Traité:La création

De mipe
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(Genèse 1 ; 2)
Traduit de l’anglais
W. Kelly

Préface de la troisième édition

« Dieu dit… et il fut ainsi ».

Ce traité de William Kelly sur la création, bien qu’il date de plus de quatre-vingts ans, alors que la géologie et la biologie étaient moins avancées qu’aujourd’hui, n’a rien perdu de sa valeur. S’il écrivait maintenant, l’auteur ferait sans doute état de certaines acquisitions de ces sciences, comme il élèverait des objections contre des formes nouvelles prises par leurs théories. Mais — et c’est pourquoi nous croyons devoir écrire ces pages, en pensant aux jeunes générations facilement incitées à ne prendre en considération que ce qui est estampillé ultramoderne — tout le travail scientifique effectué depuis n’apporte absolument rien qui soit de nature à infirmer la position où se tient W. Kelly : le récit biblique de la création est inattaquable ; seul il « rend compte de ce qui est sous les yeux de tous et en donne l’explication », et cela parce qu’il est la révélation de Dieu.

Ce récit admet toute la durée qu’a pu exiger la formation des mondes, l’organisation de la terre et l’apparition des êtres qui y vivent. Avec beaucoup de commentateurs, W. Kelly place les âges géologiques entre le premier et le deuxième verset de Genèse 1. Que d’autres les voient dans les six jours, ou que d’autres encore pensent qu’ils se sont déroulés au cours d’immenses intervalles entre ces « jours », cela reste secondaire. Le point capital est de recevoir simplement ce que l’Écriture enseigne, sans lui faire dire ce qu’elle ne dit pas expressément. Ce sur quoi elle est formelle, c’est, d’abord, que tout a été créé par Dieu, à Sa parole, et ensuite que l’homme, « tiré de la terre » (1 Cor. 15, 47) comme les autres êtres d’ici-bas, a été formé d’une manière unique, foncièrement différente de la leur, quoi que puissent dire les hommes de science, mais non point la véritable science.

Il importe encore et toujours de bien distinguer entre, d’une part des faits indiscutables, établis par l’observation ou par l’expérimentation, et, d’autre part, les théories édifiées en raisonnant sur ces faits. Les théories n’ont pas le droit de se prétendre autre chose que des interprétations contestables de ces faits et de leur origine. Elles peuvent satisfaire en quelque mesure l’intelligence qui les admet, elles ne peuvent lui apporter une certitude. L’Écriture, elle, apporte cette certitude à la foi.

Les faits indéniables concernant le passé de la terre sont fournis évidemment par les terrains dont se compose la croûte terrestre et par les fossiles qu’ils recèlent.

Les géologues étudient la nature et la disposition de ces terrains, spécialement la superposition des couches sédimentaires. Mais les étendues très inégales de ces couches, la diversité de leurs modes de formation, les modifications que leur ont imposées les mouvements du sol, les destructions qu’elles ont subies en surface par désagrégation, érosion, transport, etc., leurs transformations en profondeur du fait de pressions et de températures énormes (métamorphisme), tout cela suscite à chaque pas des difficultés, dès qu’on cherche à coordonner les observations de détail pour établir des vues d’ensemble et se faire une idée de la succession des faits.

Les fossiles, qu’étudie la paléontologie, sont les vestiges des êtres qui ont vécu avant l’époque géologique actuelle. On sait qu’il s’agit soit d’empreintes ou de moulages naturels, soit, plus rarement, de débris d’animaux et de végétaux eux-mêmes, conservés çà et là dans le sol et le sous-sol. Leur nombre est peu de chose par rapport à la masse des terrains, et il diminue à mesure que ceux-ci sont plus anciens. Autant, a-t-on dit, des aiguilles perdues dans le foin. Si fragmentaires que soient ces témoignages concrets, on peut, en les recueillant patiemment, en les comparant et en étudiant leurs rapports avec la succession des couches, se faire une idée de l’ordre d’apparition des êtres vivants, par grandes catégories, ordre qui est précisément celui que la Genèse indique. Des groupes ont disparu, très peu se sont maintenus depuis les temps les plus lointains, le plus grand nombre de ceux qui vivent à l’heure actuelle étant apparus successivement, l’homme en dernier lieu. Il n’est pas question de diminuer la valeur de l’énorme travail poursuivi surtout depuis un siècle, avec patience et objectivité, pour rassembler les admirables collections de fossiles que chacun peut voir dans les musées spécialisés ou dans les ouvrages qui en donnent des reproductions.

De ces faits dûment observés on essaie de tirer des conclusions. Plus précisément de reconstituer une suite d’événements, une histoire. Le raisonnement, l’intuition et l’imagination se disputent le soin de combler les lacunes de l’observation. Le raisonnement vaut ce que valent les bases dont on part, et elles sont souvent peu solides. L’imagination, même si l’on s’efforce de contrôler son pouvoir inventif, emporte vite l’esprit loin des réalités. L’intuition est trop souvent tentée de se donner pour certitude alors que l’expérience ne l’a nullement confirmée.

S’il s’agit de dater les faits, il faudrait commencer par établir que les conditions de la matière, la composition de l’atmosphère, les lois physiques de l’univers elles-mêmes, n’ont pas changé depuis l’origine, et si elles ont changé déterminer ces changements et leurs conséquences. La plupart des géologues raisonnent comme si rien de tout cela n’avait effectivement varié, mais cet « actualisme » (ou « uniformitarisme ») n’est qu’un postulat, un principe non démontré et sans doute indémontrable. Quant aux méthodes employées pour cette datation des faits géologiques, il serait hors de propos de les exposer ici. La vitesse des sédimentations, la mesure de l’accumulation du sel dans les mers, ont fait place aux méthodes radioactives et à l’utilisation des isotopes — le carbone 14 pour tout ce qui est organique, le potassium-argon d’emploi plus général. Ces méthodes peuvent présenter une grande rigueur logique, mais elles perdent cette rigueur dans l’application. De toute façon, elles postulent elles aussi des lois qui n’auraient pas varié au cours des âges, ce qui n’est pas vérifié ; certaines constatations, pour des faits de la préhistoire, mettent en question la valeur du procédé carbone 14. Enfin, la notion de temps elle-même n’est-elle pas sujette à caution, et peut-on soumettre toute la durée à des évaluations exprimées selon nos jours et nos années, divisions du temps fondées sur le rythme actuel des mouvements de la terre, et qui ont été « introduits précisément au moment qui convient au caractère de la révélation de Dieu et à ses voies envers les hommes » (W.K., p. 26) ?

Mais l’esprit humain n’ambitionne pas seulement de se représenter « du commencement à la fin l’œuvre que Dieu a faite », il vise à en expliquer le déroulement. Les plus répandus actuellement des systèmes d’explication sont inspirés par la théorie de l’évolution. Appliquée aux êtres vivants, c’est le transformisme[1]. Elle part de la constatation suivante : les fossiles montrent que les êtres vivants sont apparus par groupes, de durée inégale, avec une organisation généralement de plus en plus complexe. Le transformiste en infère que les espèces vivantes, l’espèce humaine comprise, procéderaient toutes d’un petit nombre d’espèces initiales, même d’une seule, même d’une cellule primitive unique, d’origine inconnue, et se seraient progressivement transformées, en se perfectionnant d’une étape à l’autre. Cette hypothèse admise, on s’efforcera de découvrir toute la chaîne des êtres dans ses maillons successifs, et d’élucider les mécanismes de l’apparition de nouvelles espèces. La contradiction est totale, on le voit, avec ce que l’Écriture rapporte de la création des êtres vivants, par grandes catégories venues les unes après les autres, mais toujours « chacun selon son espèce » (Gen. 1, 11, 12, 21, 24, 25), et de la création spéciale de l’homme (1, 26, 27 ; 2, 7, 22). Cela ne signifie pas qu’au cours des âges il ne se soit pas produit des variations au sein des espèces, d’où les races, etc., mais que chaque espèce possède en propre une organisation particulière de la vie. Le passage d’une espèce à l’autre, la génération des espèces par transformisme, sont formellement exclus.

W. Kelly connaissait parfaitement les théories fondamentales des transformistes du dix-neuvième siècle, aussi bien Lamarck expliquant en 1809 l’évolution par l’adaptation des organes à des milieux extérieurs qui se transformaient, que Ch. Darwin l’expliquant cinquante ans plus tard par la concurrence vitale et la sélection naturelle ; il se réfère aussi, sans les nommer, aux grands géologues qui, au moment où il écrivait, avaient déjà donné à leur science encore jeune ses orientations décisives, comme Lyell, D’Orbigny, Philipp, Gaudry, et combien d’autres. Sans doute, depuis lors la doctrine transformiste a-t-elle été contrainte d’abandonner Lamarck et Darwin pour accueillir d’autres interprétations fondées surtout sur les variations brusques, ou mutations, après les observations d’un Hugo de Vriès. Elle a dû faire face aux redoutables objections tirées des lois de l’hérédité que Mendel (mort en 1884) avaient mises en lumière. Mais elle n’a pas capitulé. Elle inspire toujours de téméraires explications matérialistes du monde, dans la ligne de Haeckel, et maintenant s’en réclament de grands systèmes cosmologiques et théologiques qui prétendent concilier la foi et le rationalisme. Elle n’en demeure pas moins une doctrine, et rien de plus ; et ce que W. Kelly disait des doctrines qu’il connaissait garde toute sa force à l’égard des plus récentes.

Sur le plan strictement scientifique, aucune de ces théories ne peut se prévaloir d’observation, ou de démonstration directe. Le passé géologique est mort, et il est clair que jamais homme n’a pu voir le passage d’une espèce à l’autre au cours de ce passé ; les paléontologistes recherchent en vain les « formes de transition ». Comme l’écrit l’un d’eux, J.J. Barloy, « il est évident qu’une filiation est toujours hypothétique en paléontologie ». Quant au présent, la biologie n’a pu ni produire ni observer de tels passages, ni voir des organes nouveaux apparaître chez une espèce donnée. Les expériences les plus remarquables des biologistes indiquent toutes la stabilité des espèces, sauf, encore une fois, certains détails qui ne changent rien à la permanence du monde vivant, et qui, du reste, se perdent d’une génération à l’autre (« retour des types »).

Que donc l’on tienne l’évolution transformiste pour une hypothèse cohérente, qu’on la trouve commode pour classer et exposer les faits, cela pourrait à la rigueur s’admettre. Mais pas davantage. C’est un schéma conventionnel. Ses partisans les plus convaincus, s’ils sont sincères, doivent en convenir. Au surplus, cette hypothèse n’explique rien. Elle met derrière le mot « évolution » un principe indéfinissable et mystérieux. Elle émet un dogme[2].

En réalité, les savants se décident, relativement à de tels sujets, non sur des preuves évidentes comme on pourrait en tirer de démonstrations mathématiques ou mieux d’expériences physiques et chimiques, mais d’après leurs sentiments, leur éducation, la conception qu’ils se font de l’homme et de l’univers. « La paléontologie est une science passionnelle », a-t-on écrit. La vraie science se bornera à dire : on peut édifier des systèmes philosophiques et pseudo-scientifiques sur l’idée de l’évolution transformiste, mais non sur des faits constatés d’une telle évolution.

Or cette distinction est bien rarement faire. Le parti pris de certains est de la mauvaise foi toute pure. Il est, aimons à le croire, involontaire chez le très grand nombre de savants qui arrivent à ne plus penser qu’en termes d’évolution. Il y a une foi évolutionniste. Elle ne peut tenir lieu de certitude, comme le reconnaît Jean Rostand quand il écrit : « On ne peut que croire en l’évolution »[3]. Nous voudrions pouvoir penser qu’il y a simple impropriété de langage de la part de cet autre biologiste disant : « L’évolution est un fait historique et elle nous montre la lente montée de la vie vers les formes supérieures d’organisation »[4]. Un fait historique ? Non. Une certaine reconstitution conjecturale de l’histoire des êtres vivants, ce qui est tout autre chose.

Mais toujours est-il que la masse des gens qui n’ont ni la possibilité ni le loisir de s’informer exactement sont induits en erreur, et que beaucoup acceptent comme vérité démontrée ce qui n’est qu’une conjecture. C’est sur une base aussi suspecte que ces gens mettent en doute la révélation.

