Écho du Témoignage:Le Fils de Dieu

De mipe
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I

Je redoute l’intervention de froids raisonnements là où les affections seules doivent être engagées, et l’abandon d’une position pleine de vie et de puissance pour accepter le terrain flottant des notions et des théories. Toutefois les mystères de Dieu ont une haute valeur pratique ; ils servent à fortifier les saints dans l’activité chrétienne, à les consoler dans l’épreuve et à développer la communion de l’âme avec Dieu.

L’apôtre Paul parle de ses compagnons de travaux et de lui-même comme de « ministres de Christ, et de dispensateurs des mystères de Dieu ». Et il en est ainsi de nous : dans la mesure des dons qui nous sont départis, nous devons être des serviteurs dévoués, remplis d’un zèle actif, patients, diligents et serviables les uns pour les autres. Nous sommes appelés aussi à être des dispensateurs des mystères, à conserver dans toute leur pureté, dans toute leur plénitude, dans toute leur intégrité, les vérités incompréhensibles de la révélation divine. Il pourra se faire que les soi-disant esprits forts ne les reçoivent pas. Pour de tels hommes la croix a toujours été une folie, et « les princes de ce monde », les philosophes « qui se disaient sages », n’ont pas connu « la sagesse de Dieu en mystère ». Mais nous n’avons pas le droit de leur sacrifier un iota de ce mystère. La garde nous en est confiée, et il faut avant toute chose qu’un « économe soit fidèle » (1 Cor. 4, 1, 2).

Le témoignage fidèle que nous devons rendre à la gloire personnelle du Fils de Dieu, forme une partie importante de notre ministère. Saint Jean s’y applique avec un soin minutieux. Paul, lorsqu’il s’agit des erreurs des judaïsants ou d’autres faux docteurs, indique différents moyens pour les réprimer. Dans l’épître aux Galates, où il défend la simplicité de l’évangile, il mêle à la puissance et à la gravité de ses arguments des appels pleins d’une pathétique tendresse. Mais dans les épîtres de Jean tout est péremptoire. Il éloigne sommairement tout ce qui n’est pas « l’onction de la part du Saint » ; cette onction qui enseigne le Fils comme elle enseigne le Père, qui refuse d’admettre le mensonge à la place de la vérité, et qui proclame nettement que « celui qui nie le Fils n’a pas le Père ».

Cette diversité d’expression dans la sagesse de l’Esprit a son importance, et nous devons la faire ressortir. L’observance de certains jours, l’abstention de certains aliments entravent la glorieuse liberté de l’évangile. Mais on doit supporter les infirmités des faibles qui attachent du prix à ces formes (Rom. 14). Toutefois cet esprit de tolérance doit s’arrêter devant la plus légère atteinte à la personne du Fils de Dieu.

Le passage seul d’Égypte en Canaan n’était pas en lui-même un pèlerinage. Plusieurs ont fait ce trajet sans être pour cela des voyageurs selon Dieu. Et toutes les fatigues, tous les périls encourus pour traverser le désert n’auraient pas fait de ce voyage un saint pèlerinage. De même il ne nous suffit pas d’avoir une vie active et dévouée, fût-elle supportée avec tout ce courage moral qui convient aux vrais serviteurs de Dieu, ces étrangers sur la terre. Pour qu’Israël pût autrefois entreprendre ce pèlerinage, il avait fallu la présence de l’arche sainte que portait un peuple racheté par le sang de la servitude d’Égypte, et s’avançant dans la foi d’une promesse vers le pays de Canaan. Au désert, les enfants d’Israël étaient appelés à conduire l’arche, à l’escorter, à la garder, à l’entourer d’un saint respect. S’il leur arrivait en maintes occasions de broncher en chemin, ils recevaient aussitôt le châtiment de leurs fautes ; mais s’ils perdaient de vue leur vocation comme gardiens de l’arche, tout disparaissait avec elle, et c’est ce qui leur arriva par la suite. Ils ont « porté le tabernacle de Moloch et l’astre de leur dieu Remphan », bien que le tabernacle du témoignage fût présent au milieu d’eux. C’est pourquoi ils ont été transportés au-delà de Babylone (Amos 5 ; Act. 7)

Le nom du Fils de Dieu est l’arche sainte qui seule peut guider les rachetés au travers du désert de ce monde. Quel est le mystère confié à notre garde, et qui doit faire l’objet de notre témoignage, si ce n’est celui-ci : « Celui qui demeure dans la doctrine du Christ, celui-là a le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous, et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas » ? Les saints sont appelés à élever « le mur mitoyen de clôture » entre eux et ceux qui déshonorent le Christ

Considérons dans le Seigneur Jésus le Fils de Dieu, et s’Il vient en aide à notre faiblesse, cette méditation nous sera en bénédiction.

Nous sommes baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ; ce qui implique la déclaration formelle du mystère de la Trinité ; car le Fils est ainsi reconnu hautement comme étant une personne divine aussi bien que le Père et le Saint Esprit. D’autres passages de la Parole nous présentent ce mystère de l’union des trois personnes dans une même gloire d’une manière différente, en en faisant ressortir la grâce, la puissance, et l’application pratique à nos besoins et à notre édification. C’est surtout dans l’évangile de Jean qu’il est dégagé de la formule du baptême, et qu’il est présenté à l’intelligence, au cœur et à la conscience des saints, afin que nous puissions nous l’assimiler par la foi et par la communion.

C’est ainsi qu’au chapitre 1, verset 14, il semble que l’évangéliste interrompe le récit de toutes les gloires de Jésus, pour rendre témoignage de cette grande vérité : « la Parole a été faite chair ». Puis, il s’arrête de nouveau, et dans une sorte de parenthèse il proclame avec une sainte ferveur cette gloire personnelle qu’il a contemplée, « la gloire du Fils unique du Père »[1] ; et bientôt après, il nous Le représente comme étant « dans le sein du Père », définition bien précieuse pour nos âmes.

Le Seigneur est appelé le Fils de Dieu pour plusieurs motifs. En premier lieu parce qu’Il est né de la vierge (Luc 1, 35). Il l’est aussi par un décret divin, dans la résurrection (Ps. 2, 7 ; Act. 13, 33). Cela est et cela demeure vrai, bien que la révélation ne s’en tienne pas là, quant à Sa position comme Fils. Quoiqu’Il soit de droit le Fils, Il a aussi obtenu le nom de Fils (Héb. 1, 1-3). Matthieu et Marc parlent de cette filiation, pour la première fois lors du baptême de Christ. Luc en fait mention dès la naissance du Seigneur. Mais Jean va plus loin, et remonte presqu’à l’incommensurable éternité, où il contemple le Fils dans le sein du Père.

Il existait sans aucun doute chez ceux qui invoquaient le Seigneur Jésus des degrés différents de foi concernant Sa personne. Jésus place, par exemple, la foi du centenier dont l’intelligence avait discerné Sa gloire personnelle, au-dessus de tout ce qu’Il avait rencontré en Israël. Mais ces appréciations plus ou moins éclairées ne changent rien à ce fait capital, qu’Il était « le Fils dans le sein du Père », ou la vie éternelle qui était avec le Père et qui nous L’a révélé.

Gardons-nous, bien-aimés, de toucher à ce précieux mystère. Craignons d’affaiblir la lumière dans laquelle nos âmes sont appelées à marcher vers le ciel. Et repoussons avec énergie tout symbole de foi, ou plutôt d’incrédulité, qui refuserait à la divinité ses ineffables délices ; qui oserait affirmer que le « sein » de Dieu n’a jamais savouré la joie de la paternité, et que notre Seigneur n’a pas connu de toute éternité la béatitude d’un Fils dans le sein du Père. Si nous admettons qu’il existe une Trinité, ne devons-nous pas reconnaître aussi qu’il y a affinité entre les personnes qui la composent ? Pouvons-nous sacrifier cette certitude ? Le Père, le Fils, et l’Esprit n’ont-ils pas été révélés à la foi, le Fils engendré, l’Esprit procédant du Père et du Fils ? Oui, certainement, les trois personnes unies dans cette gloire divine ne sont pas indépendantes l’une de l’autre ; elles sont associées. Et nous ne craignons pas d’affirmer que le grand type de l’amour, le modèle de toute affection pure, élevée, se trouve dans cette relation suprême. Comment se contenter de cette pensée enfantée par l’incrédulité qu’il n’existe pas de personnes distinctes dans la divinité ? Affirmer que le Père, le Fils, le Saint Esprit ne sont que des manifestations diverses de la même personne, serait détruire la substance même de l’évangile ; et nier la relation qui existe entre ces trois personnes, serait amoindrir l’amour manifesté dans l’évangile.

Cette parenté entre le Père et le Fils n’existait-elle pas avant que le saint enfant naquît à Bethléhem ? Oui certainement, le sein du Père était un sanctuaire éternel dans lequel habitait le Fils, la retraite de l’amour, de cet inexprimable amour qui est au-dessus de la gloire parce qu’il ne saurait être pleinement révélé.

Peut-être certaines âmes n’ont jamais été exercées à l’égard de ce mystère, mais les saints ne sauraient en tolérer la négation.

« Agneau de Dieu, le sein du Père
A toujours été ta demeure. »

L’âme n’oserait abandonner un semblable mystère aux conjectures humaines. La foi le défendra toujours contre la philosophie. Les Juifs eux-mêmes auraient pu répondre à la difficulté que quelques-uns y trouvent. Ils connaissaient bien toute la portée de la déclaration du Seigneur lorsqu’Il se disait Fils de Dieu. Et pour eux cette qualification ne signifiait nullement une infériorité de personne, mais la plus parfaite égalité. Dans une autre occasion, ils accusaient Jésus de blasphémer « parce qu’Il disait que Dieu était son propre Père, se faisant égal à Dieu » (Jean 5 et 10). C’est ainsi que maintes fois les Juifs répondent à l’objection que l’esprit de philosophie suggère. Ils n’ont jamais eu la folle prétention de soumettre au prisme des raisonnements humains l’atmosphère de lumière transcendante où Dieu a Sa demeure.

« Personne ne connaît le Fils sinon le Père », c’est une parole qui doit nous imposer silence ; et le fait que « la vie éternelle qui était auprès du Père nous a été manifestée » afin que « notre communion soit avec le Père et son Fils Jésus Christ » (1 Jean 1, 2) révèle clairement le mystère ineffable de la divinité du Fils qui possède « la vie éternelle » avec le Père. D’ailleurs, il est écrit : « le Fils unique qui est dans le sein du Père l’a fait connaître ». Car quoique dans un certain sens très limité on puisse définir Dieu, personne ne peut le faire connaître que Dieu Lui-même. Et bien que la sagesse du siècle ne sache rien au-delà de ces imparfaites définitions de Dieu, l’Église ne pourra jamais s’en contenter. Elle veut de Lui une révélation que Lui seul peut donner. N’est-il donc pas de toute évidence que le Fils qui Le fait connaître est une personne divine ?

Ce grand mystère révélé dans les Écritures ne peut s’expliquer que par le fait que le Père et le Fils, tout en conservant cette relation de Père à Fils, sont égaux dans la gloire de la divinité. Il a été dit avec raison : « Celui qui au commencement était avec Dieu, éternel comme Dieu, Lui-même Dieu, était cependant le Fils de Dieu ». Dieu permet que bien des choses restent des mystères pour nous. Nous ignorons Ses motifs, dont le principal peut-être est de mettre à l’épreuve la docilité de notre intelligence. Car Il veut qu’elle Lui soit assujettie aussi bien que notre vie active. Cette soumission de l’intelligence à Dieu fait partie de notre sanctification, et le Saint Esprit peut seul nous la donner. Lui seul peut réprimer ces révoltes de la pensée qui s’arroge le droit de juger les choses de Dieu, et de se refuser à croire ce qui est inexplicable. C’est là un orgueil qui n’a point d’égal, si ce n’est l’orgueil de Satan lui-même. Saint et salutaire avertissement pour nos âmes. « Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? » demande l’apôtre Jean ; et il ajoute : « Celui-là est l’Antichrist qui nie le Père et le Fils ». Et encore : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ». Ce sont là des paroles solennelles selon le Saint Esprit. Comment en effet la connaissance du Père peut-elle exister, si ce n’est par le Fils ou dans le Fils ? Et c’est pour cela qu’il est écrit : « Quiconque nie le Fils, n’a pas non plus le Père ». Je puis dire : Abba, Père, dans un esprit d’adoption. Un poète peut dire : « Nous sommes tous de sa race ». Mais Dieu ne peut être reconnu comme le Père à moins que le Fils ne soit confessé dans la gloire de Sa divinité.

Nous pouvons être certains en nous appuyant sur l’autorité de Dieu que si l’onction que nous avons reçue demeure en nous, nous demeurerons dans le Fils et dans le Père.

Peut-on honorer le Fils comme le Père (Jean 5, 23), si Sa divinité n’est pas pleinement reconnue ? Cette foi ne consiste pas à admettre que Jésus est un Fils de Dieu, ou même le Fils de Dieu, en tant que né de la vierge ou ressuscité d’entre les morts ; quoique, assurément, ce soient là des faits incontestables. Mais la foi dont il s’agit, c’est la foi en Sa propre personne. Je sais que je ne puis appeler Jésus Fils de Dieu, si ce n’est dans la foi à Sa divine filiation. « Il nous a donné l’intelligence pour connaître le véritable, et nous sommes dans le véritable, savoir dans son Fils Jésus Christ ; il est le Dieu véritable et la vie éternelle ».

La « vérité » dont il est question dans la deuxième épître de Jean, n’est-elle pas la doctrine de Christ, l’enseignement de l’Écriture concernant la personne de Christ ? Et cet enseignement ne renferme-t-il pas surtout l’affirmation de la divinité du Fils ? Nous y lisons : « Celui qui demeure dans la doctrine du Christ, celui-là a le Père et le Fils » ; et il nous est dit aussi que la porte doit être fermée à ceux « qui n’apportent pas cette doctrine » (2 Jean). C’est la même épître qui parle du Seigneur Jésus comme du « Fils du Père ». Ce qui ne pourrait pas se dire de Lui comme Fils de la vierge par l’opération du Saint Esprit.

Mais il y a plus encore. Pourrions-nous comprendre l’amour de Dieu, tel qu’il est révélé dans Sa Parole, si cette divine paternité n’était pas reconnue ? Et n’est-ce pas cette doctrine même qui donne à l’amour de Dieu son caractère spécial ? N’est-ce pas par cette grande vérité que notre cœur a été atteint : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » ? Et encore : « En ceci est l’amour, non que nous ayons aimé Dieu, mais en ce qu’Il nous aima, et qu’Il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés ». L’amour divin ne perd-il pas de son prestige incomparable si cette vérité est mise en question ? Comment répondrions-nous à l’homme qui prétendrait que ce n’est pas Son propre Fils que Dieu aurait livré pour nous (Rom. 8, 32) ? Quelle amère déception pour notre cœur si l’on venait nous dire que Jésus n’était le Fils de Dieu que dans ce sens qu’Il naquit miraculeusement de la vierge Marie, et que ces paroles : « celui qui n’épargna pas son propre Fils », avaient une signification toute humaine ?

Gardons-nous d’accommoder aux préjugés des hommes, la précieuse Parole de Dieu. Avec qui Abraham s’est-il rendu à Morija ? Était-ce accompagné par des serviteurs, par quelque individu né dans sa maison, par un enfant adoptif ? N’était-ce pas par son propre fils, son unique, son bien-aimé ? Nous savons ce qui en était. Et si je n’avais pas reçu par la foi Jésus comme le Fils dans le sein du Père, dans la gloire de la divinité, comment pourrais-je en parler comme « m’ayant aimé, et s’étant donné lui-même pour moi » (Gal. 2, 20) ? Le Fils est le Christ. Dieu, dans la personne du Fils, a exécuté pour nous tout ce qui concernait Son œuvre de médiateur, de Sacrificateur, de Messie et d’Oint de l’Éternel. Et puisqu’Il a tout accompli dans la personne de Jésus, nous pouvons dire : Jésus Christ le Fils de Dieu. Oui, le Fils unique, le Christ, Jésus de Nazareth sont un. Nous Le contemplons sous ces noms divers dans Sa gloire essentielle, dans Son ministère, dans l’humanité dont Il s’est revêtu.

En suivant Sa voie admirable depuis le sein du Père jusqu’à l’héritage de toutes choses, quelles découvertes ne faisons-nous pas sur Sa personne ! Lisez Proverbes 8, 22-31 ; Jean 1, 1-3 ; Éphésiens 1, 10 ; Colossiens 1, 13-22 ; Hébreux 1, 1-3 ; 1 Jean 1, 2 ; Apocalypse 3, 14. Méditons ces magnifiques passages de l’Écriture qui nous présentent Jésus, et contemplons Celui en qui nous nous confions, Celui qui pour nous s’est dépouillé de tout, qui a suivi et qui suit encore une telle voie, et demandons-nous s’il nous serait possible de nous séparer de Lui, ou de nous écarter de ce chemin. Il était dans le sein du Père, la vie éternelle avec le Père, Dieu, et cependant avec Dieu. « Il était ses délices lorsqu’il n’avait point encore fait la terre, ni le commencement de la poussière du monde » (Prov. 8). Il fut le Créateur de toutes choses dans leur beauté primitive ; puis, dans leur état de péché et de ruine, Il devint le réparateur de toutes choses, et enfin dans la régénération Il sera l’héritier de toutes choses. Nous Le contemplons et nous en parlons ainsi par la foi. Nous disons : De toute éternité, Il était dans le sein du Père, dans les conseils éternels, dans le sein de la vierge, dans les souffrances de la terre, ressuscité d’entre les morts, couronné de gloire dans les cieux, en attendant qu’Il soit déclaré héritier et Seigneur de toutes choses.

Quand le Bien-aimé est devenu comme le centre des conseils de Dieu, Il a été « l’objet de toute l’affection » du Père, aussi bien que lorsqu’Il était dans le sein éternel. C’est ainsi que nous Le voyons en Proverbes 8, 22-31. Dans ce merveilleux chapitre nous trouvons la sagesse, c’est-à-dire le Fils, représenté comme l’origine, le fondateur, le soutien de toutes les œuvres et de tous les conseils divins, établi avant que le monde fût créé, comme nous le disent plusieurs passages du Nouveau Testament : Jean 1, 2 ; Éphésiens 1, 9-10 ; Colossiens 1, 15-17. Et le Fils peut dire : « J’étais auprès de lui son nourrisson ; j’étais ses délices de tous les jours et je me réjouissais devant lui en tout temps ».

Ainsi quand la plénitude des temps fut venue, le Fils de Dieu, qui de toute éternité avait été dans le sein du Père, vint habiter le sein de la vierge.

Qui pourrait sonder ce mystère ? Pourtant cela est vrai. Et ce ne fut qu’une nouvelle occasion de joie ineffable, et les anges vinrent l’annoncer à d’humbles bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les plaines de Bethléhem.

Voici maintenant le Fils de Dieu poursuivant Sa voie dans des conditions nouvelles. Il traverse ce monde comme Fils de l’homme dans l’abaissement et dans la souffrance. Mais Il est toujours l’objet des délices ineffables du Père comme dans les siècles cachés de l’éternité. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j‘ai trouvé mon plaisir ». « Voici mon serviteur, je le soutiendrai ; mon élu, mon âme y a mis son affection ». Voilà les expressions de la joie parfaite du Père suivant les pas de Jésus sur cette terre souillée.

Et cette même voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir », se fait entendre une seconde fois sur la montagne sainte comme sur les bords du Jourdain, au jour de la transfiguration comme au moment du baptême. La transfiguration était le symbole et le gage du royaume, de même que le baptême était le début et le commencement de Son témoignage. C’était toujours la même joie qui fait tressaillir le sein du Père, soit que le regard de Dieu Le suive dans le chemin solitaire que parcourait Jésus le serviteur obéissant, au milieu d’un monde impur ; soit qu’il L’accompagne sur les hauteurs comme Roi de gloire dans le monde millénial. C’est toujours une parfaite dilection, une joie égale et complète, quoique diverse, que le Père ressent de siècle en siècle en Jésus. Cette satisfaction divine ne connaît point d’interruption. Elle demeure immuable dans sa profondeur, dans sa plénitude, quels que soient les développements des événements. Celui qui cause cette joie est toujours le même, et il en est ainsi de la joie qu’Il produit. Elle ne peut subir aucune diminution bien qu’elle ait des sources diverses. Ce Jésus était ainsi sans tâche ni souillure d’éternité en éternité ; aussi pur dans le sein de la vierge que dans le sein du Père, aussi immaculé à la fin de Son ministère qu’à son début ; aussi parfait comme serviteur que comme Roi ; une perfection infinie Le caractérise, et sa contemplation est toujours pour le Père une jouissance sans mélange. Si l’âme était pénétrée de la pensée que le Seigneur Jésus, de quelque manière qu’on Le contemple, est Celui qui de toute éternité se trouvait dans le sein du Père, elle ferait taire bien des conjectures qui arrêtent et troublent notre esprit. Le Jéhovah qui apparut sur Son trône à Ésaïe, que les séraphins adorèrent, était Jésus de Galilée. Quelle ineffable pensée !

Une fois que l’âme s’est emparée de ce mystère, les questions qui peuvent agiter notre esprit reçoivent une explication prompte et satisfaisante. Nous n’osons plus en parler avec légèreté ; car du moment où notre intelligence s’est rendu compte de cette gloire, nous nous voilons la face, et nous retirons les sandales de nos pieds comme Moïse en présence de Dieu.

Les divins raisonnements contenus dans l’épître de Jean montrent que les idées que nous avons sur le Fils de Dieu exercent une très grande influence sur la communion avec le Père. Car dans cette épître l’amour est manifesté dans le don du Fils par le Père, et l’amour est notre atmosphère. Supposer qu’en donnant le Fils, le Père n’ait fait don que de la postérité de la vierge, serait infailliblement rabaisser ce niveau spirituel. Si, au contraire, nous reconnaissons que Dieu a donné le Fils qui était de toute éternité dans Son sein, notre appréciation de Son amour sera plus élevée, et le caractère de notre communion prendra les mêmes proportions. Je sais bien que, grâce à la simplicité de leur foi, quelques saints jouissent d’une faible mesure de vérité avec plus de plénitude que d’autres d’une mesure plus considérable. Mais ceci ne change rien aux pensées du Saint Esprit dans cette épître. Il sera toujours vrai que l’amour divin est notre atmosphère ; et que le caractère de notre communion se modifiera d’après le degré d’intelligence que nous aurons de cet amour. Pourquoi, je le demande, chercherions-nous à affaiblir cette communion et diminuer ainsi notre joie en Dieu ? Ne serait-ce pas par la raison que nous savons si peu l’apprécier ?

