Livre:Études sur la Parole — Juges

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destinées à aider le chrétien dans la lecture du Saint LivreJ.N. Darby

Le livre des Juges est l’histoire de la décadence d’Israël. Josué nous montre l’énergie de Dieu agissant au milieu du peuple, qui néanmoins commet des fautes. Dans les Juges, nous voyons la misère du peuple devenu infidèle, et, en même temps, l’intervention du Dieu de miséricorde dans les circonstances où se trouvait Israël, par suite de son infidélité. C’est ce qui correspond à ce qu’on appelle des réveils, dans l’histoire de l’Église de Dieu.

Dans ce livre, on ne voit plus la bénédiction et la puissance signalant l’établissement du peuple de Dieu. Ce n’est pas non plus l’accomplissement des conseils de Dieu, après que le peuple a manifesté son impuissance à conserver la bénédiction qui lui avait été donnée, accomplissement qui est encore futur pour lui comme pour l’Assemblée ; ni les formes et le gouvernement, qui pouvaient, malgré la méchanceté et l’infidélité intérieure du peuple, maintenir son unité extérieure jusqu’à ce que Dieu le jugeât dans ses chefs. Dieu était encore seul chef reconnu en Israël ; en sorte que le peuple portait constamment lui-même la peine de son péché.

La misère où son infidélité le jetait, excitant les compassions de Dieu, Sa puissante grâce suscitait par Son Esprit des libérateurs au milieu du peuple déchu et malheureux ; « son âme fut en peine de la misère d’Israël » (10, 16). « Et l’Éternel suscita des juges ; et ils les délivrèrent de la main de ceux qui les pillaient ». « Et quand l’Éternel leur suscitait des juges, l’Éternel était avec le juge, et les délivrait de la main de leurs ennemis, pendant tous les jours du juge ; car l’Éternel avait pitié, à cause de leur gémissement devant ceux qui les opprimaient et qui les accablaient ». Mais Israël n’était pas changé : « Mais même leurs juges, ils ne les écoutèrent pas ». « Et il arrivait que, lorsque le juge mourait, ils retournaient à se corrompre plus que leurs pères, marchant après d’autres dieux pour les servir et se prosterner devant eux : ils n’abandonnaient rien de leurs actions et de leur voie obstinée » (2, 16-19). Voilà la triste histoire du peuple de Dieu, mais c’est aussi l’histoire de la grâce de Dieu et de Ses compassions envers Son peuple.

Ainsi, au commencement du livre, nous voyons du mal et des chutes, et aussi des délivrances simples et précieuses. Mais, hélas ! le tableau s’assombrit de plus en plus. Les juges eux-mêmes nous présentent des traits affligeants dans leur conduite, et l’état d’Israël va toujours en empirant, jusqu’à ce que, fatigué de l’effet de sa propre incrédulité, malgré la présence du prophète et la parole expresse de Dieu, il abandonne la royauté du Tout-puissant, pour adopter les formes du gouvernement humain et s’établir régulièrement sur le même pied que le monde, lorsqu’il avait Dieu pour son Roi !

Chapitre 1. — C’est à cause de cette infidélité, sans doute prévue de Dieu, qu’Il a laissé quelques-unes des nations au milieu de Son peuple, pour l’éprouver. La présence de ces nations était déjà une preuve du manque d’énergie et de confiance du peuple dans la puissance de Dieu qui, cependant, l’aurait garanti des désastres qui lui sont arrivés plus tard. Mais, dans Ses sages conseils, Dieu, qui connaissait Son peuple, a laissé ces nations au milieu de lui, comme moyen de l’éprouver. Israël ne sera béni pleinement que sous le Messie, qui introduira sa bénédiction par Sa puissance, et par Sa puissance la lui conservera.

Hélas ! cette histoire d’Israël en Canaan est aussi celle de l’Église ; plantée en bénédiction céleste sur la terre, elle a, dès le commencement, manqué à la réalisation de ce qui lui était donné, et le mal s’est développé en elle lors du départ des premiers et puissants instruments de bénédiction qui lui avaient été accordés. Cela est allé de mal en pis. Il y a eu des réveils, mais le fond d’incrédulité était toujours le même, et la décadence de chaque réveil a marqué un nouveau progrès dans le mal et l’incrédulité, en proportion du bien qu’on avait ainsi abandonné, en s’éloignant de la source primitive de bénédiction et de force. Le réveil n’est jamais dans des proportions tellement étendues, qu’on appréhende ce que Dieu est — ce qu’Il a révélé au commencement pour Son peuple, ou quelle fut alors la puissance de Sa révélation, et l’action de l’Esprit. Une fois qu’on s’est éloigné de Dieu, on Le perd de plus en plus. La partie de Sa bénédiction, mise de nouveau en évidence, est négligée et abandonnée au point qu’il en résulte un oubli plus complet de Dieu ; la vieille nature et le monde reprennent leur place, avec cette différence qu’elle est maintenant reprise non seulement sans Dieu, mais à l’exclusion de Dieu et pour élever l’homme et sa propre nature, en s’éloignant de la source primitive de bénédiction et de force. Il y a un fait frappant dans l’histoire de l’homme : La première chose qu’il fait toujours est de gâter l’œuvre que Dieu vient d’établir sur la terre. L’homme mange du fruit défendu ; Noé s’enivre ; les fils d’Aaron offrent un feu étranger ; Israël fait le veau d’or ; Salomon tombe dans l’idolâtrie ; Nebucadnetsar érige son idole et devient persécuteur. Et tout du long la patience de Dieu continue à s’occuper des âmes malgré tout.

Toutefois, Dieu a toujours eu les siens, et Sa fidélité ne leur a jamais fait défaut, soit dans le secret, soit ouvertement, dans Sa bonté, pour manifester Sa grâce en puissance publique envers Son Assemblée ; puissance dont elle aurait dû toujours jouir. Cette triste succession de chutes finira à la venue de Jésus, qui accomplira dans Sa gloire céleste Ses desseins à l’égard de cette Église qui aurait dû toujours en être le fidèle témoin ici-bas.

La puissance et la présence de Dieu n’avaient pas abandonné Israël lors du départ de Josué. On Le trouvait toujours là où il y avait de la foi pour en profiter. C’est la première vérité présentée dans ce livre. C’est ce que dit Paul aux Philippiens : « Non seulement comme en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon absence, travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement : car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire ».

Cette présence de Dieu en bénédiction pour la foi se vérifie, soit par la victoire remportée sur les ennemis les plus puissants (chap. 1, 1-7), soit par l’obtention de bénédictions spéciales, des sources jaillissantes, et dans tout le détail de la réalisation des promesses (v. 13-15). Les Philistins même sont dépossédés (v. 18). Mais, en même temps, la foi de Juda et de Siméon, d’Éphraïm et de Manassé, et de toutes les tribus a manqué, et par conséquent leur énergie et le sentiment du prix de la présence de Dieu et de leur propre consécration à Lui, et par conséquent aussi le sentiment du mal qu’il y avait chez leurs adversaires ; sentiment qui aurait rendu leur présence au milieu d’eux insupportable.

Quel déshonneur fait à Dieu, quel péché de laisser là, de supporter de telles gens ; quelle infidélité envers Dieu, quelle source infaillible de mal et de corruption pour Israël, que cette indifférence ! Mais il n’était guère sensible à tout cela. Le discernement spirituel lui manquait aussi bien que la foi, et les sources de mal et de misères demeuraient à côté du peuple dans le pays même, le pays de Dieu et d’Israël !

Chapitre 2. — Hélas ! puisque tel était l’état du peuple et qu’il s’en contentait, il ne s’agissait plus de châtier, comme à Aï. Mais l’Ange de l’Éternel (la présence agissante de Dieu au milieu du peuple) quitte Guilgal (cette circoncision spirituelle du cœur qui précède les victoires et retrempe l’âme, pour qu’on soit victorieux dans les combats), et vient s’établir à Bokim, dans la place des pleurs, au milieu du peuple, en déclarant qu’Il ne chasserait plus les ennemis qu’Israël avait épargnés.

