Traité:La parabole des deux fils
A. Ladrierre 1875
« Mais que vous en semble ? Un homme avait deux enfants ; et venant au premier, il dit : Mon enfant, va aujourd’hui travailler dans ma vigne. Et lui, répondant, dit : Je ne veux pas ; mais après, ayant du remords, il y alla. Et venant au second, il dit la même chose. Et lui, répondant, dit : Moi, j’y vais, Seigneur ; et il n’y alla pas. Lequel des deux fit la volonté du père ? Ils lui disent : Le premier. Jésus leur dit : En vérité, je vous dis que les publicains et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous ne l’avez pas cru ; mais les publicains et les prostituées l’ont cru ; et vous, l’ayant vu, vous n’en avez pas eu de remords ensuite pour le croire » (Matt. 21, 28-32).
Le Seigneur, dans cette parabole, nous montre, sous une forme simple et frappante, la disposition du cœur naturel de l’homme à l’égard de la volonté de Dieu, quelque différente que puisse être d’ailleurs la manière dont cette disposition s’exprime. Dans Sa sagesse divine, qui met la vérité à la portée de tous, Il réduit tout à l’expression la plus simple : ce sont deux enfants — relation choisie pour montrer mieux la responsabilité et la culpabilité — deux enfants représentant les deux grandes classes de personnes avec lesquelles Jésus fut constamment en rapport pendant Sa vie sur la terre, et que nous retrouvons encore maintenant : les uns disant plus ou moins ouvertement quant à ce que Dieu demande : « Je ne veux pas ! », les autres ayant l’air de se soumettre, mais en réalité n’obéissant pas davantage.
Remarquons, avant tout, que pour les deux enfants, comme pour tous ceux qu’ils représentent, il y a une même autorité légitime, une même loi, une même responsabilité. « Il y a, nous dit l’apôtre Paul, un seul Dieu et Père de tous ; qui est au-dessus de tout, et qui est partout » (Éph. 4, 6). Voilà l’autorité : celle du Dieu créateur sur Sa créature. Comme tel, Il revendique avec justice l’obéissance de notre part. « Si je suis Père, où est l’honneur qui m’appartient ; et si je suis Seigneur, où est la crainte qu’on a de moi ? » (Mal. 1, 6). Nul ne peut se soustraire à cette relation, au droit imprescriptible que Dieu a sur lui, sans se placer sous le coup de la plus terrible responsabilité. « Dieu rendra à chacun selon ses œuvres, est-il écrit ; à ceux qui en persévérant dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l’honneur et l’incorruptibilité — la vie éternelle ; mais à ceux qui sont contentieux et qui désobéissent à la vérité et obéissent à l’iniquité — la colère et l’indignation » (Rom. 2, 6-8).
Si l’autorité est incontestable et ne peut être niée que par « l’insensé » qui, dans l’orgueil de son « cœur destitué d’intelligence et rempli de ténèbres », dit : « Il n’y a point de Dieu » (Rom. 1, 21 ; Ps. 53, 1), l’ordre donné est des plus positifs, des plus clairs, et embrasse tout dans son admirable netteté. « Mon enfant », c’est-à-dire tu m’appartiens, j’ai tout droit sur toi, tu me dois tout ; je demande avec justice de toi, l’amour et l’obéissance. « Va-t’en travailler aujourd’hui à ma vigne ». Ce n’est pas seulement « va travailler ». Dieu ne dit pas à l’homme : Je t’ai donné la vie, des facultés, du temps, des biens ; maintenant, uses-en comme tu l’entends, pour ton plaisir, tes affaires, ton avancement en ce monde ou même pour les choses religieuses. Non, une telle indépendance n’est pas laissée à l’homme, et ne peut lui être laissée par le Dieu souverain et sage. Ce serait, à l’égard de Sa créature, une indifférence que ne montrerait pas un père parmi les hommes pour son enfant ; — ce serait contraire au caractère de Dieu qui a dit : « L’Éternel a tout fait pour Lui-même » (Prov. 16, 4) ; du Dieu qui « ne donne pas sa gloire à un autre » (És. 42, 8) ; qui « regarde des cieux et voit tous les enfants des hommes ; qui prend garde du lieu de sa résidence à tous les habitants de la terre ; qui forme également leur cœur, et qui prend garde à toutes leurs actions » (Ps. 33, 13-15). Aussi est-il dit : « Va-t’en travailler à ma vigne ». D’une part Dieu demande l’activité ; mais, d’une autre, Il veut, selon Son droit, qu’elle s’exerce dans le renoncement à la propre volonté et la soumission à la sienne. « Si je suis Père, où est l’honneur qui m’appartient ? ». « Les anges — plus grands » que l’homme, « en force et en puissance » (2 Pier. 2, 11), « les anges puissants en vertu — font son commandement en obéissant à la voix de sa parole » (Ps. 103, 20). Combien plus l’homme ne doit-il pas « craindre Dieu et garder ses commandements » (Eccl. 12, 13) ! De plus, l’ordre donné doit être exécuté « aujourd’hui », sans délai, et à chacun de ces moments qui s’appellent « aujourd’hui », car le retard implique la propre volonté, et, par conséquent, la désobéissance.
