Traité:Le sabbat

De mipe
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ou
Qui est mort : la loi ou moi ?
J.N. Darby

I

Le repos de Dieu me semble être une question d’une importance immense. Par un côté il distingue les saints tant des méchants que de la création inintelligente. L’entrée dans le repos de Dieu est peut-être la forme la plus élevée sous laquelle nous puissions concevoir la bénédiction ; car le repos de Dieu n’implique pas qu’on soit simplement soulagé du travail, ce qui est le cas pour le repos de l’homme, mais qu’on se complaît paisiblement dans ce qui est parfait et bon. Il implique sans doute qu’on a cessé de travailler — non pas tant de se fatiguer — qu’on a cessé même un saint travail ; mais il est quelque chose de plus grand : il est la jouissance qu’on prend à voir achevé, complet, ce à quoi l’on a travaillé, la jouissance de la propre perfection de ce en quoi l’on se trouve — et, pour ce qui nous concerne, cette position est en Dieu Lui-même.

La nature de Dieu se repose dans ce qui est parfaitement bon. « La promesse nous est laissée d’entrer dans son repos », non pas dans le repos simplement, bien qu’il soit vrai que ce sera le repos, et un heureux repos, mais « dans Son repos » — dans la parfaite satisfaction que Dieu trouve en tout ce qui a été amené à la perfection devant Lui. Comme des affections saintes trouvent du repos dans ce qui est bon, comme aussi l’ouvrier est heureux de se reposer de son travail, le repos de Dieu est la portion du peuple de Dieu. Quand Dieu eut tout créé, et eut vu que c’était très bon — Il se reposa ; Il cessa de créer, et se réjouit en ce qui avait été créé : Son œuvre répondait parfaitement à Sa pensée. Bien meilleur encore sera le repos éternel de Dieu dans le bien parfait qui sera le plein résultat de la rédemption et de l’œuvre par laquelle nous aurons été amenés à la gloire, le ciel ainsi que la terre étant en une parfaite et sainte harmonie — le repos de Dieu en Lui-même en amour, et dans la bénédiction de toutes choses autour de Lui, qui répondront chacune à sa place à ce qu’Il est.

Plus d’une fois, le jour du Seigneur, j’ai eu un sentiment profond de l’entière pauvreté de la création, belle peut-être en elle-même, mais n’ayant pas de lien avec Dieu dans le repos ; les divers êtres qui la composent poursuivant chaque jour la recherche de leur nourriture, ou suivant chacun son instinct, mais ne présentant jamais l’expression de quelque relation avec Dieu. Mais « il reste un repos pour le peuple de Dieu ». Quoiqu’ils ne le possèdent pas encore, ce repos est un trait distinctif des croyants : il est donc de toute importance de savoir sur quel fondement, de quelle manière, et dans quelle mesure ils y ont part maintenant, c’est-à-dire en tant que chrétiens. Nous verrons quelle place saillante ce repos occupe dans les pensées de Dieu, lorsque nous examinerons les récits qu’Il nous a donnés de Ses voies.

Or, à cette question s’en rattache une autre : la place que la loi occupe dans les voies de Dieu. Cela revient à demander : Quel est le premier objet dans les voies de Dieu ? Est-ce Son conseil, lequel est inséparable de Sa grâce, ou bien est-ce la responsabilité de l’homme — c’est-à-dire, est-ce la grâce ou bien la loi ; est-ce le premier Adam ou le second ? Ici le vieil adage d’Aristote devient véritable : « Le commencement de la théorie est la fin de la pratique »[2]. Qu’en elle-même la loi ne soit pas la grâce, c’est une chose évidente. Elle exige de l’homme ; elle ne lui donne pas, comme la grâce, d’une manière souveraine, contrairement à ce qu’il a mérité. Cependant toutes deux sont divines et vraies à leur place. C’est pour n’avoir pas vu leur place respective que des difficultés insolubles se sont soulevées. Si elles sont toutes deux de Dieu, elles doivent être toutes deux maintenues : l’autorité de Dieu à l’égard de la responsabilité de l’homme — la grâce souveraine abondant par-dessus tout. Le droit de Dieu à ces deux égards doit être absolument maintenu. La difficulté consiste en ceci : la loi et la grâce, quoique impliquant toutes deux le droit de Dieu, se contredisent cependant l’une l’autre dans leur nature. Exiger et donner sont nécessairement choses opposées. Si mille francs sont dus, il est très juste de les exiger, mais ce n’est pas de la grâce. Si je les paie pour le débiteur de manière à le délivrer de sa dette, lui qui n’a droit à rien de ma part, c’est pure bonté et pure grâce — seulement, la justice est satisfaite par le paiement.

Mais nous verrons que ce n’est pas tout. J’affirme donc, que le conseil de Dieu, le second homme et la vie éternelle en Lui, existaient avant la question de responsabilité du premier homme, tandis que, de fait, la responsabilité et la loi sont venues les premières dans l’histoire de l’homme et de ce monde ; j’affirme que les deux choses se rencontrent en Christ, et que ce n’est qu’en Lui que la difficulté est résolue — difficulté sur laquelle les païens ont raisonné aussi bien que les chrétiens, parce qu’elle gît dans la nature et l’état de l’homme. Lorsque j’aurai développé cette vérité d’après l’Écriture, je l’appliquerai à notre question et au repos de Dieu.

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Le fait que le conseil, la pleine promesse et la grâce de Dieu existaient dans la pensée divine avant le monde, et cela dans le dernier Adam, ou dans le second homme, implique cette autre vérité que, quelles que soient les nombreuses bénédictions accessoires qui en résulteront pour le monde, ce conseil, quoiqu’il doive se développer dans le monde et y trouver sa place, n’est pas du monde et ne fait point directement partie de son histoire ni de son gouvernement. Cette vérité n’empêche pas que le gouvernement secret et suprême de Dieu dispose toutes choses pour le bien de ceux qui Lui sont fidèles ici-bas. La parole : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde », est vraie des chrétiens, comme elle l’était de Christ.

Mais j’arrive à la preuve scripturaire de ma proposition, que le dessein de grâce, quoique révélé après, existait avant la responsabilité de l’homme (je ne parle pas ici de la prédestination des personnes, mais des conseils de la grâce), tandis que le commencement de l’accomplissement de ce dessein est venu après que la question de la responsabilité eut été vidée quant au premier Adam. Ainsi 2 Timothée 1, 9 : « Qui nous a sauvés, et nous a appelés d’une sainte vocation, non selon nos œuvres » — dans lesquelles notre responsabilité était évidemment engagée, et auxquelles le jugement devait être appliqué — « mais selon son propre dessein et sa propre grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant les temps des siècles, mais qui a été maintenant manifestée par l’apparition de notre Sauveur Jésus Christ, qui a annulé la mort » — fruit du manquement à la responsabilité — « et a fait luire la vie et l’incorruptibilité par l’évangile ». Les œuvres d’après lesquelles la responsabilité est estimée, ne sont pas la chose selon laquelle Dieu nous a sauvés ; la mort introduite par le fait d’avoir failli à la responsabilité est abolie, rendue nulle. En d’autres termes, le principe d’après lequel la responsabilité est mise à l’épreuve, et auquel le jugement s’applique (car Dieu jugera tout homme selon ses œuvres) n’est pas le principe selon lequel nous sommes sauvés. Le dessein de la grâce se poursuit sur un autre principe. De plus, une puissance positive est intervenue, selon laquelle Christ est monté en haut et a annulé l’effet de la chute ; de plus, cette puissance a agi en produisant ses propres effets. Mais le dessein de grâce « nous a été donné dans le Christ Jésus avant les temps des siècles », il n’a toutefois été mis en lumière que lorsque Christ est venu.

De même, en Tite 1, 1-3 : « La vérité qui est selon la piété, dans l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles… mais il a manifesté en son propre temps sa parole, dans la prédication qui m’a été confiée selon le commandement de notre Dieu Sauveur ». Ceci est très clair ; seulement nous avons à remarquer que c’est la vie éternelle qui est promise, mais notre élection mène aussi à la même vérité. Si Dieu devait élire maintenant une partie du monde, ce serait en tant que souverain, comme le faisant avant les temps des siècles. Je sais que, dans Sa sainte sagesse, Il ne le fait pas, mais s’Il le faisait ce serait comme souverain, comme le faisant avant que le monde fût. Mais Il nous a élus en Christ avant la fondation du monde, et le résultat en est qu’Il nous a élus pour ce qui n’est pas du monde, pour ce qui est de beaucoup au-dessus du monde et de toutes les conséquences de notre responsabilité, même si nous l’avions accomplie ; savoir, pour être devant Lui comme fils, comme Christ Lui-même, selon le bon plaisir de Sa volonté, d’une bonté souveraine nous donnant une position selon Ses propres conseils.

Tout le premier chapitre des Éphésiens, qu’il s’agisse de la vocation ou de l’héritage, et même l’épître tout entière, reposent sur ce principe. Notre relation avec le Père, notre place avec Christ comme Son corps, n’ont pas pour base la responsabilité du premier Adam, mais le dessein de grâce accompli dans le second Adam et par Son moyen. L’épître aux Romains envisage la responsabilité de l’homme et le péché. L’épître aux Éphésiens développe le conseil de Dieu : aussi notre part y est-elle présentée comme le résultat d’une création nouvelle. Le chrétien est-il donc au-delà de toute responsabilité ? En aucune manière. Mais sa responsabilité est selon sa position nouvelle et non pas selon la position dans laquelle il a failli, position dont il a été sauvé. Avec le secours du Seigneur, je toucherai ce point avant de terminer.

Le dessein arrêté dans le second homme, le dernier Adam, est donc antérieur à la responsabilité dans le premier et la dépasse.

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Examinons maintenant le développement de ces deux principes : le don, et la responsabilité dans l’histoire du premier homme, car ce sujet est plein d’intérêt.

Ces deux grands principes se trouvaient côte à côte dans le jardin d’Éden. Il y avait l’arbre de vie, dont, comme nous le voyons plus bas, si un homme mangeait, il vivait à toujours ; puis l’arbre de la connaissance du bien et du mal, auquel était rattachée la responsabilité, ainsi qu’une loi, et le jugement s’il y avait chute. La vie était là, indépendante de la responsabilité ou des œuvres ; de plus, il y avait une défense qui impliquait la responsabilité. Ni l’une ni l’autre ne supposaient le péché en l’homme, car ce qui était défendu était parfaitement innocent, sauf que c’était défendu. Je n’entre pas dans les détails de la chute. Il est évident pour moi que, par l’effet des ruses de Satan, le cœur s’était défié et éloigné de Dieu avant que la convoitise eût paru. Aussitôt que le cœur se fut éloigné de Dieu, la convoitise et la désobéissance entrèrent. Notre bien-aimé Sauveur vint pour ramener à Dieu la confiance de l’homme devenu pécheur ; pour faire sans doute beaucoup plus, mais pour faire cela. Dieu était en Christ réconciliant, n’imputant pas, et l’histoire de tout cela nous révèle la grâce la plus touchante ; mais je ne puis y entrer ici. Le premier Adam avait pris le sentier de la responsabilité ; il s’était élancé à travers la haie de la loi, il était perdu. Il eut peur de Dieu quand Il vint l’appeler avec une familiarité pleine de grâce, pour l’amener au sentiment, à la conscience de son état. Il fut convaincu de péché et exclu de la présence de Dieu : alors le monde commença. Bientôt le monde fut tellement rempli de violence et de corruption qu’il fut nécessaire de le frapper d’un prompt jugement. Je ne m’arrête pas là-dessus.

Quand le monde nouveau eut été constitué par la formation des nations, à la suite du jugement de l’homme à la tour de Babel, les promesses vinrent d’abord sans condition[3], selon le raisonnement de l’apôtre dans l’épître aux Galates. La question de la responsabilité et de la justice ne fut pas du tout soulevée.

Toutefois, il faut de la justice ; cette question est soulevée dans la loi, et fondée entièrement sur la responsabilité de l’homme — la vie y est mentionnée, mais comme devant être le fruit, non pas d’un don, mais de la satisfaction donnée par l’homme à sa responsabilité : « Fais cela, et tu vivras ». La vie devait être obtenue comme conséquence de l’accomplissement de ce que la loi exigeait. Or l’homme était pécheur ; et, s’il se fût connu lui-même, tout ce qu’il aurait eu à dire était ceci : « Le commandement même qui était donné pour la vie, a été trouvé pour moi être pour la mort ».

Cette responsabilité de l’homme fut mise à une nouvelle épreuve selon les voies de la grâce : non seulement Dieu envoya Ses prophètes pour ramener Israël dans les sentiers de la paix et de l’obéissance, mais Celui dont ils avaient rendu témoignage vint Lui-même. Telle fut l’activité de l’amour de Dieu, lorsque l’homme était déjà pécheur et qu’il avait déjà enfreint la loi. Lorsque sa responsabilité avait eu son plein résultat sans la loi et sous la loi, et que toute bouche était fermée, et tout le monde trouvé coupable devant Dieu, Dieu avait été actif en bonté. Il avait envoyé les prophètes ; à la fin, Il envoya Son Fils, disant : « J’ai encore un Fils, peut-être qu’ils respecteront mon Fils ». C’était bonté pure, pure bonne volonté, lorsque le péché et la culpabilité étaient complets quant à la responsabilité humaine. Pour les Juifs, cela avait même un double caractère : celui d’un message qui leur était adressé comme responsables de porter du fruit ; puis celui d’un acte de pure grâce faisant, comme telle, des noces pour le Fils du Roi. Les Juifs refusèrent à la fois les fruits et l’invitation. Ceci — quoique la patience de Dieu les visitât encore selon l’intercession de Christ : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » — consommait le péché de l’homme. « Maintenant », dit le Seigneur (Jean 12), « est le jugement de ce monde, maintenant le chef de ce monde sera jeté dehors ».

