Écho du Témoignage:Remarques sur Ésaïe/Partie 1

De mipe
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Introduction

On se propose dans les pages suivantes de faire part de quelques pensées sur le plus étendu aussi bien que le plus sublime de tous les prophètes. Bien qu’elles n’arrivent à former guère plus qu’une table de matières assez détaillée, tous ceux qui désirent avoir une intelligence de plus en plus claire de la Parole de Dieu, seront reconnaissants du peu de secours réel qu’elles pourront leur offrir. Ce qui importe donc avant tout, ce n’est pas d’occuper le lecteur de pensées humaines, mais de lui suggérer des idées qui le ramènent nécessairement aux Saintes Écritures, qui tirent le peu d’intérêt et de valeur qu’elles peuvent avoir de cette Parole qui vit et demeure éternellement.

D’autres se sont longuement étendus sur la manière et le style d’Ésaïe. Si nous ne nous arrêtons pas là-dessus, ce n’est pas que nous croyions que l’on puisse à cet égard exagérer l’éloge, mais c’est parce que nous le jugeons pour le moins inutile auprès des personnes qui probablement parcourront ces lignes. Notre intention est plutôt de jeter un rapide coup d’œil sur l’ensemble de cette prophétie, ou tout au plus d’en examiner les parties et les divisions principales. Il existe en apparence un certain désordre dans l’arrangement du livre tel que nous le possédons, et beaucoup de commentateurs ont exposé leur manière de voir sur les rectifications à faire. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi l’on n’admettrait pas que sous une confusion apparente nous avons ici, comme dans d’autres endroits de l’Écriture, un système plus profond que celui du temps ou des circonstances. Ainsi au livre de l’Exode, après avoir décrit en partie le sanctuaire et les vaisseaux qu’il renferme, l’Esprit Saint, avant de parler du reste, passe par une brusque transition, dans les chapitres 28 et 29, au rituel pour la consécration des sacrificateurs. Et cependant cette interruption apparente sert plus que toute autre chose l’intention morale du Saint Esprit, laquelle aurait été neutralisée par un ordre naturel et mécanique, vers lequel la plupart des esprits sont si aisément portés. « La folie de Dieu est plus sage que les hommes ».

La première division de notre prophète embrasse les douze premiers chapitres. Le chapitre 1 sert de préface ; les chapitres 2-4 s’appesantissent sur « le jour du Seigneur » ; vient ensuite le chapitre 5, « le cantique du bien-aimé touchant sa vigne ». Or, il est manifeste que ce chant (dans lequel il est démontré par de nombreuses preuves que, malgré tout ce qui a été fait, la colère de Jéhovah ne s’est point détournée, mais que Sa main demeure encore étendue) est interrompu par les chapitres 6 à 9, 7 ; après quoi il reprend jusqu’à ce que nous en voyions la fin dans la destruction de l’Assyrien, le règne du Messie, et la joie et les louanges d’Israël « en ce jour-là » (chap. 10-12).

Nous n’avons pas de date pour ce « cantique », mais nous en avons tant pour le chapitre 6 que pour les chapitres 7 et 8. Il se peut que le chapitre 6 ait été révélé avant le cantique, selon que plusieurs supposent qu’il rapporte la première vision du prophète. Je ne me prononce pas à cet égard, soit pour nier soit pour affirmer, ne trouvant, ni dans la Parole ni dans la nature des faits, des preuves suffisantes pour garantir ma conclusion. Mais il me semble qu’il y a, dans la disposition des chapitres telle que nous l’avons, un ordre moral d’une beauté divine. Le chapitre 5 expose ce qui se passe entre Jéhovah et Sa vigne, et montre Israël mis à l’épreuve par les soins laborieux que Dieu avait constamment pris de lui. « Qu’y avait-il plus à faire à ma vigne que je ne lui aie fait ? ». Il ne peut dès lors que la réduire en désert, bien que la maison d’Israël soit Sa vigne et les hommes de Juda, la plante en laquelle Il prenait plaisir. Un malheur est suivi d’un malheur plus grand. Dieu convoqua les nations des bouts de la terre pour venir châtier Son peuple, sur le pays duquel sont répandues les ténèbres et la calamité. Puis, avant la fin de ces jugements racontée au chapitre 9, nous trouvons Israël éprouvé d’une manière toute différente au chapitre 6. On y voit successivement la manifestation de la gloire de Jéhovah-Messie (comp. Jean 12), l’aveuglement auquel est condamné le peuple à cause de son incrédulité, et un résidu choisi dont il n’a pas encore été question. Si donc au chapitre 5 Israël est déclaré coupable d’avoir mal répondu aux soins fidèles dont Dieu l’a constamment entouré dans le passé, au chapitre 6, malgré tout ce que la grâce peut opérer, il est encore plus condamné par la manifestation de la gloire de Jéhovah dans la personne de Christ. En conséquence, l’interruption se prolonge, et à la suite du jugement qui fond sur l’Assyrien, nonobstant la désolation infligée par lui pour un temps, elle nous montre Emmanuel, le Fils de la vierge, la complète délivrance d’Israël et son rétablissement sous le Messie, après le jour où Il était une pierre d’achoppement pour lui, et où la loi était scellée parmi Ses disciples.

Après cette parenthèse (chap. 6 à 9, 7) qui renferme la description du Messie, Son rejet par les Juifs, et la bénédiction finale sous Son règne, l’histoire générale de la nation reprend son cours. Cela est rendu très évident, après un aussi complet et aussi important épisode, par le fait que l’Esprit de Dieu revient sur les cultes du jour du prophète et sur le jugement d’Israël. Au chapitre 10, l’indignation du Seigneur contre Israël prend fin dans la destruction de son dernier ennemi, l’Assyrien. Enfin au chapitre 11 le Messie apparaît de nouveau, d’abord dans Ses voies morales, puis dans Sa royauté ; après quoi vient le chant de louanges d’Israël, au jour millénial (chap. 12).

