Traité:Quelques remarques sur la valeur de la cène

De mipe
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F. Prod’hom

Il est à craindre que le formalisme de la chrétienté, du sein duquel sont sortis les chers enfants de Dieu qui se réunissent au nom de Jésus, ait laissé subsister un certain vague dans leurs pensées au sujet de la cène. Il est donc important de chercher dans la Parole de Dieu ce que le Seigneur avait en vue en instituant ce mémorial de Sa personne et de Sa mort. — D’autre part, ces mêmes rachetés, rassemblés selon la vérité de la Parole, et qui, à l’exemple des disciples de la Troade (Act. 20), se réunissent le premier jour de la semaine pour rompre le pain, sont en danger de s’habituer à la répétition fréquente de ce repas, de manière à tomber dans un extrême qui est le contraire de la solennité extérieure, dont le nationalisme entoure cet acte. Là, en effet, on participe à la communion, comme on l’appelle, à de longs intervalles, avec toute sorte de solennité dans la forme, parce que, hélas ! on ne possède pas le fond.

Le cène n’est le privilège que des rachetés, des membres du corps de Christ, de ce corps qui est un, qui est l’ouvrage direct du Seigneur. C’est Lui qui le forme, et ses membres sont tous baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps (1 Cor. 12, 13). La fraction du pain entre eux est l’expression de l’unité de ce corps : « Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10, 17). De là l’importance de se trouver rassemblés sur le principe et sur le terrain de l’unité de ce corps ; car tout autre principe de rassemblement ne peut être qu’un principe sectaire.

Notre but, en écrivant ces lignes, est de chercher à faire ressortir la valeur de la cène pour le cœur du chrétien fidèle.

Les deux premiers évangiles (voyez Matthieu 26 et Marc 14) nous parlent de l’institution de la cène pendant la célébration de la Pâque juive. Dans l’évangile de Jean, au chapitre 13, nous n’avons proprement ni l’une ni l’autre, quoique ce soit historiquement la même soirée, la même circonstance ; mais Jean ne présente que l’idée d’un souper en commun, le Seigneur et Ses disciples étant en communion ensemble, et cette particularité provient du caractère de cet évangile, qui est la révélation du Père, la manifestation de la vie éternelle, etc. Dans l’évangile de Luc, dont le caractère est plus général, nous avons les deux choses distinctes l’une de l’autre ; premièrement la célébration de la Pâque (22, 14-18), puis l’institution de la cène (v. 19-20). Le Seigneur, né sous la loi (Gal. 4, 4), mange la Pâque avec Ses disciples ; ils étaient Sa famille (Ex. 12, 3-4) ; Il les considère comme le noyau du résidu fidèle d’Israël. Cette Pâque était la dernière, pour ainsi dire la clôture du type, et le lendemain le Seigneur consommait le type par Son sacrifice : « car notre Pâque, Christ, a été sacrifiée » (1 Cor. 5, 7). Le Seigneur avait fort désiré de manger cette Pâque avec Ses disciples, avant qu’Il souffrît, et Il leur déclare qu’Il n’en mangera plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. Il ne boira plus non plus du fruit de la vigne, la joie du royaume, jusqu’à ce que le royaume, c’est-à-dire le millénium, soit venu. Or c’est après avoir montré à ce résidu fidèle que l’établissement du royaume était renvoyé à l’avenir, qu’Il institue la cène, transformant, pour ainsi dire, dans Sa pensée, ce résidu juif en chrétiens, et leur disant : « Je m’en vais dans la maison du Père où je vous donne une part avec moi ; je vais vous préparer une place et je reviens vous chercher, mais voici ce que vous ferez pendant mon absence en souvenir de moi ».

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Nous reviendrons sur la valeur de la chose instituée ; mais, d’abord, considérons dans quelles circonstances le Seigneur a institué ce repas. Pendant qu’Il était à souper avec les siens dans la chambre haute, on conspirait dans la ville comment on se déferait de Lui. Les choses qui Le concernaient allaient avoir leur fin. Or, au lieu d’occuper les siens de Ses circonstances, Il s’occupe à leur donner un gage de Son amour pour eux, et leur montre ce que Son cœur désire qu’ils fassent pendant Son absence. L’apôtre Paul rappelle que, la nuit qu’Il fut livré, le Seigneur institua ce repas. C’est la veille de Sa mort, c’est avec la conscience de la trahison de Judas et de tout ce qui L’attendait à la croix, qu’Il montre aux siens Son cœur tout occupé d’eux et désirant qu’ils se souviennent ensemble de Lui pendant Son absence. Le cœur chrétien trouve quelque chose de délicieux dans le fait que le Seigneur a désiré que nous nous souvenions de Lui.