L’histoire de l’homme était complète, le monde jugé ; Satan était son prince ; le résultat de la responsabilité avait été pleinement manifesté — le monde était jugé. Sans loi, il s’était montré pécheur d’une manière intolérable — sous la loi, transgresseur ; enfin, lorsque, comme tel, il était visité en grâce, il avait rejeté et la grâce qui rappelait à la loi, et la grâce qui invitait à la bénédiction. Il avait prouvé, d’une part, qu’il produisait naturellement le péché et qu’il ne pouvait pas être soumis à la loi ; d’autre part, que l’affection de la chair était inimitié contre Dieu, non seulement en tant que juge, mais inimitié contre Dieu lorsque, dans Sa grâce ineffable, Il visitait le monde en miséricorde, le réconciliant avec Lui-même. Pour Son amour, Dieu rencontra la haine, une haine « sans cause ». Satan, ils l’avaient, et ne pouvaient s’en débarrasser ; et quand Dieu était là dans la puissance du secours et de la bonté divine, ils ne voulaient pas de Lui. Tel était le péché ; tel était l’homme — la volonté propre qui ne veut toujours qu’elle-même, et, par suite, ne veut ni de Dieu ni de la loi qui se présentent l’un et l’autre en réclamant la soumission. Tel était le moi, qui ne peut se suffire à lui-même et qui en conséquence s’adonne aux convoitises trompeuses de choses qui sont au-dessous de lui, car il ne possède pas Dieu, pour lequel l’homme fut créé, aussi bien que pour jouir de Lui. Ce n’est pas seulement que l’homme ait péché : il est un pécheur.

Ni la vie, ni la justice, ne pouvaient venir par la loi. « S’il avait été donné une loi qui pût donner la vie, la justice eût été par la loi. Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse par la foi en Jésus Christ fût donnée à ceux qui croient ». Aussi le Seigneur ajoute-t-Il dans le passage cité plus haut : « Et moi, si je suis élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi-même » (Jean 12). C’est comme rejeté par le monde, ne s’y trouvant plus (car ils avaient appris de la loi que le Christ devait demeurer éternellement), qu’Il devient le centre d’attraction pour attirer les hommes à Lui, les délivrant de ce présent siècle mauvais. De là vient, aussi, qu’il est dit : « Mais maintenant, en la consommation des siècles, il a été manifesté une fois pour l’abolition du péché par le sacrifice de lui-même » ; c’est-à-dire que c’était, moralement, la fin du monde — tous les siècles, toutes les phases de l’épreuve de l’homme, avaient eu leur cours : sans loi, sous la loi, par l’envoi des prophètes, et par la venue du Fils unique qui l’avait vainement éprouvé par la grâce présentée à sa responsabilité. Tout cela avait fait voir non seulement que l’homme péchait par sa volonté, mais qu’il était sans ressource, si son rétablissement devait dépendre de sa nature et de sa volonté, même avec le secours de tout ce que Dieu pouvait employer pour chercher à le réformer. Procéder par une nouvelle création, par la nouvelle naissance, ce n’est point réformer la chose ancienne, c’est lui en substituer une nouvelle. L’homme ne saurait être rétabli comme tel, mais il peut être racheté par le Christ Jésus et créé de nouveau en Lui. Tel est le témoignage de Dieu.

L’évangile est prêché à l’homme perdu. Lorsque la vérité fut pleinement révélée, après que l’homme eut été mis à l’épreuve par la grâce aussi bien que par la loi, Christ vint pour chercher et sauver ce qui était perdu. La loi peut être présentée maintenant à un homme pour lui prouver qu’il est perdu. Elle est faite pour les injustes, comme le sait tout chrétien intelligent enseigné par la Parole. Christ peut être présenté aussi à un pécheur ; mais si la grâce n’opère pas, il ne voudra pas de Lui, et il sera prouvé quant à lui ce que la Parole a prouvé quant au monde dans son histoire : qu’il veut faire sa propre volonté inique (sans loi ανομος), et qu’il hait Dieu, même lorsque Dieu vient à lui en grâce. Alors même que Dieu donne toutes les preuves, tous les témoignages possibles (Jean 5), c’est toujours, hélas : « Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ». Ainsi le principe de la responsabilité de l’homme a été pleinement mis à l’épreuve de toutes manières.

Maintenant arrive le côté de Dieu. S’agit-il de mêler la chose nouvelle qu’Il va introduire avec la vieille, comme un principe destiné à la rétablir et à la rectifier ? S’agit-il de fumer et d’émonder le vieil arbre afin d’en obtenir de bon fruit ? Il a fait cela et l’a fait en vain. Voici quelle est Sa parole : « Coupe-le, pourquoi occupe-t-il vainement la terre ? ». Tel est le sens de la malédiction du figuier par Christ. Israël, nonobstant toutes les invitations de Dieu, tous les soins dont Il l’avait entouré, ne porta pas de fruit ; il n’en devait point porter à jamais. La chair peut bien demeurer en nous, de même que le vieux tronc dans l’arbre greffé, comme une chose hostile à l’Esprit, et en vue de précieux exercices d’âme et d’un profit humiliant, afin que nous puissions vaincre et que nous ayons nos sens exercés pour discerner le bien et le mal ; mais elle n’est jamais changée en une chose nouvelle (jusqu’au moment où la gloire changera tout) ; elle est en nous comme une nature ennemie et condamnée, et n’est que cela. Non soumise à la loi de Dieu et ne pouvant l’être ; inimitié contre Dieu toutes les fois qu’elle a un sentiment quelconque, telle est la chair. Le second Adam est substitué moralement et spirituellement au premier ; il ne le restaure ni ne le réforme. Sans loi, le premier Adam commet l’iniquité ; avec la loi, il est transgresseur ; avec Christ, il Le rejette et Le tue ; enfin, dans le croyant même qui a l’Esprit, il convoite contre cet Esprit. Quoi donc, si nous avons suivi l’effet de la responsabilité jusqu’en « la consommation des siècles », jusqu’aux pleins effets de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Puis-je abandonner la connaissance du bien et du mal et revenir innocent à l’arbre de vie ? Impossible ; ce n’est pas ce que Dieu entend ; Christ, le second homme, le dernier Adam, est la réponse à tout cela. De quelle manière ? Il porte comme victime expiatoire l’effet de notre responsabilité, auquel il est ainsi pleinement, parfaitement pourvu ; et non seulement cela, mais Dieu Lui-même est glorifié en ce par quoi Christ y a pourvu, c’est-à-dire par le sacrifice. Il est mort, ayant été fait péché ; Il est la source de la vie pour nous, vie nouvelle, vie dans la puissance de la résurrection, vie tout à fait en dehors de toute la scène dans laquelle le premier Adam tomba, car c’est dans cette scène qu’Il est mort, et Il en est sorti par la résurrection. Tout l’état de choses qui reposait sur les deux arbres du paradis (sur une loi fondée sur le fait que l’homme doit satisfaire à la responsabilité pour avoir la vie) trouve une réponse complète en Christ, devenu la source et la puissance d’une vie entièrement nouvelle, après avoir parfaitement satisfait à la responsabilité sous laquelle nous étions, et au sujet de laquelle nous étions coupables ; en Christ qui a fait davantage encore, c’est-à-dire glorifié Dieu de manière à entrer comme homme dans la gloire de Dieu. La rédemption et la vie éternelle, promises dès avant la création du monde, la gloire de Dieu et la conformité en elle à l’image de Christ, tels sont les termes de la grâce divine et la condition du croyant en Jésus. Mais c’est par la voie de la mort ; non point par la restauration du premier Adam, mais par sa mort et sa condamnation et par une nouvelle création dans le Christ Jésus. Tel est le christianisme dans sa propre et véritable puissance.

La responsabilité est-elle par là diminuée ou affaiblie ? Non ; elle est maintenue et satisfaite, merveilleusement et glorieusement maintenue. La loi est-elle mise de côté, ou est-elle annulée ? Non ; le principe de la loi et l’autorité de la loi sont au contraire établis. Son principe, c’est l’autorité de Dieu exigeant avec justice de la créature ce qu’elle doit être ; puis, après que l’homme est tombé, la loi reste la vraie mesure de sa conduite en tant qu’homme « dans la chair » ; et ainsi son autorité est maintenue à toujours. Elle sera maintenue au jour du jugement, car ceux qui auront péché sous elle, seront jugés par elle. Suis-je donc sous la loi ? En aucune manière. Pour quelle raison ? Parce que je suis mort, et que la loi n’a autorité sur un homme qu’aussi longtemps qu’il vit. Israël, qui était formellement sous la loi, a été mis de côté, comme nous le savons, pour le temps présent, et jusqu’à ce que la grâce, la bienheureuse grâce le restaure, il est sans loi, sans idoles, mais aussi sans Dieu, quoiqu’il soit bien-aimé à cause des pères ; le Gentil a sa place en Christ après qu’Il a été mort et ressuscité ; il prend place sur ce nouveau fondement, après que sa culpabilité et le résultat de sa responsabilité ont été portés par un autre, par Celui-là même qui est la vie dans laquelle il vit à Dieu, et dans laquelle il est responsable sur un principe entièrement nouveau.

C’est parce qu’on croyait à un rétablissement de l’homme dans la chair, et par conséquent à une continuation de la loi qui s’applique à l’homme dans la chair — spiritualisée, sans doute, et épanouie en un nouveau système de grâce — qu’on a raisonné en faveur du maintien de la loi, tandis que d’autres ont cherché à prouver que la loi était morte, et qu’elle n’obligeait pas, Christ l’ayant abrogée pour introduire quelque chose de mieux approprié à l’homme. Les uns et les autres se trompent également. Il peut paraître présomptueux de parler ainsi ; mais la Parole de Dieu a plus d’autorité que tous les hommes, comme le reconnaît cordialement, j’en suis sûr, l’immense majorité de ceux auxquels je fais allusion. J’avoue, puisque j’ai parlé de cela, que des deux partis qui ont discuté la question à Glasgow, je préférerais celui qui maintient l’autorité du sabbat. Je ne suis pas d’accord avec eux, mais ils combattent pour l’autorité de Dieu et l’acceptent pour eux-mêmes, chose que je respecte. Il me semble que le parti contraire combat en faveur de l’homme, tout aliéné qu’il soit de Dieu. Cela peut être sage en ces jours où l’homme est exalté, et je n’ai pas de doute qu’il le sera toujours plus ; mais je ne respecte point cela.

J’aime les pauvres ; je n’ai pas de défiance à leur égard ; c’est parmi eux que je passe, et avec bonheur, la partie de beaucoup la plus grande de mon temps. Quand pour la première fois je commençai une telle vie, je trouvais une certaine satisfaction dans les rapports avec les personnes bien élevées : c’était naturel. Aujourd’hui, quand je rencontre un homme pénétré des pensées et des affections spirituelles, et rempli de Christ, je le préfère aux gens de la plus haute position ou de l’éducation la plus soignée. Tout le reste m’est égal. Les derniers savent se ménager, se mettre à couvert, s’environner dans la société d’un rempart protecteur à leur convenance. En général, je préférerais, sur le bien et le mal, le jugement d’un pauvre à celui d’un autre. Seulement je pense que, par suite du fait qu’ils vivent davantage ensemble et de l’influence du caractère, les pauvres sont enclins à être un peu durs les uns envers les autres au sujet de la conduite, et jaloux de faveurs accordées, mais souvent très bons, très dévoués, et remplis d’égards les uns pour les autres.

Après tout, nous sommes tous un dans le Christ Jésus, et la Parole de Dieu doit nous guider et nous conduire. Je suis assuré que, tandis que tout chrétien rendra avec plaisir l’honneur à qui l’honneur est dû, Dieu aime les pauvres et s’occupe d’eux. Je confesse que je n’éprouve aucune sympathie pour cette opinion, que, l’esprit de radicalisme étant à redouter, il faut, à l’occasion, opposer l’autorité de Dieu aux désirs de l’homme. Moralement ce principe est bien bas. Si j’eusse été du parlement quand on proposa de fermer, le dimanche, les parcs de Londres — c’est-à-dire les portes ouvertes aux piétons, les passages pour voitures demeurant ouverts pour les malades — j’aurais présenté un amendement, si je me mêlais de ces choses, pour qu’on fermât les passages des voitures et qu’on ouvrît ceux des piétons, les riches pouvant sortir tous les jours, et s’ils sont malades, se promener ailleurs. Qu’un pauvre soit à même de respirer, pendant le seul jour dont il puisse disposer avec sa famille, j’en suis heureux ; je me réjouis de voir un père traduire ses affections en actes de bonté envers ses enfants, et les uns et les autres être heureux ensemble ; si le jour du Seigneur leur en donne l’occasion, le jour du Seigneur est une véritable bénédiction.