La seconde division comprend les chapitres 13-27, mais, comme la première, elle renferme plusieurs subdivisions ou sujets séparés. Ainsi les chapitres 13 et 14 traitent de la chute de Babylone, de la destruction de l’Assyrien, de la dissolution de la Palestine, et se terminent par des paroles de compassion pour Israël et par l’établissement de Sion. Cela indique clairement qu’il s’agit des derniers jours pour le jugement et la délivrance, quelque accomplissement préliminaire qui ait eu lieu déjà qui puisse avoir rendu témoignage à la vérité de la prophétie. Ce qui est arrivé est si peu de chose ! C’est à peine l’ombre de l’avenir. Puis viennent, aux chapitres 15 et 16, « la charge de Moab », celle « de Damas » au chapitre 17 : de même que l’orgueilleux Moab doit s’humilier devant Celui qui est assis sur le trône dans le tabernacle de David, de même les nations qui bruissent comme une tempête éclatante de grosses eaux, seront aussi impuissantes à soutenir Damas qu’à écraser Israël, car bien qu’il soit dans la position la plus difficile, dès qu’il regarde à l’Éternel, l’Éternel tance l’oppresseur. On peut considérer le chapitre 18 en rapport avec celui qui le précède ; il a cependant une place à part, en ce qu’il montre la restauration d’Israël opérée, non par le Seigneur tout d’abord, mais par l’influence et l’intervention d’une puissance maritime. Mais cette politique et les résultats qu’elle promet n’aboutissent à rien ; les nations pillent et oppriment Israël comme auparavant, jusqu’à ce que le Seigneur prenne la chose en mains et agisse en grâce et en puissance.

Les chapitres suivants contiennent de nouvelles « charges », mais elles ne sont pas présentées tout à fait de la même manière après ce grand rassemblement de nations dont il est question à la fin du chapitre 17. C’est en premier lieu, aux chapitres 19 et 20, l’Égypte sur laquelle tombe le jugement (par le moyen de l’Assyrien), avant sa bénédiction finale. Suivent au chapitre 21, « la charge du désert de la mer », par laquelle est annoncée la prise de Babylone ; « la charge de Damas » et celle contre l’Arabie. Au chapitre 22, c’est « la charge de la vallée de vision » : Jérusalem même est prise, Shebna est mis de côte pour faire place à Éliakim, le type de l’Antichrist est renversé et le gouvernement de la maison de David passe entre les mains du vrai Christ. Au chapitre 23, c’est le tour de Tyr. Le chapitre 24 nous montre la manière dont le Seigneur en agit avec la terre, et le monde devenu languissant sous le poids de Sa main puissante ; bien plus, c’est l’heure où « Il visite dans un lieu élevé l’armée superbe, et les rois de la terre sur la terre » ; le jour est venu où l’Éternel règne en la montagne de Sion et à Jérusalem. Y a-t-il lieu, après cela, de s’étonner si les chapitres 25-27 sont une série de chants de victoire par lesquels les enfants d’Israël célèbrent la gloire et le caractère de Dieu, leur délivrance et Son caractère ? Nous avons vu la première division se clore par un cantique de réjouissances, le seconde se clôt par des chants de louanges ; mais si dans la première partie le bien-aimé faisait entendre un chant plaintif touchant Sa vigne qui ne produisait que péché et opprobre, il n’en est plus de même ici : « En ce jour-là, chantez la vigne fertile en vin rouge. C’est moi, l’Éternel qui la garde ; je l’arroserai de moment en moment ; je la garderai nuit et jour afin que personne ne lui fasse du mal ».

Il est évident que, comparée à la première division (1-12), la seconde (13-27) embrasse une sphère incomparablement plus vaste : la première n’ayant trait simplement qu’à Israël ; la seconde commençant par la grande puissance qui ravagea Juda et domina sur lui, continuant avec chacune des grandes nations qui étaient en rapport avec Israël, et terminant par le jugement de toutes les nations, lorsque arrive le tour du monde et que même les puissances du ciel sont ébranlées, mais qu’Israël, criblé et châtié, est réuni au son de la grande trompette pour adorer l’Éternel des armées à Jérusalem.

La troisième division (28-35) s’étend avec détails sur ce qui doit arriver à Israël à la fin du siècle. Les chapitres 28 et 29 décrivent les deux derniers assauts livrés à Jérusalem : le premier, œuvre de l’ennemi venu du Nord et qui écrasa Éphraïm en passant, a un plein succès contre la cité coupable malgré, ou plutôt à cause de son alliance avec la mort ; le second, lorsque tout semble perdu, voit l’Éternel des armées intervenir tout à coup en faveur de Jérusalem, et le flot des envahisseurs étrangers de toutes les nations disparaît comme un songe. Aux chapitres 30 et 31 l’incrédulité qui cherchait du secours en Égypte est jugée, et l’Assyrien, ce fléau de Dieu, ce chef redoutable de la coalition contre Israël, tombé sous la main de l’Éternel. Le chapitre 32 dépeint le règne du Messie en justice ; les derniers efforts prémilléniaux de l’ennemi (chap. 33) tournent à sa propre destruction, et la vengeance divine contre les peuples qui haïssent Israël prend cours en commençant par Édom (chap. 34). Dès ce moment, la bénédiction devient si abondante et si générale que le désert lui-même s’égaie et fleurit comme la rose, et que la douleur et le gémissement s’enfuient ; Dieu vient avec une rétribution ; ceux dont Il a payé la rançon retournent en Sion avec chant de triomphe, et une joie éternelle est sur leurs têtes (chap. 35).

