains s’occupe de deux grands sujets, qui sont l’accomplissement des promesses faites aux Juifs, et la miséricorde envers les Gentils. L’apôtre, en traitant de ces sujets, établit le fondement de toutes les relations entre Dieu et l’homme ; et le commencement du premier chapitre forme comme une introduction à tout ce qui sera développé plus tard dans le cours de l’épître.

Ce caractère de grandeur que respire l’épître aux Romains, sied à une lettre adressée au centre de l’empire du monde, car Paul écrivait aux Romains qu’il n’avait jamais vus, et il leur écrivait comme étant l’apôtre des Gentils, et se plaçant à la hauteur de la position qui lui appartenait, comme étant celui à qui Dieu avait révélé Ses conseils, et à qui Il en confiait l’administration. Pierre, en s’adressant aux Juifs, leur présente la résurrection comme une espérance vivante, et en leur parlant selon ce principe nouveau, il s’adresse à eux comme à des étrangers et « des voyageurs », etc., faisant ainsi ressortir ce qui, ici-bas, résultait nécessairement de ce principe, pour ceux qui doivent avoir part à la résurrection elle-même.

Toutes les différentes épîtres sont ainsi appropriées aux différents besoins de ceux à qui elles sont adressées ; l’épître aux Corinthiens, au mal moral ; celle aux Colossiens, au danger de ne pas retenir le Chef ; l’épître aux Galates à la déchéance de la grâce ; celles aux Thessaloniciens, à une affliction profonde et une vue peu claire de la venue du Seigneur. Mais l’épître aux Romains, adressée à la capitale du monde, que l’apôtre n’avait pas encore visitée, traite des grands principes de la relation de Dieu avec l’homme, et de la relation que Dieu soutient avec le peuple juif en rapport avec ces principes.

L’épître aux Romains renferme deux parties distinctes, la première comprenant les huit premiers chapitres ; la seconde, les chapitres 9, 10 et 11 ; puis viennent les derniers chapitres qui contiennent des préceptes et des directions pratiques. La première partie de l’épître nous montre les Juifs et les Gentils réduits ensemble à la commune condition de pécheurs. Mais s’il n’y a pas de différence entre le Juif et le Gentil, et si réellement la loi ne fait qu’aggraver le péché du Juif, on peut se demander comment Dieu tiendra Ses promesses envers les Juifs. Les chapitres 9 à 11 nous fournissent la réponse à cette difficulté : l’infaillibilité des promesses de Dieu à Israël et la manière dont ces promesses se concilient avec la doctrine d’un salut commun, qui ne fait point de différence entre le Juif et le Gentil, mais les considère tous deux comme également éloignés de Dieu, y sont démontrées par l’histoire et les écrits du peuple juif : Juifs et Gentils y sont placés sur un terrain commun, dans un salut parfait, accompli pour chacun d’eux par Jésus Christ.

Remarquez ensuite de quelle manière Paul met l’homme de côté, comme étant démontré pécheur, misérable, vil, perdu — afin d’introduire Dieu sur la scène. Ce n’est pas seulement que Paul présente l’homme comme étant un pécheur, mais il le réduit à néant — afin que Dieu Lui-même prenne la place de l’homme, et puisse agir envers lui à Sa manière à Lui, et d’après Son propre caractère. Nous retrouvons la même chose dans l’épître aux Éphésiens : après avoir parlé des Juifs et des Gentils comme enfants de colère, l’apôtre passe tout d’un coup à ce que Dieu est en grâce ; Dieu est manifesté dans Son propre caractère comme « riche en miséricorde », et ce que Dieu a fait, et ce qu’Il est envers ceux qui sont ainsi enfants de colère, est développé. Nous n’avons jamais de paix solide, ni de repos pour le cœur, tant que nous ne sommes pas établis sur ce fondement, et nous ne pouvons pas non plus connaître Dieu de manière à nous confier en Lui, à nous reposer sur Lui et à L’adorer, tant que nous ne Le connaissons pas ainsi comme « riche en miséricorde » selon Sa propre nature envers les objets de Sa grâce. Alors seulement la question est résolue, et notre espoir et notre confiance sont en Dieu, ainsi qu’il est écrit : « Qui par lui croyez en Dieu, qui l’a ressuscité des morts et lui a donné la gloire, afin que votre foi et votre espérance fussent en Dieu » (1 Pier. 1, 21). C’est pourquoi l’apôtre ne dit pas que nous sommes justifiés devant Dieu, quoique cela aussi soit vrai, mais : « c’est Dieu qui justifie », afin que le cœur soit amené à se reposer en Dieu Lui-même.