Le Fils unique du Père s’est « abaissé » afin d’accomplir la volonté divine en faveur de nous, pauvres et misérables pécheurs. Mais le Père souffrira-t-Il que ces pécheurs pour lesquels cette humiliation indicible a été endurée, en profitent pour amoindrir la gloire du Fils ? Cette hypothèse ne saurait se soutenir, comme il nous l’est dit en Jean 5, 23. Jésus avait déclaré que Dieu était Son Père « se faisant égal à Dieu ». Or, se pourrait-il que Dieu ne Le soutînt pas dans Sa déclaration ? Toutefois ceux qui ne reconnaissent pas en Christ le Fils éternel, ne reçoivent pas Sa Parole ; et le Père n’acceptera pas pour Lui-même l’honneur qui ne sera pas rendu au Fils également ; car il est dit : « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé ».

L’Esprit fut donné par Jésus ressuscité. Il souffla sur eux (Jean 20, 22). Le Saint Esprit procéda alors de Lui et devint l’Esprit. Mais supposerait-on par ce motif qu’avant cette époque Il ne fût pas Dieu le Saint Esprit dans la Trinité ? Il en est ainsi du Fils : Il naquit par un miracle. « L’Esprit Saint viendra sur toi », avait dit l’ange à Marie, « et la puissance du Très-haut te couvrira de son ombre ». Ce fut ainsi que Jésus devint le Fils de Dieu. Mais cela peut-il, en quoi que ce soit, modifier ce fait immuable qu’Il était le Fils dans la Trinité ?

Lisez le chapitre 2 de 1 Jean. Il s’adresse à des pères, à des jeunes gens et à des enfants, et il établit une distinction entre ces trois catégories.

« Les pères » sont ceux qui ont connu Christ « dès le commencement ». « Ils demeurent dans sa doctrine car ils ont le Père et le Fils ». « L’onction du Saint » se fait sentir puissamment en eux. Ils ont reçu avec une profonde adoration le témoignage du Fils concernant le Père (Jean 1, 18). Ayant contemplé le Fils, ils avaient vu le Père (Jean 14, 7-11) Ils « gardent la parole » du Fils et celle du Père (Jean 14, 21, 23). Ils savent que le Fils est dans le Père, qu’ils sont dans le Fils et que le Fils est en eux. Ils ne sont pas orphelins.

Les « jeunes gens » sont ceux qui « ont vaincu le malin » ; le malin qui incite le monde à la négation du mystère de Christ (1 Jean 4, 1-6). Toutefois ils ne sont pas établis dans la plénitude de ce mystère. Ils ont triomphé de cet esprit d’inimitié qui existait dans le monde contre Christ, mais il faut que l’apôtre les exhorte à fuir aussi ses séductions et ses pièges.

Les « petits enfants » sont ceux qui ont connu le Père, mais ils sont faibles, et ils ont besoin d’enseignements et d’avertissements. Leur connaissance du Père est imparfaite ; elle n’est pas aussi fortement imprégnée de la connaissance du Fils que l’était celle des « pères ». Il les met donc sur leur garde au sujet des antichrists, qu’il décrit comme détracteurs de la vérité ou de la « doctrine de Christ ». Il leur enseigne que « celui qui nie le Fils n’a pas le Père ». Que si « l’onction » qu’ils ont reçue demeure en eux, ils demeureront certainement dans le Fils et dans le Père ; et que le caractère de la maison de Dieu est tel, que ceux qui ne possèdent pas cette onction ne peuvent y rester. Il leur rappelle que la promesse faite par le Fils est la possession de la vie éternelle. Enfin, il les exhorte à demeurer fermes dans l’enseignement qu’ils ont reçu par l’onction sainte, afin « qu’ils ne soient pas confus devant Lui à son avènement ».

Cette doctrine traite donc de la personne du Fils de Dieu ou de la doctrine de Christ. C’est le degré de leur connaissance de cette vérité capitale, la mesure de la part qu’ils y prennent et non leur caractère chrétien, qui classe les disciples dans les catégories de « pères », de « jeunes gens » et d’« enfants ». Toutes ces exhortations mettent en relief le grand objet de l’épître, le Fils de Dieu ; car depuis le commencement jusqu’à la fin, il n’est question que de Lui. Ainsi c’est le sang du Fils qui purifie ; c’est auprès du Père que nous avons un avocat, et cet avocat c’est le Fils. C’est dans le Fils que l’onction nous fait habiter. C’est le Fils qui a été manifesté pour détruire les œuvres du diable. C’est au nom du Fils qu’il nous est commandé de croire. C’est le Fils qui a été envoyé pour nous apprendre ce qu’est l’amour. C’est la foi dans le Fils qui donne la victoire sur le monde. Le témoignage de Dieu concerne le Fils. C’est dans le Fils que nous avons la vie. C’est le Fils qui est venu ouvrir notre entendement. C’est le Fils en qui nous sommes. C’est le Fils qui est le vrai Dieu et la vie éternelle.

Telles sont les déclarations que nous trouvons concernant le Fils de Dieu. C’est le Fils qui en est l’objet principal, et les pères, les jeunes gens, et les petits enfants sont classés par l’apôtre selon la manière dont ils le comprennent et le saisissent. Dans cette même épître Jean mentionne souvent l’amour et la sainteté, comme des témoignages de la nouvelle naissance. Toutefois dans ses enseignements, il parle d’une confession vraie ou erronée de Christ. Traite-t-il la première comme la chose vitale et pratique, et considère-t-il la confession erronée comme une simple spéculation de l’esprit ? Il ne donne à personne le droit d’établir une semblable distinction. Au contraire, il affirme que l’exercice de la charité et même la pratique de la sainteté, ne prouveraient pas qu’une âme fut née de nouveau à moins qu’elle ne connût et ne confessât le Fils.

Si le regard inspiré d’Ésaïe avait pu suivre Jésus, traversant les villes et les villages de Son pays natal, son âme eût débordé de louanges et d’adorations ! Il avait contemplé Sa gloire dans une vision. Il avait vu le trône « haut et élevé », le cortège remplissant le temple, les séraphins se couvrant la face en présence de la gloire de Jésus dans Son essence divine (És. 6), et l’apôtre Jean nous dit : « Ésaïe dit ces choses lorsqu’il vit sa gloire et qu’il parla de lui » (Jean 12). C’est une foi semblable qu’il nous faut, la foi dans le Fils, dans Jésus, dans Son nom ; ce qu’il nous faut c’est l’intelligence de Sa personne, de cette gloire cachée sous un voile plus épais que l’aile du séraphin, sous l’humble extérieur du Galiléen.

En terminant, souvenons-nous de ce que dit le Seigneur sur « la nourriture convenable », que le « dispensateur fidèle » est appelé à donner aux serviteurs (Matt. 24 ; Luc 12). Prenons garde de ne pas corrompre cette nourriture. Veillons contre les efforts de l’ennemi pour falsifier les provisions de la maison de Dieu.

Les enseignements de Jean sur le Fils de Dieu, et de Paul sur l’Église, sont pour nous une nourriture convenable. Elle est mise en réserve par Dieu pour les saints et nous ne devons pas l’accommoder aux goûts et aux raisonnements du siècle. La manne doit être recueillie telle qu’elle vient du ciel, et devenir le pain céleste des pèlerins.

II

Dans l’histoire de la chair et du sang qui nous est donnée dans l’Écriture, nous apprenons que ce fut le péché qui produisit la mort. Pour tous ceux qui étaient en Adam, voici la sentence : « le jour où tu en mangeras, tu mourras ». Mais pour ce qui concerne la postérité de la femme, Dieu avait dit au serpent : « tu lui blesseras le talon ». La mort de celui qui était la semence de la femme devait être aussi exceptionnelle que Sa naissance. Par Sa naissance miraculeuse, Il devait être manifesté comme la postérité de la femme ; par Sa mort Il devait être blessé au talon. « Dans la plénitude des temps » Celui que Dieu avait annoncé, naquit d’une femme. Le Fils de Dieu participa à la chair et au sang ; Il fut la « chose sainte » dont parle saint Luc.

La mort avait-elle des droits sur Lui ? Aucun ; puisqu’Il était sans péché. Il se soumit à la mort afin de pouvoir accomplir le dessein de Dieu ; mais en dehors de cette soumission à la volonté divine, il n’existait rien dans Sa nature qui dût L’exposer à la mort. Dans l’alliance éternelle, Il s’était offert en disant : « Me voici » ; et Il prit la « forme d’un serviteur » pour glorifier Dieu, et afin d’obtenir pour les pécheurs le pardon et la paix. C’est pourquoi dans la plénitude des temps, « Il se rendit semblable aux hommes et ayant paru comme un simple homme », Il poursuivit la voie de l’humiliation volontaire « jusqu’à la mort de la croix » (Phil. 2, 7, 8).

C’est dans cette voie d’abaissement que nous Le contemplons durant Sa vie. Il voile Sa gloire. Il cache l’aspect de Dieu sous la « forme du serviteur ». Il ne cherche pas l’éclat qui vient des hommes, et ne veut point se manifester au monde.

Jésus cacha sous l’humble figure d’un tributaire de César la splendeur du Seigneur qui avait créé l’univers. On demanda la dîme à Pierre, mais ce fut le Maître qui la paya. Le Seigneur proclama Sa complète liberté, mais afin de ne causer aucun scandale, Il acquitte le tribut pour Lui et pour l’apôtre. Cependant tout en agissant de la sorte, Celui qui s’assujettissait ainsi à César, était le même dont il avait été dit : « La terre appartient à l’Éternel, et tout ce qui y est ». Il ordonna à un poisson de la mer de Lui apporter une pièce d’argent qu’Il remit aux envoyés de César (Matt. 17).

Quel exemple saisissant nous avons de ce précieux mystère concernant Celui qui était « en forme de Dieu », qui disposait des trésors de l’océan, qui avait autorité sur la création, et qui cependant avait « pris la forme de serviteur »[2]. Ce léger incident qui se passa entre le Seigneur Jésus et Pierre nous donne un aperçu de Sa gloire à travers le nuage qui la voilait.

La plénitude de la terre Lui était assujettie au moment même où, dans Son abaissement, Il consentait à être tributaire du Romain. Ainsi dans une autre occasion, aux noces de Cana, ce fut en réalité Jésus qui présida au festin, non seulement comme s’Il eût été l’époux, mais aussi le Créateur de tout ce qui s’y trouvait. Là aussi « Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en Lui ».

Tout cela est caractéristique et instructif pour nous, quant à la voie du Seigneur Jésus.

« Montre-nous un signe du ciel », c’est encore une tentation que les pharisiens placèrent devant Lui pour L’exciter à s’élever (Matt. 16). De même le diable L’avait tenté de se précipiter du sommet du temple et Ses parents eux-mêmes Lui disaient : « Montre-toi au monde ». Mais que dit le serviteur par excellence ? « Il ne vous sera pas donné de signe si ce n’est le signe de Jonas le prophète » ; c’est-à-dire un signe d’humiliation, qui, loin d’imposer silence au monde par une éclatante victoire, donnerait au monde sur Lui un triomphe apparent et momentané.

Toutefois sur la cime de la montagne, en présence de Ses élus, le serviteur parfait se montre pendant un fugitif instant Seigneur de gloire. Au pied de cette même montagne, Il n’était plus que Jésus, le Fils de l’homme, recommandant aux siens de ne raconter la vision à personne jusqu’à ce qu’Il fût ressuscité.

Contemplons-Le aussi dans la barque sur le lac pendant la tempête. Il se tenait là comme un homme fatigué du labeur du jour, et auquel le sommeil est précieux. Mais sous cet humble extérieur brillait « la forme de Dieu ». Il se lève, Il parle en Seigneur « qui assemble les vents dans ses poings, et qui serre les eaux dans sa robe » (Prov. 30, 4). Il parle, et le vent s’apaise.

Notre Jésus nous apparaît parfois dans toute la gloire du Jéhovah d’Israël. Jadis Dieu avait commandé aux poissons de la mer, et une baleine fut envoyée pour engloutir Jonas et lui servir de sépulture pendant le temps qui avait été déterminé. Et de même, Jésus en Son temps se manifesta comme le Seigneur de cette mer profonde et spacieuse, appelant une multitude de ses habitants dans les filets de Pierre (Luc 5).

Nous admettons que le voile qui couvrait Jésus de Nazareth, le fils du charpentier, était épais ; mais la gloire cachée sous la nuée était infinie. C’était la gloire de Jéhovah dans toute sa plénitude. « Il n’a pas regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu », bien qu’Il se soit anéanti Lui-même. La foi comprend cette gloire voilée. L’amour la garde comme un trésor. « Qui est monté aux cieux, ou qui en est descendu ? Qui a assemblé le vent dans ses poings ? Qui a serré les eaux dans sa robe ? Qui a dressé toutes les bornes de la terre ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils, si tu le connais ? » (Prov. 30, 4).

Nous n’essaierons pas de la décrire, mais quand Jésus passe à côté de nous, nous apprendrons comme Moïse à courber la tête et à adorer (Ex. 34). C’est pour l’âme une tâche bénie que de découvrir la gloire et la beauté dérobées aux regards du monde. Beaucoup d’entre nous qui ne voudrions pas ternir cette gloire, pouvons-nous nous montrer lents à la comprendre et nous méprendre sur la manière dont elle se manifeste et sur la forme qu’elle revêt ?

Le Fils de Dieu est venu sur la terre offrant en Lui le contraste le plus complet avec celui qui doit venir « et devant lequel toute la terre sera dans l’admiration » (Apoc. 13, 3). Jésus ne vint pas étonner le monde, et commander son admiration. Il se présenta dans l’abaissement. Il venait au nom de Son Père, et non au sien ; Il avait la vie en Lui-même, Il était égal à Celui dont il est écrit : « Lui seul possède l’immortalité ». Mais Il cachait la splendeur de la gloire divine sous une forme humaine et Il consentit, pour protéger Sa vie, à se servir des moyens les plus ordinaires jusqu’à ce que Son « heure fût venue » (Jean 17, 1).

Si nous avions des cœurs disposés à l’adoration, cette pensée serait pour nous pleine de bénédictions. Se peut-il que nous soyons si dépourvus d’intelligence spirituelle que nous ne comprenions pas de telles choses, et que cette gloire cachée, il faudrait que nous la vissions pour y croire ! cette gloire qui est assez puissante pour embraser comme la fournaise chaldéenne tous les adversaires ! Car à la fin, quand l’heure fut venue (et les puissances des ténèbres devaient avoir leur heure), les serviteurs de ces puissances ennemies, mis en présence de cette gloire, furent renversés dans la poussière ; d’où nous tirons cette importante leçon : Jésus était alors un captif volontaire, comme plus tard Il fut une victime volontaire. Car la mort qui est la conséquence du péché, n’aurait pu toucher le Saint et le Juste, s’Il ne l’eût acceptée dans les conseils éternels.

Le Seigneur éprouva-t-Il quelques craintes à l’égard des embûches de Ses implacables ennemis, les pharisiens ? Eut-Il la pensée de mettre Sa vie en sûreté ? Je ne le crois pas. Il parcourait une voie parfaitement conséquente dans chaque période de Sa vie de serviteur. Il ne voulait point, comme je l’ai déjà dit plus d’une fois, se faire un nom honoré dans le monde, mais obtenir par Son humiliation et par Sa mort, « un nom au-dessus de tous les noms », un nom dans « lequel les Gentils espéreraient » (Phil. 2 ; Rom. 15).

Et quand l’épée d’Hérode menaça la vie du Seigneur Jésus, avec quelle dignité Il se mit au-dessus de ce danger ! Il savait bien que toutes les combinaisons du roi, dût-il ajouter la violence à la ruse, ne L’empêcheraient pas de suivre jusqu’au bout le chemin qui Lui était tracé, d’achever l’œuvre que le Père Lui avait donnée à faire, et finalement d’être consacré. Or, nous savons que cette consécration ou ce perfectionnement devait se faire, non pas par le triomphe d’Hérode ou des Juifs, mais par le fait de l’oblation volontaire par laquelle Christ devint le chef de notre salut, « consommé par les souffrances » (Héb. 2).

Que de gloires se voilent sous l’abaissement de Celui qui ne devait rencontrer que le mépris et l’inimitié de Son peuple !

Relevons encore un incident digne de toute notre attention et qui eut lieu au début du ministère de Jésus dans Sa propre ville. Les hauteurs de Nazareth ne mettaient pas Sa vie plus en péril que le faîte du temple. Ce n’était pas la mort de Jésus que Satan cherchait lorsqu’il essaya de Le pousser à se jeter en bas sur la foi d’une promesse. Il Lui avait présenté comme à Ève dans le jardin d’Éden la tentation de se rendre semblable à Dieu. Il voulait éveiller dans l’âme du Christ « l’orgueil de la vie ». Mais Jésus garda « la forme de serviteur » dont Il s’était revêtu. Il ne voulut point se précipiter, Il se souvint avec soumission de cette parole : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ». À Nazareth il en fut de même. La montagne sur laquelle cette ville était bâtie n’était pas plus élevée que le sommet du temple. Nous ne doutons pas que le Christ ne fût tombé de cette hauteur sans aucun péril pour Sa vie ; mais « Il ne cherchait pas sa gloire de la part des hommes », et « passant au milieu d’eux Il s’en alla ».

Maintes fois pendant les jours de Sa chair, Jésus fut rafraîchi en esprit quand la foi savait discerner Sa gloire sous le voile qui en dissimulait l’éclat. Et maintenant aussi, Il se réjouit en esprit quand les saints font preuve de ce même discernement.

Craignons de traiter avec trop peu de respect le mystère de l’assujettissement volontaire du Fils de l’homme ; gardons-nous de nous servir des incidents où Il a manifesté avec le plus d’abnégation Sa soumission envers Dieu, et Sa grâce envers nous, pour essayer de prouver les conditions purement mortelles de la chair et du sang auquel le Seigneur a participé à cause de nous. Non, Jésus ne pouvait succomber jusqu’à ce que « son heure fût venue » ; et le désir qui se manifeste d’affirmer le contraire est la preuve que « les portes de l’enfer » essaient de prévaloir contre la personne du Fils de Dieu. Si l’on prétend ainsi faire ressortir l’humanité réelle du Seigneur, cette justification elle-même doit éveiller notre méfiance ; car est-ce une simple humanité que nous contemplons dans la personne du Christ ? N’est-ce pas quelque chose d’infiniment plus élevé, Dieu manifesté en chair ? Il ne pourrait être mon Sauveur à moi, pécheur, s’Il n’était pas le compagnon de Jéhovah (Zach. 13, 7). Aucune créature, « fût-ce un archange », ne pouvait produire une justice méritoire. Une créature doit à Dieu tout ce qu’elle peut Lui rendre ; et Celui « qui n’a point regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu », pouvait seul « prendre la forme d’un serviteur ». Tout être créé est né serviteur, et aucune créature ne saurait accomplir une seule œuvre de surérogation[3], ni obéir à la place d’autrui : Celui qui avait le droit de revendiquer l’égalité avec Dieu était seul capable de devenir notre substitut. Et si Christ n’avait pas été Dieu, Son œuvre, Son témoignage, Ses souffrances, Sa mort elle-même, n’auraient rien pu pour notre salut. Sa personne fait l’efficacité de Son sacrifice, et c’est ainsi qu’Il est notre rocher. Ce fut la confession de la divinité de Sa personne, faite par un homme qui ignorait encore la nature de Son œuvre et de Son sacrifice, qui amena le Fils de Dieu à déclarer que sur cette pierre l’Église devait être bâtie, mystère que Satan et « les portes de l’enfer » devaient sans cesse assaillir. La lutte dure encore, et il est facile de retrouver le même dessein dans toutes les attaques, qu’elles soient ouvertes ou dissimulées, qui sont dirigées contre le Fils de Dieu. Mais d’où provient la force qui s’oppose à ces assauts ? Le Père se préoccupe de la gloire du Fils ; lisez Jean 5, où le secret de la lutte nous est révélé ; le Fils s’est abaissé ; Il ne peut rien faire par Lui-même, mais le Père protège l’honneur de Son Fils ; Il veillera sur Ses droits divins par une parole qui est une sentence : « celui qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé ».

Le Saint Esprit, dans Ses enseignements, traite avec patience les ignorants et les faibles ; le Seigneur usa du même support. « Je suis si longtemps avec vous, et tu ne m’as point connu, Philippe ! ». Mais Dieu ne permet aucune dépréciation de la personne de Christ. Les écrits de Jean nous le prouvent. Ils nous développent la gloire du Fils de Dieu, et ils condamnent avec une sévérité redoutable tous ceux qui oseraient y porter atteinte.

Dans un sens, les Juifs étaient les meurtriers de Jésus, et nous participons tous à la même condamnation. Les Juifs ont volontairement assumé sur eux la responsabilité du sang de ce « Juste », qui allait être répandu. Moralement, ils étaient en effet Ses meurtriers, bien que ce ne fût ni la lance, ni la croix, ni aucune cause purement naturelle qui Lui ôtèrent la vie. Il la livra de Son plein gré par un acte de Sa volonté. L’homme naturel ne reçoit pas ces choses, mais la foi les accepte pleinement. « Personne ne m’ôte la vie mais je la laisse de moi-même ; j’ai le pouvoir de la laisser et le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu ce commandement de mon Père ». Jésus possédait le libre arbitre et cependant Il était assujetti à la volonté du Père.

Le Fils de Dieu mourut sur le bois où L’avaient cloué les mains des méchants, et où la grâce de Dieu et Ses conseils éternels L’avaient placé ; c’est là qu’Il mourut, et Il mourut crucifié. L’Agneau fut immolé. Dieu s’était pourvu de cette sainte victime comme oblation pour le péché. Et cependant l’Agneau s’offrit Lui-même en sacrifice. Ce n’était ni l’épuisement produit par la souffrance physique ou morale, ni la douleur de la crucifixion qui amenèrent la mort. Lui-même Il rendit l’esprit ; et aussitôt avant cet acte suprême, il nous est dit qu’Il cria à haute voix. Pilate s’étonna qu’Il fût mort si tôt et se refusait à le croire ; il dut s’en rendre compte lui-même, car Jésus n’avait pas été encore assez longtemps sur la croix pour que Sa mort fût expliquée. On brisa les jambes des deux larrons, mais Jésus était déjà mort, et il fallut que Pilate l’apprît de la bouche de témoins oculaires pour l’admettre. Nous devrions bénir Dieu de nous avoir présenté un tel tableau de Son Agneau immolé, de notre Sauveur crucifié et mis à mort. Jésus était libre, et cependant assujetti. La foi saisit cette antithèse apparente et accepte ce mystère que révèle la Parole ; « ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19, 30). Il fut obéissant jusqu’à la mort et cependant Il pouvait dire : « Je laisse ma vie ; personne ne me l’ôte, mais je la laisse de moi-même ».