La quatrième division (36 à 39) se compose de récits historiques intercalés entre ce que nous pouvons appeler le premier et le second volumes du livre prophétique que nous étudions : le châtiment que Dieu inflige à l’Assyrien devant Jérusalem (chap. 36 ; 37) ; le rétablissement du fils de David qui était malade à la mort (chap. 38) ; enfin la solennelle prédiction de la captivité de Babylone (chap. 39).

Après ces divers événements qui servent de transition, et fondé sur leur haute portée morale, vient le reste du livre (chap. 40-66). Les deux grands procès de Dieu avec Son peuple sont ici vidés. Le premier est relatif à l’idolâtrie dont Cyrus tira vengeance en renversant Babylone où les Juifs coupables avaient été transportés, hélas ! parce qu’ils avaient abandonné l’Éternel pour les faux dieux des Gentils. Mais tout providentiellement suscité que fût Cyrus, c’est Son serviteur, qui doit manifester le jugement aux nations, que Dieu désigne. Après cela cependant, le Messie promis est laissé de côté pour le moment. En attendant, Israël avait la responsabilité d’être le serviteur de Jéhovah, mais Israël était aveugle ; aussi Dieu l’avait-Il livré en proie à ses ennemis ; mais maintenant Il les délivre en détruisant Babylone dont la chute est pour lui le gage d’une délivrance à venir plus grande encore. Ce sujet va jusqu’à la fin du chapitre 48. Avec le chapitre 49 commence le second et le plus sérieux débat : le rejet du vrai serviteur, du Messie Lui-même. Ceci, dans les plans de sagesse et de grâce de Dieu, fraie la voie à la bénédiction des Gentils, le rétablissement de Jacob étant considéré maintenant comme peu de chose. « Je t’ai donné pour lumière aux nations », etc. Sion ne sera pourtant jamais oubliée, elle sera restaurée. Cette question se termine avec le chapitre 57 (comparez le dernier verset de ce chapitre avec le dernier de la partie précédente, c’est-à-dire chap. 48, 22).

Les chapitres 58-66 sont la conclusion. Comme du reste tout ce qui a été dit compose ce que nous avons appelé le second volume, ils ne le cèdent en rien à aucune autre partie en magnificence, en intérêt et en avantages pratiques. On peut en résumer le contenu de la manière suivante. Dans les chapitres 58 et 59, l’Esprit Saint adresse à la conscience d’Israël des considérations, si je puis parler ainsi, sur la justice, la tempérance et le jugement à venir. Leur hypocrisie met obstacle à leur bénédiction, et leur péché amène leur châtiment. Et pourtant, alors que tout espoir de salut pourrait leur être enlevé, le Rédempteur viendrait en Sion dans Sa souveraine miséricorde, et Son Esprit et Sa Parole habiteraient avec Israël et sa postérité à toujours. La gloire qui en résultera pour lui et l’état de justice dans lequel il se trouvera, sont révélés au chapitre 60. — Les chapitres 61 à 63, 6 forment une section dans laquelle le caractère de Jéhovah-Messie est tracé depuis Son premier avènement en grâce (avec la bénédiction et la gloire qu’Il était prêt et capable de répandre sur le peuple et sur le pays) jusqu’à Son retour de la scène du jugement exécutée en Édom, « le jour de la vengeance de notre Dieu ». — Ensuite, depuis le verset 7 du chapitre 63 jusqu’à la fin du 64, le prophète ne cesse d’intercéder avec ardeur auprès de l’Éternel en faveur de son peuple, faisant reposer son unique espoir sur Sa miséricorde et Sa fidélité. Les deux derniers chapitres (65 ; 66) sont la réponse du Seigneur qui y expose Sa conduite : Sa grâce envers les Gentils ; Son long support à l’égard d’Israël toujours en rébellion et prêt à retourner à sa vieille idolâtrie et à une idolâtrie pire ; le rejet et le jugement certains de la masse, bien que toutefois un résidu élu soit épargné ; l’introduction de Sa gloire au milieu de la nouvelle création à laquelle Il destine Jérusalem pour centre terrestre ; le témoignage réitéré de Sa sympathie pour les élus et de la vengeance qu’Il doit tirer des abominations du dernier jour où, s’Il bénit tout à coup Sion, Il viendra aussi soudainement plaider par le feu et l’épée avec toute chair. Après ce jugement des vivants, le résidu épargné s’avancera et proclamera, non la grâce, mais la gloire de l’Éternel ; tous les dispersés d’Israël seront ramenés, et puis toute chair aussi se prosternera devant la face de Jéhovah et aura constamment devant les yeux la condamnation des apostats.

Tel est le dessein général, tel est le caractère particulier des sections diverses du livre du prophète Ésaïe.

Première division — Chapitres 1 à 12

Chapitre 1. — Il est hors de doute que le Saint Esprit ne cesse d’avoir en vue Israël, et spécialement Juda et Jérusalem, d’un bout à l’autre de la prophétie d’Ésaïe. Souvent, il est vrai, il est parlé de jugements contre les Gentils, quelquefois de manifestations de la grâce divine à leur égard, et ceci non seulement lorsqu’Israël sera le point central d’où la bénédiction rayonnera sur la terre, mais même pendant le temps où, comme maintenant, les Juifs sont laissés de côté pour une certaine durée. Néanmoins le langage du prophète prouve d’une manière assurée que le livre pris dans son ensemble, se rapporte à l’ancien peuple de Dieu et non à l’Église des premiers-nés.

