Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 9

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Chapitre 14

Ce chapitre termine l’épisode qui sépare les trompettes des coupes. Nous avons entendu annoncer les événements de la dernière trompette ; mais leur accomplissement dans tous les détails et dans toutes les circonstances ne nous a pas jusqu’ici été révélé. Dans le ciel, des chants en ont célébré les résultats, mais quant aux effets immédiats sur la terre il n’en a été question que d’une manière générale et qui va jusqu’à la fin de tout, y compris même le jugement des morts[1].

Ensuite le Saint Esprit, comme nous l’avons vu, interrompt Son récit dans les chapitres 12 et 13 pour nous montrer la source, le caractère et les principaux instruments de la dernière explosion du mal sur laquelle les coupes devaient être répandues ; et c’est alors que le Seigneur fait éclater Sa vengeance personnelle. Nous sommes parvenus au point où dans une histoire importante, il s’agirait de livrer une bataille de laquelle dépendrait à tout jamais la destinée du monde. Le narrateur s’arrête un instant pour décrire l’état précédent des parties en lutte, et les causes qui ont conduit à cette crise. C’est précisément ce que nous avons ici : les coupes nous sont pour ainsi dire les arrhes de la rétribution qui attend le mal. C’est ainsi que les chapitres 12 et 13, pour ne pas parler du 14, nous montrent ce qui amène une si terrible effusion de la colère de Dieu. De sorte que, quoique ils puissent sembler une interruption, c’était nécessaire pour nous bien pénétrer du caractère horrible du mal contre lequel le Seigneur sévissait. Nous avons vu au chapitre 12 que Satan est depuis le commencement l’ennemi caché, mais puissant et subtil, de Christ et de Son peuple. Après cela nous a été présenté le combat qui se livre dans les cieux entre Michel et le dragon accompagnés de leurs anges respectifs ; et enfin la conduite de Satan, quand il a été précipité sur la terre. Ensuite le chapitre 13 nous fait voir comment, de même que Dieu s’est révélé à l’homme non seulement sur des tables de pierre mais aussi dans la personne de Son Fils afin que les hommes pussent entrer en connaissance intime avec la grâce divine, de même aussi Satan a trouvé une politique appropriée à ses fins en formant sur cette terre des hommes pour être les instruments et l’expression de sa volonté. En conséquence il agit par les deux bêtes qui représentent les deux grands systèmes, ou leurs chefs, qui seront à l’œuvre durant la courte période de la grande fureur de notre adversaire ici-bas. La violence du monde, son orgueil et ses blasphèmes sont déployés par la bête qui s’élève de la mer. De son côté aussi, la bête qui surgit de la terre est pourvue de toutes les capacités nécessaires pour enlacer ceux qui désirent une religion qui exclue Dieu et se fasse la complaisante de l’homme et du monde, comme l’autre les intimidait par sa puissance ou les éblouissait en faisant appel à leur ambition et à leur amour de vaine gloire,

Mais ici s’élève cette question : Si Satan et ses agents déploient une telle activité, à quoi Dieu travaille-t-Il ? Est-Il tout ce temps-là inactif ? — Indifférent, Il ne saurait l’être. Le chapitre 14 me paraît la réponse à cette question. La corruption de tout ce que Dieu a confié à l’homme et tout ce que Satan peut machiner auront alors dans l’espace de quelques mois, de quelques années rapides, une issue effroyable. Mais quelque épouvantables que soient préalablement les choses, et quoiqu’il puisse sembler que Dieu a abandonné le monde pour voir ce que Satan et les hommes réunis en feront, Il n’en sera pourtant pas moins à l’œuvre dans ce même temps.

Et d’abord, remarquons-le, ce ne sont ni les cieux, ni la terre, ni la mer, qui nous sont présentés comme le théâtre des événements que les premiers versets de ce chapitre nous rapportent. C’est un lieu nouveau qui est offert à nos regards, un lieu qui ne l’a pas été jusqu’ici et, qui toutefois est des plus importants et des plus significatifs : « Et je vis, et voici l’Agneau se tenant sur la montagne de Sion ». Arrêtons-nous ici un instant pour nous rendre compte des pensées que le Saint Esprit veut nous suggérer par la montagne de Sion, ou de celles qu’Il y rattache Lui-même. Le livre de l’Apocalypse tout entier suppose la connaissance des autres portions de la Parole de Dieu, depuis la Genèse jusqu’à la fin du Nouveau Testament. Il serait difficile, en vérité, d’indiquer quel est le livre des Écritures dont la connaissance ne soit pas nécessaire pour parvenir à une pleine intelligence de cette merveilleuse prophétie.

Prenons pour exemple l’allusion faite ici à Sion. Si je n’ai aucune idée de ce que Dieu enseigne ailleurs par la montagne de Sion, comment saurai-je quelle est la signification de la vision qui nous est présentée à l’ouverture du chapitre 14 ? La première circonstance dans laquelle il est fait mention de cette montagne, c’est dans l’histoire de David lorsqu’il devint roi sur tout Israël (2 Sam. 5). Et quel était alors l’état du peuple ? Israël avait malheureusement déjà choisi un roi selon son cœur — un roi qui représentait le peuple et pouvait marcher à leur tête et conduire leurs guerres. « Il y aura un roi sur nous ; nous serons aussi comme toutes les nations ». Saül était l’objet de leur choix, David celui du choix de Dieu. Ce n’est pas que David n’eût aucun besoin de miséricorde et de pardon ; loin de là, il fit même une chute déplorable après avoir été l’objet de la faveur de Dieu ; et cependant, il n’est pas moins incontestable que David entra dans les pensées de Dieu et y répondit d’une manière remarquable. Il pécha, il est vrai ; mais qui, plus profondément que lui, reconnut son péché et s’en humilia ? Qui, plus que David, justifia Dieu contre lui-même ? D’un autre côté aussi, Dieu ne passa pas légèrement sur le péché de David, pour la raison qu’Il prenait plaisir en lui. Le péché avait été commis dans le secret, il dut être publié sur le toit des maisons. David en avait agi d’une manière perfide envers son fidèle serviteur et avait souillé la maison de ce serviteur ; mais quelle ne fut pas ensuite, durant de longues années, la triste histoire de sa propre maison (2 Sam. 12). Ce fut alors sous le règne de David, quand Israël avait été dans la confusion ; que les sacrificateurs avaient corrompu le peuple sans que le roi apportât de délivrance ; lorsque tous étaient en rébellion contre Dieu et exposés aux razzias et à la tyrannie des Philistins leurs voisins ; que la ruine était générale, que le sanctuaire même présentait un spectacle affligeant, que le tabernacle et l’arche de Dieu étaient séparés ; et qu’ainsi toutes choses, grandes ou petites, religieuses ou politiques, publiques ou privées, contribuaient à former un tableau des plus sombres ; ce fut, dis-je, à ce moment-là Dieu commença à agir énergiquement par Son Esprit dans le peuple qui souffrait à juste titre sous la loi sous laquelle il s’était volontairement placé à Sinaï. Il est vrai que, malgré tout, la miséricorde et la fidélité se rencontraient du côté de Dieu ; mais quant à Israël, le mal croissait rapidement, sans qu’il y eût par-devers lui d’espérance ou de ressource. Que faire alors ? Dieu fait surgir David, le conduisant pas à pas, et Sion acquiert une place notable dans son histoire. C’est sur cette montagne que fut bâtie la cité de David, siège de sa royauté. De nos jours, on attache peu d’importance à ce lieu sur lequel pourtant reposera bientôt toute la bénédiction réservée pour ce monde comme tel, et jamais la terre ne jouira du repos ou de la gloire avant que Dieu renoue, pour ainsi dire, Ses rapports avec cette cité qui marqua jadis un point d’arrêt dans la décadence d’Israël et était destinée à servir d’oasis à la foi. Dans les Psaumes et les Prophètes, elle reparaît constamment, l’Esprit du Seigneur conduisant toujours les cœurs des saints à anticiper le plein résultat que le type promettait en germe, pour ainsi dire, dès le premier jour.

