Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 10

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Chapitre 16

Je m’étendrai un peu sur les détails des jugements de Dieu, tels qu’ils sont contenus au chapitre 16. C’est un douloureux et humiliant sujet, quand nous pensons que telle est la fin annoncée d’avance des progrès tant vantés de l’homme. J’essaierai donc de jeter un coup d’œil sur ces sept plaies. « Et j’ouïs une grande voix (venant) du temple, qui disait aux sept anges : Allez et versez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu » (v. 1). L’effusion de la colère n’est plus restreinte maintenant à la troisième ou à la quatrième partie de la terre ; mais au contraire, la scène tout entière est livrée au jugement. Il n’y a pas seulement un surcroît de sévérité, mais tout ce qui a possédé la lumière de Dieu et joui largement des privilèges extérieurs, est en complète apostasie et abandonné à Sa colère.

« Et le premier s’en alla et versa sa coupe sur la terre ; et un ulcère mauvais et malin vint sur les hommes qui avaient la marque de la bête, et sur ceux qui rendaient hommage à son image. Le second ange versa sa coupe sur la mer ».

Les quatre premières coupes ressemblent aux trompettes en ceci, que les unes et les autres tombent sur la terre et sur la mer, sur les fleuves et sur les fontaines des eaux, et finalement sur le soleil. Il peut se rencontrer certaines différences : par exemple, dans la quatrième trompette, ce fut seulement la troisième partie du soleil qui fut frappée. Ici, il est dit simplement : « le soleil ». Néanmoins, il s’agit de la même sphère. De plus, je pense que les objets de ces plaies, la terre, la mer, etc., ne doivent pas être pris au sens littéral seulement. Le langage est symbolique. Ce n’est pas que j’éprouve, dans mon esprit, la moindre difficulté à croire que Dieu ne puisse exécuter ces choses d’une manière littérale, si telle était Sa volonté. Il a ainsi fait avant ce jour. Il a changé en sang les eaux de l’Égypte, rempli de ténèbres un royaume et infligé des plaies semblables à celles que nous avons ici : de sorte qu’il n’y a pas de difficulté à concevoir que la même chose se renouvelle. Mais la seule question est de savoir si c’est là ce que nous devons recueillir du chapitre qui est devant nous. Je pense que non, et je crois que Dieu fait ici allusion à des plaies qui autrefois furent littérales dans le pays d’Égypte, mais qui ne sont rappelées maintenant qu’avec une portée symbolique, comme exprimant certains jugements de Dieu. Premièrement, ce sont les parties stables et organisées du monde qui sont frappées comme d’une maladie ulcéreuse là où les hommes portaient les stigmates de leur assujettissement au pouvoir civil apostat et à son idolâtrie. Ensuite, il y a un jugement sur la mer, c’est-à-dire sur les régions extérieures où la profession de la vie est tout à fait éteinte. La troisième division, représentée par des fleuves, désigne, ce me semble, des peuples formés en états séparés ou nationalités, comme des eaux qui coulent dans des canaux distincts sous une influence locale particulière ; et les fontaines désigneraient plutôt les sources de la prospérité d’une nation. Tous les principes actifs revêtent le caractère de la mort. Le troisième jugement s’applique à de moindres détails que les précédents. Le quatrième a lieu sur la suprême autorité publique.

Aux versets 5-7, nous avons un ou deux mots, qui, changés ou lus convenablement, ajoutent à la force et à la clarté complètes du passage : « Tu es juste, toi qui es et qui étais » etc. J’ai fait remarquer (au chap. 11) que les termes : « et qui seras » étaient ici absolument sans portée, et que l’expression « le Saint » est celle qu’appuient les meilleurs témoignages. C’est l’expression même qui se rencontre au quatrième verset du chapitre 15 — l’expression la moins usitée pour rendre le mot « saint ». Avant que ces coupes soient répandues, Dieu est célébré selon Sa miséricordieuse sainteté. « Tu es juste ». Cela était évident, car Dieu versait Sa colère sur les hommes dans leur iniquité précisément parce qu’Il était juste. Mais il y a plus que cela : — « Qui es et qui étais, le Saint ». Avant que les coupes fussent répandues, et encore maintenant qu’elles sont en voie de l’être, cela demeure vrai. L’ange des eaux atteste la bonté de Dieu, même pendant qu’Il juge ainsi — acte qui aurait pu paraître en contradiction avec cette bonté. Lui aussi, d’en bas, répond au cantique d’en haut. Si les saints qui se tiennent en repos sur la mer de verre, célèbrent Dieu comme étant miséricordieux dans Sa sainteté, l’ange confirme leur témoignage.

« Car ils ont versé le sang des saints et des prophètes. Tu leur as donné du sang à boire ; ils sont dignes » (v. 6, vers. angl.). Il s’agit d’une juste rétribution ; ils sont dignes dans un sens effrayant. « Et j’entendis » (non pas « un autre du côté de l’autel », mais) « j’entendis l’autel disant » (v. 7). Parler de « l’autel disant » paraît chose extraordinaire, et nul doute que les autres mots furent ajoutés parce qu’on trouvait cette forme si étrange. Mais il n’y a là rien de contraire à l’usage prophétique, si l’on considère cette forme au point de vue symbolique. Personne ne voudrait intentionnellement introduire une difficulté dans l’Écriture ; mais il n’est que trop commun de chercher à écarter de la Parole ce que l’on ne comprend pas, afin de le mettre en accord avec la façon de penser ordinaire. De plus, vous avez ailleurs ce qui nous prépare à la familiarité de cette forme. Au chapitre 9, 13, il est dit : « Et j’entendis une voix (sortant) des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu ». Ici (chap. 16), la figure va plus loin : la voix est déclarée être celle de l’autel lui-même. Pour moi, ce fait confirme ce que nous avons eu plusieurs fois occasion de remarquer — à savoir, combien les hommes sont impropres à se mêler de retoucher l’Écriture, malgré leur disposition à le faire. Voici pourquoi l’expression : « J’entendis l’autel disant » possède une grande force. Dans une portion précédente du livre, on voyait sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été « égorgés pour la Parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu ». Ici maintenant, cet autel qui avait été témoin de l’effusion de leur sang est dit crier à Dieu et reconnaître que Ses jugements sont véritables et justes. Dans le premier livre de la Bible, il est parlé de la terre comme criant à Dieu au sujet du sang d’Abel : à combien plus forte raison l’autel ne devait-il pas crier au sujet du sang des saints martyrs pour Dieu ? Selon moi, cette forme est d’une convenance toute particulière. S’il se fût agi simplement d’un ange, cela n’eût été qu’un lien relativement distant ; car un ange, bien que servant en faveur de ceux qui sont héritiers du salut, n’entre pas aussi directement dans leurs souffrances : tout au plus peut-on dire qu’il éprouve une sympathie immédiate pour eux. Mais Dieu a non seulement vu les os de Ses saints dispersés sur les froides montagnes, comme s’expriment les poètes ; Il considère, de plus, Ses saints comme autant d’holocaustes s’élevant devant Lui, et dont le sang, ou plutôt l’autel qui en est témoin, crie d’indignation et demande la colère. Le Seigneur peut paraître assoupi pour un temps ; mais quand Il se lèvera comme quelqu’un qui se réveille, Il vengera sûrement leur sang de ceux qui habitent sur la terre. Et maintenant ce temps-là est proche. La grande Babylone n’était pas encore venue en mémoire devant Dieu, quoiqu’elle fût dès le commencement la corruptrice particulière de la vérité et qu’elle se fût enivrée du sang des saints. Mais cependant l’autel ne peut pas se tenir en repos, et le Seigneur écoute. Car le Dieu qui recueille les soupirs de la création répondra sûrement au cri de l’autel concernant ses égorgés.

« Et le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil ; et le pouvoir fut donné à celui-ci de brûler les hommes par le feu » (v. 8). C’est un jugement sur le soleil, type du gouvernement suprême ; de sorte que ce qui aurait dû être l’instrument de la lumière et du bien-être, le grand luminaire destiné à dominer sur le jour, devient maintenant l’instrument pour brûler les hommes par le feu. L’effet de sa tyrannie est insupportable. « Et les hommes furent brûlés par de grandes chaleurs, et ils blasphémèrent le nom de Dieu qui a pouvoir sur ces plaies, et ils ne se repentirent pas pour lui donner gloire » (v. 9).