Dieu avait donc été à Guilgal ! Quelle grâce dans ces exercices et ces combats intérieurs du cœur, où s’accomplit la vraie circoncision pratique, où la source et l’influence du péché se font sentir pour être jugés devant Dieu, afin que, le péché étant mortifié, on puisse dans les combats (et aussi dans la communion), jouir de la force de Dieu, qui ne saurait l’accorder à la chair et au péché.

Cette mortification intérieure est une œuvre sans éclat et sans apparence, petite et mesquine aux yeux des hommes ; elle nous rend petits à nos propres yeux, mais exalte Dieu et Sa grâce, et associe notre cœur avec Lui, en nous donnant moralement conscience de Sa présence. Ce n’est pas que nous soyons forts ; nous avons, au contraire, le sentiment d’entière dépendance (cf. 2 Cor. 12), mais d’une dépendance de la force divine qui, en réalité, accomplit toutes choses, bien que Dieu puisse, pour cela, se servir d’instruments s’Il le juge bon. Dans ce cas, la responsabilité de l’homme intervient. À Jéricho, Dieu fait tout Lui-même pour montrer, entièrement en dehors de l’homme, qui est l’auteur. À Aï, nous trouvons la responsabilité. À Guilgal, nous ne voyons pas la force ; elle est manifestée à Gabaon contre les Amoréens de la montagne (Jos. 10), mais le peuple l’avait acquise à Guilgal. Historiquement il ne paraissait pas que la force de Dieu fût à Guilgal, la manifestation de cette force aurait détruit l’œuvre proprement dite de Guilgal, c’est-à-dire le jugement, en humiliation à cause de Dieu, de tout ce qui pourrait être une occasion d’agir pour la chair. Lorsqu’on a abandonné Guilgal, on trouve que l’ange de l’Éternel y avait été ; on l’échange contre des pleurs, mais on pleure les bénédictions perdues. — En Bokim, on peut adorer Dieu. Sa relation avec le peuple n’est pas changée. Il accepte ces pleurs. Mais quelle différence ! La force et la clarté de la face de l’Éternel n’y sont pas. Mais Il reste toujours le même et la foi peut compter sur Lui, comme lorsque la mer Rouge s’enfuit de devant Sa face et que le Jourdain retourna en arrière. La douleur de la position présente est sentie, mais allégée par le sentiment que Sa grâce ne peut ni ne veut faire défaut. Ce changement de Guilgal à Bokim est la clef du livre ; ce n’est que trop souvent, hélas ! celle de l’état des enfants de Dieu.

Le Saint Esprit, ayant posé ces bases générales, en vient au développement historique de cette position d’Israël.

Pendant les jours de Josué et des anciens qui lui ont survécu, Israël a marché devant l’Éternel. C’est l’histoire de l’Église : tant que les apôtres ont été là, elle était gardée ; mais Paul (Act. 20, 29) et Pierre (2 Pier. 2) ont également averti les fidèles, que leur départ amènerait les fâcheuses conséquences de l’infidélité et de la révolte. Déjà, les principes en étaient là. Le mélange avec des personnes infidèles, œuvre de l’ennemi, allait devenir le moyen par lequel le mal se développerait et les envahirait.

Le Seigneur l’avait dit (Matt. 13), et Jude en développe la marche et les conséquences avec une clarté et une précision solennelles.

Mais lorsqu’il s’élève en Israël une génération qui n’a pas connu l’Éternel, qui n’a pas été témoin oculaire des œuvres de Sa puissance, et qu’elle sert les dieux des nations qu’elle avait laissé subsister, Dieu ne veut plus la protéger. Infidèles au-dedans, les Israélites tombent entre les mains des ennemis du dehors. Puis, comme nous avons dit, dans leur affliction, l’Éternel, touché de compassion, suscite des juges, qui, reconnaissant Son nom, ramènent la manifestation de Sa puissance au milieu du peuple.

Chapitres 3-4. — Dieu, sachant ce qu’était ce peuple et quel était son état, avait laissé dans les limites du pays ce qui mettait l’obéissance à l’épreuve : les Philistins, les Sidoniens, etc., afin qu’Israël apprît « ce que c’est que la guerre », et fît l’expérience des voies et du gouvernement de l’Éternel.

En ceci, la sagesse et la prescience de Dieu, qui connaît l’homme, faisaient tourner l’infidélité du peuple en bénédiction. La prospérité extérieure, sans épreuves, n’aurait pas ôté ce qu’il y avait d’infidélité dans le cœur, et aurait privé le peuple des exercices et des combats dans lesquels il a pu comprendre ce qui en était de son Dieu, de Ses voies et de Ses relations avec lui, et en même temps ce qu’était son propre cœur.

Nous faisons, et par les mêmes causes, les mêmes expériences.

Maintenant, je repasserai les principaux sujets présentés dans l’histoire de ce livre. — Othniel, Éhud et Shamgar ont été successivement les instruments suscités de Dieu pour la délivrance de Son peuple.

On remarque ici la chute du peuple, qui se met à servir des faux dieux ; puis sa servitude ; et alors, dans sa détresse, il crie à l’Éternel. C’est toujours ainsi que la délivrance arrive (3, 9, 15 ; 4, 3). Dans ce dernier cas l’Éternel sort de Ses voies ordinaires. Tout Israël avait perdu sa force et son énergie, même dans les affaires intérieures. Voilà l’effet des rechutes ; on perd la conscience de la puissance de Dieu.

À l’époque dont nous parlons, une femme juge Israël. C’était un signe de la toute-puissance de Dieu, car elle était prophétesse. Mais c’était une voie extraordinaire de Dieu, et une honte pour l’homme. Debora appelle Barak (car là où l’Esprit de Dieu agit, Il discerne et dirige) ; elle lui communique le commandement de Dieu. Il obéit, mais la foi lui manque pour aller comme celui qui jouit de communications directes avec Dieu, et par conséquent n’a pas besoin d’en avoir d’autres. Ces communications directes donnent la conscience que Dieu est là, qu’Il intervient pour Son peuple. Barak ne veut pas aller sans Debora. Mais ce manque de foi n’est pas à son honneur. Les hommes resteront à la place qui correspond au degré de leur foi, et ce sera encore par le moyen d’une femme que Dieu se glorifiera. Barak a assez de foi pour obéir, s’il a près de lui quelqu’un qui sache s’appuyer directement sur Dieu, mais non pour s’y appuyer ainsi lui-même. C’est ce qui arrive souvent. Dieu ne le repousse pas, mais Il ne l’honore pas. En effet, ce n’est pas du tout la même foi en Dieu. Or, c’est par la foi que Dieu est honoré.

Ici aussi, nous avons, non la destruction immédiate de l’ennemi, mais l’exercice du peuple à la guerre, pour le faire sortir de l’état d’abattement moral dans lequel il était. Le commencement était petit. Une femme en était l’instrument, car la crainte n’honore pas Dieu, et Dieu ne peut pas faire reposer Sa gloire sur un tel état ; mais peu à peu « la main des fils d’Israël avançait toujours et pesait durement sur Jabin, jusqu’à ce qu’ils l’eurent retranché ».

Chapitre 5. — En général, l’effet d’une œuvre pareille du Saint Esprit est de présenter le peuple comme étant de bonne volonté (chap. 5, 2). Toutefois, l’Esprit de Dieu nous a fait voir que l’effet de l’incrédulité dans le peuple a été que plusieurs se sont tenus en arrière ; ce qui les a fait manquer à la manifestation et à l’expérience de la puissance de Dieu. Le jugement de Dieu va jusqu’à la malédiction, là où il y avait une réserve complète, un refus de s’associer au peuple dans sa faiblesse.

