Traité:Christianisme et non chrétienté

De mipe
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J.N. Darby

Au temps où nous sommes, tout esprit réfléchi se demande si, oui ou on, l’on retourne au papisme. Les craintes des protestants surpris ; les insolentes prétentions des catholiques, et près d’eux, le courage ne se trouvant plus que du côté de l’incrédulité et de l’indifférence qui favorise plutôt l’erreur que la vérité, parce que la vérité est la vérité, et qu’elle s’appuie sur elle-même — l’incapacité reconnue de ceux qui gouvernent, ou, pour mieux dire, qui ont peur de gouverner ; enfin, le fait solennel que l’énergie se trouve seulement du côté du mal, ce qui donne à ce dernier l’apparence d’un véritable jugement de Dieu — tout cela nous conduit à nous demander : Qu’est-ce donc que cette église tant vantée, par les catholiques romains de bonne foi, et par tous ceux qui dans les pays catholiques, tout ne n’y croyant pas, tiennent à elle, en vertu de son prestige et de son influence ? Qu’est-ce donc que cette église, ce vaste système qui a une telle importance aux yeux des hommes ?

N’allons pas nous imaginer que les protestants nationaux, évangéliques ou dissidents aient échappé à son influence. Peut-être chercheront-ils à éviter que l’église ne devienne entièrement papiste, ou qu’elle ne descende jusqu’au niveau de l’incrédulité ouverte ; mais, nationaux, évangéliques ou dissidents, romains ou grecs, tous sont ou veulent être d’une église quelconque. Ils auront des autels, ou bien des tables ; ils proclameront peut-être l’inutilité des établissements, mais même dans ce cas, ils décoreront du titre d’église la chapelle d’autrefois la plus modeste. Qu’est-ce que cette église dont le nom possède en lui-même un tel charme ? Est-ce une chose qui vienne de Dieu, qui soit de Dieu, telle qu’elle existe ?

Qu’il y ait un charme particulier dans ce mot, cela paraît évident. Il suggère l’idée de succession ; et, quelque étroit que soit le canal dans lequel plusieurs pensent posséder l’eau pure, cette eau n’en provient pas moins de la source-mère, et leurs canaux, prétendent-ils, l’ont purifiée de ses impuretés. Il y a trois siècles qu’on s’est débarrassé de ce qu’il y avait de plus grossier dans la corruption ; ce qui en est résulté s’est porté en grande partie vers l’incrédulité ; tandis que d’autres sont retournés aux eaux de l’ancien canal, c’est-à-dire aux superstitions précédentes.

Qu’est-ce donc que ce grand système, que cette idée souveraine qui possède tant d’attraits ? Une église de succession, ou corrompue, ou purifiée, ou « incrédulisée » (si j’ose faire un mot nouveau pour un nouvel état de choses) ; une église du passé d’après un modèle d’il y a quelques siècles ; ou bien une église de l’avenir, sans aucun autre modèle, que celui de l’imagination de l’homme, qui se croit plus compétent et plus sage pour faire mieux, en ce temps-ci, que tous ses prédécesseurs ; une église enfin, telle qu’on la comprend aujourd’hui, descendant des âges précédents, quoique réformée, et raccommodée ; une telle église est-elle une chose de Dieu ? Doit-elle, sous quelque forme que ce soit, dépendre du principe de succession dont nous avons parlé ? Existe-t-il une chose telle qu’une église qui ait le droit de porter ce nom et d’exercer son autorité sur l’esprit de l’homme comme étant conforme à la pensée de Dieu ? Nous sommes obligés d’envisager la question en face : l’église professante, telle qu’elle existe, quelque forme qu’elle revête, est-elle une chose que Dieu reconnaisse ? Un corps fondé sur la succession est-il, sous une forme quelconque, véritablement en accord avec la pensée de Dieu ? Je le répète, c’est là que gît la question tout entière ; nous n’avons donc point à nous demander : Telle ou telle église est-elle la vraie Église ?

Confusion universelle ! L’église grecque rejette celle de Rome, tandis que les puséystes lui font timidement la cour et que les protestants l’abhorrent. Les dissidents cherchent à renverser ce qui existe, parce que c’est un obstacle sur leur chemin ; et en cela, ils sont d’accord avec Rome qui elle-même est divisée par l’idolâtrie de la vierge et par l’infaillibilité du pape, choses notoirement en contradiction avec l’histoire. Cependant le pouvoir de Rome va croissant dans le monde. Confusion universelle, du pape aux dissidents ! Chacun admet cela : tous voudraient l’Église comme elle doit être ; tous, pour des raisons fort diverses, pensent que son état est mauvais ; et cette confusion elle-même fait que toute enquête sur ce sujet est inutile et ne peut aboutir. On se demande sur quoi porte la discussion ? Chaque parti, sans doute, a confiance en lui-même, mais la main de chacun est levée contre son voisin. Celui qui considère tout cela sans parti pris, à qui donnera-t-il créance ?

Je sais bien que tel membre honnête de l’église me dira que cette confusion est l’effet du schisme, et que l’on doit s’en tenir à ce qui se donne le nom d’église ; mais comment trouverai-je ce qui mérite réellement ce nom — ce qui est l’Église ? On me dit qu’il y a des marques certaines auxquelles on la reconnaît ; mais qui me les indiquera ?

Eh bien ! examinons-les : La catholicité, c’est-à-dire l’universalité ? — Mais plus de la moitié de la chrétienté professante est en dehors de ce qui prétend à l’universalité et des centaines de milliers de ses membres les plus respectables l’ont abandonnée à cause de sa corruption. La sainteté ? — Mais l’histoire nous apprend que l’église a été la chose la moins sainte qui ait jamais existé. La succession apostolique ? — Il faut qu’un homme soit lettré pour savoir si elle existe ; ou, s’il est réellement instruit, il saura que cette succession n’existe pas ; que rien n’est plus incertain. Ce qui est certain, c’est qu’elle est rompue. De plus, il serait bien osé, celui qui ferait dépendre son salut de la succession légitime d’une série d’hommes méchants, qui, dans des siècles de ténèbres, se sont renversés les uns les autres.

Reste l’unité. — Mais les plus anciennes églises, les grecques, dont les membres se comptent par millions, la rejettent et la nient. L’unité, la sainteté, la catholicité, ne sont que des fables en tant qu’appliquées à l’église ; elles sont en elles-mêmes d’excellentes, de précieuses choses, mais qui n’existent plus de nos jours, dans ce qu’on appelle l’église.

La conscience de la moitié de l’Europe s’est élevée contre l’iniquité ouverte, flagrante, impie, de ce qu’on appelle l’église. À tout prendre, le changement de système a montré, au train dont il a marché, que l’église tant vantée n’a pu prendre soin de ses « enfants » et a été impuissante à prévenir le mal. Tout ce que nous savons, nous autres gens simples, c’est que, comme dit le proverbe : « les peuples expient les folies des rois ». On ne peut se fier à l’église ; elle n’a pas été capable de se garder elle-même. Dans les pays catholiques et maintenant aussi dans les contrées protestantes, ce ne sont pas seulement les hommes de science, mais une masse de gens sans éducation, qui sont devenus ou deviennent incrédules. On voudrait y porter remède par des cérémonies superstitieuses, et par un retour à ce qui était si notoirement corrompu que la conscience naturelle n’avait pu l’endurer davantage, tellement que la prêtrise ou les ordres n’étaient au fond pas estimés du tout, bien qu’on se soumît à eux par nécessité, pour obtenir la grâce des sacrements, tout en méprisant ceux qui les administraient à cause de leur immoralité tolérée ou non.

Voilà ce qu’était l’église. En sommes-nous réduits là ? Ou bien n’avons-nous d’autre ressource que de devenir incrédules et de renier le Sauveur qui nous a aimés, et qui s’est donné Lui-même pour nous ? Non, assurément. La vérité est aussi vraie, l’amour divin aussi grand, aussi supérieur à tout le mal, le Seigneur aussi fidèle que jamais, et Son bras n’est pas raccourci. Cette soi-disant église ne peut nous aider ; elle ne peut s’aider elle-même. À quelle église dois-je donc m’adresser ? Qui peut me le dire ? À l’Église, me répondra-t-on. Où est-elle ? À Rome ? Non, s’écrient à la fois et la plus ancienne église — la grecque — et tous les protestants qui, plus ou moins, se sont purifiés de ses erreurs, jusqu’à ce que plusieurs, et des plus respectables d’entre ceux qui avaient rompu avec elle, y retournent, par désespoir d’eux-mêmes. Laissons Rome ; où irai-je ? Qui me le dira ? J’entends un bruit confus de voix qui prétendent être dans le vrai. Mais moi, j’ai besoin de christianisme, non de chrétienté ; j’en ai assez de celle-ci.

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Je considère la chose en face ; je me place devant la question, non sur le pied des prétentions très disputées des diverses églises, qui se désapprouvent mutuellement, mais devant la question de l’Église, telle que l’homme la considère maintenant, et que nous l’avons vue de tout temps, comme faisant le sujet de l’histoire ecclésiastique. Or, je dis qu’elle n’a jamais été, comme système, l’institution de Dieu ou ce que Dieu avait établi. Bien au contraire ; en tout temps, dès sa première apparition, dans l’histoire ecclésiastique, l’église primitive, aussi bien que les autres, ne fut pas autre chose comme système que l’abandon de ce que Dieu avait établi. Plus les hommes l’ont formellement établie, plus elle s’est corrompue. Je ne doute nullement qu’elle n’ait contenu et qu’elle ne contienne encore des saints, bien-aimés de Dieu, mais dès le commencement de son histoire, elle n’a été qu’une corruption dégoûtante aux yeux de Dieu. Ouvrez l’histoire de l’Église ; c’est l’histoire, non de l’institution de Dieu, mais de la corruption de l’homme. L’histoire et l’Écriture attestent toutes deux ce fait ; nul homme honnête, à moins de nier l’histoire et l’Écriture, ne pourra discourir sur l’église dont parle l’histoire ecclésiastique, sans reconnaître qu’elle a été une corruption produite par l’action de l’homme, et non l’institution établie par Dieu ; je parle de l’église dès son début, comme étant le sujet des témoignages scripturaires ou celui des annales ecclésiastiques.