« Et le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête », etc. (v. 10). Nous entrons maintenant dans une catégorie de jugements quelque peu différents ; car les trois dernières coupes diffèrent des quatre premières, tout comme les trois dernières trompettes différaient de caractère avec les autres ; et il en est de même pour ce qui regarde les sceaux. Il est évident que la cinquième, la sixième et la septième coupes sont distinctes des quatre précédentes. Le jugement tombe sur le trône de la bête et sur son royaume, non sur la bête elle-même, laquelle, apparemment, n’est pas atteinte par ces coupes. Elle est réservée pour le jugement que le Seigneur Jésus Lui-même exercera à Sa venue, et sera détruite par Son apparition. Ici le coup est seulement frappé contre le siège de son autorité ; et de même qu’autrefois le roi Pharaon fut endurci, pareillement ici les hommes blasphèment contre le Dieu du ciel et ne se repentent pas pour leurs œuvres (v. 11). Lorsque Dieu se manifestera comme le Dieu de la terre, une telle repentance ne sera pas possible.

« Et le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve Euphrate ; et l’eau de ce fleuve tarit, afin que la voie des rois qui viennent du soleil levant fût préparée » (v. 12). L’Euphrate était la grande limite orientale de l’empire romain, la limite reconnue jusqu’à laquelle les Romains avaient étendu leurs conquêtes. De sorte que le dessèchement du fleuve semblerait signifier que ce côté-ci de l’empire serait laissé ouvert comme un passage par lequel les puissances de l’Orient viendraient se mélanger avec celles de l’Occident, ou bien les assaillir. Un des effets de cette coupe serait donc le déplacement de la barrière orientale, fait par lequel la voie des rois qui proviennent du soleil levant serait ainsi préparée, probablement pour les grandes luttes finales. Mais il y a plus que cela. « Je vis sortir de la bouche du dragon, et de la bouche de la Bête et de la bouche du faux prophète, trois esprits immondes comme des grenouilles » (v. 13). Ceci précède juste la fin. Ces esprits murmurateurs procédaient de la bouche des trois pouvoirs que nous avons vus au chapitre 13 : du dragon, l’ennemi déclaré de Christ ; de la Bête, l’empire romain rétabli ; et du faux prophète, la bête au caractère ecclésiastique, qui avait deux cornes semblables à un agneau, imitant la puissance de Christ, mais ici présentée seulement sous le masque trompeur de la religion. « Car ce sont des esprits de démons faisant des miracles, qui s’en vont vers les rois de toute la terre habitable pour les assembler pour le combat de ce grand jour du Dieu tout-puissant ». Cette déclaration confirme ce que je viens d’avancer au sujet de l’Euphrate. C’est une collision générale des rois de tout le monde habitable. Ce ne sont pas seulement les puissances occidentales, mais aussi les orientales. C’est le grand jour.

Mais nous arrivons maintenant à une parenthèse importante. Comme cela avait déjà eu lieu sous le sixième sceau et sous la sixième trompette, de même ici nous avons une interruption : « Voici, je viens comme un larron. Bienheureux est celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin de ne pas marcher nu et qu’on ne voie pas sa honte » (v. 15). C’est le Seigneur qui vient, mais qui, alors, vient en jugement pour surprendre la terre ; et c’est la raison pourquoi une semblable figure est employée. Le larron vient d’une manière inattendue et importune ; et bien plus repoussante sera pourtant encore la venue du Seigneur pour la terre. Mais il y aura des saints pour lesquels elle sera bienvenue, et à qui Son apparition apportera la délivrance par le jugement de leurs ennemis. Et il est enjoint à ces saints-là de veiller de près dans la vie de chaque jour. « Voici, je viens comme un larron ». Ce n’est pas ainsi que le Seigneur se présente à nous, sauf en ce qu’Il nous dit comment Il apparaîtra au monde ou à la masse professante qui y est plongée. Lorsque c’est à nous qu’Il parle de Son arrivée, Il dit : « Je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as afin que personne ne prenne ta couronne ». Aurait-on besoin de dire de combien cette parole est plus précieuse ? Venir comme un larron présente l’idée de la surprise. Pour nous, Il viendra comme un Seigneur plein de grâce, qui aime que nous trouvions le repos de nos affections et notre gloire en Lui et avec Lui : telles sont notre portion et notre espérance propres. Ici, il ne s’agit pas d’un enlèvement au ciel, mais d’une délivrance juive par le moyen du jugement.

Puis, après la fermeture de la parenthèse, il est dit : « Et il les assembla au lieu appelé en hébreu : Armagédon » (vers. angl.). Il pourrait paraître singulier qu’il soit dit : « Il les assembla » ; car au quatorzième verset ce sont les esprits de méchanceté, ou esprits de démons, qui sont sortis pour assembler les rois de la terre. En voici la raison. Dans le langage que le Saint Esprit emploie ici, le terme peut signifier également « il assembla » où « ils assemblèrent ». Il y a certains cas où, dans ce langage, il est difficile d’établir si c’est par le pronom singulier ou par le pluriel qu’il faut rendre l’original, et celui-ci en est un. Le terme « démons » est de telle nature que le verbe dont il est sujet peut être, ou singulier ou pluriel. Ici le sujet n’est pas exprimé : il est donc laissé jusqu’à un certain point au choix du lecteur : tout dépend du sens du contexte. Si on traduit : « Il assembla », on a dans sa pensée le Dieu tout-puissant qui pourrait être dit faire une telle chose par l’intervention de ces esprits immondes. Si on se décide pour « ils assemblèrent », cela signifierait simplement que les esprits de démons avaient atteint le but pour lequel ils étaient envoyés. Au verset 14, ils se mettent à l’œuvre pour assembler les rois, et au verset 16 les rois sont assemblés.

Le lieu de rassemblement qui est mentionné ici, appelé en hébreu Armagédon, présente, pensé-je, une allusion à Juges 5, 19. « Les rois sont venus ; ils ont combattu ; les rois de Canaan ont alors combattu à Thaanac, près des eaux de Meguiddo ». Ce n’est pas que Meguiddo fût un lieu de grande étendue ou de grande renommée. Dieu regarde au principe impliqué dans ce qui se passe là. Israël était dans une pauvre condition. Il y avait une prophétesse dont l’Éternel se servait pour leur donner du courage ; et lorsqu’ils étaient encouragés par elle, ils remportaient une grande victoire sur leurs ennemis. Le même lieu est mentionné en 2 Chroniques 35, 22, où Josias reçut sa blessure mortelle en combattant contre le roi d’Égypte. Mais je doute que ce soit à cet incident que l’Esprit de Dieu fasse ici allusion. Car au temps des Juges à Meguiddo se rattachait un souvenir de joie et de triomphe pour Israël. Au temps de Josias, c’était un lieu de tristesse : tout Juda et Jérusalem menaient deuil sur Josias. Ce fut « le deuil d’Hadadrimmon dans la plaine de Meguiddo » (Zach. 12, 11) qui, historiquement parlant, fit écrire le livre des Lamentations. Pour cette raison donc, je crois que Armagédon (c’est-à-dire la montagne de Meguiddo) se rapporte ici, non pas à la douleur de Juda en 2 Chroniques, mais au rassemblement et à la défaite des rois gentils mentionnés dans le livre des Juges : car ici, c’est le Seigneur qui renverse les nations. Il avait été déclaré Roi des nations en Apocalypse 15. C’est pourquoi, trouver ici une allusion à un temps où le pieux monarque juif fut mis à mort par un Gentil, serait chose peu appropriée ; tandis qu’en y voyant un rapprochement avec le jour ou Israël avait été conduit à la victoire, même par une femme, nous sommes bien naturellement amenés à la scène décrite ici, dans laquelle les rois du monde entier sont assemblés, mais seulement pour une destruction plus terrible.

Quelques mots suffiront au sujet de la dernière coupe. « Et le septième versa sa coupe dans l’air : et il sortit du temple du ciel une grande voix qui procédait du trône, disant : C’est fait » (v. 17). Ce jugement-ci est plus pénétrant et affecte plus les hommes et leur respiration de vie qu’aucun de ceux que nous avons vus précédemment. Il a lieu sur l’air si indispensable à l’existence de l’homme. Au point de vue symbolique, c’est un jugement qui frappe quelque chose d’essentiel à la vie et au bien-être des hommes, comme ce que nous respirons. Tout est terminé pour ce qui concerne la colère de Dieu répandue par le moyen des coupes.

