Livre:Jonas, fils d’Amitthaï (E.G.)/La repentance de Ninive (suite)

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« Les habitants de Ninive crurent à Dieu » ; c’est-à-dire qu’ils crurent à Ses menaces ; et leur foi ne fut pas vaine, mais les remplit d’une salutaire frayeur. Si, comme eux, nous croyons à Dieu, comme eux nous tremblerons à Ses paroles, aussi longtemps que nous ne serons pas réconciliés avec Lui par la foi au sang de Christ. Nous tremblerons même beaucoup plus qu’eux, nous qui, tout en vivant au milieu des lumières de la grâce, L’offensons néanmoins autant ou plus que ne le faisaient ces païens qui vivaient au milieu des ténèbres de la nature. « À celui à qui il aura été beaucoup donné, il sera aussi beaucoup redemandé ». En vain, pécheur ! bénis-tu ton âme ; en vain dis-tu : « J’aurai la paix quoique je vive selon que je l’ai arrêté dans mon cœur » (Deut. 29). « La Parole de Dieu ne peut être anéantie ». « Ce que l’homme aura semé, il le moissonnera ». « Voici il vient, son salaire est avec lui ». Où donc irais-tu loin de sa face ? On peut fuir devant un ours, ou devant un lion ; mais où fuir devant le Tout-puissant ?… Hâte-toi donc, pécheur ! hâte-toi de te réfugier dans le sein de Jésus, de te sauver dans cette arche du salut, avant que ne tombe le déluge de « la colère de Dieu, ce déluge de feu » qui doit consumer « tous les orgueilleux et tous les méchants de la terre et ne leur laisser ni racine ni rameau » (Mal. 4).

Les habitants de Ninive effrayés « publièrent le jeûne ». Cet acte religieux sied à tous les hommes, à nous comme à ces Assyriens. Outre qu’il est un témoignage de notre repentir, il mortifie en nous la chair et nous laisse plus de temps pour l’humiliation. Puis, il nous dispose à la prière, et, en maintenant notre esprit plus libre et plus éveillé, nous permet de mieux reconnaître nos torts et de les mieux sentir. C’est là sûrement son usage sous l’évangile. Mais gardons-nous, sous la grâce, de jeûner dans l’esprit de la loi ; gardons-nous surtout d’attacher au jeûne la moindre idée de mérite ou de satisfaction. Au surplus, le Seigneur l’a si peu aboli sous la nouvelle économie, que Lui-même l’a pratiqué et qu’Il nous enseigne la manière de le faire. Après la descente du Consolateur, nous voyons les apôtres et les premiers disciples le pratiquer de même dans les circonstances les plus importantes de leur vie. L’expérience a d’ailleurs montré que jamais on ne le fait dans l’esprit de la grâce évangélique, sans y trouver de la bénédiction. C’est particulièrement lorsqu’il a eu le malheur de contrister le Saint Esprit, c’est aussi dans les conjonctures délicates et critiques de sa carrière, que l’enfant de Dieu doit prier avec jeûne, mais toujours en prenant garde que le formalisme, ce cancer de la vie religieuse, n’altère ou ne dénature le vrai caractère de cet acte important.

Au reste, il est bon de le rappeler, le jeûne que Dieu agrée, ce n’est pas que « l’homme afflige son âme un jour, qu’il courbe sa tête comme le jonc », qu’il se « couvre du sac et se couche sur la cendre » ; le jeûne « qu’il a choisi », c’est qu’on « dénoue les liens de la méchanceté, qu’on délie les cordages du joug et qu’on laisse aller libres ceux qui sont foulés ; c’est qu’on partage son pain avec celui qui a faim et qu’on fasse venir en sa maison les affligés qui sont errants » (És. 58). Tel est le vrai jeûne. C’est la pratique de tout ce qui est bien et la fuite de tout ce qui est mal ; c’est l’abstinence complète de tout ce que nous interdisent la Parole et l’exemple de Jésus. Le chrétien est un nazaréen de Dieu ; sa vie doit être un jeûne perpétuel, et ce jeûne une affaire du cœur. Sans le jeûne intérieur, le jeûne matériel n’a plus d’objet, plus de sens ; sans l’abstinence réelle, les privations extérieures ne sont devant Dieu que de vaines cérémonies, des actes de pharisaïsme plus nuisibles qu’utiles à notre âme, et mieux faits pour ajouter au déplaisir du Seigneur que pour détourner Son courroux.