La cène est bien le mémorial de Sa mort, de Son œuvre parfaite pour nous, et en cela Il a voulu que nous eussions tout le long du chemin quelque chose qui rappelle à nos cœurs la perfection et l’immutabilité de Son œuvre ; mais notez que le Seigneur a dit : « Faites ceci en mémoire de moi » ; nous montrant ainsi le prix que Sa personne adorable devait avoir pour nos cœurs. C’est comme s’Il nous eût dit : Vous vous rappellerez mon œuvre en mémoire de ma personne. Cela est de toute importance, car on voit même des chrétiens s’efforcer de mettre en évidence, à leur manière, l’œuvre de Christ, et en même temps être peu soucieux de la sainteté et de la gloire de Son adorable personne.

Rappelons-nous ces paroles, bien-aimés : « Faites ceci en mémoire de moi ». Comment nos cœurs resteraient-ils sourds à ce désir ? Il considère les siens, rassemblés sur la terre ; — et Il est là au milieu de nous ; — Son cœur jouit de ce fait, que dans ce monde où Il a été rejeté, il y en a quelques-uns qui trouvent leur bonheur à avoir été rassemblés par Son nom, pour se souvenir de Lui. Or nous faisons cela en L’attendant : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Il est mort pour nous délivrer, Il vient nous chercher, et, entre ces deux grands faits, nous nous souvenons de Lui. La mort de Christ, la venue de Christ, et la cène entre deux… Je vous ai rachetés, dit-Il, vous vous souviendrez de moi pendant mon absence, puis je viendrai vous chercher.

Il est frappant de remarquer que l’attente constante du Seigneur se lie à la fréquente célébration de la cène. Lorsque le Seigneur fut enlevé au ciel, les anges certifièrent aux disciples qu’Il reviendrait de la même manière. Ensuite le Saint Esprit descendit sur eux tous ; puis nous voyons qu’ils « persévéraient dans la doctrine et la communion des apôtres, dans la fraction du pain et les prières… Et tous les jours ils persévéraient d’un commun accord dans le temple, et, rompant le pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu, et ayant la faveur de tout le peuple » (Act. 2). De même, au chapitre 20, Paul et ses compagnons étant arrivés dans la Troade, le premier jour de la semaine, ils étaient assemblés pour rompre le pain. Ce ne fut pas la circonstance de la visite de Paul qui engagea les disciples à profiter de sa présence pour rompre le pain, mais les disciples de la Troade, Paul et ses compagnons avec eux, étaient rassemblés ce jour-là dans le but exprès de rompre le pain. Ce fut plutôt Paul qui dérangea le cours ordinaire des choses, parce qu’il devait partir le lendemain, et que c’était la dernière fois qu’il les voyait. Il prêche jusqu’à minuit, après quoi il converse encore avec eux jusqu’au matin.

D’autre part, nous voyons dans les épîtres de l’apôtre qu’il avait enseigné aux saints à attendre constamment le Seigneur. Aux Corinthiens, auxquels il dit : « Vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Cor. 11), il dit aussi : « Voici, je vous dis un mystère : Nous ne nous endormirons pas tous mais nous serons tous changés : en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette, car la trompette sonnera, et les morts seront ressuscités incorruptibles, et nous, nous serons changés » (1 Cor. 15). L’apôtre dit : nous, nous serons changés. Ici, comme en 1 Thessaloniciens 4, il se place au nombre de ceux qui seront vivants quand le Seigneur viendra. Et toujours le Seigneur et Ses apôtres ont présenté cette venue comme pouvant avoir lieu pendant la durée d’une vie d’homme : — de Jean, de Paul, des Corinthiens, des Thessaloniciens, etc.