Chapitre 6. — Mais de nouveau les Israélites firent ce qui déplaît à l’Éternel, et Il les livra entre les mains des Madianites. Et les enfants d’Israël crièrent de nouveau à l’Éternel. Dieu révèle à la conscience du peuple la cause de sa détresse. C’était déjà une réponse ; mais, pour le moment, Il les laisse dans leur état. Il n’agit pas au milieu d’eux en les délivrant aussitôt ; mais Il agit pour eux dans l’instrument qu’Il a choisi pour opérer leur délivrance. Dieu se glorifie en lui ; mais cette action, concentrée en Gédéon, montre dans le peuple un état plus bas qu’auparavant. Toutefois, dans ces circonstances humiliantes, Dieu choisit les moyens qui déploient Sa gloire de toutes manières. Là où Il agit, là est la force ; et aussi la foi qui agit selon cette force dans la sphère qui lui est propre.

Nous examinerons un peu l’histoire de Gédéon et les traits de l’œuvre de l’Esprit dans cette délivrance, ainsi que dans la foi de celui qu’Il a suscité. Il est évident que bien des pensées et de sérieuses réflexions s’étaient présentées à Gédéon, avant que l’Ange lui eût parlé. Mais la visite de l’Ange a été l’occasion qui lui a fait formuler et exprimer les pensées dont son cœur était occupé. Gédéon souffrait avec les autres de l’oppression des ennemis de Dieu, mais cela l’a porté à penser à Dieu, au lieu de prendre son parti de subir le mal comme un esclavage nécessaire. L’Ange lui dit : « L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme ».

C’est ici que nous voyons ce qui préoccupait le cœur de Gédéon : ce n’était pas sa position à lui, mais la relation entre l’Éternel et Israël. Peut-être ne trouve-t-on pas ici la hauteur des promesses faites à Abraham, mais c’est le pouvoir rédempteur de l’Éternel se manifestant en faveur d’Israël. C’est un peu le cas de Moïse auquel l’Éternel dit : « Ton peuple » et qui répond toujours à l’Éternel : « Ton peuple » (Ex. 32, 7-13). Gédéon, de même, ne peut se séparer de tout Israël, le peuple de Dieu. « L’Éternel est avec toi », dit l’ange. « Si l’Éternel est avec nous », répond Gédéon, « pourquoi donc toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? Et où sont toutes ses merveilles que nos pères nous ont racontées, en disant : L’Éternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d’Égypte ? Et maintenant l’Éternel nous a abandonnés, et nous a livrés en la main de Madian ».

C’était en effet la foi qui faisait jaillir tous ces raisonnements, ces exercices du cœur. L’Éternel avait fait toutes ces merveilles. Il avait fait monter le peuple du pays d’Égypte. Si l’Éternel était avec Israël, si telle était la relation de l’Éternel avec Son peuple, comment le peuple pouvait-il être dans ce triste état ? (Oh ! comme un semblable raisonnement peut s’appliquer à l’Église !)

Gédéon reconnaît aussi que c’est l’Éternel qui a livré le peuple entre les mains des Madianites. Comme la pensée de Dieu élève l’âme au-dessus des misères où l’on est ! En pensant à Lui on reconnaît, dans ces misères mêmes, la main et tout le caractère de Celui qui les a envoyées. C’est là ce qui relevait ce pauvre Israélite travaillant sous le poids de l’oppression. « L’Éternel le regarda et lui dit : Va avec cette force que tu as, et tu sauveras Israël ». La visite et le commandement de l’Éternel prêtaient leur forme et leur force à ce qui auparavant n’était qu’un exercice de cœur. Néanmoins, c’était cet exercice de cœur qui était sa force ; car c’était un lien intérieur de foi avec tout ce que l’Éternel était pour Son peuple opprimé, dans la conscience de la relation qui subsistait entre eux.

Voyons maintenant le développement et la mise à exécution de cette foi, pour la délivrance du peuple de Dieu. Gédéon éprouve d’abord le sentiment de sa propre petitesse, quelle qu’ait été la relation entre l’Éternel et le peuple (v. 15). La réponse de l’Éternel lui montre le seul moyen, si simple : — « Moi je serai avec toi ». Précieuse condescendance, doux et puissant encouragement pour l’âme ! La foi de Gédéon était faible. L’état présent du peuple tendait par sa durée à effacer le souvenir des merveilles opérées par l’Éternel à la sortie d’Égypte, et à affaiblir la conscience de Sa présence. Maintenant l’Ange de l’Éternel daigne s’arrêter auprès de lui pour affermir sa foi.

Gédéon qui s’était adressé à Lui, dans la conscience secrète que c’était le Seigneur, sait actuellement qu’il a vu l’Ange de l’Éternel — d’Élohim, face à face. C’était une révélation positive, propre à l’anéantir en lui-même, ainsi que cela eut lieu, mais aussi à le fortifier, d’une manière puissante, dans sa marche au milieu des autres qui n’avaient pas connu de la même manière l’Éternel. Quoique ce ne soit pas avec de telles visions, il en est toujours ainsi lorsque Dieu suscite un instrument spécial pour la délivrance de Son peuple.

L’Éternel s’était manifesté, et maintenant Il rassure Gédéon. « Paix te soit, dit-il ; ne crains point, tu ne mourras pas ».

L’homme, anéanti par la présence de Dieu, jouit de Sa force si cette présence est en bénédiction. C’est ce que Gédéon saisit et reconnaît pour lui-même : l’Éternel est avec lui en paix et en bénédiction. Le mot (shalom) « Paix te soit » est le même que celui de l’autel : « L’Éternel de paix ».

Lorsque Dieu agit puissamment sur le cœur, le premier effet se montre toujours dans les relations avec lui. Gédéon est préoccupé de l’Éternel, il l’était avant cette manifestation. Mais étant rempli de l’Éternel, c’est par l’adoration[1] qu’il exprime les sentiments de son cœur, lorsqu’il reçoit de Lui la réponse à tout ce qui s’y passait[2]. Il élève un autel à l’Éternel de paix. Ainsi, les relations de paix sont établies entre Dieu et Son serviteur ; mais tout ceci est entre Gédéon et l’Éternel.

Maintenant vient son service public, qui aussi s’accomplit en rétablissant premièrement au sein de sa famille et de sa ville les relations entre Dieu et Son peuple. Il faut que Baal soit ôté d’Israël avant que Dieu chasse les Madianites. Pourquoi Le ferait-il, si la bénédiction pouvait être attribuée à Baal ?

Il est donc commandé à Gédéon de rendre un témoignage éclatant, qui attire l’attention de tout le peuple sur la nécessité de rejeter Baal, afin que Dieu puisse intervenir.

La fidélité au-dedans précède la force au-dehors : le mal doit être ôté d’Israël avant que les ennemis soient chassés. L’obéissance, puis la force : voilà l’ordre de Dieu.

Lorsque la puissance de Satan en superstition, manifestée extérieurement de quelque manière que ce soit, est méprisée, elle est détruite ; en supposant toujours que Dieu est avec celui qui la méprise, et que celui-ci est dans le chemin de l’obéissance.

Gédéon renverse Baal ; et en réponse à la colère du peuple que la superstition remplit de terreur, celui-là même à qui l’autel appartenait leur dit : « S’il est dieu qu’il se défende lui-même ». La puissance de Dieu agissait sur les esprits, car il y avait la foi. Mais l’opposition de l’ennemi ne cesse pas pour cela : rien de plus méprisable qu’un Dieu méprisé. Si Satan ne peut pas être Dieu parmi les hommes, il n’est pas au bout de ses ressources : il suscitera les hommes en hostilité ouverte contre ceux qui renversent ses autels ; mais lorsqu’on agit de la part de Dieu, cette guerre de l’ennemi n’aura d’autre effet que de l’amener en présence de la puissance de Dieu, et de nous donner la victoire, la délivrance et la paix.

