Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 8
Chapitre 13
Nous avons vu que le chapitre 12 revient sur le passé, puis anticipe sur l’avenir, et rattache au Messie et même à Sa naissance, le dessein de Dieu qui va être manifesté au dernier jour. C’est ainsi qu’à mon avis, tandis qu’il est évidemment question du Seigneur Jésus Christ dans l’enfant mâle, ce n’est pourtant pas de Sa naissance considérée simplement comme fait historique, mais de Sa naissance en tant que liée avec le plan futur de Dieu, que ce chapitre traite. Du moment où il est fait ainsi allusion à Christ (c’est-à-dire à Christ envisagé comme la tête, non de l’Église, mais d’Israël), « paissant les nations avec un sceptre de fer », et prenant en main le gouvernement du monde, Satan intervient en personne pour faire une opposition ouverte. C’est bien là ce à quoi nous avions pu nous attendre, car Dieu Lui-même a déclaré dans le jardin d’Éden qu’Il mettrait inimitié entre le serpent et la femme, et entre sa semence et la semence de la femme. C’est là ce qui avait été révélé au commencement, et c’est ce que nous voyons s’accomplir à la fin. Sans qu’il soit fait mention de Son humiliation, le fils mâle est enlevé vers Dieu et vers Son trône. Il est donc clair que ce n’est pas précisément l’historique de la vie du Seigneur que nous avons ici, mais que des faits pareils sont ainsi rappelés — savoir : les deux faits si importants de Sa naissance et de Son enlèvement vers Dieu et vers Son trône — dans le but de présenter des liens qui rattachent à ce que Dieu veut accomplir prochainement avec Israël. Tout ce que Dieu a opéré pour l’Église entre ces deux événements se trouve complètement omis, si ce n’est en tant que l’Église est envisagée comme comprise dans les destinées du fils mâle, lequel est maintenant caché auprès de Dieu quoique devant encore régner. Absolument comme ce qui est dit de Christ dans l’Ancien Testament est appliqué à l’Église ou au chrétien dans le Nouveau. Mais quelque vrai et béni que cela soit, nous ne pouvons réellement en faire qu’un usage indirect. C’est donc le Messie que nous ici en rapport avec le plan futur de Dieu à l’égard d’Israël.
Venait ensuite la vision d’une bataille livrée dans le ciel. Ce n’est pas le Seigneur Jésus Christ, mais bien une puissance angélique que nous voyons employée de Dieu pour combattre contre les anges rebelles, Satan et son armée, et les vaincre. À partir de ce moment, Satan perd son pouvoir en haut, c’est-à-dire la portion la plus importante de son pouvoir, la plus sérieuse en elle-même, la plus déshonorante pour Dieu et la plus redoutable pour le peuple de Dieu — sa puissance dans les lieux célestes à laquelle il est fait allusion en Éphésiens 6, et dans d’autres passages. En conséquence, lorsque Satan perd sa place, il y a de la joie dans le ciel ; une voix s’y fait entendre, disant : « Maintenant est venu le salut, la puissance, le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ ». Cependant pour ce qui est de la terre, le royaume n’y est pas immédiatement établi ; seulement Satan a perdu sa place dans les cieux. Le Seigneur, dans l’évangile, fait allusion à cette chute de Satan. J’attire l’attention du lecteur sur ce passage parce que plusieurs en ont conclu que depuis longtemps Satan avait été chassé des cieux. Ce passage se trouve en Luc 10, lorsque les disciples reviennent au Seigneur pleins de joie parce que les démons mêmes leur étaient assujettis. Le Seigneur leur répond qu’Il contemplait « Satan tombant du ciel comme un éclair ». Quelqu’un pourrait opposer ces paroles de l’évangile à celles qui décrivent comme encore future la chute de Satan dans l’Apocalypse. Mais ce serait là évidemment une fausse interprétation des Écritures. Il nous faut toujours demeurer convaincus que la Bible s’accorde avec elle-même : il y a ignorance ou incrédulité lorsqu’on présente un passage de la Parole de Dieu comme étant en contradiction avec un autre. Il doit être évident, je crois, pour un esprit impartial, que la chute de Satan dans la prophétie est un événement futur qui précède de trois ans et demi (de quelque manière qu’il faille les comprendre) la destruction de la bête et l’enchaînement de Satan. C’est donc une chute qui, au moins du temps de saint Jean, était encore future. Il fallait que la conséquence immédiate fût une affreuse persécution contre la femme et sa semence. Nous avons, de plus, présenté diverses considérations qui, à notre avis, démontrent clairement que les événements dont nous venons de parler sont précédés de l’enlèvement de l’Église. Nos lecteurs doivent se rappeler que c’est la conclusion que j’ai tirée uniformément de tous les premiers chapitres, 4 à 11 ; de sorte que la chute de Satan dont il est ici question se trouve être un événement postérieur à celui de l’enlèvement au ciel des saints glorifiés. Qu’est-ce donc que le Seigneur Jésus Christ peut avoir en vue lorsqu’Il dit : « Je contemplais Satan tombant du ciel comme un éclair » ? En voyant et en entendant ce que les disciples ont opéré en Son nom dans leur service, la vision de la catastrophe de Satan se présente à Ses yeux, et toutes les conséquences de Sa victoire sur l’ennemi sont anticipées dans les premiers gages qui viennent d’en être donnés. Le Seigneur Jésus envisage la crise finale et la chute de l’adversaire, lorsque les disciples Lui rapportent les merveilleux échantillons (si je puis m’exprimer ainsi) qu’ils ont reçu « des puissances du siècle à venir ». C’était le premier grand coup porté par des hommes à la puissance de Satan, c’est pourquoi, dès le commencement de la chose, Jésus en entrevoit la fin, et ainsi dans une sorte de vision contemplative, Il voit l’ennemi précipité du faîte le plus élevé de son usurpation.
Ce n’est pas là une chose rare dans les Écritures. Dans un autre évangile, lorsque les Grecs montent à la fête désirant voir Jésus, que dit-Il ? « L’heure est venue pour que le Fils de l’homme soit glorifié ». Il allait rencontrer la croix et la mort, et cependant Il déclare que l’heure était venue pour qu’Il fût glorifié. Comment cela ? Si vous prenez ce passage dans un sens purement littéral, vous en perdez, ce me semble, toute la force. Jésus voit dans les Grecs qui se trouvaient devant Lui le rassemblement des Gentils ; et Il savait parfaitement bien que ce n’étaient que Sa croix et Sa gloire dans les cieux qui les attireraient. De sorte qu’Il embrasse d’un seul regard toute la scène qui est placée devant Lui, car Il devait encore accomplir la rédemption et monter en haut. Mais à cause de ce faible gage qu’Il vient de recevoir, Il rattache tout à Sa glorification et en parle comme d’une chose actuelle. Ailleurs, lorsque Judas fut sorti et que le Seigneur Jésus Christ répéta des paroles à peu près semblables c’est, je présume, d’après le même principe (Jean 13, 31). En Apocalypse 5, 13, nous avons vu quelque chose d’analogue. Un mouvement sensible se produit dans la vision qui affecte l’univers entier, lorsque l’Agneau prend le livre scellé des sept sceaux. Ce ne sont pas seulement les créatures vivantes qui se prosternent, les anciens qui entonnent un nouveau cantique et les myriades d’anges qui font entendre une puissante voix de louanges ; mais un chœur est formé par la création tout entière. « Et j’entendis toute créature qui est dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, et les choses qui sont sur la mer et toutes les choses qui sont en eux, disant : À celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et force aux siècles des siècles ! ». C’est comme si l’on eût fait sonner une note qui ne devait cesser de vibrer que lorsque les bouts les plus reculés de la création auront été remplis de la gloire de Dieu et de l’Agneau. Mais c’est le temps de la pleine bénédiction qui est ici anticipé ; ces accents répétés d’adoration et de joie sont produits par le fait que l’Agneau vient de recevoir le livre de l’héritage. Après cela a lieu l’ouverture des sceaux, ce qui n’est que le prélude des jugements derniers, jugements qui doivent toujours redoubler d’intensité jusqu’à ce que Christ Lui-même vienne exécuter la colère (Apoc. 19) ; et c’est après tout cela seulement qu’apparaît la gloire et que peuvent être réalisées ces anticipations (chap. 21 et 22). Pourtant, dès le premier anneau de cette chaîne d’événements, la fin en est saluée. C’est là la pensée de Christ, de même que dans le dixième de Luc. Le Seigneur ne fait pas allusion à la chute de Satan comme à un fait déjà accompli, mais à travers ce qui se présente réellement à Lui, Il envisage sa future et plus complète humiliation qui nous est dépeinte ici. Cette chute de Satan elle-même n’est nullement la dernière preuve de la puissance de Dieu contre l’ennemi. Jusque-là pour ainsi dire, aucune atteinte n’a été portée à Satan, sauf pour la foi. Il est vrai que dans la croix de Christ, il a été jugé en principe (Jean 12, 31) ; mais de fait il n’a pas encore été renversé de son trône sur le monde. Sans nul doute, l’œuvre de Dieu, en vertu de laquelle il doit être chassé du ciel, a été achevée à la croix, de sorte que pour que la chose s’effectue, ce n’est plus qu’une question de temps et de la volonté de Dieu. D’abord, Satan perd la portion céleste de la puissance qu’il a usurpée. Ensuite, il descend sur la terre en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps. Cela nous amène au chapitre 13 où nous avons le détail des actions de Satan ici-bas, savoir sur la mer et sur la terre, la mer, comme nous l’avons déjà dit, étant le symbole de ce qui est sans gouvernement établi, et la terre représentant cette partie du monde qui jouit d’un ordre reconnu. Les deux choses réunies composent le monde comme un tout, ou une sphère donnée du monde, quelle que soit sa condition.
Le prophète[1], est-il dit, se tenait sur le sable de la mer. Plus loin, au chapitre 17, il est transporté par l’Esprit dans le désert, et plus tard encore (chap. 21), sur une grande et haute montagne. Ici, comme partout ailleurs, la situation est en rapport avec le sujet présenté. « Je me tins sur le sable de la mer ». La raison est évidente ; Jean va voir une grande bête monter de la mer et, par conséquent il prend dans la vision une place qui convient. « Et je vis monter de la mer une bête ». Il faut vous rappeler que ces visions sont comme un grand panorama qui passe sous les yeux du prophète. La signification des symboles employés est ce que nous avons à découvrir par l’enseignement du Saint Esprit. La mer nous présente une foule de peuples dans un état de confusion, des peuples dans une agitation semblable à celle des vagues de l’océan. En un mot, la mer nous montre les hommes dans une condition révolutionnaire. Et c’est de cette anarchie et de cette confusion que surgit une puissance impériale. Cette puissance est appelée « la Bête ». La même chose nous apparaît en Daniel 7, mais avec cette différence, que le prophète juif voit quatre bêtes sortir successivement de la mer, et non pas une seulement, comme c’est le cas au commencement du chapitre 13 de l’Apocalypse. La première bête était comme un lion, la seconde comme un ours, la troisième comme un léopard, et la quatrième toute différente des autres. Et avant que l’interprétation fût donnée, voici comme le Fils de l’homme venant sur les nuées des cieux, en contraste avec ces puissances qui sortent de la mer agitée. C’est un royaume dont l’origine est céleste et un royaume qui doit exercer la puissance de Dieu sur la terre dans la personne du Seigneur comme Fils de l’homme ; ainsi l’autorité ne demeurera pas entre les mains de ces bêtes féroces. Le fait que ces bêtes s’élèvent de la mer sur laquelle viennent de se lever les quatre vents des cieux, symbolise probablement le bouleversement des peuples qui précéda la formation des quatre grands empires. Il est intéressant de remarquer que la fondation de ces états, qui plus tard appartinrent à la puissance impériale, eut lieu à peu près au même temps. Ils surgirent de l’obscurité et du chaos politique presque simultanément ; Dieu dans Sa souveraineté, donna successivement puissance à chacun : d’abord, aux Babyloniens : puis, aux Médo-Perses ; ensuite, aux Grecs ou Macédoniens, et en dernier lieu aux Romains. Jean ne voit qu’une bête monter de la mer. La mer, symbole de l’état agité des nations, existe dans la vision de l’apôtre et il en voit aussi sortir la quatrième et dernière bête du prophète Daniel. Les trois premières bêtes avaient eu leur temps et elles avaient disparu ; la quatrième ou l’empire romain avait suivi et était alors revêtue de toute la puissance, car précisément à cette époque c’était par l’autorité de cette bête romaine que Jean se trouvait relégué dans l’île de Patmos. Il paraîtrait que ce que Jean voit ici, c’est le dernier effort de puissance de la bête, précédant sa destruction ; mais ce qui doit se passer entre sa première apparition comme empire et sa réapparition n’est pas relaté ici. D’après la description qui nous est faite, nous ne pouvons douter qu’il soit question de l’empire romain. Il nous est parlé d’une « bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes », les mêmes choses qui nous sont rapportées de Satan (chap. 12, 3) alors qu’il est envisagé comme possédant la puissance du monde. Nous nous rappelons tous probablement ce qu’il dit au Seigneur Jésus en Lui montrant tous les royaumes du monde : « Je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été donnée et je la donne à qui je veux » (Luc 4, 6). Maintenant il en fait don ici à la bête romaine. Satan était évidemment un usurpateur, mais il est de fait le prince de ce monde, et comme tel il a sept têtes et dix cornes. Dans son caractère de Satan, il ne se présente pas ouvertement aux hommes ; il lui faut un agent ou un représentant ; il se déguise et agit par le moyen d’un autre en se choisissant un instrument parmi les hommes. Dieu avait aussi trouvé bon d’agir d’une manière semblable pour accomplir Ses précieux desseins de grâce. Satan le fait également ; — terrible contrefaçon en malice de la bonté de Dieu en Christ ! L’agent duquel il est parlé et dont le diable se sert pour accomplir son œuvre est l’empire romain dans sa dernière phase. L’ennemi profita de la convoitise de l’homme pour la puissance, car dans ce monde c’est la puissance qui est l’objet de l’ambition. Ici nous avons un grand pouvoir impérial qui dans l’origine avait été reconnu de Dieu. En tant que sortant seulement de la mer, Dieu aurait pu encore le reconnaître ; mais, du moment qu’il est dit s’élever de l’abîme, sa source n’est plus aucunement providentielle, mais expressément de l’ennemi.