Pendant Son passage sur la terre, le Fils de Dieu voile Sa gloire et dissimule la « forme de Dieu » sous celle d’un « serviteur » (Phil. 2) ; mais cette gloire avait été reconnue dans toutes les sphères de la domination de Dieu. Les hommes, la mort, le sépulcre, les démons, les bêtes des forêts, les poissons de la mer, les vents, les vagues, le blé, le vin, en avaient subi la puissance. Il était le maître de la moisson, et cependant Il apparut comme un des ouvriers dans le champ du maître. Il était le Dieu du temple et le Seigneur du sabbat, mais Il se soumit aux attaques et aux défis d’un monde incrédule et méchant.

Tel est le voile sous lequel Jésus cachait Sa majesté divine. Mais en quelque position qu’Il se trouvât, Il était toujours et partout le Seigneur de gloire, le Prince de la vie, volontairement un serviteur ; de même qu’Il fut à la fin volontairement victime d’oblation : Fils de Dieu, et bien que manifesté en chair, Fils de toute éternité.

III

« Je me confierai en Lui »

Ce fut un merveilleux spectacle pour ceux auxquels il fut donné de le contempler, que le Seigneur Jésus calmant par Sa puissance la tempête sur la mer de Galilée. Il le serait encore à présent pour nous, si nos âmes étaient capables d’apprécier les gloires du Christ. On parle beaucoup des lois de la nature et des progrès de la science ; mais la première loi de la nature, c’est d’obéir à son Créateur. La mer de Galilée suit en un clin d’œil la présence de Celui qui, selon Son bon plaisir, transforme ou arrête le cours naturel des choses, et répond à Sa parole.

C’est que c’était Jésus Jéhovah, le Dieu auquel la mer Rouge et le fleuve du Jourdain obéissaient jadis : « Ô mer, qu’avais-tu pour t’enfuir ? et toi, Jourdain, pour te retourner en arrière ? Montagnes, avez-vous sauté comme des moutons, et vous coteaux, comme les agneaux ? Ô terre tremble pour la présence du Seigneur » (Ps. 114). C’est la présence de Dieu qui répond à la question. Qu’il s’agisse de la mer Rouge ou de la mer de Galilée, tout s’explique par la présence de Dieu. « Il parla et cela fut fait ».

Nous lisons que le Seigneur avait permis qu’à la voix d’un homme, le soleil et la lune s’arrêtassent dans les cieux. Josué parla au Seigneur, et Dieu combattit pour Israël. C’était là un incident merveilleux, et le Saint Esprit le représente comme tel. « Le soleil donc s’arrêta au milieu des cieux, et ne se hâta point de se coucher pendant un jour entier ; et il n’y a point eu de jour semblable à celui-là, avant ni après, l’Éternel exauçant la voix d’un homme ».

Mais Jésus agissait immédiatement de soi-même, et sans qu’aucun étonnement soit manifesté par l’écrivain sacré en racontant l’incident. Ceux qui ressentirent de la surprise étaient des disciples encore mal affermis dans leur foi.

Considérons aussi la nuée qui apparut à Israël aussitôt qu’il eut été racheté par le sang en Égypte, et qui l’accompagne dans le désert. La nuée servait de guide au camp, mais elle était aussi le voile qui couvrait la gloire du Seigneur. Cette gloire était souvent voilée, parfois manifestée, mais toujours présente pour conduire et accompagner Israël. Celui qui était assis entre les chérubins, traversa le désert devant Éphraïm, Benjamin et Manassé (Ps. 80). La gloire s’environna de la nuée qui précédait Israël, sous laquelle elle conduisait le peuple ; et aussi, malgré l’apparence humble et voilée sous laquelle elle habitait dans le lieu saint, elle revendiquait en même temps les divins honneurs du sanctuaire.

Tel fut Jésus, Dieu manifesté en chair, caché pendant Son séjour sur la terre sous la « forme d’un serviteur », toujours égal à Dieu dans l’adoration des saints ; et parfois apparaissant dans toute la splendeur de l’autorité divine.

Lorsque le peuple d’Israël arriva sur les bords de la mer Rouge, il avait besoin d’une protection puissante. La nuée vint se placer entre les Égyptiens et les Israélites ; pour les uns elle n’était que ténèbres, pour les autres qu’une vive lumière, de sorte que les Égyptiens ne purent s’approcher du camp pendant toute la nuit. Quand le jour fut venu, la gloire, c’est-à-dire le Seigneur, se tourna vers l’armée d’Égypte et y porta le trouble. Et dans une circonstance semblable, Jésus agit de la même manière. Il se place entre les disciples et leurs ennemis. « Si c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci ». Il les protégea par Sa présence comme Il l’avait fait autrefois pour les Israélites, et puis, au travers de la nuée qui voile Sa gloire, d’un regard, Il jette le trouble parmi les adversaires : « Dès qu’il eut dit : C’est moi, ils reculèrent et tombèrent par terre ».

Mais les enfants d’Israël en traversant le désert avaient besoin d’avertissements aussi bien que de protection. Il fallait qu’ils fussent disciplinés aussi bien que rachetés, et la gloire cachée sous la nuée accomplit pour eux cette œuvre divine (Ex. 16 ; Nomb. 14 ; 16 ; 20). Ainsi Jésus, affligé de l’endurcissement ou de l’incrédulité de Ses disciples, accompagne par des paroles de réprimande les signes de Sa puissance ; comme, par exemple, sur le lac de Tibériade, Il dit aux disciples : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? » et « puis il parla avec autorité aux vents et dit à la mer : Tais-toi ».

La gloire était le Dieu d’Israël (Éz. 43, 4 ; 44, 2) et Jésus de Nazareth était le Dieu d’Israël ou la gloire (És. 6, 1 ; Jean 12, 41). Le Nazaréen voilait une gloire qui, dans sa plénitude, était inaccessible.

La gloire des gloires, le Seigneur des anges, le Créateur des saints de la terre, le Dieu du ciel, était caché sous l’humble désignation de fils du charpentier, et Il en acceptait toutes les conséquences.

C’est au Saint Esprit qu’il appartient de développer ce mystère (Héb. 2). Il fallait que la grâce de Dieu se répandît à la gloire de Celui à qui et par qui sont toutes choses (Héb. 2, 9, 10). Nous avons là les abondantes sources d’où découle ce magnifique dessein de Dieu, ce mystère de la rédemption par l’humiliation du Fils de Dieu, qui doit imprimer son caractère à l’éternité elle-même. La grâce divine devait se manifester, et la gloire divine devait y trouver sa plus parfaite expression ; tout provient de cette source ineffable. Jésus participa à la chair et au sang, Il endura la mort ; Il subit des tentations semblables à celles de Ses frères, le péché excepté ; Il connut la communion avec Dieu, les expériences intérieures, la sympathie avec les saints — la vie de la foi sur la terre avec ses prières et ses larmes, la vie de l’intercession dans le ciel. Il avait toute aptitude pour être à la fois une oblation et un sacrificateur, Il possédait toute puissance pour secourir et pour purifier, pour satisfaire les désirs de nos âmes, ainsi que l’attente des gloires à venir.

Ce fut en vue de toutes ces choses que le Fils de Dieu prit place sur la terre ; Il était dépendant, obéissant, plein de foi, plein d’espérance, et aussi affligé, rejeté, méprisé, crucifié, enseveli, afin que tout ce qui avait été ordonné dans les conseils éternels de Dieu fût pleinement accompli. À cette fin Il s’anéantit, mais ni Son abaissement, ni Ses souffrances ne purent atténuer en Lui la dignité de Sa personne. La parole créatrice : « Que la lumière soit ! » n’était pas plus en harmonie avec la majesté de Sa personne, que ne le furent Ses supplications et Ses larmes « pendant les jours de sa chair ».

C’était le même Jésus, Dieu manifesté en chair, qui reposa dans la crèche et qui fut cloué à la croix. Les bergers et les mages L’adorèrent dans l’étable. Dans le temple, Siméon, « averti divinement par le Saint Esprit », au lieu de bénir l’enfant qu’il tenait dans ses bras, bénit sa mère et Joseph (Luc 2) ; car il tenait Jésus dans ses bras, non comme un faible enfant, mais « comme le salut de Dieu ». Et ce fut dans ce caractère glorieux qu’il L’éleva dans ses bras, et se réjouit en Lui.

Ce fut dans le même esprit qu’Anne la prophétesse reçut l’enfant Jésus. Et même avant sa naissance, l’enfant que portait Élisabeth tressaillit dans son sein à la salutation de Marie. De même, avant que la vierge eût conçu, l’ange Gabriel proclama Celui dont il annonça la naissance miraculeuse, comme le Dieu d’Israël, devant la face duquel le fils de Zacharie devait marcher. Et enfin Zacharie lui-même étant « rempli du Saint Esprit » Le reconnaît comme le Seigneur auquel appartenait le peuple d’Israël, et comme « le soleil levant » qui devait les visiter « d’en haut ».

L’obéissance, l’abnégation de Lui-même, une subordination qui avait un caractère tout particulier, se montraient dans chaque acte de Jésus. Celui qui naquit à Bethléhem, qui fut circoncis, baptisé, oint, qui fut le serviteur, l’homme de douleurs, le crucifié, le ressuscité, passa sur la terre sous le regard de Dieu. Au sein de la vierge, dans les solitudes de Nazareth, dans Sa vie active au milieu des villes et des villages d’Israël, dans le sacrifice suprême de la croix, dans la gloire de la résurrection, « l’admirable » avait été toujours l’objet de la dilection et de la contemplation de Dieu. Il était parfait en toutes choses et Il renouvelait la joie que Dieu dut éprouver quand Il créa l’homme à Son image.

La dignité de la personne de Jésus répandit sur toute Sa vie de serviteur obéissant, une gloire qui centuplait la valeur de cette obéissance. Non seulement parce qu’Il rendait à Dieu un service volontaire ; mais aussi parce que Jéhovah l’appelle Son « compagnon » ; et qui pourra jamais mesurer l’étendue d’une telle gloire !

Nous le comprenons en partie d’après notre expérience personnelle. Plus la condition de celui qui nous sert est élevée, plus nous attacherons de prix à son service. Et cela est naturel, puisqu’il a dû se renoncer d’autant plus pour se dévouer à nous ; et en acceptant le service, nous ne pouvons perdre de vue la dignité de la personne qui nous le rend.

Il en est de même à l’égard du précieux mystère sur lequel nous méditons. L’obéissance de Jésus comme serviteur était parfaite, infiniment digne de toute acceptation ; mais les actes eux-mêmes étaient rehaussés de toute la valeur de la personne qui les accomplissait et qui leur donnait une gloire et un prix sans pareils.

Cette même valeur qui rendait inestimables les services de Sa vie terrestre, caractérisa plus tard Sa mort. Ce fut Sa personne elle-même qui donna à Son sacrifice son véritable prix, et ce fut la dignité de Sa personne qui répandit sur Sa vie d’abaissement et d’obéissance une gloire toute spéciale. Dieu pouvait accepter pleinement l’un et l’autre. En contemplant ce symbole du voile déchiré, la foi y découvre l’expression du bon plaisir du Père sur chaque acte de la vie de Jésus[4]. Que Dieu nous donne des yeux pour voir, des oreilles pour entendre pendant que nous suivons les voies de Jésus depuis la crèche jusqu’à la croix ! Toutefois, que nous les comprenions ou non, ces choses merveilleuses n’en existent pas moins. Pendant toute Sa vie d’assujettissement, Dieu trouvait Ses délices en Jésus, dans ce qu’Il faisait, dans ce qu’Il était. L’obéissance a été glorifiée en Sa personne et manifestée dans Sa beauté, dans toute Sa perfection, en sorte que nous pouvons dire non seulement que Dieu s’est toujours complu en Lui, mais aussi que cette satisfaction s’est constamment maintenue dans sa plénitude et qu’elle dépasse les limites de l’intelligence humaine.

La « forme de serviteur » était aussi bien une réalité que la « forme de Dieu » en Jésus. Seulement, l’une était une réalité qu’Il avait prise sur Lui, l’autre une réalité intrinsèque, essentielle. Ainsi donc, Ses voies étaient celles d’un serviteur, de même qu’en tant que Fils Ses prérogatives étaient celles de Dieu Lui-même. Il passait des nuits entières en prière. Il vivait par la foi, modèle parfait du croyant comme Il nous est dépeint, « l’auteur et le consommateur de notre foi ». Il fit de Dieu Son refuge dans la douleur. En présence de Ses ennemis, « il se remettait à celui qui juge justement ». Il n’accomplit pas Sa propre volonté bien qu’elle fût toujours parfaite, mais Il fit la volonté « de Celui qui l’avait envoyé ». Ce fut ainsi que la « forme du serviteur » fut manifestée en Lui dans toute sa perfection. C’était là une grande et vivante réalité. Depuis le commencement jusqu’à la fin ce serviteur vécut par la foi.

Dans l’épître aux Hébreux, Jésus nous est présenté comme « l’apôtre et le souverain sacrificateur de notre profession » et aussi comme « le chef et le consommateur de la foi ». Comme sacrificateur, Il est Celui qui soulage nos consciences troublées, et qui nous vient en aide dans nos tentations diverses ; comme chef et consommateur de la foi, Il nous encourage à vivre de la vie de la foi. Dans le premier cas, Il est seul, et Il agit pour nous ; dans le second, Il est associé à une « nuée de témoins » et Il se place devant nous comme notre exemple dans le combat et dans la vie de la foi. Mais ne perdons pas de vue la distinction que fait le Saint Esprit. Il nous appelle à contempler Jésus, et non les témoins dont nous sommes environnés.

Observons aussi que ce fut la « contradiction des pécheurs », qui fit de la vie de Jésus, une vie d’épreuve et de foi. Un grand nombre de saints engagés comme Lui dans le « bon combat » eurent à subir des persécutions, des tortures et des outrages auxquels les exposait l’inimitié des hommes. Mais ce conflit n’est pas appelé « la contradiction des pécheurs contre eux ». Ces expressions ont une puissance, une élévation qui ne conviennent qu’à cette vie de la foi où combattit Jésus, et dont le Saint Esprit nous a donné la description au psaume 16. Le Fils de Dieu nous y est désigné comme Celui dont la foi rend présentes les choses qu’on espère, étant une démonstration de celles qu’on ne voit point (Héb. 12, 2, 3). Il jouit de la portion du sacrificateur, Il s’est toujours proposé l’Éternel devant Lui et Il sait « qu’Il est à sa droite, et qu’il ne sera point ébranlé ». Il attend aussi les plaisirs qui sont à la droite de Dieu, et Il verra Sa face qui est un rassasiement de joie.

Le psaume 116 décrit le couronnement de Sa vie de foi, par Sa résurrection dans la joie et dans les actions de grâce ; et l’apôtre, dans le même esprit de foi, attend avec une pleine assurance la joie de sa propre résurrection avec son Seigneur et son précurseur (2 Cor. 4, 13, 14).

« Je me confierai en Lui », c’est là l’expression de la vie tout entière de Jésus, mais Sa foi était de l’or sans alliage, qui, de la fournaise où Il était éprouvé, sortit aussi pur qu’Il y était entré. Il est nécessaire que les saints soient purifiés dans la fournaise de l’épreuve. Il faut que l’impatience, l’égoïsme, l’esprit de murmure soient détruits ou réduits au silence (Ps. 72 et 77). Job a failli devant l’épreuve, bien que maintes fois il eut lui-même fortifié les faibles et consolé les affligés par ses exhortations. Les plus forts sont parfois ceux qui sont plus facilement terrassés. Pierre s’est endormi en Gethsémané ; il a proféré des mensonges et des blasphèmes au prétoire. Mais toutefois un homme a existé dont la valeur inestimable s’est manifestée au sein même de la fournaise chauffée à sept degrés. Lisez Luc 22. Contemplez Jésus dans ce récit à l’heure de l’épreuve de la foi. Tout d’abord Il se trouve aux prises avec la douleur qui L’attend, puis avec Ses disciples, puis avec Son Père, et enfin avec Ses ennemis. Mais contemplez la perfection indicible de cette foi éprouvée par le feu. Toute la vie de Jésus fut une vie d’obéissance, de foi. D’un côté, elle était celle du Fils de Dieu qui avait pris la forme de serviteur, s’abaissant jusqu’à subir la mort, bien qu’Il « n’eût point regardé comme une usurpation d’être égal à Dieu ». D’autre part, c’est bien réellement la vie de la foi que connut Jésus. « Je me confierai en lui ». « Je me suis toujours proposé l’Éternel devant moi ; puisqu’il est à ma droite je ne serai pas ébranlé ». Et cette vie de dépendance et de foi trouva sa réponse dans la protection de Dieu. « Celui qui se tient dans la demeure du souverain, se loge à l’ombre du Tout-puissant ». La foi du serviteur sur la terre fut parfaite, comme le fut aussi la réponse de Celui qui habitait dans les cieux (Ps. 91).

La sollicitude qui veilla sur Lui était infatigable, et L’accompagna depuis le sein de Sa mère jusqu’au tombeau. Le Saint Esprit avait déclaré par les prophètes qu’il en serait ainsi : « C’est toi qui m’as tiré du sein de ma mère ; qui m’as mis en sûreté lorsque j’étais aux mamelles de ma mère ». « Tu maintiens mon lot » ; « ma chair habitera avec assurance, car tu n’abandonneras point mon âme au sépulcre, et tu ne permettras point que ton saint sente la corruption ».

Ces tendres soins dont le Père entourait le Fils étaient tout pour Lui. Par cette vigilance continuelle Il fut protégé quand l’ange apparut à Joseph et lui donna l’ordre de s’enfuir en Égypte avec le petit enfant et sa mère. Celui qui gardait cet Israël ne sommeillait point.

Mais loin de porter atteinte aux droits divins de Jésus, ces détails en tirent toute leur signification. Si la personne de Jésus n’est pas défendue et honorée, la joie du Père qui s’en occupait avec une si tendre sollicitude, n’a plus de raison d’être. Et l’acceptation de ces relations devenait de la part de Jésus un acte d’abaissement à cause de la majesté inhérente à Sa personne. Jésus était aussi réellement « Dieu manifesté en chair » dans les bras de sa mère sur la route d’Égypte, qu’en sortant de Gethsémané quand l’aspect de Sa personne pleine de gloire et de majesté renversa les ennemis qui venaient pour Le saisir. Il était aussi parfaitement Emmanuel quand Il était couché dans la crèche de Bethléhem, qu’Il l’est à cette heure à la droite de Dieu. On se méprend sur Sa personne et sur ce qu’Il était, si l’on ne reconnaît pas que tous les incidents de Sa vie, depuis le commencement jusqu’à la fin, étaient la conséquence de Son abaissement volontaire — mais en contemplant ce glorieux mystère de l’incarnation sous un autre aspect et quant à la position que Jésus avait prise, nous voyons la vigilance et les tendres soins dont le Fils était continuellement l’objet de la part du Père.

Ce sont là des points de vue différents sous lesquels les évangélistes présentent le Seigneur. Il était l’objet de la sollicitude du Père et l’égal de Jéhovah. Si Jésus avait avec Dieu ces relations de dépendance réglées dans les conseils éternels, de même toutes les créatures, soit terrestres soit célestes, humaines ou angéliques, ont les mêmes relations avec Lui.

Il pouvait dire : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai », comme le Saint Esprit a pu affirmer que « le Dieu de paix a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis ». Les ennemis qui en voulaient à Sa vie, tombèrent à la renverse à l’ouïe de quelques mots prononcés par Jésus, et cependant Il reconnaissait si complètement les soins et la protection du Père qu’Il pu dire : « Penses-tu que je ne puisse pas maintenant invoquer mon Père, et il me fournirait plus de douze légions d’anges ? ». Il guérit en la touchant l’oreille de Malchus, et quelques instants après Il permit que Son propre front fût ceint d’une couronne d’épines. Dans la profondeur de Son humiliation, Il demanda la sympathie des siens. « Vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ! » et puis, quelques heures plus tard Il refusa la compassion des femmes de Jérusalem, et Il honora la foi d’un malfaiteur expirant en lui promettant le paradis. Car même dans Son plus grand abaissement Il resplendit de gloire, et Il fait comprendre aux pécheurs que ce n’est pas la compassion des hommes qu’Il recherche, mais leur foi ; qu’Il ne désire pas exciter des émotions purement humaines, mais demande qu’on reçoive, dans la foi du cœur, et pour la pleine paix de la conscience, les bienfaits de Ses souffrances, et qu’on reconnaisse que cette croix méprisée comme une folie par les sages de ce monde, est la colonne qui doit soutenir éternellement la création de Dieu.

Les manifestations de la nature du Fils de Dieu, quoique diverses, s’harmonisent parfaitement ; parce que Sa dignité est réelle, Son humanité le serait-elle moins ? Les larmes que Jésus versa sur Jérusalem étaient aussi vraies que si Son cœur n’avait éprouvé que cette douleur d’un Sauveur rejeté par une nation incrédule et rebelle ; et cependant la joie qu’Il ressentait dans la contemplation des desseins de la sagesse divine était également une réalité. « Malheur à toi Chorazin », était aussi bien l’expression de la pensée de Jésus, que l’était Son invocation : « Je te rends grâce, ô Père ». Et de même, la « forme de serviteur » dans toutes ses perfections, et la « forme de Dieu » avec toute la gloire qui lui était propre, manifestaient dans la même personne des mystères réels et vivants.

Et n’est-ce pas là un des traits de l’obéissance de la foi, que de s’arrêter de temps en temps, tout en étudiant les différents incidents de la vie de Jésus, pour contempler avec une plus grande attention Sa personne elle-même. « La crainte du Seigneur est nette ». Mais il y a une crainte où se mêle un levain de légalisme et d’incrédulité ; et tel est le refus de contempler ces merveilles. Le mystère est insondable ; j’en conviens. Ce fut aussi devant un spectacle étrange que s’arrêta Moïse et qu’il déchaussa les souliers de ses pieds. S’il n’en avait pas agi ainsi, il se fût éloigné sans avoir reçu la bénédiction ; mais il demeura jusqu’à ce qu’il eût découvert que l’Éternel, « Je suis », était dans le buisson ardent. Étrange tabernacle pour contenir une telle gloire !

Si nous gravissons le Calvaire pour y contempler le « Berger frappé », et si l’œil de notre entendement est ouvert, qui découvrirons-nous sur le bois maudit, si ce n’est Celui que la Parole de Dieu appelle « le compagnon de Jéhovah » (Zach. 13) ? Et si nous nous mêlons à la foule impie qui encombrait le prétoire à Jérusalem, qui trouverons-nous dans cet homme outragé, insulté, souillé de crachats, si ce n’est Celui qui a desséché la mer Rouge et qui couvrit de ténèbres la terre d’Égypte (És. 1) ?

