Écho du Témoignage:Le Fils de Dieu/Partie 1

De mipe
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I

Je redoute l’intervention de froids raisonnements là où les affections seules doivent être engagées, et l’abandon d’une position pleine de vie et de puissance pour accepter le terrain flottant des notions et des théories. Toutefois les mystères de Dieu ont une haute valeur pratique ; ils servent à fortifier les saints dans l’activité chrétienne, à les consoler dans l’épreuve et à développer la communion de l’âme avec Dieu.

L’apôtre Paul parle de ses compagnons de travaux et de lui-même comme de « ministres de Christ, et de dispensateurs des mystères de Dieu ». Et il en est ainsi de nous : dans la mesure des dons qui nous sont départis, nous devons être des serviteurs dévoués, remplis d’un zèle actif, patients, diligents et serviables les uns pour les autres. Nous sommes appelés aussi à être des dispensateurs des mystères, à conserver dans toute leur pureté, dans toute leur plénitude, dans toute leur intégrité, les vérités incompréhensibles de la révélation divine. Il pourra se faire que les soi-disant esprits forts ne les reçoivent pas. Pour de tels hommes la croix a toujours été une folie, et « les princes de ce monde », les philosophes « qui se disaient sages », n’ont pas connu « la sagesse de Dieu en mystère ». Mais nous n’avons pas le droit de leur sacrifier un iota de ce mystère. La garde nous en est confiée, et il faut avant toute chose qu’un « économe soit fidèle » (1 Cor. 4, 1, 2).

Le témoignage fidèle que nous devons rendre à la gloire personnelle du Fils de Dieu, forme une partie importante de notre ministère. Saint Jean s’y applique avec un soin minutieux. Paul, lorsqu’il s’agit des erreurs des judaïsants ou d’autres faux docteurs, indique différents moyens pour les réprimer. Dans l’épître aux Galates, où il défend la simplicité de l’évangile, il mêle à la puissance et à la gravité de ses arguments des appels pleins d’une pathétique tendresse. Mais dans les épîtres de Jean tout est péremptoire. Il éloigne sommairement tout ce qui n’est pas « l’onction de la part du Saint » ; cette onction qui enseigne le Fils comme elle enseigne le Père, qui refuse d’admettre le mensonge à la place de la vérité, et qui proclame nettement que « celui qui nie le Fils n’a pas le Père ».

Cette diversité d’expression dans la sagesse de l’Esprit a son importance, et nous devons la faire ressortir. L’observance de certains jours, l’abstention de certains aliments entravent la glorieuse liberté de l’évangile. Mais on doit supporter les infirmités des faibles qui attachent du prix à ces formes (Rom. 14). Toutefois cet esprit de tolérance doit s’arrêter devant la plus légère atteinte à la personne du Fils de Dieu.

Le passage seul d’Égypte en Canaan n’était pas en lui-même un pèlerinage. Plusieurs ont fait ce trajet sans être pour cela des voyageurs selon Dieu. Et toutes les fatigues, tous les périls encourus pour traverser le désert n’auraient pas fait de ce voyage un saint pèlerinage. De même il ne nous suffit pas d’avoir une vie active et dévouée, fût-elle supportée avec tout ce courage moral qui convient aux vrais serviteurs de Dieu, ces étrangers sur la terre. Pour qu’Israël pût autrefois entreprendre ce pèlerinage, il avait fallu la présence de l’arche sainte que portait un peuple racheté par le sang de la servitude d’Égypte, et s’avançant dans la foi d’une promesse vers le pays de Canaan. Au désert, les enfants d’Israël étaient appelés à conduire l’arche, à l’escorter, à la garder, à l’entourer d’un saint respect. S’il leur arrivait en maintes occasions de broncher en chemin, ils recevaient aussitôt le châtiment de leurs fautes ; mais s’ils perdaient de vue leur vocation comme gardiens de l’arche, tout disparaissait avec elle, et c’est ce qui leur arriva par la suite. Ils ont « porté le tabernacle de Moloch et l’astre de leur dieu Remphan », bien que le tabernacle du témoignage fût présent au milieu d’eux. C’est pourquoi ils ont été transportés au-delà de Babylone (Amos 5 ; Act. 7)

Le nom du Fils de Dieu est l’arche sainte qui seule peut guider les rachetés au travers du désert de ce monde. Quel est le mystère confié à notre garde, et qui doit faire l’objet de notre témoignage, si ce n’est celui-ci : « Celui qui demeure dans la doctrine du Christ, celui-là a le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous, et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas » ? Les saints sont appelés à élever « le mur mitoyen de clôture » entre eux et ceux qui déshonorent le Christ

Considérons dans le Seigneur Jésus le Fils de Dieu, et s’Il vient en aide à notre faiblesse, cette méditation nous sera en bénédiction.

Nous sommes baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ; ce qui implique la déclaration formelle du mystère de la Trinité ; car le Fils est ainsi reconnu hautement comme étant une personne divine aussi bien que le Père et le Saint Esprit. D’autres passages de la Parole nous présentent ce mystère de l’union des trois personnes dans une même gloire d’une manière différente, en en faisant ressortir la grâce, la puissance, et l’application pratique à nos besoins et à notre édification. C’est surtout dans l’évangile de Jean qu’il est dégagé de la formule du baptême, et qu’il est présenté à l’intelligence, au cœur et à la conscience des saints, afin que nous puissions nous l’assimiler par la foi et par la communion.

C’est ainsi qu’au chapitre 1, verset 14, il semble que l’évangéliste interrompe le récit de toutes les gloires de Jésus, pour rendre témoignage de cette grande vérité : « la Parole a été faite chair ». Puis, il s’arrête de nouveau, et dans une sorte de parenthèse il proclame avec une sainte ferveur cette gloire personnelle qu’il a contemplée, « la gloire du Fils unique du Père »[1] ; et bientôt après, il nous Le représente comme étant « dans le sein du Père », définition bien précieuse pour nos âmes.