Outre ces sept têtes et ces dix cornes, il a sur ces dernières dix couronnes. Qu’il me soit permis d’ajouter ici que les cornes doivent, je n’en doute pas, être citées avant les têtes, ayant « dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème » (v. 1). Ce n’est pas que nous attachions une importance exagérée à un tel ordre, mais nous croyons seulement qu’il est toujours bon de demeurer dans le vrai : les deux membres de phrase qui terminent le verset sont d’accord pour mettre les cornes en premier lieu ; peut-être est-ce parce que la bête est envisagée ici comme exerçant de fait sa puissance, tandis que Satan ne la possède que virtuellement. C’est le blasphème, et non pas simplement le paganisme, qui caractérise ses tètes.
« Et la bête que je vis était semblable à un léopard ». C’était là la principale ressemblance de son corps, et cela a trait à l’empire macédonien que sa rapidité dans les conquêtes rendit si remarquable. « Ses pieds étaient comme les pieds d’un ours » — allusion à la domination perse, attestant une grande ténacité de prise ; « et sa bouche était comme la bouche d’un lion » — image de sa voracité, comme dans la royauté et toute la carrière de Nebucadnetsar. C’est ainsi que l’empire romain, dans sa dernière phase du moins, doit réunir les différents caractères des monarchies précédentes. Et telle a bien été effectivement la politique habituelle des Romains. Ils ne cherchaient pas à détruire les principes qu’ils découvraient chez les différentes nations qu’ils soumettaient ; ils essayaient plutôt d’introduire dans leur propre système les principes qui avaient pu contribuer à la puissance des nations qu’ils s’étaient assujetties. Ils n’imposaient point leurs coutumes aux autres, mais cultivaient tout ce qu’ils jugeaient avantageux, et le tournaient à leur propre profit. De même ici, cette bête réunit les caractères de puissance qui avaient donné de l’importance aux précédentes monarchies impériales.
Il se trouve pourtant une différence notable entre celle-ci et les autres et cela dans l’origine de son existence. « Le dragon lui donna sa puissance et son trône et un grand pouvoir » (v. 2). Cette distinction importante est subséquente à la chute de Satan auquel il faut un moyen, ou un intermédiaire, pour agir d’une manière universelle sur les hommes et au centre de la civilisation et de l’activité du monde, durant le court espace de temps pendant lequel il lui est permis de faire sa volonté sur la terre. Et à cause de cela, il donne à la bête romaine, qui tenait déjà de la providence de Dieu l’autorité impériale, sa propre puissance de dragon. Jusque-là une telle chose ne s’était pas vue sur la terre, du moins dans son sens absolu — l’union de l’autorité impériale et de toute l’énergie satanique. Mais le prophète voit encore autre chose en rapport avec cet événement : « Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort et sa plaie mortelle fut guérie et toute la terre était dans l’admiration de la bête » (v. 3). Je suis porté à croire que cette tête blessée était la forme impériale de gouvernement (comp. chap. 17, 10), les têtes, qui étaient, comme nous l’avons vu, en rapport avec le dragon (chap. 12, 3) aussi bien qu’avec la bête, représentant les diverses formes de puissance qui ont existé successivement. Une d’entre elles devait être blessée à mort, mais au même moment elle devait être vivifiée par un ministère satanique. Tout le monde est dans l’étonnement, et cela n’est point étrange. La réapparition de l’empire romain, avec une splendeur de beaucoup supérieure à celle dont il brilla jadis, surprendra excessivement l’univers entier.
Et maintenant si nous jetons un regard sur Daniel, nous y trouvons un fait remarquable en rapport avec l’état de division de cet empire à la fin, et en rapport aussi avec les divisions qu’il subit après avoir cessé d’exister comme empire. La statue du deuxième chapitre de Daniel a des pieds « en partie de fer, en partie de terre ». Par conséquent il y a de la faiblesse. Le métal représente l’élément romain original dans sa force, tandis que la terre est un élément étranger qui cause de la faiblesse en cherchant à se mélanger au fer. « Mais ce que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier, c’est qu’ils se mêleront par semence humaine, mais ils ne se joindront point l’un avec l’autre ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre » (v. 43). Cela explique exactement l’état de choses existant dans l’Europe occidentale. L’histoire de cette partie du monde a été complètement changée par les invasions des barbares au cinquième siècle environ après Jésus Christ. Il fut un temps où un pouvoir vaste et solidement établi — le pouvoir de fer de Rome — exerçait une domination universelle et incontestée. Mais à l’époque dont nous venons de parler, des multitudes de hordes barbares, arrivées à la fois du nord et de l’est, fondirent sur l’empire et l’assaillirent presque sur tous les points : il tomba. Mais, quelque puissants que fussent ces barbares, ils ne purent établir que de petits royaumes séparés ; et depuis, aucune main n’a été capable de rassembler ces fragments épars pour les unir solidement de nouveau. Il n’y a pourtant pas eu manque de volonté ; au contraire, toutes sortes de moyens ont été essayés ; parfois l’épée, d’autres fois la politique, ou bien des mariages entre ces différentes nations ; mais tous ces efforts ont été faits en vain, et ainsi les choses sont demeurées sous l’arrangement providentiel de Dieu. Il n’y a pas eu reconstitution de l’unité, de sorte que l’expression dominante et favorite de la politique a été et sera encore « l’équilibre du pouvoir » ; ce qui signifie réellement qu’une distance respectueuse est gardée entre les membres épars de ce qui fut jadis un corps. Des jalousies réciproques et un esprit d’indépendance chez tous ont toujours fait efficacement obstacle à leur réunion. La tendance ordinaire a toujours été d’arrêter ou de prévenir la prépondérance d’une nation sur les autres par la formation de petits états entre les états plus puissants. Mais quoique cette blessure semblât être mortelle, elle fut pourtant guérie : « et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort et sa plaie mortelle fut guérie ». C’est-à-dire, qu’à l’époque dont parle la vision, l’empire romain doit de nouveau être consolidé, mais non pas comme précédemment sous la bonne main de Dieu qui contrôlait tout, quelles que fussent les voies de certains empereurs ; mais tout est abandonné alors à la volonté de la Bête comme instrument immédiat de Satan. Satan ne peut accuser plus longtemps les saints devant Dieu, mais il est à l’œuvre sur la terre pour faire blasphémer ouvertement contre Lui. Et cela se produit d’abord au moyen de l’influence politique. L’empire romain est réorganisé, la puissance impériale ravivée, et au-dessus se trouve une tête qui rassemble tout sous son contrôle ; de sorte que le monde entier est dans l’admiration de la Bête à laquelle le dragon a remis sa puissance, son trône et son autorité. Mais nous voyons plus que cela dans le verset suivant ; il nous apprend ceci, c’est qu’« ils rendirent hommage au dragon parce qu’il avait donné pouvoir à la Bête, disant : Qui est semblable à la Bête et qui peut combattre contre elle ? » (v. 4).
Combien l’homme est inconstant et léger ! Un état d’anarchie avait sûrement précédé, et la bête en surgissant devient un objet d’étonnement et d’adoration pour l’homme fatigué de l’agitation et des luttes antérieures. Quelque chose d’analogue s’est produit dans un pays voisin[2]. Les hommes y étaient tout brisés et bouleversés par une révolution qu’aucune borne ne retenait et qui, par conséquent, remplissait les esprits d’anxiété et d’angoisse. Qu’en résulta-t-il ? Une main puissante s’empara des rênes avec un despotisme militaire, une puissance quasi-impériale. Ce qui s’est opéré ainsi sur une petite échelle, parce qu’il ne s’agissait que d’une nation, se produira bientôt dans toutes les parties occidentales de l’Europe. Et ainsi les hommes ne dirigeront plus les choses eux-mêmes, mais un chef vigoureux prendra en main le gouvernement ; ce ne sera pas simplement la main d’un homme, mais plutôt la puissance du dragon. Dieu lui permettra de faire sa propre volonté, et pour un peu de temps il déploiera au plus haut degré toute son énergie dans le mal, Ainsi, à côté des gouvernements distincts, et des chefs qui régneront sur leurs pays respectifs, il y aura unité impériale sous un grand chef qui disposera, lui, de la puissance des autres et sera souverain sur tous. Alors seront réalisés les désirs et les rêves de l’homme qui n’ont été jusqu’ici que de vaines chimères.
Il existe dans une des premières épîtres un passage sur lequel je voudrais faire une courte remarque ; ce passage est en rapport avec ce qui a empêché et empêche encore le développement de ce mal et de bien d’autres aussi. Il se trouve en 2 Thessaloniciens 2, 6, 7. « Et maintenant, vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité se met déjà en train ; seulement celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique ». Dieu place un empêchement ou une entrave au développement de l’iniquité du monde. Et j’ai la pensée que le Saint Esprit habitant dans l’Église, est ce dont il est fait mention dans ces mots : « Celui qui retient maintenant ». Toutefois après l’enlèvement de l’Église, Dieu aura encore un témoignage ici-bas, quoique d’un caractère différent, et Satan sera encore, pour un temps, du moins, retenu dans une certaine dépendance. Cette entrave mise à l’action de l’ennemi sera maintenue par l’opération du Saint Esprit d’une manière providentielle. Lorsque cette dispensation de Dieu prendra fin, le Saint Esprit ne retiendra plus et ne sera plus vu comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre, c’est-à-dire que la puissance que le Saint Esprit exerce maintenant, non pas seulement dans l’Église, mais aussi sur le monde, ne se déploiera plus alors pour tenir Satan en échec. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». On ignore généralement ce dont on est redevable à une telle entrave mise à l’activité de Satan. Mais le temps viendra où il ne sera plus sous aucune contrainte, et il agira alors sur la terre selon tous ses désirs. Un personnage sera, par lui, placé comme chef, et les hommes seront charmés d’une telle puissance d’énergie exercée ainsi, sans conscience envers Dieu — charmés de la tranquillité relative qui résultera du fait qu’il y aura quelqu’un élevé en dignité et autorité souveraine sur tous. En un mot ils auront, sous plusieurs rapports, ce qui convient à l’orgueil et à l’idolâtrie du cœur. Les hommes comme les enfants, sont toujours mécontents de leurs plans et même de leurs succès. De plus, ayant rejeté l’amour de la vérité, ils sont tout prêts à se laisser prendre par les embûches que Satan place devant eux. De sorte qu’après avoir passé à travers un orage de révolutions, ils seront tout joyeux de se prosterner pour adorer la bête et le dragon qui a remis son autorité et sa puissance à la bête. Mais en outre, le caractère du culte rendu à la bête différera de celui de l’idolâtrie ordinaire. On ne l’adorera pas en rendant également hommage à beaucoup d’autres dieux et d’autres seigneurs comme autrefois les païens, mais il y aura rejet absolu de tout dieu au-dessus de celui qu’ils adoreront comme tel sur la terre. Cette misérable créature qui est l’habitation de Satan sera l’objet de l’adoration à laquelle le dragon participera aussi.
