Études Scripturaires:L’Église et le royaume/Partie 1

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Les dispensations de Dieu, telles qu’elles se déroulent dans l’histoire de l’homme, peuvent être divisées en certaines ères ou époques caractérisées chacune par un principe particulier. Par là nous apprenons à connaître non seulement les actes de Dieu, mais encore « Ses voies », ainsi qu’il est dit : « Il a découvert ses voies à Moïse, et ses hauts faits aux enfants d’Israël » (Ps. 103, 7). Ailleurs le Seigneur prononce cette plainte : « C’est un peuple dont le cœur s’égare et qui ne connaît pas mes voies » (Ps. 95, 10).

L’homme dans l’état adamique

Cette observation est également confirmée par l’histoire des nations, par celle d’Israël et par celle de l’Église de Dieu. Dans l’état adamique, la base des relations morales entre le Créateur et la créature était l’innocence de l’homme non encore souillé par le contact du mal et sans conscience de l’existence du péché.

L’homme dans l’état d’Énosh

En Énosh ou dans l’état de chute, au contraire, les droits de l’innocence sont perdus et la seule relation qui puisse exister entre le Dieu saint et l’homme tombé est une relation de jugement. Abel le discerna par la foi ; c’est pourquoi il s’approcha avec une victime dans les mains.

Aucune réparation purement humaine ne pouvait ni combler l’abîme creusé par le péché entre le ciel outragé et l’homme condamné, ni obtenir un rapprochement aux dépens de la justice. De là la différence entre l’offrande de Caïn et celle d’Abel. La foi de Seth reconnut aussi cette vérité, lorsqu’il appela l’enfant issu de lui, Énosh, ce qui veut dire misérable homme. Cf. Romains 7, 24 : « Ô misérable que je suis d’être homme ! » (telle est la portée de ce passage).

Mais ici apparaît un nouveau principe dans le but de rétablir les relations rompues entre Dieu et l’homme, à des conditions également satisfaisantes pour l’un et pour l’autre. La mort en jugement comble l’abîme et Dieu revêt Adam et sa femme des peaux de ces mêmes victimes, dont la mort avait répondu, en type, à leur plus urgent besoin. C’est le principe de grâce établi en la croix de Christ — la mort du propre Fils de Dieu — fondement en vertu duquel Dieu est « juste et justifiant celui qui est de la foi en Jésus » (Rom. 3, 26).

Noé et les temps de la longue patience de Dieu

Cette seconde période, qui nous montre la miséricorde unie à la justice, se termine au jugement du déluge « par lequel le monde d’alors périt » (2 Pier. 3, 6) et fait place à une troisième qui a aussi son principe caractéristique. Ici commencent, pour ce monde, les temps « des richesses de la bonté de Dieu » (dans les bénédictions de sa providence) « de son support et de sa longanimité » (voyez Rom. 2, 4 ; Gen. 8, 20-22). Et cette période, aussi bien que toutes les voies de Dieu en grâce, repose moralement sur l’expiation de Christ, qui nous est présentée ici dans le sacrifice de Noé.

Mais néanmoins, et aussi longtemps que dure cette période de longue patience, le monde demeure encore abrité sous les garanties « de l’alliance éternelle » ratifiée par Dieu à Noé. Et en la personne de ce patriarche, qui avait été témoin de la réalité du jugement et qui avait expérimenté le salut par grâce, le gouvernement du monde fut encore une fois confié aux mains de l’homme. Cette délégation renferme un principe d’obligation solennelle et de la plus haute importance pour l’Église comme pour le monde, c’est que « il n’y a point d’autorité, si ce n’est de par Dieu » (Rom. 13, 1). C’est pourquoi « résister à l’autorité, c’est résister à l’ordonnance de Dieu »[1]. Notre obéissance aux pouvoirs qui existent dépend, non pas du mérite de leur administration, mais du principe qu’ils représentent Dieu — Son autorité[2]. Qu’on se rappelle, en effet, que ce commandement fut donné sous Néron, homme aussi dénué d’autorité morale qu’un être dépravé peut l’être. Il est à peine nécessaire de faire remarquer, que « le monde qui existe maintenant » est supporté et béni en vertu de l’alliance de grâce de cette troisième période. Combien peu ce monde le reconnaît !