Le Seigneur est appelé le Fils de Dieu pour plusieurs motifs. En premier lieu parce qu’Il est né de la vierge (Luc 1, 35). Il l’est aussi par un décret divin, dans la résurrection (Ps. 2, 7 ; Act. 13, 33). Cela est et cela demeure vrai, bien que la révélation ne s’en tienne pas là, quant à Sa position comme Fils. Quoiqu’Il soit de droit le Fils, Il a aussi obtenu le nom de Fils (Héb. 1, 1-3). Matthieu et Marc parlent de cette filiation, pour la première fois lors du baptême de Christ. Luc en fait mention dès la naissance du Seigneur. Mais Jean va plus loin, et remonte presqu’à l’incommensurable éternité, où il contemple le Fils dans le sein du Père.

Il existait sans aucun doute chez ceux qui invoquaient le Seigneur Jésus des degrés différents de foi concernant Sa personne. Jésus place, par exemple, la foi du centenier dont l’intelligence avait discerné Sa gloire personnelle, au-dessus de tout ce qu’Il avait rencontré en Israël. Mais ces appréciations plus ou moins éclairées ne changent rien à ce fait capital, qu’Il était « le Fils dans le sein du Père », ou la vie éternelle qui était avec le Père et qui nous L’a révélé.

Gardons-nous, bien-aimés, de toucher à ce précieux mystère. Craignons d’affaiblir la lumière dans laquelle nos âmes sont appelées à marcher vers le ciel. Et repoussons avec énergie tout symbole de foi, ou plutôt d’incrédulité, qui refuserait à la divinité ses ineffables délices ; qui oserait affirmer que le « sein » de Dieu n’a jamais savouré la joie de la paternité, et que notre Seigneur n’a pas connu de toute éternité la béatitude d’un Fils dans le sein du Père. Si nous admettons qu’il existe une Trinité, ne devons-nous pas reconnaître aussi qu’il y a affinité entre les personnes qui la composent ? Pouvons-nous sacrifier cette certitude ? Le Père, le Fils, et l’Esprit n’ont-ils pas été révélés à la foi, le Fils engendré, l’Esprit procédant du Père et du Fils ? Oui, certainement, les trois personnes unies dans cette gloire divine ne sont pas indépendantes l’une de l’autre ; elles sont associées. Et nous ne craignons pas d’affirmer que le grand type de l’amour, le modèle de toute affection pure, élevée, se trouve dans cette relation suprême. Comment se contenter de cette pensée enfantée par l’incrédulité qu’il n’existe pas de personnes distinctes dans la divinité ? Affirmer que le Père, le Fils, le Saint Esprit ne sont que des manifestations diverses de la même personne, serait détruire la substance même de l’évangile ; et nier la relation qui existe entre ces trois personnes, serait amoindrir l’amour manifesté dans l’évangile.

Cette parenté entre le Père et le Fils n’existait-elle pas avant que le saint enfant naquît à Bethléhem ? Oui certainement, le sein du Père était un sanctuaire éternel dans lequel habitait le Fils, la retraite de l’amour, de cet inexprimable amour qui est au-dessus de la gloire parce qu’il ne saurait être pleinement révélé.

Peut-être certaines âmes n’ont jamais été exercées à l’égard de ce mystère, mais les saints ne sauraient en tolérer la négation.

« Agneau de Dieu, le sein du Père
A toujours été ta demeure. »

L’âme n’oserait abandonner un semblable mystère aux conjectures humaines. La foi le défendra toujours contre la philosophie. Les Juifs eux-mêmes auraient pu répondre à la difficulté que quelques-uns y trouvent. Ils connaissaient bien toute la portée de la déclaration du Seigneur lorsqu’Il se disait Fils de Dieu. Et pour eux cette qualification ne signifiait nullement une infériorité de personne, mais la plus parfaite égalité. Dans une autre occasion, ils accusaient Jésus de blasphémer « parce qu’Il disait que Dieu était son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jean 5 et 10). C’est ainsi que maintes fois les Juifs répondent à l’objection que l’esprit de philosophie suggère. Ils n’ont jamais eu la folle prétention de soumettre au prisme des raisonnements humains l’atmosphère de lumière transcendante où Dieu a Sa demeure.

« Personne ne connaît le Fils sinon le Père », c’est une parole qui doit nous imposer silence ; et le fait que « la vie éternelle qui était auprès du Père nous a été manifestée » afin que « notre communion soit avec le Père et son Fils Jésus Christ » (1 Jean 1, 2) révèle clairement le mystère ineffable de la divinité du Fils qui possède « la vie éternelle » avec le Père. D’ailleurs, il est écrit : « le Fils unique qui est dans le sein du Père l’a fait connaître ». Car quoique dans un certain sens très limité on puisse définir Dieu, personne ne peut le faire connaître que Dieu Lui-même. Et bien que la sagesse du siècle ne sache rien au-delà de ces imparfaites définitions de Dieu, l’Église ne pourra jamais s’en contenter. Elle veut de Lui une révélation que Lui seul peut donner. N’est-il donc pas de toute évidence que le Fils qui Le fait connaître est une personne divine ?

Ce grand mystère révélé dans les Écritures ne peut s’expliquer que par le fait que le Père et le Fils, tout en conservant cette relation de Père à Fils, sont égaux dans la gloire de la divinité. Il a été dit avec raison : « Celui qui au commencement était avec Dieu, éternel comme Dieu, Lui-même Dieu, était cependant le Fils de Dieu ». Dieu permet que bien des choses restent des mystères pour nous. Nous ignorons Ses motifs, dont le principal peut-être est de mettre à l’épreuve la docilité de notre intelligence. Car Il veut qu’elle Lui soit assujettie aussi bien que notre vie active. Cette soumission de l’intelligence à Dieu fait partie de notre sanctification, et le Saint Esprit peut seul nous la donner. Lui seul peut réprimer ces révoltes de la pensée qui s’arroge le droit de juger les choses de Dieu, et de se refuser à croire ce qui est inexplicable. C’est là un orgueil qui n’a point d’égal, si ce n’est l’orgueil de Satan lui-même. Saint et salutaire avertissement pour nos âmes. « Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? » demande l’apôtre Jean ; et il ajoute : « Celui-là est l’Antichrist qui nie le Père et le Fils ». Et encore : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ». Ce sont là des paroles solennelles selon le Saint Esprit. Comment en effet la connaissance du Père peut-elle exister, si ce n’est par le Fils ou dans le Fils ? Et c’est pour cela qu’il est écrit : « Quiconque nie le Fils, n’a pas non plus le Père ». Je puis dire : Abba, Père, dans un esprit d’adoption. Un poète peut dire : « Nous sommes tous de sa race ». Mais Dieu ne peut être reconnu comme le Père à moins que le Fils ne soit confessé dans la gloire de Sa divinité.