Malgré cela, comme toute l’Écriture est également inspirée de Dieu, nous trouverons ici, comme dans toutes les pages du saint Livre, de précieux enseignements, des leçons humiliantes pour le cœur de l’homme, des témoignages de la miséricorde, de la bonté, de la patience inépuisables du Seigneur, mais aussi de solennels, d’inévitables jugements contre tout mal qui se produit. Partout et en tout temps, la gloire de Dieu resplendit aux yeux de la foi de l’éclat dont elle resplendira à « tout œil » dans un jour qui se hâte rapidement. Mais le Dieu seul sage s’est plu à manifester Ses pensées et à déployer Ses voies, sous des formes variées qui étonnent et embarrassent l’esprit borné et le cœur mal disposé de l’homme. Les uns s’empressent de bannir le passé de leur mémoire, comme si la révélation des privilèges du moment était tout ; les autres, et en plus grand nombre, perdent le sentiment de la vocation actuelle de Dieu dans un amalgame, dans une inintelligente monotonie d’idées, et confondent Israël et l’Église, la loi et l’évangile, la terre et le ciel, la grâce et la gloire.

Sans doute, maintenant que le Fils de Dieu est apparu, c’est Lui qu’il est de notre devoir d’écouter ; et s’Il n’est pas le centre de nos affections, s’Il n’occupe pas dans nos cœurs la première place, c’est une chose vaine de parler de Moïse et d’Élie, de la loi et des prophètes.

Or, c’est L’écouter que de croire que l’Esprit de vérité est venu pour nous conduire dans toute la vérité, vérité dont une grande partie ne pouvait être supportée par les apôtres eux-mêmes, jusqu’à ce que la rédemption fût accomplie, et que le Fils de l’homme fût monté là où Il était auparavant. Il est donc convenable que nous recherchions dans le Nouveau Testament la portion qui nous concerne d’une manière spéciale, la révélation du mystère caché dès avant la fondation des siècles. Mais nous ne pouvons oublier, sans déshonneur pour Dieu et sans préjudice pour nos âmes, qu’il est certains principes moraux qui ne varient jamais, pas plus que Dieu ne saurait jamais rien dire ou faire qui soit au-dessous de Lui, quelle que puisse être Sa condescendance à l’égard de Ses créatures. Ainsi l’obéissance est toujours le droit sentier pour le fidèle, et la sainteté est inséparable de la nouvelle nature ; mais alors, le caractère de l’obéissance et la profondeur de la sainteté dépendent nécessairement de la mesure de lumière que Dieu dispense et de la puissance des motifs qu’Il révèle pour agir sur les cœurs. Ce qui était permis à l’époque et sous l’organisation lévitique n’est plus à sa place aujourd’hui, si nous nous soumettons à l’autorité du Sauveur. Et cela est au moins aussi exactement vrai du culte public et du service de Dieu que de la vie et des devoirs privés. C’est dans des mesures bien diverses et de bien des manières, que Dieu a parlé aux pères par les prophètes ; mais en ces jours, Il a parlé par Son Fils. D’où il résulte que l’incrédulité prend le caractère d’une résistance contre le parfait amour, la parfaite lumière, la parfaite autorité, la parfaite grâce, révélées en Celui qui est l’image du Dieu invisible, Dieu Lui-même par dessus toutes choses, béni éternellement ; tandis que la foi qui a fléchi le genou devant cette manifestation de la divinité, aime à écouter les oracles antérieurs, et à refléter la véritable lumière qui brille maintenant, aussi bien que les rayons plus faibles mais également divins qui perçaient les ténèbres de l’homme ; car toutes les promesses bénies de Dieu sont maintenant réalisées en Christ.

Dans la prophétie qui fait l’objet de notre étude, Dieu agit encore avec le peuple en tant que corps ; c’est pour cela qu’Il plaide avec lui à cause de ses iniquités, traçant un tableau complet, approfondi, minutieux de ses mauvaises voies. Car si la prophétie encourage le fidèle par la promesse assurée de la bénédiction divine qui vient, elle jette une vive et profonde lumière sur l’état actuel de ceux qui portent le nom du Seigneur ; par l’espérance qu’elle communique, elle fortifie le cœur de ceux qui se soumettent à ses saintes déclarations. En conséquence, si on la traite avec piété et révérence, elle ne peut jamais devenir populaire, quoique les notions qu’on en tire et dont on se sert d’une manière propre à exciter, puissent l’être. Mais l’Esprit s’adresse à la conscience en la présence de Dieu, et il n’est rien que l’homme repousse avec plus de force. Et tel est bien le caractère du don de prophétie (1 Cor. 14), ainsi que celui des écrits prophétiques, et la préférence des Corinthiens pour le don plus éclatant des miracles nous révèle clairement leur condition morale.

Ai-je besoin de faire remarquer comment le premier chapitre d’Ésaïe vient à l’appui des observations qui précèdent ? Quelles remontrances de la part de Dieu ! Les cieux et la terre sont appelés à écouter Ses plaintes contre Son peuple coupable. Les plus stupides de leurs bêtes de somme font honte aux enfants d’Israël. En vain ont-ils été comblés des faveurs les plus précieuses : « J’ai nourri des enfants, je les ai élevés ; mais ils se sont rebellés contre moi ». Les châtiments n’ont pas amené de plus heureux résultats (v. 5-9). Pays, villes, habitants, tout, dans la vision du prophète, apparaît désolé, ruiné par le péché ; un tout petit résidu échappe seul à la destruction.