Les premiers chrétiens attendaient donc le Seigneur de leur temps, et nous avons vu par les chapitres 2 et 20 des Actes, qu’ils célébraient la cène souvent ; — au commencement, même tous les jours. Voilà donc comment ces deux choses : rompre le pain et attendre le Seigneur, se lient : on annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne. Or il est frappant de constater que, lorsque les chrétiens eurent perdu de vue la venue du Seigneur, et la présence personnelle du Saint Esprit qui dit avec l’Épouse : « Viens », ils perdirent en même temps le besoin de rompre fréquemment le pain. Ensuite, lorsque, de nos temps, la précieuse révélation de la venue du Seigneur pour enlever les saints fut remise en lumière, le besoin de rompre fréquemment le pain, à l’exemple des premiers frères, accompagna cette vérité (Act. 2 et 20). La cène part donc de la croix et aboutit à la venue du Seigneur.

Nous nous souvenons de la mort du Seigneur, comme étant notre entière délivrance. Il a donné Son corps pour nous ; Il a répandu Son sang pour nous laver de nos péchés ; mais c’est en mémoire de l’adorable personne qui s’est ainsi donnée, que nous faisons la commémoration de Sa mort ; et, pendant que nous le faisons, nous sommes en relation avec Lui comme le vivant, qui a été mort, qui est vivant aux siècles des siècles et qui tient les clés de la mort et du hadès (Apoc. 1, 18). C’est donc avec la conscience de notre union avec Lui dans la vie de résurrection, que nous célébrons Sa mort jusqu’à ce qu’Il vienne.

La célébration de la cène est une affaire collective, on ne peut la célébrer individuellement. La participation collective à ce repas est l’expression de l’unité du corps, car, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain (1 Cor. 10, 17). Toute table dressée pour la cène doit répondre à ce principe de l’unité du corps.

Pour avoir part à la cène, il faut non seulement être converti, mais il faut être scellé de l’Esprit : « car, est-il dit, nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Cor. 12, 13).

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Avant de considérer l’institution de ce mémorial de la mort du Seigneur, nous désirons diriger les cœurs vers Sa croix, en examinant ce que la Parole nous révèle sur la sainteté et la perfection du Seigneur, comme homme ici-bas.

Il a revêtu la nature humaine afin de pouvoir mourir pour nous. Il était réellement homme ; ce fait est de toute importance. Sans doute Il était le Fils de Dieu, et Il était Dieu, mais Il était réellement homme ici-bas ; toutefois, comme tel, Il reste absolument seul jusqu’après Sa mort et Sa résurrection ; en suite de quoi Il a des frères, mais c’est en vertu de la rédemption qu’Il a dû accomplir pour eux sur la croix. Il était le second Adam, qui ne devait ni ne pouvait avoir aucune participation quelconque, en quoi que ce fût, avec la nature déchue du premier. Or quelle est Son origine comme homme ? La voici : « L’Esprit Saint viendra sur toi », dit l’ange à Marie, « et la puissance du Très-haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi aussi la sainte chose qui naîtra sera appelée Fils de Dieu » (Luc 1, 35). Il n’était donc pas seulement un saint enfant, mais, quant à la chair même, né du Saint Esprit, sans péché. Il a participé au sang et à la chair (Héb. 2, 14), mais Il était l’antitype de ce gâteau sans levain pétri à l’huile, dont parle le Lévitique (Lév. 2). « Ce qui est né de la chair est chair ; et ce qui est né de l’Esprit est Esprit » (Jean 3). Or le Seigneur, quant à la chair même, est né de l’Esprit dans le sein de la vierge ; Il était donc un homme de l’Esprit. C’est pourquoi aussi, lors de Son baptême par Jean (Matt. 3), le ciel s’ouvre sur un tel homme ; l’Esprit vient sur Lui, et le Père proclame que cet homme-là est Son Fils bien-aimé en qui Il a trouvé Son plaisir. Pour la première fois on rencontre un homme qui, comme tel, sur la terre, était un objet de contemplation et de bon plaisir pour le ciel. — Il a été justifié en Esprit (1 Tim. 3, 16) ; Ses actes, Ses paroles, tout en Lui était la preuve de Son origine comme homme de l’Esprit. Ainsi Sa vie a justifié Son origine, de même que la vie de l’homme naturel prouve sa propre origine comme pécheur. — Il est dit de Christ, que par l’Esprit éternel Il s’est offert à Dieu sans tache (Héb. 9, 14). Toute Sa vie a été comme l’offrande du gâteau faite par feu en bonne odeur à Dieu, et Sa mort à la fois l’offrande pour le péché et l’holocauste. « Il s’est livré lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur » (Éph. 5, 2). Or quand, par grâce pour nous, Il est entré dans la mort, Il y est entré comme le saint de Dieu. « Tu ne permettras point que ton saint voie la corruption » (Act. 2, 27, 31) ; car, comme Il n’avait pu participer à quoi que ce fût de la nature déchue d’Adam, en naissant de la vierge, Il ne pouvait y participer davantage en étant dans le tombeau, et Sa résurrection a été la détermination de ce qu’Il était : « Il a été déterminé Fils de Dieu en puissance, selon l’Esprit de sainteté, par la résurrection des morts » (Rom. 1, 4)[1].