Les Madianites montent contre Israël. Tout est préparé pour que l’Éternel intervienne. L’Esprit de Dieu revêt Gédéon. Nouvelle phase dans cette histoire ; ce n’est pas seulement la fidélité, c’est la puissance. Gédéon sonne de la trompette, et ceux qui naguère avaient voulu le tuer, marchent maintenant à sa suite. Il envoie des messagers à toute sa tribu. Ceux de Zabulon, d’Aser et de Nephthali viennent aussi. La puissance de l’Esprit qui mène les esprits des hommes, est avec la foi qui reconnaît Dieu, qui Le reconnaît dans Sa relation avec Son peuple, et rejette fidèlement le mal incompatible avec cette relation.

Dieu donne encore une preuve de Sa grande condescendance en accordant un signe pour fortifier la foi, faible, mais réelle et sincère, de Gédéon, qui sent, lorsqu’il répète sa demande (v. 39), que Dieu pourrait bien le châtier pour son manque de foi. Cependant l’Éternel lui accorde ce qu’il demande.

Chapitre 7. — Trente-deux mille hommes suivaient Gédéon. Mais l’Éternel ne veut pas un si grand nombre. Lui seul doit être glorifié dans cette délivrance. En effet, la foi était si faible, lors même que l’Esprit de Dieu agissait, qu’une fois en présence de l’ennemi vingt-deux mille hommes sont contents de se retirer, sur l’invitation de Gédéon. Le mouvement produit par la foi d’autrui est loin d’être une foi personnelle.

Mais dix mille hommes sont encore trop. Le nom de l’Éternel doit seul paraître. Ceux-là seuls doivent rester, qui ne s’arrêtent pas pour se désaltérer à leur aise, mais se rafraîchissent à la hâte, comme l’occasion se présente, plus occupés du combat que de leurs aises, pendant le chemin. Le peuple avait besoin de comprendre que l’Éternel devait avoir, par la foi, toute la place dans son cœur ; et il convenait au juste jugement de Dieu que ceux qui ne Lui donnaient pas cette place fussent privés de la part qu’ils auraient pu avoir à cette œuvre glorieuse.

Ici, Gédéon déploie une entière confiance en Dieu. Précédemment, la faiblesse de sa foi faisait que son cœur se reportait trop sur lui-même, au lieu de regarder simplement à Dieu. Le profond sentiment qu’il avait de l’état d’Israël l’empêchait d’hésiter un instant, parce que le peuple n’était pas avec lui ; que faire de ce peuple ? Dans la défiance qui venait de cette disposition à se reporter sur lui-même, il avait senti le besoin de s’assurer que l’Éternel était avec lui ; mais maintenant qu’il a la certitude que l’Éternel veut délivrer Israël par son moyen, il s’en rapporte entièrement à Lui.

L’Éternel jette l’effroi et l’épouvante au milieu des ennemis, et le fait connaître à Gédéon. Il est touchant de voir les soins que Dieu prend pour inspirer de la confiance à Son serviteur, selon les besoins que l’état de choses avait créés. Aussi, le nom de Gédéon retentissait-il déjà avec effroi dans la nombreuse armée des Madianites. Saisis de terreur, ils se détruisent les uns les autres. La confiance des Madianites, basée seulement sur l’incapacité d’Israël, se fondait devant l’énergie de la foi ; car les instruments de l’œuvre de l’ennemi ont toujours une mauvaise conscience. C’est l’Éternel qui fait tout. Les trompettes et les flambeaux seuls annonçaient Sa présence et celle de Son serviteur Gédéon. La multitude d’Israël poursuit les ennemis, profitant de l’œuvre de la foi sans en avoir : résultat ordinaire d’un pareil mouvement.

Chapitre 8. — Tous cependant ne se joignent pas à Gédéon pour la poursuite de l’ennemi. Mais, pour le moment, Gédéon méprise la lâcheté qui le méconnaît et qui craint encore la force de l’oppresseur. En revenant, il châtie selon la juste indignation de sa foi, ceux qui s’étaient montrés favorables à l’ennemi dans un moment où les serviteurs de Dieu étaient fatigués, mais poursuivant toujours. Tandis que l’œuvre était à faire, ils s’occupaient de l’œuvre et passaient outre ; on a tout le temps de se venger lorsqu’elle est achevée. Gédéon a aussi la prudence de s’effacer pour calmer la susceptibilité de ceux qui se sentaient blessés dans leur importance parce que lui avait eu plus de foi qu’eux. Ils ne s’étaient pas vantés de leur importance, et n’avaient pas demandé à être appelés lorsque Madian était en force sur le territoire d’Israël. On aurait tort de contester avec de telles gens. Si l’on est content d’avoir fait l’œuvre de Dieu, ils seront contents des dépouilles qu’ils trouveront à la poursuite de l’ennemi : ils s’en feront une victoire. Il faut la leur laisser ; car, en effet, ils ont été utiles à la cause de l’Éternel, quoique tardifs à y entrer. Ils sont venus lorsqu’ils ont été appelés et, à ce qu’il paraît, de bon cœur ; ils ont suivi la direction de Gédéon et lui ont rapporté les têtes des chefs. Le secret de la foi et de l’Éternel était avec Gédéon. C’était inutile de leur en parler. Israël ne comprenait pas sa faiblesse. Gédéon devait être fort de la part de l’Éternel pour Israël, puisque Israël ne pouvait être fort avec lui. Or, par cette même raison, ils ne pouvaient comprendre pourquoi ils n’avaient pas été appelés auparavant. La chose a dû être laissée sans explication ; preuve du triste état d’Israël. Mais le danger a été écarté et la difficulté résolue en ce que Gédéon se contentait sagement de les tranquilliser, en n’insistant pas sur sa propre importance, sentiment qui tenait à une foi dont eux ne se croyaient pas incapables et dont ils ne sentaient pas les difficultés, parce qu’ils ne la possédaient pas. Il faut être près de Dieu pour sentir ce qui manque dans l’état de Son peuple avec Lui ; car c’est en Lui que nous trouvons ce qui nous rend capables de comprendre et Sa force et les exigences de nos relations avec Lui.

Pendant les jours de Gédéon, Israël fut en paix.

Bien que les détails de cette délivrance soient d’un intérêt particulier, il me paraît que l’état du peuple s’y montre plus bas qu’à l’époque des délivrances précédentes. Alors on trouvait tout simple que quelque serviteur de l’Éternel, comptant sur son bras, délivrât le peuple du joug qui pesait sur lui. Ou bien le peuple, réveillé par les paroles d’une prophétesse, secouait le joug et remportait lui-même, par le secours de Dieu, la victoire sur ses ennemis. Mais ici il fallait rétablir chez le peuple la conscience des relations de l’Éternel avec lui. C’est ce que Dieu fait avec Gédéon, comme nous l’avons vu, et cela avec une tendresse et une condescendance touchantes. Mais il a fallu le faire. Aussi Dieu accomplit-Il seul la délivrance de Son peuple. Il ne faut pas y employer le peuple, de peur que le peuple ne se l’attribue ; car plus on est éloigné de Dieu, plus on est disposé à se faire une grande part dans l’œuvre qui n’est due qu’à Lui.

Chapitre 9. — Après la mort de Gédéon, nous voyons les suites de cet éloignement de Dieu, dans les luttes intestines qui eurent lieu entre les enfants d’Israël. Ils sont ingrats envers la postérité de Gédéon, et la guerre éclate entre eux par le chef qu’ils s’établissent, et qui, au lieu de combattre les ennemis de Dieu, ne cherche qu’à dominer sur le peuple actuellement en repos.