Paul avait été jusqu’aux dernières limites du péché. Ce n’était pas seulement par manière de parler qu’il se nommait le « premier des pécheurs », car, dans son cœur, il avait été l’homme le plus méchant qui jamais eût marché sur la terre ; non pas qu’il fût coupable d’immoralité, car il dit de lui-même : « selon la secte la plus exacte de notre culte, j’ai vécu comme pharisien » (Act. 26, 5) ; mais il était l’ennemi le plus violent et le plus déterminé des élus de Dieu. Lorsqu’il fut arrivé ainsi au comble de sa méchanceté, « respirant menace et meurtre contre les disciples » (Act. 9, 1), alors il fut mis à part pour l’évangile de Dieu.

Si maintenant nous passons rapidement en revue l’histoire de l’homme, nous verrons que Dieu avait eu du support et de la patience à l’égard de l’homme, l’abandonnant d’abord à lui-même ; mais le résultat de la patience de Dieu fut que l’iniquité de l’homme devint si grande, que Dieu dut l’exterminer de dessus la face de la terre, et qu’il devint nécessaire de mettre un terme à ses abominations par un déluge. Ensuite vint la loi, et elle fut violée. Puis vinrent les prophètes, et ils furent méprisés, lapidés, dispersés. En dernier lieu, Dieu envoya Son Fils, et Il fut mis à mort. Ce n’était donc pas tout que l’homme eût violé la loi de Dieu et tué Ses prophètes ; la grâce de Dieu était venue, et les hommes avaient haï la grâce : Jésus a été rejeté et crucifié. Mais même alors, Jésus a intercédé pour Ses meurtriers, alléguant leur ignorance : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! » de même que dans la parabole de l’homme qui devait dix mille talents et qui n’avait pas de quoi payer, son seigneur lui a quitté sa dette (Luc 7, 41, 42) ; et c’est là, je crois, la signification de ce passage. Israël était coupable de la mort de Christ ; toutefois, dans le témoignage du Saint Esprit, Dieu agit en grâce envers lui, mais les Juifs rejettent le principe de la grâce. Et remarquez ici comment l’Esprit Saint saisit et continue cette même intercession de notre Seigneur, lorsque le pardon des péchés est prêché à Jérusalem par Pierre, disant : « Et maintenant, frères, je sais que vous l’avez fait pas ignorance, de même que vos chefs aussi. — Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés » (Act. 3, 17-19). Se repentirent-ils ? Non. Ils ont tué le Prince de vie, et de plus, en lapidant Étienne, ils comblent maintenant la mesure de leur péché, en rejetant le témoignage du Saint Esprit quant à la grâce et à la miséricorde de Dieu.