Christ possède une Église qu’Il a aimée ; pour laquelle Il s’est donné Lui-même, et qu’Il se présentera à Lui-même, une Église glorieuse. Tout vrai chrétien en convient. Il admet aussi que l’œuvre par laquelle elle a été rassemblée devait se continuer sur la terre et que, dans le sens scripturaire, le fondement en a été posé sur la terre. Tout cela est vrai ; mais ma proposition est simplement ceci : l’église en tant que sujet de l’histoire, n’a jamais été autre chose que la corruption de l’homme. Cet état de choses a progressé dès lors, mais du moment où il fut laissé à la responsabilité de l’homme, les principes de Dieu furent abandonnés.

Que mon lecteur n’en soit pas surpris ; examinons ce qu’est l’homme, en tant que l’objet de l’histoire et des voies de Dieu. Est-il, ou a-t-il jamais été, dans toute son histoire, la créature de Dieu telle que Celui-ci l’avait faite ? Jamais ! Il est la corruption de ce que Dieu avait établi, et pas autre chose à l’exception du seul Être béni qui est venu pour sauver. Je désire attirer l’attention sur un grand principe que l’on peut suivre à travers toute l’Écriture afin que l’on soit moins surpris de mon assertion, qui consternera naturellement plusieurs personnes, tant on aime à s’attacher à la tradition. Ce principe, un incrédule même peut le reconnaître ; non qu’il reconnaisse la vérité selon Dieu ; mais je parle du principe qui se poursuit à travers ce que le croyant accepte comme une révélation divine. Le voici : Dans tous les cas, Dieu a établi des choses positivement ou relativement bonnes ; et le premier acte de l’homme a été de les corrompre et de les ruiner. L’histoire n’est donc que le compte-rendu de la condition corrompue de l’homme, bien qu’elle nous laisse voir sans doute, en même temps, l’exercice d’autant plus admirable de la bonté et de la patience de Dieu.

L’homme avait été créé bon : sa première action fut de tomber dans le péché et de se corrompre ; son histoire est celle d’une race déchue ; Dieu jugea le monde d’alors. Je fais, selon l’Écriture, le récit de ce qui est toujours arrivé ; je n’en discute pas la vérité, mais je donne l’opinion de la Bible, son point de vue sur ce qui s’est passé. Noé fut sauvé du milieu d’un monde ruiné, et le gouvernement fut établi entre ses mains comme une barrière aux passions des hommes. La première chose que fit Noé, après avoir offert son sacrifice, fut de s’enivrer. Nous n’apprenons rien de plus sur Noé, et le monde aboutit à Babel et à la confusion.

La loi fut donnée lorsque Dieu appela hors d’Égypte un peuple pour Lui-même ; le monde était alors adonné à l’idolâtrie, adorant le bois et la pierre, livré à un esprit de réprobation. Avant que Moïse descendît de la montagne avec les deux tables de la loi, le peuple avait fait le veau d’or et avait entièrement rejeté Dieu.

La sacrificature fut établie, consacrée par Dieu ; le premier jour après cette consécration, deux sacrificateurs offrirent un feu étranger, et Aaron n’entra jamais dans le lieu très saint avec ses vêtements de gloire et de beauté ; il fut exclu de l’accès habituel auprès de Dieu.

Ensuite, la royauté est établie ; le fils de David devait être le roi selon Dieu, bâtir Son temple et recevoir toute sorte de bénédictions. Il aime beaucoup de femmes étrangères, devient idolâtre, et le royaume est ruiné. Dieu transfère ensuite la puissance aux Gentils, établit la tête d’or, abandonne Jérusalem et renverse le trône de David. Les hommes pensent souvent que s’ils avaient le pouvoir absolu, ils feraient une quantité de choses bonnes et sages ; mais Nebucadnetsar jette les fidèles dans la fournaise, et son cœur devient sous tous les rapports un cœur de bête. La puissance gentile se corrompt, devient ambitieuse, violente ; elle ne peut, ainsi que le dit la Parole, garder son origine, et elle est comparée à des bêtes féroces.

Tel est le résumé uniforme donné par l’Écriture de ce qui s’est passé dans le monde ; telles sont les voies de Dieu et les voies de l’homme, lorsque Dieu établit quelque chose et le confie à l’homme. Je ne parle pas de la grâce de Dieu ; — elle y est exaltée — je parle de Ses voies manifestées ainsi que de la conduite et de l’histoire de l’homme dès que Dieu instituait quelque chose sur la terre. Est-il très étonnant que le même fait soit reproduit dans le christianisme ? Je ne mets pas en doute qu’il n’offre un grand accroissement de lumière, et une plus complète révélation de la grâce. Le christianisme était la révélation de Dieu et non pas le gouvernement de l’homme tel quel, ni la loi appropriée à l’homme. Là ne gît pas la question, mais elle gît dans ce que l’homme a été depuis que le christianisme lui a été confié et qu’il a été placé sous une responsabilité en rapport avec cette révélation. Ni moi, ni aucun autre, Dieu merci, ne pouvons nier qu’il n’y ait eu des saints au milieu d’un état de ruine et d’apostasie complètes dès l’origine. Après la chute nous trouvons un Abel, un Énoch, un Noé, et même un témoignage toujours plus complet à mesure que le mal augmente ; celui d’Élisée, par exemple, lorsque (et, en un sens, parce que Israël avait fait des veaux d’or et s’en était allé après Baal) ; mais je le répète, là n’est pas la question ; il s’agit de l’état des choses.

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Je présenterai maintenant le fait historique, avant de citer les instructions de l’Écriture à ce sujet ; l’Écriture elle-même nous parlera du fondement que les hommes ont abandonné et nous offrira aussi quelques-uns des faits de cette apostasie. En omettant les doctrines les plus élevées des épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens, nous trouvons que l’épître aux Galates nous présente la base fondamentale dont nous venons de parler, et en quelque mesure l’abandon que l’Église commençait à en faire. Deux grands principes se trouvent à la base du christianisme : la justice de Dieu, ou Christ assis à la droite de Dieu ; puis la présence du Saint Esprit. Paul nous dit (2 Cor. 3) que le christianisme ou l’évangile, est le ministère de la justice et le ministère de l’Esprit ; tels sont les deux grands éléments essentiels du christianisme. « Maintenant, sans loi, la justice de Dieu est manifestée » ; et encore : « afin de montrer, dis-je, sa justice dans le temps présent », « la justice de Dieu par la foi en Jésus Christ » ; puis encore (Phil. 3) : « N’ayant pas ma justice qui est de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui est de Dieu moyennant la foi ». Christ a fait la paix par le sang de sa croix, et a laissé la paix à ses disciples. La paix a été prêchée ainsi que la rémission des péchés. « Étant justifiés par la foi », dit l’apôtre, « nous avons la paix avec Dieu », Christ ayant porté nos péchés en son corps sur le bois.

La croix a montré ce que l’homme était. Là, il a rejeté le Fils de Dieu, ce dernier messager qui venait de sa part chercher du fruit parmi les hommes. D’un autre côté, l’œuvre divine de rédemption et de paix a été là pleinement accomplie, en sorte que les croyants sont réconciliés avec Dieu et n’ont « plus aucune conscience de péchés ». « En Lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes selon les richesses de sa grâce » ; « nous sommes rachetés par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache ». « Car, par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés. Et l’Esprit Saint aussi nous en rend témoignage ; car… il dit : Et je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités » ; bien plus, « nous avons toute assurance au jour du jugement, parce que comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde ». L’apôtre insiste sur l’œuvre de grâce en Christ, et nous atteste la bénédiction de l’homme à qui le Seigneur ne compte point le péché parce qu’il est justifié par la foi. Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté pour justice.

Dans les assemblées de Galatie, les docteurs judaïsants avaient introduit la doctrine de la justice par la loi ; et l’apôtre la combat sérieusement. Nous ne trouvons en aucune autre épître l’angoisse qui paraît dans celle-ci ; il n’y a point de salutations à la fin, point de paroles affectueuses au commencement ; mais, tout absorbé par cette subversion totale du christianisme, qui s’était déjà introduite parmi eux, l’apôtre entre de plain-pied dans son sujet. « Je m’étonne de ce que vous passez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ à un évangile différent, qui n’en est pas un autre ; mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent pervertir l’évangile du Christ. Mais quand nous-mêmes, ou quand un ange venu du ciel vous évangéliserait outre ce que nous vous avons évangélisé, qu’il soit anathème ».

Il poursuit, et nie avec insistance toute succession de la part des apôtres ; il n’avait reçu d’eux ni la vérité, ni le ministère ; il ne l’avait reçu ni de la part des hommes, ni par l’homme ; mais par Jésus Christ, et Dieu le Père. Ses adversaires insistaient sur la succession du ministère et sur l’ordination ; Paul les répudie toutes deux avec indignation. Le point capital qu’il établit, c’est que l’introduction de la justice par les œuvres de loi, ou l’introduction de la loi sous quelque forme que ce soit, n’était que la subversion du christianisme. C’était annuler, mettre de côté, anéantir la grâce de Dieu ; car, « si la justice est par la loi, Christ est mort en vain » : « tous ceux qui sont sous des œuvres de loi sont sous la malédiction ». Telle était la grande thèse de l’apôtre. « Christ ne vous profite de rien » ; « vous tous qui vous justifiez par la loi, vous êtes déchus de la grâce ». Et ce qu’il invoque spécialement en témoignage de cela, c’est qu’ils avaient reçu le Saint Esprit comme sceau de la doctrine de la justification par la foi et non par les œuvres de loi ; la présence du Saint Esprit et la manière dont il leur était donné, décidait la question.