Le Saint Esprit, dans les sept premiers chapitres de l’épître aux Hébreux, nous démontre avec une grande clarté que l’efficacité de la sacrificature de Christ dépend entièrement de la majesté de Sa personne. Il est indispensable que dans ce souverain Sacrificateur nous trouvions un homme toujours prêt à secourir Ses frères parce qu’Il a été tenté comme eux, et que nous Le voyions entrer dans les cieux après avoir traversé les souffrances et les douleurs de la terre. Mais il est également de toute nécessité que dans ce souverain Sacrificateur nous trouvions le Fils, parce que nul autre que Lui ayant participé à la chair et au sang ne pouvait posséder « la puissance d’une vie impérissable ». C’est ainsi que Melchisédec représente la personne aussi bien que les vertus, les dignités, les droits et l’autorité du véritable prêtre de Dieu (Héb. 7, 1-3). « Sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement de jours ni fin de vie, mais assimilé au Fils de Dieu, il demeure sacrificateur à perpétuité ». Et quel aperçu cette description nous donne du « souverain Sacrificateur de notre profession » ! II descendit du ciel dans toute la gloire du Fils ; et, dans la plénitude des temps, Il est monté au ciel portant avec Lui l’efficacité de Son sacrifice pour le péché, et ces compassions infinies qui viennent en aide aux saints sur la terre.

La foi se plaît à considérer Jésus dans toutes Ses voies. Elle reconnaît en Lui le Fils pendant Son séjour parmi nous ; et quand Sa vie de souffrance et d’abaissement se termine ici-bas, la foi confesse Celui qui a été rejeté, crucifié par le monde, comme l’homme glorifié dans le ciel. Dieu manifesté en chair ici-bas, l’homme caché dans la gloire là-haut, c’est toujours la même personne. Oui, cela nous est dit de Sa voie bénie ! « Dieu a été manifesté en chair, justifié en esprit, vu des anges, prêché parmi les nations, cru au monde et élevé dans la gloire ».

Il y a un passage bien remarquable en Philippiens 2, où l’apôtre inspiré, après avoir parlé de l’humiliation de Jésus, ajoute ces mots : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé ». Ici nous nous étonnons de nouveau. Qu’est-ce qui pouvait élever Jésus ? Avant qu’Il ne fût entré dans cette voie de souffrances et de gloire, Il était par Lui-même infiniment glorieux. Cette gloire indicible qui était inhérente à Sa personne, en Sa qualité de Fils, ne pouvait s’accroître. Cependant nous Le voyons suivre une voie qui Lui concède une gloire plus excellente encore et qui, dans un sens, Lui est plus précieuse que toutes les autres. Une similitude très simple expliquera notre pensée. Supposons qu’un fils de roi obtienne par lui-même des honneurs : les dignités qu’il s’est acquises, bien qu’elles ne puissent pas lui procurer un rang plus élevé, auront plus de prix à ses yeux que toutes celles que sa position princière lui offre, et, bien plus que sa naissance, elles obtiendront pour lui l’estime et l’approbation de son pays.

Cette comparaison qui est à la portée de toutes les intelligences, peut jeter quelque clarté sur le précieux mystère que nous considérons. Selon les conseils éternels, le Fils de Dieu s’est mis à la brèche, et les victoires qu’Il a remportées, et les honneurs qu’Il s’est acquis seront pour Lui un sujet de joie pendant l’éternité. Il sera manifesté à la lumière de ces hauts faits qui feront Sa gloire à jamais. Jéhovah-Jiré, Jéhovah-Sophi, Jéhovah-Shalom, Jéhovah-Tsidkena, Jéhovah-Nissi, sont tous des noms qu’Il a acquis.

Et ces titres ont pour Jésus une indicible valeur. Dans Exode 3, caché dans le buisson ardent, Il révèle à Moïse le nom qui Lui est propre. « Je suis celui qui suis » ; mais en même temps Il fait connaître le nom qu’Il s’est acquis pour Lui-même : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », et Il ajoute : « C’est ici mon nom éternellement, et c’est ici le mémorial que vous aurez de moi dans tous les âges », paroles qui prouvent tout le prix qu’Il attache à la gloire que Lui ont méritée Ses voies de miséricorde envers de pauvres pécheurs. Et ce fut ce titre acquis, et non celui qui lui appartenait de droit, qui fut inscrit dans le tabernacle ou dans le temple. Les mystères de Sa maison n’annonçaient pas Sa toute-puissance et Sa toute-science essentielles, ni Son éternité, ni les gloires inhérentes à Sa divinité ; mais ils parlaient de Celui dont « la miséricorde se glorifie vis-à-vis du jugement », et qui avait trouvé le moyen de ramener près de Lui « ceux qui étaient loin ». Assurément ce sont là des témoignages du prix que Jésus attache au nom qu’Il s’est acquis en se dévouant pour nous. Mais, « Dieu est amour ! », voilà l’explication de ce mystère.

Nous devons reconnaître en Jésus Celui qui est « né sous la loi » aussi bien que Celui qui dans Sa gloire personnelle était au-dessus de toute loi ; le Jéhovah d’Israël, le Créateur des bouts de la terre et « Jésus de Nazareth, oint de l’Esprit saint, qui allait de lieu en lieu, faisant le bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance, car Dieu était avec Lui ». Il communiquait le Saint Esprit et Il était Lui-même oint du Saint Esprit.

Selon les conseils de Dieu, le Fils participa à la chair et au sang ; Il était trouvé en figure comme un homme, Il vécut dans une dépendance complète de Dieu, et Il « est devenu obéissant jusqu’à la mort ». Telle fut la position qu’Il prit dans l’alliance éternelle ; et l’acceptation de cette position explique l’obéissance, le labeur, les angoisses, les cris et les larmes du Fils de l’homme pendant Son séjour sur la terre. Et maintenant qu’Il est monté au ciel, Il ne s’est pas, dans un sens, entièrement affranchi de ces conditions. Une promesse du Père L’attendait là-haut. Dieu Lui a dit : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis pour le marchepied de les pieds » (Ps. 110) ; dans la foi de cette promesse Il prit place dans les cieux. « Il s’est assis à la droite de Dieu attendant désormais jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour le marchepied de ses pieds » (Héb. 10, 13). L’espérance répond à la promesse. Jésus est toujours le même montant au ciel et s’asseyant à la droite de Dieu, que sur la terre, serviteur obéissant plein de confiance et de foi. Aussi, dans cet avenir glorieux qui sera Son partage, Il restera assujetti : « Toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur », mais « à la gloire de Dieu le Père » (Phil. 2, 10, 11). Et quand « le royaume » sera remis, n’est-il pas dit que « le Fils aussi lui-même sera assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Cor. 15, 27, 28) ?

Dans ces mêmes régions de gloire, assujetti à Celui qui Lui a assujetti toutes choses, ne sera-ce pas Son bon plaisir de servir les siens, comme il est écrit : « Il se ceindra, et les fera mettre à table, et s’avançant il les servira » (Luc 12, 37), et encore : « Celui qui est assis sur le trône habitera avec eux, ils n’auront plus faim et ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur, car l’agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux fontaines d’eaux vives, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » ?

IV

« Élevé dans la gloire »

L’Écriture nous dit que les anges désiraient autrefois regarder jusqu’au fond des mystères « concernant le Christ ». Lorsque ces choses elles-mêmes furent manifestées et accomplies, leur désir fut exaucé, et ils devinrent les témoins oculaires de ce qu’ils avaient souhaité de contempler. Ils jouirent du privilège ineffable de prendre part à la vie terrestre de Jésus Christ, au « mystère de la piété », et d’y trouver leur béatitude, de même que, sous l’ancienne alliance, ils avaient goûté cette douceur dans le tabernacle de Dieu. Il est vrai que tout, dans ce sanctuaire, était destiné à l’usage et au bien des pécheurs. L’autel des holocaustes, l’autel d’or, le propitiatoire, tout fut ordonné à cause de nous. Les bénédictions qui se recueillaient dans le sanctuaire étaient pour les pécheurs ; mais les chérubins demeuraient dans la contemplation de toutes ces merveilles. Et il en fut ainsi lorsque Dieu fut manifesté en chair. « Jésus fut prêché aux Gentils et cru au monde », afin aussi d’être « vu des anges » (1 Tim. 3, 16).

Un ange du Seigneur, messager céleste, viendrait annoncer aux bergers la naissance de Jésus ; mais aussitôt qu’il eut accompli sa mission, « il y eut une multitude de l’armée céleste louant Dieu, et disant : Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et sur la terre paix, et bon plaisir dans les hommes ! ». Lorsqu’un autre grand événement survint plus tard et que « Dieu manifesté en chair » fut ressuscité d’entre les morts, nous retrouvons au sépulcre des anges remplis de cette même indicible joie, « assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, là où le corps de Jésus avait été couché » ; et à l’heure solennelle de l’ascension, nous les voyons de nouveau instruisant les « hommes de la Galilée » dans les voies de Celui qui venait de monter au ciel.

Que le Seigneur nous accorde la grâce de nous pencher par la pensée sur Jésus, et de nous humilier à cause de tout ce qui peut éloigner nos cœurs de cette contemplation bénie. Car il arrive trop souvent que nous sommes plutôt éclairés par la connaissance des dispensations de Dieu, que nous nous sentons vivifiés en présence de Bethléhem, de Gethsémané, du mont des Oliviers, mystères d’amour révélés aux anges ravis. Mais sans nous en rendre compte, nous en avons souffert, et nous avons laissé affaiblir cette communion intime dont d’autres saints ont joui autrefois. C’est pourquoi j’ai voulu contempler avec vous ce glorieux spectacle : Dieu manifesté en chair depuis la crèche jusqu’à la croix, depuis le sépulcre jusqu’aux siècles à venir.

Le Saint Esprit dans Sa grâce infinie nous vient en aide en nous montrant les anneaux qui relient ensemble les diverses parties de la voie de Jésus. Il nous dévoile dans les écrits de saint Jean le lien mystérieux qui existe entre « Dieu » et la « chair » dans la personne du Christ. Nous trouvons cette révélation au commencement de son évangile et de son épître, et toutes les Écritures proclament la même vérité ; mais un autre anneau de cette chaîne merveilleuse, celui qui réunit Dieu manifesté en chair à la gloire dans laquelle Il a été élevé, doit faire maintenant le sujet de notre méditation.

Matthieu rend témoignage à la résurrection d’une manière générale, les anges auprès du sépulcre l’attestent. Les femmes retournant à la ville touchent les pieds du Sauveur ressuscité, et les disciples Le voient en Galilée sur la montagne. Marc parle de plusieurs apparitions du Seigneur après Sa résurrection. Il s’est montré à Marie-Madeleine, aux deux disciples « qui étaient en chemin allant aux champs », et « aux onze comme ils étaient à table ».

Luc insiste davantage sur les preuves que Jésus donna à Ses disciples de Son identité. Il mangea devant eux ; Il leur montra Ses mains et Son côté en leur disant : « Un esprit n’a pas de la chair et des os, comme vous voyez que j’ai ». Il leur prouva par les Psaumes et par les prophètes que toutes les choses annoncées devaient s’accomplir. Jean, en traitant de ce témoignage, emploie le style qui lui est particulier. Dans son évangile Jésus est toujours présenté en vainqueur, et au sépulcre il en est de même. Les disciples y virent « les linges à terre », et « le suaire mis à part ». Aucune trace d’effort ni de lutte, rien qui annonçât l’accomplissement d’un fait étrange. Tout semble nous parler plutôt des trophées de la victoire, que des fatigues du combat. Et plus tard le Seigneur Lui-même ne donne à Ses disciples aucune preuve matérielle de Sa résurrection. Il ne leur accorde aucun signe sensible de Sa présence parmi eux, mais la réalité de Sa résurrection leur est attestée par des preuves plus élevées, plus convaincantes encore ; car c’est au cœur, à la conscience des disciples que s’adresse Jésus. La voix frappant à l’oreille de Marie, et l’appelant par son nom avec un accent familier à son cœur, lui révèle l’identité du Seigneur. Il montre aux onze apôtres Ses mains et Son côté, afin de répandre la paix dans leur conscience par l’assurance du sacrifice accepté ; de telle sorte qu’à cette vue un cri de conviction s’échappe de l’âme de l’un d’eux : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

L’ascension de Jésus a aussi, comme Sa résurrection, des témoins : mais ni Matthieu ni Jean n’en font mention. L’évangile de Matthieu se termine au moment où le Seigneur est encore sur la montagne de la Galilée. Jean ne nous conduit pas non plus au mont des Oliviers, mais Marc affirme le fait : « Le Seigneur donc, après leur avoir parlé, fut élevé dans le ciel et s’assit à la droite de Dieu ». Le moment de l’ascension est indiqué, rien de plus. Celui auquel appartient de droit tous les honneurs qui L’attendaient dans les lieux célestes disparaît dans les nuées, mais il n’est pas question de la part que prirent les disciples à cet événement. Le récit de saint Marc ne nous dit pas même s’ils étaient présents.

Luc est plus explicite. D’après son évangile, l’ascension du Seigneur est contemplée par des hommes qui prenaient à ce fait un intérêt puissant et personnel. « Et il les mena dehors jusqu’à Béthanie, et levant ses mains en haut, il les bénit. Et il arriva qu’en les bénissant, il fut séparé d’eux, et fut élevé au ciel. Et eux lui ayant rendu hommage s’en retournèrent à Jérusalem avec une grande joie, et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu » (Luc 24, 50-53). Ce fut ainsi que l’homme ressuscité atteignit les cieux, laissant derrière Lui une multitude de témoins qui pouvaient attester que c’était bien là Jésus leur maître. Et bien « qu’une nuée le reçut et l’emporta de devant leurs yeux », les disciples savaient qu’Il était au-delà, dans les plus hauts cieux, le même Jésus qu’ils avaient connu ici-bas. Jésus qui avait mangé avec eux, qui leur avait accordé une pêche miraculeuse, qui avait béni les aliments qu’Il leur offrait pendant Son séjour sur la terre, en agit de même après Sa résurrection. Le Saint Esprit nous retrace dans son évangile toutes les phases de Son merveilleux séjour sur la terre ; et c’est toujours le même Jésus que nous contemplons, à Bethléhem ou dans le jardin de Joseph d’Arimathée, ou sur la montagne de l’ascension. Ressuscité d’entre les morts, Ses mains portant encore l’empreinte des clous qui L’avaient attaché à la croix, et Son côté la blessure qui Lui avait été faite par la lance du soldat romain, Il mangea et but avec Ses disciples durant quarante jours, et puis, sans changement apparent, Il monta au ciel. Il leur donna des conseils après comme avant Sa résurrection, Il leur confia comme auparavant un ministère, Il les reconnut et les appela par leurs noms ; et enfin, pendant qu’ils Le cherchaient du regard les yeux levés aux cieux, « deux hommes en vêtements blancs » parurent et leur dirent : « Hommes galiléens, pourquoi vous tenez-vous ici en regardant vers le ciel ? Ce Jésus qui a été élevé d’avec vous au ciel, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en allant au ciel » (Act. 1, 11).

Et c’est là le principe de toute religion divine, « le mystère de la piété ». C’est ce qui amène l’homme à connaître et à adorer Dieu. « Dieu a été manifesté en chair, justifié en esprit, vu des anges, prêché parmi les Gentils, vu au monde et élevé dans la gloire ».

Avons-nous bien réellement toujours devant nous la personne de Jésus Christ ? Il était, comme je l’ai dit plus d’une fois, de toute éternité dans le sein du Père. Puis, manifesté en chair, Il reposa dans l’humble crèche de Bethléhem, Il endura le labeur et les souffrances de la vie, Il mourut sur la croix, Il ressuscita des profondeurs de la terre, et Il monta dans les hauteurs les plus élevées des cieux. Les anneaux sont ainsi formés et ne pourront jamais être brisés, bien qu’ils réunissent ce qui existe de plus grand avec ce qu’il y a de plus abaissé. Le Saint Esprit se complaît à nous les développer tels qu’Il les a formés. Dans les psaumes 23 et 24, avec quelle rapidité le prophète passe de l’humble vie de foi, de dépendance et d’espérance de Jésus sur la terre, à l’époque de Sa glorieuse manifestation comme « le Seigneur fort et puissant dans les combats », et de Son entrée comme « l’Éternel des armées », « le roi de gloire », par « les portes éternelles » de la Jérusalem milléniale.

Sommes-nous en esprit avec Lui sur ce chemin ? Et, question plus solennelle encore, question qui est de nature à humilier plusieurs d’entre nous, sommes-nous bien réellement unis au Seigneur dans la phase actuelle de ce mystérieux voyage ? Car Il est encore dans ce monde le Christ rejeté. En quelle mesure Lui sommes-nous comme tel unis en esprit ? Jésus n’était rien de plus dans ce monde après qu’avant Sa résurrection. La résurrection ne changea rien à cet égard, et le monde n’était rien de plus alors pour Jésus que dans les temps où Il n’avait pas un lieu pour reposer Sa tête. Il quitta alors la terre pour le ciel, comme précédemment Il avait quitté le monde pour le Calvaire. Lors de Sa naissance, la crèche de Bethléhem Le reçut ; puis, quand Il ressuscite, les cieux s’ouvrent pour Le recevoir. Il s’était proposé à la foi d’Israël, mais Israël Le rejeta. Ressuscité, Il se fit de nouveau annoncer par les apôtres à Israël, mais ce fut pour essuyer un autre refus, et Jésus reste toujours étranger ici-bas. Le temps de Sa réjection dure encore. Il était seul sur la route de Jérusalem à Emmaüs bien qu’Il fût alors ressuscité, comme Il l’avait été déjà sur le chemin qui conduisait de Bethléhem au Calvaire. Est-ce comme tel, bien-aimés, que nous nous joignons à Lui sur la route ?

Il y a une multitude de pensées qui nous écraseraient si nous n’étions enseignés par la méthode de la divine sagesse. « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les supporter maintenant », nous dit notre divin Maître ; et c’est ainsi que Sa bonté nous fait devenir « grands ». II prépare notre intelligence à recevoir des communications plus étendues.

Qu’avons-nous à faire si ce n’est d’ouvrir nos cœurs à Jésus ? La foi écoute. Le Seigneur a voulu que la femme samaritaine L’écoutât tout simplement depuis le commencement jusqu’à la fin de leur entretien au puits de Sichar. Si elle dit quelques mots, ces paroles ne sont que le témoignage du fait que les discours de Jésus atteignaient son intelligence, sa conscience et son cœur. Quand l’âme ainsi préparée s’ouvrit pour recevoir la vérité, Jésus s’y répandit avec toute Sa plénitude.

C’est cette attitude recueillie de la foi qu’il nous faut surtout et de plus en plus réaliser, en étudiant ces questions profondes et solennelles.

Nous venons de considérer dans les récits des évangélistes, les anneaux qui unissent ensemble les différentes parties de ce grand mystère. Et en arrivant au livre des Actes, nous voyons un fait occuper les pensées des apôtres et former le sujet continuel de leurs discours. Le voici : Jésus de Nazareth rejeté, crucifié, était élevé aux cieux. Pierre tout particulièrement ne perd pas une occasion de rattacher la grâce et la puissance manifestées au peuple juif, pendant les jours de son témoignage, au fait de l’ascension de Jésus de Nazareth.

Lors de la descente du Saint Esprit, la prédiction de Joël devint tout naturellement le texte du discours de Pierre. Il en fait son sujet parce qu’il y trouve Jésus de Nazareth, le crucifié. Il déclare que l’homme approuvé de Dieu au milieu d’eux, par les miracles, les prodiges, et les signes que Dieu a faits par Lui, était élevé dans les cieux, et qu’Il venait, comme le Dieu dont parlait la prophétie, de répandre l’Esprit qui était l’objet de la promesse. Pierre annonce aussi la venue en jugement de ce même Seigneur dont le nom avait été proclamé alors pour le salut d’Israël.

Tel est le sermon que prêcha Pierre sur le texte de Joël. Si Jean voit en Jésus descendu sur la terre, le Fils sorti du sein du Père dans Sa gloire, de même Pierre contemple dans le ciel, dans le lieu de la puissance et de la grâce, le Fils de l’homme, le Nazaréen qui avait été méprisé et rejeté sur la terre.

Il en est de même au chapitre suivant. C’est au nom de Jésus de Nazareth, nom méprisé par les hommes mais glorieux dans le ciel, que Pierre guérit le boiteux assis à la porte du temple. Et l’apôtre déclare à cette occasion que les cieux avaient reçu Jésus Christ jusqu’au temps où Il reparaîtrait pour apporter avec Lui le rafraîchissement et le rétablissement de toutes choses. Plus tard, lorsque Pierre est interrogé par les anciens et par les scribes au sujet du miracle qu’il avait opéré, l’apôtre rempli du Saint Esprit déclare que « la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient » est devenue « la pierre angulaire » et qu’il n’y a « point de salut en aucun autre » (Act. 4, 11, 12). Les apôtres sont constamment préoccupés de ce même témoignage, soit qu’ils se trouvent ou appelés à paraître devant les puissants de ce monde ou en présence des souffrances de l’humanité. C’est là leur unique moyen d’action ; c’est là qu’ils puisent leur vertu et leur force. Et de plus, le nom de Jésus est leur seule sécurité devant Dieu. Celui que les hommes regardaient comme « défait de visage » « sans forme ni apparence », le « saint enfant Jésus » qu’Israël et les Gentils, Hérode et Pilate, les rois de la terre et les gouverneurs avaient rejeté et auquel ils avaient résisté, est l’objet de leur foi, le fondement de leur espérance devant Dieu. Ils Le connaissent dans le sanctuaire, comme autrefois ils L’avaient connu parmi les hommes. Mais il y a une différence dans la manière dont ils se servent de ce nom. Avec quelle conviction ils l’emploient auprès des nécessiteux pour les soulager, avec quel courage ils le défendent en face du monde, avec quelle tendresse ils invoquent devant Dieu la puissance de « son saint Fils Jésus » ! Toute puissance est maintenant attribuée sous le ciel à ce nom qui avait toute-puissance sur la terre. Par l’efficacité de ce nom, le mendiant assis à la porte du temple fut guéri ; et le lieu où ce nom fut prononcé trembla, et « ils furent tous remplis du Saint Esprit ». Il y a plus encore : le monde et l’enfer lui-même furent troublés, car les sacrificateurs et les sadducéens indignés jettent en prison les disciples qui rendent un fidèle témoignage à la puissance de ce nom.