C’est précisément à ce moment de l’histoire de l’homme et de l’histoire d’Israël, que Saul apparaît sur la scène, comme participant à cette hostilité contre le témoignage de Dieu, et telle était la violence de sa haine, qu’il devint, volontairement, l’apôtre même de l’inimitié du cœur de l’homme contre ce témoignage de l’Esprit quant à la grâce et à la miséricorde de Dieu. Mais ici Dieu rencontre Saul sur son chemin et le convainc, ferme sa bouche à tout, sauf à la grâce qui venait à lui et lui pardonnait, lui, l’ennemi si acharné, si cruel. Tout ce que Dieu avait pu faire pour atteindre le cœur de l’homme et pour agir sur le sentiment de sa responsabilité, avait été mis en œuvre dans ce témoignage de l’Esprit, et Paul avait été trouvé agissant contre lui dans l’hostilité la plus active, déterminé, s’il le pouvait, à mettre un terme à ce témoignage de grâce et de bonté. Au milieu de tout cela, le Seigneur lui apparaît en gloire, lui révélant la relation de l’Église avec Lui-même : « Pourquoi me persécutes-tu ? » — car « celui qui est uni au Seigneur est un seul Esprit ». Ainsi Paul, s’avançant comme le chef de cette énergie active contre Dieu, est appelé au milieu de sa carrière d’inimitié, afin qu’il devienne un témoin parfait de cette grâce qui le subjugua, comme il le déclare lui-même, certifiant qu’il y a grâce et pardon pour un homme comme lui : « afin qu’en moi tout le premier, Jésus Christ montrât toute sa patience » (1 Tim. 1, 16). Tout ce qui, religieusement, aurait pu soutenir son cœur, fut renversé lorsque Dieu le rencontra en chemin. Pour ce qui est de la conscience, par exemple, quelle ne dut pas être l’angoisse de Paul, lorsqu’il reconnut que sa conscience naturelle avait été complètement dans l’erreur : « Il avait pensé qu’il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen«  (Act. 26, 9), et en le faisant, il se trouve l’ennemi du Seigneur ! Toutes ses pensées sont bouleversées ! Il reste trois jours sans voir, et il ne boit ni ne mange. — Pour ce qui est de la loi : il avait été sans reproche quant à ses préceptes ; il avait été plein de zèle, mais son zèle avait fait de lui l’ennemi de Dieu et l’avait perdu devant Dieu. Les prêtres, les pharisiens, son propre zèle, n’avaient fait que l’amener à l’opposition et à une révolte ouverte contre Dieu ; et chacune des choses auxquelles il s’était confié, chacun de ses appuis, s’écroulant maintenant, montraient à son cœur surpris leur fausseté et leur néant, et le laissaient, pécheur et dépouillé, dans la présence de la gloire de Dieu. Ainsi finissaient toutes les ressources de l’homme, et Paul était un enfant de colère comme les autres.

Mais la conséquence de ceci, c’est que, par la grâce, le point de départ de Paul n’est pas ce qu’il est, lui, mais ce que Dieu est. De plus, sa volonté est brisée dans la présence de Dieu et il commence sa course comme le serviteur de Dieu, disant : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? ». — Il s’avance dans sa carrière, et s’adresse aux chrétiens qui étaient à Rome, comme « un apôtre appelé, mis à part[1] pour l’évangile de Dieu » (v. 1). Remarquez que l’évangile n’est pas appelé ici « l’évangile de Christ », mais « l’évangile de Dieu », et cette expression est admirable. « L’évangile de Dieu », c’est l’activité de l’amour de Dieu, venant au milieu d’un monde d’hommes aussi désespérément mauvais que Paul l’avait été, et n’agissant pas envers l’homme sur le fondement de ce que l’homme pouvait être, si ce n’est comme étant misérable et perdu, mais sur le fondement de ce que Dieu est. L’évangile de Dieu, c’est la bonne nouvelle donnée par Dieu Lui-même en envoyant Son Fils, pour apporter à l’homme perdu ce message de grâce et de miséricorde : on peut l’appeler justement aussi « l’évangile de Christ », puisque c’est Christ qui apporte à l’homme le message du salut, et qui déclare être Lui-même le seul chemin par lequel on puisse approcher de Dieu.

