Traité:La purification par l’eau et ce que marcher dans la lumière signifie

De mipe
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J.N. Darby 1875

J’ai comparé soigneusement avec l’Écriture — et j’ai confiance de l’avoir fait devant Dieu — le système que l’on présente maintenant à beaucoup de personnes comme l’état chrétien de liberté et de sainteté qu’elles doivent rechercher. Cet examen, je l’ai fait dans Sa crainte, ne désirant perdre aucun profit ni avantage que pourrait me donner la foi en la puissance divine. Quelqu’heureux que je sois, je suis trop pauvre et trop faible pour ne pas être content d’avoir tout ce que je puis de Christ et de Son Esprit. J’admets que, seule, la connaissance des choses de Dieu, lors même qu’elle serait très exacte, est loin d’être tout. Il faut la puissance par l’opération du Saint Esprit ; et, sur ce point, le monde évangélique est très incrédule. Néanmoins c’est par la vérité que nous sommes sanctifiés, et dès lors surgit la question de savoir si le système dont je parle est la vérité — la vérité de Dieu. Mis en regard de l’Écriture, ce système me semble être complètement en défaut quant à la position réelle des enfants de Dieu — quant à leur vraie place en paix devant Lui ; ce système ne connaît ni cette place, ni le caractère et l’étendue de la sainteté, ni le moyen de la posséder ; il ignore complètement l’état de la conscience produit par le Saint Esprit en vertu de la rédemption ; et, en suite de cela, il rabaisse nécessairement le caractère de la sainteté et obscurcit la place que Christ devrait occuper dans le cœur.

Je crois que ce système contient plus d’une chose vraie et importante pour les chrétiens de nos jours ; et, si je m’en occupe, c’est parce que ces choses sont dénaturées par un faux enseignement qui réussit à égarer les âmes. Je désire parler avec sobriété, faisant cas de ce qui est vrai, mais mettant en garde l’âme de mon lecteur, si Dieu dans Sa grâce daigne m’employer à cela, contre ce qui obscurcit la vérité.

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Je commencerai par signaler ce que je ne combats pas, afin de ne pas donner prise à ceux qui rejettent la présence et l’opération de l’Esprit de Dieu, et afin de rendre justice à ceux qui y croient.

Le dernier ouvrage de M. Pearsall Smith, intitulé « Marcher dans la lumière », contient d’utiles conseils, comme par exemple, lorsque la tentation se présente, de regarder immédiatement à Christ — à Celui qui a vaincu. En faisant ainsi, je ne doute pas que nous ne voyons l’ennemi s’enfuir, comme s’enfuit un oiseau qu’on effraye. Ce n’est pas que nous soyons devenus meilleurs, mais la chose a disparu. Nous aurons quelquefois à attendre ce résultat, lorsque nous avons cédé en quelque mesure à la tentation, mais si nous résistons au diable, il s’enfuira loin de nous. Cela est important pour des fidèles assaillis par l’ennemi : il y a en Christ une force positive et une grâce suffisante pour nous. Je le répète : Ce n’est pas une amélioration ou un changement, mais le mal qui nous assaillait a disparu.

Ce livre contient encore, sans doute, d’autres remarques justes et utiles ; mais ce n’est pas du livre, c’est du système que je m’occupe, et j’ai rencontré bien des personnes qui adoptent ce dernier. Continuons à établir ce que j’accepte et reçois entièrement :

J’admets pleinement que nous sommes scellés par le don du Saint Esprit, fondé sur le sang précieux de Christ ; c’est en vertu de cela que nous sommes mis en liberté, que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs et que nous crions « Abba Père », avec la conscience de notre adoption ; enfin nous savons ainsi, que nous sommes en Christ et Christ en nous, aimés comme Jésus était aimé — position merveilleuse dans laquelle on trouve le repos du cœur. Non seulement je l’admets, mais j’insiste là-dessus depuis tantôt cinquante ans. En effet, les travaux de ceux auxquels je suis associé ont porté ce caractère distinctif ; et non seulement cela, mais une multitude d’âmes, en recevant cette vérité, ont trouvé la puissance et la présence de Dieu d’une manière plus sensible que lors de leur conversion.

Je reconnais pleinement qu’il n’y a « pas de nécessité ni d’excuse pour le péché ». La grâce de Christ nous suffit, et « Dieu est fidèle qui ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de ce que nous pouvons supporter » (1 Cor. 10, 13). Le traité de M. Varley[1] montre avec évidence qu’il n’avait jamais eu auparavant et qu’il avait reçu maintenant cette délivrance et cette conviction ; mais rien de plus. La délivrance enseignée dans ce système, tire son attrait du fait que cet état d’esclavage est extrêmement commun. L’état normal du chrétien est de vivre dans la conscience de la faveur de Dieu sans nuage, et, s’il vit par l’Esprit, de marcher par l’Esprit. De fait, « nous bronchons tous à plusieurs égards » (Jacq. 3, 2).

Que Dieu guérisse souvent des malades en réponse à la prière, Jacques et Jean nous l’enseignent tous deux clairement. Le premier nous présente la chose en rapport avec l’ordre ecclésiastique, bien qu’elle ait lieu par la prière de la foi ; le second, comme une affaire individuelle. En Angleterre et sur le continent, j’en ai vu et reçu les preuves les plus évidentes. Deux fois, à la demande des individus, la prière fut accompagnée de l’onction.

Il est dangereux que l’esprit se fixe et s’arrête sur ce qui, après tout, n’est qu’un témoignage, quelque précieux qu’il puisse être. L’église professante a perdu le sentiment de ce qui caractérise le christianisme : la puissance vivante actuelle du Saint Esprit envoyé du ciel. Ce n’est pas tout ; car Il nous conduit au Père et au Fils, et Il est la puissance actuelle de notre condition. Mais il est de toute importance de ne pas séparer l’Esprit de la Parole de Dieu, comme aussi, de ne pas séparer la Parole de la puissance actuelle de l’Esprit Saint. La Parole est l’épée de l’Esprit ; et les choses qu’elle révèle se discernent spirituellement. La prétention de s’en servir par la puissance de l’esprit humain, ou de la juger par la conscience, n’est pas autre chose que le rationalisme et, pour tout dire, l’incrédulité. D’un autre côté, vouloir la puissance de l’Esprit sans la Parole, laisse aux hommes le champ libre pour accepter comme étant l’Esprit Saint toutes les folles imaginations de l’homme, et même un malin esprit. C’est ce que la Parole nous enseigne clairement.