Ce que nous venons de dire a plus spécialement rapport aux jeûnes individuels. Quant à ceux que nous pouvons être appelés à faire en commun, suivant les circonstances actuelles de l’Église ou du monde, le même caractère doit les distinguer pour que Dieu les agrée, savoir la sincérité. Sincérité avant de les célébrer : que chaque fidèle les regarde comme une chose sérieuse entre le Seigneur et sa propre conscience et s’y prépare en faisant le compte de ses voies. Sincérité en les célébrant : qu’il reconnaisse devant Dieu ses manquements un à un, recourant toujours plus sérieusement à « Celui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois », et qui veut accomplir en nous ce qu’Il nous commande. Sincérité, enfin, après les avoir célébrés : qu’il délaisse entièrement les péchés qui ont contribué à attirer, sur le pays ou sur l’Église, le juste déplaisir de Dieu ; qu’il répare ses torts, et que, « se fortifiant dans le Seigneur et dans la puissance de sa force », il se mette en état de Le mieux « glorifier » à l’avenir en son « corps et en son esprit qui lui appartiennent ».

Non seulement les Ninivites jeûnèrent ; ils se « revêtirent » encore « de sacs » et se repentirent ; et l’on peut espérer, avons-nous dit, que, dans leur nombre, plusieurs se donnèrent à Dieu de tout leur cœur. Repentons-nous aussi comme eux… Mais tel lecteur dira peut-être : « Quoi ! Suis-je donc un Ninivite pour que j’aie besoin de me repentir ? » — Ah ! si vos actes ne sont pas ceux d’un Ninivite, pouvez-vous dire que vos sentiments ne le soient pas ? Ignorez-vous d’ailleurs ce que c’est que se repentir ? Se repentir, ce n’est pas seulement reconnaître ses fautes, s’en humilier devant Dieu, et se courber un moment comme le jonc, pour se redresser l’instant d’après comme le chêne. Se repentir, c’est délaisser entièrement le péché, tout péché, sans nulle exception. C’est dépouiller le vieil homme avec ses convoitises charnelles, pour revêtir l’homme nouveau avec ses affections divines ; c’est haïr le péché, le péché même, et le redouter plus encore que les maux dont il est la source. Toute autre repentance n’est pour Dieu qu’une impie dérision ; Il ne se paie pas de mots ; ce qu’Il veut, ce qu’Il attend de nous, c’est l’amendement du cœur et de la vie. Faut-il encore que des païens nous l’apprennent, et que ce qui fait l’essence du jeûne, c’est de se convertir de sa mauvaise voie ? Sans doute la pénitence des Ninivites laissait infiniment à désirer ; mais, tout imparfaite qu’elle était, encore valait-elle mieux que la repentance hypocrite de ces chrétiens de nom qui, à un certain jour de l’année, s’approchent de Dieu des lèvres pendant que leur cœur, asile ordinaire des plus mauvaises passions, demeure fort éloigné de Lui ; ou que l’impénitence de ces pécheurs endurcis que rien, absolument rien, ne peut engager à renoncer au mal, non pas même la crainte du châtiment.

« Nettoyons nos mains, purifions nos cœurs. Approchons-nous de Dieu et il s’approchera de nous ». « Recherchons nos voies et les sondons, et retournons-nous jusqu’à l’Éternel ». Oui, « jusqu’à l’Éternel » ; car on peut s’arrêter en chemin ; il est des retours à Dieu qui ne s’achèvent pas ; il est des conversions qui avortent. Surtout ne différons pas de retourner ainsi jusqu’à Dieu ; car, outre que le délai rend la repentance toujours plus difficile, la porte de la miséricorde divine, qui nous est ouverte aujourd’hui, le sera-t-elle encore demain ? « Étant repris par moi, convertissez-vous », crie la souveraine sapience ; « que si vous refusez d’ouïr, je me rirai de vous au jour de votre calamité ; vous crierez vers moi et je ne vous répondrai point ; vous me chercherez de grand matin, mais vous ne me trouverez point. Cherchez donc l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près ; retournez à Lui, car il pardonne surabondamment » (Prov. 1 ; És. 55). Que non seulement le pécheur inconverti réponde à ce miséricordieux appel ; que le fidèle aussi se repente de ses propres fautes ; que chaque famille, chaque assemblée chrétienne fasse de même : il convient de déplorer et de délaisser ensemble les péchés qu’on a commis ensemble ; c’est en même temps le moyen de détourner de dessus soi le châtiment commun qu’on a mérité.