Appel d’Abraham

La quatrième période s’ouvre par l’appel d’Abraham. Le principe en est la sanctification ou séparation pour Dieu. Tout rapport moral entre le monde et Dieu a cessé. Satan a usurpé la place de Dieu, non seulement dans le cœur de l’homme, mais aussi dans sa conscience, et le culte du démon, l’idolâtrie, en est le résultat (1 Cor. 10, 20). L’appel d’Abraham est la séparation d’avec la religion du monde. Il ressort de là que pour jouir de la communion de Dieu, l’homme doit être séparé d’un monde que les jugements n’ont pu humilier ni la grâce amender. Or l’Éternel avait dit à Abraham : « Sors de ton pays et de ta parenté et de la maison de ton père » (Gen. 12, 1). Quelle grâce merveilleuse, que Dieu recherche ainsi la sympathie et la société de l’homme, au milieu du vaste désert de désolation morale, produit par le péché ! C’est comme l’écho affaibli de cette voix dans le jardin : « Adam, où es-tu ? ». Et cette même voix, qui se fait encore entendre journellement au moyen de mille bienfaits inaperçus, toucherait certainement les cœurs et obtiendrait une réponse, si le froid égoïsme n’en avait dès longtemps tari toutes sources de vie et d’affection. C’est encore comme ce touchant reproche fait au milieu de l’agonie et des sueurs sanglantes : « Ne pouvez-vous veiller une heure avec moi ? ». Et lorsqu’Il vint, Il les trouva endormis. Ainsi en fut-il toujours de l’égoïsme de l’homme. « Il a attendu des consolateurs, mais il n’en a point trouvé ». La raison de cet appel absolu d’Abraham ne ressort pas aussi clairement du récit de la Genèse, que du vingt-quatrième chapitre de Josué. C’est la séparation d’avec les idoles (c’est-à-dire d’avec la religion du monde) pour Dieu (voir 1 Thess. 1, 10). Dès ce moment nous n’avons plus l’histoire de l’homme comme homme ; mais seulement comme membre de la famille élue. Les Gentils ne sont plus mentionnés, si ce n’est dans leurs relations avec le peuple d’Israël.