Le Saint Esprit fait de nouveau allusion à ce même sujet en Hébreux 12, quoique peut-être d’une manière différente. Toutefois la pensée prédominante est l’intervention de Dieu en grâce. Ce passage met en contraste la position d’Israël et celle du chrétien, et après avoir décrit la vision du Sinaï avec son obscurité, et ses ténèbres, et sa tempête — choses terribles, même pour le médiateur — il ajoute : « Mais vous êtes venus à la montagne de Sion, et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » etc. Or, je découvre là le même grand et précieux principe. Israël était venu à Sinaï, et ce fut cette montagne qui caractérisa sa marche du commencement à la fin. Et quel résultat eut-elle ? Comme elle avait commencé par les ténèbres et l’éloignement, elle finit par la misère et la mort. Tels qu’ils étaient, et tel qu’était Sinaï, les Israélites ne pouvaient que reculer tout tremblants loin de Dieu ; car là Il se présentait revêtu de Sa majesté en jugement, et non de cet amour qui condescend à s’abaisser jusque sous le fardeau afin de s’en charger. Cela ne pouvait avoir lieu à Sinaï, car il s’agissait là d’un Dieu juste en présence de pécheurs envisagés comme tels, de sorte que Sa présence ne pouvait qu’inspirer la terreur et faire pressentir le jugement. Des bornes devaient être placées autour de la montagne ; et si même une créature sans conscience s’en approchait, elle devait être frappée de mort : tel était Sinaï. « Mais vous êtes venus », dit l’Esprit, « à la montagne de Sion », le lieu de l’intervention de Dieu en grâce, comme Sinaï était celui de la responsabilité de l’homme. Mais quels pouvaient être les résultats de Sinaï pour le pécheur ? Uniquement de placer la mort avec toutes ses terreurs en face de sa conscience. L’Israélite, dans cette position, équivalait à un homme mort, parce qu’il était déjà pécheur ; et la sentence de mort serait certainement exécutée sur lui après qu’il aurait quitté la montagne ardente. L’apôtre fait voir que le terrain de la grâce sur lequel est placé le chrétien, se trouve diamétralement opposé à celui qu’occupe un pauvre pécheur tremblant en présence d’un Dieu qui réclame avec justice ce que la nature est incapable de produire. Actuellement, nous avons affaire avec un Dieu qui est descendu jusqu’à nous pour accomplir Son œuvre d’amour. Le nom de Sion apparut pour la première fois lorsque tout eut complètement failli en Israël — peuple, sacrificateurs, et roi. C’est alors que Dieu, quoique non recherché, intervient, qu’Il établit en Sion un roi de Son choix, et qu’Il l’élève aussi bien que son fils à un degré de gloire tel qu’il n’en a point existé, et n’en existera point en Israël jusqu’à ce que paraisse le véritable David, et qu’Il plante, et cela pour toujours, Sa gloire royale en Sion.

Le principe impliqué dans l’idée de Sion, est donc l’intervention de Dieu en grâce en faveur de Son peuple, après qu’il est démontré que sous la loi tout est perdu. C’est là ce qui donne à la montagne de Sion sa véritable portée en Apocalypse 14. Elle nous dit que Dieu est occupé en amour de tous ceux qui se sont rangés du côté de la sainte victime — l’Agneau. Dieu travaille en vue de Son Fils, tant pour assurer Sa gloire ici-bas que pour grouper autour de Lui un résidu dont le cœur Lui soit attaché : non pas simplement des hommes scellés comme serviteurs de Dieu, ainsi que le chapitre 7 nous en a présenté une compagnie prise des douze tribus d’Israël ; mais des personnes associées avec l’Agneau en Sion, c’est-à-dire avec les desseins de Dieu en grâce relativement au royaume. Il me semble que c’est le résidu souffrant de Juda qui passe à travers la tribulation sans égale, ce qui n’est pas dit de l’autre résidu. C’est ce que signifie la position que nous les voyons occuper avec l’Agneau sur la montagne de Sion. L’apôtre Jean les contemple là. Il est évident que ma pensée n’est pas d’affirmer qu’ils seront de fait sur la montagne de Sion, ou qu’ils saisiront nécessairement toute la portée de ce symbole. Pour nous, la question importante est de connaître ce que Dieu veut enseigner à Jean et à tous ceux qui désirent comprendre les paroles de ce livre. Je crois que la véritable signification du passage qui nous occupe est, ainsi que nous l’avons dit, l’action de Dieu en faveur de Son peuple dans les derniers jours. Il associera au Seigneur Jésus Christ, comme Messie souffrant, un nombreux et pieux résidu qui sera amené en communion avec Lui. Dans la vision, nous voyons des personnes au nombre de cent quarante-quatre mille ayant le nom de l’Agneau et le nom de Son Père écrits sur leurs fronts. Il n’est pas dit, remarquez-le, qu’ils connaissent Dieu comme leur Père. L’Apocalypse ne nous envisage jamais dans la position d’enfants ; bien moins encore présente-t-elle ainsi le résidu juif. Aussi, même lorsqu’il est question de l’Église, sommes-nous appelés rois et sacrificateurs de Son Dieu et Père, et non pas de notre Père. Cela est d’autant plus remarquable en Jean, que, dans ses autres écrits, il s’applique plus qu’aucun autre évangéliste à démontrer la relation d’enfants dans laquelle Dieu nous a placés maintenant vis-à-vis de Lui-même. Ainsi, en Jean 20, aussitôt après que le Seigneur est ressuscité des morts, voici le message qu’Il fait transmettre à Ses disciples par le moyen de Marie : « Va vers mes frères et leur dis : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Rien de semblable ne s’offre ici, parce que ce livre n’est nullement destiné à dévoiler notre intimité de relation avec Dieu comme Père, mais plutôt Ses jugements et Sa gloire, quoique avec des pensées de miséricorde pour le résidu. Je parle évidemment de la partie prophétique et terrestre, non de celle qui nous permet de jeter un regard sur les choses qui se passent en haut. C’est ainsi que le fait, que le nom de l’Agneau et celui de Son Père (car il faut lire ainsi ce passage) sont écrits sur le front des cent quarante-quatre milliers (14, 1), forme un contraste avec le nom de la Bête au chapitre 13. Le nom ou marque de la bête était placé sur la main droite et sur le front de ses adorateurs. Les cent quarante-quatre mille portent sur leurs fronts, non pas dans leurs cœurs seulement, si nous pouvons parler ainsi, le nom de l’Agneau et celui de Son Père : c’était chose manifeste et connue qu’ils appartenaient à l’Agneau.

« Et j’entendis une voix du ciel comme une voix de grandes eaux et comme une voix d’un grand tonnerre, et la voix que j’entendis était comme de joueurs de harpe, jouant de leurs harpes ; et ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre animaux et devant les anciens ; et personne ne peut apprendre le cantique, sinon les cent quarante-quatre milliers qui ont été achetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont vierges ; ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ; ceux-ci ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau » (v. 2-4). Ils sont caractérisés par les traits variés que nous venons de lire : outre la connaissance qu’ils ont seuls du cantique nouveau, ils rendent un témoignage négatif par leur séparation de toutes les sortes d’idolâtrie qui prévaudront sur la terre, et un témoignage positif par leur fidèle attachement à l’Agneau, quelque terrible que soit l’épreuve. Au lieu de devenir les esclaves de la bête, ils sont rachetés de la terre pour être des prémices à Dieu et à l’Agneau. Ils sont une classe toute particulière et forment, pour ainsi dire, un lien entre les cieux et la terre de laquelle ils ont été rachetés. Ils étaient exempts de la corruption de ces jours mauvais, et c’est des idolâtries qui signaleront ces temps d’une manière spéciale qu’ils ont surtout été gardés. En parlant d’idolâtrie, il n’est nullement dans ma pensée de faire allusion à l’idolâtrie vague et générale que nous sommes exhortés à éviter, dans les avertissements que la Parole de Dieu renferme contre la convoitise. L’idolâtrie qui paraîtra à la fin sera positive, littérale. Il se peut que beaucoup de personnes envisagent comme une absurdité l’idée de la réapparition du culte des idoles dans des pays qui ne sont ni papistes ni païens, mais un tel jugement révélerait une grande ignorance du cœur de l’homme et de la puissance de Satan. La Parole de Dieu est parfaitement explicite lorsqu’elle fait mention de l’idolâtrie grossière qui caractérisera les derniers jours, et cela dans les pays que le christianisme a le plus éclairés, et même dans Jérusalem qui mettra alors en avant une fois de plus les plus hautes prétentions. Il s’agit d’une apostasie que le cœur de l’homme est parfaitement capable d’embrasser et à laquelle Dieu abandonnera totalement la chrétienté, comme juste rétribution de son rejet de l’amour de la vérité. « Et à cause de cela, Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge ». Il les livrera aux convoitises de leurs cœurs naturels, et nous savons que le cœur, dans un tel état, préfère tout à Dieu.