Mais, hélas ! renoncer au péché, au péché sous quelque forme qu’il se montre, jeûner ainsi du cœur, c’est la dernière chose à quoi l’on songe. Le pécheur fera tout ce qu’on voudra, pourvu qu’on lui permette de retenir et de caresser son idole favorite. Le mahométan ira du bout de la terre à la Mecque, s’il peut y porter avec soi sa sensualité. L’hindou se traînera sur ses genoux jusqu’à la grande pagode et se laissera brûler sur la pile funèbre, s’il peut conserver son orgueil et s’adorer soi-même. Le papiste recomptera chaque jour tous les grains de son chapelet, jeûnera, courra même jusqu’à Rome, s’il peut nourrir ses voluptés charnelles. Le juif offrira les sacrifices les plus coûteux, s’il peut haïr le Christ de tout son cœur et servir Mammon. Et l’orthodoxe sans vie, nouvel Hérode, fera, à la voix d’un nouveau Jean-Baptiste, les choses les plus difficiles, pourvu que vous lui permettiez de garder son Hérodias. Ainsi est fait ce pauvre cœur humain. On jeûnera, on se macèrera, on livrera ses biens « pour la nourriture des pauvres et son corps pour être brûlé », plutôt que de se donner soi-même à Dieu. Religions de pharisiens, renoncements mensongers, repentances hypocrites dont il faudra bien se repentir un jour, jeûnes que Dieu déteste à l’égal de l’intempérance ! Celui-là seul « obtiendra miséricorde qui confesse son iniquité et qui la délaisse ».

En même temps que les Ninivites jeûnèrent et se repentirent, ils en appelèrent à la clémence du souverain Juge. Sous le châtiment de Dieu, suivons encore l’exemple que ces gens nous donnent. Comme eux, crions à Dieu de toutes nos forces, implorons avec ardeur Ses tendres compassions. Nous avons sur eux cet immense avantage que nous possédons les paroles du Seigneur. Eh bien, mêlons Ses promesses à nos soupirs ; replaçons-les devant Lui dans nos supplications ; et, Le prenant corps à corps dans la sainte lutte de la prière (Gen. 32), répétons-Lui : Seigneur n’as-tu pas dit ? — N’as-tu pas dit : « Qui cherche trouve » ? N’as-tu pas dit : « Enfants rebelles, convertissez-vous à moi et je remédierai à vos rebellions » ? N’as-tu pas dit : « Lavez-vous, nettoyez-vous ; et quand vos péchés seraient rouges comme le cramoisi, je les blanchirai comme la neige » (Luc 11 ; Jér. 3 ; És. 1) ? Que notre foi, s’emparant de ces précieuses promesses, s’en prévale hardiment auprès du Seigneur ; alors des paroles de paix sortiront de Sa bouche ; Sa verge s’éloignera de nous, et nous recevrons la douce assurance que, « pour l’amour de lui-même, il a effacé nos forfaits comme une nuée épaisse et nos péchés comme un nuage » (És. 44).

Non seulement prions comme les Ninivites, espérons aussi comme eux. Voyez encore ces païens ! Ils se flattent de détourner, par leur amendement, le châtiment qui les menace, bien que Jonas, ainsi qu’on l’a vu, ne leur eût absolument rien dit qui pût le moins du monde leur en donner l’espoir. Reposons-nous de même sur la miséricorde du Seigneur, « regardant sa longanimité comme une preuve qu’il veut notre salut ». Eût-Il déjà pris l’arc de la vengeance et ajusté la flèche pour nous en frapper, l’arme tombera de Ses mains au premier signe d’un vrai repentir de notre part, et nous trouverons en Lui toute la clémence du Dieu des compassions. Mais, d’un autre côté, tremblons de mal interpréter les délais qu’Il nous accorde, et gardons-nous d’oublier cette solennelle déclaration de Sa Parole : « Parce que la sentence contre les mauvaises œuvres ne s’exécute point incontinent, à cause de cela le cœur des hommes est plein au-dedans d’eux-mêmes d’envie de mal faire ; car le pécheur fait mal cent fois, et Dieu lui donne du délai ; mais je connais aussi qu’il sera bien à ceux qui craignent Dieu et qui révèrent sa face ; mais qu’il ne sera pas bien au méchant, et qu’il ne prolongera point ses jours, non plus que l’ombre, parce qu’il ne révère point la face de Dieu » (Eccl. 8).