Les Juifs accusaient le Seigneur de violer le sabbat, qui était le signe de l’alliance entre Dieu et Son peuple, et qui devait être observé le septième jour ; le sabbat était en même temps l’expression du repos de Dieu dans la création qu’Il avait déclarée être très bonne (voyez Ex. 16, 23-30 ; 31, 12-17 ; Deut. 5, 13-16 ; Gen. 1, 31 ; 2, 1-3 ; Jean 5, 16-18 ; 7, 22-23 ; 9, 14-16). Mais cette alliance est mise de côté, elle est ensevelie dans le tombeau où Christ passa le sabbat, qui en était le signe. D’ailleurs, ainsi que nous le voyons en Jean 5, 17, il n’y avait pas de sabbat, car le péché était intervenu, et là où est le péché, il n’y a pas de repos pour un Dieu saint, ni pour un Dieu d’amour, là où règne la misère que le péché amène avec lui : « Mon Père travaille jusqu’à maintenant et moi je travaille » (Jean 5, 17). — Ce n’est pas que le peuple fût appelé à travailler, mais Dieu était descendu là où était le péché, et Dieu travaillait en grâce, et Son Fils aussi travaillait pour l’accomplissement de cette grâce. Telle est la place de Dieu, révélée dans cette merveilleuse réponse de Christ à la haineuse accusation des Juifs. Dieu pouvait exterminer en jugement, mais la grâce, dans le Père et dans le Fils, travaille en rédemption. Paul entre ici sur la scène comme le serviteur, « l’esclave », attaché à l’œuvre, et le compagnon de Christ, « mis à part pour l’évangile de Dieu » : c’est là son travail ! S’il peut avancer l’évangile en faisant des tentes, il continuera à travailler ainsi de ses mains, mais il est un apôtre appelé pour l’évangile de Dieu, et là où Dieu donne un ministère, Il fait de ceux qu’Il appelle ainsi des vases de Son activité en grâce, pour l’appel des pécheurs, et non pour l’enseignement et l’édification de Ses saints.

Il est d’une haute importance de bien faire la distinction entre l’enseignement pour l’Église et le témoignage de la grâce envers le monde. L’Ancien Testament est plein de la grâce, mais l’Église est autre chose ; et ce que Dieu promit auparavant par Ses prophètes dans de saintes écritures, n’est pas non plus l’Église (voyez v. 2). L’Église n’est pas l’objet de la promesse ; mais l’évangile de Dieu, c’est : « que la semence de la femme écrasera la tête du serpent » (Gen. 3, 15). Les nations n’avaient pas les promesses, car les promesses furent faites au second Adam et non pas au premier. La promesse faite, Genèse 3, que la tête du serpent serait écrasée, a été faite à « la semence de la femme », ce qu’Adam n’était pas. Pareillement il est dit que c’est à Abraham que les promesses ont été faites et à sa semence (Gal. 3, 16), ce qui veut dire que les promesses faites à Abraham furent confirmées à la semence (voyez Gen. 22, 16-18) offerte en sacrifice et « reçue en figure » d’entre les morts (voyez Héb. 11, 18, 19). Les promesses sont donc entièrement liées à Christ, qui est « la semence » dans laquelle toutes ces promesses se concentrent. La personne de Christ, même avant Son œuvre, est le grand sujet de l’évangile, et il faut le remarquer (v. 3). Dieu réclame maintenant la soumission à Son Fils (v. 5). Il n’y a pas un incrédule, pas un rebelle, quelque élevé qu’il soit, qui ne ploiera les genoux devant Jésus (voyez Phil. 2, 9-11) : si c’est en grâce, ce sera le salut ; mais si le cœur ne se soumet pas à la grâce, les genoux se ploieront sous le jugement.

Dans le verset 3, l’apôtre fait ressortir d’abord le double caractère du Seigneur : « touchant son Fils né de la semence de David selon la chair ». En premier lieu, la personne du Seigneur est placée devant nous comme le sujet de l’évangile ; en second lieu, Christ nous est présenté comme la semence de David selon la chair ; et puis, ensuite, Paul met clairement en évidence le caractère du Fils : « déterminé Fils de Dieu en puissance, selon l’Esprit de sainteté par la résurrection des morts ». Il y a là l’accomplissement de la promesse, et l’introduction de la puissance divine dans la délivrance de l’homme hors de l’état dans lequel il gisait ; puis le Fils, revêtu de la puissance divine quoique dans l’humiliation ; ensuite, le Fils, au milieu de la souillure du péché, « selon l’Esprit de sainteté ». Ce caractère du Fils fut démontré dans toute la scène de péché au travers de laquelle Il passa sans péché, sans que le mal pût Le toucher, pût Le souiller, quoiqu’Il fût en contact avec lui et le touchât de tous les côtés. Mis à part Lui-même, Il touche le lépreux. En est-Il souillé ? Non. En touchant le lépreux, Il ôte la souillure, sans être souillé Lui-même. Le Fils de Dieu seul pouvait faire ainsi. Mais en Lui la grâce parfaite était descendue au milieu de la souillure, la bannissant et l’anéantissant sans en être souillé Lui-même. Tel était Christ vivant dans le monde.