Le pauvre, quiconque travaille durant la semaine, devrait insister sur le sabbat ; c’est essentiellement son jour à lui. Pour le même motif, j’avoue que si la décision eût dépendu de mon vote — et heureusement pour moi je n’en ai pas, et ne voudrais pas en avoir ou en faire usage — pas un train ne circulerait le jour du Seigneur. Quant aux excursions, elles ne sont qu’une malédiction pour tous ceux qui y sont engagés. Je n’ai rien à en dire : je les laisse là. Mais pour les trains du dimanche, je ne crois pas qu’ils soient destinés à pourvoir à des cas de nécessité ou de bonté comme on dit : ils n’ont pour but que de faire de l’argent. Si on allègue que les exigences de la société y obligent, que sont-elles, sinon la hâte de s’enrichir et une réclamation impérieuse du droit de vivre à sa guise ? Je comprends très bien que, les chemins de fer ayant le monopole des routes, on suppose qu’il leur incombe une espèce d’obligation de pourvoir au cas de ceux qui pourraient avoir à voyager à tout prix. Mais quand ceux-ci y sont obligés, ils peuvent se procurer quelque autre moyen. Non ; ce qu’on veut c’est la facilité, le bon marché ; — c’est une affaire d’argent et de volonté. On est aussi libre de voyager qu’on l’était avant. Je n’ai rien à faire avec ces choses, et n’ai pas l’intention de jamais m’en occuper. Le monde va son chemin, et je ne suis pas du monde. Mais pour ce qui concerne les allégations des chrétiens à ce sujet, j’ai affaire avec elles, et je ne les accepte pas, non plus que les accommodements d’un certain christianisme à ce qu’on appelle le progrès ; seulement je pense que le chrétien doit régler ses propres voies, et ne pas s’attendre à réformer le monde. Je n’aperçois pas de gain moral dans le progrès dont le monde se vante. J’ai des télégraphes et des chemins de fer, très commodes sans doute ; mais les enfants sont-ils plus obéissants, les hommes plus vertueux, les serviteurs plus fidèles et dévoués, les familles plus heureuses, et la vie d’intérieur plus appréciée ? Y a-t-il plus de bonne foi et de confiance entre les hommes, plus d’honnêteté dans les affaires, plus de bienveillance et de cordialité entre les patrons et les employés, les chefs et les commis ? Je laisse la réponse à la conscience de chacun. Vous avez plus de facilités pour gagner de l’argent, mais aussi plus d’anxiété, plus d’agitation pour le gagner ; plus de luxe et plus de faste, mais pas plus d’affection ni de paix.

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Je l’avoue, je me suis écarté de mon sujet. J’y reviens, et je vais produire des témoignages de l’Écriture qui font voir que nous ne sommes point sous la loi ; non point parce que le décalogue ou la loi sont abolis ou enterrés, mais parce que nous, nous sommes morts, ensevelis et ressuscités en Christ ; parce que nous sommes une création nouvelle, rachetés de la position dans laquelle nous étions dans la chair. Que nous soyons rachetés de la malédiction de la loi, c’est ce que personne ne nie, de sorte que je n’insiste pas sur ce point, bien qu’il soit de toute importance : que nous ne soyons pas justifiés par elle, c’est ce qui est admis dans ces termes (bien qu’on ne connaisse ni ne retienne réellement ce que cela implique), et se lie étroitement à notre argumentation ; toutefois, la chose est admise dans les termes, et par conséquent je n’argumente point ici là-dessus.

Le point sur lequel on insiste, c’est que la loi est la règle de la vie, et c’est ce que je vais examiner. Je commence par déclarer tout d’abord que, sur le terrain de la responsabilité de l’homme comme enfant d’Adam, la loi est bien évidemment cela ; je crois qu’elle est une règle — la règle parfaite de la vie pour l’homme naturel. Si Adam n’eût pas mangé du fruit de l’arbre, il aurait vécu ; si l’homme eût gardé la loi, il aurait vécu. Seulement, il faut se souvenir de ce qu’est « la pensée de la chair » ; qu’elle n’est point soumise à la loi de Dieu, et même ne peut pas l’être ; de sorte que ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. La loi était un moyen de mettre l’homme à l’épreuve ; mais elle ne fut jamais censée être, pour un pécheur, le chemin de la vie, malgré ce terme positif : « Fais ces choses et tu vivras ».

Ici, je dois distinguer entre une loi et la loi ; non pas comme le font les hommes entre une loi essentielle, et le décalogue, mais entre le principe de la loi et ses décrets. Une loi est pratiquement le principe qui consiste à exiger d’un homme, assujetti au législateur, une certaine ligne de conduite, que ce dernier impose par voie d’autorité. De sorte que nous avons ces deux principes : l’exigence, qui peut prendre la forme d’une défense ; et l’autorité. Il peut y avoir de plus une sanction, un motif agissant par des craintes ou des espérances, comme c’est ordinairement le cas pour les lois appliquées à la conduite des hommes. Cela modifie le caractère de la loi, mais touche à peine, me semble-t-il, à son essence ; cependant cela caractérise la loi telle que nous avons à nous en occuper. Adam était sous une loi : quelque chose lui était défendu par voie d’autorité. Les hommes vécurent sans loi jusqu’à Moïse ; puis Israël fut placé sous la loi au Sinaï, sous une exigence positive, par voie d’autorité. Or ceci repose évidemment sur le principe de la responsabilité d’Adam ou de ses enfants, des hommes dans la chair. Sous la loi, il n’y avait pas le don de la vie. La vie pouvait être conservée ou acquise par l’accomplissement de ce qui était proposé ; elle n’était point donnée.

Quant à ce qui est exigé, la loi présente trois cas. La loi donnée à Adam était une simple épreuve de son obéissance. Elle n’impliquait pas qu’il y eût ni péché, ni convoitise — mais l’autorité et l’obéissance. Mais quand il s’agit de placer l’homme sur le terrain de sa responsabilité à l’égard du bien et du mal, je dois m’attendre à ce qu’une règle parfaite lui soit donnée, et c’est bien là ce qui eut lieu. Cette règle ne devait pas aller au-delà de son devoir, selon la position dans laquelle il se trouvait ; sinon elle n’aurait pas été l’épreuve de sa responsabilité. La loi donnée à Adam était parfaite sous ce rapport. Elle était simplement une épreuve de son obéissance, peut-être, ajouterai-je, de sa confiance.

En deuxième lieu, l’essence de la loi, ce de quoi dépendaient la loi et les prophètes, était, comme le Seigneur nous la présente, la règle abstraite de la perfection dans une créature : aimer Dieu de tout notre cœur, et notre prochain comme nous-mêmes. Ceci, dans la créature, serait la perfection humaine. Sans doute les anges le font, lors même qu’un commandement ne leur est pas nécessaire. C’est une folie de dire que la loi est la description de la propre pensée de Dieu, à moins qu’on ne veuille dire qu’elle est l’expression de Sa pensée quant à ce que la créature doit être ; c’est en effet ce que la loi doit être ; mais elle ne saurait être la perfection de la pensée de Dieu en Lui-même, parce qu’elle est la perfection de ce que la pensée de l’homme doit être. Dieu ne peut aimer Son prochain comme Lui-même, ni aimer un autre être quelconque de tout Son cœur, comme s’Il lui devait cela. Ce que la loi professe, c’est d’être une règle parfaite pour l’homme comme tel. Elle le condamne tel qu’il est, parce qu’elle lui dit ce qu’il doit être ; mais, de plus, s’il était ce qu’il devrait être, il n’aurait pas besoin d’elle ; un commandement de faire une chose suppose le besoin de ce commandement et que je suis en danger d’y manquer[4]. Ainsi, la loi en elle-même est une règle parfaite, positive, pour l’homme comme enfant d’Adam.

La troisième forme de la loi est le décalogue, parfait aussi, le quatrième commandement comme tous les autres, chacun d’eux à sa place — parfait pour l’homme, mais envisageant l’homme ouvertement comme pécheur — règle parfaite jusqu’à ce que l’homme fût pleinement manifesté comme n’ayant rien de bon en lui ; moyen, quand elle est comprise spirituellement, de mettre cela en lumière. De tout cela, il faut conclure que la loi fut donnée, par Dieu, dans une pensée totalement différente de celle que l’homme l’observerait. L’homme aurait dû l’observer, sans doute ; mais donner le commandement de ne pas convoiter à un être dont la nature était la convoitise, ne pouvait avoir lieu dans l’idée que ce commandement, spirituellement compris, serait gardé par l’homme déchu, quelque juste qu’il eût été de le garder. Un homme pourrait être sans reproche extérieurement quant à sa justice selon la loi, tout en étant le plus grand ennemi de Dieu qu’il y ait dans le monde. C’est pourquoi je dis qu’elle servait de règle à garder, jusqu’à ce que la vérité vînt, mettant l’homme à l’épreuve pour manifester son état. Une règle parfaitement bonne pour un être dont la volonté est parfaitement mauvaise, peut bien le convaincre de péché, mais ne saurait le guider effectivement. Comment guider la volonté mauvaise d’un être qui, dans sa pensée, n’est point soumis à la règle et qui même ne peut point l’être ? Je parle de la loi lorsqu’elle fut donnée comme loi. Elle était une règle parfaite, mais applicable seulement pour convaincre et condamner l’homme qui ne se connaissait pas lui-même.

En tant que donnée ainsi à l’homme comme système extérieur, elle a été évidemment mise de côté ; ceci est admis par tous. « Il y a eu abrogation du commandement qui a précédé, à cause de sa faiblesse et de son inutilité (car la loi n’a rien amené à la perfection) et introduction d’une meilleure espérance par laquelle nous approchons de Dieu ». Il ne fallait pas « tenter Dieu en mettant sur le cou des disciples un joug que ni les disciples, ni leurs pères, n’avaient pu porter ». Le système tout entier, comme système, fut ouvertement et définitivement mis de côté ; alors parut le christianisme, la foi, non pas la loi ; puis, quand la foi fut venue, c’est-à-dire le christianisme ou le système de la foi, nous ne fûmes plus sous le conducteur. Je fais une différence quant aux dix paroles : Dieu les prononça du milieu du feu, et n’ajouta plus rien. Elles furent placées dans l’arche. Tout cela faisait une différence, mais, comme termes d’une alliance, elles sont évidemment mises de côté avec le reste, en les supposant pour un moment écrites sur nos cœurs et en nous supposant, nous, des objets de l’alliance nouvelle. Quoiqu’il en soit, ces paroles en tant que gravées sur des pierres, comme conditions légales de la bénédiction sous l’ancienne alliance, ont disparu avec le reste. Ce qui devient ancien et qui vieillit, est près de disparaître. Nous ne sommes pas sous l’ancienne alliance, et sûrement les commandements en formaient la base.

On me dira que cela est admis par tous, mais qu’il faut distinguer entre le principe de l’ancienne alliance et le contenu de ce qui en constitue les termes principaux, quoiqu’il puisse y avoir d’autres détails.

C’est précisément cela. Il y a un principe dans la loi, aussi bien qu’un contenu. Or, ce n’est pas du tout sur ce principe que je suis en relation avec Dieu ; c’est-à-dire que je ne suis pas du tout sous la loi devant Lui. Tel est le témoignage constant de l’apôtre, et non pas seulement que je ne suis pas justifié par elle. Si elle est la mesure de ma justice et que je sois sous elle comme telle, je dois être justifié en quelque manière sur ce principe : des œuvres de loi doivent être ma justification. L’apôtre me déclare qu’il n’en est point ainsi.

Mais je laisse ce côté de la question, parce que, comme je l’ai dit, la chose est admise, au moins dans ses termes, et je ne cherche pas à soulever des questions. Mais je ne suis pas sous la loi — je ne suis pas en relation avec Dieu sur ce principe sous quelque rapport que ce soit. Je ne suis pas sous elle pour ma sanctification, ni pour toute autre chose. Je ne suis pas sous la loi, mais sous la grâce. Je puis tirer beaucoup d’instruction de la loi, comme de toutes les parties de l’Ancien Testament. Je tire la plus profonde instruction des sacrifices, quant à la nature et à la portée du sacrifice de Christ ; rien de plus précieux : ses divers aspects y sont plus développés que dans le Nouveau Testament, mais je ne suis pas sous leur régime. Autre chose leur a été substitué. Je ne suis pas, pour quoi que ce soit, sur le principe de la loi, quant à ma relation avec Dieu. Quant à son contenu, il est donné sur le principe de la loi avec une malédiction qui y est attachée ; le principe est réellement impliqué, mais je me borne à cela maintenant. Je ne suis pas sous la loi du tout, quant à ma relation avec Dieu.

Nous avons besoin de puissance pour la sanctification, mais la loi ne donne pas la puissance. Je parle du principe de notre relation. La loi exige, exige justement ; et quant à nous, je lis : « Le péché n’aura pas domination sur vous, parce que vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce ». Il ne s’agit pas là de justification, mais de l’empire du péché. Or, « la puissance du péché, c’est la loi ». « Le péché, ayant trouvé une occasion par le commandement, a produit en moi toutes les convoitises, car sans la loi le péché est mort ; … mais le commandement étant venu, le péché a repris vie, et moi je mourus ».

Or tout cela s’applique non pas à la justification, mais à la puissance et à l’opération du péché en nous ; la loi ne sert que d’occasion à la puissance du péché, quoique ce ne soit pas la faute de la loi, comme l’apôtre a soin de le dire. Elle est cela pour nous, et c’est le cas avec lequel nous avons à faire. Or, dans notre cas, il est du principe de la loi, en tant que droit de l’autorité sur nous, d’exiger d’un pécheur qui a une volonté perverse, l’obéissance à ce qui est contraire à sa volonté et aussi à ses convoitises, car il est dans une chair de péché. Le principe de la loi est ruineux pour nous, soit pour la condamnation, soit quant à la puissance du péché. C’est en vain que l’on affirme que je suis sous la loi avec un nouveau motif. Il faut que je ne sois pas sous la loi, pour ne pas être sous l’empire du péché.

On réplique : — Oui, mais le contenu de la loi est bon. Incontestablement ; il est saint, juste et bon. Cependant, si j’en prends le contenu, je n’en suis pas plus avancé si c’est une loi, parce que je suis dans une chair de péché lorsque ce contenu est mis devant moi. Je ne puis pas présenter la loi à un homme innocent. L’homme a mangé du fruit défendu. Cette loi-là a pris fin. Bien ; prenons les commandements. Ils supposent le péché, car ils le condamnent ; ils supposent la convoitise, car ils la défendent. Même le commandement d’aimer ne serait pas adressé à un être parfait. Il suppose que celui à qui il s’adresse n’aime pas ou est capable de ne pas aimer. Aussi un pareil précepte ne fut-il point adressé à Adam. Qu’aurait-il pu faire du précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ? Quel sens eût-il pu attacher au vol ? Quel sens à la convoitise ? La loi, nous dit l’apôtre, n’est pas donnée pour le juste, οὐ ϰεῖται, ne s’applique pas, ne convient pas, n’appartient pas à une telle personne. Mais si elle s’applique aux injustes, que peut-elle faire pour eux ? Il est évident qu’une défense de convoiter ne peut même être comprise personnellement par quelqu’un qui n’a pas de convoitise, elle ne saurait en tout cas s’appliquer à lui ; mais s’il a des convoitises dans sa nature, cette nature ne peut se soumettre à la défense. Je parle maintenant du contenu de la loi. La loi suppose le péché, et cela avec une parfaite raison, puisque le péché était là quand elle fut donnée.