Voilà l’étendue du droit de Dieu sur nous ; telle qu’aucun de nos moments, aucune de nos pensées, aucun mouvement de notre cœur, aucune de nos actions, n’est à nous, n’est laissée en aucun temps à notre libre disposition, mais Lui appartient. Ce que Dieu propose à l’homme comme objet d’obéissance peut différer suivant les temps et ce que Dieu détermine dans Sa sagesse, mais le principe de l’entière dépendance de l’homme et du droit absolu et constant de Dieu, ce principe est de tous les temps et de tous les lieux.
Maintenant, devant ces justes exigences de Dieu, quelle est la conduite de l’homme ? Et, en particulier (car, en définitive, c’est ce qui seul importe pour vous en ce moment), quelle a été, quelle est la vôtre, mon cher lecteur ?
Celui qui est la vérité, le Seigneur Jésus, nous montre sans voile ce qui en est, dans la manière d’agir des deux enfants. L’un dit : « Je ne veux pas ». Et l’autre dit : « Moi, j’y vais, Seigneur », mais n’y alla pas. Ils n’obéirent pas plus l’un que l’autre. La disposition première, le fond du cœur, est le même chez tous deux, c’est la propre volonté, la rébellion contre une juste autorité. Eh bien, voilà l’image vraie du cœur naturel de l’homme, du vôtre comme du mien, cher lecteur.
« Mais, direz-vous, ce sont les publicains et les prostituées que Jésus représente par le premier enfant ; ce sont les pharisiens qu’il a en vue dans le second ». C’est vrai, mais l’homme, pour être recouvert d’un vernis différent, a-t-il changé depuis ce temps ? Examinons de plus près la question.
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Nous ne pouvons nier qu’il n’y ait aujourd’hui, de même qu’au temps où le Seigneur Jésus prêchait dans le pays d’Israël, des hommes qui méconnaissent les droits de Dieu sur eux — des hommes qui disent ouvertement comme autrefois Pharaon à Moïse : « Qui est l’Éternel, pour que j’obéisse à sa voix ? » (Ex. 5, 2). « Ils ont dit au Dieu fort : Retire-toi de nous, car nous ne voulons point connaître tes voies. Qui est le Tout-puissant, que nous le servions ? » (Job 21, 14, 15).
Seriez-vous de ce nombre, vous qui lisez ces lignes ? Eh bien, cette parole qui vient du Dieu que vous ne voulez pas reconnaître, donne la clef de votre incrédulité. C’est pour échapper à l’obligation d’obéir que « l’insensé dit dans son cœur : Il n’y a point de Dieu » (Ps. 14, 1). Le Dieu juste, qui sonde les cœurs et les reins (Ps. 7, 9), est un témoin importun dont vous aimeriez vous débarrasser. Vous voyez qu’admettre Son existence, c’est reconnaître Son droit souverain ; or vous ne voulez point obéir, et vous dites : « Il n’y a point de Dieu » ; de Dieu vivant et personnel, entendons-nous bien. C’est une autorité dont vous secouez le joug ; mais dans le fond intime de votre être, vous ne pouvez vous empêcher d’avouer Son existence, que tout en vous et hors de vous proclame. Voyez avec quelle netteté cette même Parole de Dieu vous montre à vous-même, comme dans un miroir, ce que vous êtes. « La lumière luit dans les ténèbres ». « Sa puissance éternelle et sa divinité se discernent par le moyen de l’intelligence, par les choses qui sont faites, de manière à les rendre inexcusables » (Jean 1, 5 ; Rom. 1, 20). « Mais les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière ». Pourquoi ? « Parce que leurs œuvres étaient mauvaises ; car quiconque fait des choses mauvaises hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient reprises » (Jean 3, 19, 20). Mais fermer les yeux à la lumière, puis nier qu’elle existe, n’empêche pas un seul de ses rayons de resplendir, et qu’elle sera terrible, ô mon lecteur, votre confusion quand, dans l’éclat de cette lumière où il faudra bien que vous veniez, « Dieu jugera les secrets des hommes » (Rom. 2, 16) !