Ceux qui connaissent l’histoire des Quakers à son début, savent à quelles aberrations plusieurs d’entre eux se livrèrent. On m’objectera qu’il ne faut pas en accuser le corps tout entier, ni ceux qui avaient parmi eux la réputation de conducteurs. Tout en admettant cela, j’attribue leurs excès au principe qu’ils avaient adopté : ils prétendaient que l’Esprit en eux était supérieur à la Parole ; et, en suite de cela, ils n’accordaient pas même ce titre — la Parole — aux Écritures. De nos jours, ce même principe m’a été ouvertement déclaré par ceux qui attendent pour le temps actuel une opération spéciale de l’Esprit et Sa puissance. On me dira encore que cette assertion n’est pas appuyée par ceux qui travaillent dans ce mouvement. Sans doute ; mais ce qui y a conduit, c’est la manière dont ces ouvriers laissent de côté la Parole, pour mettre en avant une puissance actuelle et l’expérience, comme étant un témoignage égal à celui des Écritures. Tel est, dis-je, l’arbre sur lequel ce fruit, qu’ils avouent, s’est développé ; or, la chose est très sérieuse.

J’admets encore qu’il faut distinguer entre la conversion, la puissance du Saint Esprit en vie, comme conséquence de la résurrection (Jean 20), et Sa descente du ciel, manifestée maintenant dans le fait que les croyants sont oints et scellés du Saint Esprit. Or, maintenant que l’Esprit est venu, deux de ces choses ne peuvent plus être séparées, c’est-à-dire l’Esprit comme puissance de vie et l’Esprit descendu du ciel. Le chapitre 8 de l’épître aux Romains en est la preuve. Ces deux choses peuvent être considérées à part ; mais elles composent un seul fait. Le même Esprit, qui est vie, rend témoignage avec notre esprit que nous sommes fils. Le Saint Esprit ayant été donné, distribue à chacun en particulier comme il Lui plaît ; on peut le considérer comme puissance (voyez 1 Cor. 12), puissance qui, dans ce chapitre, ainsi qu’au chapitre 14, est réglée dans son exercice par la Parole. Dans ce cas, nous n’avons pas de promesse que cela doive continuer. On peut aussi considérer ces dons comme donnés par Christ, qui est Seigneur en les administrant ; dans ce cas-ci il est parlé seulement de ce qui est nécessaire pour l’œuvre de grâce (Éph. 4. Comp. 2, 20) ; alors nous trouvons la promesse que ces dons continueront. Il s’agit ici de Christ, prenant soin de Son corps pour le rassembler et le nourrir. À ce point de vue, les apôtres pouvaient conférer le Saint Esprit, mais il y avait aussi la promesse générale donnée en Actes 2, 38. Je ne m’étends pas là-dessus, quelqu’intéressant que soit ce sujet. Je suis loin de m’opposer à la foi dans l’opération et la puissance actuelles du Saint Esprit, pourvu que l’Écriture ait sa place et qu’on se souvienne de l’état actuel de l’Église dans ces derniers jours.

Je reconnais encore que Jésus, le Seigneur et le Sauveur, peut se manifester et qu’Il se manifeste à nous, selon Sa promesse, lorsque nous marchons dans l’obéissance, en sorte que ce qui sera notre joie éternelle dans le ciel, remplit nos âmes déjà ici-bas. Bien que ce puisse être selon la faiblesse du vase, ce n’en est pas moins une réalité. Le chapitre 14 de l’évangile de Jean nous enseigne cela clairement. L’Écriture sanctionne une telle expérience, bien que le passage en question aille plus loin que cela. En même temps, l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs. Le Père et le Fils font leur demeure chez nous. C’est un privilège précieux et ineffable. Le chapitre cité montre clairement que la chose se lie à une marche obéissante — au fait que nous gardons les paroles de Christ. Toute cette partie de l’évangile de Jean ne traite pas de la grâce souveraine envers les pécheurs, mais des voies du Père envers Ses enfants qui, comme tels, sont responsables.

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Ce que je reproche au système, envisagé comme un tout, c’est qu’il détruit la vraie liberté et la conscience parfaite qui sont le propre de l’enfant de Dieu ; puis, revenant continuellement à ce point, que la perfection peut être perdue et incomplète, il applique à la purification de la conscience, en vue de la rendre parfaite, ce qui dans la Parole est une question de communion et de sainteté, tout en rabaissant et falsifiant aussi cette dernière.

En cela, le système trouvera beaucoup d’adhérents, parce que l’incrédulité sur ces points est générale parmi les chrétiens ; mais on a lieu d’être affligé, quand on voit leur prétention à une « vie plus élevée », être le support d’un pareil manque de foi.

Le terrain sur lequel ils se placent est le terrain ordinaire de l’incrédulité quant à l’offrande de Christ, c’est-à-dire la doctrine qui enseigne que l’on doit être continuellement purifié de nouveau dans le sang de Christ. Cette doctrine est absolument contraire à l’Écriture ; elle détruit la vraie position du chrétien selon la Parole, car il est dit que « ceux qui rendent le culte, étant une fois purifiés, n’ont plus aucune conscience de péchés ». Rien de plus clair et de plus positif que l’enseignement de l’épître aux Hébreux sur ce sujet (chap. 9 et 10). Cet enseignement sert d’argument capital, pour établir le contraste qui existe entre le christianisme et la répétition des sacrifices juifs, et nous donner une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints. La chose en question, c’est une conscience parfaite. Or, ce que l’apôtre enseigne avec tant de soin, c’est une conscience rendue parfaite d’une manière perpétuelle, immuable ; autrement, déclare-t-il, il aurait fallu que Christ souffrît plusieurs fois, tandis que Son œuvre nous a rendus parfaits une fois pour toutes. Il a été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs, et apparaîtra une seconde fois, sans péché, à salut, à ceux qui L’attendent. Ces passages nient formellement que la purification de la conscience par le sang puisse être répétée. Ils mettent, sur ce point particulier, le christianisme en contraste avec le judaïsme. C’est l’offrande, l’effusion du sang, qui purifie la conscience ; or cette effusion ne pouvait avoir lieu qu’une fois, en sorte que ceux qui rendent le culte, étant une fois purifiés, n’ont plus aucune conscience de péchés. Dès lors, tandis que les sacrificateurs juifs étaient toujours debout, leur œuvre n’étant jamais terminée, Christ, ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis et demeure assis à perpétuité à la droite de Dieu, n’ayant plus rien à faire en vue de la conscience de l’adorateur, car par une seule offrande Il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés. Remarquez cette expression : « par une seule offrande » ; ainsi nous n’avons plus aucune conscience de péchés. Le mot « à perpétuité » ne correspond pas au terme grec εἰς τὸν αἰῶνα, mais au terme εἰς τὸ διηνεκὲς, qui représente ce qui est continu et non interrompu ; comme aussi Christ est assis maintenant à la droite de Dieu, d’une manière continue, jusqu’à ce que Ses ennemis soient mis pour le marchepied de Ses pieds. Remarquez encore, qu’il ne s’agit pas seulement d’ôter les péchés d’une manière efficace, vérité précieuse dont parle Hébreux 1, 3, mais de rendre la conscience parfaite (Héb. 9, 9 ; 10, 1, 2, 12, 14).