On se rappelle la parole qui terminait l’édit des chefs de Ninive : « Qui sait », disaient-ils, « si Dieu ne se repentira pas et s’il n’apaisera pas l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point ? » — « Qui sait ? » disaient les principaux de Ninive — « Qui sait ? » dit aussi cette pauvre âme qui gémit sous le poids de ses fautes, et déjà croit entendre prononcer sa condamnation. « Qui sait » si le Seigneur « n’aura pas pitié de moi » (2 Sam. 12, 22) ? « s’il ne reviendra point à se repentir » (Joël 2) « et à me rendre la vie » (Ps. 85) ? Pécheur ! qui fais à Dieu le plus cruel outrage qu’Il puisse recevoir de Sa créature humaine, en Lui prêtant tes sentiments et tes pensées, en Lui attribuant un cœur dur, étroit, rancunier, façonné à la ressemblance du tien ; pauvre pécheur ! tu ne désespères donc pas tout à fait de Sa charité ; mais tu dis, avec les princes de Ninive : « Qui sait » s’Il ne pardonnera pas ? Tu as donc, toi chrétien, tout juste autant d’espoir qu’en avaient ces fils d’Assur. Mais, dis-nous, ne rougis-tu pas d’espérer tout juste autant que ces païens, toi qui possèdes la pleine révélation de la grâce de Dieu en Jésus Christ ? toi qui dois savoir que le courroux du ciel s’est pour jamais éteint dans le sang de l’Agneau sans tache ; et « que si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous nettoyer de toute iniquité » ? « Le Seigneur est-il donc un homme pour mentir ? Ce qu’il a dit, ne le ferait-il pas ? » Ah ! relis avec un esprit simple Ses fidèles paroles, reçois-les dans un cœur humble et soumis ; alors, au lieu de dire avec les Ninivites : « Qui sait s’il ne se repentira pas ? » tu diras plutôt avec Jonas 4 : « Je sais qu’il est le Dieu clément, miséricordieux, lent à la colère, riche en grâce et qui se repent du mal dont il a menacé ». Tu diras avec Job : « Je sais que mon Rédempteur est vivant » (chap. 19). Avec le psalmiste : « Je sais que Dieu est pour moi » (Ps. 56). Avec Jean : « Nous savons que nous avons la vie, nous qui croyons au nom du Fils unique de Dieu » (1 Jean 5). Avec Paul enfin : « Je sais en qui j’ai cru et je suis persuadé qu’il est puissant pour garder mon dépôt jusqu’à cette journée-là. Je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a montré en Jésus Christ notre Seigneur » (2 Tim. 1 ; Rom. 8).

Encore un mot sur la repentance des Ninivites. Elle nous rappelle tout naturellement la mémorable parole du Seigneur, que nous avons déjà tant de fois mentionnée : « Les hommes de Ninive se relèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se convertirent à la prédication de Jonas, et voici il y a ici plus que Jonas » (Matt. 12). Il est bien clair qu’il ne faut pas prendre ceci à la lettre, et comme si, dans ce jour solennel où les morts, grands et petits, paraîtront devant le trône blanc (Apoc. 20), les gens de Ninive devaient accuser les Juifs, déposer contre eux et les condamner. Le Seigneur propose ici le jugement final sous l’emblème des jugements des hommes, selon le langage ordinaire de l’Écriture. C’est par sa conduite que Ninive, au dernier jour, doit faire le procès à Jérusalem. En cette grande journée, la repentance de la ville assyrienne condamnera l’impénitence de la nation juive qui refusa d’écouter le Fils de Dieu. Tandis que Ninive était étrangère aux alliances, la nation juive était le peuple du Seigneur, honoré de Sa présence, instruit de Sa volonté, dépositaire de Ses divins oracles. Un simple prophète, un étranger, un inconnu tonne contre Ninive, et Ninive s’humilie ; une nuée de prophètes, également recommandables par la sainteté de la vie et par la puissance de la parole, et, après eux tous, leur Seigneur et leur Maître en personne, pressent Israël de se convertir, et Israël ne se convertit pas !