C’est par l’effet d’une réelle tromperie, d’autre part, que le grand public est persuadé que l’unanimité des savants est acquise à cette doctrine de l’évolution. « La réalité de l’évolution n’est plus mise en doute par personne… le transformisme n’a plus d’ennemis », écrit intrépidement un naturaliste réputé. C’est là une contre-vérité flagrante. Il suffirait de citer la conclusion du professeur Lemoine à la fin du volume V de l’Encyclopédie française, consacré à ces questions (1938) : « L’évolution, dit-il, est une sorte de dogme auquel ses prêtres ne croient plus, mais qu’ils maintiennent pour leur peuple. Il faut avoir le courage de le dire, pour que les hommes de la génération future orientent leurs recherches dans une autre direction » — (courage dont, pour le dire en passant, manquait cet autre savant qui écrivait en 1903 : « Je reconnais que l’on n’a jamais vu une espèce en engendrer une autre ni se transformer en une autre », mais qui poursuivait, substituant une croyance à une certitude : « je considère cependant l’évolution aussi certaine que si elle était démontrée objectivement » !). Le professeur Lemoine continue : « les données de la paléontologie démontrent au contraire qu’il n’y a pas eu d’évolution, tout au moins évolution des grands groupes ». Il suffirait encore de rappeler l’ouvrage bien connu du professeur L. Vialleton : « L’origine des êtres vivants, l’illusion transformiste » (1929). Mais plus près de nous des biologistes comme le professeur L. Bounoure ou le docteur Maurice Vernet, pour nous en tenir à ces noms (il y en aurait bien d’autres) s’inscrivent en faux, et non sans éclat, contre cette illusion. En particulier l’œuvre de M. Vernet porte toute sur l’impossibilité démontrée que les phénomènes vivants se réduisent à de purs mécanismes physico-chimiques[5].

N’hésitons donc pas à dire que c’est par un véritable abus de confiance que la théorie transformiste est présentée à la jeunesse, dans l’enseignement qui lui est officiellement dispensé, comme une vérité acquise. Un minimum d’honnêteté ferait dire : « Voilà mon opinion, mais il y en a d’autres », ou encore : « Tout se passe comme si… mais personne n’a jamais vu comment cela se passe ».

On ne saurait trop mettre en garde contre cet insidieux empoisonnement des esprits. Notre propos n’est nullement de polémiquer, et nous ne revendiquons ici aucune compétence. Nous voulons seulement attirer l’attention, ne serait-ce qu’au nom du bon sens, sur des pièges fort dangereux. Relevons particulièrement ceci. N’est-il pas stupéfiant qu’il se trouve des hommes de science qui, pour asseoir leur système et l’enseigner, continuent à avancer des exemples qui ont été reconnus comme des faux purs et simples, le plus remarquable étant le trop fameux « homme de Piltdown » ? Il l’est autant que l’on fonde tant de raisonnements spécieux sur des restes hétéroclites, recueillis dans des conditions parfois plus que douteuses, pour en composer par l’imagination des ancêtres supposés de l’homme : tels, après le pithécanthrope de Trinil (Java, 1906), le sinanthrope de Chou-kou-tien (1929), un autre sinanthrope plus récent, ou encore les australopithèques et les paraustralopithèques. Les discussions ne sont pas près d’être closes, entre préhistoriens comme entre paléontologistes, quant au rattachement de ces fossiles soit à l’espèce humaine soit aux singes, et il en va de même pour ceux que l’on découvre un peu partout (homo habilis du Tanganika (1961), atlanthrope d’Algérie, zinjanthrope, tchadanthrope (1962), aegyptopithèque (1966), kényapithèque, etc. Les désaccords entre évolutionnistes sont parfois si grands qu’on peut se demander s’ils gardent eux-mêmes un fonds de pensée commun. Mais, répétons-le, il n’est pas vrai que tous les savants soient transformistes. Des athées refusent cette théorie au nom même de leur athéisme (un dogme, lui aussi !), pour écarter tout ce qui paraîtrait prouver un dessein préalable dans l’univers, une finalité comme disent les philosophes ; c’est à peu près la position du professeur Lemoine cité plus haut. Bien davantage, cela va sans dire, la refusent des savants qui, à l’opposé, s’inclinent devant un Créateur, « Celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté » (Éph. 1, 11) et qui a formé l’homme à son image.

Mais parmi les systèmes liés à l’évolutionnisme, les plus inquiétants peut-être sont ceux, bruyamment prônés aujourd’hui, qui se drapent du manteau religieux. Dans le dessein d’harmoniser la science et la révélation, ils concourent en réalité au rejet de celle-ci. Des affirmations de caractère scientifique étayent de vastes synthèses englobant l’origine, l’histoire et la destinée du monde et de l’homme. Qui n’a entendu parler des théories du P. Teilhard de Chardin, dont notre époque fait une manière de religion nouvelle ? Elles épousent les aspirations du monde moderne plus encore qu’elles ne les orientent, tant elles saisissent avec empressement ce qui, au nom de la science, fait taire la conscience. Les données d’une certaine science et d’une certaine théologie s’y accordent en effet de façon captieuse. En réalité l’imagination, la sentimentalité, le mysticisme, tiennent la plus large place dans une telle cosmogénèse qui se présente audacieusement comme l’accomplissement de la foi chrétienne. Hélas, on n’y trouve guère que la foi en l’homme ! L’homme qui prétend en savoir plus long sur lui-même et sur Dieu, que Dieu n’en dit. Paul appelait l’anathème sur ceux qui prêcheraient « un évangile différent, qui n’en est pas un autre » (Gal. 1, 6-10). Parlerait-il autrement de ces nouveautés, et de ces rêveries où se perd l’action créatrice de Dieu, où est célébré le progrès humain concurremment à la promotion de la matière ? Celle-ci, par évolution progressive, aurait été en premier lieu rendue génératrice de la vie, puis de l’homme conscient et pensant, et elle finirait par se confondre avec le facteur agissant de toute cette évolution, savoir Christ Lui-même, au fameux point Oméga. Là convergeraient Dieu, l’humanité et l’univers (le cosmos), et la matière s’identifierait enfin avec la vie. L’homme n’est plus reconnu comme pécheur perdu, la notion de responsabilité personnelle et de culpabilité s’efface, et Christ, Son incarnation, Sa croix, Son œuvre rédemptrice, bien qu’on s’en réclame, sont travestis jusqu’à disparaître, au profit de cette ascension de la matière ouvertement divinisée, et de l’humanité proprement matérialisée, ascension qui ne répond que trop au désir insinué depuis longtemps par le tentateur : « Vous serez comme Dieu » !

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Pour nous en tenir à la création, seul vaudrait, sans conteste, pour nous donner une certitude et non des hypothèses, le témoignage de quelqu’un qui ait assisté à tout le déroulement de la formation des mondes. Or il existe un tel témoignage, et il n’en existe qu’un, mais il se donne comme irrécusable. C’est celui du Créateur Lui-même, qui parle à l’homme en tant que créature intelligente (Rom. 1, 20). La voix de Celui qui « a parlé » se prolonge à travers les siècles. La même Parole qui a créé nous rend compte de la création. « Dieu dit… et il fut ainsi » (ou : la chose fut ainsi). Elle parle, de la Genèse (1, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 24, 28, 30), aux Psaumes (33, 9, 148, 5, 6), aux prophètes (És. 40, 12), aux épîtres du Nouveau Testament, à l’Apocalypse (4, 11). Et Christ, la Parole faite chair, n’y apparaît point à un Oméga imaginé, aboutissement d’une évolution aux origines indécises : Il est « l’alpha et l’oméga », « le premier et le dernier », « le commencement et la fin », le Même.

Le croyant sait, d’une connaissance tout autre que celle à laquelle peut atteindre l’esprit humain livré à lui-même. La foi écoute le langage de Dieu. Non seulement elle discerne quelque chose de Lui par le moyen des choses créées, mais elle entend Sa voix dans l’Écriture. L’incrédule repousse ce témoignage, refoulant en même temps et la voix de sa conscience et celle des besoins profonds de son esprit, alors que l’une et l’autre protestent qu’il y a un Dieu. Mais l’Écriture demeure, impassible, invariable, dans sa majesté et son autorité souveraines, bien au-dessus des opinions mouvantes des hommes. Si certaines de ces opinions s’accordent avec l’Écriture, tant mieux pour elles, encore que cela ne donne rien de plus à la foi : elles ignorent tout, en effet, du Dieu d’amour et de grâce aussi bien que de sainteté et de justice. Ce que leurs tenants découvrent ou supposent de la vie physique ne donne rien à connaître de la vie de Dieu, cette vie « qui est dans son Fils », de sorte que « celui qui a le Fils » (et on l’a en croyant en Lui) « a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie » (1 Jean 5, 11, 12). Mais si les hommes veulent opposer leurs opinions à l’Écriture et juger celle-ci par celles-là, alors malheur à eux : c’est l’Écriture qui les jugera (Jean 12, 48). Ils vont au-devant de leur propre condamnation. L’homme n’aura pas le dernier mot, mais Dieu !

Pour l’humble croyant, peu importe qu’il soit au fait de ces opinions humaines, fussent-elles du plus grand savant, ou même qu’il les ignore totalement. Il « comprend que les mondes ont été formés par la parole de Dieu, de sorte que ce qui se voit n’a pas été fait de choses qui paraissent » (Héb. 11, 1, 2). Il admire la perfection du récit inspiré, il lit et relit Genèse 1, la page grandiose dans sa sobriété par où s’ouvre la Bible, et il adore. La Bible ne fait pas de nous des savants au sens de ce monde, mais au sens de Dieu (És. 50, 4). N’est-ce pas là la part bienheureuse des « petits enfants » dont Jésus ici-bas parlait à Son Père quand Il disait : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants » (Matt. 11, 25) ?

Mais tout chrétien doit comprendre la nécessité absolue de « garder la Parole » du « Saint et du Véritable ». L’heure est venue pour eux de choisir avec plus de détermination que jamais entre les constructions ou religions de l’homme et la révélation de Dieu. Le courant général, emporté lui-même dans l’essor inouï de la science, pousse les croyants à « mettre leur foi en accord avec leur vision scientifique du monde ». Ce n’est autre chose que « renier la foi ». L’accroissement de la connaissance scientifique, la vraie, tout objective, est légitime dans son domaine propre. Mais la foi n’est pas affaire de microscopes, de cornues ou d’électronique et d’ordinateurs, et pas davantage de raisonnements logiques. Dieu a parlé. Les théories passent, les faits demeurent ; jamais ils ne contrediront la Parole de Dieu, qui « subsiste éternellement ».

Par-dessus tout, lecteur, et particulièrement vous, lecteur inconverti, prenez bien garde à ceci. Quoi que vous pensiez de votre origine, c’est là un passé sur lequel nul ne peut rien. Mais la même Parole de Dieu qui vous en dit ce qu’il vous suffit de savoir pour comprendre ce que vous êtes, vous éclaire quant à l’avenir. C’est pour cela qu’elle nous est donnée, non point pour satisfaire notre curiosité, mais pour nous avertir à salut. Créatures, nous avons des comptes à rendre à Celui qui nous a créés (Rom. 14, 10). Notre état de naissance est celui de pécheurs. Dieu nous offre le salut, dans sa grâce, par « son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient » (1 Thess. 1, 10). Le croyant « attend des cieux » ce Sauveur sur qui sa foi repose.

Permettez-moi de vous demander : Vous, qu’attendez-vous ?

A.G. — 1969



La création (Gen. 1 ; 2)

Il est des vérités qui concernent la nature extérieure, et que la révélation donnée de Dieu peut seule nous faire connaître. Tel est le fait de la création. Que cette vérité soit une de celles à l’égard desquelles l’homme est incapable de former autre chose que des conjectures, on peut le conclure du fait que l’humanité en général en a douté, et que ceux qui sont réputés les plus grands et les plus sages parmi les hommes l’ont niée. La Grèce est assurément la contrée où la philosophie a compté ses représentants les plus éminents ; nulle part la culture de l’esprit n’a été portée aussi loin ; mais nulle part non plus l’incrédulité à l’égard de la création n’a été plus générale, surtout parmi les philosophes. Aristote la niait, et Platon ne l’a pas comprise. Il serait difficile de trouver quelqu’un qui la conçût réellement, et s’il en est question, c’est d’une manière singulièrement obscure et avec une grande confusion dans les pensées. Et cependant, quand une fois cette vérité est révélée, l’esprit de l’homme sent que la chose n’a pu être autrement, si du moins il pèse les faits et se soumet à leur portée.

La raison pour laquelle l’homme, sans la révélation, ne peut arriver avec certitude à l’idée de la création, vient de ce que seul, sans le secours d’un Être supérieur, il ne peut s’élever au-dessus de ce qu’il est lui-même, c’est-à-dire un être créé. Raisonnant sur les effets visibles de la création, il peut arriver ainsi — comme l’apôtre Paul le montre — à conclure à la puissance éternelle de Dieu, et à Sa divinité, et en avoir la conviction, mais comme la création est un fait en dehors de la sphère des sens et au-dessus de toute démonstration, il ne peut avoir à son égard aucune certitude, à moins que Dieu ne le lui révèle. Une fois révélé, ce fait rend compte de ce qui est sous les yeux de tous et en donne l’explication.