Nous pouvons être certains en nous appuyant sur l’autorité de Dieu que si l’onction que nous avons reçue demeure en nous, nous demeurerons dans le Fils et dans le Père.

Peut-on honorer le Fils comme le Père (Jean 5, 23), si Sa divinité n’est pas pleinement reconnue ? Cette foi ne consiste pas à admettre que Jésus est un Fils de Dieu, ou même le Fils de Dieu, en tant que né de la vierge ou ressuscité d’entre les morts ; quoique, assurément, ce soient là des faits incontestables. Mais la foi dont il s’agit, c’est la foi en Sa propre personne. Je sais que je ne puis appeler Jésus Fils de Dieu, si ce n’est dans la foi à Sa divine filiation. « Il nous a donné l’intelligence pour connaître le véritable, et nous sommes dans le véritable, savoir dans son Fils Jésus Christ ; il est le Dieu véritable et la vie éternelle ».

La « vérité » dont il est question dans la deuxième épître de Jean, n’est-elle pas la doctrine de Christ, l’enseignement de l’Écriture concernant la personne de Christ ? Et cet enseignement ne renferme-t-il pas surtout l’affirmation de la divinité du Fils ? Nous y lisons : « Celui qui demeure dans la doctrine du Christ, celui-là a le Père et le Fils » ; et il nous est dit aussi que la porte doit être fermée à ceux « qui n’apportent pas cette doctrine » (2 Jean). C’est la même épître qui parle du Seigneur Jésus comme du « Fils du Père ». Ce qui ne pourrait pas se dire de Lui comme Fils de la vierge par l’opération du Saint Esprit.

Mais il y a plus encore. Pourrions-nous comprendre l’amour de Dieu, tel qu’il est révélé dans Sa Parole, si cette divine paternité n’était pas reconnue ? Et n’est-ce pas cette doctrine même qui donne à l’amour de Dieu son caractère spécial ? N’est-ce pas par cette grande vérité que notre cœur a été atteint : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » ? Et encore : « En ceci est l’amour, non que nous ayons aimé Dieu, mais en ce qu’Il nous aima, et qu’Il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés ». L’amour divin ne perd-il pas de son prestige incomparable si cette vérité est mise en question ? Comment répondrions-nous à l’homme qui prétendrait que ce n’est pas Son propre Fils que Dieu aurait livré pour nous (Rom. 8, 32) ? Quelle amère déception pour notre cœur si l’on venait nous dire que Jésus n’était le Fils de Dieu que dans ce sens qu’Il naquit miraculeusement de la vierge Marie, et que ces paroles : « celui qui n’épargna pas son propre Fils », avaient une signification toute humaine ?

Gardons-nous d’accommoder aux préjugés des hommes, la précieuse Parole de Dieu. Avec qui Abraham s’est-il rendu à Morija ? Était-ce accompagné par des serviteurs, par quelque individu né dans sa maison, par un enfant adoptif ? N’était-ce pas par son propre fils, son unique, son bien-aimé ? Nous savons ce qui en était. Et si je n’avais pas reçu par la foi Jésus comme le Fils dans le sein du Père, dans la gloire de la divinité, comment pourrais-je en parler comme « m’ayant aimé, et s’étant donné lui-même pour moi » (Gal. 2, 20) ? Le Fils est le Christ. Dieu, dans la personne du Fils, a exécuté pour nous tout ce qui concernait Son œuvre de médiateur, de Sacrificateur, de Messie et d’Oint de l’Éternel. Et puisqu’Il a tout accompli dans la personne de Jésus, nous pouvons dire : Jésus Christ le Fils de Dieu. Oui, le Fils unique, le Christ, Jésus de Nazareth sont un. Nous Le contemplons sous ces noms divers dans Sa gloire essentielle, dans Son ministère, dans l’humanité dont Il s’est revêtu.

En suivant Sa voie admirable depuis le sein du Père jusqu’à l’héritage de toutes choses, quelles découvertes ne faisons-nous pas sur Sa personne ! Lisez Proverbes 8, 22-31 ; Jean 1, 1-3 ; Éphésiens 1, 10 ; Colossiens 1, 13-22 ; Hébreux 1, 1-3 ; 1 Jean 1, 2 ; Apocalypse 3, 14. Méditons ces magnifiques passages de l’Écriture qui nous présentent Jésus, et contemplons Celui en qui nous nous confions, Celui qui pour nous s’est dépouillé de tout, qui a suivi et qui suit encore une telle voie, et demandons-nous s’il nous serait possible de nous séparer de Lui, ou de nous écarter de ce chemin. Il était dans le sein du Père, la vie éternelle avec le Père, Dieu, et cependant avec Dieu. « Il était ses délices lorsqu’il n’avait point encore fait la terre, ni le commencement de la poussière du monde » (Prov. 8). Il fut le Créateur de toutes choses dans leur beauté primitive ; puis, dans leur état de péché et de ruine, Il devint le réparateur de toutes choses, et enfin dans la régénération Il sera l’héritier de toutes choses. Nous Le contemplons et nous en parlons ainsi par la foi. Nous disons : De toute éternité, Il était dans le sein du Père, dans les conseils éternels, dans le sein de la vierge, dans les souffrances de la terre, ressuscité d’entre les morts, couronné de gloire dans les cieux, en attendant qu’Il soit déclaré héritier et Seigneur de toutes choses.