Il est dit des saints qui, aux yeux du prophète, sont associés avec l’Agneau en Sion, qu’ils ne se sont point souillés avec les femmes, c’est-à-dire qu’ils ont été préservés de la corruption qui les entoure. Leur marche a été d’une pureté virginale ; ils n’ont pas non plus suivi la bête. « Ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ». « Ils ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau ». Ils sont des prémices : la moisson se trouve assurée pour le temps convenable (voir v. 14-16). « Et il n’a pas été trouvé de mensonge dans leur bouche, car ils sont irrépréhensibles ». Dans la plupart de nos versions, il est ajouté « devant le trône de Dieu » (v. 5), mais ces derniers mots ne doivent pas être là. Les meilleures autorités les suppriment, et un instant d’étude attentive de ce passage montrera comment c’est à tort qu’on les y a insérés. « Ils sont irrépréhensibles » cela est vrai ; mais ici, ce mot a trait, je crois, à leur vie pratique. Comparés aux gens d’entre lesquels ils ont été rachetés, ils sont assurément irrépréhensibles : ils le sont en présence de ceux-là. Mais supposez que Dieu les fasse comparaître devant Son trône pour prendre connaissance de ce qu’ils ont été ici-bas et pour mesurer leur conduite d’après Sa sainteté — combien ce sera différent ! Le besoin du pardon se ferait aussitôt sentir, aussi bien que la nécessité de se présenter, non avec sa propre justice, mais bien avec celle qui nous a été faite de par Dieu en Christ. Si je me présente uniquement avec mon individualité, non pas envisagé en Christ, mais selon mes propres voies, pourrai-je dire que je suis irrépréhensible devant la face de Dieu ? L’évidence de la vérité que nous démontrons sera plus aisément reconnue, si nous consultons 1 Jean 1 : « Si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous » : nous ignorons la vérité pour ce qui nous concerne, et nous sommes en dehors de la communion avec Christ pour le discernement du mal. Mais « si nous disons que nous n’avons pas péché », nous faisons Dieu menteur, ce qui est infiniment pire que de nous séduire nous-mêmes. Nous Le faisons menteur, et Sa Parole n’est point en nous ; car Il a déclaré le contraire maintes et maintes fois. Mais au chapitre 3 de la même épître, quel changement remarquable ! « Celui qui pratique le péché est du diable », et : « Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché, car la semence de Dieu demeure en Lui ; et il ne peut pécher parce qu’il est né de Dieu. Par ceci les enfants de Dieu et les enfants du diable sont rendus manifestes ». Comment concilier ces deux choses ? Comment rendre compte de l’immense différence qui existe entre le langage du premier chapitre et celui du chapitre 3 ? La chose est toute simple. Au chapitre 1, le Saint Esprit dirige les regards du chrétien sur ce qu’il est à la lumière de la présence de Dieu : il se trouve devant le Père et le Fils, face à face avec Dieu, si je puis me servir d’une semblable expression, non pas précisément devant le trône, mais devant le Père et le Fils. Et quel peut être le langage d’un homme dans une telle position ? Dira-t-il qu’il n’a point de péché ou qu’il n’a pas péché ? Ah ! sûrement non. Quiconque prononce de semblables paroles montre clairement que la vérité n’est pas en lui, et que la Parole de Dieu n’a jamais travaillé son cœur. Mais lorsque Dieu compare Son enfant avec le monde, c’est-à-dire avec ceux qui ne Le connaissent pas, Il dit : « Il ne pèche point », et « il ne peut pécher ». Consultez aussi le livre des Nombres, et vous verrez Israël dans un état de chute et d’extrême désordre, se rendant, tout le long de sa marche, coupable d’incrédulité et d’infidélité. Mais du moment où l’ennemi se présente pour maudire le peuple de Dieu — ce même Israël qui avait tenté et provoqué le Seigneur tant de fois — qu’est-ce que Dieu déclare alors ? « Qu’Il n’a point aperçu d’iniquité en Jacob, ni vu de perversité en Israël ; l’Éternel son Dieu est avec lui, et il y a en lui un chant de triomphe royal ». Il ne peut maintenant apercevoir la moindre faute en ceux chez lesquels Il en avait tant trouvé quand Il s’adressait à eux-mêmes. Que Satan et le monde entreprennent d’accuser les enfants de Dieu, et tout Son cœur prendra aussitôt leur défense. Tel que ce verset se trouve dans le texte reçu avec les mots « devant le trône de Dieu », on ne saurait l’entendre que de notre position en Christ ; tandis qu’il s’agit ici, je crois, de vie pratique. Dieu n’aperçoit en eux ni mensonge ni souillure, parce qu’ils ont été gardés, par grâce, des souillures de Babylone et de la puissance séductrice de la bête : ils sont donc irrépréhensibles. Je ne signale cela que pour montrer combien des changements presque imperceptibles portent atteinte à l’ensemble des vérités chrétiennes. La moindre rature ou la plus petite erreur qui vient furtivement se glisser dans la Parole de Dieu, ne peut manquer d’en altérer l’exactitude et la parfaite beauté.

La seconde chose qui vient fixer notre attention dans ce chapitre, c’est un ange volant par le milieu du ciel et ayant l’évangile éternel à annoncer à ceux qui habitent sur la terre et à toute nation et tribu et langue et peuple. Je sais que quelques personnes ont appliqué cela au vaste développement des missions évangéliques parmi les païens dans ces derniers temps. Mais est-ce le moyen de comprendre la prophétie que de s’efforcer de lui trouver un accomplissement actuel ? Il faut la considérer comme un tout ; et s’il est impossible de trouver un nouveau groupe de Juifs dans la souffrance associés avec Christ dans l’attente ou l’espérance du royaume en Israël, il est inutile de chercher l’ange annonçant l’évangile éternel dans les efforts des missionnaires durant ces cinquante dernières années. Du reste, le caractère du message n’est nullement en rapport avec les desseins de Dieu maintenant, car la base de l’appel ou des sollicitations de l’ange, c’est que « l’heure du jugement est venue ». Cela peut-il se dire du moment actuel ? Non évidemment. Aujourd’hui est un jour de grâce, contraste positif avec l’heure du jugement. Il est encore vrai que c’est « maintenant le temps agréable, maintenant le jour du salut ». La porte est jusqu’ici demeurée ouverte, de sorte qu’il ne serait pas vrai de dire : « l’heure de Son jugement est venue ». Mais lorsque viendra le temps où ces choses devront s’accomplir, il est évident que ce langage sera là la parole de Dieu pour les hommes, car les derniers jugements seront près d’être exécutés et la colère de Dieu ne tardera point à éclater. Mais il est impossible d’associer toutes ces choses à un jour de bénédiction et de grâce, comme si le tout pouvait marcher ensemble ; et pourtant il y a des personnes qui osent avancer que nous traversons actuellement la période des coupes ! Disons-le, une telle manière de voir (là où on la tient, non pas partiellement, mais d’une manière absolue et finale) témoigne que la vérité est presque totalement éclipsée aux yeux de ceux qui peuvent supposer que le jour de la grâce de Dieu et l’heure de Son jugement ne sont qu’une seule et même chose, ou que, du moins, le tout se passe à la fois. Si nous examinons le message même de l’ange, nous trouvons combien son caractère diffère complètement de celui de la bonne nouvelle que Dieu fait annoncer aujourd’hui. L’ange prêche-t-il à tous les hommes de se repentir parce que Dieu a ressuscité un homme d’entre les morts, par lequel Il jugera le monde en justice (Act. 17, 31) ? C’est là ce qu’annonçait Paul en son jour, et c’est aussi ce qu’il convient d’annoncer aujourd’hui, savoir : un Christ mort, mais ressuscité et devant revenir pour juger le monde. Le message dont il est question dans notre chapitre parle bien de l’heure du jugement divin, mais il ne dit pas un mot de l’homme ressuscité, pas un mot d’un Sauveur et de la rédemption qu’Il a accomplie. « Craignez Dieu et donnez-lui la gloire, car l’heure de Son jugement est venue ; et rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux » (v. 7). Je le demande, est-ce là le message que nous devons publier partout ? Notre mission est-elle de solliciter les âmes à adorer le Dieu qui a fait les cieux et la terre, la mer et les fontaines d’eaux ? Oh ! quelque éternellement vraie que soit cette vérité, elle n’est assurément pas celle qui doit être l’objet de notre prédication aujourd’hui. Dieu nous garde de chercher en aucune manière à amoindrir Sa gloire comme Créateur, car c’est une chose extrêmement importante ; mais le temps tout spécialement convenable pour en faire l’application viendra, lorsque Dieu aura achevé ou complété le rassemblement de l’Église (corps de Christ) et qu’Il l’aura recueillie dans la gloire céleste. Quelle ne sera pas l’urgente nécessité de ce message lorsque les efforts de Satan auront réussi à faire adorer comme Dieu sur la terre un homme suscité par lui sur la terre, tandis qu’il a fait rejeter le vrai Dieu lorsqu’Il s’est présenté sous la forme d’un homme ? La prédication de l’ange donnera un démenti à tout ce que la bête et le dragon cherchent à effectuer. Il faudra sûrement, lorsque ce faux culte sera en train, une foi positive dans le Dieu vivant et vrai pour résister aux embûches et à la puissance séductrice de la bête, car Satan fera que tous ceux qui ne s’adonneront pas au mensonge seront en danger quant à leur vie. Aussi est-ce pour cela que ce message est publié : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le monde entier se trouve plongé dans l’idolâtrie — adorant la bête et se prosternant devant elle. Satan ne put amener le Fils de Dieu à se prosterner devant lui, mais au moyen de la bête il obtient les hommages et les adorations du monde entier. « Rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux ». Ce sont là les droits de Dieu à l’adoration suprême, et Il les fait valoir dans ce temps où la terre est complètement emportée par la séduction anti-chrétienne.

