Études Scripturaires:Qu’est-ce que l’Église et les saints

De mipe
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C.F. Recordon 20 juin 1860

On dit parfois que l’Église, c’est toute la chrétienté ; je le nie absolument. Que la chrétienté usurpe ce nom, c’est un fait ; qu’elle doive être jugée par le Seigneur selon le titre qu’elle s’arroge, c’est parfaitement juste. Mais ici, ce me semble, on confond l’Église de Dieu, comme elle est appelée dix fois par le Saint Esprit, et même les églises ou les assemblées de Dieu, avec l’église ou l’assemblée tout court, indiquant, dans 3 Jean et dans Apocalypse 2 et 3, des assemblées locales qui ont pu déchoir et qui ont déchu, en effet. Je crois qu’il y a une Église de Dieu au milieu de la chrétienté, mais dont celle-ci ne fait nullement partie en tant que chrétienté. Je me contenterais, pour la définir, de cette réponse du catéchisme, d’ailleurs détestable, du fameux Osterwald, l’un des trois chefs, en Suisse, de la réaction contre le salut par grâce : « L’Église est l’assemblée ou le corps de ceux qui croient en Jésus Christ ». Appliquerez-vous aux multitudes, qui vont au-devant des jugements du Seigneur, pour lequel leurs prétentions ne sont qu’un objet de dégoût, puisqu’Il les vomira de sa bouche — ce qui est dit, dans 1 Timothée 3, 15, de « l’Église du Dieu vivant, colonne et appui de la vérité » ? Est-ce là « l’Église de Dieu, qu’il a acquise par le sang de son propre Fils » ? Pensez-vous que Paul adresserait à la chrétienté d’une de nos villes, une lettre portant la même suscription que celle aux Corinthiens : « à l’église de Dieu » qui est à *** ? Diriez-vous, avec le même apôtre, en parlant des soi-disant églises de la chrétienté, que ces « assemblées de Dieu n’ont pas la coutume de contester » ? Et quand Paul encore dit deux fois, qu’il a « persécuté l’Église de Dieu », cela pourrait-il signifier aujourd’hui : une chrétienté persécutrice ? Pourriez-vous dire d’une assemblée quelconque de multitude, comme cela est dit deux fois de l’assemblée des Thessaloniciens, qu’elle est « en Dieu, le Père, et en notre Seigneur Jésus Christ » ? Est-ce en ayant en vue la chrétienté que Jésus a dit : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes du hadès ne prévaudront point contre elle » ? Est-ce dans une église mondaine et incrédule, en immense majorité, qu’on pourrait exercer la discipline recommandée dans Matthieu 18, 17 : « dis-le à l’église » ? ou l’arbitrage fraternel, dont il est question en 1 Corinthiens 6 ? Dans ce dernier cas, quels seraient « les moins estimés dans l’assemblée » ? Et que seraient, dans ce système, « les assemblées du Christ » (Rom. 16, 16), ou « les assemblées qui sont dans le Christ » (Gal. 1, 22) ? Prétendrait-on qu’elles sont en Christ, parce qu’elles se composent de baptisés ? Mais il est écrit ailleurs que, « si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création » ; tous les baptisés seraient donc de nouvelles créatures ? Nous voici en présence de l’abomination papiste et puseyite : de la régénération baptismale !

Et puis, que pense-t-on et que fait-on, dans cet inconcevable système, des passages qui appellent l’Église, le corps de Christ ? Oserait-on faire des masses soi-disant chrétiennes, des membres de ce corps ? faire de Jésus, le Saint par excellence, la tête de ce corps monstrueux ? Non, non, il n’y a point d’accord, point d’union possible, point de relation de Christ et Bélial. Et quiconque ne pratique pas la justice est bien de Bélial, puisqu’il n’est pas de Dieu, et que c’est à cela que sont connus les enfants du diable, comme le dit Jean par l’Esprit Saint.

Quoi ! encore, ce serait par le moyen de la chrétienté, dont on veut faire l’Église de Dieu, que « la sagesse de Dieu, si diversifiée dans ses formes, serait maintenant donnée à connaître aux principautés… dans les lieux célestes » ! La chrétienté apostate et corrompue proclamerait aux anges la sagesse de Dieu ! Est-ce la chrétienté qui est maintenant le temple de Dieu, l’habitation de Dieu par l’Esprit ? Sont-ce les chrétiens de nom qui sont les concitoyens des saints, les gens de la maison de Dieu ? Serait-ce dans la chrétienté, que gloire serait rendue à Dieu dans tous les âges (Éph. 3, 20, 21) ? Ce serait donc la chrétienté qui est « soumise à Christ », l’objet de l’amour ineffable de Christ, qui la nourrit et la soigne tendrement, et qu’Il se présentera bientôt glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable ! Le grand mystère de cette fin d’Éphésiens 5, serait donc au fond, « Christ et la chrétienté », dont tous les individus pourraient dire : « Nous sommes les membres de son corps ; de sa chair et de ses os », puisque, selon ce système, la chrétienté est l’Église ! Il me semble que c’en est plus qu’assez, pour montrer et démontrer que ces vues ne peuvent absolument pas se soutenir en présence de la Parole.

Le mot saint est aussi pris quelquefois dans un sens singulièrement rabaissé et, je dirai, profane, en l’appliquant à tous les baptisés. Il n’indiquerait donc qu’une sainteté de position, extérieure, charnelle. Ainsi on attribuerait à la chrétienté ce qui était vrai d’Israël, nation sainte, quoique dans la chair ; la chrétienté corrompue jusqu’à la moelle serait le peuple de Dieu, un peuple saint, parce que ceux qui la composent ont été baptisés. Il n’y aurait d’exception que pour les enfants des baptistes, qui seraient en dehors du peuple de dieu, de la chrétienté, de la sainteté, telle qu’on l’entend. Comme « sans la sainteté, personne ne peut voir le Seigneur », et que c’est le baptême qui, selon ces vues, confère la sainteté, il en résulterait encore l’affreuse doctrine papiste, que tout non-baptisé est perdu pour l’éternité.

Je ne puis admettre le sens judaïque donné au mot saint, et qui permettrait de dire : « Voilà un saint qui est un ivrogne, un saint qui blasphème Dieu, un saint qui est profane et impudique ; les prisons et les galères sont remplies de saints » etc.

Je ne connais, dans tout le Nouveau Testament, qu’un seul passage où ce mot et celui de sanctifié aient conservé l’ancien sens juif, celui d’une sainteté de position, non inhérente, qui n’implique qu’un privilège extérieur et non une grâce intérieure et salutaire : c’est 1 Corinthiens 7, 14. Je suis convaincu que, dans tous les autres passages du Nouveau Testament, au nombre de plus de cent, où les mots sanctifier, sanctification, saint et sainteté, se trouvent employés en rapport avec les hommes, ils désignent une position, une mise à part, en connexion avec le salut dont elle fait partie, et qui est le privilège des rachetés ou des croyants.

Que l’on veuille bien examiner les passages suivants, et juger si le mot saint qui s’y trouve, peut signifier tous les baptisés : Col. 1, 12, 26 ; Éph. 1, 18 ; 3, 18 ; Jude 3 ; 1 Thess. 3, 13 ; 2 Thess. 1, 10 ; 1 Cor. 6, 2, etc. Dans ce système, qui seraient « ceux du dehors » envers lesquels diverses recommandations nous sont adressées ?

Au reste, quant à ce dernier sujet, nous renvoyons nos lecteurs au traité sur « les saints selon la Parole », que nous avons publié en 1851 et qui fait partie du premier volume des Études Scripturaires.