Ce mystère de la personne du Fils de Dieu était si grand, qu’Il dit lui-même n’être connu de personne, sinon du Père. « Nul ne connaît le Fils sinon le Père » (Matt. 11, 27) ; nul ne peut définir l’union de la divinité et de l’humanité dans cette sainte personne, Dieu manifesté en chair ; c’est une gloire insondable dont la connaissance appartient à Dieu seul. Ici l’homme se moque, mais le chrétien adore !

Il a été permis aux hommes de lier cette personne adorable dans le jardin de Gethsémané, de la promener, revêtue d’attributs ignominieux, de la frapper, et enfin de la clouer à la croix, où elle fut exposée publiquement à la honte, « en sorte que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tout » (Héb. 2, 9).

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Revenons maintenant à la valeur de la cène, car la participation à ce repas est la communion au corps et au sang du Sauveur, mort pour nous sur la croix. Puissions-nous, devant la table du Seigneur, saisir, pour la joie de nos âmes, la pensée de Jésus lorsqu’Il institua ce festin. L’ennemi cherche à enlever aux chrétiens la réalité de cette bénédiction. Le catholicisme fait du signe une idole en alléguant que le sang, l’âme et la divinité de Jésus Christ, se trouvent ensemble sous l’apparence du pain ; il fait de la cène un sacrement de non-rédemption, en enseignant que le sang et la chair sont ensemble dans l’hostie. Le luthéranisme, tout en conservant l’idée du sang séparé de la chair, voit sous les éléments le propre corps et le propre sang de Christ, auxquels Il participe, et il perd ainsi toute la portée morale de l’institution. D’autres, peut-être, tomberont dans un extrême opposé, et ne verront dans ce repas que du pain et du vin sans la communion avec le sacrifice de Christ.

Voici les paroles du Seigneur : « Et ayant pris un pain, et ayant rendu grâces, il le rompit, et le leur donna en disant : Ceci est mon corps qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22, 19-20). Nous trouvons donc, dans la participation au pain de la cène, la communion du corps de Christ souffrant et mourant sur la croix pour le péché.

En dehors de toute objection, papiste ou luthérienne, le Seigneur dit de ce pain : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous ». Il a voulu, non pas nous engager à voir dans ce pain littéralement Son corps, mais que notre esprit, notre cœur, notre foi, se reportent à ce moment suprême où, dans Son adorable personne, comme étant notre substitut, Il se chargeait sur la croix de notre culpabilité sous le jugement de Dieu. — Quand je montre à mes amis le portrait de mon père, je leur dis : C’est mon père. Je ne dis pas : Ceci est un morceau de toile sur lequel se trouve la peinture, qui représente mon père ; et pourtant c’est bien cela. Mais si quelqu’un venait insulter ce portrait, je lui dirais : Malheureux ! tu insultes mon père ! Il ne me viendrait jamais à l’idée que ce portrait se trouvât être tout à coup le propre corps de mon père, et cependant il est pour moi mille fois plus qu’un simple morceau de toile ou de papier.

En 1 Corinthiens 11, l’apôtre rappelle l’institution de la cène, qui lui avait été directement révélée par le Seigneur. Paul était le vase choisi pour révéler le mystère de l’Église, corps de Christ. La fraction du pain, étant l’expression de l’unité du corps sur la terre, l’apôtre, auquel était confiée la révélation de cette unité, devait recevoir du Seigneur Lui-même, et non d’un des apôtres présents au souper, les paroles par lesquelles Jésus avait institué ce repas. Il dit (v. 23) : « Car moi, j’ai reçu du Seigneur ce qu’aussi je vous ai enseigné : c’est que le Seigneur Jésus, la nuit qu’il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit, et dit : Ceci est mon corps qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi ». En effet, chers frères, il est bien pour nous ce corps, ce corps dans lequel Il a porté nos propres péchés ; il est pour nous, il n’est pas pour le monde qui le méprise ; et le Seigneur nous en donne la communion quand nous participons à ce pain.