« Et il se fit des éclairs, et des voix et des tonnerres, et il se fit un grand tremblement de terre, un tel tremblement, si grand, qu’il n’y en eut jamais de semblable depuis que les hommes sont sur la terre. Et la grande ville fut divisée en trois parties, et les villes des nations tombèrent ». Il s’opère une convulsion profonde et sans exemple dans les associations civiles, ne renversant pas seulement ce qui est appelé « la grande ville » (ou tout ce qui avait été établi dans la limite de l’empire romain), mais encore les villes des nations. Cette dernière parole signifie que tout ce que les nations avaient édifié au point de vue politique, en dehors de Rome, est frappé de ruine. Et ce qui plus est, la grande Babylone — cette contrefaçon de l’Épouse, ce système de mal religieux jusqu’à présent entouré d’un si grand succès, la mère des prostituées et des abominations de la terre, Babylone la grande, vint en mémoire devant Dieu, pour recevoir de Lui la coupe du vin de la fureur de Sa colère. Ce dernier terme, Babylone la grande, a plutôt trait au caractère moral, à l’idolâtrie.

« Et toute île s’enfuit, et les montagnes ne furent pas trouvées. Et une grande grêle, du poids d’un talent, descend du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu », etc. (v. 20, 21). Il n’est pas nécessaire que je m’étende d’une façon particulière sur l’explication offerte par les principaux défenseurs de l’interprétation historique. M. E. appliquait le tourbillon de grêle à quelque terrible châtiment de la France, le royaume le plus au nord des pays papistes, cela d’une manière bien analogue à ce qu’il s’était imaginé des précédents jugements, ainsi qu’il le disait, de la septième trompette. Et cette opinion est encore celle qui est établie dans le texte des Horae Apoc., volume IV, page 23. Mais, dans une note, il fait remarquer que plusieurs commentateurs préfèrent l’appliquer à la puissance russe. « En revoyant mon ouvrage, dit-il, et en comparant cette prophétie avec celle d’Ézéchiel 38 et 39, qui semble indiquer la Russie comme prenant part à la grande lutte prémilléniale, ainsi que cela sera exposé à la fin de mon prochain chapitre — je ne puis pencher vers la même vue. Je remarque que la grande grêle est dite ici tomber après, non avant, la division de la ville en trois parties ». Ayant déjà émis ma manière de voir sur le cas similaire de Apocalypse 11, 19, et montré l’erreur qu’il y a à faire rapporter ce verset à la septième trompette — ce qui constitue la prétention de ces écrivains — il me suffira de remarquer que le parallèle avec Ézéchiel est particulièrement malheureux, parce que, dans ce prophète, la scène se passe en Palestine, et non pas dans l’empire papiste, ou l’Occident ; que l’issue n’est pas en un fléau infligé aux autres, et comme conséquence, Dieu blasphémé, mais dans la complète déroute du prince de Rosh, de Méshec et de Tubal avec sa nombreuse multitude, et Dieu sanctifié par cela même. « Et j’entrerai en jugement avec lui par la mortalité, et par le sang, et je ferai pleuvoir sur lui, et sur ses troupes, et sur les grands peuples qui sont avec lui, des torrents d’eau, de pierres de grêle, du feu et du soufre ». Ainsi, c’est Dieu qui frappe de grosses pierres de grêle la Russie envahissante, et non pas elle qui frappe les autres. « Je me glorifierai, et je me sanctifierai (ce n’est donc pas les hommes blasphémant Dieu à cause du fléau de la grêle) et je serai connu en la présence de plusieurs nations ; et elles sauront que je suis l’Éternel ». En vérité, le lecteur n’a simplement qu’à examiner le contexte du prophète juif pour avoir raison de l’absurdité qu’il y a à mettre cette scène en connexion avec le tourbillon de grêle de la septième coupe. Car les Juifs, savoir Israël envisagé dans son ensemble, sont supposés être à ce temps-là restaurés et unis dans leur propre terre, lorsque Gog l’envahit par soif de conquête. Il n’y a nulle raison de penser que tel soit le cas sous les coupes. M. E. non plus n’en juge pas ainsi, si je comprends bien ses remarques sur le premier « Alléluia » entonné au chapitre 19, et qu’il considère comme indiquant la conversion des Juifs après la catastrophe finale de Babylone, lorsque la dernière coupe a été versée et a marqué le temps de sa destruction.

Avant que Dieu établisse Son dessein en puissance, vous voyez un accomplissement moral à l’œuvre, soit dans Son peuple soit dans le monde. Ainsi, par exemple, si Dieu doit produire une séparation de Son peuple par le jugement, et c’est ce que nous avons au chapitre 15, je ne doute pas que dès maintenant Son peuple ne soit gracieusement mis à part par l’Esprit de Dieu. Si, de l’autre côté, le cœur des hommes doit être frappé d’une énergie d’erreur de sorte que même les « jugements de Dieu » ne feront qu’aggraver le mal selon toute apparence, quelque chose d’analogue s’opère de nos jours. N’est-ce pas un signe effrayant que des chrétiens, en face de paroles telles que celles-ci, puissent attendre quelque amélioration réelle des choses dans l’état où elles sont actuellement ? Ici nous avons la véritable scène finale dévoilée par le Seigneur, après tous les efforts et toutes les vanteries des hommes. Les parties de la terre les plus favorisées, son centre moral et civilisé, seront remplies d’apostasie, et c’est que la colère de Dieu doit se compléter. Ceci doit avoir lieu avant que le Seigneur Jésus vienne en gloire pour établir Son royaume, car c’est à Lui en personne que la Bête aura affaire. Sous les coupes, c’est Dieu qui châtie dans Sa colère. Mais quel en est l’effet ? Les hommes blasphèment Dieu. Au lieu de se repentir, ils vont en empirant à chaque pas.

C’est une terrible chose que de voir ce mal se répandre moralement sur le monde ; mais, de Son côté, le Seigneur aussi met à part pour Lui-même par la foi et l’amour. Puissions-nous retenir ferme la grâce ! Nous en aurons besoin. C’est le seul lieu, non seulement de privilège, mais de sécurité. Que penserions-nous de l’homme qui voudrait n’aller qu’aussi loin qu’il juge pouvoir le faire pour n’être pas perdu ? d’un homme qui sent le besoin d’être sauvé, mais qui, en même temps, voudrait pratiquer le péché autant que son opinion le lui permettrait avec la possibilité d’échapper à la fin ? Mais comme le Seigneur met à part au moyen de l’affection individuelle pour Sa personne là où il y a de la foi, ainsi voyons-nous l’inverse là où la foi fait défaut. Dieu livre les hommes à une énergie d’erreur, et tout ce qu’Il opère par la voie des jugements ne fait que les endurcir. C’est là ce qui a lieu maintenant d’une manière préparatoire : les hommes s’abandonnent à leurs propres mensonges et y fixent leur choix. La pleine, la pure vérité est désagréable et redoutée. En sorte que, quoique l’Esprit de Dieu s’applique à présenter à Son peuple la vérité dans toute sa simplicité, les hommes se rassurent obstinément par l’idée chimérique qu’après tout, l’état des choses n’est pas tellement mauvais, que, s’il est des choses à regretter, on pourra bientôt y remédier. Car aujourd’hui il y a tant de moyens de secourir les pauvres, il y a de si délicieux rapprochements entre les riches et eux — des alliances si pleines d’espérance, qui sollicitent les hommes à s’unir et à se joindre les uns aux autres, malgré leurs petites dissidences, en vue de ce grand objet — le progrès social, l’amélioration de la chrétienté, et la régénération du monde ! Mais tout cela est fondé sur la misérable erreur qui ignore et qui nie que c’est sur la chrétienté que la colère de Dieu doit être accomplie et versée. Il est impossible que des chrétiens qui réalisent la vérité que de tels jugements sont proches, se prêtent à un système qui implique directement le contraire. Prenons, par exemple, un condamné qui est conduit à l’échafaud : que penserait-on d’un chrétien qui, sachant cela, occuperait le temps du criminel en expériences chimiques ou par un discours sur la mécanique ? Combien moins encore pourra ainsi agir celui qui sent cette solennelle vérité, que le monde gît bien réellement sous la sentence de condamnation que déclare la Parole de Dieu. Christ seul est la puissance de Dieu pour mettre toutes choses en ordre. Quand Il viendra, et seulement alors, le courant du mal sera refoulé et Satan lié ; mais même les jugements divins ne sauraient à part de Christ produire un tel résultat.