Ces faits ne nous disent-ils rien à nous ? Il y a plus que l’Église de Dieu appelée et formée alors que tout était en chute, que l’homme, Israël, le monde, avaient été jugés moralement à la croix : il y a encore pour nous le fait que la maison de Dieu est en désordre, que les derniers temps, les temps de nombreux antichrists sont venus depuis longtemps. Le témoignage chrétien, en dépit de ses privilèges infiniment plus grands que ceux dont jouissaient les Juifs, a renié Dieu d’une manière beaucoup plus déclarée et plus étendue que ceux-ci ne l’avaient fait. Qu’est-il réservé à la masse, sinon un jugement auquel la grâce fera seulement échapper ceux qui s’humilient sous la puissante main de Dieu ? Une semblable perspective est-elle de nature à nous rendre insensibles ? Au contraire, l’esprit d’intercession accompagne invariablement une sainte attention aux déclarations prophétiques, fruits l’une et l’autre de la communion avec Dieu. Le Seigneur a trop d’amour pour Son peuple pour voir avec indifférence ses péchés, les péchés de tous les hommes ; Il doit venger les outrages faits à Sa majesté ; et ceux qui entrent dans le secret de Ses pensées ne peuvent que désirer avec toujours plus d’ardeur le bien des âmes et la gloire de leur maître. L’amour véritable n’a aucun rapport avec les œuvres infructueuses de ténèbres ; il les réprouve plutôt. Cet amour qui est de Dieu ne pèse pas non plus le péché à la même balance que la nature ; mais il sent tout de suite et profondément tout ce qui porte atteinte au Seigneur Lui-même.

Quant à Israël, il était pire encore que les païens : « Écoutez la parole de l’Éternel, conducteurs de Sodome ; prêtez l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe ! ». Ce n’était pas que le zèle religieux leur fît défaut ; ce n’était pas qu’ils ne cherchassent un remède aux iniquités manifestes de leur époque. Mais leurs remèdes étaient pire qu’inutiles (v. 10-15). Si la ruine de Sodome les menaçait, c’est qu’ils étaient au fond une vraie Sodome, et leurs sacrifices, leurs fêtes, leurs assemblées, étaient odieux au Seigneur qui refusait d’écouter leurs prières. Il n’y avait chez eux ni sincère repentance, ni tremblement devant la parole de Dieu.

Et cependant l’Éternel daigne encore les inviter à se repentir et à porter des fruits convenables à cette repentance, promettant de leur venir en aide s’ils se soumettaient à Lui et Lui obéissaient, mais les menaçant de les consumer par Son épée s’ils refusaient. La corruption universelle est alors mise à nu ; et finalement, le Seigneur montre qu’Il doit châtier Ses adversaires, et restaurer Sion dès que les idoles et ceux qui les font auront succombé sous Sa puissante main.


Chapitre 2. — Nous venons de voir que, bien que le peuple soit assuré de la bénédiction de Dieu, s’il se repent réellement, le prophète fait voir que le jugement sera d’abord exécuté contre les méchants ; puis l’Éternel rachètera Sion. Le chapitre 2 fait suite à cette prédiction et annonce non seulement le rétablisse des juges et de Jérusalem qui sera appelée la cite de justice, mais il déclare aussi que la montagne de la maison de l’Éternel sera affermie, et que toutes les nations y aborderont ; « car la loi sortira de Sion, et la parole de l’Éternel de Jérusalem. Il exercera le jugement parmi les nations, et il reprendra plusieurs peuples ; ils forgeront de leurs épées des hoyaux, et de leurs hallebardes des serpes ; une nation ne s’élèvera plus contre l’autre, et ils ne s’adonneront plus à la guerre » (v. 3, 4).

Cela est parfaitement clair aux yeux de quiconque le considère avec simplicité. Qu’on néglige le contexte, qu’on ne tienne aucun compte du fait que ce qui précède a pour préface ces mots : « Vision d’Ésaïe, fils d’Amots, laquelle il a vue touchant Juda et Jérusalem », et tout est confusion. Il va de soi que ces brillantes promesses ne se rapportent pas au retour du faible résidu de la captivité de Babylone ; mais les vues de beaucoup de chrétiens sur ce point ne sont pas moins insoutenables. Combien est pauvre, par exemple, le système de Théodoret, qui s’efforce de montrer l’accomplissement de la prophétie en question, dans la florissante unité de l’empire romain à l’époque où notre Seigneur apparut, et dans le fait que les peuples conquis dont il se composait n’étaient plus en guerre, mais se livraient à l’agriculture et répandaient sans obstacle( !) l’évangile au près et au loin ! Les essais d’interprétation qu’on a donnés depuis lors n’ont pas été plus heureux, à moins que l’on ne trouve plus d’homogénéité dans l’explication papiste qui suppose que ces prédictions se sont vérifiées au sein de l’église romaine, ou que l’on préfère se ranger à l’opinion des autres commentateurs qui donnent aux paroles du prophète un sens mystique et qui voient leur réalisation dans l’unité de tous les croyants, dans leur paix, leur parfaite sainteté, leur entière soumission aux Écritures, soit sur la terre au milieu de la vérité, soit, ainsi que le pensent quelques-uns, dans le ciel, alors que toute lutte aura cessé.