Mais il se peut que l’on demande pourquoi ce message a reçu le nom de l’évangile éternel. La réponse est, je présume, parce que c’est toujours vrai. Cela a été vrai dès le commencement, et il le demeurera jusqu’à la fin. « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le motif mis ici en avant (« car l’heure de son jugement est venue ») ne peut pas sans doute s’appliquer toujours ; mais la parole : « Craignez Dieu… et rendez hommage à celui qui a fait le ciel et la terre » (c’est-à-dire, cette gloire de Dieu qui a sa preuve et son témoignage dans la création) n’en demeure pas moins une vérité immuable et fondamentale. Seulement elle sera mise en lumière et proclamée d’une façon tout particulièrement emphatique, lorsque Satan aura obtenu du monde le reniement du vrai Dieu et la substitution du culte de la créature à celui du Créateur. La signification de ce verset 7 me paraît assez simple. Mais je désire ajouter encore quelques mots au sujet du terme « évangile » dont le sens est beaucoup plus étendu dans les Écritures que ce que nous sommes habitués à supposer. Les bonnes nouvelles annoncées à Israël dans le désert furent qu’il hériterait du pays de la promesse. Ce fut une bonne nouvelle à Abraham que l’assurance que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui (Gal. 3, 8). Celle qui se prêchait du temps de Jean-Baptiste et que lui-même était chargé de publier donnait à connaître que le royaume des cieux était là. C’est aussi ce qu’annonçaient le Seigneur et Ses disciples, pendant Son ministère sur la terre ; mais le peuple ne voulut point de Lui, et la conséquence en fut que quoique le royaume fût établi, cela eut lieu d’une manière qui ne répondait nullement à l’attente du peuple. Il fut établi dans le ciel dans la personne du roi rejeté, jusqu’au moment du retour du roi où il sera manifestement établi sur la terre. Il y a donc, nous venons de le voir, différents évangiles, différentes bonnes nouvelles en rapport avec les sujets variés ou les espérances diverses dont Dieu veut présenter le développement à diverses époques. Mais l’évangile éternel est celui dont l’existence remonte plus haut qu’Abraham, plus haut qu’aucune autre bonne nouvelle ; il consiste à proclamer que Dieu a été et sera toujours l’unique objet digne d’adoration. « Nul n’est bon qu’un seul, Dieu ». Et lorsque paraîtra l’aube de ce jour magnifique — où le roi resplendira en gloire, où le royaume préparé dès la fondation du monde sera établi — où Dieu aura réuni autour de Lui les objets bénis de Son affection, tant ceux du Nord que ceux du Midi, de l’Orient, et de l’Occident (et non seulement ceux qui auront passé par la résurrection mais aussi ceux qui auront été gardés dans leurs corps naturels pour participer à la bénédiction sur la terre, dans le même temps où les saints ressuscités jouiront de la gloire céleste sous la seigneurie de Celui qui seul peut réunir en Lui toutes choses en bénédiction) ; en ce jour-là, dis-je, quel sera le message qu’il importera le plus de publier ? Sûrement celui-ci : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Il est évident que c’est alors qu’il porte avec une parfaite raison le nom d’« évangile éternel ». Vous remarquerez aussi qu’il est adressé « à ceux qui habitent sur la terre » aussi bien qu’à toute tribu, nation, langue et peuple ; la distinction que nous avons déjà signalée se trouvant encore gardée ici. Ces deux catégories entendront le message ; mais si « ceux qui habitent sur la terre » ne le reçoivent pas, par la bonté de Dieu la plupart des nations, des tribus, des langues et des peuples y seront attentifs (comp. Ps. 16 et Matt. 24, 14, et les résultats en Matt. 25, 31-46).

Après cette communication d’un ange, il en vient une autre — celle de la ruine de Babylone. Mon intention n’est pas de m’arrêter sur ce sujet pour le moment, car nous trouverons dans d’autres chapitres de l’Apocalypse de nombreux détails sur cette grande cité. L’importance de Babylone demandait en effet qu’il fût fait d’elle une mention particulière. Mais comme elle était évidemment la source active de la corruption, enivrant les hommes et les détournant du Dieu vivant, Dieu juge le moment convenable pour faire sonner le glas funèbre de cette cité. Le but du Saint Esprit est ici probablement de donner à la chute de Babylone sa véritable place dans l’ordre que doivent suivre les voies de Dieu à la fin de cette dispensation, d’indiquer ses vrais rapports avec ce qui la précède et ce qui la suit (v. 8).

Nous trouvons ensuite un solennel avertissement adressé à ceux qui adorent la bête et qui reçoivent sa marque, la déclaration de l’infaillible et éternel tourment de ceux qui sont emportés par la séduction de cet abominable. Beaucoup de personnes appliquent ces prophéties concernant Babylone et la bête, exclusivement à Rome ; mais, si la ville aux sept collines possède un certain nombre des principes de Babylone et de la bête, il est pourtant impossible de les trouver tous et pleinement réunis dans le papisme tel qu’il est aujourd’hui ou qu’il a été. Outre cela, Babylone et la bête ne peuvent être une seule et même chose, puisque la bête détruit Babylone. Rome se détruira-t-elle elle-même ? Il est évident que les éléments de Babylone y seront trouvés, mais si on envisage la chose de plus près, on verra que tout ne saurait se trouver en Rome. Pour ma part, je crois que Rome, plus que tout autre système, est déjà moralement Babylone dans un sens très véritable, et que plus tard elle renfermera et manifestera encore davantage tous les éléments de cette vile corruption. Mais pour cette raison même, il est impossible qu’elle soit la même chose que la bête, car la bête est ce qui détruit Babylone ; et ce n’est qu’après cela que la bête manifeste sa rébellion la plus abominable et la plus ouverte contre Dieu, et que vient sa destruction. Le plus mauvais état de la bête est postérieur à la ruine de Babylone, car c’est alors qu’elle s’élève jusqu’aux cieux, mais seulement afin d’être précipitée en enfer. Mais nous verrons bientôt la chute complète de toutes deux : « Ici est la patience des saints » (v. 9-12).

La cinquième division consiste dans la parole concernant les saints qui meurent au Seigneur. « Et j’entendis une voix venant du ciel, disant : Écris : Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, mais leurs œuvres les suivent » (v. 13). Ce verset ne s’applique pas à ceux qui meurent durant la présente économie. Sûrement la mort des chrétiens est bienheureuse, mais dans le passage qui nous occupe le Saint Esprit parle d’une catégorie de gens encore future, et qui passera tout entière par la mort. Nous l’avons déjà dit, ces choses forment un ensemble, et nous ne pouvons nous en approprier une partie, laissant de côté ce qui ne peut s’appliquer directement à nous. Quelle est donc la véritable signification de ce verset ? Quelle peut être la pensée de Dieu Lui-même ? Évidemment il est question des saints qui meurent dans ces jours-là. Beaucoup seront tués ; le sang des saints coulera abondamment. L’évangile éternel avait été proclamé ; l’heure du jugement avait sonné comme l’avait annoncé l’ange, et il pouvait sembler terrible d’être mis à mort précisément au moment où Dieu allait introduire Son règne. Mais il n’en est pas ainsi ; au contraire, le Seigneur déclare que : « Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux ». N’en soyez donc pas alarmés, semble-t-il dire ; ils n’en auront qu’une gloire plus excellente. Quelle sera donc la portion de ceux qui meurent alors au Seigneur ? Ils régneront avec Christ et avec les saints célestes. Le chapitre 20 démontre que ceux qui sont morts sous les persécutions de la bête ressusciteront ensuite pour être réunis aux saints célestes déjà recueillis dans les cieux. Ces morts que la Parole appelle ici bienheureux ne sont sûrement pas des individus appartenant à l’Église, car tous ceux-ci ne mourront pas. Quelques-uns seront en vie et demeureront jusqu’à la venue du Seigneur pour être alors transmués sans passer par la mort, tandis que les personnes dont parle notre verset doivent toutes passer par la mort. Il est donc exclusivement question de ceux qui meurent au Seigneur à cette époque-là, et il est clairement démontré qu’au lieu de perdre leur place dans le royaume de Christ, ils en obtiendront une plus glorieuse et plus bénie. En outre, leur compagnie est complète, et leur pleine bénédiction arrive sans autre délai — bienheureux dorénavant (v. 13).