L’épître aux Hébreux enseigne donc d’une manière claire, non équivoque — elle insiste sur ce fait comme caractérisant le christianisme — que la conscience est constamment parfaite, et cela aussi sûrement que Christ est assis à perpétuité à la droite de Dieu. La conscience est parfaite, non point en vertu d’une application réitérée du sang (ce serait l’imperfection) et d’une purification toujours renouvelée ; mais elle est rendue parfaite à perpétuité ; il n’y a plus aucune conscience de péchés, et cela en vertu d’une seule offrande, en contraste avec des actes renouvelés de purification. Cette vérité précieuse et cet état, le système que j’examine les nie ou les ignore, faisant perdre ainsi aux âmes leur position tout entière, c’est-à-dire la vérité même que Dieu présente aux siens pour leur délivrance.

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Cette erreur est fondée sur une interprétation absolument fausse de 1 Jean 1. Avant de nous occuper de ce dernier passage, je désire attirer l’attention sur un autre point : sur l’existence du péché en nous. M. Smith est obligé maintenant d’en tenir compte. L’Écriture est claire sur ce point. J’admets que l’existence du « péché dans la chair » ne demeure pas sur la conscience ; c’est lorsque nous lui avons permis d’agir que nos cœurs nous condamnent ; mais, dans le système de M. Smith, tout est confusion, parce qu’il ignore la portée de ce terme : « aucune conscience de péchés ». Il définit le péché : ce qui donne un sentiment de « condamnation ou d’impureté ». Mais la condamnation et l’impureté sont des choses très distinctes. S’agit-il ici de condamnation de la part de Dieu ? Pour le croyant, il ne peut jamais en être question. S’agit-il de propre condamnation ? Un saint jugement de soi-même n’est pas autre chose, car je condamne ce que je m’étais permis, quoique peut-être mon âme ne soit pas encore rétablie dans une pleine communion. Confondre une conscience parfaite avec un état d’âme, c’est ignorer toute l’opération de Dieu pour restaurer cette dernière. Ce système déplace la question de sainteté, d’état de l’âme, du lavage d’eau, et la ramène à une question de mal imputable auquel s’appliquent l’effusion du sang et la purification par le sang. Par cette confusion, le système met de côté, et la perfection de la position chrétienne et les saintes voies de Dieu relativement à l’état de nos âmes.

Considérons maintenant l’enseignement de l’Écriture sur « le péché dans la chair ». Je n’ai parlé jusqu’ici que des fruits de notre vieille nature et d’une conscience rendue parfaite, quant à ces fruits, par l’offrande de Christ faite une seule fois. Il a porté nos péchés — tous nos péchés — en Son corps sur le bois. S’ils ne sont pas tous ôtés pour toujours, ils ne peuvent jamais l’être ; Christ ne peut mourir une seconde fois. Si tous nos péchés ne sont pas ôtés, dit l’épître aux Hébreux, il faudrait que Christ souffrît plusieurs fois ; qu’Il portât les péchés, qu’Il bût la coupe plusieurs fois ; mais la chose a été faite une fois pour toutes, et, par la foi en cette œuvre, la conscience est rendue parfaite. S’Il n’a pas porté tous mes péchés, rien n’est fait ; s’Il les a portés, je suis net pour toujours.

La première partie de l’épître aux Romains, jusqu’au chapitre 5, verset 11, traite cette question. Mais il y a plus : Non seulement tous les péchés du vieil homme sont ôtés pour le chrétien, mais ce dernier est en Christ ; il est accepté positivement en Lui ; il est dans une nouvelle position selon la valeur de tout ce que Christ a fait pour la gloire de Dieu. Il n’y a aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Or il y a connexion directe entre ceci et la puissance d’une nouvelle vie, dont la possession fondée sur la mort et la résurrection du Seigneur Jésus, nous affranchit de la loi du péché et de la mort. Dès lors, on n’est plus captif de la loi du péché ; il n’y a pas de nécessité pour que l’on pèche jamais. Cet affranchissement, à son tour, est basé sur la condamnation du vieil homme dans la mort de Christ : « Ce qui était impossible à la loi, en ce qu’elle était faible par la chair, Dieu ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché, a condamné le péché dans la chair ». Le péché n’est pas pardonné. Les péchés le sont. Le seul remède contre le péché, c’est la mort. Or le péché a été condamné lorsque Christ mourut, en sorte qu’il n’y a plus aucune condamnation pour moi. Mais dans Sa mort je mourus, étant crucifié avec Lui ; c’est-à-dire que, comme il n’y a pas de condamnation, ainsi aussi, pour la foi, je suis mort dans la mort de Christ. « En ce qu’Il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché (non pas aux péchés) ; mais en ce qu’Il vit, il vit à Dieu. De même vous aussi, tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus ». Dieu regarde le croyant comme mort (Col. 3) ; la foi nous tient pour morts, pour crucifiés avec Christ (Rom. 6 ; Gal. 2) ; et la chose est réalisée en pratique par le fait que nous portons toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus (2 Cor. 4).

Telle est la place et la position du chrétien : « Vous êtes morts ». « Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous ; mais si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est pas de Lui ».