Ensuite le pouvoir manifesté de Satan, était celui-ci, qu’il avait la puissance de la mort. Satan possédait cette puissance en vertu du jugement de Dieu Lui-même, car Dieu avait dit : « Dès le jour que tu en mangeras, tu mourras de mort » (Gen. 2, 17) ; et Dieu ne pouvait renier Sa propre parole. Ainsi l’homme se trouvait sous le pouvoir de celui « qui avait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable » (Héb. 2, 14). Par conséquent si le Fils de Dieu doit délivrer l’homme de ce pouvoir de Satan, Lui-même doit descendre jusqu’à cette citadelle, cette dernière forteresse de Satan ; Il doit passer Lui-même sous la puissance de la mort, car le jugement de Dieu était là aussi bien que la puissance de Satan : « afin que par la mort, il délivrât tous ceux qui par la crainte de la mort étaient assujettis toute leur vie à la servitude » (Héb. 2, 15). Lui, le Fils de Dieu, craignit la mort comme jugement de Dieu, mais « il fut exaucé à cause de sa piété » (Héb. 5, 7) ; Il rompit tous les liens par lesquels Satan nous tenait liés, et nous délivra. Satan se perdit lui-même en portant la main sur la personne sans tache du Prince de la vie, qui porta notre péché. Par la résurrection de Christ d’entre les morts, le jugement de Dieu, le péché qui en était la cause, la puissance de Satan dans la mort, tout cela a été anéanti pour celui qui a part à cette œuvre. La résurrection montre la puissance divine du Fils de Dieu. Lorsque Pierre dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », le Seigneur répond : « Sur ce rocher je bâtirai mon Église, et les portes du hadès ne prévaudront point contre elle » (Matt. 16, 18) ; c’est-à-dire que ni la puissance de la mort (car c’est là la signification de l’expression de « portes de l’enfer » ou de « portes du hadès »), ni Satan qui possède cette puissance, ne prévaudront point contre l’Église, qui est fondée sur Celui qui a en Lui-même la puissance de la vie de Dieu. L’homme avait été éprouvé par tous les moyens, outre la loi qui donnait la mesure de sa responsabilité ; il n’avait produit que des grappes sauvages. C’était en définitive une double mort, tout en présentant à l’obéissance en perspective la promesse de la bénédiction. Mais si le fondement de la bénédiction est le Fils du Dieu vivant, les portes du hadès, la puissance de la mort, ne prévaudront pas contre ce qui repose sur ce fondement.

La puissance de l’Esprit de sainteté qui caractérisait la vie de Christ, est démontrée par la résurrection des morts. Si nous considérons la résurrection telle qu’elle a été manifestée en Christ, et qu’elle le sera dans les saints, nous y voyons la puissance de Dieu entrant dans le séjour de la mort, brisant les liens de ceux qui sont à Lui, et les tirant du milieu des méchants. Cette résurrection en esprit est notre état actuel, quoique nous attendions encore la rédemption de nos corps. L’épître aux Éphésiens nous montre, que la même puissance qui ressuscita Christ d’entre les morts, a opéré en nous et nous a vivifiés ensemble avec Christ (voyez Éph. 1, 19-23 ; 2, 1-10). Le Fils de Dieu descend en grâce pour nous, là où nous avait conduit le péché, et par Sa propre divine puissance, Il brise les liens de la mort et nous enlève à son empire, nous plaçant, comme le fruit de Son propre travail, dans la présence de Dieu. Ainsi tout ce que le péché avait pu produire, a été effacé et ôté par la puissance divine, et celui qui avait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, a été rendu impuissant. Combien cette grâce est merveilleuse ! La conséquence n’en est pas seulement que la sainteté devrait être en nous, mais qu’il faut qu’il y ait de la sainteté. Comment Christ triompha-t-Il de la mort ? Par Sa propre divine puissance. Eh bien ! cette même force divine qui nous ressuscita d’entre les morts, deviendra en nous la puissance d’une vie nouvelle. Tout ce que Christ a fait, est à nous comme justice devant Dieu ; mais nous y avons part en vertu d’une vie nouvelle, qui est une vie sainte. Ce n’est pas seulement un devoir que d’être saint, mais il y a de la sainteté en nous, parce que nous sommes participants d’une justification par le moyen d’une vie essentiellement sainte. Souvenons-nous toujours de cette merveilleuse vérité, que le Fils de Dieu est descendu en puissance divine jusqu’au séjour des pécheurs, et qu’Il a rompu tous les liens par lesquels Satan nous tenait liés, et nous a délivrés. Voilà l’évangile de Dieu : Dieu dans l’activité de Son amour, descendant sur la terre dans la personne de Christ, et marchant en sainteté là où était le péché, passant sous la puissance de la mort, afin qu’Il nous délivrât de celui qui avait l’empire de la mort ; car maintenant nous sommes ressuscités spirituellement et moralement par la même divine puissance qui un jour enlèvera nos corps (comp. Phil. 3, 20, 21 ; 1 Thess. 4, 16, 17)[2].