Mais le plus grand nombre ne va pas jusqu’à nier l’existence de Dieu pour se soustraire à Son autorité. Si vous les questionnez, ils vous diront : « Certainement, je crois en Dieu », et ils seront peut-être blessés de ce que vous ayez l’air de le mettre en doute. Seulement on relègue Dieu si loin, qu’on ne suppose pas qu’Il s’occupe beaucoup de nous, si même Il s’en occupe. Il est trop grand, trop élevé, pense-t-on, et nous trop petits, pour qu’Il puisse prendre part à ces minces détails de notre vie. Il est trop bon pour ne pas nous couvrir finalement de Sa miséricorde. Au lieu du Dieu vivant qui entre dans les moindres détails de ce qui concerne Ses créatures (Luc 12, 6, 7), on se forge un Dieu à sa fantaisie, duquel on semble dire, sinon en paroles, au moins par le fait : « Qu’est-ce que le Dieu fort connaît ? Jugera-t-il au travers des nuées obscures ? Les nuées nous cachent à ses yeux et il ne voit rien ; il se promène sur le tour des cieux » (Job 22, 13, 14). Il en résulte que, mis à l’aise par cette autre séduction du cœur, on ne s’inquiète pas beaucoup de Dieu, et l’on ne se soucie guère de Son autorité et de Ses droits. S’occuper de ses affaires, de ses études, de son travail, de ses plaisirs ; gagner sa vie ; amasser fortune, honneur et influence ; voilà à quoi s’emploient l’activité, les facultés, le temps ; à quoi se consume la vie. Mais est-ce là ce que Dieu veut et comme Il le veut, c’est ce que l’on ne se demande pas. Dieu est loin du cœur et des pensées.
Est-ce là votre cas, mon cher lecteur ? Entraîné que vous êtes par le tourbillon des occupations, des affaires ou des plaisirs, ne dites-vous pas, au fond de votre cœur et par toute votre conduite, que vous ne vous souciez pas de la volonté de Dieu ? que vous avez bien autre chose à faire ? N’est-ce pas là le plus terrible mépris de Dieu et de Ses droits ? Celui qui nie Dieu a du moins le sentiment que, s’Il existe, il faut Lui obéir ; mais vous, vous reconnaissez l’existence d’un Dieu souverain et vous ne vous inquiétez pas de ce qu’Il commande. Écoutez Sa parole : « Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux ; mais sache que pour toutes ces choses Dieu t’amènera en jugement ». Oui, « Dieu amènera toute œuvre en jugement, touchant tout ce qui est caché, soit bien, soit mal » (Eccl. 11, 9 ; 12, 14). « Et que diras-tu quand il te punira ? » (Jér. 13, 21).
Il en est d’autres encore qui viennent se ranger parmi ceux qui disent : « Je ne veux pas » ; qui semblent même le faire plus ouvertement. Tous ne vont cependant pas non plus jusqu’à nier que Dieu existe, pour suivre leur volonté ; mais emportés par la fougue de leurs passions, ils se précipitent dans tout ce qui leur semble pouvoir les assouvir. Ils secouent tout frein, souvent même celui de l’opinion humaine, et se livrent avec une ardeur insatiable aux convoitises de leur cœur. Ah ! si ces lignes tombent sous les yeux de l’un de ces pécheurs qui, s’il leur vient une pensée de Dieu, s’empressent de la repousser en s’étourdissant encore plus dans leur train de vanité, ou qui, sans raisonnement, sans chercher même d’excuse, se plongent tout entiers dans la satisfaction de leur chair et de leurs pensées, si ces lignes, dis-je, tombent sous les yeux d’un seul, est-il besoin de lui dire : Tu es de ceux qui disent à Dieu : « Je ne veux pas » ? Arrêtez-vous donc un moment, pauvre pécheur, qui courez tête baissée vers la perdition, et réfléchissez à ce qu’il y a de terrible à tomber entre les mains du Dieu vivant, après avoir passé sa vie à dire : « Je ne veux pas connaître tes voies ».