On a soulevé plusieurs difficultés relativement à la création. Ainsi l’on a demandé pourquoi la création aurait eu lieu à un certain moment, et non pas toujours. Je réponds : dire toujours, c’est nier la création. Votre doute est la négation de ce que la Parole de Dieu affirme, et de ce qui, pour votre raison même, est la seule clef pour comprendre l’univers. En outre, la création implique nécessairement un exercice de la puissance divine, car elle signifie qu’il a plu à Dieu de déployer Son énergie pour donner naissance à ce qui n’existait pas auparavant. Et il est clair qu’il appartient à un Être personnel, tel qu’est Dieu, d’avoir une volonté, et, par conséquent, de créer quand il Lui plaît, comme il Lui plaît, et autant ou aussi peu qu’il Lui plaît.

La création est donc l’acte de la volonté souveraine de Dieu, qui appelle à l’existence tout ce qu’il a semblé bon à la sagesse de faire naître. Si, relativement à l’instant où cela eut lieu, on se sert du terme « temps », ce ne peut être que dans un sens très large, car, à parler strictement, ce que l’on nomme ordinairement temps, est la durée mesurée par les objets créés, après que la puissance de Dieu leur a donné d’être. Autrefois, les Juifs qui se mêlaient de philosopher, trouvaient une grande difficulté à introduire les mesures du temps dans leurs conceptions de la création. Cette difficulté est précisément l’inverse de celle qu’éprouvent maintenant les philosophes gentils. Les écoles modernes de la science réclament, au nom des recherches géologiques, d’immenses laps de temps.

Nous ne voulons pas, en général, contester leurs observations, ni les faits bien attestés. Ceux-ci peuvent être intéressants et importants, en même temps que solidement établis. Autre chose est l’usage que l’on en fait. Nous avons le droit de juger de leurs conclusions ; eux-mêmes portent leurs jugements avec une assez grande liberté. Mais nous avons ce droit, fondés sur des raisons incomparablement meilleures que les leurs, si, contrairement à eux, nous avons confiance en la Parole de Dieu. Prenons garde seulement d’attirer, par notre hâte et notre inhabileté, un blâme immérité sur cette Parole que nous cherchons à expliquer.

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L’Écriture est infiniment plus large que tous les systèmes humains. Pour le montrer, j’espère prouver deux choses. Premièrement, c’est qu’après le commencement de la création, il y a place pour les plus longues périodes successives de temps ; et, secondement, que des divisions ordinaires du temps sont introduites précisément au moment qui convient au caractère de la révélation de Dieu et à Ses voies envers les hommes. Ainsi la Parole de Dieu ne contredit en rien ce qui est vrai dans les systèmes, soit des anciens, soit des modernes. C’est l’ignorance où l’on est des Écritures, ou le manque d’attention à ce qu’elles disent, qui créent presque toujours les difficultés.

En résumé, les deux chapitres de la Genèse dont nous avons à nous occuper présentent deux grands faits. D’abord la création, en dehors de ces mesures de temps qui appartiennent à la condition présente des cieux et de la terre ; ensuite, l’introduction du cours ordinaire du temps, lorsque Dieu prépare sur la terre une demeure pour l’homme. Nous avons ainsi une réponse à la théorie des philosophes alexandrins comme Philon, qui estimait dérogatoire à Dieu de compter le temps d’une manière littérale dans la création[6]. Il concevait l’énergie comme devant produire un résultat instantané. Les modernes ramènent plutôt Dieu à la notion d’un être semblable à eux-mêmes. Sans doute, il faut à la créature bornée, pour accomplir une œuvre, un temps d’autant plus long que l’œuvre est plus vaste, mais devons-nous, à cause de cela, nous figurer qu’il en est de même pour Dieu ? Dans les suppositions des anciens et dans celles des modernes, il peut y avoir un élément vrai. Ne les opposons pas les unes aux autres, mais distinguons-les. Convenablement appliquées, elles existent ensemble et se trouvent dans la révélation de Dieu.

« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ». Si Dieu avait été tenu de créer à un moment autre que celui où il Lui plut d’appeler à l’existence les cieux et la terre, il faudrait nier Son caractère. Il ne serait plus l’Être absolu, car absolu veut dire qu’Il n’est lié par aucune condition. Par conséquent, qu’il Lui ait plu d’exercer Son énergie divine au moment particulier qu’Il avait choisi, découle du fait même qu’Il est Dieu. Un homme a une volonté, Dieu en serait-Il privé ?

« Au commencement », donc, « Dieu créa les cieux et la terre ». Remarquez avec quel soin sont écartées toutes les mesures de temps qui se rapportent à l’homme. C’est actuellement un fait bien connu que, non seulement les cieux, mais aussi la terre, ont existé dans une certaine condition, alors que l’homme n’était pas ; alors qu’il eût été de toute impossibilité, d’après les faits que nous connaissons, que ni lui, ni aucun être animé, subsistât ; état qui fut suivi de vastes changements graduels et de convulsions soudaines amenant la destruction d’êtres vivants analogues à ceux qui existèrent plus tard. En effet, s’il est quelque chose de certain dans cette « science incertaine » de la géologie, comme la nomme un de ceux qui contribuèrent le plus à enrichir le domaine des sciences naturelles, ce sont ces crises et ces changements. Il est donc positif que d’immenses périodes de temps se sont écoulées avant que l’homme fût sur la terre. L’Écriture leur laisse ample place. « Au commencement » fixe à la vérité un moment où l’univers sort du néant, mais admet en même temps des ères d’une étendue indéfinie avant l’état de confusion décrit au verset 2, et, à plus forte raison, avant les six jours dont le cours commence au verset 3.

À quel dessein Dieu fit-Il servir ces cieux et cette terre créés au commencement ? Quelles étaient la constitution particulière et l’apparence de la terre, quels en étaient les habitants ? Dieu n’a pas jugé bon de résoudre ces questions dans Sa Parole. Il n’a pas voulu qu’elle fût un livre de science humaine, et c’est là une des perfections de la Bible. Néanmoins, quand la science cesse d’être incertaine, quand elle n’est plus un monceau d’hypothèses se déplaçant et se détruisant l’une l’autre, quand elle mérite vraiment le nom de science, elle ne manque jamais de rendre hommage à la Parole de Dieu. Je ne parle pas de ceux qui s’en occupent, mais de la science elle-même. Toutefois, il est bon de remarquer que, parmi les hommes qui ont le plus contribué à agrandir son domaine dans toutes les directions, il en est plus d’un qui ont reconnu la valeur de la Parole de Dieu, lorsqu’elle parle de ce qu’ils sont réputés avoir le mieux connu. Personne ne contestera à Newton et à Cuvier la place éminente qu’ils occupent, et pourtant ils ne rougissaient pas d’avouer le prix qu’ils attachaient aux vérités scripturaires. Je ne cite pas les noms de ces grands hommes comme si leur respect pour les Écritures était un triomphe pour la cause de Dieu. C’était, au contraire, une gloire pour eux de courber le front devant Sa Parole. C’est elle qui, en réalité, jette son lustre sur eux, bien loin d’en recevoir de leur part. Et il en est toujours ainsi. Tout homme, s’il était sage, ferait découler tout son bonheur de Dieu et de Sa Parole.

Il ne faudrait pas croire cependant que ces hommes éminents eussent nécessairement une intelligence des Écritures plus profonde que d’autres. Newton, par exemple, avec tout son génie, n’était pas entré bien avant dans ses profondeurs. Ainsi, on ne saurait regarder comme juste sa pensée que Dieu créa d’abord des masses indigestes de matière pour s’en servir ensuite selon ses desseins[7]. Plus d’une personne de nos jours a probablement la même idée, mais cette notion d’un chaos primitif est une erreur sans fondement aucun dans la Parole de Dieu. L’Écriture veut toujours dire expressément ce qu’elle dit. Elle nous apprend que, « au commencement Dieu créa les cieux et la terre », cela ne saurait signifier des masses incohérentes de matière ; ce n’est pas la matière des cieux et de la terre, mais les cieux et la terre mêmes dans un ordre voulu de Dieu. Nous ne nous rendons pas compte à quel point nous sommes encore pénétrés de notions qui nous viennent des philosophes et des poètes païens. Les plus savants parmi les hommes n’échappent point à cette influence, et cette idée d’un chaos existant au commencement, n’a peut-être été, chez Newton, comme chez d’autres, qu’une réminiscence du poète Ovide[8]. Mais quelle que soit la renommée d’un homme, Dieu est au-dessus de lui, et Sa Parole est infiniment plus sage que tout ce que l’esprit humain peut concevoir. L’Écriture ne se corrige jamais d’elle-même, mais elle corrige tout le monde, s’agit-il des plus grands philosophes de la terre.

La Parole de Dieu affirme donc qu’au commencement Il créa les cieux et la terre. Ce n’étaient pas les cieux dans le sens où il en est parlé au verset 8 ; ce n’était pas la terre dans l’état où l’homme devait l’habiter, après que les eaux eurent été rassemblées en un lieu et que le sec eut apparu (v. 10). Dans cette première mention de la terre, il n’y a non plus aucune allusion à l’homme, ni même à aucun animal. Le champ est laissé ouvert d’une manière frappante. Si la science y a fait quelques découvertes, qu’elle s’efforce humblement de les démontrer, sans se hâter dans ses conclusions, car elle aurait bientôt à reconnaître qu’elle s’est trompée. Par-dessus tout, qu’elle ne se presse pas de contredire la Bible. Quand les choses seront établies à leur vraie place, que les diverses découvertes auront pris corps et seront généralisées en lois qui imposent partout la conviction, comme, par exemple, celle de la gravitation ; quand, en un mot, la géologie sera arrivée à une place semblable à celle qu’occupe l’astronomie, sa sœur — science de beaucoup plus exacte — alors sa soumission à la Bible sera beaucoup plus entière qu’elle ne l’est maintenant.

Une chose est donc certaine, c’est que l’Écriture affirme la grande vérité que Dieu a donnée l’existence aux cieux et à la terre, sans rattacher ce fait au temps tel qu’il est mesuré par l’homme, et encore moins par l’histoire. Il en résulte que l’idée courante qui fait remonter la création du monde à quelque six mille ans en arrière, est une erreur dont la Bible n’est nullement responsable. Quelques annotateurs de la Bible ont placé le chiffre de 4004 avant Christ en rapport avec Genèse 1, 1, donnant ainsi à entendre que telle est la date de la création des cieux et de la terre. Ces hommes savants et pieux, sans doute, pouvaient avoir une excellente intention, mais ce n’est pas Dieu qui a fixé cette date, c’est eux. Ainsi la Bible, et c’est là son excellence, porte en elle-même de quoi corriger et redresser les erreurs des meilleurs des hommes qui se sont occupés d’elle avec un très bon désir de l’expliquer. L’Écriture ne met donc nulle part la création en rapport avec Adam, ni avec les êtres animés, bêtes, poissons, ou reptiles, ni même avec les plantes et les arbres de la terre. Elle affirme simplement ce que jamais l’homme n’a connu avec certitude en dehors d’elle, c’est que, « au commencement Dieu a créé les cieux et la terre ».

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Le second verset nous place en présence d’un autre grand fait que, sans doute, les géologues ont démontré, mais quant à la certitude duquel nous ne leur sommes redevables en rien. Sans eux, et bien avant qu’il fût question de géologie, la Bible avait dit : « Et la terre était désolation et vide ». Il est clair que c’est là un état tout à fait différent de celui que nous avons au verset 1, et il faut remarquer que cela n’est pas dit des cieux, mais de la terre seule. On a regardé le mot « et », comme s’il liait le verset 2 au premier au point de vue du temps. C’est une erreur. Si ce mot ne se trouvait pas là, on pourrait prendre le premier verset comme une espèce de sommaire de ce qui suit. C’est ce qu’ont fait des lecteurs peu réfléchis et même des commentateurs qui expliquaient ce chapitre. Ils ont cru que la création était indiquée en gros dans le premier verset, puis exposée en détail dans les jours qui suivent. L’emploi même de ce petit mot exclut une telle interprétation. La comparaison de nos versets avec ce qui est dit en d’autres passages le fait voir. Prenons, par exemple, le chapitre 5 : « C’est ici le livre des générations d’Adam. Au jour où Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu, etc. ». La conjonction manque après la première phrase qui est un sommaire du reste du chapitre. Si elle ne se trouvait pas au commencement du verset 2 du chapitre premier, l’interprétation que nous combattons aurait une raison d’être, mais l’exactitude dans le récit divin serait en défaut. Tel qu’il est, sa correction est manifeste et entière. Des chrétiens droits dans leurs intentions se sont trompés en expliquant ce passage, parce qu’ils ont attaché à l’Écriture leurs notions erronées, et des hommes de science, la comprenant également mal, ont cherché à la dénigrer. Les pensées des uns et des autres n’ont point de fondement ; mais la faute en est à eux et non à la Parole de Dieu[9].