Je ne mets pas en doute que les fruits d’une nouvelle nature ne suivent pour démontrer que la foi est réelle ; ni que le chrétien n’ait à montrer sa foi par ses œuvres ; jamais, cependant, par des œuvres de loi, les œuvres dans lesquelles Dieu prend plaisir étant celles-là seules qui sont le fruit de la foi. Le chrétien est tenu, et comme chrétien, il est disposé à faire de bonnes œuvres. Vous avez raison de les exiger de lui ; mais pourquoi ? En premier lieu parce qu’il est un chrétien. On a oublié ce principe si simple que les devoirs découlent des relations dans lesquelles on se trouve, et qu’ils ne peuvent exister pour nous, tant que nous ne nous trouvons pas dans ces relations. Je dis ceci surtout pour éviter des malentendus, car ce n’est pas proprement mon sujet. L’homme avait des devoirs comme homme. Il y a manqué ; il est un pécheur ; il est perdu, selon le christianisme. L’exposition complète de ce point fondamental se trouve dans l’épître aux Romains ; les Gentils étaient sans loi ; les Juifs étaient violateurs de la loi ; « il n’y a point de juste, non pas même un seul ; toute bouche est donc fermée, et tout le monde coupable devant Dieu ; tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; étant justifiés gratuitement, par sa grâce, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus ». Le christianisme nous enseigne que le Fils de Dieu a achevé l’œuvre que Son Père Lui avait donnée à faire ; et nous lisons que, par Lui, tous ceux qui croient sont justifiés de toutes les choses dont ils n’avaient pu être justifiés par la loi de Moïse ; qu’après avoir fait, par Lui-même, la purification de nos péchés, Il s’est assis à la droite de Dieu ; enfin que, si cette œuvre qui a fait la paix et rendu parfaits pour toujours ceux qui croient, n’était pas accomplie par cette seule offrande, Il aurait dû souffrir plusieurs fois.

Nous avons vu que c’est par la foi que nous sommes justifiés. La rédemption est par Son sang ; et dès lors, les croyants étant justifiés par la foi, réconciliés avec Dieu, ce fait devient le grand pilier du christianisme ; puis le christianisme lui-même établit, comme fondement, la précieuse révélation du Père dans le Fils. Ce n’est donc pas en faisant peu de cas de Sa sainte personne que je parle de Son œuvre ; mais, lorsque la grâce a amené le cœur à reconnaître Sa personne, l’évangile est la réponse aux besoins créés par la révélation de cette personne. C’est ainsi que la pauvre pécheresse, dont parle l’évangile de Luc, attirée dans une profonde humiliation vers la personne de Christ, reçoit cette assurance : « Tes péchés te sont pardonnés, ta foi t’a sauvée ; va-t’en en paix ». Le brigand qui reconnaît Jésus comme Seigneur, et comme un homme qui n’avait rien fait qui ne se dût faire, désire le royaume et reçoit cette réponse bénie : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ».

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La seconde grande vérité, avons-nous dit, qui constitue le christianisme, c’est la présence du Saint Esprit. Le croyant Le reçoit, de telle sorte qu’il est scellé par Lui, et que l’Esprit habite en lui. Nous avons comme un tableau du rapport entre ces deux grandes vérités au chapitre 20 de l’évangile de Jean, où le Seigneur enjoint à Marie de Magdala de dire à Ses frères : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Puis, lorsqu’ils sont assemblés, Il se tient au milieu d’eux et leur dit : « Paix vous soit » ; et Il ajoute : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant dit cela, il souffla en eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint ». Je ne présente ici que l’idée générale. Les disciples, les frères, sont dans la même relation avec Dieu et avec le Père que Christ Lui-même ; la paix leur est annoncée ; le Saint Esprit leur est communiqué.

Je reviens à l’épître aux Galates que j’ai citée en premier lieu. Nous avons vu comment l’apôtre fait de la justification par la foi une question de christianisme ou de non christianisme, ce qu’une foule de passages nous ont confirmé. Nous avons vu la justice divine répondant au fait que nul n’est juste, non pas même un seul, et subvenant à cette misère par l’œuvre de Christ, œuvre efficace pour nous par la foi, en sorte que, le péché ne nous étant pas imputé, nous sommes rendus parfaits pour toujours par une seule offrande. L’apôtre montre (Rom. 6) que ce n’est point une sanction du péché, mais le moyen par lequel nous avons de la puissance contre lui ; je me borne ici au point en question.

Voyons maintenant ce qui nous est dit du Saint Esprit. Lorsqu’il en est parlé, c’est toujours en rapport direct avec l’exaltation de Christ, comme homme, à la droite de Dieu. Après que l’homme, en la personne du Seigneur Jésus, a été élevé à la droite de Dieu, parce qu’Il a parfaitement glorifié Dieu à la croix, le Saint Esprit est envoyé ici-bas, pour habiter en ceux qui croient ; or, c’est là ce qui distingue nettement les chrétiens et le christianisme. La justice divine ayant placé l’homme dans les lieux célestes, en suite d’une œuvre accomplie pour le salut de l’homme et pour sa bénédiction, le Saint Esprit a été donné à ceux qui croient. Continuons à citer des preuves ; elles pourraient être multipliées, mais les principales sont si claires et si précises, qu’il est inutile de les rechercher toutes. Cependant la présence du Saint Esprit, comme caractère distinctif du christianisme, nous sera toujours d’autant plus claire, que nous connaîtrons mieux l’Ancien et le Nouveau Testament. La promesse du Saint Esprit dans l’Ancien Testament, en tant qu’elle caractérise le christianisme, est suffisamment démontrée par la citation que Pierre fait de Joël : « Il arrivera, aux derniers jours, dit Dieu, que je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards songeront en songes, et, sur mes serviteurs et sur mes servantes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit ». Remarquons que c’est sur tous, jeunes et vieux, serviteurs et servantes. Il n’y a pas trace de clergé ni d’un corps auquel la promesse soit limitée, mais nous trouvons formellement le contraire. Ce ne sont pas non plus les apôtres seulement ; car cent vingt personnes étaient rassemblées, et des femmes parmi eux. Le Seigneur Lui-même avait promis le Saint Esprit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, selon ce qu’a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son ventre. (Or il disait cela de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui croyaient en lui ; car l’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié) ». Ce que la prophétie leur faisait connaître comme la présence du Saint Esprit, au milieu d’eux, n’était pas encore donné.

C’est aussi ce que disaient les douze disciples d’Éphèse ; non pas : nous n’avons pas ouï dire qu’il y ait un Saint Esprit, mais : « si le Saint Esprit est » (venu). Ils étaient disciples de Jean-Baptiste et celui-ci leur avait annoncé le baptême du Saint Esprit comme une des choses que Jésus ferait. Jean-Baptiste présente l’œuvre de Jésus comme renfermée dans les deux vérités fondamentales dont j’ai parlé : Il est l’Agneau de Dieu qui ôte le péché et Celui qui baptise du Saint Esprit. Le Seigneur dit Lui-même : « Si je ne m’en vais, le Consolateur ne viendra pas à vous, mais si je m’en vais, je vous l’enverrai ». Puis : « celui que le Père enverra en mon nom » ; — « quand il sera venu, il convaincra le monde de péché, et de justice, et de jugement » ; Il conduira les disciples dans toute la vérité, et leur annoncera les choses qui vont arriver. Puis, lorsque suivant la promesse, le Saint Esprit est venu, Pierre dit : « Ayant donc été exalté par la droite de Dieu, et ayant reçu de la part du Père l’Esprit Saint » (remarquez que c’est en vertu de Son exaltation que le Christ reçoit le Saint Esprit pour d’autres), « il a répandu ce que vous voyez et entendez ». Et lorsqu’ils ont le cœur saisi de componction et demandent : Que ferons-nous, frères ? « Pierre leur dit : Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés ; et vous recevrez le don du Saint Esprit ; car à vous est la promesse et à vos enfants ; et à tous ceux qui sont loin, autant que le Seigneur notre Dieu en appellera à lui ». Devant les sacrificateurs ils disent : « Nous lui sommes témoins de ces choses, ainsi que l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent ». Puis, dans l’histoire de Corneille, Dieu montre qu’Il reçoit les Gentils, leur donnant Son Saint Esprit, en sorte que Pierre ne peut lui refuser l’eau du baptême. De même, à Samarie, ils reçurent tous le Saint Esprit, par le moyen de Pierre et de Jean, après avoir été baptisés par Philippe. En Actes 19, Paul dit : « Avez-vous reçu l’Esprit Saint après avoir cru ? ». Pierre, lorsqu’il décrit l’ordre des différentes dispensations, parle des prophètes, qui savaient, par révélation, que les choses qu’ils prophétisaient n’étaient pas pour eux-mêmes, et nous-mêmes ne les avons pas atteintes. « Elles vous sont », dit-il, « maintenant annoncées par ceux qui vous ont annoncé la bonne nouvelle, par l’Esprit Saint envoyé du ciel… soyez sobres, espérez parfaitement dans la grâce qui vous sera apportée à la révélation de Jésus Christ ».