L’idée de M. Smith que l’on peut retourner à Romains 7 est tout à fait erronée, car il faudrait pour cela cesser d’être un chrétien. Il est dit au chapitre 7 : « Quand nous étions dans la chair » et au chapitre 8 : « Vous n’êtes pas dans la chair ». L’état et la position dans lesquels la rédemption nous a placés, c’est de n’être pas dans la chair. L’estimation que Dieu fait du croyant, c’est que ce dernier est en Christ et Christ en lui ; et c’est aussi l’estimation de la foi. « Tenez-vous vous-mêmes pour morts ». Si Christ est en vous, « le corps est mort à cause du péché ». C’est un nouveau mode d’existence, quoique encore dans un vase de terre. Il est de toute importance de le réaliser en pratique, mais pour le réaliser il faut y être. Or, M. Smith ne connaît absolument rien de tout cela. Sa purification continuellement renouvelée de la conscience par le sang, nie ces vérités. Il est, hélas ! avec des milliers de chrétiens sur une terrain juif. Être morts au péché c’est, pour la foi, nous tenir nous-mêmes pour morts, parce que Christ est mort une fois pour toutes au péché, et que le péché dans ma chair a donc été déjà condamné une fois pour toutes. Alors, si je me livre moi-même à Dieu, ce n’est pas, comme ils voudraient nous l’enseigner, afin d’acquérir ceci ou cela ; mais « comme d’entre les morts étant fait vivant ». C’est l’état chrétien, la base sur laquelle je puis me livrer à Dieu. Les péchés ont été portés et ôtés, et devant Dieu je n’ai plus aucune conscience de péchés ; je possède la faveur parfaite de Dieu, comme étant en Christ devant Lui ; le « péché dans la chair » est condamné, et de plus, pour la foi, il est mort, ayant été condamné lorsque Christ mourut. « Je suis crucifié avec Christ » ; c’est ce que nous fait connaître le Saint Esprit demeurant en nous. « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est point de Lui » ; il peut être en chemin, mais il n’est pas dans l’état chrétien.

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Passons maintenant à l’examen de 1 Jean 1. L’usage qu’en fait M. Smith est complètement faux. Le chapitre 2 introduit le cas où l’acte de pécher aurait lieu actuellement, tandis que le chapitre 1 est entièrement abstrait. La communion avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ est la joie et le privilège du chrétien ; mais cette communion doit être selon la nature de Dieu qui est lumière. M. Smith parle de présenter toutes choses à Dieu, sans aucune réserve. En effet, cela est parfaitement juste et très important. J’insisterais là-dessus ; je ne voudrais en aucune manière affaiblir cette vérité ; mais on n’en trouve pas un mot dans ce chapitre.

« Marcher dans la lumière » est mis en contraste avec « marcher dans les ténèbres », comme lors de la mission de Paul aux Gentils : Je t’envoie, dit le Seigneur, « pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en moi » (Act. 26, 18). Il est dit aussi (1 Jean 2, 8) : « Les ténèbres s’en vont et la vraie lumière luit déjà ». Dieu est lumière ; marcher dans la lumière, c’est marcher dans la vraie connaissance de Dieu. Le nouvel homme est « renouvelé en connaissance, selon l’image de Celui qui l’a créé » (Col. 3, 10). La lumière est venue dans le monde en Christ ; celui qui Le suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie (Jean 8, 12). Remarquez, que ce dont il est ici question, c’est de « marcher dans la lumière comme [Dieu] Lui-même est dans la lumière ». Ce n’est pas marcher selon la lumière, mais en elle. Il n’y a « aucunes ténèbres » en Dieu. Telle est la révélation qui a été donnée, tel le message qui a été entendu.

Il n’est pas question de savoir si nous marchons, oui ou non, selon cette lumière. Nous sommes dans la pleine révélation de Dieu sans voile, ou bien nous sommes dans les ténèbres n’ayant aucune connaissance de Dieu. Il ne s’agit pas de la mesure dans laquelle nous réalisons cette position ; mais du fait que le chrétien marche dans la lumière. S’il était ici question d’être conséquent dans ma conduite, comment pourrais-je parler de marcher dans la lumière comme Lui-même est dans la lumière, et mentionner ensuite la purification des péchés ? Il n’y aurait nul besoin de cette dernière. Ce passage montre à l’évidence, qu’il s’agit de la vraie position chrétienne, en contraste avec l’ignorance à l’égard de Dieu. C’est dire : Si vous êtes un chrétien, si vous avez été amené des ténèbres à la lumière… Or ce n’est pas une lumière partielle, car il est dit : « comme Dieu lui-même est dans la lumière », mais c’est la lumière sans voile de la nature divine, telle qu’elle est révélée par la rédemption en Christ. S’il en est ainsi, deux autres choses l’accompagnent : d’abord il ne s’agit pas là du mien et du tien, mais de la communion, dans une pleine bénédiction en Dieu révélé. Ensuite, pour être là, il faut que nous soyons « blancs comme la neige » et que nous ayons une « conscience parfaite », car le cœur n’est jamais libre tant que la conscience est mauvaise. Le sang de Christ donne cela. Il s’agit de sa valeur intrinsèque, comme lorsqu’on dit : La médecine guérit la fièvre ; il est question de guérir et non pas de délivrer, à la longue, en détail, par des applications réitérées.

Le cas des péchés actuels ne vient, je le répète, qu’au chapitre 2, verset 1. Le chapitre 1, versets 5-10, entre dans le détail de toutes les erreurs dans lesquelles on pourrait tomber au sujet du péché et des péchés, et dit où nous en sommes à leur endroit ; mais le verset 7 est la déclaration abstraite, absolue, de la position chrétienne. On est dans la lumière comme Dieu est dans la lumière, on a communion les uns avec les autres, on est sous l’efficace du sang qui purifie de tout péché. Il serait absurde de parler de purification, si « marcher dans la lumière comme Dieu est dans la lumière » signifiait être conséquent dans ma conduite. Ce passage est absolu et abstrait, et ne dit pas un mot d’apporter à Dieu notre état.

On allègue que le mot « purifie » veut dire : continue à purifier. — Ce n’est pas : « a purifié », ni : « purifiera ». Si l’on veut que ce soit un présent continu, dont le terme grec n’offre pas l’idée, alors ce qui est continu exclut l’idée de répétition. Les péchés particuliers viennent, comme je l’ai dit, au chapitre 2, verset 1, où, loin de mentionner l’application du sang, il parle du contraire : d’une justice perpétuelle en Christ et d’une propitiation faite une fois pour toutes. Une purification continuelle est absurde et anti-chrétienne ; elle est la contradiction d’elle-même.

L’Écriture ignore complètement l’application renouvelée du sang. Il faudrait donc qu’à plusieurs reprises je fusse tout de nouveau racheté, tout de nouveau justifié ! Voyons où conduit ce système. M. Smith nous dit que si « l’on peut se confier en Christ pour la purification, c’est en vertu de l’approvisionnement continu de sang que donne le cœur, et des conseils que donne la tête. Diminuez le courant du sang : la matière corrompue qui sort de la chair ne sera emportée qu’imparfaitement, et la maladie s’en suivra » (Préface, p. 7). J’en appelle à tout chrétien réellement enseigné de Dieu : l’Écriture parle-t-elle jamais ainsi de l’efficace du sang de Christ pour purifier le pécheur ? Ce ne serait plus purifier, mais conserver en santé ! Une idée pareille est absolument étrangère à l’Écriture.