Prenez maintenant ce passage dans sa portée naturelle, et vous verrez s’évanouir toutes les difficultés. Quand l’œuvre de jugement aura pris fin, Sion sera pour toutes les nations la source de bénédictions divines, et le centre autour de laquelle elles se réuniront lorsque la paix régnera dans l’univers et que Jéhovah sera roi de toute la terre. Tout le contraire aura lieu, comme le Seigneur l’a prédit, jusqu’à la fin du siècle : « Une nation s’élèvera contre une autre nation, et un royaume contre un autre royaume ». C’est ce qui se passe actuellement. Bientôt, quand poindra l’aurore des temps nouveaux, sous la domination terrestre du Messie (Apoc. 11, 15), « une nation ne lèvera plus son épée contre l’autre, et on ne s’adonnera plus à la guerre ». Ce sera un ordre de choses dont le monde n’a jamais fait l’expérience, et si le rejet d’Israël a été la réconciliation du monde, quelle sera sa réception, sinon une vie d’entre les morts (Rom. 11) ? L’affluence de tous les peuples vers Sion ne saurait être confondue avec le rassemblement de personnes prises de leur sein dont l’Écriture parle comme étant l’Église de Dieu, alors même que nul jugement divin ne serait exécuté contre eux (et spécialement contre les Juifs) auparavant, et que cette ère de paix, de bénédiction et de gouvernement du Messie, ne coïnciderait pas avec la suprématie d’Israël, ce qui suppose une condition tout à fait distincte de celle de l’Église dans laquelle il n’y a plus ni Juif, ni Gentil, mais où Christ est tout en tous.

Ce qui suit confirme hautement les prédictions relatives à la bénédiction et à la gloire future d’Israël sous la nouvelle alliance, et au Roi qui doit régner en justice, car le prophète (v. 5), après le tableau brillant qu’il a tracé, invite la maison de Jacob à venir et à marcher dans la lumière de l’Éternel. Puis, s’adressant à Jéhovah, il reconnaît pour quels motifs Il a rejeté Son peuple au lieu de lui donner une position élevée, c’est parce qu’il s’est rempli d’orient et de tout ce que l’homme convoite et adore. Son péché ne pouvait être pardonné. Enfin, il presse la maison de Jacob de se cacher dans la poussière, à cause du jour du Seigneur qui, sans nul doute, n’a pas encore paru pour châtier l’orgueil et l’idolâtrie de l’homme. Tout esprit sincère n’a besoin que de lire ce passage dans un esprit de foi et de sainte révérence, pour se convaincre qui ni Nebucadnetsar, ni Titus, ni l’évangile n’ont rien à démêler avec l’accomplissement des jugements qu’il retrace.


Chapitres 3 et 4. — Mais quelque universel que doive être l’abaissement de l’orgueil humain, le chapitre 3 annonce un coup plus terrible encore qui doit frapper Jérusalem et Juda, non seulement dans leur vie publique et politique, mais d’une manière détaillée, minutieuse, dans la personne des filles de Sion et l’orgueilleuse petitesse de leur parure. La désolation sera tellement grande que la disette d’hommes portera les femmes à une hardiesse contraire à la modestie de leur sexe. Mais ce temps d’épreuves est suivi d’une éclatante manifestation de beauté et de gloire, et d’une abondance de miséricorde pour le résidu sauvé et saint (chap. 4). Et de même qu’autrefois la colonne de nuée couvrait le tabernacle de la présence divine, de même « le Seigneur créera sur toute l’étendue du mont Sion, et sur ses assemblées, une nuée de jour avec une fumée, et une splendeur de feu flamboyant de nuit, car la gloire se répandra partout ». Essayer de rapporter à l’évangile ces révélations de la gloire future des enfants d’Israël après qu’il aura passé par le creuset des épreuves, c’est, dans toute l’acception du mot, ce qu’on appelle tordre les Écritures. Pendant la dispensation actuelle, ils sont ennemis à l’égard de l’évangile à cause de nous ; mais ils sont bien-aimés selon l’élection à cause des pères. Quand ce jour viendra, la plénitude des nations sera entrée, et ainsi tout Israël sera sauvé. C’est un ordre de choses qui diffère complètement de tout ce qui a lieu depuis le temps actuel de la grâce jusqu’au jour du jugement, quelle que soit la miséricorde de Dieu pour les réchappés d’Israël et des Gentils : « En ce jour-là il y aura un seul Éternel et son nom ne sera qu’un ». C’est la délivrance et non la destruction de la création qui soupire encore. « Et toute la terre deviendra comme une plaine depuis Guéba jusqu’à Rimmon, vers le midi de Jérusalem, laquelle sera exaltée et habitée en sa place, depuis la porte de Benjamin jusqu’à l’endroit de la première porte, et jusqu’à la porte des encoignures, et depuis la tour de Hananeël jusqu’aux pressoirs du roi ». Ce n’est ni le passé, ni le présent ; ce n’est pas non plus l’état éternel, mais le millénium. C’est une époque de gloire, en laquelle le Seigneur répondra aux cieux, et les cieux répondront à la terre, et la terre répondra au froment, au bon vin, et à l’huile, et eux répondront à Jizreël. Le jugement divin aura effacé le péché de Sion, et la gloire se manifestera d’une manière plus bénie qu’auparavant et pour toujours. Qu’y a-t-il qui puisse former un plus frappant contraste avec notre jour de grâce patiente ?


Chapitres 5 et 6. — Ces deux chapitres font ressortir de la manière la plus frappante les voies de Dieu dans le jugement de Son peuple. Il sont tout à fait distincts l’un de l’autre. Le chapitre 6 est introduit brusquement, sans raison d’être apparente, et forme avec les chapitres 7, 8 et 9, 1-7 inclusivement, une parenthèse irrégulière, mais pleine d’intérêt et d’instruction, après laquelle la solennelle annonce de malheurs commencée au chapitre 5 reprend de nouveau dans les désastres multipliés qui fondent sur Israël et le pays, jusqu’à ce qu’ait lieu la suprême et éternelle délivrance qui doit s’accomplir au dernier jour.