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Considérons maintenant l’autre cas que présente notre parabole.
Supposons que nous ayons été présents quand la scène se passa entre le père et ses enfants. En voyant le second fils dire à son père : Moi, j’y vais, seigneur ; n’aurions-nous pas admiré son respect et son empressement à obéir ? En effet, il reconnaît pleinement le droit de son père, il prétend s’y soumettre ; combien donc sera grande sa culpabilité, s’il ne le fait pas ! C’est, hélas ! ce qui arrive : « Il n’y alla pas ».
Ils sont nombreux ceux qui agissent ainsi. Un exemple des plus frappants nous en est donné dans ces principaux sacrificateurs et ces anciens du peuple que Jésus avait en vue dans cette parabole et qu’Il oblige à prononcer leur propre jugement. Quels gens plus respectables et plus soumis en apparence à ce que Dieu commande ! Ils connaissent la loi que Dieu a donnée par Moïse ; ils offrent des sacrifices et ne manquent pas une des fêtes religieuses établies, ils portent à leurs robes de larges phylactères, ils vivent séparés des publicains et des gens de mauvaise vie, ils jeûnent et payent soigneusement les dîmes, même des moindres herbes ; ils mettent dans le tronc de larges offrandes ; que peut-on leur demander de plus ? C’est justement ainsi que prétendant obéir et s’inclinant avec un feint respect devant Dieu, ils ne suivent en réalité que leur propre volonté. Comment cela ? C’est qu’en accomplissant toutes ces œuvres, ce n’est pas Dieu qu’ils ont en vue, mais eux-mêmes. « Ils font toutes leurs œuvres pour être vus des hommes » (Matt. 23, 5) ; ils cherchent non la gloire qui vient de Dieu seul, mais celle qui vient des hommes (Jean 5, 44) ; et à cause de ces œuvres faites ainsi pour eux-mêmes, pour l’honneur qui en rejaillit sur eux, ils ont la prétention d’être justes et tiennent pour rien le reste des hommes (Luc 18, 9). Aussi quand Dieu manifeste Sa volonté au milieu d’eux ; quand Jean vient d’abord de Sa part, prêchant le baptême de la repentance, ils ne le croient pas, ne se repentent pas et le traitent de possédé du diable. Et quand Dieu leur envoie Son Fils bien-aimé Lui-même, ils ne veulent point venir à Lui (Jean 5, 40). Ils veulent conserver leurs honneurs et leur autorité. « Voilà l’héritier, disent-ils, venez, tuons-le, et possédons son héritage » (Matt. 21, 38). En effet, pour Le recevoir, il fallait s’humilier, renoncer à soi-même et à ses prétentions, charger Sa croix. C’est trop pour leur orgueil. Ils prétendent toujours faire la volonté de Dieu, mais ils ne la font pas ; car l’œuvre de Dieu, c’est de croire en Celui qu’Il avait envoyé (Jean 6, 29).
Combien il en est de nos jours qui leur ressemblent ! Comment ! dites-vous peut-être, mais ceux dont vous venez de parler étaient ces « scribes et pharisiens hypocrites », plus vils et plus coupables que les publicains et les prostituées qu’ils méprisaient. Je le veux bien ; mais « le More changera-t-il sa peau et le léopard ses taches ? » (Jér. 13, 23). Le cœur de l’homme s’est-il amélioré depuis le temps du Seigneur ? Que l’on ne se rende pas compte de cet état du cœur, à la bonne heure. Mais souvenez-vous qu’il n’y a guère d’illusion que l’on se fasse plus aisément que de croire obéir à Dieu en suivant « son propre chemin ». Il faut que « la lumière » vienne pour dévoiler le fond du cœur et mettre en évidence son véritable état. Veuille le Seigneur le faire à votre égard, mon cher lecteur, qui vous trouveriez dans ce cas !