Mais poursuivons la lecture de notre chapitre au verset 5 : « par lequel nous avons reçu grâce et apostolat, pour l’obéissance de la foi parmi toutes les nations ». Tous sont appelés maintenant à se soumettre à la révélation de Christ, qui a été mort et qui est ressuscité à toujours. L’expression de : « appelés à être saints », que nous trouvons dans quelques versions, n’est pas exacte, il faut lire : « saints appelés » c’est-à-dire, saints par l’appel de Dieu, sur le même principe selon lequel Paul était « apôtre appelé » (comp. v. 1). Nous sommes des saints « appelés », montrant ainsi la grâce de Dieu, nous ne possédons pas nos privilèges comme les Juifs par droit de naissance ou de descendance, mais tout pour nous est grâce ! Ainsi Abraham fut appelé et élu et fidèle. Si nous sommes « appelés », ce n’est pas de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair, mais de Dieu qui fait miséricorde. Et il convient que nous rendions grâces à Dieu, de ce qu’« il nous a sauvés, et nous a appelés d’une sainte vocation » (2 Tim. 1, 9). Quelle différence pour nos âmes lorsque nous croyons à l’activité de l’amour de Dieu, car quelle idée différente nous avons alors de Dieu ! Ce n’est pas seulement que Dieu est amour, mais Dieu est actif dans Son amour. « Grâce et paix vous soient de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus Christ ». Hélas ! nous passons bien légèrement sur ces douces paroles, et sur quoi ne passons-nous pas légèrement ! Paul sentait ce qu’il exprimait dans la puissance de l’Esprit : et il souhaite aux chrétiens à Rome grâce et paix de la part du Père et du Fils ! Cette même salutation se retrouve dans les autres épîtres et la « miséricorde » n’y est ajoutée que lorsque les épîtres sont adressées à des saints individuellement.