Il est certain que l’esprit de ce passage trouve bien maintenant son application, mais l’intention du Saint Esprit semble être de consoler et d’encourager ceux qui doivent passer par la mort avant que la bête soit jugée et que la gloire céleste paraisse. On aurait pu penser que la mort leur faisait perdre quelque chose. Mais non. La voix qui se fait entendre des cieux prononce ces paroles : « Écris : Les morts qui meurent au Seigneur dorénavant sont bienheureux. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, mais leurs œuvres les suivent ». Le Saint Esprit ajoute l’expression de Sa douce sympathie — fidèle envers les saints dans la joie et dans la tristesse, leur étant en aide dans les infirmités, et entrant dans les joies de leur récompense et de leur triomphe.

Puis viennent les deux dernières scènes de ce chapitre. La première est la vision d’un personnage semblable à un Fils d’homme assis sur une nuée blanche « ayant sur sa tête une couronne d’or et dans sa main une faucille tranchante ». Cette vision est fondée sur l’idée d’une moisson : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un jugement qui opère par voie de triage (v. 14-16). Il y a des choses à rejeter, d’autres à recueillir. Nous pouvons, ce me semble, rapprocher ce qui nous est dit ici de ce que nous lisons dans les évangiles : « L’un sera pris et l’autre laissé ; il en sera de même au jour où le Fils de l’homme sera manifesté » (Luc 17). Le second jugement est d’un autre caractère. Il s’agit de la vendange des grappes de la terre, et non de sa moisson. Il ne reste rien de bon, et en conséquence il n’y a aucune distinction à faire. Dans la moisson, il y avait quelque chose à mettre de côté ; la vendange nous présente un tableau plus solennel encore que le précédent. Les grappes recueillies ne sont pas le fruit de la véritable vigne, mais bien de « la vigne de la terre ». Le Seigneur Jésus Christ est la seule vraie vigne, et si nous sommes des sarments qui voulons porter du fruit, il faut que nous demeurions en Lui. Mais dans le passage qui nous occupe, il s’agit de « la vigne de la terre ». Et que fait le Seigneur de cette vigne et de ses grappes ? Il fait fondre sur elles un jugement sans mélange — pas la moindre trace de miséricorde pour le mitiger. Ce fruit est recueilli et jeté dans la cuve de la colère de Dieu. Ce tableau est suivi de celui de l’exercice même du jugement. « La cuve fut foulée hors de la ville, et de la cuve il sortit du sang jusqu’aux mors des chevaux dans un espace de mille six cents stades »[2]. Cette figure est bien celle d’un carnage épouvantable — un fleuve de sang d’une certaine profondeur ayant un cours de deux cents milles de long ! Cela ne doit pas être pris purement et simplement à la lettre ; mais la grande pensée que Dieu veut présenter est celle d’un jugement sans miséricorde contre les apostats. Qui entendit jamais raconter de telles choses durant le cours de tous les siècles ? Sûrement les hommes seraient impuissants pour les produire. Et cependant la réalité sera plus terrible encore que l’image qui passa comme un tableau prophétique devant les yeux de notre prophète (v. 17-20). Le sang ainsi répandu pourrait être celui des apostats sortis des diverses portions de la chrétienté ; mais il semble que ce sera surtout le sang des Juifs, car cette scène se passe dans le pays. La cuve fut foulée hors de la ville que nous ne doutons pas être Jérusalem. Comparez Joël 3.

En Ésaïe 63, nous voyons le Seigneur foulant au pressoir ; mais il semble qu’il s’agit d’une scène qui se passe plus loin : Il vient d’Édom, de Botsra ayant les habits teints en rouge. Dans notre chapitre, la scène est beaucoup plus rapprochée ; c’est tout juste « hors de la ville », et la vengeance s’exerce sur tous ceux qui avaient été coupables dans les choses religieuses en rapport avec elle. La miséricorde leur avait été annoncée, mais ils l’avaient méprisée ; et maintenant le jugement est venu et ils n’ont rien d’autre à attendre. Ils n’avaient fait qu’abuser de la miséricorde dont Dieu avait usé à leur égard : quoi d’étonnant que Dieu en tienne compte et qu’Il juge ?

Ce chapitre nous fournit donc une esquisse complète des voies de Dieu dans la crise du dernier jour. Il se divise en sept parties. La première nous présente le résidu de Juifs fidèles associés à l’Agneau en Sion, et partageant avec Lui les souffrances de Sa réjection et l’attente du royaume. La seconde renferme un message adressé aux nations répandues dans tout le monde aussi bien qu’aux habitants de la terre prophétique. La troisième rapporte la chute de Babylone. La quatrième proclame la terrible sentence, tant pour ce monde que pour l’autre, de tous ceux qui adoreraient la bête et son image, ou qui recevraient la marque de son nom. La cinquième annonce le bonheur, dès ce temps-là, de ceux qui meurent au Seigneur. La sixième dépeint le mode par voie de triage de la moisson ; et enfin la septième, la vengeance épouvantable exercée sur toute l’apostasie religieuse. De ces deux derniers actes de jugement, le premier, au moins, est exécuté par le Fils de l’homme, ce qui implique nécessairement que le siècle est près de sa fin : la colère, non pas de Dieu seulement, mais de l’Agneau.

Cette esquisse des voies finales de Dieu en miséricorde ou en jugement, nous présente donc une septuple série. C’est parfaitement en harmonie avec le livre entier de l’Apocalypse. Nous avons déjà vu sept sceaux, sept trompettes, et il nous reste encore sept coupes à considérer. Le chapitre que nous étudions contient aussi les voies de Dieu au nombre de sept formant ensemble un récit complet. Mais pour ce qui est des détails tels qu’ils sont donnés plus loin, nous pourrons les considérer soigneusement à mesure qu’ils nous seront présentés. Quoique toutes ces choses ne nous concernent pas directement, n’est-ce pas une grâce infinie que Dieu nous les découvre et nous donne ainsi de ne pas toujours être occupés de nous-mêmes dans nos lectures de la Bible ? Beaucoup de personnes supposent qu’il y a de la spiritualité à s’adresser continuellement cette question : Qu’y a-t-il ici pour moi ? Au lieu de cela, notre désir devrait être d’entrer dans la pleine mesure de bénédiction que Dieu veut nous donner, et de ne pas nous contenter d’une petite Tsoar. « Ouvre ta bouche et je la remplirai, a dit le Seigneur ». Si je désire voir ma coupe déborder afin d’être ainsi fortifié pour Son service, je sentirai le besoin d’apprendre tout ce que Dieu veut me faire connaître de Christ. Puis-je ne trouver aucun intérêt ni aucun bonheur à savoir que Christ non seulement possédera Son résidu lorsque paraîtra la gloire, mais qu’Il se l’associera avant cela afin de partager avec lui Ses souffrances, comme ce fut le cas de David lorsqu’il vint à la montagne de Sion ? Et à qui ce roi fit-il partager ses honneurs, si ce n’est à ceux qui avaient été ses compagnons durant sa réjection ? Il en est de même de ces cent quarante-quatre mille. — Ils ne jouiront pas cependant de la même gloire céleste que l’Église des premiers-nés ; car c’est maintenant que les meilleures bénédictions nous sont données, ou nous n’en avons aucune. Les chrétiens sont placés dès à présent dans les plus glorieux privilèges dont il soit possible à des enfants de Dieu de jouir.

Quelles que soient les prétentions du monde du temps où nous vivons, Christ en est complètement rejeté ; et le désir de Dieu est que Christ soit assez mon trésor pour que je puisse mépriser le monde et le fouler à mes pieds. La chose difficile, c’est de prendre avec Christ la place de réjection qu’Il occupe, et de m’y trouver parfaitement heureux.