Vous êtes, je l’avoue, très honorable selon le monde, et respecté de tous ceux qui vous entourent ; non seulement vous ne faites tort à personne, mais vous avez de la bienveillance ; vous vous occupez d’œuvres philanthropiques et religieuses auxquelles vous prêtez votre concours et que vous soutenez de vos dons ; vous gardez toutes les convenances sociales, et, plus encore, vous avez de la religion ; vous respectez tout ce qui y touche, vous en observez les formes et la défendez au besoin ; vous lisez et connaissez la Bible ; peut-être priez-vous régulièrement en particulier et avec votre famille. C’est très bien ; mais, avec tout cela, vous êtes peut-être du nombre de ceux qui disent : « Moi, j’y vais, Seigneur », et qui n’y vont point. En tout cas, vous avez d’autant plus besoin d’y prendre garde. Ah ! s’il s’agit d’incrédules avérés, de gens qui, ouvertement, ne se soucient pas de Dieu ou de pécheurs scandaleux, on voit tout de suite qu’ils ont dit : « Je ne veux pas ». On peut leur montrer hardiment ce qu’ils sont et les avertir que s’ils ne se convertissent pas, ils iront en enfer. Mais comment vous adresser, à vous, de semblables paroles ? Eh bien, je le répète, c’est pour vous que l’illusion est des plus faciles, et par cela même des plus dangereuses et des plus terribles. Votre honnêteté, votre bonté, votre religion, votre sincérité même, peuvent voiler à vos yeux la plus fatale opposition à la volonté de Dieu.
Voyez Saul de Tarse. Fut-il jamais un caractère de jeune homme plus droit, plus sincère, plus dévoué à ce qu’il croyait bon, plus respectable et plus religieux ? Qui ne l’admirait parmi le peuple quand, laissant de côté les distractions et les plaisirs de la jeunesse, plein de zèle pour Dieu, semble-t-il, il allait à Damas pour réduire au silence, comme il l’avait déjà fait à Jérusalem, ces misérables sectaires qui voulaient, disait-on, renverser le temple et détruire la loi de Moïse ? Il disait, certes : « J’y vais, Seigneur », et il croyait, en effet, obéir, tandis qu’en réalité, il était un blasphémateur, un ennemi de Dieu.
C’est qu’il ne faut juger ni par le dehors, ni par les dispositions naturelles, ni par les habitudes religieuses traditionnelles. « Ce ne sont pas tous ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux », dit le Seigneur (Matt. 7, 21). Le jeune homme qui vint à Jésus avec toutes ses qualités aimables, jointes à ses œuvres religieuses, n’avait pas fait et ne fit pas la volonté de Dieu. Il s’en va tout triste quand il la connaît. Il n’avait donc jusqu’alors suivi que la sienne tout en se croyant dans les meilleures dispositions possibles. « J’ai gardé, dit-il, toutes ces choses dès ma jeunesse » (Marc 10, 17-22).
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« Quelle est donc la volonté de Dieu ? » demanderez-vous ; « que ferons-nous ? ». Les Juifs adressaient à Jésus la même question : « Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu ? ». Jésus répondit et leur dit : « C’est ici l’œuvre de Dieu que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé » (Jean 6, 28-29). — Mais j’y crois, dites-vous : N’ai-je pas été baptisé comme chrétien ? Ne fais-je pas partie d’une église chrétienne ? Très bien, cher lecteur ; mais, pour éclaircir la position à vos yeux, permettez-moi de vous adresser quelques questions. Ah ! si vous croyez vraiment au Seigneur Jésus, béni en soit-Il, vous pourrez y répondre avec joie et actions de grâces. Sinon, veuille le Seigneur vous faire connaître votre état véritable.
L’apôtre Paul, autrefois Saul de Tarse, disait en parlant de tout ce dont il s’était glorifié autrefois : sa naissance, ses privilèges et ses avantages religieux : « Je regarde toutes choses comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j’ai fait la perte de toutes choses, et je les estime comme des ordures, afin que je gagne Christ, et que je sois trouvé en Lui n’ayant pas ma justice qui est de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ » (Phil. 3, 8, 9). Avez-vous ainsi vraiment renoncé à toute confiance en vous-mêmes, à ce que vous êtes, à ce que vous faites ou avez fait, l’estimant comme des ordures, vous mettant sur la même ligne que le plus vil des pécheurs, et n’ayant d’espoir pour votre salut qu’en Jésus crucifié ?
Jésus disait à ceux qui venaient après Lui : « Si quelqu’un vient après moi et ne hait pas son père, et sa mère, et sa femme, et ses enfants, et ses frères, et ses sœurs, et même aussi sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas après moi, ne peut être mon disciple. Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a ne peut être mon disciple » (Luc 14, 26, 27). Christ occupe-t-Il ainsi, non pas seulement la première place dans votre cœur, mais toute la place ? « Ceux qui sont du Christ, écrit Paul, ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises » (Gal. 5, 24). Pouvez-vous dire cela ? Et encore avec le même apôtre : « Mais qu’il ne m’arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m’est crucifié, et moi au monde » (Gal. 6, 14). « Je suis crucifié avec Christ et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ; et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré Lui-même pour moi » (Gal. 2, 20). Christ est-Il ainsi tout pour votre âme ? Êtes-vous « morts avec Christ aux éléments du monde » (Col. 2, 20) ?