Au chapitre 10 de la même épître, l’apôtre leur montre de quelle bassesse ils se rendaient coupables, en consentant à manger ce qui avait été sacrifié aux idoles : il leur prouve qu’en faisant cela ils avaient communion, s’identifiaient avec l’idole, et que, par conséquent, ils participaient à la table des démons. Mais remarquez les paroles dont il tire cette conclusion : « La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas la communion du corps du Christ ? ». En mangeant le pain et en buvant la coupe, nous avons donc communion avec le précieux sacrifice de Christ sur la croix. Quelle chose bénie ! — Ainsi, quand nous nous trouvons réunis autour de la table du Seigneur, devant ce pain et cette coupe, et qu’à Son exemple nous rendons grâces avant de les distribuer entre nous, nous témoignons que nous acceptons avec actions de grâces la pensée du Seigneur qui nous fait avoir communion à Son sacrifice, en participant au pain et à la coupe. Alors, bien-aimés, pensons au prix de la victime qui était là pour nous sur la croix !

Les Corinthiens se rendaient coupables à l’égard du corps et du sang du Seigneur, en mangeant et en buvant indignement le pain et la coupe dans leurs repas (1 Cor. 11, 20-22), et, comme châtiment, plusieurs étaient infirmes et malades, tandis qu’un assez grand nombre avaient délogé (v. 27-34).

Mais un autre écueil peut se présenter pour une personne délicate de conscience, mais mal affermie dans la grâce ; elle peut se trouver très humiliée au sujet d’une chose qui s’est passée entre elle et Dieu, et qu’elle a pleinement jugée dans Sa présence ; mais, sa contrition même lui suggérant l’idée qu’elle est indigne de participer à la cène, elle s’en abstient comme faisant pénitence. Or elle se trompe, car le passage dit : « Mais que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ». Oui, en s’éprouvant soi-même, on constate que les droits de la mort de Christ à l’égard du péché sont maintenus dans nos consciences, que nous renions le péché qui a nécessité cette mort, mais qui par grâce y a reçu son jugement. Les droits de Dieu et Son jugement sur le péché étant ainsi maintenus dans la conscience, qu’on mange dès lors du pain et qu’on boive de la coupe.

Je voudrais encore dire quelques mots d’un passage qui, souvent appliqué à la cène, perd par là sa valeur propre et tend à fausser cette institution. Il s’agit du chapitre 6 de l’évangile de Jean : « En vérité, en vérité, je vous dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est en vérité un aliment, et mon sang est en vérité un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (v. 53-56). Dans ce passage, le Seigneur montre l’absolue nécessité de Sa mort comme Rédempteur. Pour que nous eussions la vie, il fallait que Son sang fût séparé de Son corps, et que Sa mort devînt pour nous une nourriture et un breuvage, comme étant la délivrance et la fin de notre vie déchue et de nos péchés. Tout notre état en Adam a pris fin dans Sa mort ; en se nourrissant d’un Christ mort, maintenant ressuscité, on a la vie, la vie après la mort, la vie éternelle. Ici, le Seigneur parle de Sa mort au futur : « Or le pain aussi que moi je donnerai, c’est ma chair, laquelle moi je donnerai pour la vie du monde » (v. 51). Il insiste sur la nécessité de Sa mort pour que nous ayons la vie, et ne parle pas du souvenir et de la commémoration de cette mort, par laquelle nous avons obtenu la vie. Notons bien que, s’il s’agissait ici de la participation à la cène, deux choses en seraient la conséquence : la première, c’est que personne n’aurait la vie avant d’avoir pris la cène. « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes ». Le brigand sur la croix, par exemple, n’aurait pas eu la vie. — La seconde, c’est que tous ceux qui auraient pris la cène seraient sauvés : « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ». Tous les protestants, par exemple, auraient la vie éternelle. Voilà pourquoi nous disons que l’application directe de ce passage à la cène, fausse le passage et dénature celle-ci. Ceux qui ont mangé la chair du Fils de l’homme et bu Son sang, ont seuls droit à la cène, non pas pour avoir la vie, mais parce qu’ils l’ont par la mort de leur Sauveur.

Puissions-nous, avec intelligence et piété, savourer la valeur spirituelle de ce mémorial de la mort de notre Rédempteur.