Israël en Égypte, dans le désert et en Canaan

L’histoire des Juifs a aussi ses périodes et ses principes caractéristiques. Cela est évident, soit que nous voyions ce peuple en Égypte, dans le désert ou dans la terre promise ; soit que nous considérions sa position avant la venue du Christ, depuis la réjection de ce Messie, ou après son retour. Dans toutes les voies de Dieu on peut remarquer que, lorsque l’homme abuse d’un principe, Dieu en établit un autre ; et le dernier principe révélé devient le moyen de communication et la règle de conduite entre Lui et les hommes. Ainsi la réjection de Jésus comme le Christ et ensuite du Saint Esprit comme témoin de sa gloire (péché scellé par la mort d’Étienne), a pour conséquence le jugement et la condition actuelle d’Israël « jusqu’à ce qu’il se convertisse et soit guéri » (voyez Actes 3 et 7 ; Zach. 12, 10 ; Matt. 23, 38, 39). Ensuite le gouvernement, qui était un gouvernement d’autorité dans les mains de Moïse, devient un gouvernement de grâce dans celles d’Aaron. Puis les fonctions de juge et de sacrificateur sont réunies jusqu’à la mort de Josué qui ne laisse point de successeur. Après cela, vient la sacrificature qui, avec Éli, tombe et livre le trône de Dieu aux mains de l’ennemi. Dieu suscite alors un prophète dans la personne de Samuel. Le trône de Saül nous montre ce qu’est l’autorité charnelle, bien qu’ordonnée de Dieu, lorsqu’elle est privée des conseils de Sa sagesse et de l’aide de Sa puissance ; la honte et la confusion sont la part de ceux qui s’appuient sur le bras de la chair. En David enfin, nous avons l’établissement du pouvoir entre les mains de celui qui est selon le cœur de Dieu ; c’est en type le vrai David, le Seigneur Jésus Christ. « J’ai établi mon roi sur Sion, la montagne de ma sainteté » ; ce qui est vrai en principe, bien que non encore accompli. Tel est l’abrégé des desseins de Dieu et de Ses voies à l’égard d’Israël. Le même principe se retrouve dans l’histoire de la constitution de l’Église. La croix est la base de toute relation entre Dieu et Ses rachetés : « Aucun autre fondement ne peut être posé, si ce n’est celui qui a été posé, savoir Jésus Christ ». Voilà ce qui ne change jamais, mais ce dont les aspects peuvent varier, suivant les positions d’où on le considère, de telle sorte que tous les besoins de la foi trouvent à se satisfaire dans sa plénitude. De là vient que nous trouvons, dans les diverses phases du témoignage de l’Église, des périodes définies quoique moins palpables que dans l’histoire d’Israël et des Gentils. Et ceci ne se borne pas seulement au premier âge de l’Église, ou période d’inspiration, pendant laquelle le canon des Écritures n’étant pas encore complet, les conseils et les secrets desseins de Dieu étaient développés par les douze apôtres juifs et plus pleinement encore par les révélations faites à Paul, par l’inspiration « du Saint Esprit envoyé du ciel ». Mais dans l’histoire subséquente et non inspirée du témoignage sur la terre, nous retrouvons également des phases très distinctes, ainsi que des principes qui, tirés du dépôt de la Parole écrite et mis en lumière par le ministère d’hommes non inspirés, révèlent à la foi les voies de Dieu envers l’homme et tout spécialement les sympathies du Christ pour Son corps, l’Église, gémissant dans l’esclavage de la Babylone mystique. C’est là ce qui forme le sujet immédiat de nos recherches et se lie naturellement à la question du jour : qu’est-ce que l’Église ?

Descente du Saint Esprit, le jour de la Pentecôte

La descente du Saint Esprit, le jour de la Pentecôte, ouvre une phase nouvelle dans les voies de Dieu. Elle est la conséquence de l’entrée de l’homme dans le gloire. « Ce Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu, ayant donc été élevé par la droite de Dieu et ayant reçu du Père la promesse du Saint Esprit, il a répandu ce que maintenant vous voyez et entendez » (Act. 2, 22, 33). Il n’est pas seulement justifié, mais dans la gloire ; et élevé à la droite de Dieu le Père, Il est fait dépositaire et administrateur de la puissance divine. Le don de l’Esprit à l’Église est la justification de Ses prétentions et de Ses droits ; et l’exemption du châtiment de Babel devient un privilège caractéristique de Ses rachetés sur la terre. « Ils furent remplis du Saint Esprit et commencèrent à parler en d’autres langues, suivant que l’Esprit leur donnait de s’exprimer ». Le Saint Esprit ainsi répandu devait accréditer Jésus aux yeux et aux consciences des hommes et demeurer à jamais avec l’Église comme son Consolateur et son Guide (Jean 14 ; 16).

Mort d’Étienne

La mort d’Étienne marque une autre ère dans le témoignage de Dieu, quant à la réjection, par la nation d’Israël, de cet homme glorifié ; car Étienne le vit comme le « Fils de l’homme, se tenant à la droite de Dieu ».

Vient ensuite la conversion de Saul de Tarse ; et nous aurons à considérer plus tard les résultats imprévus et extraordinaires qui en découlèrent. Au principe impliqué dans cet événement se lie étroitement l’appel des Gentils en la personne de Corneille.

Après ces remarques, je passe par-dessus ce qu’on peut appeler la période de l’inspiration directe ou l’âge apostolique et j’arrive à ces jours de ténèbres, qui s’étendent de la mort de Paul jusqu’à nos temps, à travers l’obscurité de l’apostasie universelle. Mais la nuit la plus sombre offrira toujours une étoile pour guider le voyageur égaré dans sa route. Dieu ne s’est jamais laissé sans témoignage.