Mais si les chapitres 5 et 6 diffèrent de caractère et d’époque, l’Esprit de Dieu s’est plu à les mettre immédiatement à côté l’un de l’autre pour nous donner un précieux avertissement. Ils renferment en effet le double principe ou la double règle de jugement que Dieu a coutume d’appliquer à Son peuple. Dans l’un Il regarde en arrière, dans l’autre en avant ; dans le premier Il mesure, au moyen de tout ce qu’Il a fait pour les siens, ce qu’ils auraient dû être à Son égard ; dans le second, Il les juge par la manifestation de Sa gloire au milieu d’eux. L’un répond à la loi par laquelle est donnée la connaissance du péché ; l’autre, à la gloire de Dieu à laquelle nul n’a atteint (Rom. 3, 23).

Au chapitre 5, le prophète chante à Jéhovah, son Bien-aimé, un cantique touchant Sa vigne. Moïse avait déjà (Deut. 32), dans un magnifique langage, célébré en présence d’Israël, le choix souverain et la bénédiction de Dieu, déploré les péchés et le châtiment du peuple ; mais il avait également annoncé que l’Éternel finirait par avoir compassion du pays et de ses habitants, avec lesquels les nations dispersées se réjouiraient. Notre chapitre embrasse un horizon plus restreint.

« Mon Bien-aimé avait une vigne sur un fertile coteau ; il l’environna d’une haie, en ôta les pierres et la planta de ceps exquis ; il bâtit aussi une tour au milieu d’elle, et y tailla une cuve. Or, il s’attendait qu’elle produirait des raisins, mais elle a produit des grappes sauvages ». Dieu n’avait rien négligé. Il avait placé Israël dans la position la plus favorable, s’en était fait un peuple à part, avait enlevé tous les obstacles de son chemin, l’avait comblé de Ses faveurs, lui avait accordé non seulement Sa protection, mais tous les moyens de bénédiction. « Qu’y avait-il plus à faire à ma vigne que je ne lui aie fait ? ». Pourtant tout fut inutile. Elle ne portait que de mauvais fruits. Comme Adam, Israël transgressa l’alliance. Il en est toujours de même. La responsabilité de l’homme aboutit à une ruine complète. L’homme s’éloigne de Dieu et corrompt sa voie sur la terre. « Maintenant donc, écoutez ce que je m’en vais faire à ma vigne : j’ôterai sa haie, et elle sera broutée ; je romprai sa clôture, et elle sera foulée, et je la réduirai en désert, elle ne sera plus taillée ni fossoyée, et les ronces et les épines y croîtront ; et je commanderai aux nuées de ne plus faire tomber de pluie sur elle. Or la maison d’Israël est la vigne de l’Éternel des armées, et les hommes de Juda sont la plante en laquelle il prenait plaisir ; il en a attendu la droiture, et voici l’oppression ; la justice, et voici la clameur » (v. 4-7).

Ainsi la nation, comme corps, est pesée à la balance divine et trouvée trop légère. Cela est si évident et si grave, que Dieu invite les habitants de Jérusalem et les hommes de Juda, à juger entre Lui et Sa vigne, bien qu’ils fussent eux-mêmes les arbres abâtardis dont il s’agissait. Il n’y avait pas plus à mettre en doute la bonté témoignée à Israël, que son obligation à porter du fruit pour Dieu. Mais l’obligation ne produit jamais de fruit qui convienne au Seigneur. Que pouvait-il résulter d’un pareil état de choses, sinon malheur après malheur ?

Le fait est que, sur le fondement de la responsabilité, toute créature a failli, excepté Celui-là seul qui reste éternellement le Créateur, quelle qu’ait pu être Sa profonde condescendance en s’abaissant jusqu’à revêtir une forme humaine. Or quel est le secret de la victoire pour le croyant de nos jours et dans tous les temps ? Nous devons nous élever au-dessus de ce qui appartient simplement à l’humanité, afin de marcher comme des saints ; oui, dans un sens, nous devons être au-dessus même de notre devoir, afin de l’accomplir de point en point. Comme autrefois ceux-là seuls marchaient d’une manière irréprochable selon la loi, qui regardaient au Messie promis avec une foi vivante, de même les saints peuvent maintenant glorifier Dieu par une marche sainte et juste, parce qu’ils sont sous la grâce et non plus sous la loi. Le sentiment de la délivrance et d’un état de faveur parfaite devant Dieu donne beaucoup de force là où se trouve la nouvelle vie. Je ferai observer, en conséquence, que dans le passage que nous examinons, Christ ne paraît nullement comme le moyen et le canal par lequel découle la grâce. Tout est donc ténèbres et mort sans espoir ; aussi le prophète, allant droit au but, dénonce ouvertement le mal surabondant et constant qui se trouve parmi le peuple de Dieu. Pas une ombre de consolation, pas un rayon d’espérance : rien que le péché d’Israël et le jugement de Jéhovah. À chaque péché sa rétribution. Malheur à ceux qui joignent maison à maison, champ à champ, et qui ne songent qu’à leur propre agrandissement ! L’Éternel les réduira tellement en désolation que leurs vignes et leurs terrains ne leur rapporteront que le dixième de la semence. Malheur à ceux qui courent après le plaisir et la volupté ! Ils seront emmenés captifs et le sépulcre les engloutira tous, les petits aussi bien que les grands. Quant aux pécheurs endurcis qui jettent au Seigneur un défi dérisoire ; quant aux corrupteurs, à ceux qui sont sages à leurs yeux, aux amis des méchants, aux ennemis des justes, malheurs sur malheurs les attendent : « Parce qu’ils ont rejeté la loi de l’Éternel des armées et méprisé la parole du Saint d’Israël, la colère de l’Éternel s’est embrasée contre son peuple, il a étendu sa main sur lui et l’a frappé ». Mais les calamités ne sont point épuisées. « Malgré tout cela, il n’a point fait cesser sa colère, mais sa main est encore étendue ». Telle est la charge accablante que nous verrons se réaliser aux chapitres 9 et 10. Les nations vengeresses peuvent être éloignées, mais au signal de Jéhovah, « chacune viendra promptement et légèrement ». « Et si on regarde vers la terre, voici il y aura des ténèbres et de la calamité, et la lumière sera obscurcie jusqu’au ciel ». Tel est le lot de l’homme, le lot d’Israël, là d’où Christ est absent.