Chapitre 15

Nous sommes arrivés maintenant à une division nouvelle du livre. Les trois derniers chapitres (12, 13, 14) en forment à eux seuls une portion très importante : ils nous présentent le tableau des voies finales de Dieu et des dernières machinations de Satan, pour autant qu’il s’agit de la dispensation actuelle ; et même avant que les voies de Dieu et les plans de l’ennemi s’y déroulent, ils nous révèlent la source cachée des unes et des autres. Nous avons vu dans le chapitre 12 la naissance du fils mâle victorieux, et Satan et ses anges précipités du ciel ; ensuite, les deux grands partis avec leurs chefs respectifs sont en présence sur la scène et comme face à face, pour ainsi dire. Mais quels que puissent être les instruments de la puissance de Satan ici-bas comme le chapitre 13 nous les montre, et quelles que soient les voies de Dieu dans l’exercice de Sa grâce ou de Ses jugements dans le chapitre 14, tout découle de ce fils mâle, l’objet de la terreur et de la haine de Satan. Maintenant nous en venons à un sujet nouveau. Il avait été fait mention au chapitre 12, verset 1 d’un grand prodige ou signe. Il est dit ici : « Et je vis dans le ciel un autre signe, grand et merveilleux, sept anges ayant sept plaies, les dernières ; car en elles, la colère de Dieu est consommée ». Nous reprenons une fois de plus le fil des événements historiques. Vous pouvez vous rappeler que sous la dernière trompette a été prononcée cette parole : « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue ». Or, je pense que ce qui doit naturellement frapper tout le monde, c’est qu’ici la colère de Dieu est venue, et que les nations ne sont pas seulement irritées, mais blasphèment au dernier point. Aussi, chaque nouveau coup que Dieu frappe, au lieu d’amener l’homme à quelque sentiment d’humiliation, ne fait-il qu’accroître son inimitié contre le Seigneur. La septième trompette nous a conduits d’une manière générale jusqu’à la fin, et ici ce sont quelques détails, mais non pas tous, qui nous sont présentés. Ce n’est que plus bas que nous trouvons plus particulièrement deux des sujets décrits sous les coupes : le chapitre 17 traite de Babylone et de la Bête dans leurs rapports mutuels ; le chapitre 18, de la destruction de Babylone, et le chapitre 19, du jugement de la Bête.

Il est donc une autre remarque que je dois aussi ajouter. Tous ces événements nous sont aussi présentés ensemble dans le chapitre 14. Nous avons eu là ce que je puis appeler l’action religieuse de Dieu : Dieu en agissant avec l’homme sur la terre comme responsable de l’usage ou de l’abus qu’il a fait de la lumière de la révélation, et comme placé sous la responsabilité de reconnaître et d’adorer Dieu seul. Ces coupes prennent plutôt l’histoire civile extérieure ou la condition séculière de l’homme, quoique la même chose puisse en certains cas avoir en même temps une portée religieuse et une portée séculière. Telle est, par exemple, Babylone : elle est évidemment la grande chose corrompue et corruptrice en matière de religion ; mais cela n’empêche pas Babylone d’avoir une large part aux affaires du monde. Et de fait, c’est là un des maux qui constituent Babylone — l’introduction des choses du monde, même dans les choses spirituelles, et la confusion qui en résulte et qui est odieuse à Dieu et pleine de séduction pour les hommes. De là vient que nous trouvons Babylone dans le chapitre 14 aussi bien que dans le chapitre 16. Le chapitre 14 nous donne un sommaire des voies de Dieu à la fin du siècle relativement aux choses religieuses, qu’elles soient d’un aspect brillant ou d’un aspect sombre : grâce, témoignage et jugement. Il nous est ainsi extrêmement utile pour ranger les derniers événements dans l’ordre dans lequel ils se passent. La chute de Babylone, par exemple, est la troisième chose dans la série des événements du chapitre 14. D’abord, il y a le résidu complet des Juifs pieux sous la souffrance — résidu saint, associé par grâce avec l’Agneau, c’est-à-dire, sur la montagne de Sion. Vient ensuite le témoignage de l’évangile éternel à la terre et à toutes les nations, et, troisièmement, la chute de Babylone. Mais d’un autre côté, dans la série des coupes, la chute de Babylone est la dernière des sept. Nous en concluons que les jugements représentés par les six premières coupes doivent précéder la chute de Babylone : c’est-à-dire, que les six premières coupes peuvent être successivement accomplies, tandis que le résidu juif se forme, et que l’évangile éternel est publié parmi les Gentils. La dernière coupe implique la chute de Babylone, qui correspond au troisième anneau, et est elle-même cet anneau de la chaîne des événements énoncés dans le chapitre 14. Cela est important à remarquer pour prévenir toute confusion. L’avertissement touchant le culte de la bête, la déclaration relative au bonheur de ceux qui meurent au Seigneur, la moisson, et la vendange de la terre, sont tout autant de faits évidemment postérieurs à la chute de Babylone.

Le tableau général et régulier des voies de Dieu, tant en miséricorde qu’en jugement, ayant donc passé d’abord sous nos yeux, nous apprenons maintenant par le chapitre 16 une partie de ces voies, les détails de quelques-unes desquelles se rattachent au verset 8 du chapitre 14, et peut-être s’accomplissent simultanément avec ce qui précède ce verset. Il ne faut donc pas supposer que les coupes sont postérieures au chapitre 14 ; il est possible que les premières ont lieu pendant que le résidu dont il est parlé est en voie de formation, et que le témoignage sort vers les Gentils. Il se pourrait aussi qu’elles s’accomplissent rapidement après ces choses et avant la chute de Babylone. Mais, certainement, la dernière coupe renferme la chute de Babylone, et cette chute précède d’une manière non moins évidente les événements solennels qui suivent l’annonce qui en est faite dans la dernière partie du chapitre 14.

Mais à présent, considérons la scène qui sert d’introduction aux coupes. « Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu ». C’est là un type emprunté du temple, quoique avec certains changements. Le tabernacle avait la cuve d’airain, et le temple sa mer de fonte — vaisseau plus grand, mais de même nature, dans lequel les sacrificateurs avaient coutume de laver leurs pieds et leurs mains lorsqu’ils entraient pour faire le service de l’Éternel. Ici c’est une mer de verre, et en conséquence, elle ne sert point à la purification. Ce n’était pas une mer d’eau, mais elle était solide. Le fait qu’elle est de verre indique un état de pureté ferme et permanente. Ce n’était point ce qui sert à purifier, mais l’image d’une pureté que rien ne peut souiller. Les saints dont il s’agit ne se trouvent plus dans des circonstances à avoir besoin d’être purifiés par le lavage d’eau par la Parole. Cet état de choses n’était plus. Maintenant c’était « une mer mêlée de feu » ; ce qui montrait clairement par quelles circonstances avaient passé ceux qui étaient en rapport avec cette mer. Ils avaient éprouvé l’ardente tribulation, ils avaient glorifié Dieu dans les flammes. Cela évidemment n’a pas trait à l’Église. « Vous aurez de l’affliction dans le monde », est une parole vraie de nous. Mais ce que nous avons ici est relatif à une tribulation spéciale — « la tribulation », dont l’Écriture fait mention fréquemment. « Je vis comme une mer de verre mêlée de feu, et ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête et sur son image (ils sont donc évidemment contemporains de la Bête), et sur le nombre de son nom, se tenant sur la mer de verre, et ayant des harpes de Dieu ». Ainsi la circonstance signalée ici, c’est, non pas qu’ils se lavent dans la mer, mais qu’ils se tiennent sur elle. Les circonstances terrestres par lesquelles ils ont passé leur donnent leur caractère, mais la scène de la lutte est désormais passée. L’Esprit de Dieu signale par anticipation tout ce qui caractérise ceux qui avaient été persécutés par la bête, mais qui sont considérés comme l’ayant vaincue. C’étaient des personnes qui déjà avaient été purifiées ; elles en avaient fini avec toute la scène présente, et en étaient tout à fait dehors. Elles se tenaient sur la mer de verre. Et non seulement cela, mais elles avaient « des harpes de Dieu » : c’est-à-dire, que leur occupation consiste dans la joie parfaite et la parfaite louange — le contraste de tout ce à travers quoi elles avaient passé.