« Et la terre était désolation et vide ». C’est le second fait. Il n’y a point de limites indiquées à l’espace de temps qui s’écoula entre la création primitive des cieux et de la terre, au verset 1, et l’état de ruine dépeint dans la première partie du second. Nous ignorons les causes pour lesquelles Dieu bouleversa la terre et la réduisit à la condition de chaos mise d’une manière si frappante sous nos yeux. Mais, je le répète, la création d’un chaos, ou l’existence d’un chaos comme état primitif, est une idée païenne et non pas biblique. Ce que dit la Bible contredit formellement une telle pensée. Comme nous l’avons vu, « les cieux et la terre » ne signifient pas le chaos, la confusion, mais un état de choses placées dans un ordre qui les sépare et les distingue. Ce que Dieu fit de la terre, lorsque primitivement elle sortit du néant à Sa parole, est une autre question, et la Bible n’a pas pour mission de satisfaire notre curiosité. Cependant le fait indiqué au commencement du verset 2, est certain ; il est de la plus haute importance et d’un très grand intérêt à sa place. Tous les faits qui ont été découverts relativement aux plus anciennes conditions où la terre s’est trouvée s’accordent avec lui ; c’est-à-dire qu’ils montrent un temps où le règne animal, le règne végétal, et même la vie sous ses formes les plus élémentaires, n’existaient pas sur le globe. N’y a-t-il donc aucune difficulté ? Il y en a une dont je dirai quelques mots. C’est que l’homme a la plus grande peine possible à atteindre à quelque chose de plus qu’une cause première. Comment pourrait-il dire quelle est la nature de la cause première ? Le même principe qui le conduit à sentir qu’elle doit exister, l’empêche de la comprendre. Il n’est pas difficile d’en voir la raison. L’homme conclut à une cause première, mais étant lui-même un être produit par une cause, il ne peut jamais, par ses efforts, comprendre une cause qui n’est pas produite par une autre. C’est en dehors et au-dessus de la sphère et de la nature de son être. En cette matière, l’homme sent et voudrait cacher son ignorance, mais avec l’Écriture tout est clair. Toutes choses, dit-elle, ici-bas et au-dessus de nous, doivent l’existence à une cause première. Celui qui les a produites, c’est Dieu qui, par l’acte absolu de Sa volonté souveraine, s’est plu à les créer (v. 1). Puis suit un autre fait (v. 2) — toute la partie terrestre de la création est complètement bouleversée et dans une entière confusion. Je vais montrer que l’Écriture se sert, en d’autres passages, des mêmes termes que dans Genèse 1, 2, et que ce n’est jamais en rapport avec l’état primitif de la chose en question, mais avec un état où il a plu à Dieu de la réduire.

Nous trouvons par exemple les mêmes expressions en Ésaïe 34, 11. En décrivant le jugement qui doit frapper le pays d’Édom, le prophète dit : « Le pélican et le butor l’hériteront, et le hibou et le corbeau y habiteront. Et il étendra sur lui le cordeau de la désolation et les plombs du vide »[10]. Assurément, ce n’est point là une description de l’état primitif du pays des Édomites, mais de celui où le réduit le jugement de Dieu. Cela confirme donc l’interprétation déjà donnée de Genèse 1, 2.

Jérémie 4, 23 renferme les mêmes expressions, et fait évidemment allusion au passage de la Genèse qui nous occupe. Le prophète annonce les jugements qui menacent le pays d’Israël, et dit : « J’ai regardé la terre, et voici, elle était désolation et vide, et vers les cieux, et leur lumière n’était pas. J’ai regardé les montagnes, et voici, elles se remuaient, et toutes les collines branlaient. J’ai regardé, et voici, il n’y avait pas d’homme, et tous les oiseaux des cieux avaient fui ». Ce n’est point là une vision d’un état primitif antérieur, mais de celui, encore à venir, d’un pays sur lequel devait fondre la plus entière désolation. Les termes qui l’expriment sont évidemment tirés du verset 2 du premier chapitre de la Genèse. J’en conclus qu’il y a une analogie dans l’usage que fait l’Esprit de Dieu de Ses propres paroles dans différents cas et que Genèse 1, 2 est la description, non de l’état où Dieu créa la terre, mais de celui auquel il Lui plu subséquemment de la réduire.

On dira peut-être : Cela ne représente-t-il pas Dieu comme un être capricieux, faisant, puis défaisant ce qu’Il a produit ? Loin de nous une telle pensée ! Celui qui a fait les cieux et la terre, peut-Il être autrement qu’infiniment sage ? Or, Sa sagesse se montre précisément dans ces différents cataclysmes qui, à plusieurs reprises, ont bouleversé la terre. Ils eurent lieu en prévision des besoins de l’homme qu’Il devait y placer un jour. Je ne veux ni accepter, ni combattre ce que des hommes de science ont avancé sur le caractère et le nombre de ces convulsions de la croûte terrestre. L’un d’eux affirme que vingt-neuf fois elle fut brisée avant que l’homme apparût sur la terre, et que vingt-neuf fois un nouvel ordre de choses fut reconstruit sur les ruines de l’ancien. Le nombre importe peu ; c’est un point délicat et difficile à établir avec précision. Mais le grand fait général démontré avec autant de certitude qu’aucun des faits incontestables découverts par la géologie, c’est que ces bouleversements ont eu lieu. Pouvons-nous supposer qu’ils furent arbitraires ? Non, évidemment. Il est certain qu’il a plu à Dieu de former des dépôts successifs de terrain, et après chacun — en tout cas, par intervalles — à briser violemment la surface qu’Il avait formée. Et bien loin que ce fût sans un dessein digne de Lui, c’était, comme nous l’avons dit, selon Sa sagesse, s’Il destinait la terre à devenir, après ces vastes ères géologiques, la demeure de l’homme, la sphère de son activité et de sa responsabilité. Comment, sans ces soulèvements puissants, l’homme aurait-il atteint, pour s’en servir, ce qui gît dans les entrailles de la terre, le charbon qui s’y trouve enseveli, les minéraux déposés dans ses profondeurs, la chaux, les marbres et les autres pierres cachées dans son sein ? D’un côté, cette série de convulsions successives était nécessaire pour l’homme une fois placé sur la terre ; d’autre part, elles étaient tout à fait incompatibles avec la présence de l’homme ou d’êtres vivants encore sur la surface du globe. Ces violentes commotions auraient été fatales, comme elles le furent aux divers genres et espèces de créatures vivantes qui existaient à chaque époque où ces cataclysmes eurent lieu. L’histoire nous en est racontée dans les vastes lits d’objets fossiles que l’on rencontre. Alors Dieu posa, non seulement les roches non stratifiées, mais les couches diverses renfermant l’échelle ascendante des êtres organiques, avant que parût la terre adamique.

À tout cela présidait donc un dessein bienfaisant, marqué au coin de la plus parfaite sagesse et de la plus excellente bonté, comme doit l’être tout ce que Dieu fait et dit. Ainsi, bien qu’il Lui ait plu de garder le silence à l’égard de ces époques géologiques, laissant à l’homme de découvrir les faits par ses observations et par l’intelligence dont Il l’a doué, cependant Il a laissé ample place à tous ces faits entre les versets 1 et 2. Il était naturel que l’homme étudiât ce monde au milieu duquel il a été placé, et sur lequel il avait été établi seigneur. On comprend qu’il voulût entrer et qu’il avançât avec intérêt dans la connaissance des conditions du monde placé sous sa domination, car les choses d’ici-bas sont son domaine propre. Il cherche à comprendre, et cela est naturel, le monde « mis dans son cœur » (Eccl. 3, 11), et dont il est un habitant. Il est donc tout à fait certain que les états antérieurs où la terre s’est trouvée, différaient plus ou moins l’un de l’autre, et totalement aussi de celui où elle était quand l’homme y fut placé et mis à l’épreuve en Éden.

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Un autre fait appelle maintenant notre attention. C’est après ce dont nous venons de parler que la division du temps en jours est introduite. Or j’estime que c’est une erreur de voir dans ces jours de longues périodes. Il n’y a pour moi aucune raison de douter que ce fussent simplement des cycles de vingt-quatre heures. Dieu aurait-Il parlé de « soir » et de « matin » s’il se fût agi de longs espaces de temps ? Ce serait une manière étrange de désigner autre chose qu’un jour ordinaire. Qu’il y ait eu de longues périodes de temps, c’est un fait certain, mais elles ne nous sont pas décrites. Elles se sont écoulées avant l’état indiqué au verset 2. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que, dans ces vastes laps de temps, la terre a subi de grands bouleversements. Que ces périodes soient de quarante mille années, ou de quarante millions d’années, peu importe. Il y a toute la place voulue pour les ères géologiques ; l’Écriture ne dit rien qui y soit contraire.

Nier les faits n’est pas de la sagesse chrétienne. Pourquoi rejeter ceux qui attestent, non seulement les états par lesquels la terre a passé, mais aussi ceux des êtres vivants qui s’y trouvaient avant les six jours ? Autrement, comment échapper à la supposition que Dieu se serait plu à former d’immenses quantités de fossiles d’animaux et de plantes n’ayant que l’apparence d’avoir vécu sur la terre ? Pouvons-nous croire cela ? Serait-ce conforme au caractère de vérité de Dieu ? On trouve des restes d’animaux créés évidemment en vue de buts distincts, ayant des caractères tout à fait différents de ceux des animaux qui existent actuellement, et supposant un état de choses correspondant à ces caractères (par exemple, quand la terre était un vaste marais et qu’il y régnait une chaleur intense). Il n’y a aucune raison pour douter de ces faits, et je ne vois pas qu’un chrétien montrât ni sa sagesse, ni sa foi, s’il les niait. J’accorde que, n’étant pas des choses révélées, ils ne sont pas un objet de foi, et qu’il faut les rendre certains et les prouver, si cela est possible. C’est donc une question de connaissance ou d’ignorance. Quant aux choses qui sont de la foi, la science ne peut raisonner correctement à leur égard ; la foi et la science ont leurs domaines respectifs et distincts. Ce qu’ont à faire les hommes de science, c’est de recueillir et de coordonner les faits ; à eux et aux autres ensuite à juger de leurs conclusions. Un homme sage n’a donc rien à dire contre la science elle-même, ni contre des faits avérés. Mais d’un autre côté, nous avons le droit de blâmer l’ardeur et la précipitation avec lesquelles certains hommes choisissent tout ce qu’ils peuvent d’une science qui est encore à l’état d’enfance, pour contredire la Parole de Dieu. Il n’y a là ni sagesse, ni révérence.

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Nous avons donc vu les deux grands faits par lesquels s’ouvre le chapitre ; d’abord, la création primordiale, et secondement, un fait distinct du premier, savoir l’état de chaos où se trouve la terre et cela, d’après l’analogie des Écritures, par un acte de la puissance de Dieu, par un jugement de Sa part, et pour de sages raisons.

Il y a dans le prophète Ésaïe un passage qui, outre ce que j’ai dit précédemment sur ce sujet, contredit formellement l’idée que Dieu ait créé originairement la terre dans cet état. Il n’y est point parlé du ciel, mais de la terre seulement ; nous verrons bientôt l’importance de ce fait. Dans ce passage (És. 45, 18), l’Esprit de Dieu montre clairement que Dieu ne créa point la terre dans un état de confusion, comme le représente la mythologie ancienne. Le prophète parle ainsi : « Ainsi dit l’Éternel qui a créé les cieux, le Dieu qui a formé la terre et qui l’a faite ; celui qui l’a établie, qui ne l’a pas créée (pour être) vide, qui l’a formée pour être habitée ». Le passage a beaucoup plus de force quand on le rapproche de Genèse 1, 2, car Ésaïe emploie un des termes dont Moïse se sert, et déclare que l’Éternel n’a pas créé la terre ainsi (c’est-à-dire vide). Quelle conclusion tirerons-nous de là, sinon que Moïse a décrit un état postérieur, et non celui où était la terre « au commencement » quand Dieu la créa ? L’interprétation traditionnelle mettrait le prophète en contradiction avec le législateur.

La précision des termes dont l’Esprit de Dieu se sert en traitant ce sujet, est bien digne de remarque. L’hébreu est comparativement une langue pauvre ; il n’abonde pas en synonymes, comme telle ou telle langue moderne ; mais pour exprimer la vérité qui nous occupe et qui devait être apportée à l’homme par révélation, cette langue dont l’Esprit Saint s’est d’abord servi a des matériaux qui, pour la précision, n’ont rien qui puisse leur être comparé dans les autres langages. Considérez avec quelle force et quelle convenance sont employés dans l’Écriture les mots que nous traduisons par créer, faire, former, ou façonner.