Le prophète unique que l’Éternel avait envoyé à Ninive n’y prêcha qu’un jour et Ninive se repentit ; mille messagers du Seigneur apparurent au milieu de Son peuple, de Moïse à Jésus Christ, et ce malheureux peuple se jeta sur eux pour les lapider. Tandis que la nation revêche résiste aux innombrables appels de Dieu, aux sommations les plus pressantes de Son amour, tellement qu’Il s’écrie : « J’ai tout le jour » (c’est-à-dire durant toute l’économie légale), « j’ai étendu mes mains vers un peuple rebelle et contredisant », et plus tard encore : « Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés, combien de fois n’ai-je pas voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, mais vous ne l’avez pas voulu ! » (És. 65 ; Matt. 23) : — tandis que la nation revêche résiste à tous les appels de la miséricorde divine, Ninive, au contraire, la païenne Ninive se convertit tout entière à la voix de Jonas, qui cependant ne lui avait apporté, de la part de Dieu, qu’une parole de colère, sans y mêler un seul mot de pardon.

Il y a plus : au lieu que Ninive s’humilie sitôt qu’elle a ouï la menace du modeste ambassadeur de Jéhovah, la nation juive, durant quinze siècles, Jérusalem, Capernaüm, Chorazin, Bethsaïda, durant tout le ministère personnel de Jésus, se bouchent méchamment les oreilles de peur d’entendre le Prince des prophètes et Ses innombrables envoyés. Ninive crut à un homme et Israël ne voulut pas croire à « Dieu manifesté en chair ». Ninive fut persuadée sans voir de miracles, et Israël resta incrédule en présence d’une infinité de prodiges. Enfin, pendant que la cité des nations tombe à genoux devant l’Éternel à la voix de Son prophète, la cité de Dieu demeure obstinément sourde à la voix de Jésus qui lui fait ouïr ces foudroyantes paroles : « Voici, les jours viennent que tes ennemis t’entoureront de tranchées, qu’ils t’enserreront de toutes parts, et te raseront, toi et tes enfants, ne laissant en toi pierre sur pierre qui ne soit démolie » ; bien loin de s’amender, Jérusalem s’endurcit de plus en plus dans son impiété et crucifie à la fin le Seigneur de gloire.

Oui, Ninive condamnera le peuple juif au jour du jugement. Mais plus que le peuple de col raide, elle vous condamnera, vous pécheurs de la chrétienté ! qui possédez le Seigneur, non plus caché sous la forme abjecte d’un serviteur, mais élevé dans la gloire ; vous qui Le possédez avec tous les trésors de Sa clémence, et qui, malgré tous les avertissements de Sa charité, n’en continuez pas moins à mépriser les richesses de Sa grâce, en même temps que vous bravez les menaces de Sa justice et les terreurs de Son jugement. De pauvres païens se repentirent à la voix du serviteur et vous demeurez impénitents à celle du Maître. Ils crurent à un homme, à un prophète, et vous ne croyez pas au Prophète des prophètes, au Fils du Dieu vivant. Ils jeûnèrent et vous vivez dans la sensualité. Ils se couvrirent de sacs et vous recherchez la délicatesse des ameublements et de la parure ; ils affligèrent leurs cœurs et vous poursuivez avec une ardeur infatigable les vains plaisirs du siècle. Ils s’humilièrent et vous vous élevez. Ils se détournèrent de leurs injustices, et vous persévérez dans votre méchant train. Quelle honte pour les clairvoyants quand les aveugles marchent plus droit qu’eux ! Quel reproche pour les docteurs quand les ignorants leur font la leçon ! Et quelle condamnation pour ceux qui se disent les enfants, quand les étrangers témoignent à Celui qu’ils nomment leur père, plus d’affection, de respect et d’obéissance qu’eux-mêmes !