On nous dit que cela est vrai de la forme actuelle de la loi, mais qu’il y a en elle une vérité essentielle qui était pour Adam et qui fut donnée à Adam, quoique la forme qu’elle prit plus tard supposât le péché. Bien ; qu’est-ce que c’est que cette vérité essentielle ? Que la loi soit sainte, juste et bonne, je l’admets aussi pleinement que possible ; mais comment le vol et la convoitise peuvent-ils s’appliquer à Adam ou à quoi que ce soit, sauf à un état de choses tout formé, caractérisé par la possession à titre de propriétaire, et par la chair de péché ? Il était parfaitement juste de les condamner quand ils étaient là, mais certainement ils n’étaient pas adaptés à un état de choses avant la chute. Adam n’avait pas de loi semblable et ne pouvait en avoir ni de fait, ni par la nature des choses. La meilleure preuve, c’est que Dieu ne lui en donna pas une telle. Certainement il n’avait pas conscience de convoitise ou de vol. Dieu lui donna une autre loi qui convenait parfaitement à son état et ne supposait pas le péché. Dire qu’il était sous celle-ci, quand Dieu le plaça formellement sous une autre, me semble combattre la sagesse divine en faveur d’une théorie. Ce n’est pas que les commandements soient autre chose que parfaits, lorsque l’homme se trouve dans l’état et les relations auxquels ils s’appliquent ; mais Adam n’était pas dans l’état de chute et dans les relations d’un pécheur, lorsque Dieu lui donna sagement une loi appropriée à l’état d’innocence dans lequel il se trouvait, loi qui maintenait Son autorité à Lui, et mettait à l’épreuve l’obéissance d’Adam, mais ne supposait pas le péché, ni n’en impliquait l’existence.

Je crois que la loi est la règle parfaite de la vie pour l’homme dans la chair ; mais elle suppose le péché, et s’applique à la chair de péché, à l’homme dans la chair ; or, comme elle repose sur le principe, sur le droit d’exiger et avec raison, car c’est un principe très important et qui maintient les droits de Dieu, elle me condamne quant à la justice, sans m’être d’aucun secours quant à la sanctification, mais bien le contraire.

Si donc la loi est sainte, juste et bonne, dans son contenu, pourquoi ne pas être sous elle, pourquoi ne pas la maintenir ? Parce que je serais alors dans une relation avec Dieu qui implique la condamnation et la puissance du péché. La loi est la loi ; elle n’est pas la grâce, et la puissance du péché c’est la loi. Maintenez-la comme loi, vous détruisez son autorité si elle n’est pas loi pour vous ; mais si elle est loi pour vous, elle est la puissance du péché, et le péché aura empire sur vous. Elle doit avoir l’autorité extérieure, l’autorité de Dieu comme tel. Si vous affaiblissez cela, vous l’avez détruite comme loi.

Ici je me sépare des deux partis qui ont discuté cette question : à mon jugement, ils détruisent tous deux l’autorité de la loi ; l’un sans intention de le faire, l’autre en déclarant qu’elle est abrogée, ensevelie, et choses pareilles. Les premiers sont obligés d’accorder beaucoup, désirant maintenir son autorité ; les derniers détruisent son autorité et la déclarent abrogée. Pour moi, je n’en cède ni un iota ni un trait de lettre. Je ne soulève pas la question à l’égard des Gentils non placés sous elle, bien qu’historiquement ce soit vrai : parce que, s’ils ne sont pas sous la loi, ils sont sans loi, et que j’admets que la loi est une règle parfaite pour l’homme dans la chair. Je dis que je ne suis pas sur le principe gentil, bien que gentil moi-même ; non pas ἄνομος Θεῶ « sans loi quant à Dieu », mais ἔννομος Χριστω « justement soumis à Christ ». Mais je ne dis pas que l’autorité de la loi se soit affaiblie ou ait cessé : ce que je dis, c’est que j’y suis mort. La loi a de l’autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit, et ne peut en avoir plus longtemps. Or je ne suis plus vivant dans la chair.

Je rejette toute altération, toute modification de la loi. Je rejette toute prétention à la christianiser : c’est affaiblir son propre caractère légal, par un mélange de grâce qui n’est ni la loi ni l’évangile. Je maintiens son autorité tout entière, son autorité absolue. Ceux qui auront péché sous elle, seront jugés par elle. Au jour du jugement, elle aura sa propre autorité, c’est-à-dire celle de Dieu, selon ses propres termes ; cependant je ne suis pas sous elle, mais sous la grâce ; non pas sous le conducteur, mais dans la relation de fils, parce que la foi est venue et que j’ai l’Esprit d’adoption. Je suis sur un nouveau pied et dans une nouvelle relation avec Dieu ; je ne suis pas du tout dans la chair ni dans la position d’un enfant d’Adam, mais délivré, tout à fait hors d’elle, par la rédemption. Je suis mort et ressuscité ; je suis en Christ.

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Voyons ce que l’Écriture enseigne sur ce point. Les transgressions positives sont effacées par le sang de Christ. La loi, nous dit-on, en tant qu’alliance des œuvres, a fini par la mort de Christ. Or je dis que l’Écriture enseigne plus que cela ; elle montre ce qui s’applique au vieil homme, quant à notre position devant Dieu, c’est-à-dire que, par la foi, nous sommes complètement morts à la position ou à la nature dans lesquelles nous étions sous la loi. Prenez le cas le plus complet et le plus évident, celui d’un Juif effectivement sous la loi. Je ne doute pas qu’il ne se réalise pratiquement pour un Gentil comme principe. Quel est le jugement de la loi sur mon vieil homme, sur mon être dans la chair ? Est-ce la condamnation seulement en tant qu’alliance ? Non, c’est la mort. Il ne s’agit pas simplement de l’apport d’un nouveau motif, d’une nouvelle source de conduite, par l’action desquels la loi étant maintenue comme telle, je la garde. La loi est (2 Cor. 3) un ministère de mort aussi bien que de condamnation. Mais qu’arrive-t-il ? « Pour moi, par la loi, je suis mort à la loi ». Elle m’a tué, « afin que je vécusse à Dieu ». — « N’ajoute pas à ses paroles, de peur qu’Il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur ». Vous dites qu’elle est abrogée comme alliance des œuvres, mais non comme règle de vie. C’est une pure invention humaine ; l’Écriture ne parle pas ainsi. Vous ne pouvez dire : Je suis mort à la loi, mais elle doit être ma règle de vie. Cela serait un non-sens.

Je suis mort à la loi par la loi. Elle a fait son œuvre et m’a tué pour ce qui la concerne : ou je n’existe plus quant à la loi, ou bien elle a failli à sa puissance. Or, je suis mort à la loi, afin que je vive à Dieu. Si je n’en ai pas fini avec elle, je ne saurais vivre à Lui. Mais de quelle manière en ai-je donc fini avec la loi ? « Je suis crucifié avec Christ, et je ne vis plus moi, mais Christ vit en moi — et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi ». Ceci n’est pas la loi. La foi étant venue, dit l’apôtre, nous ne sommes plus sous un conducteur, c’est-à-dire sous la loi. Notez ceci : ce n’est pas du tout le fait que Christ a porté mes péchés qui me délivre de la loi ; quoique notre vraie délivrance soit opérée là, pour ce qui concerne nos péchés. Mais pour me délivrer de la loi, Dieu ne me délivre pas, moi enfant d’Adam vivant, des terribles conséquences de mes péchés. Il fait une autre œuvre. C’est moi qui suis mort avec Christ. Ce n’est pas non plus de pardon du péché qu’il est parlé dans ce dernier cas, quoique au moyen de la mort de Christ le péché ne me soit pas imputé. Nous mourons au péché — non pas aux péchés ni pour les péchés, mais au péché. « Celui qui est mort est quitte du péché ».

Si l’obéissance d’un seul m’a constitué juste, pourquoi ne pas dire que je puis demeurer dans le péché ? Voici la réponse : « Comment, nous qui sommes morts au péché, pourrions-nous y vivre encore ? ». Le raisonnement de l’apôtre, à la fin du sixième chapitre aux Romains, est fatal au prétendu usage de la loi comme règle de vie. Rien ici n’a trait à la question d’une alliance basée sur les œuvres. Il s’agit de la vie ; de vivre dans le péché, l’obéissance, la sainteté, et de ce qui en est le principe et la règle. Dois-je me mettre à pécher, être ce qu’on appelle un antinomien, parce que je ne suis plus sous la loi ? Nullement. Quel principe, quelle règle de vie ai-je donc ? Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché et pour vivants à Dieu. Comme vivant en Christ, je dois livrer mes membres à Dieu comme instruments de justice. Je puis faire cela, obéir, non à une loi, mais à une personne, à Dieu Lui-même absolument. Pourquoi ? Je ne suis pas sous la loi, mais sous la grâce. Je me livre moi-même. Quelle occasion n’y aurait-il pas eu ici d’expliquer que nous n’étions pas sous la loi en tant qu’alliance des œuvres, mais que nous y étions sous une règle de vie ! C’est de la vie, des règles de la vie que l’apôtre traite — de la manière dont nous arrivons, et en vertu de quel principe, à ce fait béni que le péché n’a pas domination sur nous. Car c’est bien à cela (et non à la justification) que nous sommes arrivés par le fait que nous ne sommes pas sous la loi. Cela nous conduira-t-il au péché ? Nouvelle occasion de nous dire : Vous savez que la loi est encore une règle de vie. Mais non : silence, silence significatif ! Ils avaient été les esclaves du péché, et qu’étaient-ils maintenant ? Avaient-ils obéi de cœur à la loi, par suite des nouveaux motifs qu’ils avaient ? Non ; mais à la forme de la doctrine dans laquelle ils avaient été instruits. Ils n’étaient pas sous la loi ; s’ils y étaient, le péché aurait domination sur eux. Mais ils avaient obéi à la nouvelle forme de doctrine. Ils étaient esclaves de la justice, esclaves de Dieu, et avaient leur fruit en sanctification. Les gages du péché, c’était la mort ; mais le don de Dieu, c’est la vie éternelle. L’idée de la loi n’intervient pas du tout ici, sauf pour faire voir que ceux qui se trouvent sous elle, sont sous l’empire du péché. L’idée de l’alliance des œuvres n’intervient pas davantage dans l’argumentation de Paul ; c’est de la vie qu’il traite, de marche dans le péché, de son empire, d’obéissance, de sanctification — mais nous ne sommes pas sous la loi. Il nous faut traiter ce sujet tout spécialement.

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Le chapitre 5 (depuis le verset 12) avait fait voir que relativement à la justice tout devait être ramené aux deux chefs : Adam et Christ ; puis, que la loi était seulement intervenue en passant, afin de faire abonder l’offense. Le chapitre 6 fait voir que nous, étant morts en Christ, nous ne sommes plus sous la domination de la nature pécheresse, ni sous la loi qui s’appliquait à cette nature. Maintenant, le chapitre 7 traite pleinement la question de la position sous la loi elle-même. L’apôtre affirme l’impossibilité absolue d’être en même temps sous la loi et sous Christ : ces deux positions sont absolument incompatibles. Il établit cela de la manière la plus forte. Nous ne pouvons pas plus être liés à la loi qu’une femme ne peut avoir deux maris en même temps. Des maris — pourquoi ? Pour justifier comme alliance d’œuvres ? Non : pour obéir, pour porter du fruit pour Dieu. Vous n’avez pas un mot ici sur les œuvres comme moyen de justifier, ni sur une alliance d’œuvres : il ne s’agit que de ce à quoi je suis lié, que de savoir quelle loi m’oblige.

N’est-ce pas cela ? Lisez et voyez. Eh bien, je suis devenu mort à la loi par le corps de Christ, afin que je sois à un autre. Et alors, pensez-y, je suis lié à un autre qui a autorité sur moi, et je ne puis admettre que quelque autre chose que ce soit intervienne et réclame une autorité sur moi. J’ai vu Moïse et Élie disparaître après avoir servi Dieu dans leur génération, et j’ai entendu la voix du Père disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-Le. J’ai été préparé par le chapitre 6, à voir qu’il ne s’agit pas de désobéir et de vivre dans le péché, puisque étant mort au péché, je vis à Dieu par Christ et Lui suis obéissant. Ensuite, je trouve dans les détails, que, mort comme je le suis, l’obligation qui me liait à mon premier mari est une chose passée, devenue impossible. Je suis marié à un autre : je suis lié à Lui, le lien et l’obligation sont absolus, je ne puis entendre que Lui. Je ne puis pas même dire : Je vais apprendre par mon second mari ce que mon premier veut dire et commande. Je n’en ai qu’un, Son autorité est complète et absolue. Nous n’avons rien à faire ici avec la justification ou avec une alliance d’œuvres ; la seule question dont s’occupe l’apôtre, est celle de savoir à qui je suis lié.