« Et il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses et des blasphèmes ; et le pouvoir d’agir quarante-deux mois lui fut donné ». Personne, je suppose, ne met en doute le rapport qui existe entre ceci et le chapitre 7 de Daniel. C’est le même langage qu’on entend, et il s’applique à la même époque. Si nous examinons ce chapitre, nous découvrons que les pensées que je viens d’exposer y sont confirmées. Il est dit en Daniel 7, 7 que la quatrième bête différait, quant à la puissance, de toutes celles qui l’avaient précédée. « Elle avait dix cornes. Je considérais ces cornes et voici une autre petite corne » (v. 8). Il n’y a rien de cela dans l’Apocalypse ; la petite corne n’y est pas mentionnée comme telle. Mais ce n’est pas tout. Devant le prophète « trois des premières cornes furent arrachées par elle », et elle prend possession du terrain de trois, de sorte que des dix il n’en reste plus que sept. « Il y avait en cette corne des yeux semblables aux yeux d’un homme » — symbole de l’intelligence « et une bouche qui disait de grandes choses », c’est-à-dire des paroles pleines d’orgueil et de blasphème contre Dieu (comp. le v. 25). C’est là ce qui amène le jugement de Dieu : non pas assurément le jugement du grand trône blanc où comparaissent les morts, mais bien le jugement des vivants et du monde habitable. C’est pourquoi il est écrit au verset 11 : « Je regardais à cause de la voix des grandes paroles que cette corne proférait ; je regardais donc jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». Maintenant remarquez que la différence qui existe entre la prophétie de Daniel et celle de Jean, c’est que, ce que le premier dit de la petite corne, le second le dit de la bête (comparez Apoc. 13, 5, 6 avec Dan. 7, 8 et 25). En voici la raison : Jean nous parle du caractère ou du principe, tandis que Daniel fournit le détail des faits historiques. Dix rois devaient surgir de l’empire romain, mais trois d’entre eux devaient disparaître devant la force ou la fraude d’un nouveau, la petite corne — puissance obscure à son origine mais qui arrivait à la possession de trois royaumes et devenait alors réellement la directrice de tous les autres. Dans l’Apocalypse, où il est supposé naturellement que les traits qui ont été fournis par Daniel sont déjà connus, le Saint Esprit ne revient pas sur les faits historiques et Il parle de l’empereur et de l’empire comme n’étant qu’un.
Je suis tenu de reconnaître « les puissances établies », mais lorsque Satan donne son autorité à la bête l’affaire est tout autre. Nous ne devons aucune déférence à Satan. De fait, c’est lui qui conduit la bête dans toutes les horribles profondeurs du péché. Car la bête « ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu pour blasphémer son nom et son habitation et ceux qui habitent au ciel » (v. 6). L’empire romain est, si je puis employer une telle figure, comme le chariot dans lequel se promène ce cavalier furieux.
Mais, jetons encore un coup d’œil sur Daniel 7. « J’avais regardé comme cette corne faisait la guerre contre les saints et les surmontait (v. 21)… Il proférera des paroles contre le Souverain et détruira les saints du Souverain et pensera de pouvoir changer les temps et la loi ; et ils seront livrés en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps ». C’est la même période de quarante-deux mois dont il est question en Apocalypse 13 : — « un temps » signifiant une année, « des temps » deux années, et « la moitié d’un temps » une demi-année. Je n’ai pas le moindre doute que la puissance appelée par Daniel « la petite corne » soit celle qui nous apparaît dans notre chapitre comme la Bête. Là, elle a le nom de « corne » parce que Daniel nous présente la succession progressive de l’histoire et ajoute le côté spécial juif, la circonstance que les temps et les lois sont livrés en sa main ; tandis qu’ici, nous apparaissant comme possédant toute la puissance et l’autorité du système impérial, elle est appelée « la Bête ». « Elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu pour blasphémer son nom et son habitation et ceux qui habitent au ciel ». C’était là le grand but de Satan dont la bête n’est que l’organe. C’est du ciel qu’il a été précipité, et le Dieu des cieux et ceux aussi qui y sont en relation avec Lui deviennent particulièrement odieux à Satan et à son orgueilleux représentant. « Ceux qui habitent dans les cieux » leur sont insupportables. Aujourd’hui même, rien ne bouleverse autant le monde que cela. Ce n’est pas qu’il déteste toujours la piété lorsqu’elle se rapporte aux choses d’ici-bas ; par exemple, dans une certaine mesure, l’homme apprécie l’amour car il peut y trouver son propre avantage. Mais du moment où il s’agit d’une piété qui ne s’occupe pas des choses de la terre — non pas simplement qui rejette les choses mauvaises, car cela encore pourrait être compris, mais qui rejette les meilleures œuvres de l’homme naturel lorsqu’il s’efforce d’être religieux et d’honorer Dieu à sa manière, je le répète, rien n’excite autant que cela la haine des hommes, déjà maintenant, et à combien plus forte raison dans le jour à venir. Car lorsque Satan aura perdu sa puissance et sa place dans les cieux et qu’il ne pourra plus agir que sur la terre, la pensée d’un état de bénédiction dans les lieux célestes lui sera insupportable. Il cherchera à persuader les hommes que la Bête est Dieu, et il prendra, je suppose, avantage des prophéties de l’Écriture pour leur faire croire que le temps de la bénédiction est arrivé, que de nouveau Dieu habite sur la terre, et qu’il ne reste plus qu’à jouir des délices qui s’y trouvent et de ces temps où Dieu a promis de disperser ses ennemis. Satan cherchera à reporter la date de ces événements à sa propre époque, et cela en mettant Dieu complètement en dehors, sachant pourtant ce qui est prêt à arriver et quels sont les tourments qui l’attendent quand ce jour sera là. Il s’efforcera de tirer profit des promesses mêmes de Dieu, pour abuser les hommes au point de leur faire croire que ces temps d’iniquité, sans pareils, sont les jours du règne des cieux sur la terre. Les temps décrits dans les chapitres que nous étudions sont ceux durant lesquels la conscience sera complètement cautérisée quant à Dieu ; et ce qui se passa sur une petite échelle dans l’histoire de Pharaon se vérifiera alors dans toute la chrétienté qui sera abandonnée à un endurcissement dont la fin sera la destruction. C’est là précisément ce que l’Esprit nous enseigne (2 Thess. 2, 11, 12) devoir se passer lorsque Dieu, irrité contre ce monde à cause de son rejet de la vérité, permettra que l’homme conjointement avec Satan se lance dans tout le débordement du mal. « Et à cause de cela Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité mais qui ont pris plaisir à l’injustice ». Je suis fermement convaincu que non seulement Dieu sera juste en agissant ainsi, mais, qu’en outre, la justice de Ses voies sera pleinement reconnue de toute âme soumise à Sa Parole.
Nous avons donc ici les moyens que Satan emploie pour l’accomplissement de ses desseins. Il a donné sa vaste puissance à la bête et il veut ensuite qu’elle devienne un objet d’adoration. « Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Et il lui fut donné pouvoir sur toute tribu et peuple et langue et nation. Et tous ceux qui habitent sur la terre dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, au livre de vie de l’Agneau immolé lui rendront hommage » (v. 7, 8). Ici nous trouvons la même distinction à laquelle j’ai déjà fait allusion. « Tous ceux qui habitent sur la terre » forment une catégorie pire que les tribus, peuples, langues et nations, parce que ce sont ceux qui ayant complètement abandonné le ciel et les espérances célestes, se sont pleinement livrés à l’énergie d’erreur du dernier jour. Pour ce qui regarde « toute tribu et peuple et langue et nation », autorité a été donnée à la bête sur eux ; mais « ceux qui habitent sur la terre » sont soumis entièrement à la bête et à son influence maligne. « Tous ceux qui habitent sur la terre lui rendront hommage ». Cela n’a pas été dit des autres, mais quant à ceux-ci ils se sont totalement livrés à la puissance satanique. Certaines traductions présentent ainsi le passage suivant : « Tous ceux qui habitent sur la terre dont les noms ne sont point écrits au livre de vie de l’Agneau immolé dès la fondation du monde », et quelques personnes en ont conclu que l’Agneau avait été immolé dès la fondation du monde, rapportant cela au conseil de Dieu comme en 1 Pierre 1, 19, 20. Mais la pensée de Dieu n’est nullement celle-là. L’interprétation véritable ou plutôt la lecture exacte de ce passage doit être celle-ci : « dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, au livre de l’Agneau immolé » : car en comparant ce verset avec le huitième du chapitre 17 de l’Apocalypse, nous trouvons que l’Esprit a omis quelques mots dont l’absence rend parfaitement clair le reste du verset, nous montrant ainsi avec quel membre de phrase le rapport doit être établi. « Ceux qui habitent sur la terre dont le nom n’est pas écrit, dès la fondation du monde, au livre de vie ». Le Saint Esprit ne répète pas « l’Agneau immolé » mais Il place les mots de « dès la fondation du monde » immédiatement après ceux de « écrits au livre de vie ». Le langage de Pierre, etc. (1 Pier. 1, 20), où il parle du Seigneur Jésus comme d’un agneau sans défaut et sans tache « préconnu dès avant la fondation du monde », a une tout autre portée.
Après cela viennent de solennelles paroles d’avertissement sur lesquelles je ne compte pas m’arrêter longtemps : « Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue avec l’épée il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints » (v. 9, 10). La maxime qui vient d’être posée est vraie pour tous, pour la bête même. Si elle a conduit en captivité, elle aussi y sera envoyée, ou plutôt il lui arrivera quelque chose de pire. Si elle a mis à mort au moyen de l’épée, elle aussi sera tuée par l’épée. Mais ces paroles sont placées là pour enseigner aux saints quelle doit être leur conduite dans des circonstances où ils pourraient naturellement (en voyant la méchanceté de la bête unie au dragon) se croire autorisés à lui opposer résistance. Et c’est là, je crois, la raison pour laquelle cela est dit, afin que nul saint ne soit tenté d’oublier sa place ou la suprématie de Dieu et Son jugement assuré. Leur affaire n’est pas de s’armer pour leur propre défense. S’ils agissaient ainsi, quel en serait le résultat ? Dieu, dans ce cas même, quel que soit le caractère de ceux qui ont agi ainsi, quel que soit même celui de la bête, Dieu, dis-je, maintiendrait Ses principes. Chacun recevra selon ce qu’il a voulu infliger. C’est là la loi du gouvernement rémunérateur de Dieu. L’apôtre Paul en Éphésiens 6 ne se fait pas scrupule de tenir le même langage que la loi, quand il s’agit de l’honneur dû aux parents : « Honore ton père et ta mère… afin que bien te soit et que tu jouisses de longue vie sur la terre ». Sûrement son intention n’est pas de proposer aux chrétiens comme récompense de devoirs accomplis envers des parents, une longue vie sur la terre. Mais c’était un principe posé par Dieu, et l’apôtre y faisant allusion veut seulement montrer que, même sous la loi, une bénédiction particulière se rattachait à l’accomplissement de cet ordre. C’était le premier commandement avec promesse. De même ici, l’Esprit de Dieu pose un principe général, vrai en tout temps et applicable également aux ennemis et aux amis. « Si quelqu’un », etc. — n’importe qui. Un chrétien quelconque est dans une position fausse lorsqu’il occupe une place de puissance dans ce monde. Ce qui rend la chose d’autant plus remarquable dans notre passage, c’est que les saints dont il est question sont Juifs et qu’eux, plus que tout autre, pourraient se croire autorisés à résister de tout leur pouvoir. Entendant la bête prononcer d’affreux blasphèmes, et se voyant de sa part les objets de cruelles persécutions, ils auraient pu dire : « Sûrement nous sommes autorisés à nous lever pour la défense de notre religion et de nos vies ». — « Non », dit le Seigneur, « si quelqu’un a des oreilles qu’il écoute… Si quelqu’un tue avec l’épée il faut qu’il soit tué par l’épée ». Si Dieu laisse la Bête agir pour un peu de temps selon sa propre volonté, à quoi sommes-nous appelés ? « C’est ici la patience et la foi des saints » — foi quant à Dieu, et patience pour ce qui regarde l’ennemi ; et ainsi il sera rendu d’autant plus évident que Dieu intervient en faveur de ceux qui ont souffert pour Son nom. Et si cet état de foi et de patience convient aux saints juifs dont la vocation est terrestre, combien plus doit-il nous appartenir à nous qui en avons une céleste (conf. Matt. 26, 52).