Le mystère d’iniquité, qui déployait déjà son efficace aux jours apostoliques, mais qui était contenu dans certaines limites par l’énergie du ministère de l’Esprit, se manifeste ouvertement depuis la mort de Paul. Le monde, la chair et Satan établissent alors leur trône au milieu de ce même christianisme, qui aurait dû être l’habitation de Dieu par l’Esprit. Ce ne fut cependant qu’après que le christianisme eut été formellement adopté par Constantin, qu’il se confondit, comme système, avec le monde. Alors on découvrit que le champ était plein d’ivraie ; mais les serviteurs durent subir les conséquences de leur propre infidélité, car c’est « tandis que les hommes dormaient » que le mal se fit.

Augustin

Augustin, dans le quatrième siècle, marque une période bien définie dans les annales du christianisme. C’est lui spécialement qui établit la distinction entre une église visible et une église invisible. Cette dernière expression, quoique n’ayant aucun fondement dans l’Écriture, est encore employée pour désigner « le résidu selon l’élection de grâce » (Rom. 11, 5). Et tous les témoignages subséquents, donnés par le Seigneur à Son Église, ont plus ou moins subi l’influence des doctrines de cet homme extraordinaire. Gardons-nous toutefois de confondre le témoignage, donné à l’Église par les enseignements d’Augustin, avec des erreurs évidentes provenant chez lui, soit d’une connaissance imparfaite des diverses économies (connaissance qui, dès longtemps auparavant, s’était presque entièrement perdue dans l’Église), soit des pensées et des sentiments, dans lesquels il avait été élevé par sa pieuse mais superstitieuse mère, ainsi que par son premier maître, Ambroise. Cette remarque, d’ailleurs, s’applique tout aussi justement à tous les autres docteurs non inspirés dans l’Église de Dieu. — Depuis la mort d’Augustin jusqu’à la Réformation, aucun témoignage ne se fait proprement remarquer, à moins qu’on ne rappelle en passant les martyres des Vaudois, des frères de Bohème, de Jean Huss et de Jérôme de Prague. Que tous ces hommes, malgré leurs faiblesses et leurs erreurs, aient constitué un témoignage de l’Esprit contre la tyrannie sacerdotale et la superstition croissante, c’est ce qui ne sera mis en doute par aucune personne spirituelle. Toutefois ils ne furent que les faibles précurseurs d’un jour plus glorieux, qui se leva sur le monde à l’époque de la Réformation. Ce fut dans le cloître, l’obscure cellule d’un moine d’Erfurt, que se livrèrent les premiers assauts de cette grande lutte morale qui allait ébranler la chrétienté jusqu’en ses fondements. Ce fut là que la première victoire de la lumière sur les ténèbres fut décidée dans le cœur angoissé d’un pécheur justifié. Ce pécheur était l’illustre Martin Luther.

Luther

Quels que soient les éléments étrangers que le monde, la chair ou Satan y aient mêlés, le principe de la justification de l’homme par la foi demeure comme le témoignage de l’Esprit à l’Église, dans le seizième siècle. La question du jour, alors, était que l’homme est justifié par sa foi au Seigneur Jésus Christ, sans égard à des mérites personnels, auxquels il n’a aucune espèce de droit, vu qu’il n’est qu’un pécheur perdu et condamné ; et le puissant levier, par lequel furent ébranlés les fondements mêmes de la chrétienté apostate, n’est autre chose que cette vérité : que l’âme justifiée a, par le témoignage de Dieu dans Sa Parole, la connaissance et l’assurance de son salut. « En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » (Jean 14, 20). Et encore : « Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier gît dans le mal » (1 Jean 5, 19). Voilà quelle était alors la question à l’ordre du jour.