Quand le Bien-aimé est devenu comme le centre des conseils de Dieu, Il a été « l’objet de toute l’affection » du Père, aussi bien que lorsqu’Il était dans le sein éternel. C’est ainsi que nous Le voyons en Proverbes 8, 22-31. Dans ce merveilleux chapitre nous trouvons la sagesse, c’est-à-dire le Fils, représenté comme l’origine, le fondateur, le soutien de toutes les œuvres et de tous les conseils divins, établi avant que le monde fût créé, comme nous le disent plusieurs passages du Nouveau Testament : Jean 1, 2 ; Éphésiens 1, 9-10 ; Colossiens 1, 15-17. Et le Fils peut dire : « J’étais auprès de lui son nourrisson ; j’étais ses délices de tous les jours et je me réjouissais devant lui en tout temps ».

Ainsi quand la plénitude des temps fut venue, le Fils de Dieu, qui de toute éternité avait été dans le sein du Père, vint habiter le sein de la vierge.

Qui pourrait sonder ce mystère ? Pourtant cela est vrai. Et ce ne fut qu’une nouvelle occasion de joie ineffable, et les anges vinrent l’annoncer à d’humbles bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les plaines de Bethléhem.

Voici maintenant le Fils de Dieu poursuivant Sa voie dans des conditions nouvelles. Il traverse ce monde comme Fils de l’homme dans l’abaissement et dans la souffrance. Mais Il est toujours l’objet des délices ineffables du Père comme dans les siècles cachés de l’éternité. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j‘ai trouvé mon plaisir ». « Voici mon serviteur, je le soutiendrai ; mon élu, mon âme y a mis son affection ». Voilà les expressions de la joie parfaite du Père suivant les pas de Jésus sur cette terre souillée.

Et cette même voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir », se fait entendre une seconde fois sur la montagne sainte comme sur les bords du Jourdain, au jour de la transfiguration comme au moment du baptême. La transfiguration était le symbole et le gage du royaume, de même que le baptême était le début et le commencement de Son témoignage. C’était toujours la même joie qui fait tressaillir le sein du Père, soit que le regard de Dieu Le suive dans le chemin solitaire que parcourait Jésus le serviteur obéissant, au milieu d’un monde impur ; soit qu’il L’accompagne sur les hauteurs comme Roi de gloire dans le monde millénial. C’est toujours une parfaite dilection, une joie égale et complète, quoique diverse, que le Père ressent de siècle en siècle en Jésus. Cette satisfaction divine ne connaît point d’interruption. Elle demeure immuable dans sa profondeur, dans sa plénitude, quels que soient les développements des événements. Celui qui cause cette joie est toujours le même, et il en est ainsi de la joie qu’Il produit. Elle ne peut subir aucune diminution bien qu’elle ait des sources diverses. Ce Jésus était ainsi sans tâche ni souillure d’éternité en éternité ; aussi pur dans le sein de la vierge que dans le sein du Père, aussi immaculé à la fin de Son ministère qu’à son début ; aussi parfait comme serviteur que comme Roi ; une perfection infinie Le caractérise, et sa contemplation est toujours pour le Père une jouissance sans mélange. Si l’âme était pénétrée de la pensée que le Seigneur Jésus, de quelque manière qu’on Le contemple, est Celui qui de toute éternité se trouvait dans le sein du Père, elle ferait taire bien des conjectures qui arrêtent et troublent notre esprit. Le Jéhovah qui apparut sur Son trône à Ésaïe, que les séraphins adorèrent, était Jésus de Galilée. Quelle ineffable pensée !

Une fois que l’âme s’est emparée de ce mystère, les questions qui peuvent agiter notre esprit reçoivent une explication prompte et satisfaisante. Nous n’osons plus en parler avec légèreté ; car du moment où notre intelligence s’est rendu compte de cette gloire, nous nous voilons la face, et nous retirons les sandales de nos pieds comme Moïse en présence de Dieu.

Les divins raisonnements contenus dans l’épître de Jean montrent que les idées que nous avons sur le Fils de Dieu exercent une très grande influence sur la communion avec le Père. Car dans cette épître l’amour est manifesté dans le don du Fils par le Père, et l’amour est notre atmosphère. Supposer qu’en donnant le Fils, le Père n’ait fait don que de la postérité de la vierge, serait infailliblement rabaisser ce niveau spirituel. Si, au contraire, nous reconnaissons que Dieu a donné le Fils qui était de toute éternité dans Son sein, notre appréciation de Son amour sera plus élevée, et le caractère de notre communion prendra les mêmes proportions. Je sais bien que, grâce à la simplicité de leur foi, quelques saints jouissent d’une faible mesure de vérité avec plus de plénitude que d’autres d’une mesure plus considérable. Mais ceci ne change rien aux pensées du Saint Esprit dans cette épître. Il sera toujours vrai que l’amour divin est notre atmosphère ; et que le caractère de notre communion se modifiera d’après le degré d’intelligence que nous aurons de cet amour. Pourquoi, je le demande, chercherions-nous à affaiblir cette communion et diminuer ainsi notre joie en Dieu ? Ne serait-ce pas par la raison que nous savons si peu l’apprécier ?

Le Fils unique du Père s’est « abaissé » afin d’accomplir la volonté divine en faveur de nous, pauvres et misérables pécheurs. Mais le Père souffrira-t-Il que ces pécheurs pour lesquels cette humiliation indicible a été endurée, en profitent pour amoindrir la gloire du Fils ? Cette hypothèse ne saurait se soutenir, comme il nous l’est dit en Jean 5, 23. Jésus avait déclaré que Dieu était Son Père « se faisant égal à Dieu ». Or, se pourrait-il que Dieu ne Le soutînt pas dans Sa déclaration ? Toutefois ceux qui ne reconnaissent pas en Christ le Fils éternel, ne reçoivent pas Sa Parole ; et le Père n’acceptera pas pour Lui-même l’honneur qui ne sera pas rendu au Fils également ; car il est dit : « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé ».