« Marcher dans la lumière », c’est marcher dans la vraie connaissance de Dieu révélé dans Sa nature sainte sans aucun voile, en contraste avec l’ignorance à l’égard de Dieu. Le christianisme est mis en contraste avec un Dieu qui pouvait donner des commandements, mais qui était caché derrière un voile. La révélation actuelle de Dieu apporte la communion en des joies que tous partagent, et nous pouvons nous tenir dans la lumière ; car la croix, le coup qui déchira le voile, en révélant la lumière, a ôté chaque péché, chaque tache, et je suis dans la lumière, aussi blanc que la neige. Tout cela nous présente l’état présent du chrétien comme tel. Pas un mot qui puisse donner l’idée que le sang nous purifiera si nous y avons recours, ou si nous apportons toutes choses à Dieu sans réserve. L’apôtre dit : « Si nous marchons dans la lumière » ; ce n’est pas même selon notre capacité de réaliser la chose (tous ces détails sont étrangers au passage, et viennent après) ; mais : si nous marchons dans la lumière comme Dieu est en elle. Il n’est pas jusqu’à l’expression « tout péché » (ou chaque péché) qui ne prouve la même chose : il n’est pas question de détails, mais de la valeur universelle et absolue du sang.

Vient ensuite ce que la vérité en nous nous fait connaître, puis ce que nous avons à faire si nous venons à faillir ; puis les voies et le gouvernement de Dieu ; enfin ce que Christ a fait lorsque nous avons failli. La justice et la propitiation étant toujours là, notre faute éveille l’intercession de Christ. Mais ici nous ne trouvons aucune allusion à la purification par le sang. Un acte répété d’aspersion du sang ou de purification par le sang, est étranger à l’Écriture. Ceux qui rendent le culte, une fois purifiés, n’ont plus aucune conscience de péchés (Héb. 10).

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Il y a cependant une purification qui peut être répétée : c’est le « lavage d’eau », que ce système ignore complètement, et dont l’Écriture nous rend compte d’une manière très précise. « Vous êtes nets, à cause de la parole que je vous ai dite » (Jean 15, 3). « Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle, afin qu’il la sanctifiât, en la purifiant par le lavage d’eau par la Parole » (Éph. 5, 25, 26). « Sanctifie-les par la vérité ; ta Parole est la vérité » (Jean 17, 17). La chose a lieu en tant que nous sommes nés d’eau et que nous avons été enfantés par une parole de vérité. Aussi bien que le sang, l’eau est sortie du côté de Christ. Le Seigneur parle de cette purification par l’eau, à Ses disciples, lorsque, sur le point de monter au ciel, Il leur dit qu’ils allaient avoir une part avec Lui, puisque Lui ne pouvait plus désormais avoir une part avec eux. Quant à sa substance, cette purification ne peut être répétée. « Celui qui a tout le corps lavé », chose qui, pour les sacrificateurs, n’avait lieu que lors de leur consécration, « n’a besoin que de se laver les pieds ; mais il est tout net ; or vous êtes nets, mais non pas tous » (car Judas était présent). Après avoir été sanctifiés et renouvelés par la Parole, avec la vérité que la mort et la révélation céleste de Christ nous donnent, il nous arrive encore de nous salir pendant la marche, et le Saint Esprit (Christ étant notre avocat) applique la Parole à notre conscience. Dès lors nous sommes humiliés, nous confessons nos péchés, nous sommes nettoyés moralement, quant à l’état de nos âmes ; nous sommes purifiés dans nos pensées et dans notre cœur, et la communion est rétablie. Le type de la vache rousse au chapitre 19 des Nombres nous présente la même vérité. Le livre des Nombres nous parle du voyage à travers le désert auquel convenait cette espèce de purification, tandis que le Lévitique, qui décrit les sacrifices dans leur valeur propre, n’en parle pas.

Dans le cas de la vache rousse, on ne trouve aucune mention de la purification par le sang. Cette dernière avait toujours lieu par l’effusion du sang, sans laquelle il n’y avait pas de rémission ; et l’effusion du sang a été faite une fois pour toutes. Les cendres que l’on mettait dans l’eau vive rendaient témoignage que le péché avait été complètement consumé en Christ lorsque l’offrande avait été faite ; mais la communion ayant été interrompue, il fallait que le sentiment du péché, de sa valeur selon la mort de Christ, fût appliqué à l’âme.

Ainsi, tout ce dont nous venons de parler a trait à l’état de l’âme, à la sainteté et à notre jugement du péché. Cet ensemble de vérités instructives, destinées à agir sur notre conscience, le système qui substitue l’application du sang à celle de l’eau, non seulement les exclut, mais encore les nie. Notez, qu’il ne s’agit pas simplement ici d’une erreur dans les termes, mais d’une doctrine qui nie l’efficace du sang, en tant qu’il rend la conscience parfaite une fois pour toutes, et qui enseigne une application renouvelée que la Parole ignore. Or, l’usage de l’eau est si complètement exclu du système, que M. Smith, parlant de la consécration des sacrificateurs, dit : « En premier lieu le sang, puis l’huile »[2] ; tandis que la première chose est le lavage d’eau par lequel le sacrificateur était consacré à Dieu, bien que le sang et l’huile fussent absolument nécessaires pour le rendre parfait dans sa position. M. Smith ajoute : « L’ordre de Dieu, c’est le sang en vue du pardon, l’Esprit pour éclairer ; le sang qui purifie, l’Esprit qui vient remplir le temple purifié ». Or, pour le sacrificateur, ni l’application du sang, ni celle de l’huile n’étaient jamais répétées ; mais il lavait ses pieds et ses mains chaque fois qu’il accomplissait ses fonctions, ce à quoi Jean 13 fait allusion, je n’en doute pas ; seulement désormais il ne s’agit plus que des pieds.

J’ajoute encore, que le présent du verbe employé au verset 7 de 1 Jean 1, et sur lequel on insiste tant, est si loin de signifier une purification répétée, que, lorsqu’il parle de détails et de pardon selon les voies actuelles et le gouvernement de Dieu, l’apôtre, au verset 9, abandonne le présent du verbe et ne dit rien de la purification par le sang.