À cette mort à vous-même et au monde, joignez-vous cette vie céleste que le Seigneur demande des siens lorsqu’Il leur dit : « Faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor dans les cieux qui ne défaille pas. Là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur. Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées ; soyez vous-mêmes semblables à des hommes qui attendent leur Seigneur » (Luc 12, 33-36). En contraste avec ces hommes qui faisaient sans doute aussi profession de christianisme, mais qui étaient « ennemis de la croix de Christ, dont la fin est la perdition… qui ont leurs pensées aux choses de la terre », Paul place ceux qui croient vraiment en Christ : « Notre bourgeoisie, dit-il, est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ, le Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire » (Phil. 3, 18-21). Desquels êtes-vous, mon cher lecteur ? Ressuscité avec le Christ, cherchez-vous les choses qui sont en haut, pensez-vous aux choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ? Ou bien est-ce à celles qui sont sur la terre, que votre cœur est attaché (Col. 3, 1-3) ? Votre attente, votre espérance, vos désirs sont-ils célestes ?
Ah ! ne vous faites pas d’illusion. Vous dites que vous croyez en Christ, que vous êtes chrétien, et ainsi vous prétendez faire « l’œuvre de Dieu » ; eh bien, la foi en Christ comprend toutes ces choses ; l’aveu de notre entière ruine et de notre absolue incapacité morales ; le renoncement à toute propre justice, à toute confiance en soi-même pour accepter la justice de Dieu en Christ, le renoncement au monde, à ses avantages, à son approbation et à sa gloire pour porter l’opprobre de Christ ; une vie dans laquelle on court vers un but unique : « le prix de l’appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus » (Phil. 3, 14). S’il n’en est pas ainsi pour vous, avec tout ce que vous pouvez être aux yeux des hommes et de vous-même, vous avez dit comme le second fils : « J’y vais, Seigneur », mais vous n’y êtes pas encore allé ; vous avez peut-être cru obéir, mais vous ne l’avez pas fait ; vous avez eu une forme de piété peut-être, mais en réalité vous en avez renié la puissance. Oh ! que Dieu vous donne d’examiner avec sérieux et prières votre position devant Lui !
Quel est donc celui qui obéit ? Notre parabole nous le dit aussi. L’enfant au cœur rebelle, et qui avait manifesté sa propre volonté d’une manière si arrogante, rentre en lui-même. Le remords l’a saisi : que fera-t-il ? Se retourner et revenir dans le sentier de la soumission ; c’est ce que les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple eux-mêmes ont jugé être la vraie obéissance, quelle qu’eût été sa conduite précédente.
Le Seigneur avait sans doute d’abord en vue ces publicains et ces pécheurs qui s’approchaient pour entendre Ses paroles (Luc 15, 1) — paroles, non de jugement (Jean 3, 17), mais de grâce. Il était venu chercher et sauver ce qui était perdu ; Il appelait à la repentance, non les justes, mais les pécheurs. Ce n’était pas qu’Il pactisât avec le mal, ni qu’Il excusât le péché, Lui le Saint de Dieu. Mais Sa présence, tout en dévoilant ce qu’était la vraie sainteté, montrait aussi l’amour de Dieu envers le pécheur ; cet amour du Père qui voit de loin Son fils revenir, et qui, ému de compassion, court à lui, se jette à son cou et le couvre de baisers, malgré ses haillons (Luc 15, 20) ; cet amour qui a fait descendre le Fils de Dieu du sein de la gloire (Jean 3, 16 ; 1, 14) au milieu du mal, de la douleur et de la mort, pour sauver, consoler et donner la vie. Voilà ce qui touchait les pécheurs et les amenait à Lui. Voilà pourquoi une misérable pécheresse, rebut de tous ces pharisiens, orgueilleux de leur propre justice, osait venir aux pieds de Jésus verser les larmes de son cœur brisé par la honte, le remords, le sentiment de ses péchés, de ses « grands » péchés, sans doute, mais brisé aussi en même temps qu’attiré par la vue de l’amour et de la grâce parfaite qu’elle découvrait en Lui (Luc 7, 36-50). Voilà un cœur tel que les aime Celui qui a dit : « J’habiterai dans le lieu haut et saint, et avec celui qui a le cœur brisé ». « À qui regarderai-je ? À celui qui est affligé et qui a l’esprit brisé » (És. 57, 15 ; 66, 2). Ô parole délicieuse, parole pleine de charmes pour ce cœur si longtemps courbé sous le joug du péché : « Tes péchés te sont pardonnés. Ta foi t’a sauvée, va-t’en en paix ! ». Celle-là est un de ces enfants qui, secouant tout frein, avait dit : « Je ne veux pas », mais qui, ayant du remords, est allé faire la volonté de Dieu, car elle a cru en Celui que Dieu a envoyé.