Puissions-nous être vigilants, cherchant toujours à lier Christ avec notre témoignage ! Telle est la grande portée pratique de tout ceci pour le moment actuel. Nous pouvons quelquefois empêcher la bénédiction en présentant la vérité, mais non pas en Christ, si je puis m’exprimer de la sorte. Mais il faudrait que le cœur s’égarât d’une bien triste manière pour la repousser ainsi présentée. Veuille le Seigneur que nous gardions ces choses devant nos âmes : nous séparer complètement de tout ce qui est du monde, et conserver dans la joie cette position de victoire, nos cœurs entonnant le cantique dont l’Agneau est le sujet, comme Il nous donne seul le pouvoir de le chanter ! Puissions-nous ne jamais penser au monde que comme à une scène jugée, ayant conscience de la terrible colère à laquelle il ne peut pas échapper ! Cela ne nous fera pas douter de la puissance de Christ pour délivrer les individus ; mais cela nous préservera d’être indifférents soit au mal qui est dans le monde, soit au jugement divin qui l’attend.

Chapitre 17

L’Esprit de Dieu nous a montré la destruction de Babylone sous la dernière coupe. Nous avons maintenant à apprendre, par le chapitre qui est devant nous, quel était le mal qui lui donnait un caractère tout spécial, ou ce qu’il y avait en elle qui excitait à un si haut degré la haine de Dieu ; non pas seulement ce qu’était sa propre conduite, mais ce qu’il y avait dans sa connexion avec d’autres que Dieu ne pouvait supporter plus longtemps — pourquoi, enfin, Il la met à part de tout le reste pour Sa vengeance. Et cela n’est pas une chose que nous puissions écarter de nous comme relativement étrangère ou distante, ainsi que pourraient l’être certaines autres choses dans l’Apocalypse. Car, bien qu’il puisse y avoir et que, je n’en doute pas, il doive y avoir un développement plus étendu de Babylone, cependant Dieu regarde à elle comme à un tout moral, comme à un système de corruption qui a été et qui est encore en œuvre. Au temps où il ne sera plus possible de différer le jugement, ce système pourra s’être particulièrement aggravé dans sa forme ; mais le mal existe déjà et il est actif. Babylone n’est pas tant le piège d’un homme profane que le piège de celui qui, ayant une certaine idée de religion, cherche à la concilier avec le monde. C’est dans ce cas que cette influence corruptrice devient pour l’âme la source des plus grands dangers.

Maintenant, nous allons voir que le chapitre nous fournit, tout d’abord, la vision que l’apôtre Jean est appelé à contempler ; nous y trouvons ensuite une certaine explication de cette vision. La parole de l’ange commence plus particulièrement dans ce sens au septième verset, tandis que les six premiers sont remplis du récit de la vision. Je voudrais faire encore une remarque avant d’aller plus loin. Dans un sens historique, ce chapitre ne nous porte pas en avant. C’est plutôt un regard en arrière que le Saint Esprit jette sur le caractère, la conduite et les relations de cette Babylone qui déjà avait été montrée comme l’objet du jugement de Dieu. Ceci est digne de remarque, parce que, si on ne le voit pas, il y a inévitablement confusion dans nos pensées sur le livre. Au chapitre 14, nous avons eu la chute de Babylone en connexion avec les œuvres de méchanceté de Satan, et avec les dispensations de Dieu en bonté ou en puissance, y compris le jugement du Fils de l’homme à la fin. Or, il n’est pas de médiocre importance de connaître d’une manière précise la place qu’il faut s’attendre à voir cette intervention de Dieu occuper, et c’est ce que nous avons trouvé immédiatement après dans le même chapitre ; car nous avons vu que dans les jugements providentiels de Dieu — et par là j’entends ceux qui sont exécutés par les anges et non par Christ directement — Babylone est réservée pour le dernier coup de Sa colère sous la septième coupe. C’est Dieu agissant — Dieu se servant encore des anges. Jusqu’ici le Seigneur Jésus se tient tranquille, si je puis m’exprimer ainsi ; Il n’agit pas encore personnellement en vengeance sur la terre.

En Apocalypse 17, le Saint Esprit s’arrête pour entrer dans les détails de la cause morale de la terrible chute de Babylone. « Et l’un des sept anges qui avaient les sept coupes, vint, et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai le jugement de la grande prostituée, qui est assise sur plusieurs eaux » (v. 1). Elle est décrite ici comme une prostituée ; non seulement comme une femme, mais comme une femme licencieuse et corrompue. Et je présume que nulle personne sans prévention ne doutera que ce terme soit employé ici en rapport spécial avec la corruption religieuse. Un peu plus bas, au troisième verset, il est dit que Babylone est assise sur la bête ; ici, elle est assise sur plusieurs eaux. Il y a dans le grec une légère différence : « Assise sur plusieurs eaux », ne veut pas dire qu’elle était littéralement ou localement dessus, mais à côté. Ainsi, par exemple, vous pouvez dire que Londres est assis sur la Tamise. Or, l’homme de la plus médiocre intelligence ne supposerait pas que cela signifie que Londres soit effectivement situé et bâti sur le lit du fleuve, mais que la Tamise est le cours d’eau qui caractérise Londres. Pareillement ici, dans le même sens, vous avez la prostituée décrite comme étant assise sur ou près de plusieurs eaux. L’explication de celles-ci est donnée au verset 15 : « Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, et des foules, et des nations et des langues ». La figure implique l’influence immensément étendue qu’exerce cette femme abandonnée. Mais il y a plus que cela. Au second verset, il est dit : « avec laquelle les rois de la terre ont commis fornication ; et ceux qui habitent sur la terre ont été enivrés du vin de sa prostitution ». Il y a quelque chose de plus que le fait qu’elle est assise sur la masse des eaux ; il y a un commerce de mauvaise nature soutenu avec les rois de la terre — le pouvoir par lequel, en séduisant, elle détourne les affections de la personne de Christ, qui est le seul objet digne de tout amour et de toute adoration. Dans la sphère où la lumière de Dieu a été manifestée, les chefs ou conducteurs sont entraînés par la corruptrice, et les peuples sont entièrement dépouillés, quant à tout discernement de la pensée de Dieu.

Rien ne saurait donc être plus clair que la portée générale de ces quelques versets. D’abord c’est la vaste influence de Babylone qui nous est présentée sous la figure d’une femme assise au bord de plusieurs eaux ; ensuite, nous avons les grands conducteurs de la chrétienté, les rois de la terre, qui ont commis fornication avec elle ; et enfin, les habitants de la terre rendus stupides par le vin de sa prostitution. Il y a différents degrés de culpabilité, mais tous ils résultent d’un lien plus ou moins intime avec Babylone. « Et il me transporta en Esprit au désert » (v. 3). En dépit de tout l’orgueil et de toute la gloire mondaine de Babylone, pour le saint de Dieu le désert est le seul lieu où l’Esprit le transporte pour la contempler. Dans le cas où Jean aurait été transporté par son propre esprit (si l’on ose ainsi parler), il eût été vraisemblablement conduit à chercher Babylone, non pas dans le désert, mais au mirage de quelque jardin du Seigneur. Mais il est conduit par l’Esprit du Seigneur au désert, et là il voit la prostituée assise sur une bête couleur d’écarlate : description plus spéciale et de plus sinistre importance, comme nous l’avons remarqué, que celle qui nous en est fournie à la fin du verset premier. Ceci nous montre la position effective de la femme. Elle possède la suprématie sur l’empire romain. Car on ne saurait légitimement mettre en question que la bête qui est ici placée devant nous, soit ce même empire romain au sujet duquel nous avons, dans les chapitres précédents, entendu le récit de si terribles actions et d’un jugement de si triste présage. C’est la bête qui est pleine de noms de blasphèmes, ainsi que nous avons vu ses têtes présentées au chapitre 13, 1. Babylone est une prostituée ou un système corrupteur ; mais c’est à la bête qu’il appartient de blasphémer. C’est un mal plus ouvert et plus audacieux. La femme est plus séduisante dans sa manière de faire, et elle s’empare des affections. Mais le blasphème est l’expression d’un pouvoir qui ne craint ni Dieu ni les hommes. Quant à la femme, bien qu’assise sur la bête, heureuse d’être exaltée par elle et disposée à l’employer pour le service de ses propres desseins, elle représente pourtant d’une façon distincte le système religieux du monde. Elle est « vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses » : — symboles évidents de tout ce que le monde tient pour beau, pour grand et pour glorieux ici-bas. Mais elle a aussi « à la main une coupe d’or, pleine d’abominations, et les impuretés de sa prostitution » (v. 4). Au mépris de toute sa brillante et pompeuse splendeur, comme le Saint Esprit fait parallèlement ressortir ce qu’il y a de plus dégoûtant en elle ! Il ne trouve pas de termes trop forts pour exprimer le sentiment qu’il a des choses vues dans la coupe. Elle est « pleine d’abominations, et de l’impureté de sa prostitution ». Dans l’Écriture, le terme « abominations » indique constamment l’idolâtrie. C’est là le trait distinctif le plus grave en Babylone. Comme la bête était pleine de noms de blasphème, ainsi la coupe de la prostituée était pleine d’abominations. Mais outre l’idolâtrie, il y avait en elle cette influence corruptrice ici appelée l’impureté de sa prostitution. Ce sont deux choses distinctes. L’influence dépravatrice a pu exister sans les idoles, mais en Babylone les deux choses sont activement à l’œuvre.