Tout cela montre suffisamment que la présence du Saint Esprit, fondée sur l’œuvre de Christ et sur Son exaltation, est le caractère distinctif du christianisme. Les bénédictions qui sont attachées à cette présence se retrouvent partout dans le Nouveau Testament. C’est l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs ; la connaissance du fait que nous sommes en Christ et que Christ est en nous ; la conscience que nous sommes fils, que nous pouvons donc, comme tels, crier : Abba Père, et même que nous demeurons en Dieu et Dieu en nous. La vraie liberté, la vraie connaissance divine, toute jouissance des bénédictions, l’abondance de l’espérance et le secours dans nos infirmités, toutes ces choses sont attribuées à l’Esprit Saint. Les bons fruits que nous portons sont les fruits de l’Esprit ; notre joie est la joie par l’Esprit ; notre amour, l’amour par l’Esprit ; c’est dans un seul Esprit, par Christ, que nous avons accès auprès du Père. « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est pas de Lui ». C’est ainsi que l’apôtre parle de l’habitation de Christ en nous.

Tout cela présente à une âme attentive la marque distinctive du chrétien ; mais, malgré l’immense valeur de ces choses, je ne puis m’y arrêter davantage. Je me bornerai à citer encore quelques passages qui montrent formellement que c’est bien le caractère distinctif du chrétien : « Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la loi » ; « votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et que vous avez de Dieu » ; « n’attristez pas le Saint Esprit de Dieu par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption ». Voyez l’appel de l’apôtre aux Galates, en rapport avec la justification par la foi : « Je voudrais seulement apprendre ceci de vous : Avez-vous reçu l’Esprit sur le principe des œuvres de loi ou de l’ouïe de la foi ? Êtes-vous si insensés ? Ayant commencé par l’Esprit, achèveriez-vous maintenant par la chair ? ». Ils étaient séduits par des docteurs judaïsants, docteurs de la loi qui, nous est-il dit, bouleversaient des maisons entières, et les faisaient déchoir de la justification par la foi. Il leur rappelait, comme une chose connue de tous, qu’ils avaient reçu le Saint Esprit ; il ne leur dit pas que tous marchaient bien, mais que le Saint Esprit était venu et qu’ils L’avaient reçu.

On dira : Mais ceux qui leur fournissaient l’Esprit (expression qui doit être remarquée), faisaient des miracles. Sans doute, mais tous savaient qu’eux-mêmes avaient le Saint Esprit ; si la chair convoitait en eux, elle convoitait contre l’Esprit. L’épître aux Romains parle du chrétien comme de celui qui est selon l’Esprit ; ils n’étaient point dans la chair (leur ancienne position dans le premier Adam), mais ils étaient dans l’Esprit, si l’Esprit de Dieu habitait en eux. Si quelqu’un n’avait pas l’Esprit de Christ, il n’était pas de Lui ; et il n’est pas question ici de simples dispositions de caractère, car il ajoute : « et si Christ est en vous, le corps est bien mort à cause du péché, mais l’Esprit est vie à cause de la justice ». L’état chrétien résultait de ce que Jésus était en eux. C’est par un seul Esprit que nous sommes tous baptisés pour être un seul corps ; nous sommes aussi édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l’Esprit.

Mon intention n’est pas de poursuivre dans toutes ses conséquences le sujet de la présence du Saint Esprit, mais simplement de montrer que ce dernier caractérise le christianisme, lors même que les chrétiens marcheraient mal et contristeraient le Saint Esprit de Dieu par lequel ils ont été scellés pour le jour de la rédemption. Il n’y a rien là qui doive nous surprendre. Le Père envoie le Fils, c’est la grande et puissante base du christianisme. Ensuite, l’Esprit est envoyé à la fois par le Père et par un Christ glorifié, comme témoin de Sa seigneurie et de Son exaltation. C’est de plus le grand témoignage pour le monde ; et ce par quoi nous apprenons la valeur de l’œuvre et de l’exaltation de Christ, et notre relation vis-à-vis du Père comme fils, par grâce avec Christ. Le Saint Esprit est donc ce par quoi tout a été reçu ici-bas. Tel est le christianisme dans sa base essentielle. Il contient d’autres vérités collatérales dont plusieurs sont importantes, mais celles-là en forment la base, non seulement pour notre bénédiction, mais pour la révélation pleine et entière de Dieu, Père, Fils, et Saint Esprit.

Nous trouvons sans doute, des directions bien évidentes, quant à l’ordre de l’Église, ainsi que de simples ordonnances, comme le baptême et la cène du Seigneur qui, toutes deux, parlent de la mort de Christ ; l’une comme y introduisant ; l’autre, ayant un caractère de continuité ; elles parlent du jugement de l’homme car il a rejeté Christ ; et de la rédemption accomplie par Sa mort. Je les mentionne seulement ici pour montrer que je les reconnais pleinement ainsi que leur valeur.

Comme règle, des anciens et des diacres étaient établis dans les diverses assemblées ; le ministère consistait dans l’exercice d’un don ; les dons de l’Esprit étaient distribués à chacun comme Il l’entendait ; chaque personne douée était membre du corps de Christ ; elle exerçait son don d’après l’ordre de l’Écriture sous l’autorité du Seigneur. Ces directions se trouvent dans la première épître aux Corinthiens qui n’offre aucune apparence de l’existence d’anciens. Voilà comment l’Écriture nous présente le christianisme dans ses traits essentiels. Les a-t-il conservés ? Ce qu’on appelle maintenant l’église, est-ce le christianisme ? Est-ce le système que je trouve dans la Parole ?

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Voici le christianisme de l’Écriture : les chrétiens sont des saints justifiés ; le péché ne leur est pas imputé ; ils sont rendus parfaits pour toujours ; ils savent qu’ils sont pardonnés, qu’ils sont fils ; ils ont la conscience personnelle de leur relation avec Dieu ; ils sont acceptés dans le Bien-aimé ; ils ont une pleine certitude de foi et d’espérance, une confiance qu’ils sont exhortés à retenir ferme. Quant au service, les dons d’en haut, conférés par la puissance du Saint Esprit, imposent à chacun le devoir de servir d’après le don qu’il a reçu et selon l’ordre prescrit par la Parole. S’il a reçu deux talents, ou cinq talents, il doit en trafiquer ; s’il ne le fait pas, il est un serviteur méchant et paresseux. Selon que chacun a reçu quelque don, il doit l’employer, comme bon dispensateur de la grâce variée de Dieu ; les femmes doivent observer le silence dans les assemblées ; les hommes doivent exercer leurs dons selon l’ordre prescrit ; ces dons sont placés dans toute l’Église, et exercés suivant la volonté de Dieu, comme étant chacun un membre distinct de l’ensemble du corps. Les uns étaient des signes de puissance (il n’y a pas de promesse qu’ils continueraient) ; d’autres étaient le fruit des soins fidèles de Christ pour Son corps (deux d’entre eux sont des dons fondamentaux) et doivent continuer jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à la mesure de la stature de la plénitude du Christ ; et, de plus, l’édification et l’accroissement du corps étaient produits par ce que fournissait chaque jointure, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure.

Tel était, scripturairement, l’état chrétien : c’était une relation connue et personnelle avec Dieu, en vertu de l’efficace de la rédemption ; de plus, le Saint Esprit était donné à chacun et agissait en chacun selon qu’Il le trouvait bon, Christ donnant d’en haut ce qui était nécessaire pour le perfectionnement de l’Assemblée qui est Son corps. Ces dons opéraient en ceux qui les possédaient comme membres d’un seul corps ; ils étaient placés dans l’Assemblée considérée comme un tout, et n’avaient en aucune façon un caractère local. De plus, il y avait le baptême et la cène du Seigneur ; par l’un on était reçu dans la maison de Dieu, et l’autre symbolisait à la fois l’unité du corps et la mort de Christ. On trouvait enfin des charges locales, des anciens établis dans chaque ville. Je dis : des charges locales, et non pas des dons ; bien que les anciens pussent avoir des dons et qu’il fût à désirer qu’ils en eussent un, pour remplir le service de leur charge avec plus d’efficacité. La charge était locale ; le don ne l’était pas.

L’église, telle que les temps modernes la comprennent, quels que soient d’ailleurs ses compartiments, est constituée, elle a son existence, par le clergé et par les sacrements ; elle est fondée sur eux, nullement sur une rédemption accomplie, ni sur la présence et la puissance du Saint Esprit. Le clergé s’appelle le ministère, voire même l’église. Je prends l’Alliance évangélique pour preuve simple et populaire de ce que j’avance ; elle abhorre la corruption qui est entrée dans l’Église ; mais elle n’admet ni les Quakers, ni les frères dits de Plymouth. Les premiers rejettent le clergé et les sacrements ; les derniers le clergé seulement, tout en retenant le baptême et la cène du Seigneur ; tous deux insistent sur le ministère de l’Esprit. Je n’examine pas maintenant s’ils ont tort ou raison, je mentionne simplement le refus de les recevoir comme une preuve populaire de la base de ce système universel, là même où l’on a rejeté des erreurs grossières. La conclusion est que reconnaître un clergé est la base, le sine qua non, la condition essentielle de l’église.

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Jusqu’ici, remarquez-le, je n’ai pas parlé de la corruption de l’église. Elle était si profonde que Nicolas Clemengis, le plus grand homme de son temps, au Moyen-Âge, déclarait que mettre au couvent une jeune fille, c’était en faire une prostituée. Les crimes contre nature étaient communs parmi le clergé. Baronius déclare que, pour une période d’une centaine d’années, il ne peut reconnaître les papes comme papes légitimes, sinon quant aux dates. Ils n’étaient pas élus par le clergé, ni même approuvés par son vote ; ils étaient établis par les maîtresses des marquis de Toscane ; quelquefois le fils d’un pape lui succédait après sa mort, grâce à l’influence de sa mère. Souvent il y avait des combats au moment de la consécration, et comme celui qui avait le dessus annulait l’ordination de son adversaire, un livre fut écrit pour rassurer le peuple au sujet de l’absence des sacrements.