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Je me suis efforcé de montrer ce que le système nous ôte. Je n’ai pas besoin de parler du système lui-même. M. Smith, de son propre aveu, le réduit maintenant à ce que, dès le début, je l’estimais être, c’est-à-dire à la simple délivrance du joug de la loi, qui est la captivité sous le péché. L’auteur dit (p. 107) : « La vie meilleure que nous cherchons à peindre, diffère de la vie chrétienne antérieure, comme les chapitres 6 et 8 de l’épître aux Romains diffèrent du chapitre 7 ». Or, il est vrai que cette délivrance de la loi est d’une grande importance et qu’elle diffère du pardon. Je me suis étendu si largement et depuis tant d’années sur ce sujet, que je n’y reviens pas ici. J’ai la certitude qu’il y aura de l’utilité à ce que M. Smith et d’autres insistent sur ce point. La question du pardon est traitée jusqu’à la fin du verset 11 de Romains 5 ; de là, jusqu’à la fin du chapitre 8, il s’agit de délivrance. La première partie montre que les péchés du vieil homme sont ôtés ; la seconde, que nous sommes libres, n’étant pas dans la chair, mais en Christ. Voici, toutefois, une chose que M. Smith n’a pas remarquée : Celui qui n’est pas dans le chapitre 8 aux Romains, n’est point reconnu comme étant dans l’état chrétien. « Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous ». Or, « si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est point de Lui. Mais si Christ est en vous, le corps est bien mort à cause du péché, mais l’Esprit est vie à cause de la justice ». Le résultat final sera la vivification de ce corps mortel. Avant d’avoir l’Esprit on peut être en chemin, mais on n’est pas plus dans l’état chrétien, qu’Israël n’était hors d’Égypte avant d’avoir traversé la mer Rouge, malgré le sang placé sur les linteaux des portes. En Égypte, Dieu avait le caractère d’un juge ; à la mer Rouge, d’un libérateur. Pour M Smith il s’agit ici d’une différence de degré ; pour l’Écriture, ce qui est en question, c’est d’avoir le Saint Esprit ou non, d’être, ou non, dans la chair, d’être de Christ ou de n’en être pas. Je ne suppose pas que M. Smith nierait cela, mais, ignorant le vrai fondement qui en forme la base selon la Parole, il obscurcit la chose entièrement et la rabaisse au niveau de l’expérience. Et cependant il parle de « la purification de tout péché, ce mal profond de notre nature, qui est antérieur aux péchés ».

Or, que signifie être purifié d’une « nature », et cela par le sang ? La Parole ignore une telle chose. Le péché dans la chair est condamné. Où est la purification ? Consisterait-elle en ce que, pour la foi, nous sommes morts au péché ? On est purifié d’une souillure actuelle, on est délivré d’une « nature » par la mort. Elle est antiscripturaire, toute cette doctrine d’une purification qui s’applique au mal de notre nature ; elle essaye de concilier un système antiscripturaire avec ce que l’on est obligé de reconnaître maintenant comme la vérité de la Parole. Ailleurs, M. Smith se sert des mots cités plus haut pour parler de la purification d’une souillure actuelle.

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Il me faut mentionner encore un point de pratique qui découle du fait que l’on substitue le sang de Christ au lavage d’eau, seule purification qui puisse être répétée. On enseigne que, lorsque nous avons failli, dès l’instant que nous avons recours au sang qui nous purifie, nous sommes aussi heureux qu’auparavant. En un clin d’œil tout est en règle ; on retrouve aussitôt le repos de l’âme. C’est une idée courante parmi eux ; plusieurs professent avoir atteint cet état en diverses occasions.

La chose est vraie, lorsqu’il s’agit de la purification par le sang, car cette purification est le pardon d’actes commis (voire même d’une mauvaise pensée). Le mal est ôté ; j’ai le pardon ; la joie de la bonté d’un Dieu qui pardonne remplit mon âme. Je confesse ma faute, et, au sujet du pardon, il ne reste aucune question entre moi et Dieu ; de plus mon âme acquiert un sentiment plus profond de Sa bonté, parce que la question étant entre moi et Dieu, je la trouve parfaitement réglée par le sang précieux de Christ.

M. Smith nous raconte un cas d’impatience vis-à-vis d’un ouvrier et la confession qu’il lui en fit. Or il n’est pas question de cela, quand il s’agit de mon état et de la gloire de Dieu. La conduite de M. Smith était de tout point chrétienne et louable, et l’on peut aisément croire qu’il en résulta de la bénédiction ; mais supposons que, par quelque acte ou parole, j’eusse déshonoré le nom de Christ devant le monde, alors qu’il ne serait pas question de confesser la chose à un individu. Dans ce cas, je n’ai aucune idée qu’il me soit imputé quelque chose ; mon âme a pu trouver un pardon actuel et présent ; devrai-je néanmoins considérer froidement le fait que j’ai déshonoré devant le monde le nom précieux de mon Sauveur ? J’abandonne la réponse à tout cœur chrétien.

Ce n’est pas tout ; car cette misérable doctrine de la purification renouvelée par le sang empêche toute connaissance de soi-même et les vrais progrès qui en résultent : Il n’est pas question du pardon ; — la chose est réglée — ni de mettre en doute l’amour divin ; — le Père nous aime comme Il aima Jésus — mais lorsque Jésus regarda Pierre, celui-ci sortit dehors et pleura amèrement. Avait-il tort ? Bien plus, lorsque le Seigneur restaure son âme, Il ne lui dit pas un mot de reproche, Il ne fait pas même allusion au fait que Pierre l’avait renié. La chose était ôtée par la mort de Jésus, mais Il dit : « M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? ». Il touche à la racine du mal dans le cœur de Pierre. Sa confiance en lui-même lui avait fait dire : « Si tous te reniaient, moi je ne te renierai point ». Il n’est pas même fait allusion à l’ombre d’une culpabilité, mais la conscience de Pierre est exercée quant à la racine du mal, dont sa chute n’était qu’un fruit. Tout cela est perdu pour le cœur insensible qui prétend retrouver immédiatement le repos et le bien-être après la chute. Il n’y a ni ce travail de conscience qui fait découvrir la source du mal, peut-être ignorée jusque-là ; ni la croissance véritable en vie spirituelle. Or, le relèvement et la bénédiction de l’âme ne peuvent être complets sans cela.