Je désire faire remarquer ici, quoique ce ne soit pas d’une grande importance, que les éditions ordinaires ont dans le verset deuxième de ce chapitre une petite clause qui doit être laissée de côté. Ce verset s’y trouve ainsi conçu : « Et ceux qui avaient vaincu la bête, et son image, et sa marque, et le nombre de son nom ». Or, la clause : « et sa marque », n’a rien à faire ici. La même chose se présente chapitre 13, 17 (éditions ordinaires) : « Et personne ne pouvait acheter ni vendre, que celui qui avait la marque, ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom ». Ici encore la vérité est que le petit mot « ou », inséré là devant la clause « le nom de la bête », doit être supprimé. La différence dans le sens est que « la marque » serait, soit le nom de la bête, soit le nombre de son nom. Il n’y a pas une troisième chose distincte de ces deux, comme le ferait supposer le texte ordinaire. La Bête avait deux manières de marquer ses partisans ; dans l’une elle les marquait par son nom, et dans l’autre par le nombre de son nom : mais cela n’aurait pas de sens que de dire, « la marque, ou le nom de la Bête, ou le nombre de son nom ». Le nombre constituait sa marque, quoique ce ne fût pas la seule ; il y avait en outre son nom — celle qui était, je suppose, plus intime et plus personnelle que l’autre. C’étaient donc (chap. 15) ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête, et sur son image, et sur le nombre de son nom. Dans la Bible anglaise, le mot « et sur le nombre » est même imprimé en italique, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion avec les mots « sur sa marque ». Je n’y fais allusion que pour montrer que l’introduction par l’homme dans l’Écriture même d’un tout petit mot comme « ou » en altère le sens. Dans la langue dont l’Esprit se sert, la différence n’est que d’une seule lettre ; mais vous ne sauriez introduire même une lettre dans la Parole de Dieu sans porter atteinte dans cette mesure à sa beauté et à sa perfection. Il se peut que, par la bonté de Dieu, Ses enfants ne reçoivent que peu de mal de taches pareilles, mais c’est en partie parce qu’ils n’en sont pas assez occupés ; s’ils devaient en déduire un système, ils tomberaient en certains cas dans des erreurs sérieuses. Mais heureusement (c’est ainsi que Dieu les garantit miséricordieusement), ils ne reçoivent pas la fausse doctrine ; ils ne savent pas ce qu’elle signifie, et en conséquence ils la laissent. Mais évidemment, l’intention de Dieu n’est pas qu’on échappe à l’erreur simplement par la raison qu’on ne la comprend pas. Lorsque les siens sont préservés du mal de cette manière, c’est un effet miséricordieux du gouvernement suprême de Sa main plutôt que de l’intelligence de la direction de l’Esprit. Le livre de l’Apocalypse a souffert plus qu’aucun autre de la négligence de l’homme, et comme c’est de son contenu que nous sommes occupés et qu’il est si désirable pour les enfants de Dieu d’avoir de saines pensées relativement à Sa Parole, j’ai pensé qu’il valait mieux faire cette remarque, quelque peu importante qu’elle puisse paraître. Je me souviens avoir été moi-même dans un grand embarras pour découvrir la différence entre la marque de la bête, et son nom et son nombre. Mais ayant examiné la question de plus près, je trouvai qu’il n’y avait réellement rien à décider. Un petit renard était entré et avait gâté la vigne. En un mot, la marque n’était pas une chose différente du nom ou de son nombre, mais bien un terme général qui s’appliquait également à l’un et à l’autre — le nom exprimant probablement une soumission intime et plus entière à la Bête, que le nombre de son nom.

Ceux qui avaient remporté la victoire sur la Bête, n’étaient pas ses créatures ou ses esclaves ; ils étaient les serviteurs de Dieu. On les voit ici conscients de leur victoire, en dehors de la scène de leurs combats, ayant les harpes de Dieu. Et ils chantent : c’est la louange intelligente. « Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau ». Leur louange a un double caractère tout à fait différent du cantique des anciens. Elle est très bénie, mais ce n’est pas la même chose. Le chant des anciens avait beaucoup plus de profondeur. Il n’est point fait mention de ces saints comme sacrificateurs, bien moins encore comme chefs de la sacrificature céleste ; ils ne portent pas non plus les emblèmes de la dignité royale. Ils chantent le cantique de Moïse. C’étaient de véritables saints, mais incontestablement d’un caractère juif. Ils chantent aussi le cantique de l’Agneau. S’ils n’avaient à aucun degré la connaissance du Sauveur, ils ne sauraient être des saints. Mais en même temps ils chantent le cantique de Moïse. Ils ne seront pas exactement dans la position chrétienne dont nous jouissons aujourd’hui. Ils se trouveront au milieu des circonstances de l’épreuve, quand l’Église aura passé de la scène d’ici-bas dans le ciel. Mais il y aura encore pourtant des saints qui souffriront pour le Seigneur même jusqu’à la mort ; car la Bête a le pouvoir de tuer — et cela, peut-être, afin qu’ils aient la victoire sur elle par leur propre sang, aussi bien que par le sang de l’Agneau[3]. En conséquence, ils apparaissent ici dans un état parfait de repos, comme autrefois Israël chantant en triomphe de l’autre côté de la mer Rouge à laquelle il semble qu’il est fait allusion, comme évidemment les plaies du chapitre suivant en contiennent une à celles dont fut frappée l’Égypte.

« Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau, disant : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur Dieu tout-puissant ! Justes et véritables sont tes voies, roi des nations » (v. 3). Maintenant, si nous ouvrons le psaume 103, verset 7, nous trouvons que le Saint Esprit fait ressortir en première ligne ces deux choses — les voies de Jéhovah et Ses exploits. « Il a fait connaître ses voies à Moïse, et ses exploits aux enfants d’Israël ». Les voies profondes, cachées, de l’Éternel qui furent connues de Moïse, sont distinguées des actes publics qui furent opérés aux yeux de tout Israël. Ici, les saints dont il est question ne prennent pas d’abord pour sujet les voies de Dieu, mais les œuvres qu’Il a accomplies : « Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu tout-puissant ». Et ils s’élèvent ensuite à la célébration de Ses voies : « justes et véritables sont tes voies, roi des nations ». — C’est bien ainsi qu’il faut lire ce verset, car l’expression, roi des saints, que contiennent les éditions ordinaires, est chose entièrement inconnue à quelque portion que ce soit de la Bible. Mais l’expression, roi des nations, est authentique et très vraie. C’est une allusion à Jérémie 10, 6 : « Tu es grand, et ton nom est grand en force. Qui ne te craindrait, Roi des nations ? ». Et précisément, pour faire voir comment cela est d’accord avec l’enseignement général de l’Écriture, je ferai remarquer que, quoique Christ soit roi, bien plus Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et quoique ce soit notre bonheur de reconnaître cela (car les chrétiens sont certainement les seules personnes aujourd’hui qui reconnaissent comme il faut que le Seigneur Jésus Christ est roi), ce n’est pas moins une chose remarquable que le Saint Esprit évite de L’appeler roi en rapport avec l’Église. L’Écriture, qui L’appelle fréquemment roi, ne Lui donne jamais ce titre dans Sa relation avec nous. Naturellement le but de la Parole de Dieu n’est pas d’affaiblir notre soumission à Christ. Tout ce qui tend à l’affaiblir ne procède pas de l’Esprit, mais de Satan. Mais n’est-il pas évident que la relation de roi à peuple n’est pas aussi étroite, aussi intime, n’embrasse pas aussi pleinement toute chose dans son autorité, et n’implique pas non plus autant d’affection, que la relation d’Époux à Épouse, ou de Tête à corps ? Et telle est la relation dans laquelle l’Écriture envisage l’Église. Il y a la soumission la plus profonde et la plus constante, mais c’est celle des membres à leur Tête, de l’Épouse à l’Époux. C’est ainsi que l’Église est soumise à Christ. Il est vrai que nous sommes transportés dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu, mais dans quelle capacité ? Il nous a fait rois dans Son royaume. Voici dans quels termes le premier chapitre de cette même prophétie nous représente chantant : « À lui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang, et nous a faits un royaume de sacrificateurs pour son Dieu et Père ». Quoiqu’il soit donc parfaitement certain que nous sommes dans le royaume, nous n’y sommes pas pourtant comme sujets, tout en étant assurément sujets. Nous reconnaissons joyeusement comme notre Seigneur, Christ, dont la grâce nous a faits rois avec Lui, et non pas simplement comme un peuple tenu sous Lui à distance. Cela ne diminue en aucune manière la responsabilité sous laquelle nous sommes de Lui obéir, pas plus que cela ne Lui ôte de Sa gloire. Cela nous met à même de nous montrer obéissants en vertu d’un principe plus ferme et de motifs plus élevés ; ce n’est pas la faiblesse de la chair sous la loi, mais le cœur purifié par la foi et fortifié par la grâce. Christ nous remplit du sentiment de la gloire dont nous sommes cohéritiers avec Lui. Il nous élève par l’espérance jusqu’au trône, mais l’effet en est que, même dans le ciel, nous nous prosternerons et nous jetterons nos couronnes devant Lui. Il aime que notre obéissance prenne, pour ainsi dire, la forme de l’adoration.

Nous voyons par là comment le Seigneur maintient intactes ces deux choses. D’un côté, Il prend Son plaisir à ce que nous sachions et que nous considérions que le Seigneur Jésus est toujours immensément au-dessus de nous ; mais ensuite, d’un autre côté, Christ nous a placés, dès à présent par les gages de l’Esprit, et bientôt par une possession effective, sur des trônes afin de faire voir que ce n’est pas simplement comme serviteurs, ni comme peuple, que nous sommes sujets, mais comme ceux que Son parfait et divin amour a associés avec Lui-même ; car nous sommes un avec Lui. Il veut nous placer sur des trônes autour de Lui — sur Son propre trône ; mais même dans cette position, la soumission à Christ ne saurait jamais disparaître : il n’y aura jamais autre chose, soit dans le royaume soit dans l’état éternel. Où que ce soit que vous regardiez, jamais l’Église ne saurait oublier ce dont elle est redevable à son Seigneur, à son Époux, au point de désirer qu’il en fût autrement. Ce serait abuser de Sa grâce, le dépouiller de Sa gloire ; et l’Église ressentirait vivement cela. Si les anciens, dès qu’ils Le voient seulement prendre le livre, se prosternent devant l’Agneau et rendent culte, à combien plus forte raison la pensée de quelque indignité qui Lui serait faite exciterait-elle leurs sentiments les plus vifs d’horreur et d’indignation. L’Église peut être aimée, et est aimée de Christ ; mais prétendre d’une manière quelconque à une égalité de position avec Lui, serait manifester cet esprit de l’antichrist, « duquel nous avons ouï dire qu’il vient, et déjà maintenant il est dans le monde ».