Notre grande affaire, après notre jouissance de Christ et l’appréciation de Son amour, devrait être de cultiver ce qui est selon Sa volonté, de manière à rendre un témoignage vrai de ce qu’Il est et de ce qu’Il a fait pour nous. Nous ne sommes pas du monde, et du moment où nous nous rejetons sur les ressources de la nature, ou sur notre puissance, notre influence ou notre autorité personnelle, nous quittons le terrain chrétien. Quant à nos rapports de famille, il est parfaitement bien d’agir selon notre place d’autorité ; et même la bénédiction de Dieu ne peut reposer sur ceux qui ne se maintiennent pas dans les relations dans lesquelles Dieu les a placés, soit comme père ou comme enfant, comme mari ou comme femme. Les affections, quelle que soit leur importance, ne sont pas l’unique chose à considérer. Dieu veut être respecté par une soumission à l’ordre qu’Il établit et sanctionne. Ce sont là des choses qui ne sont pas changées ou dérangées par notre position céleste ; bien au contraire, elle nous donne plutôt l’occasion de manifester que nous possédons en Christ une nouvelle puissance pour chaque relation légitime. Mais, agir comme ayant nos intérêts dans ce monde, est une chose tout autre et qui ne regarde nullement le chrétien dont l’affaire est plutôt de passer légèrement là-dessus comme ayant la connaissance que sa portion est avec Dieu dans le ciel. Le Seigneur Jésus Christ va venir pour juger le monde que Dieu tient comme coupable du sang de Son Fils et mûrissant maintenant pour le jugement. Si nous gardions habituellement cette vérité devant nos âmes, nous serions préservés de bien des choses par lesquelles nous déshonorons le Seigneur comme chrétiens.
Que le Seigneur veuille se servir de tout ce que nous apprenons pour le bien de nos âmes, afin que nous soyons complètement séparés de tout ce qui doit prendre fin d’une manière aussi épouvantable. La conduite extérieure ne suffit pas. L’Église est considérée comme ayant la pensée de Christ, et nous sommes responsables envers Dieu de nous garder de ces pièges et de ces moyens que Satan met secrètement en exercice maintenant afin de faire éclater ensuite tout ce mal. Il agit envers nous avec beaucoup plus de subtilité qu’envers le monde. Puissions-nous ne jamais oublier ce que Dieu est pour nous, et cela à cause de ce que nécessite Sa gloire. C’est maintenant que nous possédons la meilleure occasion d’être fidèles pour Christ. Ce serait en vain que nous regarderions aux autres, nous figurant que la chose nous serait plus facile dans leurs circonstances. Dieu est suffisant pour les difficultés de notre position actuelle, et Il ne manque pas de donner la force lorsqu’on s’attend à Lui. La seule raison pour laquelle nous grossissons la difficulté de nos circonstances, c’est parce que notre œil n’est pas simple envers Christ. Lorsque nous Le voyons en toutes choses, le danger, les difficultés, la tentation, tout disparaît.
L’apparition de la seconde bête diffère grandement de l’apparition de celle que nous avons déjà étudiée. La première était vue sortant de la mer, mais voici ce que nous lisons de celle qui se présente à nous dans le verset 11 : « Et je vis une autre bête monter de la terre ». Nous avons eu occasion de remarquer constamment en parcourant le livre de l’Apocalypse que la terre est le symbole de ce qui, politiquement, se trouve dans un ordre établi et reconnu — c’est proprement la scène du témoignage et des voies de Dieu aussi bien que d’un gouvernement humain établi. Elle peut abuser de ses privilèges ; comme aussi elle peut tomber dans un état effrayant de ténèbres morales, car c’est justement là où quelque bénédiction est confiée que se trouve le danger de la corruption et de l’apostasie. La mer est, au contraire, cette partie du monde qui est dans un état révolutionnaire ou de désorganisation. Si nous examinons la chose au point de vue chronologique, nous pourrons en conclure aussi que l’apparition de la seconde bête est subséquente à celle de la première. Lorsque le monstre a sept têtes paraît, tout se trouve dans un état d’agitation ; mais lorsque nous voyons venir la seconde bête, les choses sont arrangées et consolidées d’une certaine façon. Aussi, est-ce maintenant de la terre qu’il est question ; il ne s’agit plus des eaux, scène tourmentée de tous les vents. Le personnage annoncé comme montant de la terre n’est pas un simple particulier. C’est un pouvoir politique, oppresseur, qui agit sans conscience envers Dieu — une bête[3]. Il se peut, et je ne doute pas qu’il en soit ainsi, qu’un individu particulier exerce la puissance, comme cela a été le cas avec la première bête ; mais l’expression, « la bête », n’implique pas l’idée d’un individu comme tel, mais bien celle d’une puissance impériale environnée parfois de satellites qui lui sont assujetties. Il est évident, en outre, que cette bête est d’un caractère très extraordinaire, car ce qui la signale c’est une ressemblance ou plutôt une imitation du Seigneur Jésus Christ. « Elle avait deux cornes semblables à un agneau ». Le Seigneur, ainsi que nous avons dû le remarquer en lisant l’Apocalypse, est souvent désigné comme « l’Agneau ». Assis sur le trône de Dieu ou décrit comme la grande victime sympathisant puissamment avec les souffrances du peuple de Dieu, Il nous est montré comme « un Agneau ». Mais lorsque les saints sortent ici-bas de la position d’étrangers et de rejetés, qui constitue leur lot propre, le Seigneur Jésus cesse aussi d’être symbolisé de cette manière. Il semble honteux de les avouer, aussi se tient-Il à distance et Le voyons-nous comme un ange et non plus comme un agneau. La chose si extraordinaire dans ce passage, c’est que la bête prétend ressembler à Christ. Elle possède deux cornes semblables à un agneau ; c’est-à-dire qu’elle a une certaine prétention de ressembler à Christ dans Son pouvoir officiel. Si une corne est quelquefois employée comme le symbole d’un roi, elle peut aussi signifier simplement la puissance. C’est là le cas lorsqu’il est dit de David « la corne de son oint » etc. ; mais une telle signification est beaucoup plus évidente encore lorsque nous regardons au Seigneur Jésus Christ présenté dans ce livre comme ayant sept cornes et sept yeux. Assurément il ne peut être question de sept rois ; de sorte que, suivant le contexte, les cornes peuvent signifier des rois ou simplement la puissance. En rapport avec la précédente bête, il nous est dit qu’elles représentent des rois ; mais en elles-mêmes elles n’ont pas nécessairement ce sens, et il semble qu’ici elles n’impliquent pas autre chose que la puissance. Il ne s’agit pas d’une perfection de puissance comme dans le cas de l’agneau, mais seulement d’une prétention à la chose ; il y avait deux cornes. L’Esprit de Dieu se plaît à nous montrer au chapitre 17 de ce livre que les dix cornes de la première bête sont dix rois (chap. 17, 12). Jusqu’ici tout est donc clair quant à cette seconde bête. C’est une puissance qui s’élève lorsque tout est extérieurement en ordre et bien organisé ; par conséquent elle apparaît plus tard que la première bête. Mais il y a plus encore : elle s’arroge le pouvoir de Christ car elle a deux cornes semblables à un agneau. Toutefois son langage la trahit — elle parle comme un dragon. C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. Quelle que soit son apparence extérieure, lorsqu’elle exprime les sentiments de son cœur, sa voix est celle d’un dragon. À la précédente bête, le dragon avait donné sa puissance et son autorité, mais ici il y a une ressemblance plus intime avec le dragon ; sa voix en est l’expression. C’est la grande et active puissance du mal au dernier temps, et c’est là la différence qui existe entre ces deux bêtes. La première fait grande parade ; elle enlace les habitants de ce monde par son déploiement de puissance et de gloire. La seconde bête est de beaucoup la plus énergique des deux ; c’est celle qui prend le plus la place de Christ — c’est un faux Christ ou plutôt l’Antichrist, l’expression même de Satan dans son opposition la plus directe à Christ. Lorsque Satan a été vu au chapitre 12 attendant la naissance de l’enfant mâle pour le dévorer aussitôt, il ne nous est pas présenté comme le serpent mais bien comme le dragon. Et ici, pour l’accomplissement de ses derniers desseins, Satan fait parler la bête comme un dragon.
Mais il peut être à la fois utile et intéressant de considérer quelques-uns des passages de l’Écriture qui font allusion à cette seconde bête, car souvent elle est l’objet d’une extrême confusion, et cela n’est point surprenant, car ces bêtes sont si étroitement liées ensemble au dernier jour qu’il est difficile de décider laquelle des deux est l’Antichrist. Le mot d’Antichrist ne se trouve que dans les épîtres de Jean, et c’est là aussi que nous devons faire nos recherches pour connaître toute la portée de ce nom. En 1 Jean 2, c’est aux nouveaux-nés de la famille de Dieu que le Saint Esprit écrit à ce sujet, car il n’est nullement vrai que les jeunes enfants en Christ ne doivent connaître Christ que dans Ses rapports avec leur propre salut. Je suppose que le Saint Esprit s’adresse à eux pour la raison que les embûches et les ruses de l’ennemi étaient tout particulièrement dangereuses pour eux ; car tout en nous préservant du mal, le Seigneur nous donne aussi l’intelligence du danger qui nous menace. La conduite chrétienne ne doit pas, ne peut pas être inintelligente, parce qu’il ne s’agit pas d’un aveugle conduisant un autre aveugle, ni même d’un voyant guidant les pas d’un aveugle, mais bien de quelqu’un qui y voit conduisant quelqu’un dont les yeux aussi sont éclairés. Dieu donne aide et instruction ; mais le Saint Esprit prend un soin tout particulier de prouver que ce n’est pas à leur ignorance mais à leur connaissance de la vérité qu’Il fait appel. « Jeunes enfants c’est la dernière heure ; et comme vous avez entendu que l’Antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Nous apprenons là avec une entière certitude ce qui était à l’œuvre au temps de l’apôtre Jean et ce qui n’a pas cessé de s’accroître depuis, portant jusqu’à ce jour des fruits terribles quoique la pleine récolte (c’est-à-dire l’Antichrist) ne soit pas encore arrivée à maturité complète : « Maintenant aussi, il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Voilà quelle est la preuve — les progrès et le large développement, non pas du bien, comme pensent les hommes, mais du mal si profond de l’antichristianisme : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous, mais c’est afin qu’ils fussent manifestés comme n’étant pas des nôtres ». Quelle chose solennelle ! Les personnes qui manifestent l’esprit de l’Antichrist, sont précisément du nombre de celles qui, à une époque, ont professé le nom de Christ. De fait, il ne pourrait y avoir d’Antichrist s’il n’y avait eu préalablement une profession d’être de Christ. Il faut nécessairement qu’il y ait une vérité quelconque, car Satan ne saurait inventer. Il peut imiter ; il peut corrompre la vérité de Dieu et en faire usage pour l’accomplissement de ses propres desseins ; il peut même lui faire prendre des formes de mal, de manière à donner à ce qui n’est qu’erreur positive une apparence de vérité — « car, aucun mensonge ne vient de la vérité ». Ainsi donc, le grand Antichrist est encore à venir ; mais déjà, à l’époque dont il nous est parlé, il y avait plusieurs antichrists. Et chose solennelle ! ces personnes avaient toutes appartenu extérieurement à la famille de Dieu ; elles avaient pris la place d’enfants quoique pourtant elles n’eussent jamais été réellement des enfants. « Ils sont sortis du milieu de nous mais ils n’étaient pas des nôtres ». Puis le Saint Esprit ajoute : « Qui est le menteur sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? ». Mais il va plus loin. Nier que Jésus soit le Christ c’est le premier caractère ; mais il y a encore de plus grandes abominations. « Celui-là est l’Antichrist qui nie le Père et le Fils ». Voilà donc deux états qui nous sont dépeints. Il y a d’abord le reniement de Jésus comme Messie, dernier degré de cette infidélité qui se manifeste chez tous les Juifs incrédules qui rejettent Christ depuis les jours de saint Jean jusqu’à nos jours. Mais ce qu’il y a de plus effrayant, c’est que ce mal se trouve en ceux qui ont autrefois confessé Jésus comme le Christ. Le conducteur de tout ce mal est appelé un menteur ; et plus encore : il n’est pas seulement un menteur mais aussi un antichrist « qui nie le Père et le Fils ». Jésus était le Messie, mais, en outre, Il était la manifestation du Père. Si je regarde au Messie, comme tel, je ne reconnais pas en Lui le Père d’une manière positive et parfaite. Ce que je puis discerner dans ce titre, c’est le royaume de Dieu et la puissance et la fidélité de ce Dieu envers Son peuple. Toutefois il existe quelque chose d’infiniment plus précieux et béni que le royaume ; car lorsque la pensée de l’existence du Père apparaît, je ne m’élève pas seulement jusqu’à la région de la puissance divine, j’atteins une sphère infiniment plus sainte et plus élevée, celle des affections les plus intimes. Il est évident que ce que nous connaissons de la présence de Dieu maintenant, est quelque chose de beaucoup plus intime que la gloire qu’Il donnera ou manifestera prochainement. Cette gloire dira aux autres quels sont Ses sentiments à notre égard, démontrant l’amour qu’Il a pour nous maintenant. Quant à nous, nous n’avons pas besoin d’attendre le royaume pour le savoir, car par le Saint Esprit nous sommes déjà approchés de Dieu et nous Le connaissons de la manière la plus précieuse en laquelle Il puisse se révéler. Sûrement, lorsque nous serons dans le ciel, nous aurons une connaissance beaucoup plus pure de Son amour, et une jouissance qui ne sera plus interrompue par nos pensées charnelles ou par quelque influence mondaine. Tout empêchement sera ôté — toutes les idoles auront disparu — car un objet quelconque qui se place entre nous et Christ est réellement une idole. Nous serons en dehors et au-dessus de toutes ces choses lorsque nous aurons été recueillis auprès du Seigneur. Mais, pour ce qui regarde l’amour du Père, il est aussi vrai et aussi parfait actuellement qu’il le sera jamais, et, par le Saint Esprit, nous avons déjà le privilège d’en jouir. Nous entrerons plus pleinement dans cet amour alors, mais quant à l’amour lui-même, il n’est en rien différent maintenant.