Le publicain Zachée, qui reçoit avec joie le Seigneur dans sa maison, entend aussi cette parole non moins ravissante pour l’âme altérée de pardon, qui a reconnu l’erreur de ses voies et a laissé son chemin d’iniquité : « Aujourd’hui le salut est venu à cette maison, vu que lui aussi est fils d’Abraham, car le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 9, 10). Abraham, le père de ceux qui croient, avait tressailli de joie de voir le jour de Christ ; le pauvre publicain Zachée, ce pécheur chez qui était entré le Seigneur, excitant ainsi les murmures de ceux qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, Zachée jouit de la même joie qu’Abraham, parce que comme lui, il croit en Christ, et c’est là « l’œuvre de Dieu ».
Tels sont ceux qui après avoir ouvertement « marché selon la dureté de leur mauvais cœur » (Jér. 11, 8) ont entendu la voix qui leur disait : « Retourne à moi, car je t’ai racheté » (És. 44, 22), ont délaissé leur voie de méchanceté, ont « rebroussé chemin vers les témoignages de l’Éternel » et ont éprouvé qu’Il a eu pitié d’eux et qu’« Il pardonne abondamment » (És. 55, 7).
Mais est-ce pour ceux-là seulement qu’il y a grâce ? Non ; où « le péché abondait, la grâce a surabondé » (Rom. 5, 20). Pour ceux-là même qui avaient crié : « Crucifie, crucifie-le », Jésus a dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23, 21, 34). Et en réponse à cette prière du Sauveur, le Saint Esprit, par la bouche de Pierre, leur annonce « la rémission des péchés » (Act. 2, 38 ; 3, 19, 26). À tous, à ceux qui ont dit : « Je ne veux pas », comme à ceux qui ont couvert leur rébellion du voile d’une feinte obéissance ou qui ont cru obéir tout en suivant leur propre volonté, à tous un même salut est offert. Le chemin du retour est ouvert à tous, mais ce chemin est unique ; pour tous, c’est le brisement de la volonté rebelle, l’anéantissement de toute prétention et justice propre, la soumission à la volonté du Père, qui est maintenant : « que quiconque discerne le Fils et croit en Lui, ait la vie éternelle » (Jean 6, 40) ; « car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Act. 4, 12).
Saul de Tarse avec tous ses avantages religieux, tout son zèle et sa bonne conscience, n’était qu’un « outrageux, un persécuteur et un blasphémateur », le premier des pécheurs, nous dit-il (1 Tim. 1, 13, 15). N’y a-t-il donc point d’espoir pour lui ? Au contraire, en lui, le premier, Jésus Christ a montré toute Sa patience, afin qu’il fût un exemple de ceux qui viendront à croire en Lui pour la vie éternelle (v. 16). Mais pour cela il faut que dans son estime il descende au niveau de ces publicains et prostituées qu’il avait sans doute méprisés. Il faut qu’il reconnaisse que « toutes ses justices sont comme le linge le plus souillé » (És. 64, 6) ; que, « depuis la plante du pied jusqu’au sommet de la tête, il n’y a rien d’entier en lui ; qu’il n’y a que blessure, meurtrissure et plaie pourrie » (És. 1, 6), et comme lui-même le dit : qu’en lui, « il n’habite point de bien » (Rom. 7, 18). Il faut qu’il en vienne à estimer comme des « ordures » tout ce en quoi il se glorifiait pour ne plus savoir que « Christ crucifié » fait « pour nous de la part de Dieu sagesse et justice, et sainteté et rédemption » (1 Cor. 1, 30 ; 2, 2) ; et, qu’à son tour, à la suite de son Maître, « portant toujours partout dans le corps la mort de Jésus », il devienne « comme les balayures du monde et le rebut de tous » (2 Cor. 4, 10 ; 1 Cor. 4, 13). Voilà comment il retourne, lui aussi, dans la voie de l’obéissance, la seule et la même pour tous, publicains ou pharisiens : « Car il n’y a point de différence, car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu » (Rom. 3, 22-23). « Ne se plus glorifier que dans un Christ crucifié, comme puissance, comme sagesse et comme justice de Dieu pour le salut ; ce que l’on vit encore, le vivre dans la foi au Fils de Dieu qui nous aime et nous a lavés de nos péchés dans son sang » ; là, dans cette foi, cet amour et cette vie se rencontrent, et la pécheresse, et Zachée le publicain, et le pharisien Saul.