Les Réformateurs, comme Augustin avant eux, surent discerner, dans l’élection par grâce, la valeur du trésor caché dans le champ. Mais occupés, avant tout, à retirer, des ruines de la superstition, les principes fondamentaux de l’évangile, ils laissèrent à un autre âge la mission de remettre en lumière cette pierre précieuse que, depuis les jours de Paul, « les sombres et insondables abîmes de l’océan » avaient cachée aux yeux des hommes et qui fait l’objet de la grande question du dix-neuvième siècle : Qu’est-ce que l’Église ? — C’est là, en principe, la « perle de grand prix » qui demandait, pour être appréciée à sa juste valeur, l’œil exercé d’un marchand plus expérimenté et une main plus habile qui la dégageât de tout ce qui obscurcissait son éclat primitif, pour laisser briller sa pureté, son unité et sa beauté comme « épouse », et pour réveiller dans les saints les profondes sympathies du Christ, afin qu’ils marchassent d’une manière digne de la vocation dont ils ont été appelés, « s’empressant de garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ». Cette perle est l’idéal de l’Église, telle qu’elle existait de toute éternité dans la pensée de Dieu, et le type qu’elle doit finalement et éternellement réaliser.

Quant au « trésor caché », le champ n’est pas la chose importante, mais bien le trésor, et le champ n’est pris que comme condition, comparativement sans valeur, de l’achat. « Le champ c’est le monde » ; le trésor seul est le but. Ceci, je pense, doit se lier au témoignage de Luther et de la Réformation protestante.

Mais qu’on ne pense pas que l’un de ces témoignages soit nécessairement détruit par l’autre ; nous les trouvons, au contraire, agissant tous deux jusqu’à la fin, comme des forces parallèles et égales. Et si la découverte du « trésor caché dans le champ » a été le témoignage caractéristique de la période de la Réformation, elle continue à l’être après trois siècles, sans que la découverte subséquente (découverte qui, en principe, est celle de l’économie) de « la perle » l’affaiblisse ou en abroge les droits.

Les deux sont vrais ; mais on trouvera, en en jugeant spirituellement, que le dernier ne contient pas seulement le précédent, mais qu’il en augmente encore la valeur en amenant l’âme, par plus de lumière, à une communion plus intime avec les pensées de Dieu. De sorte qu’une lumière nouvelle, communiquée par l’Esprit, ne neutralise ni n’affaiblit celle qu’Il avait donnée auparavant.

Le seizième siècle fut donc pour l’Église une période incontestablement marquée par le témoignage de l’Esprit. Or à moins que ce témoignage n’ait épuisé les choses du Christ, l’office du Saint Esprit étant de prendre ces choses et « de nous les montrer », n’est-il pas selon l’analogie et selon l’Écriture, d’attendre encore une augmentation de lumière dans les choses précédemment révélées ? « À celui qui a, il sera donné davantage », telle est la règle du Seigneur. Dans la période dont il est question, nous avons vu qu’on s’occupa moins de l’Église que de retirer, du milieu des ruines et des ténèbres des siècles précédents, les vérités fondamentales de l’évangile. De là résulte que la forme nouvelle du témoignage ne fut pas tant la conséquence de ses propres principes (par eux-mêmes plus individuels qu’organisateurs) que des circonstances accidentelles qui s’y rattachèrent.

Protestantisme

Dans l’organisation du protestantisme comme système, il s’introduisit deux éléments étrangers à la vraie nature de l’Église du Seigneur, à savoir, le monde et le pouvoir civil. Mais il serait très injuste de rendre les réformateurs, ces hommes de Dieu, responsables des résultats qui ne découlent pas légitimement de leurs principes. La vérité de l’évangile doit être bien distinguée des conséquences qui résultèrent de ce que la chair et le monde en avaient adopté la profession, soit comme mot d’ordre populaire soit comme question nationale. Le christianisme est, dans sa vraie nature, individuel et non national. Le fait que la paraphrase du psaume 46 par Luther est encore aujourd’hui le chant national de l’Allemagne protestante, prouve ce que nous disons. Les formes extérieures ou les dénominations du christianisme protestant ne sont point les fruits naturels de ses principes, mais, au contraire, les conséquences anormales, tristes et humiliantes de l’influence populaire et gouvernementale, qui échappait au contrôle des chefs réellement spirituels, employés par Dieu. Pour preuve de ceci, voyez les histoires de Saxe, de Genève, d’Angleterre, etc.