Telle était la corruption de l’église ; mais je ne m’y arrête pas. Il n’est pas surprenant qu’on fît entièrement abstraction du Saint Esprit, et l’Écriture le confirme. Ma thèse est, non que l’église tenue pour telle historiquement, fût corrompue, mais que cette soi-disant église, était elle-même, en principe, l’abandon total de l’Écriture, de ce que Christ avait établi par le Saint Esprit. La doctrine de la pleine justification par la foi fondée sur la rédemption accomplie, et le fait qu’on reconnaissait le Saint Esprit présent comme pouvoir directeur, étaient perdus ; on leur avait substitué le clergé et les sacrements. La Réformation fit disparaître plusieurs corruptions intolérables, plusieurs faux principes, mais la notion de l’église continua à se baser sur le clergé et les sacrements. Il est difficile de démontrer une négation, cependant, il est très certain (bien que ces mots soient employés une ou deux fois) que, ni la pleine rédemption, ni la possession d’une entière justification par la foi selon l’enseignement de Paul, ne se rencontrent pendant plusieurs siècles dans les ouvrages ecclésiastiques, qui suivirent le canon des Écritures. Nous n’y trouvons pas davantage le fait que, par une seule offrande, nous sommes rendus parfaits pour toujours, ni le fait de l’acceptation personnelle du croyant en Christ. Barnabas nous dit qu’on a le pardon des péchés par le baptême (chap. 11). Remarquez qu’il ne s’agit, pour lui, que des péchés précédents, d’une administration qui est sans doute une grande bénédiction, mais qui ne constitue pas la pleine acceptation en Christ d’une personne à laquelle le Seigneur n’impute plus le péché, en sorte qu’il n’y ait plus pour elle aucune condamnation[1]. Il n’y a pas trace d’une pleine justification par la foi, bien que la venue de Christ et Sa mort comme Sauveur soient reconnues, mais entremêlées d’une quantité d’étranges interprétations allégoriques.

Barnabas appelle le christianisme une nouvelle loi ; il fait une allusion incomplète à la mort de Christ pour le pardon des péchés (chap. 5), mais en insistant sur ce que la croix et l’eau vont ensemble (chap. 11) ; c’est le baptême ; on met sa confiance dans la croix, et l’on descend dans l’eau ; on y entre plein de péchés et de souillures ; on en ressort portant beaucoup de fruits.

Pour lui, le serpent d’airain signifie qu’on regarde à Christ comme capable de donner la vie. Quand il parle de l’habitation de Dieu en nous, c’est qu’ayant la rémission de nos péchés et nous confiant au nom du Seigneur, nous sommes renouvelés, créés de nouveau, pour ainsi dire, comme nous l’avions été au commencement, en suite de quoi Dieu habite vraiment dans notre maison, c’est-à-dire en nous. Mais comment y demeure-t-Il ? Par la parole de la foi, par l’appel de Sa promesse, par la sagesse de Ses justes jugements, etc.

Cette épître de Barnabas, si pleine d’absurdités que plusieurs ont nié qu’elle fût de lui, nous prouve quel abîme la sépare des livres inspirés ; et cependant, entre tous les anciens écrits, elle contient encore la plus grande somme de vérité. Il est très naturel que Barnabas attribue le pardon des péchés au baptême ; car lorsqu’un païen ou un Juif devenaient chrétien de profession par le baptême, ils entraient d’une manière administrative dans les privilèges qui appartiennent au christianisme, quoique cela ait bientôt conduit à la doctrine de l’efficace du sacrement. Je ne doute pas que l’écrivain ne fût un chrétien ; et quoique ce livre, méprisé par plusieurs auteurs anciens et modernes, ait abandonné d’une manière flagrante le vraie fondement chrétien, celui de l’évangile de Paul qui n’était pas envoyé pour baptiser, il contient toutefois plus de vérités que tous les autres écrits de la même époque. J’ai cité tout ce qui en vaut la peine, le reste n’est réellement qu’un tissu de non-sens. L’auteur encourage les chrétiens à se hâter de gagner par leurs œuvres la place qui leur est assignée ; puis il donne une kyrielle de commandements à remplir, entre autres, qu’il nous faut travailler de nos propres mains pour donner aux pauvres afin que nos péchés nous soient pardonnés ; il ajoute que ces commandements sont le chemin de la lumière. Nous retrouvons bien ici quelques faibles traces des premiers éléments de l’évangile, mais on s’en applique la bénédiction par le baptême et par les œuvres. C’est le terrain de l’église historique. Soyez enseignés de Dieu, dit-il ; apprenez ce que le Seigneur requiert de vous ; faites ces choses afin d’être sauvés au jour du jugement. Il ne fait pas mention du clergé. Dans les manuscrits, tels que celui du Sinaï, l’épître de Barnabas est jointe au Nouveau Testament avec le Pasteur d’Hermas ; elle substitue l’offrande d’eux-mêmes, faite par les hommes, aux sacrifices faits par feu ; elle cite les prophètes, pour montrer qu’ils remplacent les sacrifices par la conduite de l’homme. C’est un abandon complet de l’évangile mais nous en avons d’heureux indices, sans intention de les nier.

L’épître de Polycarpe est l’une des meilleures ; il cite celle de Paul aux Éphésiens, tout en affaiblissant le passage : « Sachant que vous êtes sauvés par grâce, non par des œuvres, mais par la foi en Dieu par Jésus Christ ». Le Saint Esprit n’est pas reconnu : je ne dis pas qu’il Le nie ; il L’ignore ainsi que les dons de l’Esprit. Mais d’autre part, il reconnaît pleinement le clergé (bien qu’il ne fasse aucune mention de l’épiscopat concentré dans un individu et que sa lettre ne le représente aucunement lui-même, comme revêtu de ce caractère). « Vous soumettant », dit-il, « aux prêtres et aux diacres comme à Dieu et à Christ ». Somme toute, il n’y a pas de mauvaises intentions dans cette épître mais pas trace de l’évangile sauf dans la citation de Paul. La mort de Christ y est mentionnée comme servant d’exemple.

Clément exhorte longuement à la paix. Il parle du sang de Christ, précieux devant Dieu, qui a obtenu la grâce de la repentance pour le monde entier, et qui est donné pour nous (21 ; 49). Si nous marchons bien, si nous obéissons aux commandements de Dieu, nous obtiendrons la bénédiction comme tous les anciens témoins (7 ; 9). Il parle de la foi mais dans le sens d’actes de foi, pour obtenir la bénédiction. « Pour quelle cause », dit-il, « notre père Abraham a-t-il été béni ? Ne fut-ce pas que, par la foi, il accomplit la justice ? » (32). Il dit que nous ne sommes pas justifiés par notre propre sagesse ou par les œuvres que nous avons faites dans la sainteté de nos cœurs, mais par la foi, par laquelle le Dieu tout-puissant justifia tout homme dès le commencement (32). Quant au clergé, il ne mentionne pas d’évêque à Corinthe ; la chose est bien marquée dans sa lettre. Comme Polycarpe, il ne connaît que les anciens ; s’il y avait eu alors un évêque, son épître eût été un manque de respect flagrant. Il affirme que les apôtres ont établi des anciens, mais il ne connaît pas l’épiscopat. C’est lui qui, le premier, introduit ce qui ne tarda pas à corrompre l’église ; car, insistant sur l’ordre, il fait allusion au souverain sacrificateur, aux prêtres, aux Lévites et aux laïques. Sans doute il en parle comme d’un système judaïque et seulement par manière d’exemple ; mais la direction est donnée aux pensées. Il parle aussi d’offrandes à des saisons prescrites et en un lieu déterminé. Dieu a ordonné, dit-il, en vertu de Sa volonté et de Son autorité suprêmes, par quelles personnes et en quel lieu ces offrandes devaient être présentées (40). En un mot, toute la doctrine de la rédemption et de la paix est abandonnée ; le Saint Esprit, comme chose présente, ignoré (il dit que les Corinthiens avaient eu une grande effusion du Saint Esprit) ; le clergé distinctement établi sur le modèle du judaïsme. On reproche à Clément deux choses, et cette accusation remonte jusqu’à Phocius ; d’abord ses fausses doctrines à l’égard de la divinité de Christ ; ensuite son allusion au phénix. Nous découvrons aisément que la puissance de l’Esprit Saint comme inspiration n’était plus là, en sorte que la simple mention du phénix n’a rien d’extraordinaire ; mais ce qui m’importe, c’est qu’il parle des prêtres païens et de leurs pratiques, comme s’ils avaient la vraie connaissance, et que ce fussent, pour ainsi dire, des choses divines ; dès lors, le miracle du phénix apparaît comme une sanction évidente du paganisme.