Un article que j’examinais tout à l’heure me dit que le chapitre 7 signifie que : « La mort de Christ a dissout toute notre vieille relation avec la loi en tant qu’alliance basée sur les œuvres, et nous a laissés en liberté de contracter une relation nouvelle ». A-t-on jamais vu pareil effort pour éluder l’Écriture ! — Une nouvelle relation avec quoi ? Encore avec la loi ? De quelle vieille relation avec la loi le chapitre parle-t-il ? Nous sommes morts, de sorte qu’il n’y a plus de relation du tout, et nous sommes mariés à un autre, à Christ ressuscité d’entre les morts. Où y a-t-il une alliance d’œuvres dont ce chapitre parle, à laquelle il fasse seulement allusion ? En outre, l’auteur ne dit pas un mot de ce qui constitue tout le sujet du chapitre, du fait que nous sommes morts. « Vous êtes morts à la loi par le corps de Christ ». Si j’avais besoin d’une preuve que j’ai affaire avec un écrivain ayant un système qui l’empêche d’oser regarder l’Écriture en face, je la trouverais dans la phrase citée plus haut. Mais je ne cherche pas la controverse, et ainsi je ne m’en occupe plus. J’ajoute qu’il est bien connu que, dans le verset 6, il faut lire : « étant morts à ce en quoi… » (αποθανοντις et non αποθανοντος) autrement ceux qui disent que la loi a été abrogée et ensevelie auraient ce texte pour appui. Si nous sommes morts avec Christ, nous pouvons aussi dire que nous avons été vivifiés ensemble avec Lui, et ressuscités ensemble et assis ensemble dans les lieux célestes.

Le chrétien est une personne céleste quoique marchant à travers le désert ; et il y est l’épître de Christ. Quelle est sa règle ? Marcher comme Christ a marché. Toutes les parties de l’Écriture, la loi comme toutes les autres, peuvent lui fournir de la lumière ; il peut se servir de la loi pour convaincre de péché, car la conscience naturelle reconnaît la justice de la loi. Paul dirigeait sa conduite sur une prophétie d’Ésaïe 49 (cf. Act. 13, 47), et, grâces à Dieu, le Nouveau Testament abonde en préceptes pour nous guider. Nous ne devons pas non plus laisser tomber le mot « commandement » ; parce que le commandement exprime l’autorité, et que lors même que nous ferions extérieurement toutes choses bien, rien n’est bien qui n’est pas fait dans un esprit d’obéissance. Mais, bien plus, nous devons être remplis de la connaissance de la volonté de Dieu en toute sagesse et intelligence spirituelle. L’homme spirituel discerne toutes choses. Je ne puis parler ici que du principe et de la mesure. Je surprendrai peut-être mon lecteur en disant que la conduite de Dieu est devenue notre mesure, comme étant participants de la nature divine. Ce n’est pas une règle parfaite pour l’homme dans la chair, qui est notre mesure ; c’est la conduite divine pour l’homme dans l’Esprit. L’apôtre peut dire : « Quand nous étions dans la chair », et décrire, dans le chapitre 7 de l’épître aux Romains, les combats d’un homme renouvelé, mais qui, non encore affranchi par la connaissance de la rédemption, est encore sous son premier mari, la loi ; sachant qu’elle est spirituelle, y acquiesçant, y prenant plaisir, mais ne la gardant jamais. Dès qu’il a connu la délivrance, il peut dire : « La loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a affranchi », ayant appris et sachant que Dieu n’a pas pardonné, mais qu’Il a condamné le péché dans la chair, et cela dans la personne de Christ, sacrifice pour le péché ; sachant de plus qu’étant maintenant chrétien, il n’est plus dans la chair mais dans l’Esprit, et qu’ainsi sa place et sa position sont totalement changées ; qu’il est vivant en Christ, créé de nouveau dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées afin qu’il marche en elles, renouvelé en connaissance selon l’image de Celui qui l’a créé. Que sont ces bonnes œuvres ? J’ai dit, l’Écriture a dit que, parfait devant Dieu en Christ, il doit imiter Dieu. Où trouver l’image de cela dans un homme ? Christ est l’image du Dieu invisible. Uni avec Lui dans le ciel, le chrétien doit marcher comme Lui a marché sur la terre : dans la grâce comme manifestant Dieu, regardant à Christ en haut, et transformé ainsi à Sa ressemblance de gloire en gloire, comme par l’Esprit du Seigneur.

Examinons l’Écriture sur ce point. D’abord comme c’est le nom du Père[5] qui est révélé et non pas le nom légal de Jéhovah, nous devons être parfaits comme notre Père qui est dans les cieux est parfait : Il aime ceux qui ne L’aiment pas ; Il est bon pour les ingrats et pour les méchants. Ceci est pleinement développé en Éphésiens 4 et 5. La marche que Dieu a préparée d’avance pour le chrétien nous est présentée dans ces deux chapitres subjectivement et objectivement : subjectivement d’abord, nous avons dépouillé le vieil homme, et revêtu le nouveau ; et en second lieu, nos corps étant le temple du Saint Esprit, nous ne devons pas contrister l’Esprit de Dieu par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption. Puis vient la règle objective : soyez bons les uns envers les autres, pleins de compassion, vous pardonnant les uns aux autres, comme Dieu aussi vous a pardonné en Christ. Nous trouvons ensuite les deux noms de Dieu qui disent ce qu’Il est dans Son essence, présentés comme ce qui doit être réalisé par nous, et ce dont Christ nous présente la réalisation dans l’homme. « Soyez imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l’amour, comme aussi le Christ nous a aimés et s’est donné lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu en odeur de bonne senteur ». Nous devons être les imitateurs de Dieu, Son amour en Christ étant notre modèle.

Ici, nous trouvons la supériorité du principe chrétien sur celui de la loi. La loi m’enseignait à aimer mon prochain comme moi-même, faisait de mon amour pour moi-même la mesure de mon devoir envers mon prochain. Le christianisme entend que nous n’ayons pas de moi du tout, mais que nous nous donnions nous-mêmes pour notre prochain. La perfection de ces deux principes se trouve en Christ : Il s’est donné Lui-même pour d’autres, et Il s’est donné à Dieu. Ce dernier point est nécessaire pour que l’ensemble soit parfait. L’affection doit avoir pour objet un être parfait, aussi bien qu’être parfaite elle-même ; or, pour être parfaite, il faut non seulement qu’elle soit parfaite en elle-même, mais encore complètement dégagée du moi. C’est en effet de leur objet que les affections tirent leur caractère et leur valeur. Le principe de la perfection légale est tout différent, et n’a absolument rien de cela. La règle pour le chrétien n’est point ce que l’homme doit être comme tel, mais d’être imitateur de Dieu comme un enfant bien-aimé de son Père, Christ étant la manifestation de l’amour dans cette position et en étant aussi la mesure. Comparer ensemble l’amour qu’on a pour soi-même et pour un autre, et confondre cet amour avec le dévouement absolu de Christ, c’est tout simplement abuser des termes, parce que le mot amour est employé dans les deux cas.

L’autre nom de Dieu est lumière. Or nous sommes lumière dans le Seigneur, et nous devons marcher comme des enfants de lumière. Ici encore, c’est à Christ que nous sommes renvoyés ; « Christ resplendira sur toi ». Ainsi donc, amour parfait dans le sacrifice de soi-même ; imitation de Dieu en cela ; marche comme étant, en Christ, dans la lumière et de cette lumière qui manifeste tout, Christ en étant le modèle, telle est la règle de vie du chrétien. Il est mort, et sa vie est cachée avec Christ en Dieu. S’il vit, c’est Christ qui vit en lui, il n’est pas vivant (en vie) dans ce monde. On peut s’opposer à de pareilles vues, mais si on le fait, il faut qu’on s’oppose à l’Écriture.

Le grand secret de tout, c’est qu’en tant que nous sommes devant Dieu et responsables envers Lui, nous ne sommes absolument pas vivants dans la vie d’Adam. Christ est notre vie, Christ qui est ressuscité. Je suis mort ; j’ai été crucifié avec Christ, au péché, ou à la chair et à ses convoitises ; puis à la loi par le corps de Christ ; enfin au monde, et le monde à moi. Devant Dieu, je n’appartiens pas plus à la scène d’un homme vivant, à ce monde dans lequel la vie d’Adam se développe et dont la loi est la règle morale, qu’un homme qui est mort depuis dix ans. Ayant la vie de Christ, ayant le Fils et par lui la vie, je viens au milieu de cette scène, pour y marcher dans le sentier qu’Il a tracé.

II

Et maintenant, revenons au sabbat. De quoi le sabbat est-il le repos ? De cette création-ci ? Je n’en suis pas. C’est d’une nouvelle création que je fais partie ; les choses vieilles sont passées. Lors même que j’eusse connu Christ selon la chair, comme appartenant à ce monde, ici-bas et sous la loi, je ne Le connais plus de cette manière. Quel est donc le repos de la nouvelle création à laquelle j’appartiens comme étant mort et ressuscité, Christ étant ma vie ? C’est le repos céleste qui est signifié par le jour du Seigneur, par le jour de la résurrection de Christ.

Voyons ce que l’Écriture nous enseigne sur ce sujet. Tout d’abord, examinons Genèse 2 : Dieu se reposa le septième jour, et le sanctifia, parce qu’Il s’était reposé ce jour-là. Puis le septième jour fut reconnu par Dieu comme consacré, lorsqu’Il donna une loi ; comme sanctifié et béni, parce qu’Il s’était reposé ce jour-là. Mais c’était le repos de la création, de la première création telle que Dieu l’avait faite, c’est-à-dire très bonne. Personne ne peut dire qu’il fut habituellement observé depuis lors jusqu’au départ d’Israël du pays d’Égypte. Il peut y en avoir existé des traditions plus ou moins claires, plus ou moins obscures : il semble qu’on en trouve la trace dans l’Écriture et chez les païens, mais elles sont obscures. Seulement cette création faillit aussitôt ; et la chose même que nous a apprise le christianisme, c’est que l’homme n’a jamais gardé ni pu garder ce repos, qu’il ne peut jamais non plus s’y soumettre, ou acquérir le repos sur ce principe-là. Il peut être un bienfait pour son corps (je crois qu’il l’est effectivement), car son corps fait partie de la vieille création ; mais je parle de relation avec Dieu. Religieusement parlant, le repos de la vieille création lui est impossible.

Avec la loi, Dieu prit l’homme dans la chair et la création, pour éprouver s’il y avait possibilité pour l’homme de vivre en relation avec Dieu au milieu de cet état de choses, et il fut prouvé que c’était impossible. Le sabbat était alors le signe de la relation avec Dieu. Ce n’était pas un septième jour, mais le septième jour ; il n’était pas des six dans lesquels Dieu travaillait et qui n’étaient point Son repos. Qu’il convienne de parler d’un septième jour, un septième jour peut être bon pour l’homme, mais il exclut Dieu, laisse le repos de Dieu de côté, et donne à l’homme son propre repos comme un repos physique sans Dieu. L’homme se repose quand Dieu travaillait, et travaille quand Dieu se reposait ; un septième jour ne tient pas compte de Dieu, s’il repose l’homme. C’est le septième jour qui fut béni, parce que Dieu s’était reposé en ce jour-là. Dans le paradis l’homme n’avait pas besoin de se reposer du travail. Ne devait-il pas garder le septième jour s’il n’était pas tombé ? Eût-il gardé un septième jour quelconque comme la chose essentielle, ou le septième jour, parce que Dieu s’était reposé ce jour-là ? Le septième jour seul constitue le caractère religieux du repos, parce que la bénédiction de l’homme se trouve dans le repos de Dieu. Il est homme tous les six jours quant à sa marche, selon la volonté de Dieu, il est avec Dieu le septième. Mais étant tombé tout de suite, il n’entra jamais dans le repos de Dieu.

Ici, je voudrais faire remarquer en passant un point très important signalé dans un discours. On dit que l’argument contre le sabbat, tiré de ce que l’homme était tombé et ne pouvait pas avoir part à l’institution originelle, serait valide si l’homme n’était pas susceptible d’un rétablissement. Or, j’affirme que l’Écriture enseigne précisément que l’homme ne saurait être rétabli ; les hommes sont susceptibles de l’être, mais c’est en naissant de nouveau, par la voie de la mort et de la résurrection, en dépouillant le vieil homme et revêtant le nouveau. La loi et même la venue de Christ, en tant que s’adressant à la responsabilité de l’homme, étaient la preuve que l’homme ne pouvait pas être rétabli, qu’il devait y avoir un second homme à la place du premier, et qu’il fallait que la mort et la résurrection intervinssent pour donner à l’homme une place avec Dieu ; qu’il fallait que le vieil homme fût dépouillé et que le nouveau fût revêtu. Ce qui caractérise l’incrédulité du jour actuel, c’est la prétention que l’homme peut être amélioré et rétabli, qu’il n’a pas besoin d’un nouvel homme pour naître de nouveau. Cela mènera tout droit à l’Antichrist. C’est l’anti-christianisme sans intention ; c’est la négation des principes fondamentaux du christianisme, de la nouvelle naissance et de la croix. L’homme dans la chair ne peut pas être rétabli ; il faut qu’il naisse de nouveau, entièrement de nouveau, dès l’origine de sa nature, et qu’il soit racheté. Le sabbat est le repos de l’homme dans la chair. Religieusement il n’y a pas de repos pour l’homme dans la chair, comme il n’y a pas de restauration pour lui. La loi mettait la chair à l’épreuve ; elle établit le sabbat comme signe en conséquence de l’alliance ; mais la chair n’était pas soumise à la loi de Dieu, ni ne pouvait l’être.