« Justes et véritables sont tes voies, roi des nations ». Si je comprends bien, la raison pour laquelle les « nations » sont introduites ici, c’est que ces coupes allaient être versées très particulièrement sur les Gentils. Sous les trompettes, et dans les chapitres 12-14, les Juifs, ou au moins le résidu juif, nous sont apparus comme étant d’une façon spéciale l’objet de la miséricorde de Dieu selon l’alliance. La phrase même (chap. 11) : « l’arche de son alliance » se rattache à cette nation, car c’est avec elle que l’alliance avait été faite. C’est pourquoi nous avons vu aussi que, dans le chapitre suivant (chap. 12), la femme représentait Israël. Ensuite nous avons eu le résidu juif fidèle (chap. 14). Mais à présent ces saints célèbrent les voies justes de Dieu envers les Gentils ou nations. Il est roi des nations — et non pas seulement des Juifs. Les relations juives apparaissent dans les deux cas, mais ce sont des visions distinctes, introduites par un signe très différent.

« Seigneur, qui ne te craindra, et qui ne glorifiera ton nom ? Car tu es saint, toi seul ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés ». Le terme employé ici pour « saint », n’est pas le terme ordinairement en usage. C’est celui dont l’Écriture se sert là où elle parle des gratuités de David, et dont le terme correspondant en hébreu est fréquemment employé dans les Psaumes. L’une et l’autre de ces langues ont en effet deux mots pour exprimer l’idée de sainteté. Il y a le terme ordinaire pour « saint », qui se trouve, par exemple, en Apocalypse 4 : « Saint, saint, saint, Seigneur Dieu tout-puissant ». Il implique toujours la séparation du mal — une séparation absolue. La sainteté dont il est parlé ici (chap. 15), implique la miséricorde — ce qui est extrêmement doux. Il va être question des coupes, et la première pensée serait aussitôt : « Quelle chose terrible ! la colère de Dieu va s’accomplir ». Mais qu’est ce Dieu dont la colère va se consommer ? C’est Celui dont la sainteté est pleine de miséricorde : « Tu es saint, toi seul ». C’est la sainteté de miséricorde. « Car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; parce que tes jugements ont été manifestés ». Leur regard perce à travers les jugements, et ils voient la fin du Seigneur, et la fin est toujours que « l’Éternel est pitoyable et abondant en grâce ».

De sorte que, quoiqu’il en soit de cette tempête de jugement qui va éclater, ils contemplent la fin depuis le commencement, et en conséquence, célèbrent la sainteté de Celui qui, dans le jugement, se souvient d’avoir compassion. Sans aucun doute, il faut que la colère ait cours, et Dieu devra la consommer, parce que sa première effusion ne fera qu’endurcir encore davantage les hommes. Mais vous remarquerez qu’il ne s’agit pas ici de Christ ; il n’y a rien ici qui rappelle la colère de l’Agneau, pas même dans la pensée des hommes : c’est la colère de Dieu. Dans le chapitre 14, celui qui fait la moisson est le Fils de l’homme ; mais ici, Dieu agit conformément à Sa propre pensée, avant que Christ vienne du ciel pour exécuter la colère. Cela prouve avec évidence que les coupes finissent avant que commencent les derniers jugements du chapitre 14, parce que la fin du chapitre nous montre le Fils de l’homme venant Lui-même exécuter le jugement.

Ils peuvent donc dire, en regardant en haut : « Seigneur, qui ne te craindra ?… Car tu es saint, toi seul ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés » (v. 4).

Autre vérité importante : car, comme nous le lisons en Ésaïe 26, aussi longtemps que Dieu agit en grâce, que fait l’homme ? Il en prend avantage et refuse d’apprendre la justice. Mais le temps vient où le Seigneur lèvera Son bras en jugement ; et quel effet en résultera-t-il ? « Lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprennent la justice ». Il en est de même ici : « Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés ». Tel sera en définitive le résultat.

Le prophète regarde de nouveau, « et le temple[4] du tabernacle du témoignage dans le ciel fut ouvert » (v. 5). Remarquez la différence. Au verset 19 du chapitre 11 (qui introduit la scène des chapitres 12-14 antérieurement aux coupes), le temple fut ouvert dans le ciel, et on y vit l’arche de l’alliance de Dieu, tandis qu’ici on ne voit pas d’arche. Là elle était le gage de la fidélité assurée de Dieu — de l’immutabilité de Ses conseils à l’égard de Son peuple d’Israël ; mais ici, c’est de Ses ennemis qu’il est question, plutôt que de Son peuple, et il n’y a rien que le tabernacle du témoignage, qui est inauguré, pour ainsi dire, par des jugements sur les hommes de la terre : il s’ouvre pour l’effusion de la colère, et non pour le triomphe de l’évangile. C’est le témoignage judiciaire de Dieu sur la condition de l’homme. L’homme est coupable : que pouvait-il donc en résulter ? « Les sept anges sortirent du temple ». Et, chose terrible à dire, ils sortirent du lieu où maintenant on ne voyait point d’arche. À quoi donc pouvait-on s’attendre, sinon à la colère, et à une colère d’autant plus redoutable qu’elle procède du sanctuaire ? Ils « sortirent du temple ayant les sept plaies ». C’était là désormais tout ce que Dieu pouvait faire pour l’homme. « Vêtus d’un lin pur et éclatant et ceints sur leurs poitrines de ceintures d’or. Et l’un des quatre animaux — les principaux agents qui président à l’exécution des jugements de Dieu dans l’ordre de la providence — donna aux sept anges sept coupes d’or ». Le mot coupe est emprunté des vases qui servaient à répandre des aspersions devant le Seigneur. Hélas ! il ne s’agit pas maintenant de sacrifices par aspersion, mais de colère descendant de Dieu : « Sept coupes d’or pleines de la colère de Dieu qui est vivant aux siècles des siècles. Et le temple fut rempli de la fumée qui procédait de la gloire de Dieu et de sa puissance, et personne ne pouvait entrer dans le temple jusqu’à ce que les sept plaies des sept anges fussent consommées ». Ainsi, il n’y avait plus possibilité maintenant de rendre culte à Dieu ou d’intercéder. C’eût été vainement qu’on aurait essayé d’entrer dans le temple, la fumée du feu de la colère le remplissant, la fumée qui prouvait que le feu était là : de sorte qu’il n’était possible à personne d’entrer, pas même à un sacrificateur. Nul ne pouvait approcher maintenant : la colère, la fumée du jugement remplissait le temple. Absolument comme à Sinaï, où la fumée est représentée comme montant de la montagne semblable à la fumée d’une fournaise ; ou encore, comme dans le psaume 18 : « Une fumée montait de ses narines, et de sa bouche sortait un feu dévorant ». De même dans notre chapitre : c’est l’image de la majesté de Dieu offensée, contre le péché ; il n’y avait rien dans tout ce que Dieu contemplait ici-bas qui fît appel à Sa miséricorde en faveur des hommes. Le temps de l’intercession était passé. En conséquence, les jugements ont leur cours, et la colère de Dieu est consommée (v. 6-8).



  1. Aussi est-ce aller trop loin, et c’est non seulement sans preuve mais tout à fait inexact, que de dire que les coupes sont les événements compris dans la septième trompette. Il ne sert de rien d’alléguer à l’appui de cette opinion que les trompettes sont le développement du septième sceau. Cela, je n’en doute pas, parce qu’il n’y a absolument rien sous ce sceau, sauf un silence d’une demi-heure et que les trompettes sont alors données aux sept anges, etc. Mais il ne se trouve rien d’analogue à la fin d’Apocalypse 11, car dans cet état de chose interviennent les chapitres 12, 13, 14 dont le dernier contient la vision d’une scène de jugement par le Fils de l’homme, qui est incontestablement postérieure aux coupes.
  2. Jérôme a remarqué la coïncidence de cette donnée avec la longueur de la Palestine ; et Fuller, Faber, etc., l’appliquent littéralement à ce pays comme le grand Aceldama futur. D’un autre côté, Mède suggère le fait d’une longueur pareille dans les états de l’Église, de Rome à Vérone.
  3. Il n’y a que le sang de l’Agneau seul, cela va sans dire, qui soit efficace pour le péché devant Dieu.
  4. Ναος toujours employé exclusivement dans l’Écriture pour désigner le temple intérieur, les lieux saints.