Quant à la divinité de Christ, elle est, pour le moins, obscurcie. On a répondu qu’il appelle le Seigneur le sceptre de la majesté divine. Cela prouve peu, ou plutôt moins que rien. Christ est présenté tout du long comme un homme, comme un sacrificateur qui prescrit nos offrandes ; et ce qui paraît étrange, il cite Hébreux 1 comme suit : « Mais le Seigneur dit au Fils : Tu es mon Fils, je t’ai aujourd’hui engendré. Demande-moi », etc. Peut-être ne peut-on pas affirmer qu’il nie la divinité du Seigneur ; mais assurément, elle n’est pas dans son esprit ; il y est insensible ; il pense à ce précieux Sauveur dans un autre sens ; il ne connaît point l’assurance d’un plein salut par grâce ; la présence du Saint Esprit n’est pas dans ses pensées ; il établit le clergé sur le modèle du judaïsme. Son épître est la révélation distincte du point où les chrétiens étaient arrivés alors. On s’en sert pour justifier l’état présent de l’église ; elle ne justifie pas l’épiscopat, car elle n’offre pas trace d’une telle chose, ni d’un épiscopat individuel, mais elle dépeint l’état général et ses principes encore en germe ; elle ne parle ni d’une pleine rédemption, ni de la paix ; pas un seul mot de ce que Paul enseigne sur notre position comme chrétiens ; rien sur la présence du Saint Esprit ; mais, en revanche, le clergé ; des offrandes en un lieu déterminé ; le judaïsme et l’ordre d’une armée, présentés comme modèle et autorité.

En plus, l’auteur ignore si complètement la doctrine de Paul sur le Saint Esprit, et sur le ministère, que le terrain sur lequel il les place annule et renie tout l’enseignement de cet apôtre. Il dit (42) : « Les apôtres nous ont apporté la bonne nouvelle de l’évangile de la part de notre Seigneur Jésus Christ, et Jésus Christ de la part de Dieu ». Cette expression met de côté le Saint Esprit ainsi que l’ensemble de cette forme du christianisme qui découle de l’exaltation de Christ. Le Seigneur dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les supporter maintenant. Mais quand celui-là, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité ». Clément ignore complètement cela. Paul contredit nettement l’assertion de Clément. Parlant de l’évangile qu’il prêche, il dit : « Je ne l’ai pas reçu de l’homme non plus, ni appris, mais par la révélation de Jésus Christ » ; et ceci dans l’épître aux Galates (1, 12) où il se défend avec soin d’avoir reçu un ministère ou une vérité dérivée des apôtres. Il est dit expressément qu’il fut envoyé d’Antioche par le Saint Esprit (Act. 13, 4) et cela est si vrai, qu’il ne reconnaît pas les apôtres comme envoyés par Christ sur la terre, mais seulement comme des dons de Christ après Son ascension (Éph. 4, 10-11). « Celui qui est descendu est le même que celui qui est aussi monté au-dessus de tous les cieux, afin qu’il remplît toutes choses ; et lui, a donné les uns comme apôtres… ». Pendant le temps de la vie de Christ, il était défendu aux apôtres d’aller chez les Gentils (Matt. 10) ; et la mission qu’ils reçurent (Matt. 28) après la résurrection du Seigneur et non après Son ascension, ils l’abandonnèrent à Paul (Gal. 2, 8, 9). Au reste, je n’insiste pas là-dessus, mais l’assertion de Clément nie entièrement le ministère et la puissance du Saint Esprit, comme envoyés d’en haut après l’exaltation de Christ, ainsi que les vérités dans lesquelles Il a conduit les apôtres, et les douze eux-mêmes ; vérités qu’ils ne pouvaient supporter alors que le Seigneur était encore avec eux, et dans lesquelles le Saint Esprit devait les conduire. Lorsqu’il s’agit de puissance, comme en Luc 24, 49, le Seigneur parle de même.

Sur Ignace, j’ai peu de chose à dire. Dans les épîtres syriaques, il ne fait allusion à aucune vérité de l’évangile ; dans les épîtres grecques plus courtes (dans celle à Smyrne), reçues généralement jusqu’à ce que les syriaques eussent été découvertes, nous avons une allusion au salut par les fruits de la croix (1 ; 2) ; mais ici, comme dans son épître aux Éphésiens, c’est un pardon par le moyen des sacrements ; Christ est né, Il a été baptisé, afin que, par Sa passion, Il sanctifiât l’eau pour laver le péché. Il a souffert pour nous, afin que nous pussions être sauvés. Ignace est sain dans la foi ; il dénonce les gnostiques et ceux qui enseignent la loi juive ; mais ses écrits ne présentent aucune trace de la doctrine de la rédemption et de la paix, ni de la présence du Saint Esprit dans le croyant. Sur le clergé, les épîtres grecques sont un tissu de louanges ampoulées ; elles déclarent que, sans un évêque, ils étaient sans Dieu et hors de toute bénédiction. Nous trouvons dans le texte syriaque de l’épître à Polycarpe : « Regardez à l’évêque, afin que Dieu puisse aussi regarder à vous. Je veux être à la place des âmes de ceux qui sont soumis à l’évêque, et aux anciens, et aux diacres ; puissé-je, avec elles, avoir une part avec Dieu ».

Quant aux sacrements, je ne sache pas qu’il parle du baptême ; il se pourrait qu’un passage de son épître aux Romains fît allusion à la cène du Seigneur. Le texte syriaque dit : « Je ne désire pas la nourriture corruptible, ni les désirs de ce monde ; je recherche le pain de Dieu, qui est la chair de Jésus Christ, et je recherche Son sang, qui est amour incorruptible » ; le texte grec dit : « Je ne prends pas mon plaisir dans la nourriture incorruptible, ni dans les plaisirs de cette vie ; je désire le pain de Dieu, le pain céleste, le pain de vie, qui est la chair de Jésus Christ, le Fils de Dieu, né dans ces derniers jours, de la semence de David et d’Abraham ; et le breuvage de Dieu que je désire est Son sang, qui est amour incorruptible et vie éternelle ». Il avait dit : « Mon amour est crucifié ». Il est difficile de savoir exactement ce que cela signifie, tant son langage est outrageusement mystique et exagéré. C’est ainsi qu’il parle d’être « fervent dans le sang de Dieu ». Ce qui ressort clairement de tout cela c’est qu’environ cinquante ans après la destruction de Jérusalem, après Clément et Barnabas, l’épiscopat s’était implanté dans plusieurs esprits. Ignace semble avoir pris feu au sujet de quelques divisions ou difficultés, si du moins les épîtres grecques sont authentiques ; mais, quoique parfaitement orthodoxes, les quelques restes mourants de la connaissance du salut, qui existaient encore cinquante ans auparavant, étaient dès lors entièrement perdus, et la doctrine du clergé mûrissait comme étant ce qui constituait l’Église.

Hermas vient en dernier lieu. Ici toute idée de vérité divine s’en est allée ; le baptême et des hérésies absurdes règnent d’une manière triomphante, avec des indices certains que le système d’un ascétisme immoral avait grandi dans l’église professante, pour ne rien dire de visions mensongères. L’auteur voit une tour, qui est l’Église ; mais cette tour est composée des apôtres, évêques, docteurs et serviteurs. Puis il y a ceux qui ont souffert pour le nom du Seigneur et se sont endormis ; enfin, des jeunes gens font partie de l’édifice, mais quelques-uns qui avaient péché sont jetés dehors, et seront replacés dans la tour s’ils se repentent. D’autre part, ceux qui sont tombés par l’eau ne peuvent entrer, ils ont douté ; ils peuvent se repentir et seront placés à un rang inférieur, mais non dans la même tour. L’eau est, à n’en pas douter, le baptême ; ceux qui bâtissent sont les anges. La foi est une des sept vertus, la première toutefois ; et ceux qui persévèrent dans leurs œuvres auront une place dans la tour. Dans le « quatrième commandement » (3) on obtient le pardon par le baptême ; une repentance est accordée, mais si l’on pèche encore, il y a peu de chance de vivre. Si un homme est attristé d’une mauvaise manière, le Saint Esprit qui demeure en lui en est vexé, et l’Esprit supplie Dieu et le quitte. Toute cette partie ne parle absolument que des œuvres et de la volonté de l’homme qui écoute le bon Esprit qui est en lui.

Voici comment, dans la cinquième similitude, il représente l’œuvre de Christ : un homme a une ferme et envoie son serviteur pour planter des échalas dans sa vigne. C’est ce qu’il fait ; mais de plus, il la fossoie de son plein gré et en arrache les mauvaises herbes. Le maître, voyant cela, prend conseil de son fils et de ses amis sur ce qu’il doit donner au serviteur, qui a fait plus qu’il ne lui est demandé ; alors il constitue le serviteur héritier avec le fils. Le maître est le Créateur ; le fils est le Saint Esprit ; les échalas ceux qui sont établis sur Son peuple pour le soutenir ; les amis admis au conseil sont les anges ; le serviteur, c’est Christ envoyé pour établir les messagers qui doivent supporter le peuple, mais ayant, en outre, souffert de Son propre chef, pour effacer les péchés, Dieu a placé dans un corps choisi, dans lequel Il voulait habiter, le Saint Esprit qui a été créé en tout premier lieu. Ce corps dans lequel le Saint Esprit a été apporté, a servi cet Esprit, en marchant droitement et purement dans l’humilité, sans le souiller jamais, et comme il l’a servi sans faute, et a fait plus que son devoir, il a été héritier avec le fils du maître.

Il semblerait que l’auteur ait eu quelques scrupules sur ce qu’il avançait, car à l’objection que l’on pourrait faire à la place qu’il donne au Fils de Dieu, il répond qu’Il fut revêtu d’autorité pour établir Ses messagers sur ceux que le Père Lui avait confiés. Le guide d’Hermas ajoute que ce dernier doit conserver son corps pur et sans tache. Hermas demande alors ce qui arriverait si, par ignorance, il avait déjà contristé son Saint Esprit ? Son guide répond que Dieu seul peut fournir un remède aux péchés précédents commis par ignorance, car toute puissance Lui appartient ; mais maintenant, ajoute-t-il, garde-toi toi-même ; Dieu est tout-puissant et miséricordieux ; Il accordera un remède pour le mal que tu as commis précédemment, si seulement à l’avenir tu ne souilles ni ton corps, ni ton esprit.