C’est donc le rejet du Seigneur Jésus, non pas seulement dans Son caractère de Messie mais dans Sa gloire divine comme Fils, qui introduit l’Antichrist. Tout l’amour du Père a éclaté en Christ et le témoignage en a été rendu par le Saint Esprit. Cela comprend la révélation que Dieu a faite de Lui-même tant dans l’économie juive que dans l’économie chrétienne, et cela suppose aussi que le Messie est venu et a été rejeté, mais qu’en outre Il a manifesté toute Sa gloire céleste et divine, car Son existence comme Fils du Père ne se rapporte en rien à la terre. Sa position éternelle de Fils est évidemment quelque chose qui surpasse de beaucoup Ses droits et Son caractère messianiques. Il eût été aussi entièrement le Fils du Père lors même qu’il n’y eût jamais eu de terre, ni de dispensations providentielles. C’étaient là Sa relation et Sa gloire éternelles : et c’est pour cela que le Saint Esprit nous parle du Père lorsqu’Il veut nous amener à toute la plénitude de notre position et de notre bénédiction. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ qui nous a bénis de toute bénédictions spirituelles ». Et où cela ? — Est-ce ici ? — Oh ! du tout. « Dans les lieux célestes en Christ selon qu’Il nous a élus en Lui avant la fondation du monde ». De sorte que le siège de notre bénédiction est complètement en dehors et au-dessus de la scène de cette création inférieure. Et si un homme rejette entièrement cela et le méprise, reniant la gloire du Fils qu’il avait une fois confessée, qu’est-il ? Un antichrist. Ce qu’il fait sur une petite échelle est précisément ce que l’Antichrist fera aussi, seulement sur une plus grande.
Je cite les épîtres de Jean, parce que l’Antichrist y est mentionné, non pas comme une bête, ainsi que cela a lieu dans l’Apocalypse, mais comme étant la fin et le chef de tous ceux qui, ayant une fois appartenu extérieurement à la famille de Dieu, en sont plus tard sortis, abandonnant et niant même la vérité bénie qu’ils avaient paru recevoir concernant le Père et le Fils. « Celui-là est l’antichrist qui nie le Père et le Fils ». D’un autre côté, nous lisons aussi : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ». Dieu tient toujours le plus grand compte de Son Fils. Si vous niez le Fils, tout est perdu ; tandis que celui qui confesse le Fils, a aussi le Père. Du moment que je possède le Fils de Dieu et que mon cœur trouve ses délices en Lui, je connais le Père. « Celui qui m’a vu, a vu le Père ».
Ainsi, après avoir exhorté les chrétiens à laisser demeurer en eux ce qu’ils avaient entendu dès le commencement afin de demeurer dans le Fils et dans le Père, Jean termine son sujet ainsi : « Je vous ai écrit ces choses touchant ceux qui vous égarent ». C’était un mal qui était à l’œuvre dès le commencement. Quelle grâce nous rencontrons même en cela ! Puisque le mal existait et qu’il ne pouvait qu’être manifesté une fois ou l’autre, Dieu permit qu’il éclatât, de sorte qu’Il pût prononcer Lui-même une sentence contre la chose. Nous n’aurions jamais osé parler d’une manière aussi sévère de personnes que nous aurions connues comme amis ou comme de soi-disant frères. Les appeler menteurs ? Que c’est affreux et peu charitable ! dirait le monde. Mais du moment que les hommes s’élèvent contre la pleine révélation du Fils de Dieu, ou plutôt la nient, le Saint Esprit ne connaît pas de demi-mesures ; et je crois que nous ne devrions pas non plus en connaître. Si le cœur n’est pas préparé à agir de cette manière, vous découvrirez que quelque autre mal en est la cause. Partout où se trouvent l’amour de soi non brisé et une grande préoccupation de ce qui nous touche nous-mêmes, nous verrons, en même temps, qu’il est fait peu de cas du Seigneur Jésus Christ. Vous ne pouvez pas avoir, à la fois, deux objets d’affection opposés. Lorsque le cœur est exclusivement consacré à Christ, Il nous élève au-dessus des sentiments personnels ; mais, lorsque nous faisons grand cas de nous-mêmes, il n’y a que peu de dévouement pour Christ et peu de jalousie pour la gloire de Son nom.
En 1 Jean 4, l’apôtre fait allusion à l’esprit de la chose : « Tout esprit qui ne confesse pas Jésus Christ venu en chair, n’est pas de Dieu, et ceci est l’esprit de l’antichrist, duquel vous ayez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant il est dans le monde ». Pourquoi le Saint Esprit introduit-Il là ce sujet ? Beaucoup de faux prophètes sont sortis et agissent dans le monde, avait-il été dit au premier verset du même chapitre ; et je suis convaincu qu’il en est de même aujourd’hui. Mais c’est toujours difficile d’affirmer un tel fait du temps où nous vivons. Nous le discernons bien dans des époques antérieures, mais la grande difficulté est de discerner le caractère de ce qui est à l’œuvre actuellement. Nous nous trouvons dans des circonstances toutes semblables à celles dans lesquelles les saints étaient placés alors ; car aussi certainement que l’Esprit Saint continue à agir, aussi certainement Satan Lui oppose sa puissance subtile. « Tout esprit qui ne confesse pas… ceci est l’esprit de l’antichrist, duquel vous avez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant il est dans le monde ». Il ne s’agit pas encore de l’Antichrist comme pleinement développé, mais de son esprit à l’œuvre dans l’Église aussi positivement que l’est le Saint Esprit. L’ennemi ne commence pas par introduire ce mal dans le monde profane, mais bien parmi ceux qui ont porté le nom de Christ. Il n’aurait pas été possible à Satan de forger une telle rébellion contre Dieu chez d’autres que chez ceux qui ont professé croire la vérité et l’amour de Christ. Une allusion est faite à cela dans la seconde épître de Jean, lorsqu’il est dit : « Plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde qui ne confessent pas Jésus Christ venu en chair ; celui-là est le séducteur et l’antichrist ». Il n’est plus seulement question de la justification par la foi ou par la loi, mais il s’agit d’une chose encore plus sérieuse. C’est Satan, non seulement attaquant l’œuvre de Christ et cherchant à amener des personnes à y ajouter quelque chose afin de diminuer par là la gloire du Seigneur, mais s’efforçant, en outre, de déprécier et de nier la personne même du Fils. Quelque importante que soit pour nous l’œuvre de Christ, ce n’est pas elle mais Sa personne qui est le centre et la substance de toute vérité et de toute gloire. En présence d’un tel sujet, je sens plutôt le besoin de me prosterner pour adorer, que de me livrer à la discussion. La raison pour laquelle quelques personnes tiennent particulièrement à l’œuvre de Christ, c’est parce qu’elles sentent, et cela justement, qu’elles ne peuvent être sauvées sans cette œuvre. Mais du moment où nous avons la paix de la conscience, c’est la personne de Christ qui devient le plus précieux objet de nos cœurs. Il est les délices de Dieu ; et ce qui Lui est tout particulièrement précieux, doit aussi nous être infiniment cher ; car c’est là qu’est pour nous la bénédiction. Sa Parole ne nous dit pas seulement que celui qui nie Jésus Christ venu en chair, mais que celui qui ne confesse pas Jésus Christ venant en chair, est un séducteur et un antichrist. Le Saint Esprit devient, si j’ose m’exprimer ainsi, de plus en plus hardi dans Ses déclarations. Va-t-Il baisser de ton parce que Satan semble gagner du terrain et qu’il devient de plus en plus audacieux contre Christ ? Et nous, pouvons-nous dire que nous ne devons pas être aussi stricts maintenant, parce qu’il y a tant de mal et que l’Église est en ruine ? Oh ! loin de là ; lorsque le Saint Esprit nous pourvoit de la provision nécessaire pour les derniers temps, Son langage est plus énergique que jamais. Voici ce qu’Il dit (v. 10) : « Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas ». Nous n’avons rien à lui dire. Non seulement il ne doit pas être reçu dans l’Église, la demeure du Dieu vivant, mais encore il ne doit pas y avoir pour lui d’entrée dans la maison d’un chrétien. Il ne faut pas qu’il rencontre parmi les saints approbation ou appui ; car, l’habitation du chrétien doit être une forteresse pour le nom du Seigneur et une reproduction de tout ce qu’Il aime et produit Lui-même chez ceux qui L’avouent et L’honorent. L’apôtre n’est pas arrêté dans son sujet par la pensée que c’est à la dame élue qu’il écrit ; c’est-à-dire à quelqu’un qui n’est appelé ni à enseigner ni à gouverner ; car lorsqu’il est question de Christ, il est inutile de prétexter comme motif de relâchement que c’est à une femme qu’on s’adresse. Elle a besoin de Christ, elle doit tout à Christ, et quoique ce soit une femme, elle est tenue de Lui donner la première place, de L’avoir pour premier objet de ses affections ; c’est pourquoi, si un individu quelconque porte atteinte à Christ, peu importe qui elle est ou ce qu’elle est, sa fidélité à Christ réclame d’elle tout empressement et toute décision. Cela devient aussitôt un mobile impérieux pour la foi et une importante responsabilité pour l’âme. Qu’il s’agisse de personnes qui ont l’esprit de l’antichrist ou bien du grand Antichrist lui-même, il y a opposition à Christ ; et cela décide tout pour un cœur sincère.
Dans l’Apocalypse, l’Antichrist est dépeint non pas simplement comme un séducteur, mais comme une « bête », comme une puissance terrestre possédant de fait des royaumes et un système impérial, plutôt que comme ayant uniquement une influence spirituelle, maligne, ainsi que c’est le cas dans les épîtres de Jean. Si nous consultons quelques-uns des prophètes juifs, nous aurons à ce sujet quelques détails de plus. Je fais particulièrement allusion à Daniel 11. Vers la fin de ce chapitre (v. 36), voici ce que nous lisons : « Le roi donc fera selon sa volonté et s’enorgueillira et s’élèvera par-dessus tout dieu ; il proférera des choses étranges contre le Dieu des dieux ». Ce passage nous montre en Judée un personnage plein de lui-même et qui s’élève entièrement, Cela est fort clair, car un peu plus bas il est dit : « Il honorera dans son lieu le dieu Mahuzzim ; il honorera, dis-je, avec de l’or et de l’argent et des pierres précieuses et des choses désirables, le dieu que ses pères n’ont point connu. Et il fera de grands exploits dans les forteresses les plus fortes tenant le parti du dieu inconnu… Il les fera dominer sur plusieurs et leur partagera le pays à prix d’argent ». Or, il me semble que partout où le Saint Esprit parle d’un pays en l’appelant le pays, c’est de la terre d’Israël qu’il est question. Il en parle comme de la terre du Seigneur. Cela est confirmé un verset ou deux plus loin (v. 41) : « Il (le roi du Nord) entrera au pays de noblesse et plusieurs pays seront ruinés ». C’est ainsi qu’un grand antagoniste venant du Nord se lèvera contre le roi (v. 40) « comme une tempête avec des chariots et des gens de cheval » etc. Il est donc évident que le pays de noblesse dont il est ici parlé est celui que « le roi » a partagé entre ses favoris. En un mot, il est roi dans le pays de Judée et il est dit expressément que l’époque, la politique et les conflits appartiennent au temps de la fin. Alors « le roi du Midi choquera avec lui (le roi de Judée) de ses cornes, et le roi de l’Aquilon se lèvera, etc. ». S’il en est ainsi, plusieurs points sont rendus clairs par ces versets. Tout premièrement un roi agissant selon sa volonté s’établit dans la Palestine, et tandis que vous pouvez apercevoir en lui des traits moraux qui établissent des rapports intimes entre lui et « l’Antichrist » dépeint en Jean, il est envisagé ici comme une puissance terrestre et rattaché par là à l’une des bêtes de l’Apocalypse. Mais il y a plus que cela, car il doit s’enorgueillir et s’élever par-dessus tout dieu. C’est là un nouveau caractère. Certains empereurs romains se faisaient rendre, durant leur vie et même après leur mort, les honneurs divins, mais jamais aucun d’entre eux ne se plaça comme étant au-dessus de tout dieu. Mais « le roi » s’élèvera au suprême degré, et cela dans un pays qui, d’une manière toute spéciale, appartient au Seigneur et parmi un peuple que Dieu avait appelé pour qu’il fût témoin contre toute idolâtrie ; et cet homme voudra pourtant en imposer une nouvelle, et des plus audacieuses, en s’arrogeant la place du Très-haut dans le pays et le temple de Dieu (comp. 2 Thess. 2) ; car quelque corrompu qu’ait été Israël « en se prostituant sous tout arbre vert », nous avons ici le spectacle inconnu jusque-là d’un homme qui se donne pour le Dieu suprême. Malgré cela, il a lui aussi un objet d’adoration, car tout homme est esclave de quelque chose à moins de posséder la seule élévation réelle, chose qui n’appartient qu’à celui qui sait se prosterner devant le vrai Dieu. Celui-là est réellement le plus élevé, qui sait le plus s’abaisser devant Dieu. Car l’homme (en cela encore différent de Dieu) ne peut se suffire à lui-même. Il faut, ou qu’il élève ses yeux pour les arrêter sur le vrai Dieu, ou bien qu’il les abaisse sur un faux dieu. Le personnage même qui s’efforcera de s’assujettir toutes choses pour devenir l’unique objet de culte se trouvera être asservi lui-même à quelque chose. C’est ainsi que nous voyons (v. 37) que, tandis qu’il ne se soucie point du Dieu de ses pères (détail confirmant son origine juive) ni du désir des femmes — chose qui a probablement trait à la naissance du Messie — ni d’aucun dieu, car il s’élèvera au-dessus de tout, l’Esprit Saint ne laisse pas de nous montrer dans son caractère cette apparente contradiction (v. 38) : « Il honorera dans son lieu le dieu Mahuzzim » (le dieu des forces). Il veut que toutes les créatures l’honorent lui, mais il honore lui-même ce faux dieu « avec de l’or et de l’argent et des pierres précieuses et des choses désirables ». C’est là ce qu’il fera du dieu inconnu qu’il aura connu et dont il multipliera la gloire. « Et au temps de la fin (vers. angl.) le roi du Midi choquera avec lui de ses cornes mais le roi de l’Aquilon se lèvera contre lui… Et il entrera au pays de noblesse ».