L’Esprit fut donné par Jésus ressuscité. Il souffla sur eux (Jean 20, 22). Le Saint Esprit procéda alors de Lui et devint l’Esprit. Mais supposerait-on par ce motif qu’avant cette époque Il ne fût pas Dieu le Saint Esprit dans la Trinité ? Il en est ainsi du Fils : Il naquit par un miracle. « L’Esprit Saint viendra sur toi », avait dit l’ange à Marie, « et la puissance du Très-haut te couvrira de son ombre ». Ce fut ainsi que Jésus devint le Fils de Dieu. Mais cela peut-il, en quoi que ce soit, modifier ce fait immuable qu’Il était le Fils dans la Trinité ?

Lisez le chapitre 2 de 1 Jean. Il s’adresse à des pères, à des jeunes gens et à des enfants, et il établit une distinction entre ces trois catégories.

« Les pères » sont ceux qui ont connu Christ « dès le commencement ». « Ils demeurent dans sa doctrine car ils ont le Père et le Fils ». « L’onction du Saint » se fait sentir puissamment en eux. Ils ont reçu avec une profonde adoration le témoignage du Fils concernant le Père (Jean 1, 18). Ayant contemplé le Fils, ils avaient vu le Père (Jean 14, 7-11) Ils « gardent la parole » du Fils et celle du Père (Jean 14, 21, 23). Ils savent que le Fils est dans le Père, qu’ils sont dans le Fils et que le Fils est en eux. Ils ne sont pas orphelins.

Les « jeunes gens » sont ceux qui « ont vaincu le malin » ; le malin qui incite le monde à la négation du mystère de Christ (1 Jean 4, 1-6). Toutefois ils ne sont pas établis dans la plénitude de ce mystère. Ils ont triomphé de cet esprit d’inimitié qui existait dans le monde contre Christ, mais il faut que l’apôtre les exhorte à fuir aussi ses séductions et ses pièges.

Les « petits enfants » sont ceux qui ont connu le Père, mais ils sont faibles, et ils ont besoin d’enseignements et d’avertissements. Leur connaissance du Père est imparfaite ; elle n’est pas aussi fortement imprégnée de la connaissance du Fils que l’était celle des « pères ». Il les met donc sur leur garde au sujet des antichrists, qu’il décrit comme détracteurs de la vérité ou de la « doctrine de Christ ». Il leur enseigne que « celui qui nie le Fils n’a pas le Père ». Que si « l’onction » qu’ils ont reçue demeure en eux, ils demeureront certainement dans le Fils et dans le Père ; et que le caractère de la maison de Dieu est tel, que ceux qui ne possèdent pas cette onction ne peuvent y rester. Il leur rappelle que la promesse faite par le Fils est la possession de la vie éternelle. Enfin, il les exhorte à demeurer fermes dans l’enseignement qu’ils ont reçu par l’onction sainte, afin « qu’ils ne soient pas confus devant Lui à son avènement ».

Cette doctrine traite donc de la personne du Fils de Dieu ou de la doctrine de Christ. C’est le degré de leur connaissance de cette vérité capitale, la mesure de la part qu’ils y prennent et non leur caractère chrétien, qui classe les disciples dans les catégories de « pères », de « jeunes gens » et d’« enfants ». Toutes ces exhortations mettent en relief le grand objet de l’épître, le Fils de Dieu ; car depuis le commencement jusqu’à la fin, il n’est question que de Lui. Ainsi c’est le sang du Fils qui purifie ; c’est auprès du Père que nous avons un avocat, et cet avocat c’est le Fils. C’est dans le Fils que l’onction nous fait habiter. C’est le Fils qui a été manifesté pour détruire les œuvres du diable. C’est au nom du Fils qu’il nous est commandé de croire. C’est le Fils qui a été envoyé pour nous apprendre ce qu’est l’amour. C’est la foi dans le Fils qui donne la victoire sur le monde. Le témoignage de Dieu concerne le Fils. C’est dans le Fils que nous avons la vie. C’est le Fils qui est venu ouvrir notre entendement. C’est le Fils en qui nous sommes. C’est le Fils qui est le vrai Dieu et la vie éternelle.

Telles sont les déclarations que nous trouvons concernant le Fils de Dieu. C’est le Fils qui en est l’objet principal, et les pères, les jeunes gens, et les petits enfants sont classés par l’apôtre selon la manière dont ils le comprennent et le saisissent. Dans cette même épître Jean mentionne souvent l’amour et la sainteté, comme des témoignages de la nouvelle naissance. Toutefois dans ses enseignements, il parle d’une confession vraie ou erronée de Christ. Traite-t-il la première comme la chose vitale et pratique, et considère-t-il la confession erronée comme une simple spéculation de l’esprit ? Il ne donne à personne le droit d’établir une semblable distinction. Au contraire, il affirme que l’exercice de la charité et même la pratique de la sainteté, ne prouveraient pas qu’une âme fut née de nouveau à moins qu’elle ne connût et ne confessât le Fils.

Si le regard inspiré d’Ésaïe avait pu suivre Jésus, traversant les villes et les villages de Son pays natal, son âme eût débordé de louanges et d’adorations ! Il avait contemplé Sa gloire dans une vision. Il avait vu le trône « haut et élevé », le cortège remplissant le temple, les séraphins se couvrant la face en présence de la gloire de Jésus dans Son essence divine (És. 6), et l’apôtre Jean nous dit : « Ésaïe dit ces choses lorsqu’il vit sa gloire et qu’il parla de lui » (Jean 12). C’est une foi semblable qu’il nous faut, la foi dans le Fils, dans Jésus, dans Son nom ; ce qu’il nous faut c’est l’intelligence de Sa personne, de cette gloire cachée sous un voile plus épais que l’aile du séraphin, sous l’humble extérieur du Galiléen.

En terminant, souvenons-nous de ce que dit le Seigneur sur « la nourriture convenable », que le « dispensateur fidèle » est appelé à donner aux serviteurs (Matt. 24 ; Luc 12). Prenons garde de ne pas corrompre cette nourriture. Veillons contre les efforts de l’ennemi pour falsifier les provisions de la maison de Dieu.