Chapitres 10-12. — La chute des seigneurs de Sichem et d’Abimélec est suivie d’une paix momentanée, après laquelle Israël recommence son iniquité idolâtre, et l’Éternel le livre entre les mains des peuples dont il sert les dieux. Serré de près par les ennemis, Israël crie à l’Éternel, qui lui reproche son passé et le renvoie aux dieux qu’il servait. Alors le peuple ôte du milieu de lui ses faux dieux. L’Éternel est touché de compassion.

Israël, sans conducteur, s’adresse au capitaine d’une bande de gens sans aveu, et lui promet de le reconnaître pour son chef s’il veut se mettre à leur tête.

Jephthé y consent. Mais, quoique ce fût une délivrance, on voit en tout ceci combien Israël est tombé. Jephthé lui-même souffre cruellement de son vœu téméraire, et de plus l’orgueil d’Éphraïm l’ayant poussé à se plaindre de ce qu’on ne tenait pas assez compte de lui, on ne trouve pas chez lui le calme et la sagesse d’un homme aussi près de Dieu que l’était Gédéon. Quelle différence entre cette époque et celle de Josué ! Dieu multiplie Ses délivrances ; mais ces délivrances n’arrêtent point l’incrédulité du peuple, et son état ne cesse d’aller en empirant.

Après Jephthé, Israël jouit encore d’un temps de calme sous la direction des juges que Dieu lui suscite. Mais il ne tarde pas de retourner à son ancien train de péché, et d’être livré par l’Éternel entre les mains des Philistins. L’histoire de Samson nous raconte le commencement des rapports d’Israël avec ces ennemis acharnés, et qui ne cessèrent que lorsque David les eut subjugués. Les Philistins étaient à cette époque au faîte de leur puissance. Mais ici l’histoire importante est celle de Samson.

Chapitre 13. — Samson, comme figure, nous présente le principe du nazaréat, la séparation entière pour Dieu, source de force dans les combats contre nos ennemis, envisagés comme des ennemis qui cherchent à prendre le dessus au milieu du peuple de Dieu, dans leur territoire même et dans leur propre cœur.

Les Philistins n’étaient pas des fléaux, des châtiments envoyés du dehors ; ils habitaient dans le territoire même d’Israël, au pays de la promesse. Auparavant, sans doute, d’autres nations laissées dans l’intérieur de Canaan par l’infidélité du peuple, lui avaient été en piège, l’entraînant à des mariages avec des idolâtres et au culte des faux dieux, et l’Éternel les avait livrés entre les mains de leurs ennemis. Mais actuellement ceux qui avaient été laissés dans les pays conquis, prétendent dominer sur Israël.

Ici donc, ce qui peut rendre la victoire et la paix aux héritiers de la promesse, c’est la force que donne la séparation de tout ce qui tient à l’homme naturel, et la consécration complète à Dieu, dans la mesure où elle est réalisée. Ce nazaréat est la puissance spirituelle, ou plutôt ce qui la caractérise lorsque les ennemis sont au-dedans du pays. Car Samson a jugé Israël pendant la domination des Philistins (15, 20). Dans la suite, Samuel, Saül et surtout David, ont entièrement changé l’état de choses.

Quand les Cananéens, quand la puissance de l’ennemi domine dans le pays, il n’y a que le nazaréat qui puisse donner la supériorité à celui qui est fidèle. C’est un secret inconnu des mondains. Christ en était le parfait exemple. Le mal dominait dans le peuple. La marche de Christ était une marche à part, séparée du mal. Il était du peuple, mais, comme Lévi (Deut. 33, 9), Il n’en était pas. Il était nazaréen. Or, il y a une distinction à faire à cet égard.

Moralement, Christ était aussi séparé des pécheurs pendant Sa vie sur la terre, qu’Il l’est maintenant. Mais extérieurement Il était au milieu d’eux ; et, comme témoin et expression de la grâce, Il était spirituellement aussi au milieu d’eux. Depuis Sa résurrection, Il est complètement séparé des pécheurs. Le monde ne Le voit et ne Le verra plus, sinon en jugement.

C’est dans cette dernière position, et comme ayant revêtu ce caractère de séparation entière du monde, que l’Église, que les chrétiens, sont en rapport avec Lui. Un tel souverain Sacrificateur nous convenait. L’Église garde sa force, les vrais chrétiens gardent leur force, en tant qu’ils se tiennent dans cet état de séparation complète dont le monde ne se rend pas compte et auquel il lui est impossible de participer. La joie, la sociabilité humaines n’y entrent pas ; la joie divine, la puissance du Saint Esprit s’y trouvent. La vie de notre adorable Sauveur était une vie sérieuse, toujours sérieuse et en général à l’étroit, non pas au-dedans de Lui, car Son cœur était une source jaillissante d’amour, mais à cause du mal qui Le serrait de tous côtés. Je parle de Sa vie et de Son cœur à Lui. Pour ce qui concerne les autres, Sa mort levait les écluses, pour que cet amour débordât en plein sur les pauvres pécheurs.

Cependant, quel que fût le recueillement continuel du Sauveur, Il pouvait dire à l’égard de Ses disciples : « Je dis ces choses dans le monde, afin qu’ils aient ma joie accomplie en eux-mêmes ». C’était le meilleur des souhaits, c’était la joie divine au lieu de la joie humaine. Le temps viendra où ces deux joies seront réunies, lorsqu’Il boira du fruit de la vigne, nouveau avec les siens, dans le royaume de Son Père ; et tous seront Son peuple. Mais, pour le moment, cela ne se peut pas ; le mal domine dans le monde ; il dominait en Israël, où la justice aurait dû être ; il domine dans la chrétienté, où la sainteté et la grâce devraient être manifestées dans toute leur beauté.

Cette mise à part pour Dieu est, dans ce cas, le seul moyen de jouir de la force de Dieu ; c’est la position essentielle de l’Église. Si elle y a manqué, elle a cessé de manifester le caractère essentiel de son Chef, en rapport avec Celui qui est « séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux ». Elle n’est qu’un faux témoin, une preuve au milieu des Philistins que Dagon est plus fort que Dieu ; elle n’est qu’un prisonnier aveugle.

Toutefois, il est remarquable que toujours, lorsque le monde, par ses séductions, s’empare de ceux que Dieu en a séparés pour être à Lui, cela provoque le jugement de Dieu sur le monde et l’entraîne à sa ruine (telle Sara dans la maison du Pharaon, tel dans ce cas-ci, Samson aveugle et prisonnier aux mains des Philistins ; telle de nouveau Sara dans la maison d’Abimélec, quoique Dieu, par égard pour l’intégrité du cœur de ce dernier, n’eût fait que le reprendre).

Le nazaréen représente donc Christ, tel qu’Il était ici-bas de fait et par nécessité, et aussi tel qu’Il est maintenant complètement et de plein droit, assis dans le ciel à la droite de Dieu, caché en Dieu, où notre vie est cachée avec Lui. Le nazaréen représente l’Église, ou un chrétien pris individuellement, en tant que l’un et l’autre sont séparés du monde et consacrés à Dieu, et qu’ils gardent le secret de cette séparation.

C’est la position de l’Église, la seule qui soit reconnue de Dieu ; l’Église étant unie à Christ séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux, ne peut être à Lui d’une autre manière. Elle peut être infidèle à cette relation, mais c’est dans cette relation qu’elle a été placée avec Christ. Elle ne peut être reconnue dans une autre.

Samson nous représente aussi la tendance de l’Église et du chrétien à sortir de cette position, tendance qui ne produit pas toujours ses mauvais fruits au même degré, mais qui entraîne la négligence pratique et intérieure du nazaréat, et amène bientôt la perte de toute force, lorsque l’Église se livre au monde. Dieu peut encore se servir d’elle, se glorifier par les dégâts qu’elle fait sur le territoire de l’ennemi (qui devrait être à elle), et même la garantir du péché auquel conduit la pente glissante où elle se trouve. Mais la disposition qui l’a amenée là tend à l’entraîner plus bas encore.