Il est ici clairement question de la Palestine. Le roi du Midi et celui du Nord sont ainsi appelés à cause de leur position relative avec la Judée. Le roi du Nord, annoncé comme arrivant avec une grande force, n’est autre que l’Assyrien, duquel les prophètes parlent habituellement ; tandis que le roi du Midi occupera alors le trône d’Égypte. Ces deux puissances s’élèvent contre « le roi » qui, à mon avis, est l’Antichrist de l’Écriture. Le Saint Esprit ne décrit pas ici son apparition, car il n’y avait nul besoin de dire qui il était ; mais il l’introduit d’une manière tout à fait brusque. Si nous examinons, en effet, le verset 35, nous verrons qu’il y est question de gens intelligents, allusion à ce qui se passa du temps des Macchabées sous le règne d’un prince tristement célèbre, Antiochus Épiphane, qui persécuta cruellement les Juifs, d’entre lesquels plusieurs se rendirent très remarquables. Il peut s’être mêlé à leurs sentiments et à leurs actions des motifs charnels ; mais, quoiqu’il en soit, ils résistèrent énergiquement à tous les efforts qui furent tentés pour leur faire abandonner Jéhovah pour le culte des idoles. Quelques-uns tombèrent, mais ce fut, comme le dit le prophète, afin que d’autres fussent rendus éprouvés, épurés et « blanchis jusqu’au temps déterminé ; car, cela est encore pour un certain temps ». C’est là que vient l’intervalle durant lequel le Saint Esprit supprime l’histoire passée d’Israël. Il place d’abord devant nous les luttes entre Antiochus et ses adversaires, suivies des exploits et des souffrances de ceux qui sont intelligents en Israël. L’histoire de ce peuple est alors interrompue, et nous sommes instantanément transportés « au temps déterminé » ou, selon une version plus exacte, « au temps de la fin ». Entre ces deux points, il y a une interruption dans l’histoire d’Israël. Mais que nous est-il dit ensuite ? « Le roi fera sa volonté ». Le silence est gardé ici sur son origine ou ses progrès ; il ne nous est rien dit du lieu où il surgit ; nous n’avons d’autres détails que ces mots singuliers, « le roi », précisément comme si cela nous disait assez de qui il est question. Ce n’est pas l’unique endroit de l’Écriture où il est parlé du roi. Si vous consultez la fin du chapitre 30 d’Ésaïe, vous verrez que « le roi » y est introduit d’une manière non moins extraordinaire. Je suppose que la raison en est, que les Juifs, tout en attendant le Messie, attendaient aussi l’Antichrist, ce grand prince qui devait fouler aux pieds ceux d’entre eux qui avaient de la piété : la prophétie en parlait d’une manière claire, et c’était ainsi compris par eux. En Ésaïe 30, l’Esprit de Dieu fait mention de deux ennemis d’Israël. Premièrement, au verset 31 : « Car, l’Assyrien qui frappait du bâton sera effrayé par la voix de l’Éternel ». C’est là le roi du Nord qui figure en Daniel et qu’un prophète plus ancien a peut-être représenté sous le nom de Sankhérib, l’Assyrien de son époque, mais qui évidemment n’est qu’un type du grand ennemi s’élevant du Nord aux derniers jours. Plus loin, nous lisons : « Et partout où passera le bâton que l’Éternel aura fait reposer sur lui et par lequel il aura combattu dans les batailles à bras élevé, on y entendra des tambours et des harpes ». C’est ainsi qu’aux larmes et aux difficultés se mêlera aussi la joie : « on entendra des tambours et des harpes ». « Car Topheth est déjà préparée, elle est aussi apprêtée pour le roi ». C’est là, je crois, la force du passage : « elle est aussi apprêtée pour le roi ». Si ce que nous venons de dire est exact, nous trouvons donc, dans la scène finale, le jugement de Dieu fondant sur ces deux grands ennemis d’Israël — l’Assyrien, et « le roi » qui est introduit ici sans que rien y prépare. La même chose nous apparaît dans le chapitre 57 de ce même prophète. Je tiens d’autant plus à citer ce chapitre, qu’on pourrait prétexter que dans le trentième, « l’Assyrien » et « le roi » sont identiques. Mais dans le chapitre 57, il est absolument impossible de soutenir une pareille idée. Le prophète vient de décrire l’iniquité criante du peuple juif à la fin ; et soudain, voici ce qu’il ajoute (v. 9) : « Tu as voyagé vers le roi avec des onguents, etc. ». J’en conclus que « le roi » est réellement un ennemi spécial de Dieu, qui n’attaque pas les Juifs du dehors, comme fera l’Assyrien, mais s’arroge au sein de la nation le titre et la place de roi sur le peuple de Dieu. Il était inutile de préciser de quel roi il s’agissait, parce que l’idée d’un tel personnage était familière à Israël, de sorte que le Saint Esprit pouvait facilement l’introduire sans un mot de préface. Le peuple savait que ce roi terrible devait paraître — il avait la connaissance de ce grand et dernier ennemi de Dieu et des Juifs comme devant s’élever dans le pays même. L’Assyrien est aussi un grand ennemi de Dieu et d’Israël ; mais non pas dans le pays, puisqu’il doit combattre contre « le roi » qui y règne. Le dernier roi volontaire est l’objet des attaques du dernier puissant Assyrien. Tous deux extraordinairement mauvais et corrompus, ils ne s’accordent pourtant en aucune manière dans leurs desseins impies. Ils s’entrechoquent constamment ; aucune paix durable ne peut être établie entre eux, comme nous l’enseigne d’une manière précise le chapitre 11 de Daniel. Le verset 41 de ce chapitre ne nous présente en aucune manière la description du roi qui paraît alors être perdu de vue pour faire place à l’orgueilleux roi d’Assyrie, sur lequel nous avons alors quelques détails. Le Saint Esprit se hâte de nous donner la fin de la carrière de l’Assyrien, laissant de côté celle du « roi ».
Si nous ouvrons maintenant le Nouveau Testament, nous découvrirons quelques traits de plus touchant ce roi. Le second chapitre de la seconde épître aux Thessaloniciens renferme les plus amples détails que nous fournisse l’apôtre Paul à ce sujet. Voici ce que nous lisons au verset 3 : « Que personne ne vous séduise en aucune manière ; car ce jour-là ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant et que l’homme de péché ne soit révélé, le fils de perdition ». Il y a d’abord l’apostasie ; puis, il y a l’homme de péché qui est une chose différente et postérieure à l’apostasie. L’apostasie prépare le chemin pour la révélation de l’homme de péché. La révolution française, par exemple, répond plutôt à l’apostasie que le romanisme qui confesse des vérités toutes corrompues ou mal appliquées. Il y aura, sans nul doute, un développement plus terrible encore de l’apostasie, quoique le romanisme en soit néanmoins une illustration. Toutefois, il paraîtra quelque chose de pire encore que tout cela — l’homme de péché. Mais qui est-il ? Le Seigneur Jésus Christ était l’homme de justice ; celui-ci est le contraire, l’homme de péché, « le fils de perdition, lequel s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération ». Les mêmes caractères moraux par lesquels Daniel dépeint « le roi », nous les retrouvons précisément dans cet homme de péché. « De sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu ». Nouveau détail nous apprenant qu’il est question de quelqu’un qui habite Jérusalem, puisqu’il s’assied dans le « temple de Dieu », que je ne vois pas de motifs de supposer être autre chose que le temple littéral et bien connu de cette cité[4].
En même temps, si quelqu’un veut appliquer le principe de ce passage à ceux qui, dénaturant la position de l’Église, en font un instrument et une sphère d’orgueilleuse élévation pour eux-mêmes actuellement, je n’ai rien à objecter à une application pareille que je crois même juste — au moins en partie, seulement il me semble que l’Esprit de Dieu a en vue un personnage qui veut s’approprier les honneurs dus à Dieu seul. « Ne vous souvenez-vous pas », dit l’apôtre, « que quand j’étais encore auprès de vous je vous disais ces choses ? Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité se met déjà en train etc. ». Et c’est précisément ce que répète en d’autres termes l’apôtre Jean : « maintenant aussi il y a plusieurs antichrists » ; de même dans le passage qui nous occupe, nous voyons que le mystère d’iniquité se mettait déjà en train, seulement il y avait quelqu’un qui faisait obstacle. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». Je n’ai pas le moindre doute que cet obstacle ne soit la puissance du Saint Esprit non seulement comme ayant Son habitation dans l’Église, mais aussi comme exerçant un contrôle sur le monde — comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre. S’il ne s’agissait que du Saint Esprit dans l’Église, du moment où celle-ci aurait été enlevée, l’homme de péché serait manifesté. Mais il paraît que l’inique ne parviendra pas à son entier développement aussitôt après l’enlèvement des saints. Il y aura un intervalle et un court témoignage pour Dieu ; mais lorsque ce témoignage aura disparu, ou que plutôt il aura été violemment retranché, l’homme de péché paraîtra dans son plein épanouissement. Et c’est, me semble-t-il, le moment où le Saint Esprit cesse de retenir. Il laisse alors les hommes se montrer tels qu’ils sont et faire éclater toute leur iniquité. Le Saint Esprit n’exerçant plus Son contrôle sur la terre, il est permis à Satan, pendant une courte période, de mener à maturité ses plans les plus exécrables. Voilà, je pense, le temps véritable, et le caractère réel de ce temps où l’obstacle doit être ôté. Durant de longues années, les chrétiens des premiers âges avaient coutume de prier pour la continuation de l’empire romain, parce qu’ils supposaient que l’empêchement résidait là, et que, du moment où cet empire disparaîtrait, l’inique serait révélé. Et comme c’est subséquemment à une existence et à une extinction antérieures de cet empire qu’il doit surgir sous sa forme diabolique, il y avait dans leur supposition une certaine mesure de vérité. Mais l’empire romain s’est éteint depuis longtemps, et cependant l’homme de péché dans son plein développement n’a pas été manifesté encore ; c’est la réapparition de l’empire, et non pas son extinction, qui est l’époque critique ; et elle dépend de la cessation de l’action par laquelle le Saint Esprit retient. Lorsque cette action prendra fin, toute la méchanceté de l’homme et de Satan se donnera libre carrière sans mesure et sans déguisement. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique, lequel le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et anéantira par l’apparition de sa venue ».