Les enseignements de Jean sur le Fils de Dieu, et de Paul sur l’Église, sont pour nous une nourriture convenable. Elle est mise en réserve par Dieu pour les saints et nous ne devons pas l’accommoder aux goûts et aux raisonnements du siècle. La manne doit être recueillie telle qu’elle vient du ciel, et devenir le pain céleste des pèlerins.

II

Dans l’histoire de la chair et du sang qui nous est donnée dans l’Écriture, nous apprenons que ce fut le péché qui produisit la mort. Pour tous ceux qui étaient en Adam, voici la sentence : « le jour où tu en mangeras, tu mourras ». Mais pour ce qui concerne la postérité de la femme, Dieu avait dit au serpent : « tu lui blesseras le talon ». La mort de celui qui était la semence de la femme devait être aussi exceptionnelle que Sa naissance. Par Sa naissance miraculeuse, Il devait être manifesté comme la postérité de la femme ; par Sa mort Il devait être blessé au talon. « Dans la plénitude des temps » Celui que Dieu avait annoncé, naquit d’une femme. Le Fils de Dieu participa à la chair et au sang ; Il fut la « chose sainte » dont parle saint Luc.

La mort avait-elle des droits sur Lui ? Aucun ; puisqu’Il était sans péché. Il se soumit à la mort afin de pouvoir accomplir le dessein de Dieu ; mais en dehors de cette soumission à la volonté divine, il n’existait rien dans Sa nature qui dût L’exposer à la mort. Dans l’alliance éternelle, Il s’était offert en disant : « Me voici » ; et Il prit la « forme d’un serviteur » pour glorifier Dieu, et afin d’obtenir pour les pécheurs le pardon et la paix. C’est pourquoi dans la plénitude des temps, « Il se rendit semblable aux hommes et ayant paru comme un simple homme », Il poursuivit la voie de l’humiliation volontaire « jusqu’à la mort de la croix » (Phil. 2, 7, 8).

C’est dans cette voie d’abaissement que nous Le contemplons durant Sa vie. Il voile Sa gloire. Il cache l’aspect de Dieu sous la « forme du serviteur ». Il ne cherche pas l’éclat qui vient des hommes, et ne veut point se manifester au monde.

Jésus cacha sous l’humble figure d’un tributaire de César la splendeur du Seigneur qui avait créé l’univers. On demanda la dîme à Pierre, mais ce fut le Maître qui la paya. Le Seigneur proclama Sa complète liberté, mais afin de ne causer aucun scandale, Il acquitte le tribut pour Lui et pour l’apôtre. Cependant tout en agissant de la sorte, Celui qui s’assujettissait ainsi à César, était le même dont il avait été dit : « La terre appartient à l’Éternel, et tout ce qui y est ». Il ordonna à un poisson de la mer de Lui apporter une pièce d’argent qu’Il remit aux envoyés de César (Matt. 17).

Quel exemple saisissant nous avons de ce précieux mystère concernant Celui qui était « en forme de Dieu », qui disposait des trésors de l’océan, qui avait autorité sur la création, et qui cependant avait « pris la forme de serviteur »[2]. Ce léger incident qui se passa entre le Seigneur Jésus et Pierre nous donne un aperçu de Sa gloire à travers le nuage qui la voilait.

La plénitude de la terre Lui était assujettie au moment même où, dans Son abaissement, Il consentait à être tributaire du Romain. Ainsi dans une autre occasion, aux noces de Cana, ce fut en réalité Jésus qui présida au festin, non seulement comme s’Il eût été l’époux, mais aussi le Créateur de tout ce qui s’y trouvait. Là aussi « Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en Lui ».

Tout cela est caractéristique et instructif pour nous, quant à la voie du Seigneur Jésus.

« Montre-nous un signe du ciel », c’est encore une tentation que les pharisiens placèrent devant Lui pour L’exciter à s’élever (Matt. 16). De même le diable L’avait tenté de se précipiter du sommet du temple et Ses parents eux-mêmes Lui disaient : « Montre-toi au monde ». Mais que dit le serviteur par excellence ? « Il ne vous sera pas donné de signe si ce n’est le signe de Jonas le prophète » ; c’est-à-dire un signe d’humiliation, qui, loin d’imposer silence au monde par une éclatante victoire, donnerait au monde sur Lui un triomphe apparent et momentané.

Toutefois sur la cime de la montagne, en présence de Ses élus, le serviteur parfait se montre pendant un fugitif instant Seigneur de gloire. Au pied de cette même montagne, Il n’était plus que Jésus, le Fils de l’homme, recommandant aux siens de ne raconter la vision à personne jusqu’à ce qu’Il fût ressuscité.

Contemplons-Le aussi dans la barque sur le lac pendant la tempête. Il se tenait là comme un homme fatigué du labeur du jour, et auquel le sommeil est précieux. Mais sous cet humble extérieur brillait « la forme de Dieu ». Il se lève, Il parle en Seigneur « qui assemble les vents dans ses poings, et qui serre les eaux dans sa robe » (Prov. 30, 4). Il parle, et le vent s’apaise.

Notre Jésus nous apparaît parfois dans toute la gloire du Jéhovah d’Israël. Jadis Dieu avait commandé aux poissons de la mer, et une baleine fut envoyée pour engloutir Jonas et lui servir de sépulture pendant le temps qui avait été déterminé. Et de même, Jésus en Son temps se manifesta comme le Seigneur de cette mer profonde et spacieuse, appelant une multitude de ses habitants dans les filets de Pierre (Luc 5).

Nous admettons que le voile qui couvrait Jésus de Nazareth, le fils du charpentier, était épais ; mais la gloire cachée sous la nuée était infinie. C’était la gloire de Jéhovah dans toute sa plénitude. « Il n’a pas regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu », bien qu’Il se soit anéanti Lui-même. La foi comprend cette gloire voilée. L’amour la garde comme un trésor. « Qui est monté aux cieux, ou qui en est descendu ? Qui a assemblé le vent dans ses poings ? Qui a serré les eaux dans sa robe ? Qui a dressé toutes les bornes de la terre ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils, si tu le connais ? » (Prov. 30, 4).