La neuvième similitude (16) nous enseigne, si je la comprends bien, que les morts de l’Ancien Testament, quoique déjà morts, sont scellés par le baptême, sinon ils ne pourraient entrer dans la construction de la tour, qui est l’Église. Le comment de la chose offre quelque obscurité, mais il paraîtrait que les apôtres et les docteurs quand ils mouraient, descendaient chez les morts, leur apposaient le sceau du baptême, et que ces derniers remontaient à la vie avec eux (8, 3).

Le grand arbre… est la loi de Dieu publiée dans le monde entier. Or, cette loi est le Fils de Dieu, qui est annoncé à tous les bouts de la terre. L’ange grand et vénérable est Micaël qui a pouvoir sur ce peuple et le gouverne ; car il a planté la loi dans le cœur de ceux qui ont cru et visite ceux auxquels il a donné la loi, afin de voir s’ils l’ont gardée.

Quant à l’ascétisme immoral auquel j’ai fait allusion, toute réflexion faite, je me suis décidé à le laisser de côté. Le fait est bien connu de ceux qui étudient l’histoire ecclésiastique et je n’ai qu’à rappeler le nom de « subintroductae ». Je n’en parle que pour la sanction publique donnée à une pratique dégoûtante et abominable, car le livre d’Hermas était lu dans les églises. Hermas était frère du pape Pie I (on pensait autrefois qu’il était cet Hermas que Paul mentionne) ; il vivait de quarante à soixante ans après la mort de l’apôtre Jean.

J’ai donné certainement ce que Barnabas, Clément et Polycarpe ont de meilleur ; de même pour Ignace et Hermas, si tant est qu’ils contiennent quelque chose de bon. Plusieurs rejetaient autrefois l’authenticité de Barnabas ; c’est à peine si celle des autres écrivains a été mise en question. Quelques-uns, comme Origène, tiennent Hermas pour inspiré. Irénée le cite en même temps que l’Écriture. Authentiques ou non, Hermas et Clément étaient lus dans les églises ; ils n’étaient pas, en fait, introduits dans le canon, mais on les ajoutait à la fin des manuscrits du Nouveau Testament. C’est ainsi que Barnabas et Hermas se trouvent dans le manuscrit sinaïtique et Clément dans l’Alexandrin. Je ne sache pas que les épîtres d’Ignace aient jamais eu cet honneur (il fut martyr et désira le martyre), non plus que celle de Polycarpe ; mais aux premiers temps de l’Église on mettait en question, si la plupart de ces épîtres faisaient, ou non, partie de l’Écriture. Elles jouissaient d’une autorité presque égale, et il est de fait que quelques-uns les lisaient constamment dans les églises. Si les épîtres latines ou grecques d’Ignace sont fausses nous avons les syriaques, et cela suffit. Nul ne met en doute qu’Ignace n’ait écrit des épîtres (sept dit-on) ; ni que l’église primitive ne fourmille de falsifications et de contrefaçons pour accréditer le système dont j’ai parlé, ainsi que d’autres choses folles ou mauvaises.

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Nous en avons dit assez pour montrer qu’immédiatement après les apôtres, nous trouvons d’abord en Clément, compagnon de Paul, dont personne conteste les épîtres ; puis en Barnabas (quelle que soit la personnalité de l’auteur), à la même date, peu après l’an 70 ; en Ignace vers l’an 106, d’autres disent 116 ; en Polycarpe à la même date ; en Hermas quelque cinquante ans plus tard ; nous trouvons, dis-je, une collection d’écrits qu’on lisait plus ou moins publiquement, et qui expriment les pensées et les vues qui avaient court en ce temps-là. Ces écrits n’offrent aucune trace de l’évangile, de la rédemption, du salut, des bénédictions que nous trouvons dans les épîtres aux Galates, aux Romains, aux Colossiens, aux Éphésiens, aux Corinthiens ; dans celles de Jean, ou même de Pierre, car ce dernier ne va pas aussi loin que Paul ou Jean. Ces écrits n’offrent pas davantage la reconnaissance pratique du Saint Esprit ; je parle de leur enseignement. Polycarpe et Ignace étaient sans doute des saints ; Barnabas et Clément peut-être aussi, bien que cela paraisse moins dans le dernier, sans cependant que je veuille le mettre en question. D’autre part le clergé et les sacrements, particulièrement, le baptême (Paul n’était pas envoyé pour baptiser ), sont les éléments constitutifs de l’église à laquelle ces hommes s’adressent. Ils reconnaissent la mort de Christ, mais semblent ignorer son effet ou son application, ainsi que la position du chrétien comme Paul et d’autres apôtres la présentent.

Il va sans dire que ce n’est pas le fait de l’existence des anciens, qui démontre l’abandon subit de la vérité et de la position scripturaire, car Paul en a choisi ; mais c’est le fait que les anciens et les sacrements sont tout ; qu’ils constituent l’Église. Ce qui caractérise le christianisme tel que Dieu l’a donné, n’existait déjà plus alors.

Tout cela ouvrit le chemin au pouvoir hiérarchique, au clergé, et finalement au papisme en Occident. Quant à la pratique, le paganisme fut délibérément adopté ; on observa les jours, les mois, les années, que l’épître aux Galates jugeait formellement comme étant un retour au paganisme ; on substitua, de propos délibéré, la commémoration des saints à celle des demi-dieux ; on établit des lieux de fêtes où, comme on l’avait fait pour les demi-dieux, on s’enivrait en l’honneur des saints, afin que, selon l’expression d’Augustin, l’ivresse fût du moins consacrée aux saints et non pas aux démons ; on fit cela partout, de propos délibéré ; en plus d’un pays, les temples furent changés en églises, et leurs fêtes devinrent l’origine des nôtres : Noël était la fête dissolue des Lupercales.

Tout cela n’était que le fruit de l’abandon qu’on avait fait du christianisme. Je parle de l’abandon lui-même ; les choses n’en étaient pas là, du temps de Clément et de Barnabas ; mais l’église, telle qu’on la connaît historiquement, et qu’on la comprend de nos jours, avait été substituée au christianisme. Je résumerai ce système par les lignes suivantes d’un écrivain postérieur, en me servant de la traduction d’un autre. « Attendu, dit-il, que la race humaine, par le démérite infligé sur elle en vertu de la faute du premier pécheur, a été transpercée des dards d’une punition éternelle… Christ lui a accordé, en guise de remède, certains sacrements, afin qu’elle pût reconnaître la différence entre ce qui est mérité par la nature et ce qui est reçu par la grâce ; et afin que (la nature ne pouvant amener que la punition) la grâce, qui ne serait pas grâce si elle était accordée au mérite, pût fournir tout ce qui appartient au salut ». Telle est cette doctrine formulée dans sa maturité, mais qui perçait déjà aussitôt après le départ des apôtres.

Il y eut deux sortes d’abandon de la vérité : d’abord l’hérésie, particulièrement sous la forme du gnosticisme — elle aboutit à l’Antichrist ; ensuite, une conception humaine de l’Église avec le reniement pratique de la position du chrétien par l’Esprit — celle-ci aboutit à Babylone ; elle revêt essentiellement le caractère de clergé. Prétendant avoir l’Esprit avec soi, elle adopte par conséquent le système des sacrements, comme canaux spéciaux de grâce. Nous pouvons voir maintenant quelle lumière le Nouveau Testament jette sur ce sujet, mais l’histoire et les écrits des pères apostoliques, ainsi nommés, depuis Clément jusqu’à Hermas, nous prouvent avec évidence qu’après le départ des apôtres les chrétiens avaient immédiatement et totalement perdu la doctrine de la position du chrétien en Christ, ainsi que celle du Saint Esprit présent et agissant dans tous les saints, et distribuant librement Ses dons comme il Lui plaît. Je ne nie pas qu’il y ait une société de gens rassemblés et que, de fait, ce rassemblement ait continué et ait été graduellement corrompu. Cela est certain ; mais j’insiste sur le fait que, dès le début, ce corps d’hommes rassemblés a perdu la place, la position, la puissance de ce en quoi ils avaient été établis. Les principes sur lesquels on estimait que ce rassemblement existait et qui lui servaient de base, devinrent le contraire de ce que Dieu avait établi, aussitôt que ces hommes furent placés sous leur propre responsabilité. Hélas ! ce n’était plus un corps de personnes, de gens qui savaient qu’ils étaient en Christ — exalté, comme homme, à la droite de Dieu, après les avoir rachetés et rendus parfaits pour toujours — en sorte que, pour eux, il n’y avait plus aucune condamnation. En outre, chacun d’eux était oint et scellé du Saint Esprit, envoyé du ciel, arrhes de l’héritage qu’ils ne possédaient pas encore. Le Saint Esprit les unissant en un seul corps et distribuant des dons à chacun en particulier comme il Lui plaisait, rendait chacun d’eux serviteur de Christ, à sa place et selon son don, et responsable de trafiquer avec le talent qui lui avait été confié. Enfin, selon que chacun avait reçu un don, il était responsable de l’administrer. — Au lieu de cela, on avait désormais un corps de personnes réunies autour d’un clergé et liées à celui-ci qui pouvait être doué ou ne l’être pas. Leur relation avec lui les constituait en une corporation reliée par l’administration des sacrements attribuée à ce clergé, et leur salut final était obtenu par leurs œuvres.