Cependant Pierre n’hésite pas à faire ressortir la profonde humiliation de ce même Jésus qu’il déclare être souverainement élevé dans le ciel. Il L’annonce comme ayant été « rejeté », « livré », « renié », et « mis à mort ». Pierre ne cherche nullement à atténuer ces faits, et en même temps il se glorifie dans ce nom méprisé de « Jésus de Nazareth ». Il l’invoque sans cesse. Toutes les angoisses et les ignominies que le « Prince de la vie », le « Saint et le Juste », avait endurées dans les diverses phases de Son ministère terrestre, sont récapitulées par Pierre dans son style vigoureux tout empreint de l’onction du Saint Esprit. Et il ne se lasse pas de proclamer ce fait capital que Celui que le monde avait traité ainsi, Dieu L’avait ordonné « Seigneur et Christ » ; et il déclare que cet homme glorifié dans le ciel était le Seigneur de David, la semence d’Abraham suscitée pour bénir, le prophète semblable à Moïse que Dieu devait manifester en Israël. L’onction du Saint Esprit qui donna à Pierre de rendre ce témoignage, accorda la même ferme assurance à Étienne. Si Pierre parle de l’homme glorifié dans les cieux, Étienne L’y contemple. Le prédicateur L’annonce sans aucune crainte, le martyr Le voit sans aucun nuage. « Étienne étant rempli du Saint Esprit, et ayant les yeux attachés au ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus qui était à la droite de Dieu ; et il dit : Voici je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme qui est à la droite de Dieu ».

C’est ainsi que Jésus montre l’Esprit dans le ciel à ceux qui doivent être Ses témoins Et il est doux de pouvoir ajouter que Jésus était aussi réellement présent dans le ciel pour Pierre que pour Étienne, quoique Pierre ne comprit ce mystère que par « l’onction du Saint » ; tandis qu’Étienne le savait par la vue de cette gloire pendant qu’il était rempli du Saint Esprit. Puissions-nous connaître ce mystère avec la même puissance, en jouir maintenant par le Saint Esprit, comme plus tard nous nous rassasierons de cette contemplation pendant l’éternité !

Telle fut la première prédication dans les Actes, après que ce lien fut formé entre « Dieu manifesté en chair » et le ciel. La foi embrasse du regard cette vaste et merveilleuse scène où tout est combiné pour notre bénédiction, notre lumière, et notre joie. Nous apercevons les anneaux qui relient le ciel et la terre, Dieu et les pécheurs, le sein du Père et la crèche de Bethléhem, la croix du Calvaire et le trône de la Majesté dans les hauts cieux. La pensée humaine aurait-elle pu atteindre à de semblables hauteurs ? Et cependant ce mystère est une vivante, une éternelle réalité. « Or, qu’il soit monté, qu’est-ce sinon qu’il est aussi descendu dans les parties les plus basses de la terre ? Celui qui est descendu est le même que Celui qui est monté au-dessus de tous les cieux ».

L’Esprit avait révélé le Dieu de gloire dans l’enfant de Bethléhem ; et plus tard lorsque toute puissance et toute grâce furent manifestées du ciel, le don du Saint Esprit, la guérison des affligés, le salut des pécheurs, la promesse de jours de rafraîchissement et de rétablissement de toutes choses, il nous est montré et déclaré que tous ces bienfaits provenaient de l’homme glorifié dans le ciel. Quels divins mystères et comme ils dépassent toutes les conceptions de notre intelligence ! Le Seigneur pendant les jours de Son abaissement avait adressé à Pierre cette question : « Qui disent les hommes que je suis, moi, le Fils de l’homme ? ». Et la seule réponse possible fut celle-ci : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Et plus tard, lorsqu’à l’époque de la prédication des apôtres, cette question leur fut adressée : « Par quelle puissance et en quel nom avez-vous fait ceci ? » la réponse inspirée fut : « C’est au nom de Jésus Christ de Nazareth que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité des morts ; c’est par lui que cet homme se présente guéri devant vous ».

C’est toujours le même Jésus — Celui qui a laissé Son témoignage dans les parties les plus basses de la terre et qui l’a porté avec Lui dans les hauts cieux. Il remplit toute chose. Dieu a été manifesté sur la terre ; l’homme est maintenant dans les lieux célestes ; et la foi qui s’était emparée de ce fait, que le Fils éternel était descendu sur la terre et avait habité parmi les hommes, devait reconnaître également que l’homme avait quitté la scène de Son dépouillement, de Ses souffrances, de Son opprobre, et qu’Il est dans le ciel. Et la foi saisit le mystère, à savoir que c’est toujours le même Jésus qui est descendu et qui est remonté. On dit avec raison : C’est l’union des deux natures dans une même personne qui constitue la parfaite aptitude de Jésus aux actes et aux fonctions de Son ministère de médiateur. Celui qui naquit de la vierge était Emmanuel, Dieu avec nous. « L’enfant nous est né, le Fils nous a été donné, et on appellera son nom, l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort, le Puissant, le Père de l’éternité, le Prince de la paix ». Celui qui s’entretint avec les Juifs et qui comme homme avait à peine dépassé trente ans, existait « avant Abraham » (Jean 8). L’œuvre complète de Christ dans tous les actes de Son ministère, dans tout ce qu’Il a souffert, dans tout ce qu’Il continue de faire, est l’œuvre de Sa personne tout entière. C’est là le mystère que la foi saisit avec une ferme assurance, écoutant avec joie et avec intelligence cette parole : « justifié en esprit, prêché parmi les nations, cru au monde ». Dieu, quoique manifesté en chair, fut justifié en esprit. La perfection de la gloire morale brillait en Lui. Quant à nous, il nous faut une justification en dehors de nous, car il n’y a rien en nous qui puisse se justifier par soi-même. En Lui, il n’y avait pas un seul mot, une seule aspiration, un seul mouvement qui ne fût devant Dieu une offrande de bonne odeur. Il était aussi pur au milieu des souillures du monde, que lorsqu’Il faisait les délices du Père avant que le monde fût. La foi Le reconnaît ; et elle sait aussi que les fatigues et les souffrances de Sa vie, la mort et la résurrection de ce Sauveur béni, « Dieu manifesté en chair, justifié en esprit », n’étaient pas pour Lui-même, car Il n’en avait pas besoin, mais pour les pécheurs afin qu’Il fût « prêché aux Gentils, cru au monde ». Dans le sacrifice qu’Il a accompli, dans la justice qu’Il a établie, Il est présenté aux pécheurs, en quelque lieu qu’ils soient, quels qu’ils puissent être, Juifs ou Gentils, afin qu’ils mettent en Lui toute leur confiance et qu’ils soient pleinement justifiés.

L’épître aux Hébreux est pleine de précieux enseignements à l’égard de ce mystère. Cette parole « élevé dans la gloire » se fait entendre dans ce divin oracle d’un bout à l’autre. Chaque phase de l’argumentation nous présente Jésus monté au ciel, et dès les premières lignes et sans aucun préambule le sujet est introduit. « Le Fils, la splendeur de la gloire du Père, et l’image empreinte de sa personne » est offert à notre contemplation comme « ayant fait par lui-même la purification de nos péchés » et « étant assis à la droite de la majesté dans les hauts lieux ». Il est revêtu d’un nom plus excellent que celui des anges, Il s’est acquis un trône qui demeure aux siècles des siècles, et dans cette place de souveraine puissance Il attend jusqu’à ce que Dieu ait mis Ses ennemis pour le marchepied de Ses pieds.

Le second chapitre de cette épître nous présente le même objet sous un autre aspect. Celui qui sanctifie — qui dans Sa condescendance infinie a « pris la postérité d’Abraham » et a agi à son égard en qualité de frère — nous est désigné comme étant remonté au ciel dans l’humanité qu’Il a revêtue, afin d’y être pour nous « un souverain Sacrificateur miséricordieux et fidèle ». Et l’épître est tellement imprégnée de cette pensée, qu’elle nous la présente une seconde fois en nous renvoyant au psaume 8 où nous contemplons cet homme merveilleux « fait un peu moindre que les anges » pour être ensuite « couronné de gloire et d’honneur ».

Les chapitres 3 et 4 forment une parenthèse qui résume des enseignements déjà donnés. Nous y voyons Christ dans Son humanité, « tenté de même que nous en toute chose si l’on en excepte le péché », puis étant entré dans les cieux, Jésus le Fils de Dieu, pour nous faire miséricorde et grâce en temps convenable.

Aux chapitres 5, 6 et 7 qui traitent de la sacrificature, nous voyons toujours le même Seigneur monté au ciel. Il nous est déclaré que le Fils, le souverain Sacrificateur, est « élevé plus haut que les cieux ». Il en est descendu afin de naître de la tribu de Juda, et de se perfectionner pendant les jours de Sa chair ; mais Il y est remonté afin de devenir « l’auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent ».

Le même objet nous est présenté dans les chapitres 8 et 9, où il est question plus particulièrement des alliances. Dès le début, nous voyons Jésus aux cieux dans le tabernacle, ce tabernacle que le « Seigneur avait élevé, et non les hommes », et de ce sanctuaire administrant la « nouvelle alliance ».

De même au chapitre 10 lorsqu’il s’agit de la victime, comme auparavant il s’était agi de la sacrificature et de l’alliance, nous avons toujours sous les yeux le même Seigneur Jésus monté au ciel. Il est Celui qui pouvait dire : « Me voici je viens ! ». Celui qui a sanctifié les pécheurs dans le corps qui Lui avait été préparé pour la terre, puis étant entré dans les cieux, frayant pour nous une voie par laquelle nous pouvons en toute assurance pénétrer dans les lieux très saints[5]. La portion doctrinale de l’épître se termine ici après nous avoir montré sous divers aspects glorieux la même personne, le Fils de Dieu monté au ciel ; mais nous retrouvons le même mystère dans les enseignements pratiques. Lorsque Sa vie de foi est terminée sur la terre, nous voyons Jésus comme « l’auteur et le consommateur de notre foi » dans les cieux (Héb. 12, 2). C’est dans ce caractère tout nouveau qu’Il apparaît dans le ciel, et c’est la vie de la foi ainsi que ce qu’Il a fait et qu’Il souffrit pour nous dans Sa grâce infinie qui L’y a conduit. Et du ciel Il resplendit aux regards de la foi ; si nous possédions une intelligence capable de discerner une pareille gloire, et si nous avions un cœur fait pour en jouir, nous comprendrions que le ciel rayonne d’une beauté nouvelle depuis qu’y est entré Jésus avec tous les droits et tous les titres qu’Il s’est acquis sur la terre pour le salut des pécheurs.

Et voici le mystère : la participation du Fils à la chair et au sang en vertu de laquelle Il prit sur Lui la postérité d’Abraham ; et ensuite l’ascension de cette personne glorieuse dans le ciel. « Dieu manifesté en chair, élevé dans la gloire ». C’est une tâche bénie que celle d’étudier les anneaux indissolubles de cette chaîne qui réunit des choses séparées par des distances que la pensée humaine ne saurait combler. La Parole faite chair dont parle saint Jean est aussi le quelque chose de bon venu de Nazareth. L’Emmanuel est aussi l’enfant qui reçut l’adoration dans la crèche de Bethléhem. Au milieu du trône apparaît un Agneau tel qu’Il fut immolé (Apoc. 5). Celui qui avait des paroles de sagesse pour les intérêts journaliers de la vie et à portée de tous ceux qui les entendaient, était le même qui avait été établi dans le secret de Dieu comme le fondement même des conseils divins (Prov. 8). Dans le buisson d’Horeb se trouvait le Dieu d’Abraham ; dans la nuée du désert, la gloire ; dans l’homme armé de Jéricho, le capitaine des armées de l’Éternel ; dans l’étranger qui visitait Gédéon sous sa grange et Manoah dans son champ, c’était le Dieu auquel est due l’adoration de la création tout entière. Ce sont là quelques-uns des témoins parmi les choses élevées et les choses basses que la grâce a réunies à la gloire de Dieu. « Personne n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel ».

Cette pensée, nous la retrouvons dans l’épître aux Éphésiens : « Qu’il soit monté, qu’est-ce ? sinon qu’il est aussi descendu dans les parties inférieures de la terre ». La dignité de Celui qui est monté au ciel, la place qu’Il occupe, les services qu’Il a rendus ont un caractère transcendant, et nous disent clairement que Celui qui est descendu, était dans le ciel au-dessus de toute chose, comme il est écrit : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous » (Jean 3). Sa dignité est impliquée dans ce mystère qui est indiqué en Éphésiens 4, 8, 9, et qui est plus pleinement développé dans l’épître aux Hébreux, car elle nous apprend qu’avant de monter aux cieux, Jésus avait accompli la purification de nos péchés, qu’Il avait détruit celui qui « avait la puissance de la mort », et délivré ceux qui lui étaient assujettis, s’étant perfectionné comme l’auteur de notre salut (1 ; 2 ; 5). Et quand Il fut entré dans le ciel Il remplit le vrai sanctuaire, le tabernacle que « Dieu avait dressé et non les hommes », afin de nous préparer un héritage éternel et de purifier les choses célestes (8 ; 9). Qui aurait pu s’élever dans une telle gloire et dans une telle puissance, si ce n’est Celui qui avait été déjà dans les cieux ? Les offices qu’Il remplit nous révèlent Son origine. Ses souffrances elles-mêmes, pendant le temps de Son abaissement, annoncent la gloire toute divine de Sa personne.

Dans Ses œuvres, dans Ses allées et dans Ses venues, dans Ses triomphes, Il a visité les régions les plus élevées et les plus basses ; Il a été sur la terre et dans les entrailles de la terre ; Il a été dans le sépulcre, le domaine de la « puissance de la mort » ; Il est maintenant dans les plus hauts cieux dépassant les principautés et les puissances. L’étendue de Son royaume est ainsi manifestée au regard de la foi. Ni le pinacle du temple, ni la montagne la plus élevée ne pouvaient offrir un pareil spectacle ; mais la foi le saisit. Celui qui est descendu est le même que Celui qui est monté au-dessus des cieux. Oui, c’est le même Jésus, Emmanuel qui est aussi notre frère, ayant pris la postérité d’Abraham. Je sais bien, devons-nous ajouter ici, qu’il ne faut pas confondre les deux natures de Jésus Christ. Je m’incline devant cette vérité, que Celui qui nous sanctifie a participé à la chair et au sang. Je reconnais de toute la puissance de mon âme l’humanité réelle de Sa personne ; mais cette humanité, sans avoir été fictive, n’avait rien d’imparfait dans sa condition. N’existe-t-il pas dans l’esprit de plusieurs d’entre nous une certaine incrédulité inconsciente, et cependant réelle, concernant le mystère de la personne de Christ ? L’âme possède-t-elle avec une ferme assurance la conviction de l’unité de la personne de Jésus, à travers les incidents et les transitions de Sa glorieuse histoire ?

Quant à moi, je désire dans le langage du Saint Esprit me réjouir dans « l’homme Christ Jésus ». L’homme obéissant nous est donné comme le fondement et comme l’objet de toute justice (Rom. 5, 15). L’homme ressuscité nous est manifesté comme étant le gage de notre résurrection (1 Cor. 15, 21). L’homme monté au ciel est pour nous la garantie que nos intérêts sont toujours sauvegardés devant Dieu (1 Tim. 2, 5). L’homme qui doit bientôt redescendre du ciel sera la joie et la sécurité du royaume à venir (Ps. 8). Le mystère de l’homme obéissant, mort, ressuscité, monté au ciel pour en redescendre, soutient tout le conseil de Dieu. Mais répétons toutefois, que l’âme ne doit pas perdre de vue l’unité de la personne. « L’œuvre complète et parfaite de Christ dans chaque acte de Son ministère, dans tout ce qu’Il a fait, dans ce qu’Il a souffert, dans ce qu’Il continue de faire, est l’œuvre d’une même personne ».

Quel autre que Jésus « Dieu manifesté en chair » eût pu parcourir la voie mystérieuse où Il a marché seul et sans secours ? Le Fils qui était dans le sein du Père, devint ici-bas l’Agneau destiné à l’autel des holocaustes, et ensuite l’Agneau immolé atteignit le sanctuaire de gloire au-dessus des cieux. C’est Sa personne elle-même qui donne à Son œuvre son efficacité. Sa vie de douleurs, de renoncement et d’obéissance active, Sa mort, Sa résurrection, Son ascension eussent été inutiles, si Jésus n’eût pas été ce qu’Il est. Il est le Rocher, et c’est pourquoi Son œuvre est parfaite. C’est le mystère des mystères. Mais Jésus ne nous est pas offert comme un objet de discussion. Il nous est présenté comme l’objet de notre foi, digne de notre amour, de nos louanges et de nos adorations.

Dieu et l’homme, le ciel et la terre sont placés dans ce grand mystère devant l’intelligence de la foi ; Dieu a été ici-bas en chair, et l’homme glorifié est maintenant là-haut dans les cieux. Ce sont là les chaînons qui réunissent les deux vérités que j’ai considérées, et cette méditation est bien faite pour rendre les choses du ciel plus vivantes et plus proches de nos pensées. La distance morale qui nous en sépare est immense, parce que la chair appesantie par les convoitises et la mondanité est un obstacle qui nous retient ; mais la distance positive n’est plus rien. Après qu’Il fut monté au ciel Jésus se montra « en un moment, en un clin d’œil » à Étienne hors de la cité des Juifs ; et dans un instant aussi rapide, Il resplendit sur le chemin de Saul de Tarse voyageant de Jérusalem à Damas. Et bien que la gloire ne nous soit pas manifestée maintenant d’une manière visible, la réalité en est ravivée et confirmée à nos âmes par la méditation de ces mystères.

Et le royaume à venir ne doit-il pas manifester les effets de ces mystérieux rapprochements ? Car les cieux et la terre en rendront témoignage et les célébreront. « Que les cieux se réjouissent et que la terre s’égaie ». L’Église, unie à l’homme glorifié et souverainement élevé, sera dans les cieux au-dessus des principautés et des puissances. L’échelle que vit Jacob sera établie, et le Fils de l’homme deviendra le centre et le soutien de cette suprématie glorieuse. La manifestation des fils de Dieu délivrera la création tout entière de l’esclavage de la corruption. La cité céleste descendra, et les rois de la terre lui consacreront leur gloire et leurs honneurs, pendant qu’elle donnera sur la terre placée à ses pieds les eaux de son fleuve, les feuilles de son arbre, et la lumière de sa gloire. Les anges qui entourent le trône s’écrieront : « Digne est l’Agneau qui a été immolé ». Les nations n’étudieront plus la science de la guerre. Le bois de Juda et « le bois d’Éphraïm » ne feront plus qu’un et ils auront un seul roi (Éz. 37). « Et il arrivera en ce temps-là, que je répondrai aux cieux, et ils répondront à la terre, et la terre répondra au froment, au bon vin et à l’huile, et ils répondront à Jizreël » (Os. 2, 21, 22). Qu’est-ce que tout cela, si ce n’est du fruit béni qu’on recueillera dans le royaume à venir ? Les prémices et le germe de toutes ces manifestations dans les cieux et sur la terre parmi les anges, les hommes, les créatures et la création elle-même, se trouvent à Bethléhem, dans le jardin de Joseph d’Arimathée, et sur le mont des Oliviers.

Puissent nos cœurs et nos consciences comprendre cet enseignement ! Puissions-nous nous associer aux anges dans les plaines de Bethléhem et auprès du sépulcre de Jésus pour contempler les anneaux de cette chaîne mystérieuse, ou plutôt, entrer dans la pensée des disciples eux-mêmes, lorsque, sur le mont des Oliviers, ils virent le chaînon glorieux qui se formait alors entre Jésus et les cieux (Luc 24, 44-52) ! Ils étaient en ce moment semblables à Israël célébrant la fête de « l’offrande des prémices » (Lév. 23, 9-14). Jésus, les vrais « premiers fruits », venait d’être recueilli, et Il leur avait expliqué, Lui, le divin docteur, le mystère de cette gerbe cueillie qui signifiait Sa résurrection. Ils contemplèrent leur Seigneur ressuscité montant au ciel, et ils célébrèrent cette fête comme avec la « victime de l’holocauste ». « Ils l’adorèrent et s’en retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ».

Jésus fut élevé glorieusement aussi bien qu’Il fut reçu dans la gloire. Il entra dans la lumière du plus haut des cieux, mais Il y entra avec la splendeur qui Lui était propre ; et là, Il est maintenant revêtu d’un corps semblable à celui que nous posséderons un jour. L’humanité réelle est là-haut dans les cieux, mais c’est une humanité glorifiée ; Jésus possède dans le ciel le même corps avec lequel Il a paru sur la terre. C’est là une « sainte chose » formée par le Saint Esprit dans le sein de la vierge. C’est là ce « saint » qui, lorsqu’Il fut couché dans le sépulcre, ne connut point la corruption. C’est là ce « corps rompu » pour nous et dans lequel Il a porté sur le bois le fardeau de nos péchés. Cette même personne qui a souffert toutes les insultes, tous les mépris, toutes les misères, est maintenant assise là-haut dans une gloire ineffable. C’est ce même corps percé pour nous, et pas un autre, que tout œil verra. Ce tabernacle ne sera jamais mis de côté. La personne de Christ, qui comprend Sa nature humaine, sera éternellement l’objet de toute gloire et de toute louange. Sa position actuelle est celle de la gloire la plus élevée, au-dessus de toute la création de Dieu, et de tout nom qui puisse être nommé.

Il fut « élevé dans la gloire » avec l’amour indicible, l’approbation infinie de Dieu le Père, après avoir pleinement accompli les desseins de Sa grâce dans la rédemption des pécheurs.

Il fut « élevé en triomphe, ayant mené captive une grande multitude de captifs » ; et Il prit place à la droite de la majesté de Dieu, toute puissance Lui étant donnée dans les cieux et sur la terre.

Il fut élevé comme la Tête de Son corps, l’Église, afin que de la plénitude de la déité qui demeure en Lui corporellement, elle puisse « croître de l’accroissement de Dieu ».

Il fut élevé comme dans un temple, afin de « paraître pour nous devant la face de Dieu », d’y être placé comme le ministre du véritable tabernacle, d’intercéder pour nous et de servir aussi dans Son corps devant le trône.

Il fut élevé comme notre précurseur dans la maison du Père, pour y préparer des places pour les enfants, afin que là où Il est ils y soient aussi.

Et de plus, en s’asseyant dans les cieux Il attend le moment où Il doit paraître dans les airs pour venir à la rencontre de Ses saints afin de les prendre à Lui pour toujours ; Il attend le moment où Il sera de nouveau envoyé pour apporter à la terre par Sa présence ces temps de rafraîchissement qui ont été promis ; et Il attend aussi jusqu’à ce que l’Éternel ait « mis ses ennemis pour le marchepied de ses pieds ».

Notre amour est tiède, notre énergie elle-même est faible. Mais en principe je ne connais rien qui soit digne de ces visions de la foi, si ce n’est cet esprit de dévouement qui peut dire avec Paul : « Je sais être abaissé, je sais aussi être dans l’abondance », uni à ce désir ardent qui Le cherche, et s’écrie : « Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt ».