La scène change complètement avec le premier verset du chapitre 6. Non que le peuple soit devenu tant soit peu meilleur ; de fait ce ne fut que lors de l’apparition de Christ que l’homme découvrit pleinement ce qu’il était et ce qu’il est. La loi prouvait que l’homme commet et aime le péché ; la présence de Christ a prouvé qu’il hait le bien, qu’il hait Dieu Lui-même manifesté dans toute Sa pureté et Son humilité, qu’il hait et la grâce et la vérité de Jésus. Ce n’est donc pas seulement le fait que l’homme était en chute et coupable ; mais lorsqu’il a eu sous les yeux un être digne sous tous les rapports de son amour, de ses hommages, de son admiration ; un être, la parfaite manifestation de ce que l’homme devait être pour Dieu et de ce que Dieu était pour l’homme, alors même il a haï cet être, il n’a pu supporter Son éclat, il ne s’est donné aucun repos jusqu’à ce qu’il L’ait éloigné de lui autant qu’il le pouvait. Pourtant nous sommes sur un terrain qui diffère d’une manière sensible et frappante, parce que c’est de la manifestation de Jéhovah, et non pas simplement de la responsabilité d’Israël, qu’il s’agit. Les deux chapitres montrent le peuple mis en jugement, seulement les principes en vertu desquels il est jugé ne sont pas du tout les mêmes.

Ce ne fut pas dans les jours de prospérité d’Ozias que le prophète fut investi de cette solennelle mission, mais dans l’année où le fils de David, autrefois heureux, mais maintenant tout couvert de lèpre, était sur le point de rendre le dernier soupir. C’est alors toutefois qu’Ésaïe vit le Seigneur assis sur un trône haut et élevé, et les pans de Sa gloire remplissaient le temple. Jamais vision aussi splendide n’avait frappé les regards humains ; mais si les séraphins qui se tenaient au-dessus de l’Éternel, Lui donnaient tout ce qui est sur la terre comme le théâtre de Sa gloire, c’était Sa sainteté qu’ils célébraient d’abord et par-dessus tout. L’effet qu’en ressentit le prophète fut instantané. Il ne crie plus : « Malheur à ceux-ci ou ceux-là », mais « malheur à moi ». Il est profondément saisi du sentiment du péché et de la ruine de lui-même et du peuple. Mais il parle en présence de Celui dont la grâce ne le cède ni à Sa gloire ni à Sa sainteté, et le remède est aussitôt appliqué : « Alors je dis : Malheur à moi ! car c’est fait de moi, parce que je suis un homme souillé de lèvres et que je demeure au milieu d’un peuple souillé de lèvres et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées. Alors l’un des séraphins vola vers moi, tenant en sa main un charbon ardent qu’il avait pris de dessus l’autel avec des pincettes ; et il en toucha ma bouche et dit : Voici, ceci a touché tes lèvres, c’est pourquoi ton iniquité sera ôtée, et la propitiation sera faite pour ton péché ». Ce n’est pas tout ; à peine a-t-il été ainsi affranchi en la présence de Dieu, que le prophète devient le zélé serviteur et exécuteur de Sa volonté : « Puis j’ouïs la voix du Seigneur, disant : Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? Et je dis : Me voici, envoie-moi. Et il dit : Va et dis à ce peuple : En entendant, vous entendrez, mais vous ne comprendrez point ; en voyant, vous verrez, mais vous n’apercevrez point. Engraisse le cœur de ce peuple et rend ses oreilles pesantes et bouche ses yeux, de peur qu’il ne voie de ses yeux, et qu’il n’entende de ses oreilles, et que son cœur ne comprenne, et qu’il ne se convertisse, et qu’il ne recouvre la santé ». Telle est la charge, et nous savons de quelle manière certaine elle trouva son accomplissement dans l’aveuglement infligé à la nation, lorsqu’elle ne confessa pas sa souillure, n’aperçut ni gloire ni beauté en Christ présent au milieu d’elle, et refusa de croire au témoignage que lui rendit le Saint Esprit quand Il fut ressuscité et exalté à la droite de Dieu (comp. Jean 12, et Actes 28). Mais, bien que l’Esprit de prophétie prononce la sentence de Dieu contre le peuple incrédule, Il est néanmoins un esprit d’intercession : « Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? Et il répondit : Jusqu’à ce que les ville aient été désolées, et qu’il n’y ait plus d’habitants, ni d’hommes dans les maisons, et que la terre soit mise en une entière désolation, et que l’Éternel ait dispersé au loin les hommes, et que celle qu’il aura abandonnée ait demeuré longtemps au milieu du pays. Toutefois, il y en aura encore en elle une dizaine, puis elle sera désolée ; mais comme la fermeté des chênes et des rouvres consiste en ce qu’ils rejettent, ainsi la semence sainte sera sa fermeté ».

Nous voyons donc que ce passage annonce clairement un résidu, la miséricorde se réjouissant contre le jugement, et Dieu manifestant Sa gloire dans les deux cas. Mais ce résidu une fois de retour sera réduit et émondé par la main de Jéhovah. Cependant la sainte semence, le trône de la nation subsistera, alors que le jugement aura fait son œuvre.