Chapitres 14-15. — Dieu se sert du mariage de Samson avec une femme d’entre les Philistins, pour punir ce peuple. Encore dans la fraîcheur de sa force, le cœur près du Seigneur, et mû par le Saint Esprit, Samson agit dans la puissance de cette force au milieu des ennemis qu’il s’est suscités, et, de fait, il n’épouse jamais la femme de leur nation.

J’ai dit : Dieu s’en sert. C’est ainsi que Dieu peut employer la force spirituelle de l’Église, aussi longtemps que, pour le fond, elle lui demeure attachée, quoique sa marche ne soit pas fidèle et qu’Il ne puisse l’approuver. Car il est clair que le mariage de Samson avec la fille de Thimna était un péché positif, une contravention flagrante aux ordonnances de l’Éternel, que ne justifie nullement la bénédiction que Dieu lui accorde lorsque les Philistins lui faisaient tort. Car ce n’est pas dans son mariage qu’il a trouvé de la bénédiction, mais bien le contraire.

Aussi, Samson n’a pas Israël avec lui dans les combats que lui suscite son mariage ; l’Esprit de Dieu n’agit pas sur le peuple comme Il l’a fait dans le cas de Gédéon, de Jephthé ou de Barak.

Du reste, quand il s’agit du nazaréat, il faut s’attendre à l’opposition du peuple de Dieu. On est nazaréen au milieu du peuple, parce que le peuple ne l’est plus. Or, s’il ne l’est plus, il n’a plus de force et s’accommode de la domination du monde, pourvu qu’on lui laisse sa paix extérieure ; et il ne veut pas qu’on agisse par la foi, parce que cela inquiète le monde et l’excite contre lui. « Ne sais-tu pas », dit Israël, « que les Philistins dominent sur nous ? » (15, 11). Tout en reconnaissant Samson pour un des leurs, les Israélites veulent le livrer aux Philistins, afin de conserver leur tranquillité.

Mais dans cette première phase de la vie de Samson, il y a quelques détails qui exigent plus d’attention.

Son mariage était un péché. Mais la séparation du peuple de Dieu avait cessé de recevoir son application pratique dans la mesure que lui assignent les pensées de Dieu. Le fait était inexcusable, parce qu’il avait pour motif la volonté de Samson et que Dieu n’avait pas été consulté. Mais, par l’effet des circonstances, Samson n’avait pas, en ce moment, la conscience du mal qu’il commettait ; et Dieu permit qu’au lieu de la guerre avec le monde cananéen (c’est-à-dire le monde dans l’enceinte du peuple de Dieu), il cherchât la paix et l’amitié avec lui, de sorte que, quant aux Philistins, Samson était dans son droit à l’égard des combats qui ont suivi.

Avant son mariage, Samson avait tué le lion et il y avait trouvé du miel. Il avait la force de la part de Dieu pendant qu’il marchait dans son intégrité. C’est l’énigme du peuple de Dieu, son secret. Le lion est privé de force contre celui qui est à Christ. Christ a détruit la force de celui qui avait l’empire de la mort. Par la puissance de l’Esprit de Christ notre combat est victoire, et le miel en découle. Mais ceci s’effectue dans le secret de la communion de l’Éternel. David a mieux gardé cette position dans la simplicité du devoir.

Samson ne s’est pas préservé avec le monde, des liaisons auxquelles prêtait l’état du peuple. C’est toujours le danger pour le chrétien. Mais quelle que soit leur ignorance, quand les enfants de Dieu s’allient au monde et poursuivent ainsi un chemin opposé à leur vrai caractère, ils y trouveront infailliblement des mécomptes. Ils ne se gardent pas à part pour Dieu ; ils ne gardent pas leur secret avec Lui, secret qui n’est connu que dans Sa communion. Leur sagesse s’en va, le monde les séduit, leurs relations avec le monde deviennent plus mauvaises qu’auparavant, et le monde les méprise et fait ses affaires, sans égard pour eux quand ils s’indignent des choses qu’il leur fait éprouver.

Qu’est-ce que Samson avait à faire à aller visiter sa femme (chap. 15) ? Sa propre volonté est en exercice et se mêle avec l’emploi de la force que Dieu lui avait donnée (comme Moïse lorsqu’il tua l’Égyptien). On porte toujours un peu du monde avec soi, lorsqu’on y a été mêlé étant enfant de Dieu. Mais Dieu se sert de cela pour nous en séparer forcément et tout de bon, et rendre notre union avec lui impossible, en nous mettant en conflit direct avec le monde, là même où nous étions liés avec lui. On eût mieux fait de ne pas l’être. Mais ces voies de Dieu sont nécessaires, lorsque l’union de l’Église avec le monde est une chose habituelle et reconnue d’elle[3]. On ne s’aperçoit pas des circonstances les plus flagrantes. Pensez à un nazaréen marié avec une Philistine ! Dieu doit rompre cette union en faisant naître des inimitiés et des hostilités, puisqu’il n’y a pas l’intelligence de la proximité morale de Dieu, qui sépare du monde et place dans cette tranquillité qui, puisant sa force en Dieu, sait vaincre et chasser l’ennemi, lorsque Dieu nous engage dans le combat par la révélation claire de Sa volonté.

Mais, liés avec le monde, le monde a toujours de l’empire sur nous ; nous n’avons pas le droit de nous refuser à des relations que nous avons nous-mêmes formées. Nous pouvons nous approcher du monde, car la chair est en nous. Le monde ne saurait s’approcher réellement des enfants de Dieu, car il n’a que sa nature déchue et pécheresse. Le rapprochement est tout d’un côté, et toujours en mal, quelles que soient les apparences. Porter un témoignage au milieu du monde, c’est autre chose.

Aussi l’on ne saurait invoquer le secret de l’Éternel, les relations intimes du peuple de Dieu avec Lui et les sentiments qui en découlent ; car le secret et la force de l’Éternel sont exclusivement le droit et la force de Son peuple racheté. Comment le dire à sa femme philistine ? Quelle influence auraient les privilèges exclusifs du peuple de Dieu, sur celle qui n’en fait pas partie ? Comment en parler, quand on les renie par la relation même dans laquelle on se trouve ? On les renie en communiquant ce secret ; car on cesse d’être séparé et consacré à Dieu, dans une confiance qui ne peut reposer sur d’autre que Lui. Cette expérience aurait dû, pour l’avenir, préserver Samson d’une marche pareille. Mais, sous bien des rapports, dans les choses de Dieu, l’expérience est inutile, parce qu’il faut la foi au moment même ; car c’est Dieu Lui-même dont nous avons besoin.

Cependant ici la force de Samson demeure. Les conseils souverains de Dieu s’accomplissaient dans cette affaire, quoique à travers des fautes très graves, suite de l’état général des choses auxquelles Samson participait. Une fois dans le combat, il manifeste la force de l’Éternel qui était avec lui ; et, en réponse à ses plaintes, l’Éternel lui fournit le rafraîchissement dont il avait besoin (15, 17-19).

C’est là que se termine l’histoire générale de Samson. Nous avons vu que le peuple de Dieu, ses frères étaient contre lui : règle générale en pareil cas. C’est l’histoire de la puissance de l’Esprit de Christ agissant dans le nazaréat, dans la séparation d’avec le monde, pour Dieu ; mais au milieu d’un état de choses entièrement contraire à cette séparation, et dans lequel celui qui est soutenu par la force de cet Esprit, se retrouvant placé dans la sphère de ses habitudes, est toujours en danger d’être infidèle, et cela d’autant plus (s’il ne se tient pas près de Dieu dans le calme de l’obéissance) qu’il sent que la force est avec lui.