Voyez de quelle manière bénie et touchante Christ répondit à la stupide accusation d’enfreindre le sabbat, quand Il dit à l’homme d’emporter son lit, donnant ainsi la preuve que le Dieu qui donne la vie, et que le Seigneur du sabbat était là. Que répond-Il à leur accusation ? « Mon Père travaille jusqu’à maintenant et moi aussi je travaille ». Parole ineffablement précieuse ! Est-ce que le Père et le Fils, Dieu en grâce (car c’est ainsi qu’en Jean il est toujours parlé de Dieu : en grâce, et mis en contraste avec la responsabilité à l’égard de Lui comme Dieu), le Dieu d’amour, peut se reposer au milieu de la ruine et de la misère ? Le Dieu d’amour peut-Il se reposer là où le péché se trouve ? Dieu aurait pu le détruire en jugement ; mais en bonté Il ne peut se reposer dans le péché. Il travaille là où règnent le péché et la misère. Peut-il y avoir une plus touchante et plus admirable réponse de sagesse divine, rendant, comme toutes les paroles de cet Être béni, Sa personne toujours plus précieuse, et donnant une preuve que le Dieu tout sage de grâce était là ? Dieu n’a pas de repos dans un monde de péché et de misère.

Ce caractère se retrouve en Christ. Il était soumis au système dans lequel Il se trouvait, pendant qu’Il y était ; mais une autre vérité qui ne ressortit pleinement qu’après Sa résurrection, brille continuellement à travers tout : Votre maître ne paie-t-il pas le tribut (pour le temple) ? Oui, dit Pierre, Il est un bon Juif. Quand il rentre dans la maison, le Seigneur le prévient et montre que, comme personne divine, Il savait ce qui se passait loin de Sa présence corporelle. La connaissance divine était là, mais Il associe Pierre avec Lui. — Nous sommes « les fils » du temple, et par conséquent exempts du tribut ; mais « afin que nous ne les scandalisions pas ». Nous Le voyons ensuite possédant la puissance divine sur la création : Il fait apporter par un poisson la pièce d’argent nécessaire ; ici encore Il s’associe Pierre : « Donne-le pour moi et pour toi ». Soumis à tout ce qui L’environne, mais au-dessus de tout, Il nous associe avec Lui dans la position qu’Il a prise maintenant en haut comme Fils, c’est-à-dire en tant qu’homme.

Si Christ, en réponse à l’accusation des Juifs, déclare qu’Il travaillait divinement comme Fils et ne se reposait pas, l’apôtre traite pareillement le sujet du sabbat juif, en Hébreux 4. L’objection, que le repos dans lequel entrent les croyants signifie le repos actuel de leur conscience, n’a aucune espèce de fondement et dénote la plus complète inintelligence de toute la portée du raisonnement de l’apôtre qui veut établir, au contraire, que nous devons nous efforcer d’entrer dans ce repos, et qu’il reste un repos, c’est-à-dire qu’il n’est pas venu. Par la foi, la conscience entre dans le repos ; et l’homme a cessé de se reposer dans ses œuvres en tant que pécheur. Comme analogie, cela peut être très vrai ; mais il ne s’est pas reposé de ses œuvres en tant que chrétien, comme Dieu s’est reposé des siennes. Ce passage dit simplement quels sont ceux qui entrent : les croyants entrent ; les incrédules n’entrent pas ; c’est absolument comme si, montrant une porte, je disais : Il n’y a que les nobles — qu’une certaine classe d’hommes — qui y entrent. Il ne s’agit pas ici du temps où la chose a lieu, mais de la désignation de ceux qui ont le droit ou l’habitude de le faire.

Hébreux 4 renferme une instruction importante. L’homme n’est encore jamais entré dans le repos de Dieu ; il ne l’a pas fait à la création, quoique Dieu eût fini Ses œuvres dès la fondation du monde ; car Dieu dit : « s’ils entrent ». Mais, disait le Juif, nous sommes entrés — Caleb, Josué, les enfants — ceux-là ne tombèrent pas à cause de l’incrédulité. — Non, dit notre chapitre ; la déclaration : « s’ils entrent », vient après Josué ; or, s’Il leur eût donné le repos, Il n’aurait pas été parlé dans les Psaumes, si longtemps après, d’un autre jour. Il reste un repos pour le peuple de Dieu. Il n’y est pas entré lors de sa première institution dans le paradis. Puis est venue la promesse de la semence. Il n’y eut pas de promesse au premier Adam ; mais dans le jugement prononcé sur le serpent, la victoire de la semence de la femme fut promise, cette du second Adam (non point du premier, qui n’était pas la semence de la femme). Ensuite, lorsque Dieu appela Abraham, les nations s’étant livrées à l’idolâtrie, la promesse précéda la responsabilité légale ; puis la loi vint quatre cent trente ans après ; elle ne pouvait ni annuler la promesse inconditionnelle, ni y ajouter ; or la loi promettait la bénédiction sous condition de l’obéissance de l’homme. C’est après la promesse que vient la loi, faisant reposer la bénédiction sur la responsabilité de l’homme, identifiée avec la première création à laquelle les promesses se rapportent, car elle est donnée comme bénédiction ; alors le sabbat — le repos de Dieu — est immédiatement établi, naturellement sur le principe de cette institution, c’est-à-dire d’une manière légale.

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Je montrerai la haute importance du sabbat et quelle grande place lui est faite ; mais je dirai auparavant quelques mots de la loi morale et du décalogue. J’entends par loi morale le devoir de maintenir la relation dans laquelle nous sommes. Mais les diverses relations tirent leur caractère obligatoire du fait qu’elles sont instituées par Dieu, et la première de toutes est la relation morale avec Dieu, celle qui projette sa lumière sur toutes les autres et les revêt de son caractère, car si Dieu a établi ou commandé quoi que ce soit, je suis tenu d’y obéir, et l’obéissance elle-même est la moralité sous sa forme la plus élevée. Elle est le maintien de la relation avec Dieu. De là vient qu’avant que le péché fût entré, l’épreuve de l’homme avait la nature abstraite d’une pure obéissance : « Tu ne mangeras pas ». L’homme désobéit, tomba, et s’éloigna complètement de Dieu ; mais, dans sa chute et par elle, il gagna une conscience, la connaissance du bien et du mal, c’est-à-dire le sentiment du bien et du mal en eux-mêmes, sans commandement ni loi qui en fissent une affaire d’obéissance, car cela eût supposé qu’il était encore avec Dieu. Telle fut la sagesse de Dieu. Cette conscience naturelle renforçait l’obligation des relations dans lesquelles Dieu avait placé l’homme. Les institutions de l’homme pouvaient bien les défigurer et les obscurcir, mais leur caractère obligatoire interne était toujours là ; l’épouse était reconnue comme épouse, quoique le divorce pût intervenir ; les parents étaient reconnus comme parents, bien que l’état pût réclamer des droits sur ce lien ; la violence et le brigandage étaient connus comme ayant ce caractère, bien qu’on pût piller glorieusement des ennemis. Il appartenait au Seigneur Jésus de relever ce témoignage : « Au commencement, il n’en était pas ainsi ». Le sentiment moral, l’obligation morale existaient donc, quoiqu’il n’y eût pas de commandement, pas de loi ; ainsi le Gentil pourrait faire naturellement les choses contenues dans la loi et serait ainsi « loi à lui-même ». Cette expression exclut d’une façon péremptoire l’idée qu’il faut une loi de Dieu pour qu’il y ait obéissance ; elle fait reposer celle-ci sur la conscience acquise dans la chute, lorsque l’homme quitta Dieu et se fut détourné de Lui.

Postérieurement à la promesse qui avait montré que la grâce et la semence promise pouvaient seules apporter la bénédiction, l’autorité de Dieu fut établie par révélation et la loi fut promulguée après une rédemption extérieure et typique. Tandis qu’elle avait pour base l’autorité de Dieu, la loi établissait, naturellement par sa sanction, toutes les relations que Dieu avait instituées ; seulement elle les sanctionnait surtout en défendant d’y porter atteinte là où ces relations constituaient un droit distinctif contre d’autres, qu’il fût d’ordre divin ou d’ordre humain. Le sabbat et l’autorité des parents sont seuls présentés sous une forme positive, quoique le premier revête une forme négative dans les directions de détail. Ici, j’avoue une chose (quoiqu’il ne s’agisse pas proprement d’une relation, ni d’une morale indépendante de la connaissance de Dieu, ni d’une affaire de conscience depuis que l’homme était loin de Dieu et qu’il était ainsi devenu loi à lui-même, c’est-à-dire soustrait à l’autorité de Dieu), c’est que, du moment que Dieu fut introduit et que cette première de toutes les relations fut établie, une partie de cette relation, bien plus son essence même, était de reconnaître l’obéissance absolue qui Lui était due et Son droit souverain de commander ; ainsi le sabbat, comme antérieurement la défense faite dans le paradis, devenait, en tant que commandement positif, une épreuve plus absolue de la relation avec Dieu que tout le reste. Les Gentils pouvaient être moraux sous la direction de leur conscience sans Dieu ; on le peut encore maintenant. Ils pouvaient voir la folie du culte des idoles, selon le raisonnement d’Ésaïe ; trouver qu’ils avaient une fausseté dans leur main droite ; mais le sabbat était un signe de relation avec Dieu comme peuple connu de Lui et placé sous Son autorité, ce que tous les hommes eussent dû être. C’est avec sagesse que le sabbat fut ainsi établi pour signe de l’alliance. Il était une chose arbitraire ; Dieu le commandait, et cela en constituait l’autorité ; mais avec la connaissance que donnait la Genèse, il n’en était plus absolument ainsi. Le Jéhovah d’Israël était le créateur du ciel et de la terre. L’acte de créer en six jours ou en sept aurait pu être, en un sens, un acte arbitraire, quoique assurément parfaitement sage ; mais du moment que Dieu accomplissait la création en six jours, avoir le sabbat le septième jour, c’était participer au repos de Dieu. C’était là l’essence même de la bénédiction ; c’était avoir à faire avec Dieu, en tant que peuple de Dieu ; ce n’était pas arbitraire ; c’était quelque chose de spécial ; non pas une affaire de conscience naturelle, mais une association éminemment précieuse avec Dieu. Toutefois c’était le repos de la première création et le repos selon la loi (c’est-à-dire la bénédiction sous condition de l’obéissance), mais cela, de fait, pour un être déchu qui ne pouvait pas obtenir la bénédiction par cette voie. Que les Juifs pieux fissent du sabbat leurs délices lorsqu’ils étaient en relation avec Dieu, je n’en saurais douter : Dieu voulait être fidèle à Sa propre relation. Mais lorsque Lo-Ammi (pas mon peuple) devint le nom écrit sur le peuple, les Macchabées ne trouvèrent dans le sabbat qu’une source de désastres, quoiqu’ils eussent une bonne conscience.

On comprend maintenant que le sabbat soit un signe distinctif : le septième jour. Le prendre comme étant simplement un jour sur sept, c’est détruire la notion du repos de Dieu.

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Lorsque je prends la loi, je trouve que le sabbat se rattache à chaque ordonnance particulière ; non pas seulement aux dix commandements, mais à tout ce qui exprimait une forme quelconque des relations de l’homme avec Dieu. Aussitôt que le peuple fut sorti d’Égypte, la manne lui fut donnée pour nourriture journalière, et le sabbat fut immédiatement distingué (Ex. 16). En Exode 20, nous trouvons les commandements ; la relation de Dieu avec Israël est établie ; là-dessus, le sabbat est institué. Le second commandement nous donne les termes de la relation de Jéhovah avec Israël : Il s’y nomme « Jéhovah, ton Dieu » ; et le sabbat y est désigné comme : « le sabbat de Jéhovah, ton Dieu » ; or il est expressément le repos de la première création : « C’est pourquoi Jéhovah a béni le septième jour ». Le sanctifier était le point essentiel, quoiqu’il représentât le repos universel. Quand il s’agit de dresser le tabernacle (Ex. 31), et que Moïse descend de la montagne, après avoir reçu toutes les instructions concernant le modèle, le plan et l’ordre de la relation du peuple avec Dieu, le sabbat est ordonné de nouveau : il est un signe entre Jéhovah et les enfants d’Israël à toujours, et tout particulièrement pour la raison expresse qu’il était le repos de Jéhovah. Quand Moïse, monté une seconde fois sur la montagne, reçoit une autre alliance (Ex. 34), le sabbat est introduit. De même, avant les sacrifices pour le tabernacle (Ex. 35). En Lévitique 23, où il s’agit des fêtes de l’Éternel, il reçoit en tout premier lieu une place distincte qu’il occupe seul. En Lévitique 19, où le peuple doit se sanctifier, parce que Jéhovah, leur Dieu, est saint, ils doivent obéir à leurs parents et garder Ses sabbats. Il est Jéhovah, leur Dieu. En Lévitique 26, qui présente d’une manière détaillée les menaces faites à Israël dans le cas où il serait désobéissant et rebelle, c’est encore par le sabbat qu’Il commence : « Vous garderez mes sabbats et vous révérerez mon sanctuaire. Je suis Jéhovah ». La terre même devait garder un sabbat (Lév. 25, 2, 4, 6) ; c’était une épreuve pour manifester s’ils se confiaient dans le Dieu de l’alliance. En Nombres 15, où les promesses de l’Éternel et Sa fidélité assurée interviennent au milieu du jugement, l’acte de ramasser du bois le jour du sabbat est puni de mort, comme étant un péché commis « par fierté ».

J’arrive aux prophètes et je cite seulement Ézéchiel, quand il dit pourquoi Israël a été rejeté (Éz. 20, 11, 12) : « Et je leur donnai mes statuts, et leur fis connaître mes ordonnances, lesquelles si l’homme accomplit, il vivra par elles. Je leur donnai aussi mes sabbats pour être un signe entre moi et eux, afin qu’ils connussent que je suis Jéhovah qui les sanctifie ». Une concordance fera trouver beaucoup d’autres passages, mais ceux-là nous montrent les points principaux. C’est Jéhovah, le Dieu d’Israël (Son nom pour les patriarches était le Tout-puissant ; pour nous, c’est celui de Père par Jésus Christ). C’était Son sabbat, un signe de relation avec Israël, mais fondé sur le repos d’Élohim ; mais un signe du repos dans la première création ; un signe de relation avec Dieu, avec Jéhovah, dans ce repos ; mais un signe donné comme une loi à l’homme dans la chair, avec la bénédiction et le repos sous condition d’obéissance. Voilà ce qu’était le sabbat : le repos de Dieu dans la première création, et ensuite, le repos de relation de l’homme en la chair avec Dieu, sous condition d’obéissance.