Dans les églises apocalyptiques, vous remarquerez que Pergame introduit la doctrine de Balaam, qui, entre autres choses, enseignait à commettre la fornication. Arrivés à Thyatire, nous voyons Jésabel qui impose l’idolâtrie par la force. Ici, en Babylone, les deux choses sont réunies. Les maux qui se glissèrent dans la chrétienté, dès ces premiers jours de son existence, et qu’on discernait en Pergame et en Thyatire, apparaissent tous deux concentrés et sans déguisement dans la coupe de cette méchante femme. Ils bourgeonnaient alors ; mais maintenant les voilà pleinement épanouis devant le prophète dans tout ce qu’ils ont de haïssable. Ils peuvent être parés de tout le faux lustre de ce monde, mais rien n’en saurait changer ni cacher le caractère réel devant Dieu.

« Et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère ; Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre » (v. 5). Il y avait une grande prétention à la vérité, un chef-d’œuvre de contrefaçon de l’ennemi à l’endroit des voies révélées de Dieu. Il y avait eu le mystère de Christ et de l’Église ; maintenant, il y a le mystère de cette anti-église, non pas le mystère de la foi et de la piété, mais celui de l’iniquité : Babylone la grande assise sur la bête, contraste effrayant de l’Église assujettie à Christ. Ici, elle gouverne la bête. La sainte cité, Jérusalem, « descend du ciel d’auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu » — non pas « la grande cité »[1], mais la sainte cité, qui représente le véritable aspect sous lequel Dieu caractérise l’Épouse, la femme de l’Agneau, l’Église glorifiée. Ce système religieux, au contraire, montait de la terre — pour ne rien dire de plus — attirait dans son impur embrassement les rois de la terre, et étendait au loin son influence maligne. Telle était Babylone, la mère des prostituées et des abominations de la terre. De quelque genre de mal que Satan se soit servi dans le but de détourner de Christ les affections, quels que soient les objets idolâtres qui ont usurpé la place de Christ, Babylone est la mère de tous. C’est Babylone qui a enfanté tous les systèmes mondains et toutes les idolâtries dont l’ennemi s’est servi pour entraîner les âmes entièrement loin du Seigneur.

Il est une autre chose mentionnée dans la vision, et plus extraordinaire encore pour l’esprit du prophète. Il ne pouvait pas mettre en doute le caractère religieux de cette femme, Babylone la grande ; mais il la voit en même temps enivrée du sang des saints. Il pouvait bien comprendre qu’un système religieux se corrompît. Jérusalem elle-même était, hélas ! devenue semblable à Sodome et à Gomorrhe, pour la culpabilité d’abord, et à peu près pour le jugement ensuite. Mais, que la femme fût enivrée du sang des saints, c’est ce qui saisit d’un grand étonnement l’esprit même de Jean. Si mauvaise que soit la passion, ce n’est pas la plus mauvaise chose dont le cœur de l’homme est capable. C’est dans la tromperie de la fausse religion que Satan déploie directement sa puissance. Car la chose même que Dieu a donnée pour répandre la lumière et la bénédiction, pour gagner les cœurs et les amener en communion avec Lui-même, c’est la chose dont l’ennemi abuse pour faire de l’homme un homme pire que jamais — deux fois plus qu’auparavant fils de la géhenne.

Quelque étonnement que Jean ait éprouvé autrefois à entendre prononcer une telle sentence sur la bien-aimée mais coupable Jérusalem, il a à en éprouver ici un plus grand encore lorsqu’il apprend que cette femme, qui s’était mise à la place de l’Église, ne finirait pas seulement dans une même sanglante culpabilité, mais serait, de plus, enivrée du sang des martyrs mêmes de Christ. Voilà ce qui véritablement le saisissait de surprise (v. 6).

Mais nous arrivons maintenant à l’explication que l’ange fournit sur la vision. C’est de sérieuse importance ; car vous découvrirez ceci, que quand c’est Dieu qui interprète, Il ne nous démontre pas seulement ce qui réclamerait une solution, mais Il nous donne une surabondance de vérité. « Et l’ange me dit : Pourquoi es-tu étonné ? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a sept têtes et dix cornes » (v. 7). C’est ici, de fait, le sujet principal du chapitre : une description plus particulière de la femme et de ses rapports avec la bête, l’empire romain. Car il est bien manifeste et au-dessus de toute contestation, que la femme et la bête sont deux choses distinctes. Car si la bête est l’empire romain, ainsi que l’auront vu ceux qui m’ont suivi dans l’étude de ce livre, la femme ne saurait l’être. Elle peut être assise sur la bête ; mais pour cette raison même elle ne saurait être une même chose avec elle. Et non seulement la femme est distincte de la bête ; mais, comme nous le verrons plus loin, la bête se tourne contre la femme et prend part à sa destruction.

Donc, de toute évidence, il est impossible de supposer que la femme et la bête soient une même chose. À la fin, elles se trouvent opposées l’une à l’autre d’une manière si violente, que l’une devient l’instrument de la destruction de l’autre. De sorte que la femme doit être nécessairement quelque pouvoir distinct de l’empire. Nous trouverons encore d’autres raisons qui confirment cette distinction entre elles.

« La bête que tu as vue, était et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la destruction ; et ceux qui habitent la terre, dont le nom n’est pas écrit dès la fondation du monde au livre de vie, s’étonneront en voyant la bête qui était et qui n’est plus et qui sera présente » (v. 8). Je n’hésite pas à dire que c’est ainsi qu’il faut rendre la dernière partie du verset. Cela ne sera mis en question par nul de ceux qui sont suffisamment familiers avec le sujet pour se former une opinion, On peut différer dans l’explication du verset, mais on ne pourrait douter que telle soit la véritable manière de le rendre. Dans le premier cas, le texte reçu est presque en contradiction avec lui-même et n’offre point un sens juste.

Maintenant, considérons un peu ce qui est enseigné dans ce verset. Comme nous l’avons vu ci-devant, la bête est l’empire romain. Mais nous apprenons ici que cet empire devait cesser d’être. Les contrées et les peuples qui le composaient, subsisteraient, eux ; mais son unité impériale cesserait d’exister. Les parties fragmentaires seraient là, chaque nation ayant son gouvernement propre et indépendant ; mais il n’y aurait pas de lien en faisant un corps. Telle est leur condition de nos jours, et telle elle a été depuis plus de mille ans. « La bête que tu as vue, était et n’est pas, et va monter de l’abîme ». L’ange caractérise cet empire d’une façon dont nul autre ne l’a été, ni ne pouvait l’être. On le trouverait d’abord dans sa force, puis il devait cesser, et plus tard se relever. Mais il est un trait excessivement grave qui se rattache à la réapparition de l’empire, c’est d’avoir un caractère diabolique. Et comme il vient de Satan, ainsi il doit finir avec Satan : « il va à la destruction ».

Ces choses ne pourraient pas être dites dans le même sens ou avec la même rigueur de quelque autre empire que ce soit. Tous ceux qui ont jusqu’ici paru sur la terre, ont eu un moment auquel ils se sont formés, puis un moment où leur puissance a brillé dans toute sa splendeur, et enfin ils se sont éteints — subitement ou graduellement — pour ne jamais se relever. Je ne sache pas d’exemple du contraire. La destinée de cet empire qui occupait une place si prééminente dans l’esprit de l’apôtre Jean est des plus particulières. Il existait au temps de Jean, qui lui a personnellement payé son tribut de souffrance ; mais son cours devait prendre fin, et puis, après une condition de non-existence, il devait « monter de l’abîme ». « Ceux qui habitent la terre… s’étonnent, en voyant la bête qui était et qui n’est pas et qui sera présente ». Lorsque cette bête-là apparaîtra dans sa dernière et satanique phase, les hommes seront entraînés par l’admiration excessive qu’ils auront pour elle.