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Relativement à la coupe, il est utile de considérer tout ce que la Parole nous dit du sang : Lorsque nous pensons à cette énorme quantité de sang des victimes, répandue comme préfigurant l’effusion du sang précieux de Christ — car on peut presque dire que la porte du tabernacle d’assignation était une boucherie permanente — nous pouvons nous faire une idée du prix que Dieu attachait au sang de Son Agneau.

Déjà, lors de la chute de l’homme, l’Éternel fit à Adam et Ève des robes de peau qui ne pouvaient provenir que de victimes, et les en revêtit. Ensuite Abel comprit qu’il fallait l’immolation d’une victime entre un pécheur et Dieu, et il offrit des premiers-nés de son troupeau. Plus tard, Noé, Abraham, Jacob, offrirent des sacrifices à l’Éternel, et cela dans un temps où il n’y avait aucune ordonnance qui prescrivît de le faire. Puis vient la promulgation des ordonnances, et, par suite, l’effusion d’une quantité de sang, à propos de laquelle la Parole nous dit, dans l’épître aux Hébreux : « Mais Christ étant venu, souverain sacrificateur des biens à venir, par le tabernacle plus grand et plus parfait qui n’est pas fait de main, c’est-à-dire qui n’est pas de cette création, et non avec le sang de boucs et de veaux, mais avec son propre sang, est entré une fois pour toutes dans les lieux saints, ayant obtenu une rédemption éternelle. Car si le sang de taureaux et de boucs — et les cendres d’une génisse avec lesquelles on fait aspersion sur ceux qui sont souillés — sanctifie, pour la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu sans tache, purifiera-t-il votre conscience des œuvres mortes pour que vous serviez le Dieu vivant !… La première alliance n’a pas été consacrée sans du sang. Car chaque commandement, pour ce qui concerne la loi, ayant été proclamé par Moïse à tout le peuple, il prit le sang des veaux et des boucs… et en fit aspersion sur le livre lui-même, et sur tout le peuple, en disant : « C’est ici le sang de l’alliance que Dieu vous a ordonnée ». Et, de la même manière, il fit aspersion du sang sur le tabernacle aussi et sur tous les vaisseaux du service. Et presque toutes choses sont purifiées par du sang, selon la loi ; et sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission » (Héb. 9, 11-22).

Tout cela préfigurait la nécessité de l’effusion du sang de Christ. Dieu avait présenté Christ pour propitiatoire par la foi en Son sang (Rom. 3). Le Seigneur dit que celui qui mange Sa chair et boit Son sang a la vie éternelle (Jean 6). Nous sommes justifiés par Son sang (Rom. 5). Nous avons la rédemption par Son sang (Éph. 1). Nous avons la liberté d’entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus (Héb. 10). Nous sommes venus au sang d’aspersion (Héb. 12). Nous avons été rachetés de la vaine conduite qui nous avait été enseignée par nos pères, non par des choses corruptibles, de l’argent ou de l’or, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, préconnu dès avant la fondation du monde, mais manifesté à la fin des temps pour nous (1 Pier. 1). Le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché (1 Jean 1). À Celui qui nous aime et qui nous a lavés de nos péchés dans Son sang ;… à Lui la gloire et la force aux siècles des siècles. Amen ! (Apoc. 1).

Ce sang précieux est sorti de Son côté percé, lorsqu’Il était déjà mort ; il n’aurait pu sortir du corps mort d’un enfant d’Adam. « Mais étant venus à Jésus, lorsqu’ils virent qu’il était déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais l’un des soldats lui perça le côté avec une lance ; et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau » (Jean 19, 33-34). Le même apôtre nous dit au chapitre 5 de sa première épître : « C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang, Jésus, le Christ, non seulement dans la puissance de l’eau, mais dans la puissance de l’eau et du sang ». Ce sang est un des trois témoins qui sont d’accord pour un même témoignage, savoir que la vie ne se trouve qu’en Christ, et nullement dans le premier Adam.

Tel est le prix que la Parole attache au sang de Christ. Or ce qui rend ce sang précieux, c’est qu’il est le sang d’un agneau sans défaut et sans tache. Il est le sang de Celui qui, par l’Esprit éternel, s’est offert à Dieu sans tache.