Le chapitre 19 de l’Apocalypse dépeint cet anéantissement. Voici ce que nous lisons au verset 20 après une description de la venue du Seigneur en jugement : « La bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle et qui avait fait devant elle les miracles, etc.,… Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Ce sont, sans aucun doute, les mêmes systèmes ou les mêmes personnages déjà caractérisés dans le chapitre 13 de l’Apocalypse comme les bêtes s’élevant de la mer ou de la terre. Or, il est incontestable que l’une de ces deux bêtes est l’Antichrist ; mais il reste toujours à savoir laquelle est cet homme de péché. Est-ce la grande puissance du monde — cette bête qui monte de la mer ? Ou bien est-ce l’autre bête si énergique que nous voyons sortir de la terre, et qui imite Christ dans Sa puissance royale et dans Sa sacrificature ? Je suis porté à croire que c’est la dernière[5], mais j’avoue franchement qu’il y a des difficultés, et je crois que c’est un point sur lequel il ne faut pas être affirmatif. Ces bêtes sont si intimement associées dans leurs actions, dans le but qu’elles se proposent, et aussi dans leur destinée, que l’on n’est point étonné de l’embarras que certaines personnes éprouvent à se prononcer, non plus que de la différence de conclusion à laquelle d’autres arrivent. Toutefois, plus j’étudie ce que dit saint Paul de l’homme de péché, et ce que nous lisons touchant l’Antichrist dans les épîtres de Jean, et plus je comprends qu’il doit s’agir de la bête qui a le plus la prétention de rivaliser avec Christ et de s’opposer à Lui, caractère que je trouve essentiellement dans la Bête qui surgit de la terre.
Considérons maintenant à la lumière des passages que nous avons examinés, ce que nous fournit encore notre chapitre. Après la description qui est faite de la bête au verset 11, nous avons quelques détails sur l’exercice de sa puissance. « Elle exerce tout le pouvoir de la première bête devant elle ». C’est une puissance énergique. En tous points, nous voyons cette seconde bête faire beaucoup plus de cas d’une influence et d’une énergie positives, que de ce qui a de l’éclat, chose plus particulièrement appréciée de la première bête. « Elle fait que la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie ». Remarquez encore ici que ceux qui habitent sur la terre sont livrés à son énergie d’erreur.
En voyant que la seconde bête travaille pour faire rendre hommage à la première, quelques-uns ont supposé que 2 Thessaloniciens 2 réfute l’idée que la seconde bête est le même personnage que l’homme de péché, parce qu’il représente celui-ci comme ne tolérant pas d’autre objet d’adoration que lui-même. Mais il est évident que trois personnages se trouvent étroitement liés dans la scène que nous avons sous les yeux, savoir, le dragon, la grande puissance du monde ou première bête, et la puissance politico-religieuse ou seconde bête. Il ressort d’Apocalypse 13, 4, que la dragon est adoré aussi bien que la première bête ; de sorte que, quelle que soit la Bête, la première ou la seconde, que l’on suppose être l’Antichrist et l’homme de péché, la même difficulté demeure. Dans un cas comme dans l’autre l’adoration est partagée. De fait, elles constituent l’anti-trinité, et trouvent le lien qui les unit dans la puissance invisible de Satan.
La seconde bête est très importante. C’est réellement la puissance qui agit dans la Terre Sainte. La bête sortie de la mer a domination sur l’Occident, et exerce en outre, au-delà, une puissante influence ; mais, ni Jérusalem, ni la Palestine ne font partie de sa sphère, sauf en tant qu’elle y fait mettre à mort les témoins, et que c’est là qu’elle tombe. La seconde bête est le grand pouvoir connu dans la Terre Sainte. « Et elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes » (v. 13). Ce qui donne à ce miracle un si profond et si pénible intérêt, c’est que c’était le signe spécial dont se servit Élie pour confondre les faux prophètes de Baal. Lorsque toute la question se posa entre Dieu et Baal, à quel fait capital eut-on recours pour la décider et rendre manifeste les droits de Jéhovah contre le faux dieu ? Ce fut celui-là même que nous avons ici — le feu descendant du ciel. C’était un signe avec lequel on avait été familiarisé en Israël, et auquel on pouvait rattacher justement l’idée de l’approbation et de la puissance directes de Dieu ; car, plusieurs fois Il avait fait descendre le feu du ciel comme témoignage évident de Son approbation. Le feu était sorti de la part du Seigneur lorsque les sacrificateurs furent consacrés ; la même chose se reproduisit encore lors de la construction et de la dédicace du temple par Salomon (2 Chron. 7, 1). « Et sitôt que Salomon eut achevé de faire sa prière, le feu descendit des cieux et consuma l’holocauste et les sacrifices, et la gloire de l’Éternel remplit le temple ». C’était, vis-à-vis d’Israël, la manifestation puissante de la présence de Jéhovah — présence qui remplissait la scène, montrant ainsi que les sacrifices étaient acceptés.
Nous voyons donc, dans notre chapitre, que cet horrible contrefacteur et antagoniste du Seigneur Jésus, se produit comme étant le Dieu d’Israël aussi bien que le Christ. Le vrai Messie était le Dieu d’Israël, et nous trouvons ici l’imitation de Sa majesté, de Ses droits, et de Sa puissance. L’Antichrist doit aussi faire descendre du feu du ciel. Je ne veux pas dire que ce soit réellement du ciel, mais plutôt que cela en a l’apparence ; aux yeux des hommes le feu venait du ciel. De même que Satan a le pouvoir d’imiter, de même aussi cette puissance maligne qui n’est que l’œuvre de Satan se met à reproduire, du moins en apparence, ce qu’avait fait Élie. La même démonstration, fournie par ce prophète en faveur de Jéhovah contre Baal, se trouve donnée par l’inique en son propre nom. C’est une scène épouvantable et qui le devient davantage à nos yeux, si nous la comparons avec 2 Thessaloniciens 2, 9. Car, chose triste à dire, les mêmes paroles qui sont employées pour nous parler des miracles du Seigneur Jésus en Actes 2, 22, sont appliquées dans les Thessaloniciens par le Saint Esprit à l’homme de péché. Voici ce que dit Pierre : « Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes » ; nous lisons ce qui suit dans l’épître mentionnée plus haut : La venue de l’inique « est selon l’opération de Satan en toute sorte de miracles et signes et prodiges de mensonge ». Les signes distinctifs de Christ présentés aux hommes pour qu’ils puissent reconnaître la vérité, sont imités par cet imposteur. Il opère pour le mensonge des signes analogues, et les hommes sont complètement séduits.
Le dégoût que les hommes éprouvent pour la chrétienté dans l’état auquel elle est parvenue, est ce qui prépare le chemin à un tel résultat. Je reconnais que c’est avec raison que l’on dit du mal de l’état dans lequel est tombé le christianisme. Dès qu’il perd de vue sa séparation céleste et partage les principes du monde, il en résulte aussitôt la confusion. Les chrétiens ayant oublié que Satan est le dieu de ce monde, ils se laissent complètement aveugler par lui quant au caractère que l’Église de Dieu doit garder, et quant à ce qui est dû ici-bas à Son Fils. Christ est ouvertement laissé de côté, et on perd même la fidélité et la véracité que les hommes doivent exiger dans les choses les plus ordinaires de la vie. Notre désir n’est pas de dire du mal d’autrui ; mais que Dieu nous préserve de ne pas nous prononcer franchement contre une chose qui reste au-dessous de l’honnêteté vulgaire que l’on apporte dans les affaires de cette vie. Lorsque l’Église ou le chrétien individuellement cesse de juger, ou s’il le condamne dans son cœur, tolère de fait, dans les choses les plus saintes, ce que l’homme naturel même ne tolère point dans ses relations comme homme et comme membre de la société, de sorte que le monde lui-même peut voir que ce qui se revêt du nom de Christ est complètement mauvais ; lors, dis-je, qu’une pareille chose arrive, est-ce possible que Dieu garde plus longtemps le silence ? Le jugement, certes, est imminent ; mais pour nous, quelle grâce que Dieu nous ait donné une douce espérance et un continuel sujet de joie au lieu d’une attente terrible de jugement ! Notre portion est en dehors de la sphère de ce monde ; et il faut que le jugement ait lieu avant que le monde puisse être pleinement béni. Mais si quelqu’un est uniquement occupé du mal et du jugement qui lui est préparé, il manquera de puissance pour faire le bien. Ce qui donne de la puissance, n’est pas la manifestation de ce qui est mauvais, mais bien l’introduction de la grâce et de la vérité pour agir sur les âmes ; autrement on ne ferait que sortir d’une forme du mal pour tomber dans une autre. La seule sécurité véritable, c’est d’être près de Christ ; et nous ne sommes réellement utiles aux autres, qu’autant que nous les mettons en contact avec Lui.
Comme nous venons de le voir, il sera donc permis au grand ennemi de Dieu, de faire des prodiges en imitation de la puissance de Christ et à l’appui de ses prétentions à être Jéhovah. Il n’est point surprenant qu’il séduise ainsi ceux qui habitent sur la terre. Et ce qui prépare rapidement le chemin et mûrit les hommes pour tout cela, c’est que maintenant ils prêtent l’oreille à la voix de Satan qui a détruit toute confiance dans les miracles de Christ et dans les Écritures qui nous les rapportent. C’est ainsi que, lorsque les hommes non seulement repasseront dans leur esprit, mais auront sous leurs propres yeux, le spectacle des choses horribles qui se sont ou se seront accomplies dans la chrétienté, tout en demeurant pour eux-mêmes étrangers à l’amour de la vérité, ils seront tout à fait à la merci de Satan. C’est alors, quand les hommes ont cherché et trouvé la satisfaction de leurs désirs, sans égard pour la conscience, et que Dieu Lui-même agissant en justice rétributive, envoie encore une efficacité d’erreur pour qu’ils croient au mensonge (leur tenant, pour ainsi dire ce langage : « Vous avez refusé de croire à la vérité qui apportait le salut, ayez donc maintenant tout ce que vous aimez ») c’est alors, dis-je, que paraît ce personnage et que se produisent ces miracles qui semblent venir du ciel. Quoi d’étonnant que les hommes se prosternent et adorent la Bête et son image ? C’est Satan, cela va sans dire, qui fait mouvoir tous les personnages de cette scène ; mais son esclave, la seconde Bête, « séduit ceux qui habitent sur la terre à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire devant la bête, disant à ceux qui habitent sur la terre[6] de faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui vit. Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la bête afin que l’image de la bête parlât et qu’elle fît[7] que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la bête fussent mis à mort » (v. 14, 15).
Remarquez, en passant, que nous avons une nouvelle preuve que la seconde bête s’élève après la réapparition de la première. Car celle-là fait « faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui vit ». « Et elle fait qu’à tous, petits et grands et riches et pauvres et libres et esclaves, on leur donne une marque à la main droite ou au front ; et que personne ne peut ni acheter ni vendre, sinon celui qui a la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom » (v. 16, 17). Cette marque était le sceau de l’assujettissement ou de l’esclavage à la bête,
« Ici est la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête ; car c’est un nombre d’homme et son nombre est six cent soixante-six » (v. 18). Je ne prétends pas résoudre un tel problème. Il serait aisé de répéter ce que d’autres ont pensé. Quelques-uns des premiers chrétiens et notamment le pieux évêque de Lyon, saint Irénée, ont supposé que c’était l’homme latin. D’autres ont trouvé différents noms en rapport avec leur polémique ou leurs préjugés. Les catholiques romains ont prétendu y voir Luther, et les protestants le nom de plus d’un pape. Mahomet dans les temps anciens, et de nos jours Napoléon, ont aussi pour un temps occupé l’esprit, comme répondant à ce nombre. Mais, je le demande, de semblables idées valent-elles mieux que des chimères ? Sûrement ce n’est pas l’habitude de l’Esprit d’occuper le peuple de Dieu en offrant à son imagination de vagues problèmes reposant sur des lettres ou des chiffres énigmatiques. Ne pouvons-nous pas plutôt nous contenter de la pensée que ce détail est réservé pour « les intelligents » des derniers temps, et que, lorsque le moment sera venu, la lumière requise sera pleinement accordée ? Car il y a dans les voies de Dieu une sorte d’économie, au moins quand il s’agit de détail et d’application, de manière qu’Il ne donne pas la force nécessaire pour traverser une épreuve particulière jusqu’à ce qu’Il l’ait dispensée ; il se peut aussi que le Seigneur se réserve d’accorder toute l’instruction nécessaire à l’égard de ce nombre, lorsque paraîtra l’individu qu’il représente.