« Ici est l’entendement qui a de la sagesse. Les sept têtes sont sept montagnes où la femme est assise » (v. 9). Ceci est un point matériel, mais bien simple. C’est un signe local qui a pour but d’indiquer à l’entendement qui a de la sagesse le lieu où la femme a son siège. Il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’il ne se rapporte à Rome. Le terme « Babylone » avait été, il est vrai, employé pour la désigner, comme les termes Sodome et Égypte ont été figurativement appliqués à Jérusalem au chapitre 11 ; mais la capitale de la Chaldée n’a rien à faire avec la ville d’Apocalypse 17. Celle-là avait depuis longtemps disparu comme ville impériale, tandis qu’au verset 18 il est dit de cette Babylone-ci qu’elle « a la royauté sur les rois de la terre ». Plus que cela, la Babylone littérale des Chaldéens fut bâtie dans la plaine de Shinhar. Cette femme, au contraire, est assise sur sept montagnes, et tout le monde sait que tel est le trait caractéristique bien connu de Rome. En prose comme en poésie, si quelque ville était décrite comme assise sur sept collines, chacun dirait : Ce doit être Rome.

Mais nous avons au verset suivant une explication additionnelle. « Il y a », ou, « ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, et l’un est ; l’autre n’est pas encore venu, et quand il sera venu il faut qu’il demeure un peu de temps » (v. 10). Ici, le Saint Esprit, sans entrer dans aucun détail, fait allusion aux diverses formes de gouvernement qui se sont succédé dans cette fameuse ville de Rome. Il y avait eu sept têtes ou rois ; ce n’étaient pas des rois contemporains : car, est-il dit, cinq sont tombés ; l’un est, et l’autre n’est pas encore venu. Ceci implique une succession. Cinq différents modes de gouvernement avaient déjà passé. « L’un est », c’est à savoir, la forme impériale subsistante aux jours où l’apôtre vivait — la ligne des César. Un autre des sept n’était pas encore venu, mais quand il serait venu, il demeurerait un peu de temps.

« Et la bête qui était et qui n’est pas, est, elle aussi, un huitième, et elle est d’entre les sept, et elle va à la destruction » (v. 11) Il y a ce caractère particulier attribué ici à la bête, que dans un sens elle serait d’entre les sept ; et dans un autre sens elle formerait un huitième ou une bête extraordinaire. Ce serait, sous un certain rapport, une toute nouvelle forme de puissance, tandis que sous d’autres ce ne serait que la réapparition de ce qui avait existé auparavant. La raison en est que la bête pourrait bien être, au commencement, semblable à tout autre empire. Elle pourrait providentiellement devoir son avènement aux révolutions humaines ; car les hommes, quand ils ont essayé de la démocratie, sont bien vite prêts à se trouver las et désappointés ; et alors quelque bras vigoureux prend avantage de la réaction, et il en résulte assez ordinairement un pouvoir despotique. Je ne doute pas que telle ne doive être l’histoire de l’Occident. Cette huitième tête, bien que ce soit personnellement un gouverneur, est présentée comme la bête ou l’empire, parce qu’elle est moralement l’empire, dirigeant, comme tête suprême, toute son autorité. Elle est d’entre les sept, car il y aura continuation ou reprise de quelque précédente forme de pouvoir. Mais elle sera une huitième, c’est-à-dire que quelque chose de si particulier se rattachera à elle qu’elle méritera un nom pour elle-même. Ce trait nouveau se rapporte peut-être à la puissance diabolique qui caractérise la bête dans son dernier état ou sa quasi-résurrection.

« Et les dix cornes que tu as vues, sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois, une heure avec la bête. Ceux-ci ont une seule pensée, et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la bête ». Nous ne devons pas supposer que l’expression « une heure » indique, mystiquement ou littéralement, cette courte division de temps, ainsi qu’un grand nombre ont essayé, mais en vain, de l’expliquer. La signification est, que ceux-ci sont des rois qui reçoivent pouvoir comme rois pour un seul et même temps avec la bête. En elle-même, dans un sens abstrait, cette expression peut signifier un certain nombre d’années, ou seulement une courte période de temps. La question ne porte pas sur ce que signifie « une heure ». Le terme implique que ces dix cornes n’auraient pas simplement leur période de pouvoir, mais qu’elles recevraient leur puissance royale pour un seul et même temps avec la bête. Cela est très important pour la saine intelligence de ce verset. C’est ce qui renverse tous les systèmes prophétiques par lesquels on a essayé de prouver que ce chapitre avait reçu son accomplissement dans le passé ou dans le présent. La manière de voir ordinaire sur ce chapitre, peut renfermer une certaine mesure de vérité ; parce que — et ceci, je le crois pleinement — le livre de l’Apocalypse fut destiné à recevoir un accomplissement partiel dans tout le cours de la dispensation. Mais l’entier accomplissement n’a lieu qu’à la fin. Les hordes barbares descendirent du nord et de l’est de l’Europe et de l’Asie vers le cinquième siècle, et couvrirent l’empire romain, fondant de toutes parts sur l’Europe et l’attaquant à l’intérieur aussi bien que sur ses flancs — de sorte que l’empire, déjà trop étendu et croulant sous son propre poids, ne se trouva pas dans la possibilité de se soutenir contre ces assauts vigoureux et réitérés venant de tant de côtés différents. Par degrés, les Goths et les Vandales, etc., s’établirent dans les diverses parties de ce qui était autrefois uni. Ils furent les ennemis qui détruisirent l’empire.

Mais ce n’est pas là ce que notre chapitre nous montre. Il nous dit que ces rois reçoivent pouvoir, une heure, avec la bête. En supposant que les chefs barbares aient été exactement au nombre de dix, cela même ne répondrait pas à ce que nous avons ici ; parce qu’il nous est dit que ces rois reçoivent pouvoir pour un seul et même temps avec la bête. Ceux-là ne reçurent pouvoir que quand la bête fut tuée, quand l’empire romain fut tombé. Ils détruisirent la bête d’abord, et ensuite s’érigèrent en royaumes indépendants.

Impossible de se débarrasser de ce simple fait, de ce fait certain que ces pouvoirs ne furent pas des royaumes dans l’empire aussi longtemps que l’empire dura. Ils ne reçurent pas pouvoir avec la bête ; combien moins encore donnèrent-ils leur puissance et leur force à la bête. Car rien n’est plus certain que le fait que quand ils devinrent des royaumes, ce fut aux dépens de l’empire. Lorsqu’il eut pris fin, ils en relevèrent les fragments brisés et les convertirent en royaumes séparés, comme la France, l’Espagne, etc. ; mais l’empire, comme tel, était tombé. La bête qui est ici décrite acquiert pouvoir comme empire, en même temps que ces rois reçoivent pouvoir comme rois. En d’autres termes, ce sont des pouvoirs contemporains, la bête et les cornes, et en aucune façon ce que nous trouvons dans l’histoire. Cette prophétie nous montre que l’empire est seulement formé comme tel au temps où ces dix rois reçoivent leur pouvoir final. Ils sont coexistants, et ils ont leur domination ensemble — chacun de ces royaumes travaillant à une commune fin sous l’autorité de la bête.

Ainsi, dans les faits du passé il y a eu tout d’abord une puissance, une et non brisée, lorsque l’empire romain gouvernait le monde occidental[2] et ne tolérait pas en dedans de ses propres limites l’existence de différents royaumes indépendants. Il n’y avait alors rien de semblable à des rois d’Espagne, de France, d’Italie, etc. C’était un pouvoir qui absorbait tout et qui n’eût jamais supporté que des royaumes ainsi séparés se groupassent autour de la ville impériale. Mais le trait particulier au futur empire renaissant, c’est qu’il admettra différents rois. Deux choses seront unies qui ne l’ont jamais été auparavant. D’abord il y a eu l’empire sans rois — du moins ça été le cas en Occident, et c’est de lui qu’il s’agit ici. Ensuite, il y a eu des rois sans l’empire. Et voici en quoi consistera le nouveau trait caractéristique : ce ne sera ni la bête sans les rois, ni les rois sans la bête ; mais tous les deux en même temps, la bête et les rois, marchant ensemble. Voilà ce qui n’a jamais existé auparavant. Le chapitre nous fournit donc une vue de l’empire romain tel qu’il doit être relevé par la puissance de Satan, et nous montre que cet empire est destiné à être marqué du sceau spécial de l’ennemi, Dieu Lui-même permettant qu’il fasse son chemin pour un peu de temps, et qu’il exécute toute méchanceté avant que la fin arrive : — absolument comme Satan entra dans Judas lorsque celui-ci fut prêt à trahir le Seigneur pour le prix d’un esclave. Il était avant cela sous l’influence de Satan ; mais il est dit qu’alors Satan entra en lui. Lui, ou son souverain sacrificateur, était le fils de perdition, et c’est justement là le nom donné à la future puissance qui s’élèvera contre le Seigneur Jésus Christ. Cet empire doit monter de l’abîme, et être revêtu d’un caractère et d’une énergie diaboliques ; et quand il se lèvera, il y aura dix royaumes ou rois exerçant le pouvoir royal pendant une même période de temps avec la bête.

