Traité:Quelques réponses à l’incrédulité moderne

De mipe
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J.N. Darby

Avons-nous une révélation de la part de Dieu ?[2]

Voilà évidemment une question de toute importance : Avons-nous une révélation de la part de Dieu ; une communication de Ses pensées sur laquelle nous puissions nous appuyer avec sécurité ? Existe-t-il quelque chose de positif, qui soit connu avec certitude et qui me permette de dire : J’ai la vérité de Dieu ? Ai-je de la part de Dieu une révélation de Sa pensée, qui soit authentique et revêtue d’autorité, une révélation par laquelle Dieu Lui-même me dise ce qu’Il est ?

Je ne puis avoir de confiance en l’homme. L’homme qui n’a pas eu une telle révélation, est plongé dans la dégradation la plus complète et la plus profonde. Je ne puis me fier à l’Église ou aux docteurs. Église et docteurs ont leur histoire, et l’on sait ce qu’elle est. De nos jours, ils sont comme un roseau qui se brise en perçant la main qui s’y appuie. De quel côté donc me tourner pour trouver la vérité que je puisse aimer, sur laquelle je puisse me reposer et dont je puisse dire : Voilà ce que Dieu m’a donné et qui me vient de Lui-même ? Pour cela deux choses sont nécessaires : d’abord une révélation de la part de Dieu, car si tout homme est menteur, là sera la vérité. Ensuite il faut que cette révélation soit communiquée d’une manière authentique, afin que je puisse compter sur elle. C’est un fait que, sans une révélation, les hommes n’ont connu ni Dieu, ni Son caractère. Le paganisme universel, civilisé ou non, en est la preuve. Les hommes n’ont pas aimé garder la connaissance de Dieu, quand Il leur a été révélé. On ne saurait prétendre que le culte de Lingam et de Yoni, des chats, des singes et des fétiches, soit une vraie connaissance de Dieu. Toutes ces religions diverses prouvent que l’homme a besoin d’un Dieu, qu’il ne peut s’en passer ; mais, en même temps, elles sont la démonstration qu’il lui est impossible de trouver Dieu, ou qu’il ne veut pas Le recevoir.

Voici donc comment la question se présente : Je regarde autour de moi pour trouver Dieu et Sa vérité. Le paganisme ne peut me conduire à Lui ; il déifie les passions de l’homme et le pousse dans la dernière dégradation. Je ne vois parmi les païens aucun homme qui ne soit dépourvu de sens moral.

On objectera peut-être Platon et ce qu’il dit de Dieu. Qu’enseigne-t-il donc en réalité ? Le Dieu suprême, suivant lui, ne peut entrer en communication directe avec la créature ; c’est par l’intermédiaire des démons, ou médiatement peut-être par le Logos. Chose étrange à dire, Platon a été, avec les rabbins, l’inventeur du purgatoire, et la dernière forme de sa doctrine a donné naissance à l’arianisme.

Trouverai-je la vérité parmi les mahométans avec leur paradis de houris là-haut et le glaive ici-bas ? Le Coran, même pour l’observateur le plus superficiel, n’est qu’une misérable imposture, un amas de prétendues révélations inventées suivant l’occasion qui les faisait naître. Le Coran ou « l’épée » n’est pas une révélation de Dieu, si ce n’est comme plaie judiciaire infligée à la chrétienté.

Les Juifs ne peuvent me parler de Dieu, rejetés de Lui comme ils le sont, suivant leurs propres Écritures. Apprendrai-je à Le connaître chez les jésuites, dont les intrigues troublent toutes les nations sous le ciel ? Sera-ce auprès du pape, dont l’infaillibilité n’est crue que par ses partisans les plus grossièrement ignorants, et à laquelle l’histoire donne le démenti le plus éclatant ? Irai-je me prosterner devant les idoles qui représentent la mère de Dieu, comme l’on dit, et qui sont érigées en public partout où il y a possibilité de le faire ? Est-ce là que mon âme trouvera son lieu de repos ?