Un homme peut être surpris en quelque faute, mais une chute n’est jamais le commencement du mal. Prenons le cas de M. Smith : il fut impatient et parla dans cet esprit à l’ouvrier ; il reconnut sa faute ; à la bonne heure ; mais quelle était la cause de cela ? La prière avait été négligée, ou bien il n’avait pas gardé le sentiment de la présence de Dieu avec le sérieux et l’empire sur soi-même qui l’accompagnent ; peut-être son cœur s’était-il trop attaché à des arrangements que l’ouvrier venait troubler ; ou bien ces arrangements s’étaient trop emparés de son esprit ; peut-être y avait-il chez lui une tendance naturelle à l’impatience, que le sentiment habituel de la présence de Dieu ne tenait pas suffisamment en bride. Dans tout cela, il n’est pas question de pardon, mais de la sainteté du cœur, des profondeurs de mon âme et de son état ; choses dont le système de la purification renouvelée par le sang nous prive entièrement. C’est un système superficiel ; il rabaisse la mesure de ce qui devrait occuper le cœur d’un chrétien ; ce qui devrait être une question de sainteté, il en fait une question de simple pardon ; il nie ce qui est le propre du chrétien, une conscience rendue parfaite ; puis, établissant la question d’une manière antiscripturaire, ce système cherche à contenter l’esprit au moyen du repos et du bien-être obtenus par le pardon ; il aveugle l’âme, qui ne voit plus que tous les exercices subséquents au pardon ont pour but la sanctification, et nous amènent à juger tout ce qui y fait obstacle, aussi bien que nos actes de péché. Cette doctrine est loin de contribuer à la sainteté ; il y a en elle quelque chose de léger. Les individus échapperont peut-être à son influence ; peut-être lors de la première ferveur, portée par la marée haute de l’affranchissement, l’âme naviguera-t-elle au dessus des bas-fonds et des écueils de ce système ; mais, pour un voyage au long cours, il laisse l’âme dans un état superficiel.

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Il est un dernier point que je me sens appelé à mentionner. On nous dit que la tentation n’est pas péché. J’ai entendu ceux qui étaient sous l’influence de ce système parler de « suggestions », et traiter comme étant sans conséquence ce qui se passait dans leurs cœurs. M. Smith dit (p. 105) : « Gardons-nous de tomber dans un piège particulier de Satan, qui voudrait chercher à nous persuader que la tentation ou la simple infirmité est péché. Christ a été tenté en toutes choses, comme nous, mais sans péché. Ses tentations étaient des impulsions actuelles et réelles au mal. Il n’y céda pas, et Il était sans péché. Une tentation qui n’est ni bienvenue, ni encouragée, mais rejetée, n’est pas non plus péché pour nous ». Ceci est très mauvais. Que M. Smith me pardonne de parler franchement : il est tombé lui-même dans le piège de Satan. Ses déclarations sont en outre si confuses, qu’on est obligé de faire toute sorte de distinctions nécessaires avant de pouvoir lui répondre.

Les tentations et les infirmités ne sont pas la même chose. Paul se glorifiait dans ses infirmités, non pas, assurément, dans des péchés ; aussi, en rapport avec les infirmités, le mot « tentation » prend immédiatement un sens bien défini. Dans ce sens, les infirmités sont les persécutions, les difficultés, les outrages, qu’un chrétien devra traverser s’il veut être fidèle et dévoué, en un mot tout ce qui pourrait tendre à l’empêcher de persévérer dans le chemin de la foi (2 Cor. 12, 9, 10).

M. Smith peut voir que le « mais » qu’il ajoute dans sa citation d’Hébreux 4, 15 ne se trouve pas dans l’original. La Parole se garde avec le plus grand soin d’appliquer à Christ le contenu de la déclaration de M. Smith. Christ a été tenté selon [la] ressemblance [qu’Il a prise], c’est-à-dire comme un homme — comme nous dans ce monde — à part le péché. Il est touché par le sentiment de nos infirmités — Il était, Il est encore, pour nous, sensible à tout ce que la nature humaine peut ressentir d’outrages, de nécessités, d’abandon, d’injustices, d’isolement, d’absence de sympathie. La Parole de Dieu discerne les pensées et les intentions de nos cœurs et juge leur vrai caractère en nous, selon la sainte présence de Dieu. Dans toutes nos épreuves et nos difficultés, nous avons la pleine et tendre sympathie de Christ. Qu’est-ce que M. Smith entend par « des impulsions actuelles et réelles au mal » ? Venaient-elles du dedans ou du dehors ? Étaient-ce en notre précieux Sauveur (que Dieu pardonne ce mot !) des convoitises, des suggestions de Son propre cœur, le « péché dans la chair » ? Avait-il à résister à quelque chose en Lui-même, parce que c’était mal ? Que M. Smith s’explique. À quoi donc Christ n’a-t-Il pas cédé ? Lorsque Satan réussit à nous « toucher », il éveille la pensée du mal, alors même que nous n’y cédons pas. A-t-il réussi de même avec Christ ? « La pensée de la folie est péché », dit la Parole (Prov. 24, 9). Y avait-il cela en Christ ? Lors de Sa tentation, Il eut faim. Ce n’était pas du péché ; c’était un besoin humain que Christ sentait. Satan cherchait à L’amener, quant à ce besoin, à faire Sa propre volonté ; mais Lui, vivait de toute parole qui sortait de la bouche de Dieu. Toute la gloire extérieure du monde Lui fut offerte, mais loin de Le toucher, cette offre n’éveilla que Son indignation. La Parole de Dieu était à la fois Son motif d’action et Sa règle. Il fut « emmené par l’Esprit pour être tenté ». Nous sommes « tentés étant attirés et amorcés par nos propres convoitises ».

Toute cette confusion découle de l’affreuse doctrine que la convoitise n’est pas péché. Est-elle donc la sainteté ou la justice ? D’où vient-elle ? Elle est le fruit de la nature pécheresse : « Le péché, ayant trouvé une occasion par le commandement, a produit en moi toutes les convoitises » (Rom. 7, 8). Ceux qui s’arrêtent aux fruits dont l’épître de Jacques s’occupe — et je ne l’appelle pas une épître de paille — ne trouvent pas de péché, tant que la convoitise n’a pas conçu et enfanté. Ceux qui, avec la Parole de Dieu, vont à la racine, savent qu’il y a « le péché dans la chair ». Si Satan nous suggérait de manger une poignée de boue et de saletés, serions-nous disposés à le faire ? S’il réussit à nous toucher, c’est parce que Satan s’adresse à un désir qui se trouve dans notre nature pécheresse. Il ne réussira pas si nous sommes remplis de Christ ; mais si la suggestion s’éveille dans nos cœurs, le péché est réveillé dans l’activité du désir, bien que nous puissions lui résister en face ; et si nous regardons à Christ, nous serons victorieux. Une telle suggestion s’éveilla-t-elle dans le Seigneur ? Toutes ces insinuations confuses sur la personne de Christ, pour excuser et atténuer le péché en nous-mêmes, sont, en réalité, bien mauvaises. Christ avait-Il à résister à quelque chose au-dedans de Lui-même ? Il ne faut pas se couvrir de paroles confuses, telles que : « la tentation ou l’infirmité », paroles que chacun sait avoir un double sens dans l’Écriture (voyez Jacques 1).