Le verset suivant (v. 13) nous montre la politique qui leur est commune. « Ceux-ci ont une seule pensée et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la bête ». Ils ne sont pas jaloux de la bête ; leur grande pensée est de l’exalter et d’agrandir son pouvoir. Et qu’en résulte-t-il ? Quel est l’usage qu’ils font de leur puissance combinée ? « Ceux-ci combattront contre l’Agneau ; et l’Agneau les vaincra (car il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois) et ceux qui sont avec lui, appelés et élus et fidèles » (v. 14). Ainsi, il est évident, d’après ce passage, que les saints célestes auront déjà été enlevés auprès du Seigneur. Ce n’est pas à ce moment que le Seigneur les reçoit ; ils sont avec Lui pendant le combat et avant que le combat commence. Et ceci est confirmé par le chapitre 19, 14 : « Et les armées qui sont au ciel, le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur ». D’où est-ce qu’elles le suivaient ? La scène est céleste. Christ vient attaquer sur la terre le grand adversaire que Satan emploie ; mais ce sont les cieux qui s’ouvrent, et c’est de là que viennent, non seulement Christ, mais « ceux qui sont avec lui appelés et élus et fidèles ».

Cette description ne s’applique pas aux anges ; car, si l’on peut dire des anges qu’ils sont « choisis » ou « élus », on ne peut pas dire qu’ils sont « appelés ». « Appelés » est un titre appliqué aux hommes seulement, et implique l’opération de la grâce. Les anges ne sont pas des « appelés », et, je pense, ne pourraient pas l’être ; car, si un ange se trouvait dans une condition de mal, il ne pourrait pas en être délivré ; et, s’il est dans un état de sainteté, il n’a pas besoin d’être « appelé ». L’appel suppose toujours une position de laquelle les appelés sont tirés. Le croyant est amené d’une position de péché et de misère dans une position de salut et de bénédiction. Cela est vrai de l’homme seulement. Il est la seule créature de Dieu qui soit appelée, par la grâce de Dieu, d’un état de ruine dans la bénédiction et la gloire de la rédemption. Et comme au chapitre 17, 14, il y a cette expression qui nous montre positivement qu’il est parlé des saints et non des anges ; ainsi, au chapitre 19, 14, il nous est dit que les armées qui suivent l’Agneau venant du ciel, sont « vêtues de fin lin, blanc et pur ». Or, il est écrit dans ce même chapitre (v. 8) : « le fin lin, ce sont les justices des saints ». On demandera : N’est-il pas dit des anges qu’ils sont vêtus de lin ? Oui, cela est dit, mais ce n’est pas le même terme qui est employé (voir Apoc. 15, 6). L’Esprit de Dieu emploie dans Sa description une expression différente, et ne confond jamais les deux choses. Ce qui donc est plusieurs fois indiqué, c’est que les saints glorifiés sont dans le ciel — avec le Seigneur — avant que commence ce combat, et pas seulement avec le Seigneur en l’air. Lorsque le Seigneur viendra, nous irons bien à Sa rencontre en l’air ; mais alors ce sera pour qu’Il nous prenne au ciel. Et lorsqu’Il vient pour juger et faire la guerre, nous venons du ciel avec Lui. Combien il s’écoulera de temps pendant que nous serons dans le ciel et avant que nous venions avec le Seigneur, c’est ce que nous ne savons point. Mais la venue du Seigneur pour les saints est un événement qui aura lieu un certain temps avant Sa venue avec eux. Quand Il vient avec Ses saints, c’est dans le but de juger la bête et ses adhérents. Alors l’Église viendra avec Lui, et aussi les saints de l’Ancien Testament ; car ils seront, je n’en doute pas, enlevés à la rencontre du Seigneur en même temps que nous. « Ceux-ci combattront contre l’Agneau » — mais la victoire est sûre — « et l’Agneau les vaincra… et ceux qui sont avec Lui, appelés et élus et fidèles ».

« Et il me dit : Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, et des foules, et des nations et des langues. Et les dix cornes que tu as vues et la bête — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu » (v. 15, 16). Voici un autre verset de grande valeur pour l’intelligence du chapitre. Dans notre texte reçu, il est dit : « les dix cornes que tu as vues 'sur la bête » (vers. angl.) ; il faut lire : « les dix cornes que tu as vues et la bête ». L’importance du changement (et il a pour lui une autorité positive) consiste en ceci : quand on lit « les dix cornes sur la bête », on pourrait s’imaginer que l’empire romain a disparu et que les dix cornes en ont pris la place. Ceci concorderait fort bien avec l’histoire du passé. Mais comme nous avons vu ci-devant que les dix cornes reçoivent le royaume pour un même temps avec la bête, pareillement ici l’Esprit de Dieu dit : « Les dix cornes que tu as vues et la bête ». Et quiconque compare ce passage avec le verset 12, s’apercevra combien la manière de rendre ordinaire est erronée. « Les dix cornes que tu as vues et la bête — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue », etc.[3].

La révolution française du dernier siècle nous présente un petit spécimen de cela, accompli, non pas, cela va sans dire, par la Bête ou par les rois, mais par la volonté du peuple. Là, vous avez un peuple furieux s’élevant contre la femme — la puissance ecclésiastique qui avait gouverné la terre étant complètement livrée à la rage de la multitude, et les hommes s’enrichissant à ses dépens. Mais nous ne devons jamais réprimer un tort en nous rendant coupables d’un autre. Se comporter chrétiennement vis-à-vis du mal, nous élève toujours, par grâce, au-dessus de lui. Des événements que l’on a vus sur une petite échelle, seront plus tard réalisés sur une grande. Des gens de bien — des hommes dignes d’honneur et sages à tous autres égards, ont non seulement désiré de se débarrasser de Babylone, mais n’ont été que trop enclins à sanctionner tous les moyens d’atteindre ce résultat. Je ne dis point que les saints ne sont pas appelés à se réjouir de sa chute, mais ils ne doivent pas se mêler aux instruments de cette chute, ni caresser l’espoir mal fondé qu’alors et par ce moyen il y aura bénédiction. Rome sera toujours la ville centrale de ce système corrompu. « La femme que tu as vue est la grande ville, qui a la royauté sur les rois de la terre » (v. 18). Il y aura, sans doute, un plus grand développement de cela avant que la fin arrive ; car celle qui est assise comme reine a donné, même en nos jours, la preuve qu’elle peut inventer de nouvelles doctrines et vanter de nouveaux miracles, développer le mal sans conscience et devant une bien faible protestation, bien plus, au milieu même des acclamations universelles. Et je présume, que ce qui est vrai de tous les autres cas, sera également vrai de Rome : savoir, que quand le jugement viendra, sa coupe sera pleine. Il en fut ainsi de l’iniquité des Amoréens quand Dieu les jugea. Mais Dieu se servira des pouvoirs de la terre pour agir contre Babylone. Sans nul doute, les rois seront satisfaits d’eux-mêmes pour s’être débarrassés d’une telle chose ; mais alors il se peut que les instruments employés soient aussi mauvais que le mal lui-même. Et quelle sera l’issue ? Le millénium ? Tout le contraire ; ils combattront contre l’Agneau. Ils ne se seront pas seulement débarrassés de Babylone ; mais ils combineront leurs efforts contre Christ, et cela de la façon la plus directe et la plus sinistre. Quand ce jour-là viendra, l’homme, au lieu d’avoir reçu quelque amélioration en se tournant contre Babylone, donnera toute sa puissance à la bête ; et si mauvaise que soit Babylone, il y a dans la bête une méchanceté plus ouverte. Rien sous le soleil n’est plus haïssable devant Dieu que la religion, là ou elle est employée pour couvrir la corruption : et voilà Babylone. Mais c’est à la bête et au faux prophète qu’il appartient de renier Dieu entièrement. Ainsi que nous lisons dans les Psaumes : « L’insensé a dit en son cœur : il n’y a point de Dieu ». Babylone n’est pas cet esprit volontaire et rebelle. C’est pourquoi nous voyons ces pouvoirs vengeurs aller combattre contre l’Agneau après avoir détruit Babylone, mangé sa chair et l’avoir brûlée au feu ; enfin, après s’être enrichis à ses dépens. Ils se dresseront en opposition ouverte contre l’Oint de Dieu, l’Être saint et céleste que les souffrances ont consommé.