Christ était la perfection de la marche divine en pareil cas. On voit que personne n’a compris quelle était la source de Sa puissance, ou Son autorité. Il a dû renoncer à tout espoir de satisfaire les hommes sur les principes d’après lesquels Il marchait. On aurait dû être comme Lui pour le comprendre ; et, dans ce cas, on n’aurait plus eu besoin d’être convaincu. Agir devant Dieu et Lui remettre sa justification, voilà tout ce qu’il y avait à faire. Il réduisait Ses adversaires au silence sur des principes reconnus de Dieu et de toute bonne conscience ; mais Il ne pouvait point révéler le secret entre Lui et le Père, le principe de Sa vie et le ressort de toute Sa conduite. Si la vérité a percé quand Satan a poussé les choses au point qu’il n’y avait que cela à dire, ses adversaires L’ont traité de blasphémateur, et Lui les a dénoncés ouvertement comme enfants de Satan. C’est ce qui se trouve particulièrement dans l’évangile de Jean (voyez chap. 8). Mais alors Jésus n’avait plus Sa même relation avec le peuple, qui, de fait, dès le commencement de cet évangile, est traité comme réprouvé, tandis que la personne du Fils de Dieu est mise en évidence.

Dès le début de Son ministère, Il a conservé la place d’un serviteur obéissant, ne commençant à agir en public que lorsqu’Il y fut appelé de Dieu, après avoir pris la dernière place dans le baptême de Jean. Ce fut la question débattue lors de la tentation dans le désert. Le tentateur a voulu Le faire sortir de Sa position d’homme obéissant, parce qu’Il était Fils de Dieu. Mais l’homme fort fut lié là : demeurer dans l’obéissance est le seul moyen pour lier l’adversaire. Christ a toujours marché dans cette séparation parfaite de l’homme intérieur, dans la communion de Son Père et dans une entière dépendance de Lui ; dans l’obéissance, sans avoir un seul instant de volonté propre. C’est pourquoi on le voit le plus débonnaire et le plus accessible des hommes ; on remarque dans Ses démarches une tendresse et une bonté qui ne se voient en aucun homme, mais on sent toujours un étranger. Ce n’est pas qu’Il soit venu pour être étranger dans Ses relations avec les hommes ; mais ce qu’il y avait de plus profond en Lui, ce qui constituait Sa nature même, et, par conséquent, déterminait Sa marche en vertu de Sa communion avec le Père, était entièrement étranger aux mobiles qui agissent sur les hommes. De fait, Il était absolument isolé. N’est-il pas frappant de voir qu’aucun de Ses disciples n’a compris ce qu’Il disait ? Marie de Béthanie est le seul exemple d’un cœur qui Le comprît, aussi ce que cette femme avait fait devait être publié dans le monde entier en mémoire d’elle. Son cœur était plein de sympathie pour chaque souffrance ; Il ne rencontrait aucune sympathie pour les siennes.

Cet esprit d’abnégation, de renoncement à toute Sa volonté propre, d’obéissance et de dépendance de Son Père, perce constamment dans la vie de Jésus. Après le baptême de Jean, Il priait lorsqu’Il reçoit le Saint Esprit. Avant de nommer les apôtres, Il passe toute la nuit en prières. Après le miracle des cinq pains pour nourrir cinq mille hommes, Il passe aussi la nuit sur la montagne, en prières. Si l’on demande de s’asseoir à Sa droite et à Sa gauche dans Son royaume, ce n’est pas à Lui de le donner, sinon à ceux pour lesquels cela est préparé par Son Père. Dans l’agonie de Gethsémané, l’attente et la frayeur de la mort sont placées entièrement devant Son Père, et « la coupe que son Père lui a donné à boire, ne la boirait-il pas » ? Aussi, comme tout est calme en présence des hommes ! Il est le Nazaréen, séparé des hommes par Sa parfaite communion avec Son Père, et l’obéissance d’un Fils qui n’avait d’autre volonté que d’accomplir le bon plaisir de Son Père. C’était Sa nourriture de faire la volonté de Celui qui L’avait envoyé et d’achever Son œuvre.

Mais c’est lorsque l’homme n’a pas voulu Le recevoir, et qu’il n’y eut plus de relation quelconque entre l’homme et Dieu, que Jésus a pris pleinement le caractère de Nazaréen, de séparé des pécheurs, élevé plus haut que les cieux. C’est Christ dans les cieux qui est le vrai Nazaréen, et qui, ayant reçu du Père la promesse du Saint Esprit, L’a répandu sur Ses disciples, afin que dans la puissance du Saint Esprit ils pussent maintenir la même position sur la terre, par la communion avec Lui et avec Son Père ; marchant dans la sainteté de cette communion, et capables ainsi de se servir de cette puissance avec une intelligence divine, propre à éclairer et à soutenir l’obéissance pour laquelle ils sont mis à part en vue de la gloire de Jésus et de Son service. « Si vous demeurez en moi », dit-Il à Ses disciples, « et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et il vous sera fait ». Ils n’étaient pas du monde, comme Lui n’était pas du monde. L’Église, qui a été formée de Ses disciples, doit marcher comme séparée du monde et consacrée à Lui dans une vie céleste.

Christ est donc l’antitype de cette histoire de Samson, quant au principe qu’elle contient. Mais les faits nous montrent ce principe de puissance confié à ceux qui n’étaient, hélas ! que trop capables de manquer à la communion et à l’obéissance, et ainsi d’en perdre la jouissance.

Chapitre 16. — Samson pèche encore par ses liens avec la « fille d’un dieu étranger », avec des femmes d’entre les Philistins, au milieu desquels étaient la maison de son père et la tribu de Dan. Mais il retient sa force jusqu’à ce que l’influence de sa liaison soit telle, qu’il révèle le secret de sa force en Dieu. Son cœur, séparé de Dieu, place dans une Philistine la confiance qui ne devait exister qu’entre son âme et Dieu.

Posséder et garder un secret, c’est ce qui témoigne de l’intimité avec un ami. Mais le secret de Dieu, jouir de Sa confiance, est le plus haut des privilèges. Le trahir auprès d’un étranger, de qui que ce soit, c’est mépriser la précieuse position que Sa grâce nous a faite ; c’est la perdre. Qu’est-ce que les ennemis de Dieu ont à faire avec Ses confidences ? C’est ainsi que Samson se livre à ses ennemis. Tous les moyens étaient sans force contre lui, aussi longtemps qu’il gardait son nazaréat. Cette séparation une fois perdue, quoique en apparence Samson fût aussi robuste, son extérieur aussi remarquable qu’auparavant, l’Éternel n’était plus avec lui. « Je m’en irai comme les autres fois, et je me dégagerai. Or il ne savait pas que l’Éternel s’était retiré de lui ».

On ne peut guère supposer une folie plus grande que celle de confier son secret à Delila, après avoir été saisi tant de fois par les Philistins, au moment où elle le réveillait. — De même, une fois que l’Église s’est laissée aller au monde, elle perd toute intelligence, même tout sens commun. Pauvre Samson ! le voilà aveugle pour toujours, lors même que sa force lui reviendra.

Mais « qui s’est endurci contre Lui et a prospéré ? » (Job 9, 4).