Bien-aimés ! notre Dieu Sauveur a uni par une chaîne indissoluble Son humanité à Sa divinité. La joie et la gloire qu’Il y trouve aussi bien que Sa puissance en assurent l’éternelle durée. Les mystères que nous venons de considérer, Il les a ordonnés Lui-même ; et par la foi qui les accepte le pauvre pécheur peut se reposer dans une parfaite paix sur le rocher des siècles.

V

« Tu as assujetti toutes choses sous ses pieds »

En lisant le commencement de l’évangile de saint Luc, on est frappé de l’expression vraie et profonde d’un rapprochement intime entre le ciel et la terre. C’est la faiblesse, le dénuement de l’homme qui ouvre la porte céleste ; mais une fois cette porte ouverte, elle l’est à double battant.

Zacharie et Élisabeth étaient tous deux justes devant Dieu, et marchaient saintement selon les commandements du Seigneur. Ils appartenaient à la famille sacerdotale de la semence d’Aaron ; toutefois, ce ne fut pas leur justice qui leur ouvrit le ciel, mais leurs misères et leurs infirmités. Ce fut à la femme stérile, au mari sans enfants, que l’ange Gabriel apporta une promesse du ciel. Tout est joie et activité chez les anges : qu’il s’agisse du temple de la sainte cité, ou d’un village lointain, situé dans la province méprisée de Galilée, Gabriel met le même empressement à s’y rendre. Et non seulement des milliers d’anges apparaissent aux bergers, mais la gloire de Dieu inonde les plaines de Bethléhem. Le Saint Esprit dans Sa lumière et dans Sa puissance divine, remplit Ses vases d’élection, et le Fils est manifesté en chair. Il y a donc rapprochement entre les cieux et la terre, puisque la joie que ressent « l’armée céleste » trouve un écho ici-bas. Les bergers, les femmes privilégiées, Siméon, Anne, prennent part à ce saint enthousiasme.

La transition fut accomplie dans quelques courts instants (Luc 1 ; 2). C’est par la bouche des messagers célestes que la terre apprend que la porte du ciel lui est ouverte, et la grâce établit ainsi une intimité tendre et profonde. L’ange appelle Zacharie et Marie par leurs noms ; il leur parle aussi d’Élisabeth par son propre nom, et le cœur interprète sans peine ce langage.

Nous saurions rendre grâces au Seigneur de toutes ces choses, si nous marchions avec un sentiment plus constant de la réelle proximité du ciel.

Ce fut ainsi que dans leur « jour », Jacob et Étienne virent le ciel s’ouvrir, et comprirent qu’il s’ouvrait pour eux. Une échelle fut établie sous les yeux de Jacob, et tandis qu’une des extrémités de cette échelle disparaissait dans les cieux, l’autre touchait la terre où il était couché. Sa présence dans ce lieu misérable, solitaire, témoignait à la fois de son péché aussi bien que de son malheur. À mesure que l’échelle se dressait, la voix du Seigneur qui planait dans Sa gloire au-dessus du chétif coin de terre où s’était réfugié le coupable exilé, lui parle de bénédiction, de sécurité, de direction et de l’héritage qu’Il lui réservait.

Étienne, lui aussi, vit le ciel s’ouvrir et en contempla la gloire ; mais alors le Fils de l’homme se tenait debout à la droite de Dieu, et ce spectacle révélait au martyr ce que l’échelle avait appris au patriarche, que le ciel n’était pas indifférent aux circonstances où il se trouvait sur la terre.

L’intervalle des temps n’y change rien, et la foi contemplant maintenant ces mêmes cieux ouverts, comprend qu’ils sont aussi à nous.

Elle voit aux degrés de l’échelle qui se dresse et qui conduit aux « cieux ouverts », l’homme Christ Jésus, le « médiateur de la nouvelle alliance », le « souverain Sacrificateur », notre « avocat auprès du Père », Celui qui sympathise avec nous et qui est aussi notre précurseur dans les régions de la gloire.

Jésus est monté au ciel, et la foi reconnaît que l’œuvre qu’Il y fait, Il la fait pour nous ; nos douleurs et nos besoins sont toujours présents à Sa pensée. Les souffrances de Jacob étaient celles d’un homme coupable et repentant ; celles d’Étienne, d’un martyr ; mais le ciel s’ouvrit pour Jacob comme pour Étienne.

La foi s’incline aussi devant un autre mystère. Elle sait que si le Seigneur, dans les voies de Sa grâce envers nous, a pris place dans les cieux, Il y est comme Celui que les hommes ont méprisé, et que le monde a rejeté.

Le Seigneur Jésus mourut sous la main de Dieu. Son âme fut mise en oblation pour le péché, « l’Éternel l’a voulu frapper », et la résurrection de Celui qui mourut ainsi témoigna que Son sacrifice avait été accepté. Il monta au ciel pour y continuer cette même œuvre de grâce que Dieu avait en vue dans cette mort et dans cette résurrection.

Mais le Seigneur Jésus mourut aussi sous la main des hommes ; c’est-à-dire, que la main des méchants eut part à cette mort, aussi bien et aussi réellement que la grâce infinie de Dieu. Il fut rejeté « par les vignerons », haï par le monde, repoussé, crucifié. C’est là un autre aspect de la mort de Jésus, car Sa résurrection et Son ascension étaient aussi des incidents dans l’histoire de Celui que le monde avait rejeté. En effet, Sa résurrection est le gage du jugement de ce monde (Act. 17, 31) ; et Son ascension Le place dans l’attente de ce jour où Ses ennemis deviendront Son marchepied (Héb. 10, 13).

L’évangile proclame le premier de ces mystères, c’est-à-dire la mort que le Seigneur Jésus a subie pour nous sous la main de Dieu, et montre Sa résurrection et Son ascension comme étant en parfaite harmonie avec une telle mort. Réjouissons-nous dans cet évangile du salut[6] ; mais ne négligeons pas le second mystère, la mort du Seigneur par la main des hommes : car s’il est oublié sur la terre, il ne l’est pas dans les cieux.

Ce mystère n’est pas, il est vrai, le mobile de l’action immédiate qui se passe maintenant dans le ciel, car cela repose sur la mort de la victime et sur les intercessions du sacrificateur en vertu de cette mort. Mais bientôt ce sera la mort du divin martyr, la mort du Fils de Dieu par la main des hommes, qui donnera son caractère spécial à l’action dans le ciel.

Ces distinctions sont très clairement formulées dans l’Écriture. Le ciel tel qu’il est dépeint en Apocalypse 4, n’est pas celui qui nous est décrit dans l’épître aux Hébreux. Il y a la même différence que celle qui existe entre la mort du Seigneur Jésus considérée comme l’acte criminel que l’homme a commis, ou regardée comme venant de la main de Dieu, comme un sacrifice accompli pour nous. Nous avons les mêmes objets, mais nous les considérons sous un aspect tout différent. Ainsi, l’épître aux Hébreux et l’Apocalypse mentionnent également un temple et un trône, mais le contraste entre eux est constamment maintenu. Dans l’épître aux Hébreux le trône est un trône de grâce, et nous y obtenons tout ce dont nous avons besoin en traversant ce désert. Dans l’Apocalypse le trône est un trône de jugement, et il est environné des agents et des instruments de la vengeance. Dans les Hébreux, le sanctuaire ou le temple est occupé par le souverain Sacrificateur, le médiateur de la nouvelle alliance qui y sert en vertu de Son précieux sang répandu. Dans l’Apocalypse, le temple résonne de terribles préparatifs pour le jugement, tels que des voix, des éclairs, des tremblements de terre. Il ressemble au temple que vit le prophète, temple rempli de fumée et dont les colonnes étaient ébranlées à cause de la présence de Dieu qui s’y manifestait dans Sa gloire (És. 6). N’est-ce pas là le ciel sous un nouvel aspect ? Et le contraste qu’il nous présente mérite toute notre attention. Ce n’est pas là le ciel tel que la foi le comprend maintenant, un sanctuaire de paix rempli des provisions et des témoignages de la grâce ; mais un ciel qui nous enseigne une vérité ; le jugement est pour Dieu une œuvre étrange, inusitée ; toutefois, Il l’accomplira en temps convenable. Car le ciel dans ses diverses phases, est le lieu de la grâce, du jugement et de la gloire. C’est maintenant le ciel de la grâce, il deviendra au temps décrit en Apocalypse 4, le ciel du jugement et continuera ainsi pendant toute l’action du livre, jusqu’aux chapitres 21 et 22, qui nous mettent en présence du ciel de la gloire.

Il faut que l’âme s’habitue à cette pensée solennelle, que le jugement précède la gloire ; il s’agit bien entendu de l’histoire du monde, car le croyant a passé de la mort à la vie… Pour lui il n’y a point de condamnation. Il ne ressuscite pas pour le jugement, mais pour la vie éternelle. Cependant il est utile qu’il sache que la verge de fer sera manifestée dans le royaume avant le sceptre.

Quand le Fils prend tout d’abord pour Son héritage les nations, Il les brise avec « un sceptre de fer » et « les met en pièces comme un vase de potier ». L’Ancien des jours est assis sur un trône environné de « flammes de feu », avant que le Fils de l’homme ne vienne dans les nuées des cieux, pour recevoir « la seigneurie, l’honneur et le règne ».

Le chapitre 4 de l’Apocalypse nous montre la pensée du ciel occupée d’un objet tout nouveau et dirigée vers Christ comme le « rejeté des hommes », et non pas vers Christ accepté de Dieu pour le rachat des pécheurs. C’est pourquoi il s’y fait des préparatifs pour venger les torts que le monde a eus envers le Seigneur Jésus, et pour établir Ses droits sur la terre. En d’autres termes, c’est le ciel qui commence ce plan d’action qui doit livrer à Jésus Son royaume, après le jugement de Ses ennemis.

Ce sont là des phases diverses du même mystère, et c’est toujours le même Jésus que nous sommes appelés à contempler. Il était sur notre terre comme Celui qui manifestait parfaitement la grâce de Dieu envers les pécheurs et qui endura aussi, dans toute sa violence, l’inimitié du monde. C’est sous ce double aspect qu’Il nous apparaît maintenant dans les cieux. Mais il semblerait qu’avant d’entrer dans le ciel de l’Apocalypse, le Seigneur Jésus hésite. Il diffère l’heure du jugement et s’attarde dans le lieu de la grâce. Comme jadis Il s’avance à pas ralentis vers Jérusalem, et avant de prendre place sur le mont des Oliviers pour annoncer le jugement et la désolation de Sion, Il s’écrie : « Combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ! » ; comme il est écrit en 2 Pierre 3 : « Le Seigneur est patient envers nous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance »[7].

Tel qu’était Jésus sur la terre, Il est maintenant dans le ciel, malgré les changements de condition et de circonstances. « La grâce qui se manifestait en Lui sur la terre, est la même qui demeure en Lui dans le ciel », et la foi Le reconnaît là-haut comme Celui qui a vécu sur la terre, le ministre et le témoin de la grâce de Dieu envers les pécheurs, et qui a enduré toutes les conséquences de l’inimitié de l’homme contre Dieu. Et cependant c’est à regret que le Seigneur Jésus devient un Dieu de jugement.

Quand le Seigneur Jésus Christ vivait ici-bas, Il attendait Son royaume. Il se présenta à la fille de Sion comme son Roi, le Fils de David. Il se manifesta comme Celui que les prophètes avaient annoncé en entrant à Jérusalem monté sur un âne. Déjà Son étoile, l’étoile du royal Bethléhémite, avait apparu dans l’orient, appelant les Gentils vers le Fils de David dans la cité de David. Mais ce qu’Il cherchait alors, Il ne le trouva pas : « les siens ne l’ont pas reçu ». Toutefois, Il emporta avec Lui dans le ciel cette même pensée, ce même désir de posséder Son royaume. « Un homme noble s’en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir ». Jésus était bien réellement roi d’Israël ici-bas, mais le royaume qu’Il désira de posséder, et qui Lui fut refusé par Ses concitoyens, Il l’a obtenu dans les cieux. Et en temps convenable, Il reviendra dans la plénitude de la joie pour l’administrer dans les lieux mêmes où Il l’avait vainement cherché tout d’abord. « Je regardais dans les visions de la nuit, et je vis comme le Fils de l’homme qui venait dans les nuées des cieux, et il vint jusqu’à l’Ancien des jours, et on le fit approcher de lui. Et il lui donna la seigneurie, et l’honneur, et le règne, et tous les peuples, et les nations de toutes langues le servirent ; sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera point détruit ».

Il y a plus encore. Lorsque Jésus était sur la terre, Il désirait être connu tout entier de Ses disciples. Il voulait que leur regard perçât le voile qui cachait Sa gloire. Il se plaisait aussi à communiquer les trésors de Sa grâce à la foi qui ne posait aucune limite aux demandes qu’elle Lui adressait, qui avait recours à Lui en toute occasion, et qui savait même triompher par sa ténacité d’une apparente froideur. Le pécheur qui s’attachait à Jésus malgré les mépris du monde, qui s’adressait avec une parfaite confiance à Lui seul, sans avoir recours à des intermédiaires, était toujours le bienvenu. Celui qui recherchait Sa présence, la communion intime avec Lui, assis à Ses pieds ou penché sur Son sein, pouvait obtenir de Lui tout ce qu’il demandait.

Il cherchait aussi la sympathie dans Ses douleurs et dans Ses joies, et quand Il ne la rencontrait pas chez les siens, Son cœur en souffrait. Il ne voulait pas être seul. Il désirait une union complète et durable avec Ses élus, car Il voulait partager avec eux l’amour du Père et la gloire de l’héritage, comme ils étaient appelés à partager avec Lui ici-bas Ses afflictions et Son opprobre.

Et tous Ses désirs doivent être un jour exaucés. L’Église est destinée à combler les vœux du Seigneur Jésus en toutes ces choses, dès à présent par le Saint Esprit, et plus tard dans le royaume qui doit être établi. Elle est appelée maintenant à entrer dans les pensées du Seigneur Jésus, à prendre part à Ses affections, à Ses joies, et ensuite à resplendir dans Sa gloire et à prendre place sur Son trône.

Quel mystère ! L’Église dès aujourd’hui remplie du Saint Esprit, est destinée à partager la gloire de Christ, en réponse à l’ardent désir qu’Il ressentit pendant les jours de Sa chair. Il vint réclamer un royaume qui Lui appartenait de droit, et Il voulut aussi posséder la sympathie des siens ici-bas ; mais Son peuple n’était pas disposé à reconnaître Sa royauté, et Ses saints n’étaient pas capables d’entrer en communion de pensées avec Lui. Toutefois, Il reçoit maintenant dans le ciel les prémices de ce royaume qu’Il viendra administrer ici-bas ; et grâces à la présence de l’Esprit dans les cœurs des élus, Il commence à trouver cette communion dont Il jouira dans toute sa plénitude, au jour de leur perfectionnement. Le royaume sera Sa gloire et Sa joie, la « joie du Seigneur », car il sera dit à ceux qui le partageront avec Lui : « Entre dans la joie de ton Seigneur ». Mais Sa communion étroite et intime avec l’Église sera pour le cœur de Jésus plus précieuse que la possession du royaume. Dès le principe elle était l’objet de Ses désirs, et elle sera bientôt une source de joie ineffable et éternelle.

Avons-nous, bien-aimés, assez de spiritualité pour nous réjouir de la certitude que le cœur de Jésus sera ainsi pleinement satisfait ?

Le royaume appartiendra à Christ à plus d’un titre. Il l’obtiendra par l’alliance, dans les conseils de Dieu dès la fondation du monde. Il l’obtiendra par Son droit personnel, car le Fils de l’homme ne perdit jamais « l’image » de Dieu, et la conservant dans toute son intégrité, la domination Lui appartint de droit d’après le décret de Dieu Lui-même lors de la création de l’homme : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux des cieux, sur les animaux domestiques, et sur toute la terre, et sur tout reptile qui rampe sur la terre ».

Jésus prendra aussi le royaume à cause de Son obéissance : « Étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé Lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, la mort même de la croix. C’est pourquoi aussi, Dieu l’a souverainement élevé, et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou ». Il prendra cette place d’honneur en raison de Sa mort, car nous lisons : « Et se réconcilier toutes choses par Lui, tant celles qui sont dans les cieux que celles qui sont sur la terre, ayant fait la paix, par le sang de sa croix ». Et sur la croix qui fut l’instrument de Sa mort étaient écrits, dans les principales langues de la terre, ces mots dont chaque lettre a été indélébilement conservée par la main de Dieu : « Celui-ci est Jésus le roi des Juifs ».

Ainsi, la domination sur toutes choses appartient de droit au Fils de l’homme en vertu de Son titre personnel, de Son obéissance, de Sa mort, et je puis ajouter aussi par conquête, car les jugements qui doivent Lui ouvrir le chemin du trône, et retrancher du royaume tout ce qui en fait le scandale, seront exécutés par Sa main elle-même : « Portes, élevez vos têtes ; portes éternelles haussez-vous, et le Roi de gloire entrera ; qui est ce Roi de gloire ? C’est l’Éternel fort et puissant dans les combats ».

Quelles puissantes fondations sont ainsi posées pour la domination du Fils de l’homme ! Comme nous voyons clairement chacun de Ses titres contribuer à la gloire de Son nom en Apocalypse 5 ! Nul être créé, qu’il fût dans les cieux ou sur la terre, ne put ouvrir le livre, sinon l’Agneau immolé, qui était aussi le lion de la tribu de Juda. Et Celui qui était assis sur le trône le Lui confie sans aucune hésitation. Alors l’Église glorifiée, les anges, et chaque créature dans toutes les parties du royaume, triomphent dans les droits de l’Agneau. Tous les desseins de Dieu dans le gouvernement universel sont rétablis en Christ le Fils de Dieu, Seigneur du ciel aussi bien que Fils de l’homme. Nous pouvons dire que si les promesses de Dieu sont en Lui « oui et amen », toutes les destinées de l’homme sous le gouvernement de Dieu sont aussi « en Lui oui et amen ».

En Christ toutes les gloires sont réunies. La restitution de toutes choses se fera par Lui. Il portera « plusieurs diadèmes » et sera revêtu de plusieurs titres, dont chacun exprimera une gloire spéciale. Par exemple, l’appellation de Seigneur qui Lui est donnée au psaume 8 n’a pas la même signification que celle de roi au psaume 22. Les couronnes sont différentes, mais l’une et l’autre Lui appartiennent. Il est aussi le « Père d’éternité » (És. 9) — roi et cependant père, le Salomon et l’Abraham de Dieu. En Lui tous seront bénis, et devant Lui tout genou fléchira. L’épée, la verge de fer sont entre Ses mains aussi bien que la verge de la justice. Il jugera comme le fit David, et le règne Lui appartiendra comme à Salomon. Comme Fils de David Il prend la puissance afin de l’exercer dans une sphère de gloire limitée ; comme Fils de l’homme Il agit dans une sphère plus vaste. Il vient dans Sa propre gloire, dans la gloire du Père, et dans la gloire des saints anges. Il prend aussi la puissance comme l’homme ressuscité (1 Cor. 15, 23–27). Et ce caractère s’exerce dans une sphère spéciale. Il foule aux pieds la mort, ce dernier adversaire, et c’est de toute justice que ce soit le ressuscité qui abolisse la mort.

Le royaume sera rempli des gloires de Christ, gloires variées mais s’harmonisant ensemble.

La croix a déjà présenté un exemple de cette œuvre parfaite : la miséricorde et la paix s’y réunissant, Dieu s’y montrant juste et cependant Celui qui justifie. Il en sera dans les jours de puissance qui vont venir comme dans les jours de faiblesse qui sont passés. Autrefois, la miséricorde et la vérité, la justice et la paix se sont embrassées, et bientôt l’autorité et l’obéissance, la bénédiction et le gouvernement, un nom de toute majesté et de toute puissance, et qui cependant tombera « comme une pluie même sur l’herbe », seront connus et appréciés simultanément. Il y aura la domination universelle de l’homme sur toute l’étendue de la création de Dieu, les honneurs du royaume dans le gouvernement des nations, ainsi que la présence du « Père d’éternité » pour répandre la bénédiction.

Tout tend à réaliser cette glorieuse suprématie du Fils de Dieu, bien que pour y arriver plusieurs devront traverser des océans de tribulation, et le jugement de ce « siècle mauvais ». Dieu conduit à ce dénouement, et l’homme ne peut s’y soustraire quoiqu’il essaie de consolider les fondements de la terre, ne voulant pas s’avouer qu’ils sont ébranlés et que Christ seul en soutient les colonnes. Le « faisceau de la vie », comme dit la femme qui a su deviner la gloire de David au temps de son abaissement, est solide et ferme parce que le Seigneur l’a formé. Tout chancelle, et les temps approchent où ceux qui ne veulent pas admettre ce fait dans un esprit de vigilance et de prière seront contraints à le reconnaître quand il sera devenu un fait historique et positif. Le « soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang », « les puissances des cieux seront ébranlées », « la lune tremblera » au jour de la colère de l’Éternel ; alors le Seigneur Jésus « foulera la cuve du vin de l’indignation et de la colère du Dieu tout-puissant ». Les choses élevées de la terre, les principautés qui gouvernent les ténèbres de ce monde, la bête et le faux prophète, les rois, les riches, les capitaines aussi bien que le « grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan », seront parmi les adversaires qui en sentiront la redoutable puissance.

L’épée de l’Éternel est seule dans une telle gloire. L’épée de Josué ou celle de David pouvaient-elles opérer de semblables effets ? Les principautés des ténèbres ont-elles reconnu leur puissance ? La mort et l’enfer s’y sont-ils soumis ? « Enlèveras-tu le léviathan avec l’hameçon ? ». Mais « Celui qui l’a fait peut lui appliquer son épée ».

Dans quelles mains faut-il donc que cette épée soit placée pour subjuguer de si formidables armées ? Son terrible emploi dans ce jour de vengeance, comme toute l’œuvre du Seigneur, qu’elle soit faite dans la faiblesse ou dans la force, nous montre assez quel est ce vainqueur. Quel que soit Son mode d’action, ou même le degré de Son abaissement, il rayonne en Lui et autour de Lui une divine lumière qui nous éclaire et nous convainc. Les victoires qu’a remportées le Seigneur des armées ont toujours eu le même caractère de grandeur. Elles révélaient la gloire de Sa personne comme il est écrit : « L’Éternel est un vaillant guerrier ; son nom est l’Éternel ». C’est-à-dire que Sa méthode de faire la guerre manifeste Son nom, Sa personne, Sa souveraineté. Les faux dieux d’Égypte, des Philistins, et de Babylone sentirent Sa main s’appesantir sur eux. Dagon tomba « le visage contre terre devant l’arche de l’Éternel » ; « Bel s’est incliné sur ses genoux, Nebo est renversé ».