De fait, c’était ce même judaïsme que l’apôtre avait combattu avec tant d’ardeur ; le judaïsme qui s’opposait à lui et le tourmentait partout, dans l’exercice de son apostolat ; le judaïsme qui voulait un ministère héréditaire et consacré, qui désavouait le pouvoir et les droits de l’Esprit et la vraie seigneurie de Christ, qui enseignait la justification par les œuvres, la succession apostolique, et l’observance des jours, des mois et des années. Devait-on s’attendre à cet abandon immédiat de Christ, ou bien la promesse du Seigneur assurait-elle la durée, par succession, d’un pareil corps ? Qu’est-ce que la Parole déclare à ce sujet ? L’hérésie a contribué en grande partie à cet état de choses, mais quelle qu’en soit la cause la continuation du corps extérieur a-t-elle été prévue avec l’approbation de Dieu ? Voyons quel est l’état des choses même avant la mort de l’apôtre Paul : « Tous ceux qui sont en Asie se sont détournés de moi »« tous cherchent leurs intérêts particuliers et non pas ceux de Jésus Christ »« car le mystère d’iniquité opère déjà… ». Pierre dit : « Le temps est venu de commencer le jugement par la maison de Dieu ». Jude ajoute : « Certains hommes se sont glissés parmi les fidèles ». Pouvait-on remédier à cela ? « Ce sont ceux », ajoute-t-il, « dont Énoch a prophétisé : Voici, le Seigneur est venu au milieu de ses saintes myriades pour exécuter le jugement contre tous ». Jean dit : « Vous avez entendu que l’Antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs antichrists, par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Tout cela existait déjà avant le départ des apôtres. Pierre ne s’attendant pas à des secours de la succession, écrivait « afin de les faire souvenir toujours de ces choses ». Jude les exhortait « à combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints ». Jacques leur disait : « Usez donc de patience, frères, jusqu’à la venue du Seigneur », et « voici le juge se tient devant la porte ». Pierre affirmait que s’il y avait du retardement, « le Seigneur ne tarde pas pour ce qui concerne la promesse ; mais qu’Il est patient envers vous ne voulant pas qu’aucun périsse ». Le Seigneur Lui-même tient tout en suspens au-dessus de Ses disciples et prononce des paroles que déjà alors ils interprétaient mal : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne ». Tous ces passages marquent le déclin et la ruine, exhortant les saints à regarder en avant, à la venue du Seigneur.

Paul, spécialement l’apôtre de l’Église, et qui seul en parle formellement, nous donne des instructions encore plus précises et plus positives : « Je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups redoutables qui n’épargneront pas le troupeau ; et il se lèvera d’entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux. C’est pourquoi veillez, vous souvenant, etc. ». Il n’a aucune pensée d’un successeur, de ce qu’on appelle évêque dans ces temps-ci. L’existence d’un tel successeur, alors ou après son départ, lui est complètement étrangère. Il « recommande les saints à Dieu et à la parole de sa grâce » (comparez le langage d’Ignace dans une circonstance analogue), « qui avait la puissance de les édifier et de leur donner un héritage avec tous les sanctifiés ». « Un temps viendra », dit-il, « où ils ne supporteront pas le saint enseignement ; mais, ayant des oreilles qui leur démangent, ils s’amasseront des docteurs selon leurs propres convoitises, et ils détourneront leurs oreilles de la vérité et se tourneront vers les fables ». Remarquez que c’est là le caractère général de l’état des choses. Il y avait alors beaucoup d’insubordonnés vains discoureurs et séducteurs, principalement ceux de la circoncision, auxquels il fallait fermer la bouche, qui renversaient des maisons entières. Il en atteste pleinement le résultat en 2 Timothée 3 : « Dans les derniers jours il surviendra des temps fâcheux » ; puis il donne une description de ces derniers temps, qui les assimile à l’état du paganisme ; ensuite il ajoute : « Ayant la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance ». Vers la fin du chapitre il dit : « Les hommes méchants et les imposteurs iront de mal en pis, séduisant et étant séduits ». Puis il parle de Timothée, qui a appris la vérité de l’apôtre lui-même et présente comme sauvegarde la puissance et l’autorité des Écritures.

L’ivraie que le diable avait semée dans le champ, devait y rester jusqu’à la moisson. Le mystère d’iniquité, qui travaillait déjà du temps de l’apôtre, devait continuer et porter tous ses fruits dans l’homme de péché, puis finir par le jugement. Lorsque le message de Christ aux assemblées leur est adressé par Jean, elles n’ont pas d’autorité, mais elles sont jugées et le chrétien est appelé à écouter ce que l’Esprit dit aux assemblées. Ces dernières n’avaient pas de compétence pour parler ou pour diriger, mais celui qui avait des oreilles pour entendre devait écouter ce qui était dit et prendre garde au jugement prononcé sur les assemblées. Ce n’était pas la voix d’une « église universelle » qui devait diriger, mais chaque individu devait prêter l’oreille à la voix du témoignage de Jésus sur ce que l’on trouvait dans l’Église. L’Église n’avait pas à juger, à conduire, à enseigner, mais la Parole révélait le jugement de Christ sur cette Église ; voilà ce que devait écouter celui qui avait des oreilles pour entendre.

Les Gentils n’ont pas persévéré dans la bonté de Dieu ; ils doivent être retranchés. L’origine de tout cela est qu’ayant commencé par l’Esprit, ils ont fini par la chair. Le clergé remplaça la puissance et les dons de l’Esprit ; les sacrements remplacèrent la grâce ; et le clergé étant devenu le ministère, la libre distribution des dons par le Saint Esprit et leur exercice furent mis de côté. L’ordre apostolique fut négligé et la position chrétienne devant Dieu fut perdue, deux choses qui sont en connexion avec la présence du Saint Esprit ; l’attente du Fils de Dieu venant du ciel fut bien vite oubliée ; les hommes cessèrent de veiller et de L’attendre.

Tous les principes qui constituaient le christianisme selon l’enseignement apostolique ont donc été perdus par le corps qui leur succéda. Qu’a-t-on fait de la position des chrétiens en Christ, position reconnue par le Saint Esprit ? Qu’a-t-on fait de Sa présence et de Sa puissance qui découlent librement, sous l’autorité de Christ, en fleuves d’eau vive dans les individus ? Qu’a-t-on fait de l’attente constante de Christ venant du ciel ? Tels étaient cependant les principes de l’Église sur la terre, telle que Dieu l’y avait établie. Ce qu’on appelle actuellement l’église, c’est le reniement de toutes ces choses ; seulement la dernière d’entre elles a été perdue plus tard que les autres. Le système ecclésiastique a été fondé sur un clergé consacré par les hommes et auquel tout ministère était confié ; puis sur les sacrements qui incorporaient les laïques sous ce clergé. Cela conduisit à l’établissement, sur la terre, d’une église qui n’attend plus le Fils de Dieu venant du ciel.

Je ne nie pas l’existence des anciens, du baptême ni de la cène du Seigneur ; j’insiste sur le fait que ce qui est survenu a mis ces choses à la place des principes sur lesquels Dieu a fondé Son Assemblée dans le monde ; je dis que cela a eu lieu immédiatement. L’église historique est le système de l’homme, système qui est, dès le commencement, en contraste avec celui de Dieu. Ce qui a été corrompu est le système de l’homme et non celui de Dieu. Sans doute, Dieu avait rassemblé les premiers matériaux dans l’unité mais le judaïsme, du vivant des apôtres, a résisté aux principes sur lesquels Christ avait fondé Son Assemblée et ces principes ont été abandonnés après le départ des apôtres. Le système auquel les apôtres s’opposaient devint ce qui a pris et ce qui porte, aux yeux des hommes, le nom d’église. La libre action de l’Esprit et la connaissance de l’acceptation des croyants en un Christ élevé au ciel, cessèrent d’être les principes constitutifs de ceux qui étaient rassemblés ; le principe clérical nia l’Esprit ; des anciens, il fit le ministère, c’est-à-dire un clergé, ou des docteurs consacrés par les hommes, au lieu du don et de la puissance du Saint Esprit. L’épiscopat local, puis l’épiscopat diocésain avec toute la hiérarchie, et finalement la papauté, furent les développements successifs de ces altérations.

Nous sommes appelés par Dieu à revenir aux Écritures qui sont la vérité éternelle, sachant que le Saint Esprit doit être avec nous pour toujours. Nous avons à choisir entre deux choses : d’une part l’autorité de la Parole et le Saint Esprit, en rapport avec ce qu’on appelle la sacrificature universelle des chrétiens (application inexacte d’une vérité importante) et d’autre part, ou un pape infaillible, ou l’incrédulité, c’est-à-dire le couronnement du système clérical, ou bien l’inimitié non déguisée du cœur humain contre Dieu et contre Sa Parole. Remarquez que ces deux choses mettent également de côté la Parole de Dieu, et l’Esprit de Dieu agissant dans tous les saints. Les abominations qui sont le résultat de l’apostasie que j’ai signalée dans l’église professante, abominations dignes du paganisme et même pires, sont connues de ceux qui sont versés dans l’histoire ecclésiastique ; mais tel n’est pas mon sujet. Il est bon toutefois que ceux qui ne sont pas familiarisés avec ces choses sachent que le mal le plus honteux et le plus dégradant dont l’histoire nous ait conservé le souvenir, se trouve dans le cours de l’existence de ce qui est appelé vulgairement l’église.



  1. Cette expression marque clairement la différence entre le pardon par un sacrement et une acceptation personnelle en Christ. On agitait, on débattait publiquement la question de savoir si les péchés qui se commettent après la conversion peuvent être pardonnés ; le « Pasteur d’Hermas » distingue entre la rémission et la repentance consécutive ; pour Tertullien, lorsque les Montanistes contestaient le pardon d’un adultère, le pardon par le baptême était administratif et avait trait au passé ; l’acceptation personnelle était une chose toute différente, dont il n’était jamais fait mention.