Les Philistins attribuent leur succès à leur faux dieu. Dieu se souvient de Sa gloire et de Son pauvre serviteur humilié et châtié de sa faute. Les Philistins s’assemblent pour jouir de leur victoire et glorifier leurs faux dieux. Mais l’Éternel avait l’œil sur tout cela. Dans l’humiliation, la pensée de l’Éternel avait plus de puissance sur le cœur de Samson ; son nazaréat reprenait de la force. Il fait à Dieu son touchant appel. — Qui craindrait un aveugle prisonnier et affligé ? Mais qui, d’entre le monde, connaît le secret de l’Éternel ? Esclave et aveugle pour toujours, l’état de Samson amène une occasion que sa force n’avait pas su obtenir, avant que son infidélité l’en eût privé. Mais il est aveugle et esclave, et il faut qu’il périsse lui-même dans le jugement qu’il attire sur l’impiété de ses ennemis. Il s’était identifié avec le monde en l’écoutant, il faut qu’il le soit dans le jugement qui tombe sur le monde. On trouve quelque chose de semblable chez Jonathan, quoique sous une forme et d’une manière très différentes. Sa voie n’était pas parfaite. Il donnait une main au monde et l’autre à David, quoiqu’il pût avoir pour excuse ses relations naturelles.

Si l’infidélité de l’Église donne lieu à la puissance du monde sur elle, d’un autre côté, le monde, lorsqu’il corrompt l’Église, porte atteinte aux droits de Dieu, et s’attire ainsi, au moment même de son plus grand triomphe, un jugement qui, s’il met fin à l’existence comme à la misère du nazaréen, détruit en même temps, dans une ruine commune, toute la gloire du monde.

Dans les détails de la prophétie, ceci s’applique à la fin de l’histoire du peuple juif. Seulement le résidu y est mis à l’abri, afin d’être établi sur une base nouvelle pour l’accomplissement des conseils de Dieu. Le cas de l’église professante est quelque peu différent : Les saints sont ravis dans la gloire, et la profession apostate tombe sous le jugement ; mais le fait du jugement sur le monde est identique dans l’un et l’autre cas.

Chapitres 17-21. — Les chapitres qui suivent ne sont pas compris dans l’ordre historique de ce livre. Ils soulèvent le voile pour nous montrer quelques détails de la vie intérieure de ce peuple que la patience de Dieu a supporté si longtemps, touché de l’affliction d’Israël dans les maux qui lui arrivaient à cause de son péché. Si le peuple avait été obéissant quand l’Éternel était son Roi, son bonheur eût été assuré. Avec l’esprit de propre volonté qui agissait en lui, l’absence de frein, lorsqu’il n’y avait point de roi, lâchait la bride à tous les écarts. Le dernier événement raconté dans ce livre montre jusqu’à quel point le désordre était allé en Israël ; mais il en ressort une leçon très importante. Si l’état de l’ensemble du peuple de Dieu donne occasion à des iniquités qui exigent la discipline, le peuple entier est entraîné dans les châtiments qui en résultent, et dont l’effet est de lui faire prendre à cœur l’état qui les lui a attirés. Cet état a empêché que l’iniquité fût réprimée ou punie, au moment où elle a été commise. Mais le peuple est placé en présence de Dieu, qui juge toute l’affaire, et tout le peuple doit s’en mêler.

Israël, au commencement, n’a pas même consulté l’Éternel, pour savoir ce qu’il y avait à faire contre le péché. Il a agi dans l’indignation naturelle (qui, du reste, était bien juste). L’Éternel a permis tout cela, pour que le peuple apprît où il en était. Le mal, qui exigeait le châtiment, avait tellement aveuglé leur état spirituel, qu’ils n’ont pas même la pensée de s’attendre au Seigneur en premier lieu, afin de savoir ce qu’il y avait à faire. Ils se décident pour leur manière d’agir, avant de Le consulter, car ils sont loin de Dieu. Ils se bornent à demander quelle tribu doit marcher la première. L’Éternel indique celle de Juda, mais Juda est vaincu. Battu deux fois, quand il comptait sur un succès facile, le peuple, humilié et en pleurs, a de nouveau recours à l’Éternel pour demander s’il doit sortir de nouveau. Alors l’Éternel leur donne la victoire. Guibha avait mérité cette discipline ; mais pour en être l’exécuteur, Israël avait besoin d’être discipliné lui-même, et Dieu a permis que tous y prissent part, afin de la faire porter sur tous.

Mais dans quel état étaient-ils, pour que la tribu entière de Benjamin se joignît aux hommes de Guibha, coupables d’une telle énormité ? Et remarquez que Phinées était encore souverain sacrificateur, lui qui était déjà homme fait dans le désert. Quelle patience de Dieu avec le peuple, en le délivrant lorsqu’il s’était si vite jeté dans le péché, et dans un tel abîme de péché ! Qu’est-ce que Dieu ne voit pas dans le monde, et même au milieu de Son peuple ? Il est important de remarquer que l’état intérieur du peuple qui, dans l’histoire générale, n’est pas découvert, est ainsi mis en lumière.

Quel éclat de lumière tout ceci ne jette-t-il pas sur les voies de Dieu ! Mais il faut considérer que cette histoire est le désastre et la honte au-dedans et provenant du dedans, le résultat d’avoir abandonné Dieu, suivi de Sa discipline, mais non le jugement par les ennemis du dehors.



  1. On voit un sentiment analogue chez Éliézer (Gen. 24, 27). Il est très intéressant d’étudier les diverses circonstances dans lesquelles on a bâti des autels à l’Éternel. Je cite ici quelques passages (Gen. 8, 20, et 12, 7 ; comp. 13, 4 ; voyez 21, 33 ; 22, 9 ; 26, 25 ; 33, 20 ; 35, 7. — On peut remarquer encore Exode 24, 4 ; Josué 8, 30. Ici, Juges 6). Il paraît même que Gédéon en a bâti deux : l’un pour lui-même en adoration, et l’autre par commandement en témoignage (1 Sam. 7, 17 ; 14, 35 ; 1 Rois 18, 32. — On peut ajouter 2 Sam. 24, 25 ; Esdr. 3, 2).
  2. Il est instructif de remarquer ici la différence entre les exercices de cœur qui résultent de la foi, et la réponse de Dieu aux besoins et aux difficultés que produisent ces exercices. Au verset 13, nous avons l’expression de ces exercices dans une âme sous le poids de la même oppression que ses frères, mais qui la sent, parce que sa foi en l’Éternel était réelle. Ici, nous avons la réponse qui produit la paix, et, avec la paix, l’adoration. Il en est de même lorsque, après avoir subi la mort, Jésus, ressuscité, se révèle à Ses disciples avec les mêmes mots dont Dieu se sert ici, et pose les bases de l’Église réunie pour le culte. En Luc 7, nous retrouvons les mêmes expériences chez la femme de mauvaise vie. Elle croyait en la personne de Jésus. Il était son tout par sa grâce ; mais elle ne savait pas encore qu’une femme comme elle était pardonnée et sauvée, et pouvait s’en aller en paix. Cette assurance fut la réponse donnée à sa foi. Or, cette réponse est ce qu’annonce l’évangile à tout croyant. Le Saint Esprit annonce Jésus. Cela produit la conviction de péché. La connaissance de Dieu en Christ et la connaissance de soi-même atterre (car le péché est là, et l’on est charnel, vendu au péché ; mais elle produit des combats, peut-être des angoisses. Souvent l’âme se débat avec le péché et ne peut se tirer d’affaire ; elle demeure au même point (la plupart des sermons dont elle attend la lumière ne vont pas plus loin). Mais l’évangile annonce les ressources de Dieu Lui-même pour sortir de cet état. — Paix te soit, tes péchés te sont pardonnés. — Ta foi (car elle existait), dit Jésus à la femme pécheresse, t’a sauvée. Voilà ce qu’elle ne savait pas encore (comp. Act. 2, 37, 38).
  3. Dans cette union, lorsqu’elle a lieu entre le monde et les vrais chrétiens, ou du moins ceux qui professent la vérité, le monde domine toujours ; lorsque c’est au contraire avec la hiérarchie que le monde a affaire, c’est une hiérarchie superstitieuse qui domine, parce qu’elle est nécessaire pour restreindre la volonté de l’homme, par des liens religieux qui s’adaptent à la chair.