Nous n’essaierons pas de la décrire, mais quand Jésus passe à côté de nous, nous apprendrons comme Moïse à courber la tête et à adorer (Ex. 34). C’est pour l’âme une tâche bénie que de découvrir la gloire et la beauté dérobées aux regards du monde. Beaucoup d’entre nous qui ne voudrions pas ternir cette gloire, pouvons-nous nous montrer lents à la comprendre et nous méprendre sur la manière dont elle se manifeste et sur la forme qu’elle revêt ?

Le Fils de Dieu est venu sur la terre offrant en Lui le contraste le plus complet avec celui qui doit venir « et devant lequel toute la terre sera dans l’admiration » (Apoc. 13, 3). Jésus ne vint pas étonner le monde, et commander son admiration. Il se présenta dans l’abaissement. Il venait au nom de Son Père, et non au sien ; Il avait la vie en Lui-même, Il était égal à Celui dont il est écrit : « Lui seul possède l’immortalité ». Mais Il cachait la splendeur de la gloire divine sous une forme humaine et Il consentit, pour protéger Sa vie, à se servir des moyens les plus ordinaires jusqu’à ce que Son « heure fût venue » (Jean 17, 1).

Si nous avions des cœurs disposés à l’adoration, cette pensée serait pour nous pleine de bénédictions. Se peut-il que nous soyons si dépourvus d’intelligence spirituelle que nous ne comprenions pas de telles choses, et que cette gloire cachée, il faudrait que nous la vissions pour y croire ! cette gloire qui est assez puissante pour embraser comme la fournaise chaldéenne tous les adversaires ! Car à la fin, quand l’heure fut venue (et les puissances des ténèbres devaient avoir leur heure), les serviteurs de ces puissances ennemies, mis en présence de cette gloire, furent renversés dans la poussière ; d’où nous tirons cette importante leçon : Jésus était alors un captif volontaire, comme plus tard Il fut une victime volontaire. Car la mort qui est la conséquence du péché, n’aurait pu toucher le Saint et le Juste, s’Il ne l’eût acceptée dans les conseils éternels.

Le Seigneur éprouva-t-Il quelques craintes à l’égard des embûches de Ses implacables ennemis, les pharisiens ? Eut-Il la pensée de mettre Sa vie en sûreté ? Je ne le crois pas. Il parcourait une voie parfaitement conséquente dans chaque période de Sa vie de serviteur. Il ne voulait point, comme je l’ai déjà dit plus d’une fois, se faire un nom honoré dans le monde, mais obtenir par Son humiliation et par Sa mort, « un nom au-dessus de tous les noms », un nom dans « lequel les Gentils espéreraient » (Phil. 2 ; Rom. 15).

Et quand l’épée d’Hérode menaça la vie du Seigneur Jésus, avec quelle dignité Il se mit au-dessus de ce danger ! Il savait bien que toutes les combinaisons du roi, dût-il ajouter la violence à la ruse, ne L’empêcheraient pas de suivre jusqu’au bout le chemin qui Lui était tracé, d’achever l’œuvre que le Père Lui avait donnée à faire, et finalement d’être consacré. Or, nous savons que cette consécration ou ce perfectionnement devait se faire, non pas par le triomphe d’Hérode ou des Juifs, mais par le fait de l’oblation volontaire par laquelle Christ devint le chef de notre salut, « consommé par les souffrances » (Héb. 2).

Que de gloires se voilent sous l’abaissement de Celui qui ne devait rencontrer que le mépris et l’inimitié de Son peuple !

Relevons encore un incident digne de toute notre attention et qui eut lieu au début du ministère de Jésus dans Sa propre ville. Les hauteurs de Nazareth ne mettaient pas Sa vie plus en péril que le faîte du temple. Ce n’était pas la mort de Jésus que Satan cherchait lorsqu’il essaya de Le pousser à se jeter en bas sur la foi d’une promesse. Il Lui avait présenté comme à Ève dans le jardin d’Éden la tentation de se rendre semblable à Dieu. Il voulait éveiller dans l’âme du Christ « l’orgueil de la vie ». Mais Jésus garda « la forme de serviteur » dont Il s’était revêtu. Il ne voulut point se précipiter, Il se souvint avec soumission de cette parole : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ». À Nazareth il en fut de même. La montagne sur laquelle cette ville était bâtie n’était pas plus élevée que le sommet du temple. Nous ne doutons pas que le Christ ne fût tombé de cette hauteur sans aucun péril pour Sa vie ; mais « Il ne cherchait pas sa gloire de la part des hommes », et « passant au milieu d’eux Il s’en alla ».

Maintes fois pendant les jours de Sa chair, Jésus fut rafraîchi en esprit quand la foi savait discerner Sa gloire sous le voile qui en dissimulait l’éclat. Et maintenant aussi, Il se réjouit en esprit quand les saints font preuve de ce même discernement.