Me tournerai-je vers les protestants ? Mais le plus grand nombre de leurs docteurs, sur la plupart des points, ne suivent que leur raison. Du puseyisme au libéralisme, j’ai le choix, parmi eux, entre les opinions et les hérésies sans nombre qui se contredisent et se détruisent l’une l’autre. Me dira-t-on qu’il y a un accord réel entre les diverses professions de foi évangéliques des grands corps protestants ? Je ne l’admets pas entièrement ; Luther ne le pensait pas. Elles s’accordent presque toutes sur un point : la régénération baptismale. Mais quand je demande si les docteurs croient aux formulaires qu’ils signent, il n’y en a pas un ; ce sont pour eux des choses surannées. Que dois-je faire ? Dire avec Pilate : Qu’est-ce que la vérité ? puis me laver les mains en désespoir de cause et abandonner Christ à Ses ennemis ? Non ; nous avons la Parole de Dieu sur laquelle nous pouvons nous appuyer.

Ah ! enfin j’ai trouvé quelque chose : Dieu révélé d’une manière digne de Lui. Mais voici le coup le plus cruel ; — ce n’est pas, me dit-on, la Parole de Dieu. C’est une compilation de diverses traditions et documents faite quelque sept ou huit siècles après le temps où elle prétend avoir été écrite ; documents et traditions tirés Dieu sait d’où (mais ne venant pas de Lui), et composés Dieu sait par qui. Ce livre, affirme-t-on, se compose en partie d’une loi mise au jour sept ou huit cents ans après l’époque où l’on dit qu’elle fut écrite, quelques-uns de ses documents étant reconnus comme existant peut-être déjà à cette date ; en partie de prétendues prophéties rassemblées par quelque compilateur et mises fréquemment sous le nom de quelqu’un auquel elles n’appartiennent pas. Un long conflit, dit-on, a subsisté entre l’élément moral et l’élément cérémoniel ou sacerdotal, mais le premier a triomphé au temps d’Esdras, et seulement alors, bien que, selon ce qu’on affirme, les Israélites n’eussent jamais eu la loi telle qu’elle est, avant le règne de Josias. Et cependant, chose étrange à dire, le parti qui remporte la victoire ne s’en sert que pour fixer la nation dans le cérémonialisme et sous l’autorité d’une tradition sacerdotale, comme elle ne l’avait jamais été auparavant ! De plus, outre les deux principaux documents d’après lesquels l’histoire des premiers temps aurait été compilée, et les autres fragments qui y auraient été adaptés par le compilateur, on prétend avoir découvert un autre auteur dont les écrits s’entremêlent avec ceux des deux principaux, et dont l’objet est de relever l’importance des ancêtres de l’Israël du nord. Les prophètes, ajoute-t-on, prétendent bien à une vue intuitive venant de Dieu ; mais leur grand objet n’était pas les événements à venir.

Telles sont les Écritures, si nous en croyons ces savants. Elles ne sont pas la Parole de Dieu, mais une compilation incertaine, fruit des progrès de l’histoire d’Israël ; provenant en partie des sacrificateurs, sous lesquels la loi parvint à sa maturité, sans être jamais complète jusqu’à Esdras ; en partie des prophètes luttant contre les principes sacerdotaux (non pas, remarquez-le, contre les péchés du peuple envers Dieu, ou contre leurs infractions à la loi qui alors n’était pas encore formulée) ; en partie enfin de la vie laïque au sein du peuple. Tels sont les facteurs (c’est l’expression consacrée) de l’Ancien Testament. Quant au Nouveau, on consent à admettre que quatre épîtres soient de Paul ; elles sont, dit-on, l’expression la plus élevée de la vie spirituelle chez le chrétien ; le reste est falsifié ou douteux, et en grande partie une tentative comparativement moderne, ayant pour but de concilier les factions de Paul et de Pierre dans l’Église, ou bien un fruit tardif de la philosophie et des rêveries alexandrines, ou encore du symbolisme juif.

Il ne faut pas s’étonner si une très grande partie du clergé protestant en France a déclaré ne vouloir rien signer, ni le symbole des apôtres, ni aucune confession de foi, admettant bien, sans doute, qu’il faut croire quelque chose, mais ne sachant pas encore quoi ; tandis que les pauvres laïques, moins savants, mais plus simples, s’écrient : « Pourtant, si nous sommes des chrétiens, il nous faut un Christ quelconque ». Voilà où nous a conduits ce que l’on nomme l’Église. Il n’y a pas maintenant des cérémonies et des traditions sacerdotales combattues et corrigées par des prophètes prétendant à une intuition divine, mais nous voyons des cérémonies et des traditions sacerdotales et ecclésiastiques, qui apportent à l’âme le dégoût et l’ennui, quand elles ne la poussent pas à chercher dans le papisme un lieu de refuge, ou bien qui aboutissent à une incrédulité froide et sans profondeur, se nourrissant de spéculations revêtues d’une fausse apparence historique, sans que ceux qui s’y livrent aient jamais pénétré au-dessous de la surface et saisi le moins du monde, d’une manière spirituelle, la substance de ce qui est à leur porte et devant leur cœur. Ces raisonnements, ces théories et hypothèses, qui se succèdent sans cesse et se remplacent les unes les autres, peuvent faire grand bruit et produire un certain effet, mais ceux qui les inventent et les soutiennent ne sont pas enseignés de Dieu. À un dogmatisme sans vie, ils n’ont pas substitué un système fondé sur la certitude, mais l’ont changé en une incrédulité et un scepticisme spéculatifs.