Pour mettre cela en lumière, examinons le passage qui se trouve en Exode 20, 11. « Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, et la terre, la mer, et tout ce qui est en eux, et il s’est reposé le septième jour ». Plusieurs personnes, sans doute, ont envisagé ces paroles comme confirmant la notion vulgaire que la terre fut créée en six jours, et les ont confondues avec celles qui commencent la Genèse. Elles présentent cependant une différence sensible. Si l’Écriture disait que l’Éternel a créé les cieux et la terre en six jours, la pensée de ces personnes aurait un fondement raisonnable, mais elle ne dit cela nulle part. Nous lisons dans la Genèse, qu’au commencement Dieu créa les cieux et la terre ; mais lorsqu’on en vient à l’œuvre des six jours, il est dit que l’Éternel fit les cieux et la terre. « Créer » se rapporte à la cause efficiente[11] ; « faire » à la cause formelle[12], et il y a un autre mot qui introduit l’idée de matière.

Il est donc évident que l’hébreu, pauvre comme il l’est sous plusieurs rapports, est très précis dans ce cas particulier. La raison en est claire : c’est qu’il avait plu à Dieu de révéler Sa pensée à l’égard de la création en employant cette langue. La langue grecque elle-même, si belle et si expressive à tant d’égards, est loin d’égaler l’excellence admirable de la langue hébraïque pour exprimer l’acte propre et absolu de Dieu, appelant les choses à l’existence. C’est là l’essence du mot « créer », qui, par conséquent, est invariablement attribué à Dieu seul. Jamais ce mot n’est dit d’une créature, à moins que ce ne soit dans un sens figuré ou par accommodation. Il ne peut être appliqué à l’acte d’une créature. Cependant ce mot ne signifie pas toujours tirer une chose du néant ; ainsi il est appliqué à l’œuvre du cinquième jour où la vie animale est produite pour la première fois dans le monde adamique (v. 21). Il l’est d’une manière plus expresse encore, quand Dieu donna l’être au chef de la création terrestre (v. 27). Sans aller plus loin, ce chapitre de la Genèse nous apprend donc que le mot « créer » est exclusivement propre à exprimer l’acte de Dieu produisant l’être là où il n’y avait rien auparavant, mais, en même temps, qu’il peut aussi signifier l’acte de la volonté divine s’exerçant sur des matériaux déjà existants pour les façonner à son gré. Mais il faut bien se rappeler que si l’Esprit de Dieu veut exprimer la création dans sa pleine acception, c’est-à-dire le fait de tirer du néant, c’est ce mot et nul autre qui est employé.

Ainsi, lorsque l’Esprit de Dieu ne veut pas placer devant nous l’origine première de l’univers, mais l’arrangement de la terre pour qu’elle devienne la demeure de l’homme, Il déclare clairement que Jéhovah, le Dieu d’Israël, a fait toutes choses en six jours, selon ce que nous lisons dans le quatrième commandement de la loi, qui envisage toute la scène de la création, non telle qu’elle était dans son état primitif, mais comme nous la voyons actuellement. Après avoir dit que l’Esprit de Dieu planait sur la face des eaux, l’Écriture décrit l’œuvre qui, en six jours, a préparé la terre pour être l’habitation de l’homme formé de la main de Dieu. Retraçons brièvement le cours de ces six jours.

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« Et Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut ». Un célèbre critique de l’antiquité citait cette phrase comme un bel exemple du sublime. Il faut y voir bien davantage. La plupart de mes lecteurs n’ignorent pas que plusieurs théories ont été émises sur la nature de la lumière. Les uns pensent que les corps dits lumineux envoient dans toutes les directions des corpuscules qui, venant frapper la rétine, y produisent l’impression lumineuse. C’est le système de l’émission soutenu par Newton. D’autres, et leur hypothèse est maintenant généralement adoptée comme répondant à l’ensemble des phénomènes observés, estiment que les impressions lumineuses sont produites par les ondulations d’un fluide impondérable, impalpable et très élastique, répandu partout, et auquel on donne le nom d’éther. Les corps lumineux, selon cette théorie, auraient la faculté de produire ces vibrations de l’éther qui affectent la rétine, de même que les vibrations de l’air affectent le nerf auditif et donnent l’impression des sons. Il y a, comme on le voit, une différence considérable entre ces deux théories, mais il est à remarquer que la manière dont l’Écriture introduit l’action de la lumière est en harmonie avec la dernière. Les expressions dont la Bible se sert écartent tout à fait l’idée de faire de la lumière une entité. Elle n’est pas présentée comme une chose matérielle qui aurait été créée, mais la Parole en parle de manière à exprimer une force, quel qu’en soit le siège, ce qui serait d’accord avec l’hypothèse qu’elle est produite par les vibrations de l’éther. Le fait est d’autant plus remarquable qu’évidemment cette théorie était ignorée au temps de Moïse. Je sais que volontiers les savants jettent un regard dédaigneux sur les fils d’Israël, qu’aux yeux des Tacite et des Gibbon, ils étaient le rebut de l’humanité, et que les poètes leur prodiguent le mépris. Comment donc expliquer le fait extraordinaire que nombre de philosophes ont existé avant et après ces poètes et ces historiens anciens et modernes, et que le seul récit de la création qui réellement survive, se trouve dans les paroles simples mais sublimes de Moïse, l’Hébreu ? Plusieurs d’entre eux, sinon tous, ont écrit sur l’univers, mais qui, sur ce sujet, citera maintenant même un Ptolémée ? Ici, dans l’Écriture, Parole de Dieu, brille jour après jour, comme elle a toujours brillé, la même déclaration grandiose dans sa brièveté : « Que la lumière soit. Et la lumière fut ». Plus on rabaissera les Hébreux, plus, sans le vouloir, on exaltera en réalité le Dieu qui s’est servi d’eux comme d’instruments pour communiquer ce que personne ne connaissait et n’eût pu connaître. Où trouver un autre document de ce genre qui, à travers les siècles, ait pu se maintenir comme le premier chapitre de la Genèse ? Quelle est, jusqu’à ce jour, la théorie de la terre qui présente une description aussi nette, aussi compréhensible, et aussi exacte de la création ? Et cela est d’autant plus admirable que ce récit est donné dans un livre qui s’adresse à tous, aux enfants et aux femmes, aussi bien qu’aux hommes, un livre destiné de Dieu à jeter la lumière dans un monde enveloppé de ténèbres morales, un livre susceptible d’être compris dès le premier jour où il fut écrit, mais, en même temps, écrit de telle sorte que, jusqu’au dernier jour, il ne se trouvera rien qui jamais le contredira. J’affirme que telle est la Bible. Je n’ai pas encore pu trouver que quelque chose de vraiment fondé et soutenant l’examen, ait été jamais avancé qui réellement la contredise et la convainque d’erreur. Ce n’est certes pas faute de volonté, d’efforts, ni de science, de la part des hommes. Je n’ignore pas ce que l’on a écrit contre la Bible dans les temps anciens et modernes ; je l’ai lu et examiné. Mais je n’ai jamais rencontré — et je défie qui que ce soit de me montrer — un récit de la création présentant un aussi admirable ensemble. Ce sont des faits qui ne sont pas au-delà de ce que les hommes des anciens temps pouvaient comprendre et dont ils pouvaient tirer profit, et, cependant, ce récit, non seulement survit à tous les changements qui se sont opérés dans les pensées de l’humanité, mais il tire, des progrès mêmes de la science, une nouvelle preuve de sa vérité.

Qu’un homme vivant dans une antiquité aussi lointaine que Moïse, ait écrit ces quelques mots qui portent le cachet du sublime, et qui, en même temps, sont d’une exactitude qui surpasse celle de Newton, me semble d’autant plus frappant que le récit où ils se trouvent appartient à l’histoire reculée d’un petit peuple vivant dans un coin obscur de la terre. Il ne sert de rien de dire que Moïse était versé dans la sagesse et la science des Égyptiens. Leur science, en un tel sujet, n’aurait fait que l’égarer. On ne saurait produire, ni par leur hiéroglyphes, ni par aucun autre document, un seul témoignage montrant qu’ils comprenaient le cours de la création de la même manière que Moïse. Il peut y avoir dans leurs conceptions relatives à la formation de l’univers quelques points communs avec la relation de l’écrivain hébreu, de même que l’on en trouve dans les cosmogonies d’autres peuples. Ce sont des restes de traditions courantes plus ou moins généralement admises ; mais les points saillants et particuliers du récit de Moïse ont-ils jamais été reçus par les philosophes de la Grèce, de Rome ou de l’Égypte ? Les Égyptiens tenaient la matière pour éternelle ; ils croyaient qu’uns nuit primordiale avait existé, et que leurs dieux tiraient leur origine de la terre ou des cieux. Ce n’est pas là le Dieu qui, au commencement, a créé toutes choses.

Se railler de Moïse et de ses récits, comme le fait l’incrédulité, n’a donc point sa raison d’être. Moïse ne doit pas non plus être envisagé comme un génie qui, par la profondeur de son intelligence, a pénétré les secrets de la nature, car ils ne se laissent point ravir ainsi. Le génie peut se déployer dans la poésie ; il peut orner de fleurs et de fruits des faits en apparence nus et arides. Mais il est impossible pour l’esprit de concevoir et d’établir calmement les faits de la création, sans s’exposer aux attaques couronnées de succès d’un monde hostile. Mais il y a quelqu’un qui est au-dessus de tous les génies, de tous les savants, de tous les hommes de science, c’est Celui qui écrivit par la plume de Son serviteur Moïse.

Une autre particularité est à remarquer. Pourquoi la production de la lumière est-elle placée au début de l’œuvre des six jours ? Il ne sert de rien de dire que les choses sont rapportées selon l’ordre des phénomènes. Il n’est pas naturel d’avoir parlé de la lumière en premier lieu, à moins que ce ne fût réellement ainsi que la chose a eu lieu et que ce ne soit la simple vérité. Il est certain que, si Moïse avait écrit d’après ses propres observations, il aurait mis ce fait ailleurs. Cela me conduit à dire un mot d’une philosophie vantée de nos jours, mais qui, en réalité, n’est propre qu’à rabaisser l’esprit. On ne veut recevoir que ce qui est établi par l’expérience. Ce principe que Hume, dans son scepticisme, mettait en avant, est devenu l’empirisme à la mode aujourd’hui. C’est le positivisme, comme on l’appelle. Nul système plus dégradant n’a paru dans le monde, nul qui abaisse autant les pensées, nul plus propre à corrompre entièrement les cœurs. Tel fut le résultat amené par les positivistes du temps du paganisme ; et ce système ne manquera pas d’avoir de nos jours une influence plus mortelle encore.

Quelque jugement que l’on porte sur ce que je viens de dire, nous avons ici un fait qui sort entièrement du domaine de l’expérience. Et si c’est une vérité, comment a-t-elle été apprise ? Quel est l’homme qui, ne tirant ses pensées que du monde visible, aurait parlé de l’existence de la lumière avant la formation du soleil, de la lune et des étoiles ? Pourquoi donc Moïse a-t-il introduit, dans son récit de la création, un fait qui ne découlait en rien de l’observation, et qui soulevait plutôt une difficulté ? À première vue, cela semble étrange, mais si c’est une vérité, on pourra aisément en rendre compte. Je ne nie point que la lumière ait existé dans les précédents états du monde. On aurait donc tort d’objecter à l’Écriture qu’il y a eu, avant l’homme, des animaux qui avaient des yeux et que, par conséquent, il y avait de la lumière. C’est un fait que les trilobites, que l’on trouve dans les formations de l’époque silurienne, peu après les premières traces de la vie animale, sont remarquables par la perfection de leurs organes visuels. Les faits sont là, et je ne voudrais en rien les affaiblir. Mais j’affirme qu’ils ne sont nullement en désaccord avec le récit de Moïse. Il me paraît évident que l’état chaotique, décrit au verset 2, peut avoir amené des conditions totalement différentes de celles qui existaient auparavant, et avoir arrêté les vibrations nécessaires pour la production de la lumière. Mais après cet état de complète confusion, la parole divine prononce : « Que la lumière soit », et son action se manifeste. S’il y avait des animaux avant ceux qui peuplèrent la terre adamique, il y avait aussi de la lumière ; mais ce qui est dit dans l’œuvre des six jours se rapporte à la terre telle qu’elle a été façonnée pour l’homme.

Je ferai encore remarquer qu’il peut y avoir eu une certaine analogie partielle entre les grandes périodes géologiques et les six jours de la Genèse. On sait que des savants, tels que Hugh Miller, ont voulu les identifier. Sans vouloir rabaisser leur mérite, j’estime qu’ils se trompent ; je ne nie point cependant que ces périodes aient existé et offrent quelque ressemblance avec les six jours. Ne pouvons-nous pas supposer que, durant les siècles innombrables qui ont précédé l’apparition de l’homme, Dieu, par différents actes successifs de Sa puissance, a graduellement édifié ce globe, et qu’après la dernière grande catastrophe avant l’homme, les six jours ont reproduit cette œuvre sur une échelle moindre et plus circonscrite, afin de préparer une habitation pour la race humaine ?