Et la même supériorité se trouve dans le sceptre du Seigneur. Celui de Salomon n’en était qu’une figure, et la domination d’Adam aussi bien que le gouvernement de Noé s’éclipsent s’ils lui sont comparés. L’univers tout entier sera assujetti à Sa puissance. « Chantez à l’Éternel un nouveau cantique, vous, toute la terre, chantez à l’Éternel. Chantez à l’Éternel, bénissez son nom, annoncez de jour en jour sa délivrance. Racontez sa gloire parmi les nations, et ses merveilles parmi tous les peuples ». À l’ombre de ce sceptre, et dans l’éclat de ce trône glorieux, les nations soumises et justes demeureront en paix. Il y aura alliance entre les hommes et les bêtes des champs. « Le désert se réjouira », « le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet chantera ». Le soleil ne se couchera plus, et la lune ne se retirera plus, car l’Éternel sera pour lumière perpétuelle. On ne nuira point et on ne fera aucun dommage dans la montagne de Sa sainteté, car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel.

Israël revivra ; les ossements desséchés seront vivifiés ; la cité sera appelée : « Le Seigneur est là ». Il sera dit : « Cette terre-ci qui était désolée est devenue comme le jardin d’Éden ». Et elle recevra une salutation qui rendra hommage à ses saintes dignités : « L’Éternel te bénisse, ô demeure de la justice, montagne de sainteté ! ».

Les Gentils rentreront en eux-mêmes ; la raison leur reviendra. Le monde insensé que le Seigneur avait créé ne le connut point. Les rois de la terre se liguèrent contre l’Oint de l’Éternel. Ils « regimbèrent contre les aiguillons », trahissant ainsi l’excès de leur folie. Mais ils recouvreront la raison, et ce qui arriva à Nebucadnetsar paraîtra alors à la fois comme un mystère et comme une histoire. Après avoir subi judiciairement pendant un temps la sentence de folie, celui qui était symbolisé par la « tête d’or », et qui était le chef de la puissance païenne, retrouva sa raison, pour confesser la souveraineté divine. De même bientôt aussi la terre, au lieu de renier son Créateur, Le confessera et L’adorera, car « les rois fermeront la bouche sur toi ». « Le cœur de bête » leur sera enlevé, et un « cœur d’homme » leur sera donné. Ils ne mériteront plus le reproche d’être au-dessous du « bœuf qui connaît son possesseur », ou de la « cigogne, la tourterelle, et l’hirondelle qui on pris garde au temps qu’elles doivent venir », mais ils voleront « comme des pigeons à leur colombier ». « Voici, ceux-ci viendront de loin ; et voici, ceux-là viendront de l’aquilon, et ceux-là de la mer, et les autres du pays des Siniens ».

La création tout entière aussi bien qu’Israël et les Gentils se réjouira sous ce sceptre divin : « Le loup et l’agneau paîtront ensemble », « le léopard gîtera avec le chevreau ». Le sol lui-même connaîtra de nouveau les bienfaits de « la pluie de la première et de la dernière saison » et le travail du divin laboureur. « Tu visites la terre, tu l’enrichis amplement : le ruisseau de Dieu est plein d’eau, tu prépares leurs blés, après que tu l’as ainsi disposée ».

Quel sceptre que celui-là ! Tout ce qu’Adam a perdu lors de la chute, ce qu’Abraham a perdu dans sa race rejetée et dispersée, ce qu’Israël a perdu dans la terre de la promesse, ce que la maison de David a perdu dans le trône, ce que la création a perdu à cause de celui qui l’a assujettie « à la servitude de la corruption », tout cela sera réuni de nouveau, et manifesté dans les jours du Fils de l’homme.

Le Fils seul pouvait gouverner un pareil royaume. Nous l’avons déjà vu dans le cours de ces méditations ; l’efficacité du sacrifice qu’Il a accompli se pose sur la personne de la victime ; le sanctuaire où nous avons un libre accès n’est rendu agréable aussi que par la personne du sacrificateur et du médiateur qui le remplit et y exerce Ses fonctions, et le royaume qui doit être établi ne pourra être administré, ni sa majesté manifestée que par la même glorieuse personne. Le Fils de l’homme agit dans la condition la plus humble et la plus élevée, dans la pauvreté et dans l’abondance, dans l’opprobre et dans la dignité, comme le Nazaréen et le Bethléhémite sur la terre et dans le ciel ; et Il agira aussi pendant le millénium, ce temps de gloires terrestres et célestes. Mais quelles que soient les phases qu’Il a traversées, chaque degré ou modification dans le grand mystère qui Le concerne déclare ce qu’Il est. Le Christ de Dieu seul pouvait être ce qu’Il a été à la croix, ce qu’Il est maintenant assis à la droite du Père ; et pourvu que la foi ait toujours sous les yeux cet objet béni, il lui importe peu de Le suivre ici ou là.

Mais dans ce royaume à venir, il est encore d’autres gloires qu’il nous faut considérer.

« Le second homme est le Seigneur venu du ciel », et Son apparition doit être accompagnée d’une gloire que le trône de Salomon n’a jamais connue. « La lune rougira et le soleil sera honteux quand l’Éternel des armées régnera en la montagne de Sion et à Jérusalem ; et ce ne sera que gloire en la présence de ses anciens ». Dans ce royaume il y aura des choses célestes, et le renouvellement des choses terrestres. Adam possédait le jardin d’Éden avec toute son éclatante beauté ; mais bien plus encore, l’Éternel Dieu se promenait avec lui. Noé, Abraham, et tant d’autres dans les temps des patriarches avaient des troupeaux et du bétail, et Dieu avait donné à Noé la suprématie sur la terre. Mais ils avaient des privilèges autrement précieux que leurs possessions matérielles. Non seulement des anges leur apparaissaient, mais ils jouissaient d’entretiens avec le Seigneur des anges Lui-même qui descendait pour les visiter. La terre de Canaan était riche et belle, un pays découlant de lait, de miel ; mais plus que ces bénédictions purement terrestres, la gloire y resplendissait, et le témoignage de la présence divine brillait entre les chérubins.

Il en sera de même lors de la manifestation du Fils de Dieu en puissance. Le ciel éclairera cette grande scène d’une gloire toute nouvelle, aussi certainement que l’Éternel Dieu marcha dans le jardin d’Éden, ou que les anges apparurent aux patriarches, ou que la présence divine se manifesta dans le sanctuaire à Jérusalem.

Et non seulement ces visites célestes à la terre et ces manifestations visibles de la gloire auront lieu, mais toutes ces choses revêtiront un caractère nouveau et merveilleux. La terre recevra le témoignage de ce mystère ineffable ; à savoir, que du milieu même de sa poussière et de son asservissement elle a donné une famille aux cieux, une famille qui toute resplendissante de gloire reviendra la visiter ici-bas, bienvenue plus que les anges, et destinée à exercer sur elle une autorité bénie. « Car ce n’est point aux anges qu’Il a assujetti le monde à venir dont nous parlons. Mais quelqu’un a rendu ce témoignage, disant : Qu’est-ce que l’homme que tu te souviennes de lui ? ».

Dans la scène qui a eu lieu sur la montagne de la transfiguration (Matt. 17), et, au moment de l’entrée triomphale du Roi dans la ville sainte (Matt. 21), cet avènement de la puissance du Fils de Dieu est entrevu en figure dans les lieux célestes et terrestres. La gloire céleste resplendit sur la montagne. Jésus est transfiguré ; Son visage « luit comme le soleil », Ses vêtements sont blancs comme la lumière, et Moïse et Élie apparaissent avec Lui dans la gloire. De même à l’occasion de Son entrée royale dans la cité sainte, l’humble Jésus de Nazareth se montre à la fois le Seigneur de la terre et de sa plénitude, et le fils de David triomphant. On Le voit pendant un court moment sur la route qui conduit de Jéricho à Jérusalem, revêtu de Ses gloires et de Ses dignités terrestres, comme dans une autre occasion Il était apparu sur la haute montagne dans Sa gloire personnelle et céleste.

Chacun de ces incidents solennels était une transfiguration, bien qu’autre soit la gloire céleste et autre la gloire terrestre. Mais dans ces deux circonstances si différentes, Jésus fut glorifié, et soustrait pendant quelques instants à Sa position de Fils de Dieu abaissé, brisé, rejeté.

Et bientôt le chef de la famille ressuscité, soleil de la gloire céleste, sera manifesté comme Seigneur de la terre et de sa plénitude, et comme roi d’Israël et des nations.

Oui, Celui qui de toute éternité était dans le sein du Père, Celui qui, comme Dieu manifesté en chair, traversa les âpres sentiers de ce monde aboutissant à la mort sur la croix, se lèvera comme le soleil de justice sur cette terre, revêtu de tous Ses droits, de toute Son autorité, dans Son ineffable majesté et dans Sa gloire.

Mais avant que cette ère de bénédiction et de joie puisse être inaugurée, il faut qu’un autre événement s’accomplisse. Il faut que l’Église soit rattachée aux cieux comme son Seigneur. Le sentier de l’Église à travers le monde est celui que pourrait parcourir un étranger, auquel personne ne ferait attention. Et de même que la marche de l’Église sur la terre n’excite aucun intérêt, de même aussi son départ de la terre restera inaperçu. Et de même que le monde ne connaît pas la voie de l’Église, et ne verra point sa transmutation, de même elle ignore le moment fixé pour son enlèvement. Nous savons néanmoins que ce lien entre nous et les cieux sera formé avant que le royaume ou « monde à venir » soit manifesté. Car les saints prendront part aux actes d’autorité du Roi, lorsqu’il s’armera de l’épée du jugement, avant d’inaugurer le règne de la justice. « Celui qui aura vaincu, et qui aura gardé mes œuvres jusqu’à la fin, Je lui donnerai puissance sur les nations, et il les gouvernera avec une verge de fer ».

« Je lui donnerai l’étoile du matin ».

Le soleil est le luminaire qui a le rapport le plus direct avec la terre, et qui exerce le plus d’influence sur les intérêts et le bien-être des enfants des hommes. « Le soleil pour dominer sur le jour ; la lune et les étoiles pour avoir domination sur la nuit ». Mais dans ce système l’étoile du matin n’a pas sa place. « Il a fait la lune pour les saisons, et le soleil connaît son coucher. Il amène les ténèbres et la nuit vient, durant laquelle toutes les bêtes de la forêt rodent. Les lionceaux rugissent après la proie, et demandent au Dieu fort leur pâture. Le soleil se lève-t-il, ils se retirent, et demeurent gisants en leurs tanières, alors l’homme sort à son ouvrage et à son travail jusqu’au soir ». Dans tous ces arrangements, l’étoile du matin n’est pas nommée. Elle est belle, mais elle luit solitairement à son heure, et les enfants des hommes qui goûtent les bienfaits d’un sommeil réparateur ne la contemplent pas.

Le soleil est le compagnon, l’ami de l’homme, mais l’étoile matinière ne l’appelle pas à son labeur quotidien. Elle apparaît à l’instant qui lui est propre, et qui n’est ni le jour ni la nuit. L’enfant qui se réveille avant l’aube du jour, l’homme qui se lève avant le soleil, le veilleur de nuit la voient, et nul autre.

Le soleil, dans le langage des Écritures, luit pour le royaume : « Le juste dominateur des hommes, le dominateur en la crainte de Dieu, est comme la lumière du matin quand le soleil se lève » (2 Sam. 23, 3, 4 ; voyez aussi Matt. 13, 43 ; 17, 4, 5).

Ne devons-nous donc pas nous attendre à une lumière qui paraisse avant l’établissement du royaume ? N’y a-t-il pas des signes dans les cieux qui annoncent les temps et les saisons ? N’y a-t-il pas des voix dans ces sphères ? Dans l’apparition de l’étoile du matin à son heure solitaire n’est-il pas un mystère, aussi bien que dans le lever du soleil sur l’horizon ? N’est-ce pas là un « signe dans les cieux » de la venue de Celui dont la manifestation n’est pas d’abord pour le monde, mais pour un peuple qui attend un Seigneur céleste ? Israël, le peuple terrestre, salue « le soleil levant » (Luc 1, 78) ; mais l’Église attend « l’étoile du matin. Je suis la racine et la postérité de David, l’étoile brillante du matin. Et l’Esprit et l’Épouse disent : Viens » (Apoc. 22, 16, 17). Tout doit être à nous ; l’étoile matinière pour notre transfiguration à l’image de Jésus, et le soleil levant pour le jour de notre puissance avec Jésus.

Et lorsque l’étoile du matin aura brillé pour un peu de temps, le soleil se lèvera à son heure : « Alors les justes reluiront comme le soleil dans le royaume de leur Père ». « Et ce sera un matin sans nuages ; comme l’herbe qui sort de la terre après la lumière du soleil, quand il paraît après la pluie ». « Que les cieux se réjouissent, et que la terre s’égaie ; que la mer et ce qu’elle contient retentisse. Que les champs soient dans les transports, et tout ce qui est en eux ; que tous les arbres de la forêt chantent de joie au-devant de l’Éternel, parce qu’Il vient pour juger la terre ».

La foi a un monde qui lui est propre, et ce monde sera à nous selon le degré de ferveur et de simplicité auquel notre foi atteindra. David et Abigaïl marchèrent dans ce monde de la foi lorsqu’ils se rencontrèrent au désert de Paran ; selon les apparences, David n’était alors que le jouet des méchants, errant de caverne en caverne ; il consentait à se faire le débiteur d’un homme riche pour obtenir du pain, mais la foi sut découvrir autre chose en David. Le fugitif persécuté, poursuivi, dénué de tout, était à ses propres yeux et aux yeux d’Abigaïl, le seigneur du royaume à venir, et l’oint du Dieu d’Israël. Abigaïl se prosterna devant lui comme devant son roi, et ce fut avec la grâce d’un roi qu’il accepta son offrande. Les provisions qu’elle apportait, le pain et le vin, les grappes de raisin et les figues n’étaient pas une aumône accordée à David fugitif et pauvre, mais le tribut d’un sujet offert à David souverain. Elle se croyait trop honorée qu’Il daignât lui permettre de venir en aide à ses serviteurs. Ce monde nouveau où entra Abigaïl par la foi, avait pour son cœur une importance bien autrement grande que toutes les possessions de Nabal ; et le désert avait pour elle plus d’attrait que les champs fertiles et les nombreux troupeaux du mont Carmel.

Pour nous c’est une situation bénie que de pouvoir entrer et demeurer dans le monde qui est à nous. Noé le possédait quand il construisit l’arche immense qui semblait faite pour la terre et non pour l’eau. Ce fut en vue de ce monde-là qu’Abraham abandonna sa parenté, son pays, et la maison de son père. Paul n’avait-il pas ce même monde présent à la pensée quand il put dire : « Notre bourgeoisie est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transformera notre corps vil afin qu’il soit conforme à son corps glorieux » ? Et ne possédons-nous pas déjà ce monde quand, par la foi, nos âmes ont l’accès de cette grâce où nous demeurons ? Cette grâce est la demeure paisible et heureuse de la conscience lavée, purifiée, ainsi que l’habitation illuminée par l’espérance qui attend la gloire de Dieu. Nous ne connaissons que très imparfaitement ces choses, mais elles nous appartiennent néanmoins.

En terminant cette méditation dans laquelle nous avons contemplé selon nos faibles moyens le monde à venir, ajoutons que, si le Seigneur Jésus est glorieux comme Il le sera dans ce monde à venir, Il n’en est pas moins rejeté dans ce présent siècle mauvais.

De nos jours où les progrès moraux, sociaux et intellectuels cachent un Christ qui n’est pas de ce monde, cette vérité n’est que trop facilement oubliée. Mais la foi sait contempler un Christ rejeté et un monde jugé. La foi reconnaît que la maison, bien qu’elle ait été « vidée, balayée, ornée », n’a cependant pas changé de propriétaire, et qu’elle n’est que mieux adaptée aux projets de son maître.

C’est une grande erreur, bien-aimés, que de songer à cultiver et à orner ce triste monde pour le Fils de Dieu. Ceux qui essayent d’unir le nom du Seigneur Jésus au monde tel qu’il est maintenant, ou aux royaumes qui en font partie, exposent leur ignorance de la gloire du Seigneur dans sa lumineuse pureté. Le Fils de Dieu est toujours un étranger sur la terre. Il ne la recherche pas, mais Il veut en retirer un peuple qui, au milieu des pièges et des tentations, l’habite en étranger comme Lui, et qui doit y demeurer encore un peu de temps.

« Vous êtes ceux qui ont persévéré avec moi dans mes tentations. Et moi, je vous confère un royaume, comme mon Père m’en a conféré un ».

VI

« Alors le Fils aussi lui-même sera assujetti à Celui qui lui a assujetti toutes choses »

Il est bon de nous rappeler sans cesse que c’est le même Jésus ayant vécu sur la terre, qui est maintenant dans le ciel et que nous connaîtrons pendant l’éternité. À l’époque de Son séjour parmi les hommes, dans Sa vie tout était réel et personnel. Lorsqu’Il guérissait une maladie physique ou une douleur morale, Il s’y associait par la sympathie : « Il a pris nos langueurs, et a porté nos maladies ». Non seulement Ses joies, Ses souffrances et Ses mécomptes étaient réels, mais Il entrait dans les détails de chaque incident. Il comprenait le langage muet de cette femme affligée qui Le touchait dans la foule, et Il sentait cette silencieuse pression. Ce fut avec une grande joie qu’Il vit la foi du centenier gentil percer le voile épais de Son abaissement pour découvrir la gloire divine qu’Il cachait aux regards de la chair. De même à Naïn, la foi énergique de la pauvre pécheresse, qui malgré sa souillure et sa honte, s’empara de la grâce qui seule pouvait la guérir, réjouit le cœur de Jésus. Il comprit l’empressement de Zachée à monter sur l’arbre, et les méditations de Nathanaël assis sous le figuier. Il entendit les discussions des disciples sur la route de Jérusalem, et avant même que la querelle n’éclatât, Il s’était aperçu des convoitises et des ambitions charnelles qui en furent la cause cachée. C’est ainsi qu’Il apprécia l’amour de Pierre qui, aussi bien que sa présomption, l’attira de la barque sur l’eau à la rencontre de son Maître.

Quand nous lisons le merveilleux récit de la vie de Jésus, c’est donc à nous de l’y chercher Lui-même partout et toujours. Alors chacun de Ses actes, Ses moindres paroles produiraient sur nous une impression toute nouvelle, et nous ferions de sensibles progrès en présence d’un Jésus vivant et personnel. Il y a de nos jours une certaine tendance à perdre de vue Sa personne pour s’occuper plus exclusivement de Son œuvre. Les régions de la doctrine peuvent être minutieusement analysées, au lieu d’être contemplées avec adoration, comme la manifestation de la gloire du Fils de Dieu. Cependant, c’est ce culte de louanges et d’actions de grâces que le Seigneur Jésus nous demande avant toute chose. De même que nous sommes chacun personnellement les objets de Sa préoccupation, Il veut être aussi l’objet constant de nos pensées.

N’est-ce pas là en effet le point culminant ? L’élection, le pardon, l’adoption, la gloire et le royaume, ne trouvent-ils pas leur couronnement dans le fait que nous sommes les objets des désirs et de la dilection de Christ ? Et c’est là le point le plus élevé auquel nous puissions atteindre. L’adoption, la gloire, une place dans le royaume à venir laisseraient encore un côté incomplet dans ce mystère d’amour, car il comprend toutes les œuvres et tous les desseins dans l’histoire de la grâce, et par cette raison même il les dépasse tous.

L’Esprit se complaît à parler de l’œuvre de Christ, et à convaincre les consciences et les cœurs de sa plénitude et de son efficacité. On ne saurait rien substituer à cette œuvre, telle qu’elle a été accomplie selon les conseils de Dieu. Cependant si l’œuvre de Christ absorbait toute l’attention au détriment de Sa personne, l’âme éprouverait certainement une perte spirituelle.

Il nous arrive aussi, en considérant les voies les plus mystérieuses de notre Dieu, de nous sentir moralement écrasés sous la grandeur de cette contemplation et d’éprouver une sorte de soulagement en revenant à des vérités plus élémentaires. Mais si nous savions mieux pénétrer le sens de ces mystères, nous comprendrions que nous n’avons pas à nous y soustraire, puisqu’ils ne sont que l’expression plus développée de la même grâce et du même amour que nous avons appris à connaître dès le commencement. C’est un développement plus abondant dans le lit de la même rivière qui devient plus vaste en raison de l’éloignement progressif de son point de départ.

Loin de nuire à nos sentiments d’affection à l’égard de Christ, plus la gloire se développera à nos regards, plus les richesses de la grâce nous seront manifestées. L’aspect d’une rivière à sa source quand la vue embrasse sans effort, sans surprise, toute l’étendue du paysage, a bien son attrait. Mais quand cette rivière devient peu à peu un vaste fleuve avec ses courants rapides, ses bords variés, nous comprenons pourquoi elle a commencé à couler en nous rendant compte des merveilleux effets de fécondité qu’elle a produits sur son passage. Cependant ce sont toujours les mêmes eaux, et nous pouvons parcourir ses rives dans tous les sens avec un intérêt toujours soutenu quoique varié. Il en est de même de la « rivière de Dieu ». Nous pouvons en suivre le cours à travers les siècles et les économies sans qu’il soit nécessaire de nous reposer en remontant à la source. Quand nous arrivons en esprit « aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre », nous sommes toujours en présence de la même personne glorieuse, de la même ineffable grâce que nous avons connues dès le début.

« Jésus Christ le même hier, le même aujourd’hui, le même éternellement », voilà l’objet de notre contemplation. C’est ce qu’Il est dans la gloire qui Lui est propre, et dans Ses relations avec nous.

Dans d’autres époques, le Fils de Dieu apparaissait tantôt dans Sa gloire voilée, tantôt en manifestant cette gloire. Pour Abraham devant sa tente, pour Jacob à Peniel, pour Josué sous les murs de Jéricho, pour Gédéon, pour Manoah, la majesté se trouvait voilée, et la foi était appelée à pénétrer le mystère. Mais à Ésaïe, à Ézéchiel, à Daniel, le Fils de Dieu apparaît dans la plénitude de Sa gloire, et il fallut que la grâce rendît supportable le spectacle de cette gloire transcendante.

Mais avec ou sans voile, la personne demeurait la même. Dans les jours qui suivirent les temps dont nous avons parlé, lorsque Jésus participa à la chair et au sang, la gloire était voilée, et la foi était appelée à la découvrir comme au temps d’Abraham ou de Josué ; et après que Christ fut monté au ciel, Il apparut à Jean revêtu d’une gloire tellement transcendante qu’Il dut agir avec lui comme avec Ésaïe et avec Daniel pour que l’apôtre pût en supporter la splendeur.