Quand les saints sont considérés comme un seul tout, ils sont envisagés comme les objets sur lesquels toute « miséricorde » s’est déjà étendue, Dieu les voyant comme sous l’influence et l’énergie de l’amour et de la grâce qui les ont sauvés. Toutefois, individuellement, ils ont besoin de miséricorde chaque jour. L’apôtre considérait les saints comme sous le regard d’un Dieu Sauveur, et il désirait qu’ils jouissent de la pleine manifestation de ce qui était dans le Dieu qui les avait sauvés — qu’ils connussent toute la valeur et la portée du fait qu’il n’y avait pas un nuage entre eux et Dieu. Dieu n’est jamais appelé « Dieu de joie », quoiqu’Il donne la joie, mais Il est constamment appelé « Dieu de paix ». L’apôtre désire que la paix en Dieu des chrétiens à Rome ne soit pas troublée, mais qu’ils aient en Dieu un repos parfait au milieu de ce désert. Il souhaite qu’ils jouissent dans leurs âmes de tout l’effet de la conscience de leur position, de l’action vivante et complète de ce que Dieu était pour eux dans Sa relation avec eux. Si un enfant éprouve envers son père les mêmes sentiments qu’envers un maître, il ne connaît pas sa position ; si nous n’avons pas en Dieu une confiance illimitée comme en notre Père, nous n’avons pas trouvé notre position. Toutes ces relations sont connues, non par l’intelligence qui nous y place, mais par l’exercice des affections qui découlent de la conscience que nous y sommes. Un enfant s’adresse à son père comme tel et pourquoi ? — Un serviteur s’adresse à son maître comme tel, et pourquoi ? C’est qu’ils vivent respectivement dans ces relations d’enfant à l’égard d’un père, de serviteur à l’égard d’un maître. Les saints, dans l’amour de la famille de Dieu, s’adresseront à Dieu comme à leur Père ; s’il s’agit du gouvernement de l’Église, ils s’adresseront au Seigneur Jésus. Cette distinction, qui tient à la nature des relations, se fera toujours sentir lorsque nous prierons par l’Esprit, non par un effort de notre attention, mais parce que nous serons dans l’esprit de la relation. Dans toutes nos demandes, comme enfants, même dans nos fautes, nos confessions, nos besoins, nous allons, chacun en particulier, à Dieu comme à notre Père ; mais pour tout ce qui concerne l’Église — la conduite, l’ordre — nous allons au Seigneur Jésus, comme au Chef de l’Église. La conscience de ces diverses relations est d’une grande importance pour notre marche journalière, car le caractère de notre marche, et l’état de nos âmes, en dépendent. Si nous n’avons pas une confiance entière en Dieu pour aller à Lui, même avec nos péchés, nous ne connaissons pas « le Père ».

Si Christ a dit : « Ma viande est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé », Paul pouvait dire : « Dieu que je sers en mon esprit dans l’évangile de son Fils » (v. 9). Si le service est purement extérieur, ce n’est pas le service ; et à moins que nous puissions dire : « Ce que nous avons reçu de ta main, nous te le donnons » (1 Chron. 29, 14), ce n’est pas un service. Le véritable service naît de la communion avec la source du service. L’activité qui ne s’abreuve pas en Christ, et qui ne s’exerce pas dans la conscience qu’on fait Sa volonté, n’est pas un service. Si je voulais entrer dans un service quelconque, sans être sûr que Dieu veut que je le fasse, il n’y aurait aucune puissance dans mon service : le service, par conséquent, s’il est véritable, doit découler de la communion directe avec Dieu. Nous pouvons, quand nous avons été en communion avec Dieu, continuer à être actifs pendant un certain temps. La comparaison de l’état des Thessaloniciens avec l’état de l’église d’Éphèse dans l’Apocalypse peut nous servir d’exemple à cet égard. Chez les Thessaloniciens, Paul reconnaît leur œuvre de foi, leur travail d’amour, leur patience d’espérance (1 Thess. 1, 3). Il y avait là les trois principaux mobiles de l’activité déployée par les saints, la foi, l’espérance, l’amour, en sorte que le service des Thessaloniciens avait toute la fraîcheur de la source dont il découlait. Il n’en est pas de même dans ce que nous voyons à Éphèse (Apoc. 2, 1-7) : il y avait bien à Éphèse, l’œuvre, le travail, la patience, mais il manquait la présence de la puissance spirituelle qui vient directement de Dieu. C’est pourquoi le chandelier est ôté (voyez le verset 5). Les saints d’Éphèse avaient abandonné leur premier amour. Combien souvent n’arrive-t-il pas que notre service naît de quelque chose que nous pensons avoir à faire, plutôt que d’une communion directe avec Dieu : le service n’est alors que l’activité de la chair ou de l’habitude, ou, pour prendre tout au mieux, un devoir, au lieu que nous servions avec notre esprit, comme dit Paul : « avec mon esprit ».