Où est donc la Parole de Dieu ? Là où elle a toujours été, comme la lumière dans le soleil. L’homme a pu observer dans cet astre des taches et des facules, ou espaces plus lumineux que le reste du disque ; on découvrira, peut-être, que les taches ont un rapport quelconque avec les aurores boréales et les perturbations magnétiques, mais ceux qui ont des yeux marchent, comme ils l’ont toujours fait, à cette pleine et brillante lumière du jour que Dieu nous a donnée. La Parole de Dieu brille aussi comme toujours, et l’entrée de cette Parole illumine et donne de l’intelligence aux simples. Ceux-là ont une nature qui peut estimer, dans la Parole de Dieu, le vrai caractère qu’Il lui a donné, nature que ces savants n’ont pas, car Il a caché ces choses aux sages et aux intelligents et les a révélées aux petits enfants. « Ils seront tous enseignés de Dieu », telle est la déclaration du Seigneur et du prophète pour ceux qui sont capables d’entendre.

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Je place encore devant le cœur de chaque lecteur la question telle qu’elle se présente à nous : Y a-t-il une révélation de la part de Dieu ? L’homme est séparé de Dieu. Dieu a-t-Il donné une révélation par laquelle, aussi loin que va cette révélation de Lui-même, l’homme peut Le connaître ? Nous savons ce que l’homme est devenu sans elle. Sommes-nous laissés comme les païens desquels Paul disait : « Ils cherchent Dieu, pour voir s’ils pourraient en quelque sorte le toucher en tâtonnant, et le trouver » ? Ou bien y a-t-il réellement une loi donnée par Moïse, et la grâce et la vérité sont-elles venues par Jésus Christ ? Le Seigneur déclare que les écrits reçus par les Juifs sont bien les écrits de Moïse, et Il le dit non seulement aux Juifs, mais aussi à Ses disciples, dont Il ouvre l’intelligence pour qu’ils les comprennent. Les apôtres, à l’exemple du Seigneur, basent leurs enseignements sur la vérité de ces écrits et leur contenu, et en tirent leurs arguments. Pour quelqu’un qui n’est pas foncièrement incrédule, cela est suffisant. Pour ceux qui affirment qu’une narration qui rapporte des miracles ne peut être historique, que Dieu ne peut ou ne veut plus agir, maintenant qu’Il a établi une fois pour toutes l’ordre de la nature, pour ceux qui ont ainsi décidé la question avant de l’avoir examinée, il est évident que les affirmations de Christ et des apôtres n’ont point de valeur. Mais, dans ce cas, c’est ne montrer aucune pudeur que de prendre le nom de chrétiens ; c’est manquer d’une manière flagrante à la loyauté que de se prévaloir d’un titre, quand on rejette tout ce que ce titre suppose. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de désirer sérieusement la conversion de telles gens. Ils se donnent de la peine pour ce qu’ils estiment être une imposture, ils professent d’en être les sectateurs ; et ils voudraient nous faire croire que la communication de la connaissance de Dieu la plus sainte, la plus remplie de grâce, la plus profonde, et en même temps la plus vraie et la plus complète, n’est que le produit d’une imposture ! On a de la peine à se l’imaginer ; c’est pourtant à cela que nous avons affaire.