Il a donc fallu la mort de notre adorable Sauveur, pour que l’effusion de ce sang précieux pût avoir lieu, merveilleux antitype de tout le sang des victimes répandu depuis la chute de l’homme. Il a fallu que Son sang fût séparé de Sa chair. Il nous a donné cette coupe en nous disant : « Buvez-en tous. Car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs en rémission de péchés ». Et encore : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous » (Matt. 26, 27-28 et Luc 22, 20). La Parole ajoute ailleurs : « Faites ceci toutes les fois que vous la boirez, en mémoire de moi » (1 Cor. 11). La participation à cette coupe est donc la communion au sacrifice du Sauveur sur la croix. « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? » (1 Cor. 10).

Chose merveilleuse, bien-aimés ! le Seigneur nous a recommandé de boire, en mémoire de Lui, ce qui n’est rien moins que la communion de Son sang précieux. En y participant, nous bénissons cette coupe par nos actions de grâces, mettant notre sceau avec adoration sur le fait qu’en la buvant nous avons communion au sang répandu de notre Sauveur. Oui, pour les chrétiens qui répondent en quelque mesure à l’intention du Seigneur, il n’y a rien de plus délicieux que de se souvenir ainsi, dans le désert, de leur adorable Rédempteur, et de chanter ensemble :

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Le Seigneur a donné aux siens distinctement et successivement le pain et la coupe, et nous avons cherché à indiquer la valeur de ces deux choses à leur place, sans perdre de vue que ces deux éléments distincts proclament ensemble à notre foi la réalité de la mort du Sauveur. « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Cor. 11, 26).

Que de pensées bénies viennent se concentrer dans la célébration de la cène ! Les affections spirituelles et la conscience se trouvent en exercice devant ces symboles touchants. Il a désiré que nous nous souvenions de Lui, objet de nos affections spirituelles ; de Lui, le Seigneur, mais rejeté, trahi, mort en même temps pour nous, et mettant ainsi fin à notre état en Adam par le jugement qu’Il a porté. Dans la cène, nous annonçons aussi Son retour ; là encore, réunis ensemble, embrassant dans notre pensée tous les membres de Christ sur la terre, nous avons la douceur de proclamer le grand fait de l’unité du corps. Enfin la conscience reste en exercice, pour produire et maintenir la séparation pratique du péché qui a nécessité une telle mort. Toutes ces choses et d’autres encore viennent se réunir à cette table. On comprend comment la cène est la base du culte, et comment nous avons libre accès en la sainte présence de Dieu dans Son sanctuaire, sans conscience de péchés. Il fallait être rendus parfaits pour pouvoir s’approcher. Pour rendre culte, il fallait être purifiés, et n’avoir plus aucune conscience de péchés. Or c’est précisément ce que l’offrande de Christ a produit. « Par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés ». « Ayant donc, frères, une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant, qu’il nous a consacré à travers le voile, c’est-à-dire sa chair,… approchons-nous avec un cœur vrai, en pleine assurance de foi, ayant les cœurs par aspersion purifiés d’une mauvaise conscience, et le corps lavé d’eau pure » (Héb. 10). Sur ce pied-là, nous sommes bien, par grâce, ces vrais adorateurs que le Père a cherchés et dont Il voulait recevoir la louange en rapport avec la révélation de Son nom de Père, louange conduite par le Fils au milieu de l’Assemblée (voyez Ps. 22 et Héb. 2). Nous adorons Dieu, comme Dieu et comme Père, en Esprit et en vérité.

Une autre chose ressort encore de tout ce que nous venons de dire ; c’est que la célébration intelligente de la cène oblige nos cœurs à maintenir absolument intacte la sainteté de la personne de Christ, et les pousse à une fidélité rigoureuse envers Lui. Quelle contradiction, en effet, quand l’on refuse de se prononcer à l’égard des blasphèmes contre cette sainte personne ; quand, de plus, on abandonne le principe de l’unité du corps dont la fraction du pain est l’expression, et quand on prétend en même temps continuer à dresser la table du Seigneur.

Puissent Ses bien-aimés, ceux qu’Il a rachetés, connaître mieux la valeur de Sa personne et de Son œuvre ; puissent-ils trouver leur bonheur dans ce fait, qu’ils ont été rassemblés par Son nom pour se souvenir ensemble de Lui jusqu’à ce qu’Il vienne ! Ah ! que nous soyons de ceux que le Seigneur peut reconnaître comme gardant Sa Parole et ne reniant pas Son nom. Tenons ferme ce que nous avons, afin que nul ne ravisse notre couronne !



  1. Voyez la note dans la version nouvelle du Nouveau Testament Pau-Vevey, 2e édition.