Or, le christianisme nous enseigne précisément que ce repos-là est impossible. Le péché est entré ; le premier Adam est perdu par suite de sa désobéissance ; la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, et aussi ne le peut-elle pas ; en conséquence Celui qui nous racheta fut dans le tombeau le jour du sabbat, comme étant venu ici-bas parmi les hommes, sans péché et en grâce, mais en ressemblance de chair de péché. La mort est, pour nous, le seul moyen de nous reposer du péché ; l’alliance, sur le pied de laquelle il fut offert à la chair de participer au repos de Dieu, est ensevelie dans le tombeau de Christ et, avec elle, le sabbat qui en était le signe. Toutefois, je le répète, cela n’a pas lieu par l’abrogation de la loi pour ceux qui sont sous elle, mais par le fait que nous sommes morts à la loi, la loi ayant été parfaitement glorifiée et sa malédiction ayant été portée pleinement par le Christ, c’est-à-dire que la loi avait reçu la plus haute sanction qu’elle pût recevoir. La présence de Christ dans le tombeau était la preuve définitive et absolue qu’il ne pouvait y avoir de relation entre Dieu et l’homme en la chair ; le figuier était maudit et ne devait plus porter de fruit à jamais.

Mais, dit-on, le discours sur la montagne établit et spiritualise la loi. Longtemps j’ai accepté cette dernière idée comme vraie, cependant elle ne l’est pas. Le discours sur la montagne révèle le nom du Père comme un nouveau titre de relation, selon que le Seigneur déclare l’avoir fait en Jean 17 ; il remplace les observances pharisaïques extérieures par la sincérité intérieure à l’égard de Dieu. Il n’envisage pas la rédemption, mais la justice personnelle, comme la base sur laquelle le résidu, pauvre en esprit, pouvait entrer dans le royaume des cieux. Il n’y est fait allusion qu’à deux commandements qui avaient trait à la violence et à la corruption, les grands principes du péché. Si le discours sur la montagne est une spiritualisation de la loi, le sabbat est laissé de côté comme n’ayant point part à cette spiritualisation ; mais je n’admets pas que ce discours ait ce sens.

Quelques règles qu’il nous donne pour notre marche morale (car bien qu’il ne présente pas le principe de l’évangile sur lequel entrent les pécheurs, il nous montre ce qui convient au royaume dans lequel nous sommes introduits par grâce), il ne parle pas du sabbat comme en faisant partie. La vérité est que ce discours a trait au principe intérieur et à l’obéissance. Pour ce qui est du passage : « Un seul iota ou un seul trait de lettre ne passera pas de la loi que tout ne soit accompli« ; et : « Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir », je le tiens certes pour une déclaration divine qui doit être acceptée dans toute sa force. La seule pensée que Christ mette la loi de côté, n’entre pas dans mon esprit, car ce serait mettre de côté l’autorité de Dieu. Christ a scellé, dans Sa mort, l’autorité de la loi, mais par Sa mort Il en a fini avec la position qu’Il occupait sous elle. Elle a autorité sur un homme aussi longtemps qu’il vit. Elle a été accomplie en grande partie, même en quelques-uns de ses types ; elle ne l’est pas encore, par exemple, comme la fête des tabernacles. Je suis parfaitement certain que tout en elle, aussi bien que dans les prophètes, a été ou sera accompli. Christ l’a aussi pleinement glorifiée dans Sa vie. Mais, si je suis mort, Christ ne me place pas sous elle en tant que ressuscité avec Lui. Être placé sous elle, c’est pour tous, sauf pour Christ Lui-même, le moyen de ne pas l’accomplir, le moyen par lequel le péché a empire sur nous.

Dans le discours sur la montagne, Christ décrivait le véritable caractère de ceux d’entre les Juifs qui entreraient dans le royaume quand il serait établi ; j’admets par conséquent pleinement qu’il décrit le caractère dans lequel nous devrions marcher ; mais y a-t-il quelqu’un qui, en prêchant l’évangile aux pécheurs, voudrait présenter l’obéissance à la loi et à ses préceptes comme le moyen d’entrer dans le royaume ? Il ne s’y trouve pas un mot des bonnes nouvelles de la mort et de la résurrection de Christ. Je crois que si un homme est né de nouveau, sa justice surpasse en principe, et conformément au principe du discours sur la montagne, celle des scribes et des pharisiens ; mais on n’y trouve pas la moindre notion de la nouvelle naissance, non plus que de la croix : l’obéissance personnelle y est le rocher sur lequel nous bâtissons sûrement. C’est parfaitement bien, comme guide pour le chrétien, dans la pratique ; mais les termes du discours sur la montagne ne furent pas adressés aux pécheurs ; leur but était de montrer le caractère des saints juifs qui auraient part au royaume ; ce discours est très instructif pour nous, en ce qu’il nous fait voir ce qui caractérise le royaume maintenant qu’il est établi ; il nous apprend que celui qui a un autre caractère ne saurait réellement avoir part au royaume. Je crois que Christ est venu pour accomplir la loi ; je crois qu’elle sera entièrement accomplie ; mais, comment une divine déclaration que tout sera accompli, qu’un iota n’en passera point jusqu’à ce que tout soit accompli, peut-elle signifier que c’est moi qui l’accomplirai ? Il n’est donc pas parlé ici d’une obligation, mais d’une certitude d’accomplissement. L’ai-je accomplie en sorte qu’elle puisse passer ? L’avez-vous accomplie, cher lecteur ? La justice et la miséricorde ne peuvent jamais passer. Le Seigneur affirme l’autorité de la loi, mais Sa déclaration à cet égard ne peut signifier que l’on accomplira les obligations morales de la loi, de telle sorte qu’elle passera. Cela nous laisse-t-il libres de mépriser ces obligations ? Certainement pas. Ce serait mépriser l’autorité de la loi que le Seigneur au contraire établit. Quiconque ferait cela serait coupable sous elle ; et la chose est vraie de chaque iota, de chaque trait de lettre, même s’il ne se rapportait à rien de moral, parce que l’autorité y est impliquée. Tout cela vous auriez dû le faire. Au plus petit commandement se rattache l’autorité de Dieu. Mais c’est pour une tout autre raison que je ne suis pas sous la loi. Je suis mort à la loi par le corps de Christ pour être à un autre ; je suis complètement, entièrement mort à la loi ; le lien est dissous. En est-ce donc fait de l’obligation morale ? Non ; mais dans le christianisme elle n’est pas maintenue par la loi : « Ce qui était impossible à la loi en ce qu’elle était faible par la chair, Dieu ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché, a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous qui ne marchons point selon la chair, mais selon l’Esprit ». Si je marche selon l’Esprit, je ne suis point sous la loi ; « or, les fruits de l’Esprit sont l’amour, la joie, la paix, la longanimité, la douceur, la tempérance, la patience : contre de telles choses il n’y a pas de loi ». Je garde la loi de fait, en vertu de ce que je ne suis pas sous elle de droit, parce que la vie et l’Esprit de Christ me font aimer mon prochain, et que celui qui fait cela accomplit la loi. La chose est produite et non pas imposée. De là vient que les premières tables ne sont pas mises en avant, parce que c’était une alliance entre Jéhovah et Israël comme peuple. Quant à nous, nous sommes fils du Père, par Christ ; et nos devoirs sont selon cette relation.

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Voyons maintenant ce que le Nouveau Testament nous apporte directement sur le sabbat, et si l’on y trouve quelque allusion à son caractère sacré. Ici, Matthieu 12, 1 est évidemment d’une grande importance. Les pharisiens se plaignaient de ce que les disciples arrachaient et froissaient entre leurs mains des épis de blé. La réponse du Seigneur est remarquable. Il ne reprend point les pharisiens, comme Il le fait ailleurs, mais Il montre que le sabbat et les autres prescriptions cérémonielles ont été mises de côté pour cause, et qu’il y avait là quelqu’un de plus grand qu’une obligation quelconque du sabbat. Est-ce que Dieu pouvait dire : Je suis plus grand qu’un commandement moral ? Est-ce que c’eût été une manière divine d’établir les choses lorsqu’il était question de haïr un frère, ou de convoiter la femme du prochain ? Une telle pensée serait révoltante. C’est pourtant ainsi que le Seigneur raisonne à l’égard du sabbat. D’abord la réjection de Messie mettait tout sur le même pied, car un autre commandement obligatoire, le sabbat, était mis de côté sous l’œil même de Dieu. Christ était plus grand que le temple, et s’ils avaient connu le cœur de Dieu, ils n’auraient pas condamné Ses disciples. Tout cela prouvait que les pharisiens avaient tort et étaient injustifiables. Mais, de plus, le Fils de l’homme était seigneur du sabbat. Sûrement cela ne pouvait être dit d’un commandement relatif au bien et au mal. Il avait le droit de disposer du sabbat, en vertu de la dignité de Sa personne et de Son office. Aurait-Il pu dire cela, s’Il eût voulu en maintenir l’autorité ? Il ajoute qu’il est permis de faire du bien le jour de sabbat. Le passage parallèle en Marc dit en outre que le sabbat a été fait pour l’homme.

L’évangile de Matthieu nous présente les changements dispensationnels et, sur ce principe, la personne de Christ comme divine ; la place qu’Il prend comme Fils de l’homme, pose le fondement sur lequel Il traite le sabbat comme en étant le seigneur. En Marc, Christ est serviteur et prophète, et nous y trouvons un autre principe : le sabbat a été fait pour l’homme. Il fut institué en faveur de l’homme, pour l’homme ; par conséquent, Celui qui avait tout ordonné pour l’homme, comme chef de la race selon Dieu, en était le Seigneur. C’était un bienfait conféré à l’homme pour son avantage, et le Fils de l’homme avait le droit d’en disposer souverainement. Pouvait-on dire cela d’une loi qui obligeait d’une manière divine ?

Marc 3, 2 ; Luc 6, 7 ; 14, 1-5 ; Jean 5, 10-16 , présentent tous les cas où le Seigneur opère des guérisons le jour du sabbat dans l’intention expresse d’attirer l’attention là-dessus, ayant soin de heurter leurs préjugés (pour dire le moins), donnant leur zèle pour ce jour comme une preuve d’hypocrisie, et ne disant pas un mot pour en revendiquer la force légale. N’est-il pas singulier que le Saint Esprit ne signale que la flétrissure jetée par le Seigneur sur leur rigide observance du sabbat ? Peut-on trouver dans le Nouveau Testament quelque autre témoignage ayant trait à ce jour ? L’Ancien Testament, comme nous l’avons vu, insiste sur lui en toute occasion ; mais dans le Nouveau, rien que des déclarations qui affirment le droit du Seigneur sur lui, ou en renversent la prescription légale.

Je reviens pour un moment à Jean 5, cité précédemment. Les autres évangiles nous apprennent comment Christ fut présenté aux Juifs et au monde sous des caractères divers. En Jean, les Juifs et le monde nous sont présentés comme ne l’ayant pas reçu, et tout le long du livre les Juifs sont traités comme réprouvés, leur système comme rejeté : il faut que l’homme naisse de nouveau. Christ n’y est pas présenté aux Juifs, mais leur est substitué, et Il introduit naturellement des bénédictions infiniment plus grandes. Aussi le sabbat y a-t-il une place particulière. Christ n’y est pas vu comme étant encore en rapport avec le système juif acheminé vers sa réjection ; ni comme le descendant d’Abraham et de David, Emmanuel, conformément aux promesses ; ni non plus comme remontant à Adam, Fils de l’homme en grâce. Il y est Dieu dans ce monde, inconnu et rejeté, la Parole faite chair, l’Agneau de Dieu ; il faut qu’Il fasse toutes choses nouvelles. Il est personnellement le commencement de ce qui est nouveau, mais encore seul dans ce caractère jusqu’à ce qu’Il soit mort et ressuscité. Or, comme nous l’avons vu, le sabbat avait été le repos de la première création ; et lorsque l’homme en la chair avait été pris comme l’objet des voies de Dieu, le sabbat était devenu le signe de l’alliance. Un Christ rejeté est sur un nouveau terrain, bien que, comme nous l’avons vu, Il fût extérieurement assujetti, pendant qu’Il était dans la chair, à ce que Dieu avait établi pour la chair. C’est pourquoi Paul dit : « Et si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois, maintenant, nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création ». C’est dans ce but que Sa mort et Sa résurrection doivent intervenir pour nous. Sa personne divine était au-dessus de toutes les dispensations ; or c’est, avec Son œuvre et l’envoi du Consolateur, ce que nous trouvons en Jean. Ce n’est pas Christ monté en haut pour revêtir le caractère de Tête d’un corps au-dessus de toutes choses, mais c’est Christ, personne divine faite homme. Le dessein de Dieu et Sa grâce paraissent donc nécessairement devant nous.