Il en est d’autres qui croient bien qu’il y a une révélation, mais non pas une communication divinement inspirée de cette révélation. Quelques-uns allèguent que la Bible n’a pas même la prétention d’être cela. Or voyez comme cela est rationnel. Dieu aurait trouvé bon de donner tout au long une révélation de ce qu’Il est, de Sa vérité, de Sa grâce ; de la donner aux hommes pour leur bien ; mais Il l’aurait fait de telle manière que, dans sa perfection, cette révélation ne pût pas aller plus loin que la personne qui la reçoit. Elle est donnée pour le bien de tous, donnée d’une manière parfaite ; mais cela s’arrête à la première personne à qui elle est communiquée et qui la reçoit. Quant aux autres, elle ne leur parvient que dans l’imperfection où l’homme l’a saisie et la communique. Il y aurait donc une communication divine pour les hommes, mais, par un arrangement divin, elle serait communiquée de manière à ne jamais arriver aux hommes comme telle. Rien ne leur serait communiqué en quoi ils pussent se confier comme étant divin. Peut-on concevoir quelque chose de plus absurde ?

Mais voici ce que dit Paul : « Quand il plut à Dieu, qui m’a mis à part dès le ventre de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonçasse parmi les nations ». Dieu lui avait donc fait une révélation pour qu’il annonçât Son Fils, mais, suivant la théorie dont je parle, Paul ne le pouvait pas ; quoique cette révélation fût pour d’autres, elle ne leur parvenait pas ; elle était positivement donnée pour eux, mais de telle manière qu’ils ne pouvaient en profiter. Ce n’est pas ce que dit l’apôtre. Il ne falsifiait pas la Parole de Dieu — remarquez bien comment il l’appelle — il ne frelatait pas le vin pur ; mais, par la manifestation de la vérité, il se recommandait à toute conscience d’homme devant Dieu (2 Cor. 4). C’est ainsi que les Thessaloniciens la recevaient, non comme la parole de l’homme, mais (ainsi qu’elle l’est véritablement) comme la parole de Dieu (1 Thess. 2, 13) ; de sorte que si son évangile était voilé, il l’était à ceux qui périssent (2 Cor. 4), et dont les pensées étaient aveuglées par le dieu de ce siècle. En 1 Corinthiens 2, il établit d’une façon positive la vérité quant à la manière dont les choses révélées sont communiquées : « Desquelles choses aussi nous parlons », dit-il, « non point en paroles enseignées de sagesse humaine, mais en paroles enseignées de l’Esprit… Or l’homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu,… elles se discernent spirituellement ». Elles sont révélées par l’Esprit (v. 10-12) ; communiquées en paroles que le Saint Esprit enseigne, afin que les autres puissent les avoir telles que Dieu les avait révélées à Paul (v. 13), et, enfin, elles sont discernées par l’Esprit (v. 14 ; comp. v. 4-5). Et c’est là ce que Paul affirme partout. Les choses qu’il écrivait devaient être reçues, et l’étaient, en effet, comme les commandements du Seigneur. Les prophètes de l’Ancien Testament et Moïse déclarent que ce qu’ils communiquaient était les paroles de Jéhovah ; l’apôtre ne fait pas autrement.

Ainsi, non seulement la Bible est une révélation venant de Dieu, mais la communication de cette révélation est aussi Son œuvre. « Ainsi a dit l’Éternel », « l’Éternel dit », voilà ce que nous trouvons dans l’Ancien Testament ; et, dans le Nouveau, ce sont des paroles que le Saint Esprit enseigne, de sorte que ce que nous possédons est la Parole de Dieu. C’est « du Seigneur par les prophètes », ou « en paroles enseignées de l’Esprit ». Dieu ne nous a pas laissés flottant çà et là dans l’incertitude. Mais quand cette Parole est présentée, elle se discerne spirituellement ; ou, si elle est rejetée, elle est voilée en ceux qui périssent. Et, pour ce qui concerne la partie historique, nous voyons, d’une part, qu’elle est rédigée par les prophètes, et, d’un autre côté, qu’elle est sanctionnée par le Seigneur et par les apôtres.