Une classe de philosophes, comparativement nouvelle, plus audacieuse dans ses spéculations que les païens d’autrefois[13], veut que tout soit sorti d’une nébuleuse ; que de là, par voie de développement, toutes choses se soient produites. Mais d’où proviennent cette nébuleuse, et les forces qui agirent pour produire ce développement ? C’est ce qu’ils ne disent pas. Tout ce dont ils semblent certains, c’est qu’ils ne doivent pas leur origine à Dieu, mais à une nébuleuse. J’espère montrer que ce système du développement ou de l’évolution est aussi faux que les faits de la science sont vrais, que la Parole de Dieu éclaircit tout, et qu’elle est d’accord avec les observations les plus sûres et les plus complètes de la science, aussi bien qu’avec la conscience. Car bien qu’on ne l’aperçoive pas à première vue, la conscience a un grand rôle dans ces sujets. À travers ces spéculations sans fin, perce la volonté de se débarrasser de Dieu et, par conséquent, de la création. Aussi ces hommes ignorent-ils volontairement ce qui ne convient pas à leur dessein.

Dieu Lui-même nous montre, soit dans la sphère des êtres supérieurs, soit dans celle des êtres inférieurs, la fausseté de la théorie de l’évolution. Comme fait général, il est évident que l’on voit une échelle ascendante dans les êtres animés ; mais du moment qu’on veut en faire une loi absolue et exclusive, on contredit les faits. Je rejette la supposition qui veut qu’un être inférieur, par des degrés successifs, se transforme et devienne un être supérieur. Je le nie d’abord par le fait que Dieu a créé les anges avant l’homme. Qu’ils occupent un rang plus élevé que ce dernier, personne ne le contestera, et qu’ils furent formés avant lui, nous le savons avec certitude, car lorsque les fondements de la terre furent posés, « les étoiles du matin chantaient ensemble, et tous les fils de Dieu éclataient de joie ». Dieu nous a donc mis en garde contre un semblable système.

Pour le dire en passant, nous voyons là les voies remarquables de Dieu dans la Bible. Elle n’est pas comme un livre de géométrie où une proposition se déduit d’une proposition précédente, et où toutes ensemble forment une chaîne dont les anneaux se relient les uns aux autres. La Bible est un tout, c’est ainsi qu’on doit la lire et relire. L’une des grandes raisons pour lesquelles on en a souvent si peu l’intelligence, c’est que l’on a une telle préférence pour certains passages que l’on néglige la majeure partie des saints écrits. Dieu, sans doute, peut bénir pour une âme la lecture de la portion la plus restreinte de Sa Parole, mais le chrétien qui la lira comme un tout, qui ne négligera aucune de ses parties, sera certainement abondamment récompensé de la peine qu’il aura prise, et ce sera pour lui le plus sûr préservatif contre l’incrédulité. Combien y a-t-il de personnes non croyantes qui l’aient lue ainsi ? Et parmi ceux qui la défendent, y en a-t-il un grand nombre ? C’est une chose bien rare de rencontrer des personnes qui aient lu toute la Bible dans un esprit de foi. On la lit souvent par devoir pour accomplir une tâche religieuse ; peut-on espérer de cette manière entrer vraiment dans son contenu et en jouir ? D’autres s’astreignent à la lire tout entière dans un temps déterminé ; c’est bien, mais, s’il n’y a pas davantage, c’est encore loin de ce sur quoi j’insiste. Cherchez à comprendre la Bible ; mais pour cela il n’y a qu’un seul chemin, c’est celui de la foi. Nous ne croyons pas par l’intelligence ; mais par la foi nous comprenons et nous scellons en même temps que Dieu est vrai.

Je reviens à la fatale théorie de l’évolution. Pour la combattre, je prends un fait indéniable, c’est la supériorité d’organisation que montrent les restes fossiles des animaux de l’ordre des sauriens, lorsqu’on les compare avec ceux du même ordre qui existent aujourd’hui. Pour répondre à la théorie, c’est le contraire qui devrait avoir lieu ; or un seul fait de ce genre, positif et bien défini, suffit pour la renverser ; et il y en a d’autres. Sans prétendre à une connaissance approfondie du sujet, je sais au moins cela, sur l’autorité même des savants, ou plutôt sur celle de faits qui ne peuvent être contestés. Les faits ont une signification et une valeur, nous ne le nions pas ; mais les hypothèses construites sur ces faits ne doivent pas être acceptées à la légère.

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Je passe maintenant aux autres jours de la création. « Et Dieu dit : Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. Et Dieu fit l’étendue, et sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et il fut ainsi. Et Dieu appela l’étendue Cieux ». Une nouvelle difficulté semble surgir ici. Au premier verset, il est parlé de la création des cieux, et nous en retrouvons la mention dans ce passage ; y aurait-il donc une contradiction ? Nullement ; seulement ce ne sont pas les mêmes cieux. L’atmosphère qui nous enveloppe et qui s’étend au-dessus de nous, était essentielle à la vie végétale et animale, à l’existence de l’homme ici-bas, de même qu’à l’activité propre de la chaleur et de la lumière nécessaires aussi à la vie. Et c’est là cette étendue que Dieu fit le second jour et qu’il nomma cieux. Nous avons donc ici la formation du ciel inférieur. Ne croyons pas que cette notion de plusieurs cieux soit une conception judaïque. Elle vient de Dieu et se trouve confirmée par le Nouveau Testament, où nous lisons qu’un homme en Christ, l’apôtre Paul, fut ravi jusqu’au troisième ciel. Dieu, au second jour, fit donc le ciel inférieur, l’étendue, le ciel atmosphérique nécessaire à l’existence de l’homme et de tous les êtres animés. Au commencement, Il avait créé « les cieux », le second ciel, celui des astres, étoiles et planètes ; mais, outre cela, il y a le troisième ciel, celui où Il manifeste Sa présence glorieuse.

Le troisième jour, à la voix puissante de Dieu, les eaux au-dessous des cieux furent rassemblées en un même lieu, et la terre ferme apparut. « Et Dieu appela le sec, Terre, et le rassemblement des eaux, il l’appela Mers ». Puis, à la même voix de Dieu, de la terre sortirent l’herbe, les plantes et les arbres, parure gracieuse de la terre, abondante en biens. Dieu dit : « Que la terre produise l’herbe, la plante portant de la semence, l’arbre fruitier produisant du fruit selon son espèce ». La science moderne, au moins quelques-uns de ses représentants, nie les genres et les espèces. La théorie de l’évolution, en effet, en est la négation. Cette théorie de Lamarck, dont un célèbre savant anglais est l’organe, les met de côté. Y gagne-t-on beaucoup ? Je ne vois pas qu’effacer la distinction des espèces dans le règne végétal soit un grand progrès dans la science. C’est enlever les délimitations que non seulement la science avait établies, mais qui datent du temps où Dieu accomplissait Son œuvre. Lui-même l’a écrit dans Son Livre : « Selon son espèce », a-t-Il dit, et c’est un des grands faits du règne végétal, que connaît le plus simple jardinier. Depuis que l’homme a commencé à observer les faits, quand a-t-on vu un pommier produire des poires, ou un poirier donner des pommes ?

Le quatrième jour voit paraître dans le ciel les luminaires qui éclairent la terre. Remarquez ici la convenance et la propriété du langage. Il n’est pas dit que Dieu les créa, mais simplement : « Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des cieux ». Ce n’est pas la lumière, mais des luminaires, ou porte-lumière. « Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des cieux pour séparer le jour d’avec la nuit, et qu’ils soient pour signes et pour saisons déterminées, et pour jours et pour années ; et qu’ils soient pour luminaires dans l’étendue des cieux pour donner de la lumière sur la terre. Et Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer sur le jour, et le petit luminaire pour dominer sur la nuit ; et les étoiles ». S’il est fait mention de ces dernières, c’est parce que l’antiquité, comme on le sait, adorait les astres. Il était donc important de faire remarquer que même les étoiles faisaient partie de la création de Dieu. Les philosophes anciens n’échappaient pas à ces aberrations. Platon lui-même était assez imbu des idées orientales pour accepter la fiction grossière que la terre était une sorte d’animal vivant. Au fond, c’était le panthéisme, tandis que, d’un autre côté, la philosophie d’Aristote, qui n’était qu’une sorte d’empirisme, conduisait à l’athéisme. Bien que différentes en apparence, ces deux doctrines, panthéisme et athéisme, sont proches parentes. L’une et l’autre sont la négation de Dieu.

Dieu coupe à la racine ces illusions de l’esprit humain. Il réduit aussi à néant les objections de ceux qui, de nos jours, sans réfléchir, ont prétendu que le récit de Moïse place au quatrième jour la création des étoiles, et affirment que, d’après cela, la lumière de la plus grande partie de ces astres n’aurait pu encore être arrivée jusqu’à nous. Cette objection est sans fondement. « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre », est-il dit. Reculez ce commencement aussi loin que vous voudrez, à des millions d’années, et, quel que soit l’espace à parcourir, la lumière des étoiles, créées alors, aura pu parvenir à la terre. Si Moïse avait dit que les astres furent créés le quatrième jour, il y aurait contradiction avec les faits, mais, de la manière dont il a parlé, non seulement il n’y a aucune contradiction, mais la Bible se montre plus sage que ses amis et ses ennemis. Comparez les écrits de Moïse avec ceux de n’importe quel philosophe de l’antiquité. Il n’est aucun de ces derniers qui ne contredise les faits positifs de la science de nos jours. D’où vient que l’auteur hébreu a échappé à cet écueil ? Comment a-t-il été gardé d’introduire au quatrième jour la création des luminaires, comme plusieurs théologiens se sont trop hâtés de l’affirmer[14] ? On voudrait, à toute force, mettre les Écritures en opposition avec la science ; si l’on pesait bien les expressions dont elle se sert, on verrait qu’elles ne sont pas en défaut. Si Aristote ou Platon eussent écrit comme Moïse, on n’aurait pas assez de louanges pour l’exactitude et la précision de leur langage. Mais l’Écriture n’a pas besoin d’apologie. Que ceux qui l’attaquent aient seulement le soin de la lire, de la bien lire surtout, et leurs objections tomberont.

Il y a donc une réponse à ceux qui objectent l’énorme longueur de temps nécessaire pour la transmission à nos yeux de la lumière des corps célestes. Lorsque Dieu créa les cieux, les créa-t-Il vides ? N’a-t-Il pas créé en même temps l’armée des cieux ? À un moment quelconque, Il fit sortir du néant le soleil, la lune et les étoiles ; notre chapitre le dit. L’époque précise de leur création n’est pas indiquée, mais celle où ils furent établis pour l’usage de l’homme sur la terre. À quoi avaient-ils servi auparavant, Dieu ne le dit pas ; mais Il nous les montre comme étant l’œuvre de Ses mains, des créatures faites pour servir à Ses desseins, et non des objets de culte, comme dans le paganisme. Telle est la sagesse de Dieu, et aussi Sa bonté.

Le cinquième jour, Dieu dit : « Que les eaux foisonnent d’un fourmillement d’êtres vivants, et que les oiseaux volent au-dessus de la terre devant l’étendue des cieux ». Certains critiques ont encore cru découvrir ici matière à objection, comme si, d’après ce passage, les oiseaux eussent été tirés des eaux, tandis que le chapitre 2, verset 19, dit expressément qu’ils furent formés de la terre. Mais notre verset ne dit rien de semblable. Les poissons et les oiseaux furent faits le même jour ; les uns ayant pour milieu les eaux, et les autres l’atmosphère. Tel est le sens des paroles de Moïse.

Au sixième jour, furent produits les animaux terrestres, et enfin l’homme fait à l’image de Dieu, selon Sa ressemblance, et destiné à dominer sur la création inférieure. « Et Dieu les bénit ». Mais remarquez la différence profonde entre la création des animaux et celle de l’homme. C’est de celui-ci seulement que Dieu dit : « Faisons l’homme ». Elle est grande la portée de cette parole, qui nous montre Dieu tenant conseil, pour ainsi dire, pour la création de cet être privilégié. Il y a loin entre le physiologiste qui veut faire du singe l’ancêtre de l’homme, et la Bible qui révèle Dieu créant l’homme à Son image. Qu’est-ce qui est le plus noble ? Qu’est-ce qui est le plus dégradant ? D’aucune autre créature n’est dite cette parole : « Faisons », et cela n’est pas même dit de la lumière. Tous les autres êtres, Dieu les forma, mais sans faire précéder leur création de cette parole que nous entendons pour la première, pour l’unique fois : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance ». Rien n’est plus loin de l’idée d’évolution, tout à fait étrangère à l’Écriture. Dieu a gravé sur le monde de la nature, d’une manière formelle et évidente, l’existence des espèces. L’homme, avec son esprit ingénieux, peut s’efforcer de croiser des espèces d’animaux placés sous sa domination, mais le résultat obtenu est toujours stérile ; témoignage permanent contre l’immixtion de l’homme dans l’ordre établi de Dieu ; témoignage aussi que Dieu veut que la création continue selon cet ordre.