Le cas du paralytique du réservoir de Béthesda fait voir l’incapacité de l’homme à faire usage des moyens de bénédiction qui supposaient en lui la force et la capacité de s’en servir ; or c’est là le trait caractéristique du système légal. Si la chose est instituée de manière à ce que le résultat en bénédiction dépende de nous, il se trouve que le péché nous a enlevé la force nécessaire pour faire usage des moyens donnés pour guérir du péché, même lorsque nous en avons la bonne volonté. L’homme se trouve, pour ainsi dire, en Romains 7 : le vouloir est là, mais non pas le moyen d’accomplir. Christ apporte et exerce le pouvoir, au lieu de le demander. Une parole guérit l’homme. Or c’est le jour de sabbat, du repos de la chair ; mais ce dernier est impossible ; aussi Jésus déclare, après avoir attiré l’attention des Juifs sur ce point en disant à l’homme d’emporter son lit, que Son Père travaillait jusque-là, et que Lui aussi travaillait, ne gardant pas le sabbat, car Il ne pouvait se reposer au milieu du péché. C’était la puissance venue en grâce au milieu du mal, et non le repos dans le mal. Il aurait pu exercer le jugement, et le jugement aura lieu ; mais c’était et c’est encore la grâce. Où le repos se trouve-t-il pour nous ? Dans la création nouvelle, dans la résurrection : d’abord pour la conscience et le cœur ; puis finalement en toutes choses et parfait. Christ ressuscité a placé l’homme dans une position nouvelle, sur un pied tout nouveau. Il ne l’a pas ramené à la position d’Adam innocent, mais l’a délivré de la position d’Adam coupable, ainsi que du monde sorti de lui, qui a grandi dans le péché et a rejeté Christ. Après avoir accompli l’œuvre de la rédemption, détruit la puissance de la mort, fait la paix par le sang de la croix, Christ a pris, comme homme, une position entièrement nouvelle, à laquelle Son œuvre nous donne droit, et dans laquelle cette œuvre place l’homme par l’efficace de la résurrection. Nous sommes devant Dieu comme ressuscités en Christ, quoique ayant ce trésor dans des vases de terre, en attendant l’adoption, c’est-à-dire la rédemption du corps. Nous sommes en Christ, dans la création nouvelle. Notre repos n’est pas le sabbat dans la chair, celui de l’ancienne création, mais celui de la foi par la résurrection de Christ ; il ne nous est pas imposé par la loi, car nous ne sommes pas sous la loi, mais, pour la foi, nous sommes morts, hors de la position et de la nature du péché, et ressuscités en Christ. C’est pourquoi le jour du Seigneur, le jour de la résurrection du Christ, est l’heureux témoignage d’un meilleur et parfait repos.

Je n’entre pas dans les détails quant au fondement scripturaire et à la distinction de ce jour ; je l’ai fait il y a quelques années en réponse à des prêtres qui s’en servaient pour prouver l’autorité de l’Église qui avait changé le jour. Je suis mort avec Christ à la vieille création, à la chair et à la loi ; mon repos, en tant que chair, est dans le tombeau avec Lui. J’ai trouvé le vrai repos dans le bon plaisir divin qui est en Christ ressuscité, Son œuvre étant accomplie, en sorte que Dieu se repose dans la justice et dans Ses délices en Christ, et que nous y trouvons pareillement notre repos, repos du travail qui tendait à atteindre la justice, repos en joie dans ce qui est bon, dans ce qui fait nos délices ; repos dans l’amour de Dieu qui repose sans obstacle sur nous en Christ : gage aussi par le Saint Esprit du repos parfait que nous donnera la résurrection du corps (Rom. 8, 2. Voyez Jean 20 ; Act. 20, 7 ; 1 Cor. 16, 2 ; Apoc. 1, 10).

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Le sabbat n’est pas un septième jour. Il est expressément le septième jour, le repos de Dieu, le repos de Jéhovah. Il ne s’agit pas maintenant de garder le septième jour, repos de la vieille création (pour le chrétien intelligent c’est impossible), mais le premier jour de la semaine en contraste avec le septième, clairement distingué par l’Écriture. Incontestablement, Christ a été dans le tombeau le septième jour ; Il est ressuscité (fondement de notre repos) le premier jour et non le septième. Dire que le sabbat était à l’origine le premier jour, c’est ne pas tenir compte des faits et se montrer ignorant de la portée et de la signification du changement. Il ne s’agit ni d’un sabbat juif, ni d’un sabbat légal, mais du jour dominical chrétien. La seule part que la chair puisse avoir maintenant à ce dernier, c’est la miséricorde pour l’homme en la chair, et c’est une nouvelle révélation de la miséricorde de Christ. Lorsque le sabbat fut institué à l’origine, le travail n’était point la part de l’homme ; il aurait pu jouir du repos de Dieu, comme adorateur, mais il ne le fit jamais. Dès lors, le péché étant entré, le Seigneur peut nous dire que le sabbat a été fait pour l’homme. Dans la mesure donc où le jour du Seigneur peut être rendu un jour de repos pour tous, la grâce le fera. Il se peut que je ne puisse pas l’imposer comme loi religieuse aux hommes inconvertis ; mais je ne sais ce qu’une telle loi pourrait signifier dans le christianisme, dans l’Église de Dieu. La primitive Église aurait-elle songé à l’imposer aux païens ? Je crois que c’est une grande grâce, même pour le monde, si la loi civile, ou les habitudes sociales en assurent l’observation ; seulement il y a le danger de nourrir par là la propre justice. C’est une grâce extérieure que la moralité de la loi, le sabbat et tout le reste, soient observés, car le péché et le mépris de Dieu dégradent, endurcissent, et corrompent. Comme chrétien, je me réjouis d’avoir un jour, le jour du Seigneur, conquis sur le monde et la vieille création, pour moi enfant de Dieu. Je crois, et j’ai fait l’expérience, que nous pouvons tendre à être en Esprit dans le jour du Seigneur, non pas pour des visions, mais pour la bénédiction et la joie. Mais tout cela n’est point la loi. Je n’accepte en aucune manière les sarcasmes de ceux qui ensevelissent, comme ils disent, ou abrogent le sabbat. Je dis que si je me trouvais à bord d’un vaisseau, je pécherais positivement en ne le surveillant pas le jour du sabbat, et en ne veillant pas à la sûreté de tous. D’un autre côté, je n’ai aucun doute que le chrétien doive penser aux autres, et, sauf dans des cas d’œuvres de miséricorde et d’amour, qu’il ne doit pas servir de voitures et choses pareilles le jour du Seigneur ; une règle facile pour nous diriger en tout cela, est de nous demander si c’est au nom du Seigneur Jésus que nous agissons ; si oui, à la bonne heure ; si non, qu’on s’abstienne.

Il en est de même quant aux aliments. Ce n’est pas affaire de scrupule ; manger chaud ou froid est égal pour ma conscience ; mais je dis que les chrétiens doivent laisser, le jour du Seigneur, abondance de loisir à ceux qui les servent. D’autre part, au lieu de les placer sous la loi, je voudrais rendre mes enfants aussi heureux que possible le jour du Seigneur ; je voudrais qu’une pensée de bonheur se rattachât pour eux à ce jour, mais d’un bonheur associé avec Dieu et non avec un vain plaisir ; j’en agirais de même, autant que cela dépendrait de moi, envers le pauvre fatigué par son travail. Je crois que le jour du Seigneur doit être un repos de bonheur, de bonheur avec Dieu, et non une servitude légale imposée par Lui. Je n’attends pas que le monde prenne garde à moi ; mais, en observant ce jour, j’agis pour moi-même. Les personnes sérieuses le respecteront, et la contrainte morale que la piété exerce toujours, opérera sur tous.

Je n’entre pas dans l’histoire de cette question. J’ai recueilli bon nombre de faits et de témoignages à ce sujet, mais je ne les ai pas sous les yeux en ce moment. Il est certain toutefois que les premiers chrétiens ne confondirent jamais le jour du Seigneur avec le sabbat. Ceux qui étaient d’origine juive les considéraient tous deux comme distincts, et leur entourage faisait de même. Justin Martyr (dans un passage bien connu de son dialogue avec Tryphon qui lui reproche d’abandonner le sabbat) dit : Comment pouvons-nous garder le sabbat, nous qui nous reposons du péché tous les jours de la semaine ? Si ma mémoire ne me trompe pas, Clément d’Alexandrie recommande de le mettre à part si possible. Ce dont je me souviens parfaitement, c’est qu’un concile d’Orléans, au sixième siècle ou au commencement du septième, reproche aux chrétiens de garder le sabbat, et de ne pas charrier leur blé ou de ne pas voyager ce jour-là, et leur demande s’ils se sont faits Juifs. Or nous ne pouvons pas supposer qu’ils entendaient par là le dimanche ou jour du Seigneur. Graduellement, à mesure que le judaïsme disparaissait, le jour du Seigneur fut considéré comme prenant la place du sabbat, mais jamais, je pense, comme un sabbat légal, jusqu’à la Réformation. On peut lire cette histoire ailleurs ; je n’ai pas la prétention de la donner, car je parle de mémoire. Mon but était d’examiner l’Écriture sur ce sujet, et cela en rapport avec la loi, ce qui est le point réellement important. La nature du christianisme en dépend. J’aurais sans cela laissé la controverse locale à ceux qui y sont engagés, mais la véritable nature du christianisme nous regarde tous.

Je n’accepte nullement tout ce qu’a dit Luther sur ce sujet. Je pense qu’il ne voyait pas la délivrance complète ; toutefois, ce qu’il a écrit montre clairement qu’il était bien entré dans le principe dont j’ai parlé : « Mais si tu veux parler de l’abolition de la loi, parles-en telle qu’elle est dans son usage et son office propres, et telle qu’elle est prise spirituellement, et comprenant toute la loi sans distinction aucune entre loi judiciaire, cérémonielle, et morale ». « Or, Paul parle ici spécialement de l’abolition de la loi morale, ce qu’il faut soigneusement considérer ». « Et ici, Paul ne parle pas de la loi cérémonielle seulement (comme nous l’avons remarqué auparavant plus au long), mais de la loi tout entière, cérémonielle ou morale, qui pour un chrétien est totalement abrogée, car il y est mort : non que la loi soit entièrement ôtée, puisqu’elle demeure, vit et règne encore dans les méchants. Mais un homme pieux est mort à la loi, comme il est mort au péché, au diable, à la mort et à l’enfer : lesquels, toutefois, demeurent encore, comme aussi le monde et tous les méchants demeurent encore en eux. Quand donc le papiste comprend que la loi cérémonielle seulement est abolie, toi, comprends que Paul et chaque chrétien sont morts à la loi, et que pourtant toute la loi demeure encore : ainsi que, par exemple, Christ ressuscitant d’entre les morts est délivré du tombeau, et néanmoins le tombeau demeure encore ». Ensuite il s’étend là-dessus. « C’est pourquoi ces paroles : Je suis mort à la loi, sont très expressives, car il ne dit pas : Je suis délivré de la loi pour un temps, ou bien j’ai seigneurie sur la loi ; mais, simplement, je suis mort à la loi, c’est-à-dire, je n’ai rien à faire avec la loi… Or, mourir à la loi, ce n’est point être lié à la loi, mais être délivré de la loi et ne pas la connaître. C’est pourquoi, que celui qui veut vivre pour Dieu, tâche d’être trouvé hors de la loi et sorte du tombeau avec Christ ».

Il est parfaitement vrai que le grand objet de Luther était la justification par la foi. Mais, en poursuivant cet objet, il arrive au fait que nous sommes entièrement morts à la loi, que nous ne sommes point liés avec elle, que nous ne la connaissons pas. Il pensait que l’on pouvait revenir sous elle, parce qu’il le faisait lui-même. Moi, je ne le pense pas ; mais ceci est une autre question. Il considère l’homme, le chrétien, comme en Christ, entièrement en dehors de la loi autant que Christ est maintenant en dehors de Son tombeau, et autant dégagé de dessous la loi que Christ l’est maintenant : « Avec cette foi tu t’élèveras au-dessus et au-delà de la loi, jusqu’à ce ciel de la grâce où il n’y a pas de loi, ni de péché. Et quoique la loi et le péché demeurent encore, toutefois ils n’appartiennent en rien à ton être, car tu es mort à la loi et au péché ». « Or, si nous sommes morts à la loi, la loi n’a donc pas de pouvoir sur nous, tout comme elle n’en a point sur Christ qui nous a délivrés de la loi, afin que nous vivions pour Dieu ». Il n’est pas complètement exact de dire que Luther a continuellement la justification dans son esprit. Il considère les croyants comme entièrement délivrés de la loi, parce qu’elle était mort et condamnation, et qu’ils ne pouvaient être justifiés s’ils étaient sous elle dans une mesure quelconque, à cause même de son caractère obligatoire. Il dit que la seule chose que Dieu demande de vous est ceci, que vous croyiez en Christ qu’Il a envoyé ; et qu’ainsi nous sommes rendus parfaits : « Mais si vous voulez ajouter des lois, alors tenez pour sûr que toutes les lois sont comprises dans ce commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Efforcez-vous de garder ce commandement, lequel étant gardé, vous avez accompli toute la loi ».

J’ai tiré ces citations de son commentaire, bien connu, sur l’épître aux Galates.



  1. Publié dans l’Écho du Témoignage de 1867.
  2. En principe, la loi, et plus tard la loi donnée de fait par Moïse, se lie intimement à la responsabilité du premier Adam, responsabilité dont elle est même la mesure.
  3. C’est une erreur de supposer qu’à la chute il y eût quelque promesse faite à Adam. Dans le jugement prononcé contre le serpent, fut donnée la révélation du dernier Adam (la semence de la femme) et de l’entière destruction dont il frapperait la puissance du serpent. « La semence de la femme » est précisément ce que le premier Adam n’était pas. C’était la révélation et la promesse du second Adam.
  4. Combien serait déplacé un commandement à Christ de nous aimer ou d’aimer Son Père ! Il y eut des commandements qui éprouvèrent la perfection de Son amour, mais il n’y en eut aucun de nous aimer.
  5. C’est sous ce nom que Dieu est connu dans la relation chrétienne en vie éternelle, et qu’Il fut révélé par Christ quand Il était ici-bas. « Jéhovah » est le nom de Dieu dans Sa relation avec Israël ; « le Tout-puissant » est Son nom à l’égard des patriarches ; « le Souverain » sera Son nom millénaire.