La Parole juge des pensées et des intentions ; la sacrificature s’occupe des difficultés et des épreuves. L’impulsion du mal en Christ, était-elle du dedans ou du dehors ? Du dehors, rien ne Lui a été épargné, mais cela n’a servi qu’à faire sortir de Lui un parfum de bonne odeur. Au-dedans, il n’y avait rien que ce qui donnait une bonne odeur et dans la vie et dans la mort. Je ne connais rien de plus horrible que de sacrifier ainsi la sainteté de Christ pour excuser ou permettre des « suggestions » — les suggestions du péché en nous. Au lieu de prendre Christ comme la mesure vivante de la sainteté, on abaisse la sainteté en nous, de façon à permettre des suggestions mauvaises, et l’on fait descendre Christ à ce niveau, afin de pouvoir ne pas tenir compte du péché en nous. Je n’insiste pas sur le mot « peccable », appliqué à Christ par quelques-uns de ceux qui retiennent ces vues. Quelque mauvaise, profane, inintelligente que soit cette pensée, la vraie question ne gît pas là.

M. Smith parle de « ce mal profond de notre nature qui est antérieur aux péchés ou à l’acte de pécher ». Y avait-il rien de semblable en Christ ? Certainement non, répondra M. Smith. Ce qui naquit de la vierge Marie n’était pas un être innocent, mais un « être saint ». Satan pouvait-il introduire en Christ une parcelle quelconque de ce mal ? Avec un artifice subtil, il s’est servi de l’amour de l’argent dans le cœur de Judas, pour lui faire trahir le Seigneur. C’était une suggestion, une tentation venant du dehors, mais qui rencontra ce qui était au-dedans, qui l’éveilla ; et dès lors, il y avait là une suggestion dans laquelle la pensée du cœur avait sa part — alors même qu’elle aurait été jugée et combattue. Lors même qu’il n’y a pas de convoitise, il peut y avoir des suggestions de blasphème et de désespoir ; ce sont les dards enflammés du malin. Christ n’en connut jamais non plus de semblables. Abandonné, Il pouvait dire : « Mon Dieu » et : « Toutefois tu es le Saint ». L’ennemi a-t-il réussi à susciter en Christ des pensées mauvaises, auxquelles Il ait dû résister ? Je demande à tout chrétien honnête, si « les suggestions » ne sont pas des pensées dans son propre cœur. Si elles ne sont pas le mal, pourquoi leur résiste-t-il ? Il ne suffit pas de parler des « impulsions » du mal. Elles venaient du dehors, dira-t-on. Eh bien ! ces impulsions ont-elles éveillé en Christ des suggestions du cœur auxquelles Il ait résisté comme à un mal ? S’il en est ainsi, Christ n’était plus, d’une manière absolue, « l’Être saint », et ne l’avait jamais été en réalité. Christ était un homme saint, non pas un homme innocent, et Il maintint toujours Sa sainteté — Il opposa à Satan l’obéissance et la dépendance de Dieu par la Parole. Le malin ne Le toucha pas. Il n’y eut pas en Lui de suggestions ; en nous, il y en a, ou il peut y en avoir, parce que nous avons la chair ; « le péché dans la chair ». D’autres personnes, sous l’influence de ces doctrines, alléguant Sa croissance « en sagesse et en stature », m’ont dit que Jésus était imparfait. Il était vrai homme, homme réel ; enfant, Il était parfait comme enfant. Son vase croissait comme le nôtre. Mais, leur dire nous montre dans quel sens cette doctrine agit. A-t-Il jamais été autre chose que parfaitement saint ? Là est la question. Il n’était pas parfaitement saint, s’il y avait dans Son cœur de mauvaises suggestions auxquelles Il ait eu à résister.

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Je me résume : Il me faut un fondement immuable, un état d’acceptation dans la faveur divine, plus complet, plus assuré, que ce système ne peut me le donner. C’est en quoi il pèche. Il se place sur le terrain évangélique ordinaire, que Dieu veut nous faire dépasser. Je désire un caractère de sainteté plus profond, dont leur fausse doctrine me prive ; et je trouve qu’elle dépouille Christ de Sa sainte gloire ; qu’elle me dépouille, moi, d’un Christ qui puisse être le trésor, la nourriture, la lumière de mon âme ; et qu’elle fixe mon attention sur moi-même au lieu de la fixer sur Lui.

J’admets pleinement que l’œuvre de la délivrance est distincte du pardon. L’épître aux Romains traite avec soin ces deux sujets. Je crois que tout le bruit qui se fait autour de cette « vie plus élevée » a fait du bien en éveillant dans les âmes le besoin de quelque chose de meilleur que le christianisme ordinaire, et j’en bénis Dieu.

J’espère n’avoir rien écrit qui ait la forme d’une attaque. Non seulement je répudie une telle pensée, mais je regrette et je rétracte tout ce qui peut paraître avoir ce caractère, sauf ce qui a trait à la nature sainte et à la personne de Christ ; là-dessus il ne peut y avoir de compromis. Cette manière de rabaisser Christ en doctrine, pour excuser les mauvaises suggestions de nos cœurs, comme si nos cœurs ne contenaient pas de péché, ne peut être tolérée par aucune âme pieuse. Leur perfection se trouve être imparfaite et ils rabaissent Christ, afin de faire passer cette imperfection pour l’absence de péché !

Un dernier mot. Ce qui constitue notre force, ce n’est pas de regarder en arrière et de considérer notre expérience passée ; quoique, à l’occasion, cela puisse avoir lieu — mais c’est de vivre actuellement de Christ, dans le chemin de la volonté de Dieu. Je nie que Paul parle de lui-même et de ses expériences, sauf pour dire qu’il est un insensé en le faisant : les Corinthiens l’y avaient contraint. « Je le dis encore, que personne ne me tienne pour un insensé ; ou bien, s’il en est autrement, recevez-moi, même comme un insensé, afin que moi aussi je me glorifie un peu » (2 Cor. 11). Il personnifie de grandes vérités chrétiennes dans sa propre personne ; par exemple, à la fin du chapitre 2 de l’épître aux Galates, comme je l’ai fait cent fois, sans être soupçonné de faire une allusion particulière à moi-même. « Je suis crucifié avec Christ » ; tel est le seul vrai état de chaque chrétien : l’apôtre l’affirme et y insiste en reprenant Pierre.



  1. Allusion à un traité de cette école qui n’est pas traduit en français. (Édit.)
  2. La chose n’est pas exacte, mais cela n’a pas d’importance.