Quel bonheur que de pouvoir, pendant toute notre vie, servir le Seigneur avec notre esprit ! La terre serait sans cela un désert, un labyrinthe, mais Dieu nous guide au travers. Lorsque Israël était dans le désert, y avait-il là une route tracée ? Aucune, car « il n’y a point de chemin au désert » ; c’est pourquoi nous lisons que Moïse dit à son beau-père Jéthro : « Je te prie, ne nous quitte point, car tu nous serviras de guide, parce que tu connais les lieux où nous aurons à camper dans le désert ». Mais Dieu dit : non ; — moi je vous servirai de guide ; car lorsque Israël se fut éloigné de la montagne à une distance de trois jours, l’arche de l’alliance de l’Éternel marcha devant le peuple l’espace de trois jours, afin de leur chercher un lieu pour camper (voyez Nomb. 10, 33 ; Deut. 1, 33). La place de l’arche, selon l’ordonnance de Dieu, était au milieu d’Israël ; car le peuple avait la charge de l’Éternel, et ils partaient ou bien campaient au commandement de l’Éternel (voyez Nomb. 3, 38 ; 4, 5-15 ; 9, 15-23 ; 10, 34-36). Mais lorsque Israël se mettait en route, l’arche marchait devant le peuple comme un guide. Dieu dit encore à Israël : « Quoique je les ai dispersés parmi les pays, je leur serai pourtant comme un petit sanctuaire dans le pays auquel ils sont venus » (Éz. 11, 16). Dieu est-Il moins que cela pour nous, chrétiens ? Non. Il nous conduit à travers le désert de ce monde, dans lequel il n’y a pas d’autre sentier, par d’autre chemin que Jésus ; Lui est notre seule voie au milieu de ce lieu de péché et de souffrance. Mais quel repos inexprimable pour nous, que d’avoir un pareil chemin ; car si nous vivons dans une entière dépendance de Dieu, nous saurons distinguer ce chemin parfait, qui porte les traces des propres pas du Seigneur ; mais pour cela, il faut que la chair soit pratiquement mortifiée et que la volonté soit brisée.

« Dieu m’est témoin que sans cesse je fais mention de vous dans mes prières » (v. 9). Voyez quelle énergie que celle de l’apôtre auprès de Dieu : et c’est une des marques de la puissance spirituelle, que cette capacité d’un homme d’entretenir dans son âme de l’affection pour les saints de tout lieu. En pratique, Paul intercède pour tous les saints en tout lieu. Il est gardé ainsi dans une dépendance absolue de la volonté de Dieu, car jamais une vraie puissance spirituelle ne nous fera sortir du chemin de la foi qui s’attend au Seigneur. Il en a été ainsi d’Éliézer ; il dit : « Seigneur, fais que la jeune fille à laquelle je dirai : Baisse je te prie, ta cruche — soit celle que tu as destinée à ton serviteur Isaac ». Et lorsque la femme lui eut donné à boire, ainsi qu’aux chameaux, il ne dit pas : Ah ! voilà la réponse à ma prière, mais il s’attend encore à Dieu, et « il s’étonnait d’elle, sans dire mot, pour savoir si l’Éternel aurait fait prospérer son voyage ou non ». Et lorsque les chameaux eurent achevé de boire, il dit : « De qui es-tu fille ? ». Et lorsqu’il trouva qu’elle répondait à ce qu’il attendait, c’est-à-dire, à tout ce qui était selon la volonté de Dieu d’après la parole d’Abraham, « il s’inclina et se prosterna devant l’Éternel ». Souvent le succès nous fait sortir de la communion, parce qu’il devient notre succès, lorsque nous n’y reconnaissons pas Dieu.



  1. Cette dernière expression, toutefois, se rapporte plutôt à la mission d’Antioche. Paul fut appelé par le Seigneur sur la route de Damas, mais il fut mis à part, spécialement pour l’œuvre, par le Saint Esprit, qui dit : « Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés » — « eux donc, ayant été envoyés par l’Esprit Saint » etc. (Act. 13, 2-4).
  2. L’expression de « résurrection des morts » est prise ici dans le sens abstrait. La résurrection de tous — de Lazare, de Christ, des saints, des méchants — témoigne de la puissance du Fils de Dieu, quoique sans doute, quant à la personne de Jésus, Sa propre résurrection fût le témoignage par excellence.