Craignons de traiter avec trop peu de respect le mystère de l’assujettissement volontaire du Fils de l’homme ; gardons-nous de nous servir des incidents où Il a manifesté avec le plus d’abnégation Sa soumission envers Dieu, et Sa grâce envers nous, pour essayer de prouver les conditions purement mortelles de la chair et du sang auquel le Seigneur a participé à cause de nous. Non, Jésus ne pouvait succomber jusqu’à ce que « son heure fût venue » ; et le désir qui se manifeste d’affirmer le contraire est la preuve que « les portes de l’enfer » essaient de prévaloir contre la personne du Fils de Dieu. Si l’on prétend ainsi faire ressortir l’humanité réelle du Seigneur, cette justification elle-même doit éveiller notre méfiance ; car est-ce une simple humanité que nous contemplons dans la personne du Christ ? N’est-ce pas quelque chose d’infiniment plus élevé, Dieu manifesté en chair ? Il ne pourrait être mon Sauveur à moi, pécheur, s’Il n’était pas le compagnon de Jéhovah (Zach. 13, 7). Aucune créature, « fût-ce un archange », ne pouvait produire une justice méritoire. Une créature doit à Dieu tout ce qu’elle peut Lui rendre ; et Celui « qui n’a point regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu », pouvait seul « prendre la forme d’un serviteur ». Tout être créé est né serviteur, et aucune créature ne saurait accomplir une seule œuvre de surérogation[3], ni obéir à la place d’autrui : Celui qui avait le droit de revendiquer l’égalité avec Dieu était seul capable de devenir notre substitut. Et si Christ n’avait pas été Dieu, Son œuvre, Son témoignage, Ses souffrances, Sa mort elle-même, n’auraient rien pu pour notre salut. Sa personne fait l’efficacité de Son sacrifice, et c’est ainsi qu’Il est notre rocher. Ce fut la confession de la divinité de Sa personne, faite par un homme qui ignorait encore la nature de Son œuvre et de Son sacrifice, qui amena le Fils de Dieu à déclarer que sur cette pierre l’Église devait être bâtie, mystère que Satan et « les portes de l’enfer » devaient sans cesse assaillir. La lutte dure encore, et il est facile de retrouver le même dessein dans toutes les attaques, qu’elles soient ouvertes ou dissimulées, qui sont dirigées contre le Fils de Dieu. Mais d’où provient la force qui s’oppose à ces assauts ? Le Père se préoccupe de la gloire du Fils ; lisez Jean 5, où le secret de la lutte nous est révélé ; le Fils s’est abaissé ; Il ne peut rien faire par Lui-même, mais le Père protège l’honneur de Son Fils ; Il veillera sur Ses droits divins par une parole qui est une sentence : « celui qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé ».

Le Saint Esprit, dans Ses enseignements, traite avec patience les ignorants et les faibles ; le Seigneur usa du même support. « Je suis si longtemps avec vous, et tu ne m’as point connu, Philippe ! ». Mais Dieu ne permet aucune dépréciation de la personne de Christ. Les écrits de Jean nous le prouvent. Ils nous développent la gloire du Fils de Dieu, et ils condamnent avec une sévérité redoutable tous ceux qui oseraient y porter atteinte.

Dans un sens, les Juifs étaient les meurtriers de Jésus, et nous participons tous à la même condamnation. Les Juifs ont volontairement assumé sur eux la responsabilité du sang de ce « Juste », qui allait être répandu. Moralement, ils étaient en effet Ses meurtriers, bien que ce ne fût ni la lance, ni la croix, ni aucune cause purement naturelle qui Lui ôtèrent la vie. Il la livra de Son plein gré par un acte de Sa volonté. L’homme naturel ne reçoit pas ces choses, mais la foi les accepte pleinement. « Personne ne m’ôte la vie mais je la laisse de moi-même ; j’ai le pouvoir de la laisser et le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu ce commandement de mon Père ». Jésus possédait le libre arbitre et cependant Il était assujetti à la volonté du Père.

Le Fils de Dieu mourut sur le bois où L’avaient cloué les mains des méchants, et où la grâce de Dieu et Ses conseils éternels L’avaient placé ; c’est là qu’Il mourut, et Il mourut crucifié. L’Agneau fut immolé. Dieu s’était pourvu de cette sainte victime comme oblation pour le péché. Et cependant l’Agneau s’offrit Lui-même en sacrifice. Ce n’était ni l’épuisement produit par la souffrance physique ou morale, ni la douleur de la crucifixion qui amenèrent la mort. Lui-même Il rendit l’esprit ; et aussitôt avant cet acte suprême, il nous est dit qu’Il cria à haute voix. Pilate s’étonna qu’Il fût mort si tôt et se refusait à le croire ; il dut s’en rendre compte lui-même, car Jésus n’avait pas été encore assez longtemps sur la croix pour que Sa mort fût expliquée. On brisa les jambes des deux larrons, mais Jésus était déjà mort, et il fallut que Pilate l’apprît de la bouche de témoins oculaires pour l’admettre. Nous devrions bénir Dieu de nous avoir présenté un tel tableau de Son Agneau immolé, de notre Sauveur crucifié et mis à mort. Jésus était libre, et cependant assujetti. La foi saisit cette antithèse apparente et accepte ce mystère que révèle la Parole ; « ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19, 30). Il fut obéissant jusqu’à la mort et cependant Il pouvait dire : « Je laisse ma vie ; personne ne me l’ôte, mais je la laisse de moi-même ».

Pendant Son passage sur la terre, le Fils de Dieu voile Sa gloire et dissimule la « forme de Dieu » sous celle d’un « serviteur » (Phil. 2) ; mais cette gloire avait été reconnue dans toutes les sphères de la domination de Dieu. Les hommes, la mort, le sépulcre, les démons, les bêtes des forêts, les poissons de la mer, les vents, les vagues, le blé, le vin, en avaient subi la puissance. Il était le maître de la moisson, et cependant Il apparut comme un des ouvriers dans le champ du maître. Il était le Dieu du temple et le Seigneur du sabbat, mais Il se soumit aux attaques et aux défis d’un monde incrédule et méchant.

Tel est le voile sous lequel Jésus cachait Sa majesté divine. Mais en quelque position qu’Il se trouvât, Il était toujours et partout le Seigneur de gloire, le Prince de la vie, volontairement un serviteur ; de même qu’Il fut à la fin volontairement victime d’oblation : Fils de Dieu, et bien que manifesté en chair, Fils de toute éternité.



  1. Il est le πρωτοτοκος, premier-né à divers égards, et nous sommes associes avec Lui, « le premier-né entre plusieurs frères ». Mais il est aussi le μονογενης ou l’unique, et là Il est seul.
  2. Si Jésus n’eût pas été égal à Dieu, il n’aurait pu en agir ainsi, car toute créature, par la position inférieure où elle est placée, est au service du Créateur. Un Juif pouvait en se faisant percer l’oreille se mettre volontairement au service d’un autre Juif (Ex. 21). Mais aucune créature ne peut servir Dieu par un effet de sa propre volonté, par la raison que dans nos relations de créature à Créateur, nous naissons serviteurs.
  3. Ce que l'on fait au-delà de ce qui est dû ou obligé. (NdE)