Nous venons donc de voir, dans le chapitre premier de la Genèse, le cours général de la création, placé succinctement, mais clairement, devant nos yeux.

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Avant de terminer, je ferai quelques remarques sur le second chapitre de la Genèse.

L’établissement du jour du sabbat est placé au commencement de ce chapitre, mais les trois premiers versets appartiennent en réalité au premier, comme faisant partie de la description du grand œuvre de Dieu, de son achèvement et du repos du Créateur. Il y a, entre ces deux chapitres, une connexion d’une grande beauté, et qui répond à une objection soulevée de nos jours. Il ne sera pas hors de propos d’en dire quelques mots. De savants théologiens, surtout en Allemagne, ont affirmé hautement que le premier livre de Moïse n’est qu’une compilation tirée des écrits de différents auteurs. Si ce qu’ils disent était vrai, Moïse devait être un esprit bien faible et bien inconséquent pour avoir voulu fondre en un au moins deux récits différents, sans s’apercevoir de ce qui est si clair aux yeux de nos savants, c’est-à-dire que l’un des récits contredit l’autre. Je ne puis regarder ce qu’ils avancent simplement comme une opinion qui n’aurait pas plus d’importance que telle autre que nous pourrions avoir sur quelque sujet. Pour moi, c’est un péché de considérer comme ouvert au doute ce qui repose sur l’évident témoignage de Dieu. S’il s’agit de notre jugement sur tel ou tel fait, ou de la valeur qu’individuellement nous attachons à ce témoignage de la personne qui l’avance, ou de nos vues en comparant les circonstances qui l’accompagnent, l’idée que nous nous formons est une opinion. Mais quelle peut en être la valeur ? Nous en sommes nous-mêmes la mesure. Elle dépend de notre capacité personnelle, ou de notre expérience générale. Mais quand nous en venons à la Parole de Dieu, nous sortons de la région des opinions humaines. Ce qui la distingue de tout autre écrit, c’est qu’en elle Dieu parle, et toute âme est tenue d’écouter. Pour ma part, je suis convaincu que Dieu a écrit Sa Parole d’une manière intelligible. Je ne veux point dire par là que tout ce qu’elle renferme soit à la mesure de l’homme, mais qu’elle est tout entière écrite pour lui, à la gloire de Dieu, et dans Sa souveraine sagesse. Ce qu’il a plu à Dieu d’écrire dans le langage le plus clair possible, peut contenir des profondeurs que nous ne pouvons sonder. Elle n’en est pas moins compréhensible et telle que nous puissions en jouir selon la mesure de notre foi.

Je suis persuadé que ces écrivains, tout érudits qu’ils sont, n’ont jamais été plus loin que la surface de cette merveilleuse introduction de la Genèse. Ils prétendent que l’auteur du premier chapitre de la Genèse ne connaissait qu’Élohim. Par conséquent, pour eux, ce chapitre vient d’un document élohistique, comme ils disent. Les chapitres 2 et 3 renferment le nom de Jéhovah Élohim ; ils les regardent comme un document jéhovistique, ou un mélange des deux, élohistique-jéhovistique. Mais bien qu’en effet, le nom seul d’Élohim ou Dieu soit employé dans le chapitre premier et les trois premiers versets du second, et ensuite le nom de Jéhovah Élohim, ou l’Éternel Dieu, jusqu’à la fin du troisième, on en inférerait sans raison qu’il y a eu deux écrivains différents, en désaccord entre eux. C’est une supposition gratuite. Il y a eu un seul écrivain, et je vais essayer de montrer que l’emploi de ces deux noms appliqués à l’Être suprême fait, au contraire, ressortir la perfection du récit inspiré.

Quand Dieu se présente Lui-même, en contraste avec l’homme ou la créature, comme Celui de qui toutes choses tiennent leur être, le mot qui le désigne invariablement dans toute l’Écriture, est Élohim (Dieu). Si donc Moïse ne s’était pas servi de ce terme dans le premier chapitre de la Genèse, il aurait manqué à l’exactitude que la pensée requiert ; ce serait la preuve de sa non-inspiration. D’un autre côté, Celui qui existe par Lui-même et qui a produit toutes choses, le Tout-puissant qui appelle à l’être ce qui n’existait pas, Dieu, s’est plu à entrer en relation avec l’homme, et, de fait, avec la création. Or le terme spécial dont se sert l’Ancien Testament pour nommer l’Être infini en relation avec Sa créature, est toujours Jéhovah.

Outre cela, il y avait quelque chose de particulier dans la manière dont il plut à Dieu d’entrer en relation avec l’homme, avant que le péché et la ruine fussent survenus. C’est pourquoi, dans les chapitres 2 et 3, le terme qui désigne Dieu n’est ni Élohim seul, ni Jéhovah seul, mais Jéhovah Élohim. La vraie clef pour expliquer l’usage de ces différents noms appliqués à Dieu, n’est donc pas la supposition qu’il y a deux ou trois documents émanés de différents auteurs, et dont se serait servi un compilateur inintelligent, qui n’aurait pas même vu leur désaccord. Moïse avait, pour le guider en ce qu’il écrivit, une sagesse infiniment supérieure à celle de l’homme et à toute la science de l’Égypte. Nul autre que Dieu n’a pu l’avoir ainsi enseigné. Avec tous les avantages résultant de faits observés de toutes parts, avec le privilège incomparablement grand d’une révélation plus complète, nous n’apprenons que mieux, de nos jours, à apprécier la valeur de ce que Moïse écrivit dans ces temps reculés. Cela n’est pas dû à l’éminence de son génie, mais au seul vrai Dieu qui l’inspira, ainsi que tous les autres écrivains de la Bible.

Tout le second chapitre nous parle donc de l’établissement des diverses relations de l’homme avec Dieu, avec les autres êtres animés, et enfin avec la femme que l’Éternel Dieu forma, et les expressions employées sont d’accord avec le sujet. « Ce sont ici les générations des cieux et de la terre lorsqu’ils furent créés, au jour que l’Éternel Dieu fit la terre et les cieux ». Remarquons que nous trouvons ici créer et faire, et cela est précis et exact, car la création a le premier rang, faire vient ensuite. « Dieu fit la terre et les cieux, et tout arbuste des champs avant qu’il fût sur la terre, et toute herbe des champs avant qu’elle crût ; car l’Éternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour travailler le sol ; mais une vapeur montait de la terre et arrosait toute la surface du sol. Et l’Éternel Dieu forma l’homme, poussière du sol, et souffla dans ses narines une respiration de vie ».

Pourquoi ce que je viens de citer se trouve-t-il ici plutôt que dans le premier chapitre, où il est dit que Dieu (Élohim) forma l’homme à Son image ? Ce n’est pas parce qu’un autre écrivain remplace le premier, mais parce qu’il s’agit d’un autre sujet et d’une autre ligne de vérité. Le but, dans le second chapitre, n’est pas de montrer l’homme comme créature, bien que placé à la tête de la création ; c’est l’objet du chapitre précédent, où le domaine de l’homme est fixé par Dieu, et signalé par l’écrivain sacré. Le second chapitre ne fait pas voir simplement que Dieu a fait l’homme de la poussière du sol, comme les autres animaux (ce qui lui rappelle la bassesse de son origine) ; mais que l’homme, à l’exclusion de tout autre animal, a ce qui lui vient directement de Dieu — la respiration de vie.

C’est dans les narines de l’homme seul que Jéhovah Élohim souffla la respiration de vie. Nous n’avons aucune raison de penser que les anges jouissent de ce privilège. L’homme fait de la poussière du sol ne fut pas, à proprement parler, en relation avec Dieu, jusqu’à ce que la respiration de vie eût été soufflée dans ses narines. C’est de là que dépend l’immortalité de l’âme[15], et tous ceux qui contestent cette vérité ou qui en doutent, perdent de vue le fait si important que rapporte notre passage — « l’Éternel Dieu souffla dans ses narines une respiration de vie »[16]. Ils ne sont pas les seuls. Ceux qui ont lu les œuvres de B.J. Butler savent que l’éminent moraliste ne peut résoudre la difficulté qu’il trouve à ce que l’homme ressuscite à l’exclusion des autres animaux. En voici la raison : « L’Éternel Dieu souffla dans les narines de l’homme une respiration de vie, et ainsi il devint une âme vivante ». Tout autre animal est un « être vivant » matériellement et sans cette respiration de vie. Ils meurent et c’est fini pour eux. L’homme seul, d’entre tout ce qui existe sur la terre, est en relation immédiate avec Dieu, par cette respiration de vie, et ne peut périr. Il peut pécher contre Lui, et par conséquent, être perdu sans retour. Le fait même qu’il a la respiration de vie dans ses narines sera le fondement de sa misère, résultat de son éternelle exclusion de la présence de Dieu. Mais ce même fait constitue sa capacité pour jouir de la vraie félicité en croyant à la vérité, et en étant ainsi amené en la présence de Dieu. Sa misère, quand il sera pour toujours dans l’obscurité des ténèbres, viendra de ce qu’il aura rejeté Christ.

Le nom Élohim est donc employé quand il s’agit simplement de la créature, et l’auteur sacré se sert de l’expression Jéhovah Élohim quand il parle de la relation morale de l’homme avec Dieu ; car, je le répète, Jéhovah est un nom caractéristique de relation dans l’Ancien Testament, de même que celui de Père dans le Nouveau. En effet, dans cette seconde partie des Saintes Écritures, nous ne voyons pas seulement un Dieu qui a un peuple sur la terre, mais un Père qui a une famille. Son Fils, en devenant un homme pour mourir et ressusciter, a rendu possible à Dieu, par la grâce rédemptrice, de nous donner auprès de Lui, la place d’enfants et de fils. Ainsi le terme propre de notre relation avec Dieu est celui d’enfants ; celui de Sa relation avec nous est le nom de Père ; tandis que, dans l’Ancien Testament, c’est Jéhovah — Dieu en relation avec l’homme, et plus spécialement avec Son peuple, Israël.

Dans tout ce chapitre, l’idée de relation est dominante. D’abord, nous avons la relation de l’homme avec Dieu, lorsqu’il est placé dans le jardin d’Éden qu’il doit cultiver et garder. Ensuite, il est mis moralement à l’épreuve ; il lui est interdit de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. On ne pouvait pas avoir cela dans le premier chapitre qui, à l’inverse du second, n’entre en rien dans les relations morales. Ici, nous sommes en présence de cette grande et solennelle vérité que Dieu est Jéhovah Élohim ; qu’Il n’est pas seulement le Créateur, mais qu’Il place l’homme en relation avec Lui-même ; qu’Il n’est pas seulement l’Être absolu, mais que Lui, qui est l’Absolu, se plaît à établir une relation entre la créature et Lui.

Ensuite, et dans ce seul passage, nous voyons les animaux amenés devant Adam, afin qu’il leur donne leurs noms. Ainsi est manifestée sa relation avec les êtres qui lui sont inférieurs et qui sont placés sous son empire. Rien de semblable n’est dit dans le premier chapitre. Les animaux n’y viennent pas devant l’homme pour qu’il leur donne leurs noms ; cependant nous comprenons combien ce fait est en harmonie avec la domination qu’Élohim lui a donnée sur eux.

Ne voyons-nous pas en tout cela la perfection qui convient à la Parole de Dieu ? Combien ces récits sont loin d’être le mélange confus formé par des esprits maladroits qui auraient cousu ensemble les traditions contradictoires de temps obscurs ! C’est pourtant là ce que veut en faire l’incrédulité des critiques.

Il y a encore une relation dont j’ai à parler, la dernière que présente notre chapitre. La relation d’Adam avec Dieu est mise à l’épreuve par la défense qui lui est faite. Puis vient sa relation avec la création inférieure. Mais une aide lui manquait, qui lui correspondît. Dieu répond à ce besoin d’une manière qui nous montre Sa sagesse admirable. Ce n’est point par une création absolument nouvelle, mais en formant la femme d’une partie de l’homme, lui rappelant ainsi ce que la femme est et doit être toujours pour lui.