Et vous, cher lecteur, où en êtes-vous ? Couvrez-vous encore votre cœur rebelle du voile d’une obéissance extérieure ? Vous abritez-vous derrière les « feuilles de figuier » de votre honorabilité, de vos bonnes œuvres, de votre propre justice, de vos habitudes religieuses ou de votre foi traditionnelle ? Déchirez tout cela, qui vous laisse aux yeux de Dieu dans toute la laideur que le péché a imprimée sur vous et sous la juste condamnation qu’il entraîne. Dites : « Que je sois trouvé en Lui, n’ayant pas ma justice qui est de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui est de Dieu, moyennant la foi » (Phil. 3, 9). C’est alors seulement qu’après vous être si longtemps détourné de ce qui est le commandement de Dieu, vous y rentrerez pour votre paix et votre joie éternelles.
Ou bien êtes-vous de ceux qui jusqu’à présent ont résolument tourné le dos à Dieu, soit par une incrédulité déclarée, soit par l’indifférence ou une vie en opposition flagrante avec la loi de Dieu ? Avez-vous jusqu’ici vécu sans Dieu, sans autre espérance que celle qui se rapporte à la terre, ne cherchant la satisfaction des besoins de vos âmes que dans ce qui va périr et n’est que vanité ? Laissez-moi vous adresser une seule question. Avez-vous trouvé la paix dans cette voie ? Ne soupirez-vous jamais sous ce fardeau de jours qui reviennent toujours les mêmes avec leurs occupations monotones et au fond sans profit, leurs plaisirs qui ne peuvent remplir le vide du cœur, et leurs douleurs et leurs deuils, hélas ! sans espérance réelle ? N’avez-vous jamais fait la même douloureuse expérience que cet homme qui avait goûté tout ce que la terre peut offrir en fait de science, de richesses et de jouissances, et qui après tout disait : « Ayant considéré toutes mes œuvres que mes mains avaient faites, et tout le travail auquel je m’étais occupé en les faisant, voilà, tout était vanité et rongement d’esprit, tellement que l’homme n’a aucun avantage de ce qui est sous le soleil » (Eccl. 2, 11). Voilà tout ce que l’on trouve dans le chemin de la volonté propre, en dehors de celle de Dieu. Et au bout de ce labeur, de cette vanité et de ce rongement d’esprit ; au bout de ces jours dont « le plus beau n’est que travail et tourment » (Ps. 90, 10), après toutes ces « douleurs, et cette occupation qui n’est que chagrin, de sorte que même la nuit le cœur ne se repose point » (Eccl. 2, 23), que trouve-t-on ? Au terme de ce chemin, c’est la mort ; et « après cela, le jugement » (Héb. 9, 27). Chemin douloureux où, même en riant, le cœur est triste (Prov. 14, 13), quel que soit l’étourdissement auquel on se livre ; issue redoutable, voilà votre lot. Ah ! retournez au « chemin de la paix », qui est celui de la volonté de Dieu. Sortez de ces ténèbres et de l’ombre de la mort pour venir à Celui qui est la lumière et la vie. Lui qui, à une pauvre pécheresse samaritaine, annonça et offrit le don d’une eau vive qui la désaltérerait à jamais et apaiserait tous les besoins et les désirs de son cœur, Il est toujours le même, prêt aussi à faire jaillir en vous les pures eaux de cette fontaine de vie éternelle. « Holà, vous tous qui êtes altérés, venez aux eaux ! » (És. 55, 1). « Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie » (Jean 4, 10, 13, 14 ; Apoc. 22, 17).
Jésus a dit : « Tout ce que le Père me donne viendra à moi ; et je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi ; car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or c’est ici la volonté de celui qui m’a envoyé : que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour » (Jean 6, 37-39).