Ce serait trop nous écarter de notre sujet que de parler ici du mouvement subséquent de la dissidence. Mais on peut dire en toute vérité, et sans la moindre intention de blesser, que si, d’un côté, elle fut un témoignage de la conscience opprimée et une protestation de l’Esprit contre la violation de Ses droits, d’un autre côté, l’élément de l’influence démocratique y fut trop prépondérant, et l’homme, en combattant pour ses droits, a trop oublié sa responsabilité. De nos jours, et la plupart de ses défenseurs le déplorent, la dissidence a beaucoup perdu de sa première spiritualité, si ce n’est par un relâchement dans la discipline, du moins par la conformité de ses membres avec le monde.

Le besoin généralement senti d’union et d’action commune entre tous les membres du Christ, besoin qui, depuis quelques années, cherche à s’exprimer par l’alliance évangélique, confirme ce que nous disions, que la question du jour est : « Qu’est-ce que l’Église ? ». Qu’une génération ait souvent à supporter les conséquences de précédentes erreurs, c’est une vérité trop évidente pour avoir besoin de preuves. Les maux nombreux, dont gémit le corps du Christ déchiré, sont à la fois les conséquences humiliantes des erreurs de nos pères et de notre propre infidélité. Caleb et Josué durent rester quarante ans dans le désert à cause du péché d’Israël. « C’est ici le jugement, que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ». Il en est encore de même aujourd’hui ; c’est une chose terrible que de résister à la lumière, quel qu’en soit le canal. Tel fut le péché d’Israël ; tel est depuis dix-huit siècles le péché de l’Église de Dieu.

Il serait étranger à mon but, de montrer ici tout le sérieux et toute la portée de notre question quant aux intérêts de l’homme. Mais qu’elle intéresse gravement le gouvernement des états, aussi bien que le progrès général de la société, c’est ce que prouvent incontestablement les derniers événements et l’état présent de l’Europe, ainsi que le débat sur la question de l’éducation, engagé en France et en Angleterre entre un clergé dominateur, d’un côté, et le pouvoir civil, de l’autre.

En Angleterre même, dans le récent conflit ecclésiastique, on peut voir une tentative d’abaisser le sceptre devant la crosse. Tous ces faits envisagés dans leur relation avec la protestation nationale, le constant développement des trois principes alliés, quoique ennemis, du latitudinarisme, de la superstition et de l’incrédulité — tous ces faits et mille autres symptômes, parmi lesquels une avarice insatiable dans les entreprises commerciales du jour, et la tendance vague, mais évidente, du parti du mouvement vers le romanisme ; ces faits, dis-je, et beaucoup d’autres indications au-dehors et au-dedans, appellent avec force l’attention de tous ceux qui portent le nom du Christ, sur la solennelle question : « Qu’est-ce que l’Église ? ».

Ce n’est cependant ni pour l’homme politique, ni pour le moraliste que j’écris, mais pour les croyants en Jésus, et mon ardente prière est que ma faible plume réveille en eux le sentiment de leur responsabilité collective et individuelle.



  1. Le péché de Cham, puni par des jugements sur sa postérité jusqu’à nos jours, fut de mépriser l’autorité de Dieu en la personne de Son représentant en chute.
  2. Et dans cette vérité de Dieu, nous trouvons l’antidote des théories gouvernementales, empoisonnées, du jour, et la seule digue morale à opposer au mouvement démagogique du dix-neuvième siècle. Les saints n’ont heureusement rien à faire avec le gouvernement de ce pauvre monde. Le chemin de la paix et du devoir est pour eux dans l’obéissance et cela « à cause de la conscience ».
    Il nous est donné de souffrir avec Christ durant Sa réjection : « lorsqu’il apparaîtra, nous paraîtrons aussi avec Lui en gloire » (cf. Rom. 13, 5 ; Phil. 1, 29 ; Éz. 21, 27 ; Col. 3, 3 ; 1 Cor. 6, 2). Si maintenant nous souffrons d’être « méconnus », alors nous serons bien « connus » (2 Cor. 6, 9 ; Jean 17, 23).