Qui d’avance aurait conçu la pensée que Dieu aurait procédé ainsi ? Qui ne sent la beauté et la convenance de l’œuvre et de la Parole de Dieu ? Qu’elles sont vaines et misérables les notions des païens sur ce sujet ! Je sais qu’il y a des hommes tombés assez bas pour faire un objet de raillerie du fait et du récit qui le rapporte. Peut-être n’ont-ils jamais compris que leurs devoirs envers les femmes dépendent de leurs devoirs envers eux-mêmes. S’il en est ainsi, elles ne pouvaient manquer d’être rabaissées par eux. Mais la Parole de Dieu met tout à sa vraie place, et rappelle à l’homme, ainsi qu’à la femme, cette relation spéciale et unique ; unique, car il n’y avait alors que l’homme et la femme ; non point un homme et deux femmes, mais un seul homme et une seule femme. Jamais il n’aurait dû en être autrement qu’au commencement. C’est ainsi que Dieu les fit, et le Fils de Dieu cite le passage de la Genèse pour justifier Son Père et couvrir de honte l’homme égoïste et coupable. Dieu tira la femme de l’homme, et celui-ci discerne immédiatement le fait. Bien qu’il fût plongé dans le sommeil, à son réveil il a le sentiment instinctif de ce qui avait eu lieu.

Tout, dans le chapitre 2, est donc mis à la place qui lui convient : la relation de l’homme avec la femme, comme auparavant sa relation avec la création inférieure, et celle avec Dieu Lui-même, avec Jéhovah Élohim.

Veuille le Seigneur bénir toute Sa Parole et nous donner une confiance implicite en tout ce qu’Il a écrit. En même temps, gardons le sentiment que nous ne sommes jamais que des écoliers. Si Dieu nous donne d’enseigner en quelque mesure, que jamais cela ne nous fasse oublier notre place de disciples à l’école du Maître. Chacun de nous ne connaît « qu’en partie », nous devrions donc toujours abonder en support, sauf pour ce qui déshonore Christ. Et même alors, si c’est par ignorance, nous avons à supporter, pourvu qu’il n’y ait pas un rejet persistant et délibéré du témoignage de Dieu.

Puisse ce qui vient d’être présenté contribuer, si peu que ce soit, à aider les enfants de Dieu, et gagner la confiance de ceux qui ne le sont pas, en leur montrant la folie des spéculations qui revêtent une apparence de sagesse, sagesse aussi vide que l’homme lui-même l’est sans Dieu.


Appendice

Il faut peut-être excepter la cosmogonie phénicienne de Sanchoniathon. N’est-il pas frappant que celui qu’on estime être le plus ancien écrivain de l’antiquité se rapproche autant de la plus récente forme de la philosophie apostate de la chrétienté, que la géologie moderne montre une si forte tendance à retomber dans l’ancienne cosmogonie, et la philosophie en général dans le naturalisme ? Voici une partie du fragment de Sanchoniathon conservé par Eusèbe : « Il suppose qu’au commencement de toutes choses il y avait un air sombre, condensé et agité, ou une brise d’un air épais, et un chaos bourbeux semblable à l’Érèbe, et que ces choses étaient sans limites, et longtemps sans forme. Mais quand ce vent devint amoureux de ses propres principes, et qu’une intime union eut lieu, ce mélange fut appelé désir. Ce fut le commencement et l’origine de la création de toutes choses. Mais l’air ignorait ce qu’il avait produit, et de son union avec le vent (ou l’esprit) naquit Môt. C’est ce que plusieurs nomment Ilus (vase, boue), d’autres y voient la putréfaction d’un mélange humide. De là fut produit tout le reste de la création, la génération de toutes choses ». Puis suivent des détails plus extravagants encore.

Si l’on pouvait compter sur le Credo d’Hermès cité par Jamblique, comme exposant la théologie des Égyptiens dans des jours qui se rapprochent des temps de Moïse, le contraste entre la Genèse et ce que nous pouvons recueillir de la science égyptienne serait moins frappant. Mais on a de fortes raisons pour penser que ce Credo, comme d’autres productions attribuées à Hermès, est dû aux néoplatoniciens, qui revêtaient les rêveries des païens d’idées empruntées aux écrits apostoliques, afin de combattre plus efficacement le christianisme. Les écrits qui reflètent les vraies opinions du monde des nations, n’ont pour le croyant qu’un intérêt négatif et mélancolique. Ils illustrent et confirment les paroles de Paul, en Romains 1. Mais ils ont aussi peu de valeur que les assauts qui aujourd’hui sont livrés à la Parole de Dieu.

Pour conclure, je dirai qu’en réalité Darwin, probablement sans le savoir, arrive par incrédulité aux mêmes conclusions que le Phénicien d’autrefois. Écoutons-le : « Dans tous les êtres organisés, pour autant qu’on le sait actuellement, la vésicule germinative est la même, de sorte que tous les êtres organisés individuels partent d’une commune origine. Le professeur Asa Grey a remarqué que les spores et autres corps reproducteurs de plusieurs algues inférieures sont d’abord douées d’une sorte de vie animale, avant d’arriver à leur existence végétale définitive. Par conséquent, sur le principe de la sélection naturelle avec divergence de caractère, il ne semble pas incroyable que, de ces formes inférieures et intermédiaires, les animaux et les plantes se soient développés ; et si nous admettons cela, il nous faut aussi admettre que tous les êtres organisés qui ont jamais vécu sur la terre, peuvent être descendus de quelqu’une de leurs formes primordiales ». Ainsi la sélection naturelle (à quoi l’on pourrait ajouter « la lutte pour l’existence », dont il est question ailleurs), est substituée à Dieu, et les spores d’une plante marine inférieure sont les matériaux de l’hylologie (étude de la matière primitive) moderne, matériaux que l’on imagine se développer et produire toutes les formes des règnes végétal et animal, jusqu’à ce que l’on arrive à l’homme ! Et ce rêve puéril, se reproduisant comme dans la seconde enfance du dix-neuvième siècle (ce rêve que son propre auteur peut bien appeler : « La profonde ignorance des relations mutuelles des habitants de la terre durant les diverses époques passées de son histoire »), ce rêve a la prétention d’être le fruit le plus mûr de la science de ce siècle ! C’est l’ancien épicuréisme avec sa négation du Dieu qui opère toutes choses selon Sa propre volonté. Le dessein divin est exclu par une semblable théorie ; une transformation matérielle prend sa place : « la série des événements comme constatée par nous ». Il est aisé de cacher l’ignorance, une ignorance volontaire de la création, sous une expression telle que « sélection naturelle », et croire que l’on donne une explication alors qu’on n’énonce qu’un non-sens.



  1. Pour prévenir toute équivoque, c’est dans ce sens d’évolution transformiste que nous employons toujours, dans ces quelques pages, le mot d’évolution.
  2. Le professeur Jacques Monod, dans sa célèbre leçon inaugurale au Collège de France le 24 novembre 1967, met en avant la jeune biologie moléculaire. Mais que l’autorise-t-elle à affirmer ? La cellule vivante, dont le noyau est un système étonnant de précision et d’équilibre, aussi merveilleux dans sa petitesse que l’immense univers, a comme élément constitutif l’acide nucléique, lequel revêt des dispositions incroyablement diverses selon les espèces d’êtres vivants (pour l’homme, l’acide désoxyribonucléique, partie active de ses chromosomes), et à partir duquel s’élaborent les molécules, spécialement les macromolécules. Cette élaboration se fait, dit-il, selon tout un code de « signaux » émis par cette substance, signaux qui depuis l’origine se seraient multipliés, compliqués, diversifiés, perfectionnés, par « accidents » de pur hasard, dans le nombre quasi infini de combinaisons possibles. C’est par de tels accidents que se seraient produites l’apparition de la vie, celle de l’homme (il n’est qu’un « événement » entre d’autres « tous également improbables », mais « il a tiré le gros lot »…), celle de la pensée. Il voit ce prodigieux système de communication moléculaire, âme des « déformations géométriques de quelques millions de milliards de petits cristaux moléculaires » dont se compose notre être, aboutir, d’accident en accident, à constituer le « support physique ultime de la pensée, de la conscience, de la connaissance, de la poésie, des idées politiques ou religieuses, comme ceux des projets les plus nobles ou des ambitions les plus basses ».
    Cela reste, il ne le cèle pas, une « spéculation » à « vérifier », mais dans laquelle serait « déçue » sa « foi dans l’unité du monde vivant ». À la supposer vérifiée, aurait-on autre chose qu’une certaine connaissance de « supports physiques » de faits dont il ne serait nullement prouvé que ces supports soient les générateurs, ceux-ci demeurant un mystère ? Est-ce un tel matérialisme, aussi exclusif que myope, pour l’homme de simple bon sens, qui permettra aux hommes d’aujourd’hui ce que, en termes nébuleux, leur propose comme idéal de vie la conclusion de ce même discours : « la reconquête, par la connaissance, du néant qu’ils ont eux-mêmes découvert » ? Heureux l’ignorant qui a appris son propre néant, non par lui-même, mais à la lumière de l’Être, c’est-à-dire de Dieu ! Job disait, au terme des épreuves par lesquelles il avait été amené à se connaître de la sorte : « J’ai donc parlé, et sans comprendre, de choses trop merveilleuses pour moi… toi, instruis-moi » (Job 42, 3, 4).
  3. « Ce que je crois », p. 13. Le même dira : « On ne peut jamais que croire, et toute la différence est entre les gens téméraires qui croient qu’ils savent et les sages qui savent qu’ils croient » (p. 23).
  4. Prof. Marois, dans les Cahiers de l’institut de la vie.
  5. Entre autres : Le problème de la vie (1948) ; L’évolution du monde vivant (1950) ; L’âme et la vie (1955) ; la grande illusion de Teilhard de Chardin (1964).
  6. Philon dit que l’indication des six jours est donnée simplement à cause de l’arrangement des choses auquel s’allie l’idée de nombre. Il pense que « six » exprime la perfection et veut que Genèse 2, 4, ait été écrit par Moïse pour laisser indéfini le temps, et exclure ainsi la pensée que l’univers a été fait en six jours.
  7. « Il me paraît probable que Dieu, au commencement, forma la matière en particules solides, massives, dures, impénétrables et mobiles, ayant des grandeurs et des figures telles, et jouissant de telles propriétés et de telles proportions quant à l’espace, qu’elles pussent le mieux servir au dessein qu’il se proposait » (Horsley’s Newton).
  8. « Ante mare et tellus, et quod tegit omnia cœlum,
    Unus erat toto naturæ vultus in orbe,
    Quem dixere Chaos, rudis indigestaque moles » ;  : : : :(Ovide, Métamorphoses) « Avant la mer, la terre et l’immense voûte des cieux, l’univers offrait un aspect uniforme qu’on appelle chaos, masse informe et grossière, amas inerte et confus d’éléments mal assortis… ».
  9. Si les Septante ont pris δέ dans un sens adversatif (qui marque une opposition), comme plusieurs l’ont fait depuis, je crois qu’ils se sont trompés, et que la conjonction est simplement une particule de connexion. La vraie interprétation est confirmée par le verbe substantif qui en hébreu n’est jamais une simple copule, comme il arrive souvent en anglais et en d’autres langues. Par conséquent les faits relatés dans les versets 1 et 2, sont bien liés l’un à l’autre ; mais les temps sont expressément séparés. Au commencement (qu’on le recule autant que l’on veut) fut la création ; subséquemment — mais il n’est pas dit combien longtemps après — survient l’état chaotique de la terre.
  10. Les mots soulignés sont en hébreu les mêmes que dans Genèse 1, 2. (Note du trad.)
  11. Cause efficiente ou matérielle : celle qui explique un fait par ce qui l’a précédé et provoqué.
  12. Cause formelle, ou finale : celle qui explique un fait par rapport à un but, autrement dit qui le fait connaître comme un moyen d’atteindre une fin.
  13. Voir l’appendice à la fin.
  14. L’un d’eux a écrit : « Ni le soleil, ni la lune, ni aucun des luminaires célestes, n’existaient quand la lumière fut produite. Car la lumière est l’œuvre du premier jour ; les luminaires, celle du quatrième » (Horsley, Biblical Crit.).
  15. Dans le sens d’existence permanente et indestructible. (Éd.)
  16. Les arguments de ceux qui nient l’immortalité de l’âme sont basés pour la plupart sur la fausse et inintelligente application des textes de l’Ancien Testament traitant de la vie présente ou de la mort, à ce qui est en dehors de ce monde et éternel. Ainsi « tu mourras certainement », et « l’âme qui péchera, mourra », sont employés par eux à nier l’existence permanente de l’âme, tandis que ces expressions parlent seulement de gouvernement de Dieu dans cette vie. Le Nouveau Testament met en lumière, non seulement la vie et l’incorruptibilité, mais aussi la mort et le jugement éternel. Les gages du péché, c’est la mort ; mais pas seulement la mort, car, après la mort, le jugement.