Il va sans dire que ce ne fut que lors de la « plénitude des temps » que le Fils « naquit d’une femme », participant bien réellement à la chair et au sang avec les enfants de Dieu. Mais les manifestations qui précédèrent l’incarnation du Fils de Dieu étaient les arrhes des figures exactes de ce précieux mystère. Elles manifestaient sous des formes pleines de grâce et de beauté, les voies de Celui qui plus tard séjourna sur la terre dans l’amour humble, sympathique, dévoué, et qui est maintenant l’homme glorifié dans le ciel.

Il est édifiant de considérer ces types, ces figures. Si nous voyons dans la grange d’Ophra une gloire voilée, il en est de même au puits de Sichar. Si nous contemplons la splendeur de la gloire manifestée sur les bords du fleuve Hiddékel, nous la retrouvons dans l’île de Patmos. Le Fils de Dieu s’offrit aux regards d’Abraham comme un voyageur fatigué, et c’est ainsi qu’Il se montre aux disciples d’Emmaüs au déclin du jour. Et après Sa résurrection Il revêtit des formes diverses, afin de pouvoir répondre dans Sa divine grâce aux besoins du moment, comme jadis Il s’était fait voir sous les traits d’un voyageur ou d’un visiteur, apparaissant soit comme « un homme de Dieu » à Manoah et à sa femme dans les champs, soit comme un homme armé à Josué dans le camp de Jéricho.

Combien donc il est précieux de voir toujours le même Jésus dans les incidents racontés dans la Parole et de savoir que c’est un Christ vivant et vivant pour nous. Mais pour Le voir ainsi, il faut que nos yeux soient purifiés et que nous soyons habitués à contempler le ciel où Jésus a Sa demeure. Cette confiance simple qui Le glorifie n’est pas le fruit de la chair. Elle ne peut être produite que par l’opération et le témoignage du Saint Esprit. Quand Ésaïe fut mis en présence de la gloire de Dieu, il ne put en supporter l’éclat. Il se souvint de ses souillures, de ses misères et se sentit perdu. La chair ne put découvrir l’autel qui aussi bien que sa gloire se présentait à la vue du prophète. Il ne discernait pas dans le trouble de sa conscience ce qui pouvait lui donner une tranquillité parfaite, une ferme assurance, en l’unissant, tout pécheur qu’il était, avec la présence de la gloire dans toute sa splendeur. Cet autel que l’homme naturel ne pouvait apercevoir, le messager de l’Éternel le manifeste, et le prophète reste en paix revêtu d’une sainteté qui lui permet d’envisager la splendeur du trône de l’Éternel. La chair en nous craint de regarder en haut, l’Esprit nous y attire dans un sentiment de saint affranchissement. Lorsque Siméon conduit par l’Esprit se trouve en présence de la gloire, il s’avance plein de confiance et de joie. Il prend l’enfant Jésus dans ses bras. Il ne remercie personne du privilège dont il jouit d’embrasser « le salut de Dieu ». Par l’Esprit il a vu l’autel et par conséquent la gloire n’est pas un obstacle pour lui.

Et ces choses sont vraies maintenant comme au temps d’Ésaïe et de Siméon. L’Esprit conduit dans un chemin que la chair ne saurait jamais trouver, car souvent elle entravera les élans d’une foi pleinement assurée.

Nos méditations ont suivi le Seigneur depuis Sa demeure de toute éternité dans le sein du Père jusqu’au temps à venir du royaume millénial. Nous avons contemplé Son abaissement et Son élévation pendant les économies intermédiaires, et observé les liens qui unissent les diverses parties de ce grand mystère. L’Écriture qui est notre unique guide, ne nous donne pas le droit de Le suivre plus loin. Les psaumes et les prophètes ouvrent toute grande la porte du royaume à venir, mais ils n’en dépassent guère le seuil. Ils ne font qu’indiquer l’existence de régions plus lointaines sans nous les faire voir.

Ils dépeignent ce royaume à venir comme étant éternel dans sa durée, car il ne sera jamais remplacé par un autre royaume. Il ne pourrait pas être transféré plus que ne le pourrait la sacrificature du même Christ, le Fils de Dieu.

Il aura la durée de la royauté elle-même, et elle continuera tant que Celui à qui toute puissance appartient aura encore quelque œuvre à opérer par le moyen de cette puissance. Mais après un certain laps de temps, quand tout ce qui concerne le royaume aura reçu son accomplissement, il prendra fin.

Nous avons dans le psaume 8 une indication que ce royaume prendra fin. Ce psaume célèbre le jour de la puissance du Fils de l’homme et Sa domination sur la création. Mais 1 Corinthiens 15, 27, 28 est un commentaire inspiré de ce psaume, et déclare que ce jour de puissance sera suivi d’un nouvel état de choses.

Le royaume à venir sera une économie, et ce mot implique un état imparfait, incomplet. Nous ignorons à quel degré et dans quelles circonstances la puissance sera exercée, mais il est de toute évidence qu’elle existera, et qu’elle sera toute prête à se faire sentir. Les prophètes, il est vrai, contemplent ce royaume dans sa force, dans son étendue, dans sa gloire, dans sa paisible béatitude ; toutefois, la présence du mal et de la douleur est prévue quoiqu’il y ait l’autorité pour réprimer et pour secourir.

Dans la pensée de l’Esprit, l’idée du royaume implique une responsabilité, un ministère dont il faudra rendre compte. On peut dire que tout est ministère dans l’œuvre de Jésus Christ. Il est descendu ici-bas pour faire la volonté de Dieu, et l’a pleinement accomplie. La place qu’Il occupe actuellement dans les cieux est aussi un ministère, car comme souverain Sacrificateur, Jésus « est fidèle à Celui qui l’a établi, comme Moïse aussi était fidèle dans toute sa maison ». Il en sera de même de Son royaume de puissance. Il s’agira, il est vrai, de quelque chose qui ne Lui a pas encore été confié, de quelque chose de nouveau, d’excellent et de glorieux, mais ce sera toujours un ministère. Et comme tel, il viendra un temps où il faudra en rendre compte, et le remettre entre d’autres mains. Le mystère serait plein d’édification pour nos âmes si nous savions le comprendre ; car la gloire infinie de Christ donne à Son assujettissement son incommensurable valeur, et ainsi il glorifie Dieu bien plus que ne l’eût fait l’obéissance de toutes les créatures réunies.

Le Fils Lui-même trouve des délices à être le dispensateur ou le serviteur de Dieu pour faire Sa volonté, que ce soit dans la grâce, dans la gloire, dans l’humiliation ou dans la puissance. Et quand nous contemplons dans un esprit d’adoration la personne de Celui qui passe par ces diverses phases, nous comprenons que tous ces changements de circonstances et de conditions ne sont rien en réalité. Dans un sens qu’est-ce qui pourrait élever Jésus ? Serait-ce la gloire, serait-ce un royaume ? La foi n’a pas de peine à reconnaître en Jésus Celui qui doit venir, le dispensateur de la puissance, de la domination et des honneurs royaux, comme elle L’a reconnu aussi dans la faiblesse et dans l’abaissement lorsqu’Il séjourna sur la terre. Dans un sens, ces contrastes ne sont rien lorsqu’il s’agit « du Fils ». Mais dans un autre sens ils ont une grande portée, car en temps convenable Il a pris part à la douleur, comme en temps convenable Il prendra part à la joie. Pour Lui tout a été, tout est, tout sera une réalité. « L’homme de douleur prendra la coupe des délivrances ». Tout genou fléchira devant le « méprisé des hommes », toute langue confessera son nom. Cependant la personne est toujours la même, le Christ homme et Dieu. C’est pourquoi la foi admet qu’ayant été pendant les jours de Son abaissement le dispensateur de la grâce du Père, Il sera également dans les jours de Sa puissance, le dispensateur du royaume du Père.

Christ reconnaît que le temps fixé pour l’investiture de ce royaume et la répartition des récompenses et des honneurs du royaume, n’est pas entre Ses mains, mais qu’il appartient au Père (Matt. 20, 23 ; Marc 13, 32). Dans ce jour toute langue confessera que Christ est le Seigneur, mais ce sera à la gloire de Dieu le Père. Maintes et maintes fois Jésus en parle comme du royaume de Son Père. Il sera oint pour l’administrer, comme Il l’a été pour accomplir Sa mission sur la terre (És. 11, 1-3 ; 61, 1, 2).

Pour Christ tout est service et assujettissement ; les jours terrestres du renoncement et de la douleur ; les jours célestes du ministère sacerdotal ; les jours royaux de la puissance à venir. De même que le Christ ne s’est pas glorifié Lui-même pour être souverain Sacrificateur, mais Celui-là L’a glorifié qui Lui a dit : « Tu es mon fils, je t’ai aujourd’hui engendré », Il ne s’est pas non plus exalté comme Roi.

Le Fils sera trouvé fidèle là où tout autre a été trouvé en défaut. Il est dit des hommes : « Dieu assiste dans l’assemblée des forts : il juge au milieu des juges ». Mais du Fils il est écrit : « Ton trône, ô Dieu, est à toujours et à perpétuité ; le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité. Tu as aimé la justice et tu as haï l’iniquité ; c’est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile de joie par-dessus tes compagnons ». Tout ceci démontre que c’est pour un temps seulement que le Seigneur Jésus administre le royaume. Mais qu’Il tienne entre Ses mains l’épée ou le sceptre ; qu’Il agisse comme David ou comme Salomon, Il sera également fidèle. Quand Il sortira pour exécuter le jugement ou pour se mettre à la tête des armées célestes, il sera dit de Lui : « Le Seigneur est à ta droite ; Il froissera les rois au jour de sa colère ». Et encore : « Venez, contemplez les faits de l’Éternel, et voyez quels dégâts Il a faits en la terre ».

Le royaume sera une chose parfaite dans son temps, mais quand tout ce qui le concerne aura été accompli, le sceptre sera déposé, comme il est écrit : « Il remettra le royaume à Dieu le Père. Le Fils Lui-même sera assujetti à celui qui Lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ».

Dieu par le Fils a créé l’univers et les siècles. Et quand les mondes et les âges auront fourni leur carrière ; quand les dispensations auront manifesté les conseils, et les œuvres et les gloires qui leur étaient propres, le Fils en tant que Celui par qui toutes ces choses étaient fondées, ordonnées, maintenues, sera Lui-même assujetti au Père qui les avait placées sous Sa domination.

C’est la subordination du ministère, la sujétion de Celui auquel tout était assujetti à Celui qui Lui avait assujetti toutes choses. Quant à la personne elle est éternelle. Le Fils règne dans la gloire de la divinité avec le Père et le Saint Esprit, et comme en tant que Fils manifesté en chair, la personne de Christ est un tabernacle qui ne sera jamais aboli.

La personne que nous considérons est en elle même le mystère des mystères. Car lorsque nous contemplons Christ tel qu’Il est, l’éclat du royaume à venir n’est qu’un voile qui cache Sa gloire inhérente. La splendeur du trône peut-elle y ajouter ? Les honneurs de Salomon et du monde entier ne voileraient-ils pas aussi réellement la gloire du Fils qu’ont pu le faire les outrages du prétoire ou les ignominies de Golgotha ? La foi sait discerner le serviteur dans Ses jours d’exaltation comme dans Ses jours d’abaissement. Christ sert comme serviteur, Il sert comme sacrificateur, Il sert comme roi. Le service est la voie qu’Il s’est choisie, et Son service est agréable à Dieu au suprême degré. Il l’a accompli et Il l’a ennobli dans toutes ses phases, dans la force et dans la faiblesse, dans l’honneur et dans l’opprobre, dans la joie et dans la douleur, dans la ville de Nazareth, dans le tabernacle qui est aux cieux, et sur le trône de la puissance milléniale.

Dans la foi à ce mystère toutes les distances et tous les intervalles disparaissent. Le ciel et la terre, Dieu et l’homme, Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, les plus élevés et les plus abaissés, se trouvent associés pour la gloire de Dieu et pour notre propre bénédiction.

Quels anneaux ! Quels mystères ! Quelles harmonies ! Quels conseils concernant les fins de la création dans les âges cachés de l’éternelle sagesse avant que le monde fût ! Quelque vaste que soit l’étendue qu’a embrassée l’Écriture, elle se meut comme dans un cercle, et revient toujours au point d’où elle est partie. Le ciel qui avait disparu au chapitre 3 de la Genèse, reparaît dans les derniers chapitres de l’Apocalypse. L’arbre de vie est encore une fois près du fleuve d’eaux vives, et il n’y a plus d’anathème.

Il a été dit avec raison : « Les formes différentes sous lesquelles reparaît le royaume céleste sont profondément significatives ». Elles démontrent non seulement que tout a été reconquis, mais aussi sous une forme plus glorieuse, puisque cette restauration a été accomplie par le Fils de Dieu. Ce n’est plus le paradis, mais la Jérusalem céleste. Ce n’est plus le jardin d’Éden dans sa fécondité naturelle et sans culture ; c’est la cité de Dieu plus magnifique et plus glorieuse, mais édifiée au prix de durs labeurs, de longues souffrances, et formée de pierres qui d’après le modèle de la « pierre de l’angle », ont été taillées et préparées pour occuper la place qui leur a été destinée.

Nous voici arrivés à la restitution du royaume et aux confins des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Les cieux et la terre qui existent maintenant auront été le théâtre de la puissance du Fils, et le témoin de Sa parfaite grâce, de Sa gloire ineffable dans l’humilité et dans l’élévation, dans le ministère du Serviteur, du Sacrificateur et du Roi, dans la vie de la foi et dans la suprématie sur toutes choses. Lorsque le Fils aura été ainsi manifesté, dans la faiblesse comme dans la force, sur la terre comme dans les cieux, de la crèche jusqu’au trône, comme Nazaréen et comme Bethléhémite, comme l’Agneau et l’Oint de Dieu, comme Seigneur au-dessus de toutes choses, alors ces cieux et cette terre auront accompli tout ce qu’ils avaient à faire. Ils passeront, et alors cette parole du prophète de Dieu se fera entendre : « Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première à terre s’en étaient allés ».

Mais comme nous l’avons déjà observé, l’Écriture ne nous autorise pas à suivre le Seigneur Jésus bien loin au-delà du royaume. L’Esprit nous indique cependant quelques caractères des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Ésaïe nous dit que le premier ciel et la première terre seront effacés de notre souvenir, démontrant ainsi leur imperfection relativement à l’état de choses qui doit leur succéder. Il dit aussi que cette nouvelle organisation demeurera devant Dieu. Saint Paul dit qu’après la restitution du royaume Dieu sera « tout en tous ». Ceci nous permet de penser qu’alors se termineront toute puissance déléguée, tout ministère même celui du Fils, comme ayant rempli leur but. Saint Pierre parle des cieux nouveaux et de la terre nouvelle, comme étant l’habitation de la justice, et transporte ainsi notre pensée au-delà, à l’époque du sceptre de la justice.

Mais dans l’Apocalypse Jean en parle plus explicitement dans le passage que nous avons déjà cité (21, 1). Et en décrivant ce « nouveau ciel et cette nouvelle terre », il dit : « Voici, l’habitation de Dieu est avec les hommes, et Il habitera avec eux ; et ils seront son peuple, et Dieu Lui-même sera avec eux, leur Dieu. Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car les premières choses sont passées ». Les larmes sont passées ; la mort est passée ; la douleur, les cris, et le deuil ne sont plus. Il ne reste aucune trace des suites désastreuses du péché. La terre milléniale ne répondra pas à cette description : « Les premières choses sont passées ». Ce n’est pas que nous devions perdre un côté de ce qui nous a été donné dans les conseils de grâce et de gloire, dans le ministère du Fils et dans l’œuvre de l’Esprit. Rien de ce que nous aurons reçu dans le cours des dispensations divines ne sera perdu pour nous, pas même les rafraîchissements de l’Esprit Saint dont les mouvements de la chair troublent souvent le cours ici-bas. Tout cela restera en témoignage de ce qui est éternel par son essence même. Et c’est ainsi que toute la sagesse de Dieu qui nous est cachée maintenant en partie, sera savourée pleinement pendant l’éternité dans ses magnifiques effets. Ces manifestations de Dieu dans Sa sagesse, dans Sa puissance, dans Sa grâce et dans Sa gloire se sont montrées dans la marche des siècles. Elles ont rencontré dans notre monde perdu, dégradé, la résistance et la lutte ; mais dans les nouveaux cieux et dans la nouvelle terre tout conflit aura disparu ; et elles seront connues par leurs complets et glorieux résultats.

En présence de Celui qui est assis sur « le cheval blanc », l’apostasie des puissances de ce monde est frappée dans le plein développement de son audace et de son orgueil, et le Seigneur avec Ses saints règnent en justice sur la terre pendant l’économie milléniale. Puis la terre et le ciel actuels disparaissent devant la face de Celui qui est assis sur le trône blanc ; et on ne les trouve plus. « Et Celui qui est assis sur le trône, dit : Voici je fais toutes choses nouvelles ».

Ce ne sera plus le sceptre, mais « l’habitation de la justice », et par conséquent ce ne sera pas le trône du Fils, mais le tabernacle de Dieu avec les hommes. Ce ne sera plus cette terre souillée jadis par le sang de Christ, et qui a été le sépulcre de centaines de générations, mais une terre nouvelle ; ce ne seront plus les cieux qui ont été « vêtus de deuil », dans lesquels le tonnerre, les tempêtes et le déluge ont opéré l’œuvre de jugement, et témoigné de l’indignation divine, mais ce sera « un ciel nouveau ».

Celui qui aura soif boira à la source d’eau vive ; celui qui vaincra héritera de toute chose (Apoc. 21, 6, 7). Ce sont là des traits bénis dans les caractères des saints, et puissions-nous, en les méditant, connaître en quelque mesure ce que c’est que d’avoir soif du Dieu vivant et de remporter la victoire sur ce monde qui gît dans le mal.

Nous n’avons pas à nous appesantir sur ce sujet, car nous ne devons pas faire des suppositions là où nous ne pouvons donner des enseignements. Je m’arrête donc ici avec cette pensée qui m’a été en bénédiction. Si nous ne distinguons pas encore ces régions lointaines, nous pouvons du moins y croire et nous confier pleinement à Celui qui en est le Seigneur. Nous pouvons être assurés qu’elles seront tout ce que notre cœur désire, tout ce qu’exigera notre condition nouvelle. Le ciel a toujours répondu aux besoins de la terre. Au commencement le soleil a été établi pour « dominer sur le jour » et « la lune et les étoiles pour dominer sur la nuit ». Mais il n’y avait pas d’arc-en-ciel parce que la terre n’avait pas besoin d’une garantie contre les jugements de Dieu. Le jugement était alors chose inconnue. Mais quand la conscience fut réveillée, et que le jugement fut compris et devint un sujet de crainte ; quand Dieu fut connu dans Sa justice par les actes qu’Il avait accomplis, et que la terre éprouva le besoin de recevoir l’assurance que dans Sa colère Il se souviendrait d’avoir compassion, le ciel revêtit le gage de cette miséricorde, et le passé est une garantie pour l’avenir, bien qu’un ciel nouveau et une terre nouvelle doivent être révélés. Et je puis ajouter que la terre milléniale éprouvera de même à son égard cette faveur du ciel. Car elle y verra l’habitation de la gloire comme la foi y contemple maintenant le sanctuaire de la paix. La cité céleste de cette économie à venir descendra telle qu’elle doit être pour satisfaire les désirs des rois et des nations. Le Dieu du ciel et de la terre dans Son infatigable bonté, poursuivant toujours la même voie, s’occupera constamment du bonheur de Ses créatures : « Tout ce qui nous est donné de bon, et tout don parfait, sont d’en haut, descendant du Père des lumières, en qui il n’y a pas de variation, ni d’ombre de changement ».

Et les cieux nouveaux et la terre nouvelle rendront à jamais le même témoignage à la bonté inépuisable de Dieu.

Je désire par la grâce du Seigneur ne pas perdre de vue le fait que ce pays céleste est très rapproché de nous. Le ciel ne connaît ni distances, ni mesures comme celles de la terre. La science de l’homme nous parle d’étoiles auxquelles il faudrait des milliers d’années pour que leur lumière puisse parvenir jusqu’à nous. Qu’importe ? Laissons là de semblables spéculations ; elles n’ont rien de commun avec la lumière que donne l’Écriture. Ce sont les écoles, et non le Saint Esprit, qui enseignent ces choses. Car d’après les enseignements de la Parole, l’habitation de la gloire est si proche, que naguère une échelle en mesurait, au regard de Jacob, la distance qui la séparait de la terre. Il en est de même aujourd’hui pour la foi ; elle nous apprend que nous en sommes si près qu’un clin d’œil suffira pour accomplir le passage dans le temps voulu. Ce dont nous avons besoin, c’est de la foi qui fait de ces grands mystères une réalité pour l’intelligence.

Puissent ces méditations nous aider à reconnaître la proximité ainsi que la réalité des choses glorieusement bénies qui appartiennent à la foi.



  1. Il est le πρωτοτοκος, premier-né à divers égards, et nous sommes associes avec Lui, « le premier-né entre plusieurs frères ». Mais il est aussi le μονογενης ou l’unique, et là Il est seul.
  2. Si Jésus n’eût pas été égal à Dieu, il n’aurait pu en agir ainsi, car toute créature, par la position inférieure où elle est placée, est au service du Créateur. Un Juif pouvait en se faisant percer l’oreille se mettre volontairement au service d’un autre Juif (Ex. 21). Mais aucune créature ne peut servir Dieu par un effet de sa propre volonté, par la raison que dans nos relations de créature à Créateur, nous naissons serviteurs.
  3. Ce que l'on fait au-delà de ce qui est dû ou obligé. (NdE)
  4. Je parle, bien entendu, de ce voile déchiré comme du symbole de l’acceptation divine. L’obéissance de Christ, quelque profonde qu’elle fût, ne pouvait déchirer le voile : Sa mort seule le pouvait.
  5. Tous les enseignements que nous donne cette épître à l’égard de Christ monté au ciel, sont de nature à établir l’âme dans la grâce parce qu’ils nous Le montrent sous des aspects divers, répondant à nos besoins. Comme, par exemple, ayant expié nos péchés, ou comme l’auteur de notre salut, ou bien encore comme Celui qui nous sanctifie ou qui nous console dans nos épreuves. La doctrine que nous retrouvons sans cesse est celle de Christ élevé dans les cieux ; mais cette élévation nous est toujours présentée ou expliquée de manière à nous établir dans la grâce ce qui est le but principal de l’épître.
  6. Quand on annonce l’évangile, le péché de l’homme d’avoir mis à mort le Seigneur de gloire est toujours mis en évidence ; mais c’est la mort du Seigneur comme Agneau de Dieu qui est le fond de la grâce publiée par l’évangile.
  7. L’expression « Fils de l’homme » est caractéristique de Sa personne lorsqu’Il nous est présenté sous l’aspect de Sa gloire judiciaire, comme aussi lorsqu’il s’agit de Sa domination sur la terre (Ps. 8 ; Jean 5, 27 ; Matt. 20, 28).