« Car Dieu a mis dans leurs cœurs d’accomplir sa pensée, et d’accomplir une seule pensée, et de donner leur royaume à la bête jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies » (v. 17). Qu’il est intéressant de remarquer que c’est l’homme qui accomplit ainsi les paroles de Dieu, quand sa seule pensée à lui est que, par haine envers Dieu, il efface de dessus la terre de toutes choses la plus corrompue ! Sans doute, Babylone l’aura mérité ; mais les rois, sans savoir comment, ne font qu’une œuvre servile pour Celui dont ils nient l’autorité. Ils auront eu en vain devant leurs yeux toutes les voies de Dieu sous la loi ; ils auront eu, et seulement pour la mépriser, l’entière révélation en Christ de la grâce et de la sainteté fondée et manifestée en la croix de Jésus ; ils auront entendu et rejeté le témoignage du dernier jour, l’évangile du royaume, qui sera porté par d’autres, et, je crois, par des témoins juifs, après que l’Église aura été enlevée au ciel. Toute prétention à constituer un nouveau témoignage pendant que l’Église est sur la terre, doit être nécessairement fausse. Mais quand l’Église s’en sera allée, Dieu reprendra Ses relations avec Son peuple d’Israël, et rendra un témoignage qui n’aura pas proprement pour but de chercher les âmes pour les mettre en relation avec Christ dans le ciel — ce qu’il fait aujourd’hui — mais d’envoyer au loin, à travers le monde habitable, pour être un témoignage à toutes les nations, l’heureuse nouvelle que le Roi de Dieu vient pour établir Son royaume ; « et ensuite la fin ».

C’est la communion avec Christ comme Celui qui a souffert, qui nous délivre de l’esprit de la bête, l’esprit d’orgueilleuse indépendance. De quelle manière serons-nous victorieux avec l’Agneau ? C’est en étant avec Lui ; être avec Lui, c’est ce qui nous donne la victoire dès maintenant. Notre force, en tout ce qui se présente devant nous, consiste à demander : Quel est le sentiment du Seigneur à cet égard ? Supposons que je sois invité à me rendre à quelque grand spectacle, à me joindre à quelque mouvement qui peut être fort attrayant pour la nature ; — la question est : Le Seigneur sympathise-t-Il avec cela ? Est-Il là ? Et si cette manière de juger des choses s’applique à tous les autres cas, elle sera bien plus décisive encore en ce qui concerne les choses les plus saintes, comme, par exemple, le culte. Qu’est-ce que le Seigneur sanctionne et avec quoi sympathise-t-Il ? Qu’est-ce qui est le plus en harmonie avec Son cœur et Sa pensée ? Qu’est-ce qui, en réalité, et avec intelligence et obéissance, Lui rend honneur ? Telle est pour la foi la clé unique dans ce monde ; elle ouvre bien des difficultés, et par la porte ouverte il y a pour nos pieds un sentier facile.

Le Seigneur veuille qu’aucun de nous ne mette de côté ces vérités solennelles ! Négliger Son avertissement, c’est incliner d’autant vers l’état de choses dont nous venons de parler. Ce qui de nos jours pousse dans cette direction, c’est de ne point tenir compte des paroles de Dieu, quoique à la fin elles doivent se vérifier en nous à notre propre honte. Nous verrons alors combien peu nous avons connu la réelle soumission du cœur à Dieu ; combien peu nous avons apprécié la grâce dans laquelle nous sommes, et combien peu nous nous sommes réjouis dans l’espérance de Sa gloire. Il sera prouvé que nous n’avons pas tenu à honneur d’obéir, et d’abandonner ce que peut-être nous aimions, ou ce que d’autres pouvaient aimer pour nous, là où il s’est agi de la volonté de Dieu. Car pour nous, c’est là ce qui devrait décider de tout, parce que nous sommes sanctifiés « pour l’obéissance de Jésus Christ et l’aspersion de son sang », c’est-à-dire pour le même caractère d’obéissance qui distingua le Seigneur Jésus ici-bas. Il ne nous convient pas d’obéir seulement parce que nous le devons. Ce n’est jamais ainsi que le Seigneur obéit. Si quelqu’un fait une chose seulement parce qu’il sait qu’il sera puni pour ne l’avoir pas faite, cela montre clairement que son cœur n’y est pas, qu’il voudrait ne la point faire. L’obéissance chrétienne, c’est le désir de faire une chose parce que telle est la volonté de Dieu, et le Saint Esprit nous en communique la puissance en présentant Christ à nos affections. Souvenez-vous que c’est pour cela que nous sommes sanctifiés. Sauvés par le sang de l’aspersion, au lieu de l’avoir devant nous comme une menace de mort, ainsi qu’en Exode 24, nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ. Nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce, et conduits par l’Esprit de Dieu. Puissions-nous jouir de la puissance de Son Esprit et de la plénitude de Son salut ! N’oublions pas toutefois que ce n’est pas pour nous-mêmes que nous sommes ainsi sauvés, mais pour obéir selon le modèle et la mesure de l’obéissance de Jésus.



  1. Le texte reçu en Apocalypse 21, 10 est fautif.
  2. C’est-à-dire seulement la partie proprement romaine de l’empire, ainsi que cela découle de Daniel 2, 34, 35, et du chapitre 7 — pour ne rien dire de Daniel 11 ; tous passages desquels il résulte clairement que le royaume partie de fer et partie de terre ne se rapporte pas à ce qui fut jadis, en dehors de l’Europe, sous la domination romaine, mais à la partie occidentale qui n’appartint jamais à la Grèce, ni à la Perse, ni à Babylone.
  3. C’est en vain que l’école protestante s’efforce de concilier ce passage avec sa théorie, que la femme et la bête se rapportent à l’église ou à la ville de Rome et à la papauté. Ainsi, par exemple, on a récemment annoncé que la femme est la Roma Dea, tant païenne que papale, la scène représentant Rome elle-même sous ce dernier point de vue, et l’explication de l’ange impliquant aussi l’histoire préalable du paganisme. En conséquence, on pense que, non couronnées, les dix cornes sont les pouvoirs gothiques désolant Rome, et que, couronnées, ce sont les mêmes royaumes donnant leur puissance au pape. Bien certainement, les barbares ont ravagé l’empire dans son ensemble — non pas la ville exclusivement — et de cet empire démembré ont formé leurs propres royaumes indépendants : ce qui revient à dire que la bête fut bien plus totalement endommagée et détruite que la femme. Ces hordes n’étaient pas non plus unies dans un commun sentiment de haine envers Rome. L’envie, la cupidité, la soif de conquête, caractérisent plus fidèlement les motifs de la horde particulière qui attaqua la ville. Encore moins peut-on dire que, couronnés ou non, ces peuples donnèrent leur puissance au pape. Il serait plus vrai de dire qu’ils la tirèrent de lui, comme tête ecclésiastique et spirituelle. Pour ma part, j’admets en plein ce principe, que l’explication de l’ange nous fournit, non seulement la clef de ce qui a été vu à l’origine, mais une vérité additionnelle. Seulement, l’absurdité consiste, comme je l’ai fait voir, à présumer que ce nouveau renseignement est quelque chose qui concerne l’ancienne forme païenne de Rome. Il présente, au contraire, le futur aspect final, alors que la bête et les dix cornes auront une politique commune, d’abord pour assouvir leur haine et satisfaire leur cupidité sur la prostituée — ensuite, pour rassembler leurs forces, de consentement unanime, en vue du combat final contre l’Agneau. La bête doit monter de l’abîme, et le Seigneur des seigneurs descend du trône de Dieu. Le chapitre nous fournit le caractère et la description, point de dates. L’histoire est reprise au chapitre 19 ; — premièrement, par rapport au ciel, et en second lieu par rapport à la terre, les chapitres 17 et 18 présentant un épisode descriptif.