« Aujourd’hui que vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». Car voici le messager de Dieu, la mort vient, elle vient pour saisir l’impénitent et le rebelle, et le jeter au pied du tribunal de son Créateur et de son Juge. Ah ! si l’on vous annonçait de la part du Seigneur que, dans peu de jours, un tremblement de terre doit renverser le lieu que vous habitez, avec quelle ardeur ne vous verrait-on pas, repentants et humiliés, implorer à l’instant Ses miséricordes ! Ce que vous feriez pour éviter un jugement temporel, ne le ferez-vous donc pas beaucoup plutôt, fous et aveugles que vous êtes, pour éviter la colère à venir, les grincements de dents, le ver qui ne meurt point, le feu qui ne s’éteint point ! La repentance ou l’enfer ! tel est le redoutable dilemme que Dieu place devant toi, pécheur ! Afflige ton âme ou péris ; frappe-toi la poitrine avec le péager, si tu ne veux pas te désoler avec le riche dans l’enfer ; pleure enfin quelques jours devant Dieu sur la terre, ou va gémir éternellement loin de Sa présence dans les ténèbres de dehors !

Remontons, avant de terminer, à l’idée typique que renferme notre texte. Nous n’aurions pas même osé hasarder la supposition d’un parallèle entre Jonas et le Christ, si le Seigneur ne nous eût expressément montré, dans le prophète, un type de Son ministère personnel. Nous avons déjà vu comment Jonas avait préfiguré Jésus dans sa mort et dans sa résurrection. Il nous reste maintenant à voir comment il Le préfigura dans sa prédication. Jonas, sorti de son tombeau, prêche la repentance dans Ninive étrangère aux alliances de la promesse et sauve la cité païenne d’une entière subversion ; Jésus, après Sa résurrection, visite le monde par Ses apôtres qui publient « en son nom la repentance et la rémission des péchés », et sauve des multitudes de la mort éternelle. — Jonas, sans appareil, sans autre arme que le mandat et la Parole de Dieu, entre dans la grande cité, siège du luxe, de l’injustice, de l’orgueil et de la violence ; il prêche ; à sa voix, la ville entière s’émeut ; le roi, les grands et les petits, croyant à sa prédication, changent de vêtements et de cœur, prient et jeûnent devant l’Éternel qui leur pardonne ; Jésus paraît dans le monde, simple, sans éclat, sans apparence ; Il y fait retentir, par la bouche de Ses messagers, la parole nue et simple de l’évangile ; et « la folie de la prédication » renverse, non seulement la grossière folie des peuples superstitieux et idolâtres, mais la prétendue sagesse des philosophes du siècle : si bien que, dans cette grande cité du monde, des multitudes renoncent « à la vaine manière de vivre de leurs pères, et se convertissent au Dieu vivant et vrai ».

À travers dix-huit siècles, cette grande prédication du salut évangélique est parvenue jusqu’à nous ; elle retentit encore aujourd’hui dans tout le monde, et l’heure approche où, comme le souverain de Ninive, tous les princes de la terre fléchiront le genou devant le Seigneur des seigneurs, et où tous leurs peuples avec eux adoreront et serviront le Prince de paix (Ps. 72). Alors, et seulement alors, sera pleinement réalisé le signe de Jonas et du Fils de l’homme. En attendant qu’il s’accomplisse dans l’humanité, demandons-nous à nous-mêmes, chers lecteurs ! s’il est réellement accompli dans notre propre âme ; si nous sommes morts et ressuscités à la ressemblance du prophète ; si, à l’exemple et par la vertu de Christ, nous marchons vraiment en nouveauté de vie. Relisons encore une fois la solennelle déclaration du Seigneur (Matt. 12), et plutôt que de nous « relever », au dernier jour, « avec ceux de Ninive », pour être « condamnés » par eux, ah ! tournons sans délai nos regards vers Celui qui est « plus que Jonas ». Oui, « plus que Jonas » ! car Jonas était un homme pécheur et désobéissant comme nous, et Jésus est le saint et le juste. Oui, « plus que Jonas » ! car Jonas ne pouvait qu’annoncer les jugements de Dieu, au lien que Jésus les a Lui-même détournés de dessus tous ceux qui croient. Oui, « plus que Jonas » ! car Jonas invitait simplement les Ninivites à quitter la mauvaise voie, et Jésus donne le Saint Esprit qui, purifiant le cœur, place et maintient dans le sentier qui mène à la vie. Recourons donc, oh oui, recourons au Sauveur, à Sa grâce, à Son amour, à Son Esprit, toujours, oui, toujours à Celui qui « nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang, et nous a faits rois et sacrificateurs à Dieu ». — À Lui soient l’honneur et la gloire aux siècles des siècles, amen !