L’application de la prophétie à l’individu auquel elle fait allusion, sera alors l’affaire importante. Il me semble prématuré et inutile de discuter une telle question avant que figurent les différents personnages auxquels elle a trait. Alors les intelligents comprendront la chose, et tout deviendra pour eux aussi clair que le jour, tandis que les méchants seront dans une obscurité complète (voyez Daniel 12). Toutefois, déjà maintenant, la vérité dans son ensemble est parfaitement simple et évidente. Il y a cette seconde « bête », la puissance active et énergique dans son opposition à Christ ; mais, lorsque viendra le jour des rétributions et que le jugement du Seigneur pèsera sur elle, elle ne portera plus le nom de la bête, mais bien celui de « faux prophète », qui avait opéré des miracles (Apoc. 19, 20). Supposant que la seconde bête soit l’Antichrist, je suis encore disposé à trouver une contrefaçon de Christ dans ses efforts à faire rendre hommage à la première bête. Le Seigneur Jésus Christ parlait et travaillait en vue de la gloire de Dieu le Père, tandis que Dieu le Père Lui-même faisait de Christ l’objet spécial de Ses délices et de Ses pensées. « Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage » (au Fils) ; et ailleurs : « Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ». Il en est de même de cette bête : elle aidera à exalter la grande puissance du monde ; mais avec tout cela, elle cherchera au moins autant et même plus dans les choses spirituelles à s’exalter elle-même. Elle a des cornes comme un agneau, c’est-à-dire qu’elle prétend à la puissance de Christ ; mais elle parle comme un dragon — l’expression de sa pensée est satanique. Le fait que ce personnage est une bête, prouve qu’il est revêtu de l’autorité temporelle, tout en étant aussi désigné expressément comme un faux prophète. Ainsi, c’est un antagoniste personnel de ce que Christ a été et sera, plutôt que de ce qu’Il est. Le papisme — l’anti-christianisme, si vous aimez mieux — est un travestissement de la sacrificature de Christ, et périra avec tous ceux qui participent à son péché dans la contradiction de Coré. Mais ici, au moment où Christ, après avoir terminé Son œuvre céleste, va revendiquer Sa dignité royale terrestre, il y a quelqu’un qui s’oppose et s’exalte lui-même dans la ville du grand roi. Car c’est la Terre Sainte qui est le siège de sa puissance et de ses séductions. C’est, je crois, le personnage que le Seigneur Jésus place en contraste avec Lui-même dans un passage que nous avons cité en partie et qui résume tout en peu de mots (Jean 5, 43). « Je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là, vous le recevrez ». Les Juifs ne voulurent pas Celui qui était envoyé du Père. Celui qui était Son envoyé et Son serviteur tout en étant égal à Lui en honneur et en puissance, est venu et a été rejeté. Mais il en est un qui doit être reçu et qui flattera et élèvera l’homme dans son péché, car il ne reconnaîtra aucune autorité supérieure à la sienne, et tel est l’écho de la volonté de l’homme. Je ne doute pas qu’il soit question dans ce passage de l’individu même que nous avons dans notre chapitre — quelqu’un qui, en ce qui regarde la puissance territoriale et la splendeur extérieure, peut avoir un supérieur, mais qui est sans égal en puissance et en énergie spirituelles et sataniques.
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Que le Seigneur nous accorde de renier toute impiété et toutes les convoitises mondaines, non pas uniquement en vue de la colère à venir, mais à cause de la conscience. Oh ! puissions-nous réellement être séparés pour Christ dans un esprit céleste. Qu’il serait vil de penser qu’il sera temps de prendre garde quand le moment sera venu, et plus vil encore, si possible, d’alléguer que l’Église de Dieu doit être préalablement enlevée au ciel, et que, puisque tout ira bien alors, nous pouvons bien maintenant nous laisser aller quelque peu au mal ! Rappelons-nous que déjà, comme le dit l’apôtre, il y a plusieurs antichrists par quoi nous savons que c’est la dernière heure. Si donc vous composez actuellement avec l’esprit du monde, ou si vous jouez avec les influences antichrétiennes qui se font déjà sentir de nos jours, que feriez-vous en présence des effroyables persécutions et des tentations de ce jour où l’homme de péché sera pleinement révélé ? La grâce de Dieu pourrait, il est vrai, me fortifier de manière à me rendre capable de faire face à tous les dangers, et de repousser toutes les séductions, plutôt que d’abjurer le vrai Dieu et le vrai Christ pour en adorer de faux ; mais n’est-il pas profondément solennel et humiliant d’avoir communion avec un mal connu, quels que soient, du reste, les motifs qui pourraient nous y conduire ?
Et c’est là que je trouve la grande valeur, la valeur morale, la valeur présente de la prophétie. J’aperçois la grande chute qui se prépare pour la fin, et par la prophétie j’apprends à connaître le courant qui y mène. C’est une rivière qui suit peut-être un cours long et sinueux, et qui peut ne pas nous paraître bien dangereuse ; mais regardez un peu plus bas lorsque la Parole de Dieu soulève le voile épais qui cache l’avenir, et voyez avec quelle rapidité fatale tous ceux qui y naviguent sont engloutis dans une entière destruction ! C’est ainsi que beaucoup de choses peuvent être étroitement liées avec le monde, sans que j’aperçoive au début toute la profondeur du mal qui doit en être l’inévitable résultat. Dieu, dans Sa grâce, m’enseigne par la prophétie quelle doit être la fin d’une chose dès son commencement, de sorte que, si je n’y prends pas garde, je méprise l’avertissement que me fournit Son amour et par lequel Il veut me faire « connaître ces choses avant qu’elles soient arrivées ». Puissions-nous être gardés, non seulement d’une sorte de mal, mais bien du mal sous toutes ses formes, et, d’une manière particulière, lorsqu’il mêle une apparence de christianisme avec une association au monde. L’Apocalypse nous montre l’issue de cette puissance blasphématoire si audacieuse, aussi bien que celle du mal spirituel le plus actif et le plus subtil de la crise[8]. Les hommes seront enlacés par l’un ou l’autre de ces pièges — l’audacieuse incrédulité, ou la corruption religieuse des derniers ; et quelque différentes que ces choses puissent paraître, on les trouve à la fin unies entre elles de la manière la plus étroite, la plus triste, et la plus fatale. Que le Seigneur nous donne d’avoir des cœurs qui regardent à Christ et qui attendent Sa venue ! Il n’y a plénitude de repos et de bénédiction qu’autant que notre œil est simple pour Lui.
- ↑ Il faut que le lecteur sache que c’est ici la leçon la plus contestée du livre. Dans le grec, la différence n’est que d’une lettre de plus ou de moins ; mais dans un cas c’est de Jean qu’il s’agit, dans l’autre du dragon. Les autorités (manuscrits, versions, éditeurs et commentateurs) sont partagées. Si on compare notre texte avec Apocalypse 10, 5-10, cela suffira peut-être pour montrer qu’il n’y a pas d’inconvenance interne à assigner à Jean une telle position. Il faut se rappeler Daniel 10, 4, 5 ; 12, 5. D’un autre côté, si on doit lire « il se tint », je ne vois pas que cela attribue à Satan un pouvoir de providence, chose à laquelle il y aurait fort à objecter.
- ↑ Il faut se rappeler que ces remarques ont été écrites en Angleterre.
- ↑ M. Elliott voie dans la bête à deux cornes semblables à l’agneau le clergé papiste, le clergé séculier et le clergé régulier unis sous le pape comme patriarche de l’occident, et qui le soutiennent dans son caractère plus orgueilleux de vicaire de Christ, ou d’Antichrist. À son avis, le passage de Matthieu 7, 15 exclut presque toute possibilité d’erreur dans cette manière d’interpréter le symbole du corps clérical antichrétien. Mais l’expression, une « bête » n’implique-t-elle pas toujours, dans le langage figuré de la prophétie, une corporation politique ou un pouvoir civil, et jamais nulle part, une classe sacerdotale, quelque organisée qu’elle soit ? Devrait-on laisser de côté un pareil élément, en interprétant ce chapitre ?
- ↑ L’allusion est évidemment et incontestablement à Daniel 11, qui a en vue les Juifs et leur pays, et nullement l’Église. Cela est complètement confirmé par le passage de Matthieu 24, 15, qui se rapporte certainement à une chose et à une époque postérieures à la réjection de Christ par les Juifs, et à la réjection qu’Il fit d’eux Lui-même ; mais il signale aussi clairement, selon moi, un temps où Christ aura de nouveau un résidu pieux au milieu d’une génération incrédule, gouvernée par un faux roi sous l’influence romaine. Si, en de telles circonstances, le temple peut être appelé « le lieu saint », pourquoi ne pourrait-il pas être aussi appelé « le temple de Dieu » ? L’argument tiré de ce que la maison de Dieu est maintenant, tandis que l’Église est ici, est tout à fait frivole. Comparez aussi l’expression : « la sainte cité » en Matthieu 27, 53. Le dessein de Dieu n’est point révoqué, nonobstant le péché d’Israël.
- ↑ C’est aussi ce que pensait Hippolyte de Rome, qui fut martyr sous Maximin ou Décius, et que Photius dit avoir été disciple d’Irénée. Il semblerait d’après Jérôme qu’il écrivit positivement sur l’Apocalypse, outre son court traité encore existant sur notre sauveur Jésus Christ et sur l’Antichrist. Voici comment il parle de la seconde Bête, dans ce dernier traité (par. 49) : la bête qui monte de la terre exprime la royauté future de l’antichrist.
- ↑ Je ne suis pas en état d’affirmer que « l’abomination de la désolation » dont notre Seigneur parle en Matthieu 24, par allusion à Daniel 12, 11, est la même chose que « l’image » que nous avons ici. Il est absurde de supposer que notre Seigneur fît allusion à l’acte par lequel Antiochus Épiphane souilla le temple (Dan. 11, 31). Cela était passé depuis longtemps ; tandis qu’Il donne un avertissement à l’égard d’une autre abomination encore future et finale. On peut remarquer en conséquence que la phrase donnée par l’évangéliste répond exactement (non pas à Daniel 11, 31, mais) à chapitre 12, 11, dans les Septante. En Daniel 8, 13, il s’agit d’une chose tout autre, « le crime qui cause la désolation » ; et en Daniel 9, 27, quoiqu’il y ait un lien de connexion, il faut lire, je pense, « à cause de l’aile (c’est-à-dire la protection) des abominations, il y aura un désolateur » — déclaration entièrement distincte lors même qu’on accorderait qu’il s’agit de la même époque. Cela signifie que l’Antichrist établit l’idolâtrie dans le temple, fait à cause duquel il apparaît un désolateur dans la personne du grand ennemi d’Israël, le roi du Nord. La tentative d’appliquer ce passage aux Romains sous Titus, ou au pape, est complètement illusoire. La première de ces deux applications est due probablement à l’erreur par laquelle on confond Matthieu 24, 15, etc., avec Luc 21, 21. Ce n’est que Luc qui introduit le sujet du siège et de la captivité dont les Romains furent les instruments, comme il traite seul des temps des Gentils. D’un autre côté, Matthieu, également inspiré de Dieu, laisse de côté cette partie du grand discours prophétique de notre Seigneur, et s’arrête longuement sur la crise finale, en réponse à la question des disciples quant à la fin du siècle, crise finale qu’en conséquence Luc omet entièrement.
- ↑ Il est possible que le sens soit « afin que l’image de la Bête parlât et agît ; afin que tous ceux » etc. S’il en est ainsi, ce passage attribue à l’image de La Bête les mêmes choses qui caractérisent la Bête dans le verset 5.
- ↑ Il n’est pas surprenant que ceux qui sont fort occupés des choses présentes éprouvent le sentiment de l’étonnement le plus profond et de la plus profonde horreur, non pas à la vue de l’Antichrist, tel que les futuristes le dépeignent, mais à la vue du papisme tel qu’il a été et qu’il est, reconnaissant une si grande mesure de la vérité révélée et en même temps détruisant l’efficacité de la rédemption et de toute relation immédiate avec Dieu, pour ne rien dire de sa hideuse idolâtrie et de sa persécution systématique de ceux qui ne se sont point inclinés devant elle, qu’ils fussent ou non de vrais chrétiens. Mais plus de pareilles considérations font ressortir sa subtile hypocrisie, et plus aussi semblent-elles prouver que le romanisme correspond au mystère d’iniquité. Naturellement, son action dans les jours apostoliques n’était qu’un germe de ce qui se développa plus tard, jusqu’à ce que ce mystère aboutit à cette effroyable corruption que les écrivains protestants ont, dans un fidèle service, dévoilée et flétrie avec une vigueur et un zèle incontestables. De là vient que ce que nous trouvons en Apocalypse 17, c’est la femme corrompue (non pas la bête vorace) dont le nom est « Mystère, Babylone la grande, la mère des prostitués et des abominations de la terre ». Et remarquez-le, c’est la vue de la femme qui causa le profond étonnement de Jean. Toutefois, « l’apostasie », comme je lis dans l’Écriture, implique la négation publique de la vérité chrétienne, et non le maintien orthodoxe à tout prix des faits essentiels de l’évangile, que nous voyons dans le romanisme ; d’un autre côte, le fait que l’homme de péché doit s’asseoir et être l’objet du culte dans le temple de Dieu implique un défi à Jéhovah, sous la fausse attente d’Israël, qui a trait dans l’avenir à une autre forme plus audacieuse de la puissance de Satan.