On dira qu’il y a des erreurs ; on objectera que nous n’avons que des traductions. Je reconnais que cette Parole a été confiée à la responsabilité de l’homme, précisément de la même manière, dans un certain sens, que le salut personnel de l’homme. Cependant l’homme est gardé par la puissance de Dieu, et la Parole l’est aussi, exposée toutefois aux effets de l’infirmité humaine. Elle est citée, affirmée et reconnue authentique par le Seigneur et par les apôtres, et il est constamment fait allusion à la loi dans les plus anciens écrits des prophètes. Pour ce qui est des traductions, personne n’en donne aucune comme un critère de la vérité ; elles sont un moyen de la communiquer, et le critère, c’est-à-dire l’Écriture, reste tel qu’il était, providentiellement préservé par Dieu. L’authenticité du Nouveau Testament, comme on l’admet généralement, étant complètement établie, l’authenticité de l’Ancien Testament se trouve prouvée, comme ne l’est celle d’aucun livre dans le monde, par le Nouveau Testament, c’est-à-dire par le Seigneur et Ses apôtres. On allègue qu’il y a des citations tirées de la version grecque dite des Septante. C’est une traduction, il est vrai ; et, si elle est citée, c’est parce qu’elle était très répandue et d’un usage général ; mais elle ne l’est pas quand les écrivains du Nouveau Testament, enseignés de Dieu, avaient une raison de faire autrement. Ils établissent seulement l’authenticité des portions qu’ils citent.

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Quant à l’Ancien Testament, voici le jugement du rationaliste Eichhorn : « 1° Personne, si ce n’est des docteurs ignorants et irréfléchis, ne peut supposer que l’Ancien Testament ait été fabriqué par un imposteur. 2° Les écrits de l’Ancien Testament ne sont pas l’œuvre de plusieurs imposteurs… Comment auraient-ils pu inventer d’une manière aussi entièrement conforme aux progrès de l’intelligence humaine ; et était-il possible dans des temps postérieurs de créer le langage de Moïse ? ». Il continue en disant : « Comment une nation tout entière aurait-elle pu si souvent et en différentes périodes de son existence, être déçue et trompée par des imposteurs, et par ce qui la rendait elle-même méprisable ?… Tous les écrivains citent, dit-il encore, ce qui avait été écrit auparavant, ou y font allusion ». L’histoire profane présente Moïse comme le législateur d’Israël. Ce serait une sérieuse difficulté, s’il y en avait pour des gens qui se nourrissent de théories, que d’expliquer comment ou pourquoi on aurait donné le récit de tout le système si minutieusement élaboré de l’arrangement du tabernacle, présenté comme venant directement de Dieu, alors que le peuple d’Israël en avait un entièrement différent sous les yeux. Il n’y a personne qui, lisant l’Ancien Testament sans préjugés, n’y doive voir une succession claire et ordonnée d’événements historiques ; — quoiqu’il y ait beaucoup plus que cela. Il se compose d’écrits réunis plus tard en un seul volume, sans doute, mais l’effort fait pour l’invalider est plus absurde qu’aucune autre théorie. Il forme historiquement un faisceau beaucoup trop serré. Tout y est faux, et l’ensemble n’est pas substantiellement vrai tel qu’il est, car tout s’y tient et partout une des parties suppose l’autre. Mais la foi dans l’âme dépend d’autre chose que de ces preuves externes. On peut aisément faire naître des doutes, mais ces raisonneurs nous ont-ils jamais présenté une seule vérité certaine et solide ?

Attaquer l’inspiration de la Bible, telle que nous l’avons, c’est répandre l’incrédulité. Fausser la vraie origine des livres, c’est dire que Christ et Ses apôtres ont mis leur sanction sur une imposture.

La question est donc : Les âmes ont-elles avec évidence la Parole de Dieu, ce « qui sort de la bouche de Dieu », cité comme tel par le Seigneur et Ses apôtres ? Ont-elles le christianisme communiqué en paroles enseignées de l’Esprit ? Ou bien, est-ce ce qu’ont imaginé les Astruc, les Baur, etc., sans qu’il y ait aucune réelle communication de la part de Dieu Lui-même ? Sur quoi mon âme s’appuiera-t-elle ?

Heureusement que, lorsqu’eut lieu le grand combat entre l’homme dans le dernier Adam et Satan, les paroles sorties de la bouche de Dieu suffirent au Seigneur pour réduire l’adversaire au silence ; et il en sera toujours ainsi. De même, à l’heure de Sa profonde agonie, quand Il expiait les péchés, c’était par ces paroles qu’Il exprimait ce qui était dans Son cœur, ce que nul autre cœur ne pourra jamais sonder ni exprimer. S’il y a au monde une bénédiction, outre celle d’avoir le Seigneur Lui-même en grâce, c’est de posséder la Parole de Dieu comme Lui-même nous l’a donnée, semblable au Seigneur Lui-même ; c’est-à-dire ce qui est divin et céleste, mais ce qui, en même temps, convient et est parfaitement adapté à l’homme, dans le cœur de l’homme : l’Ancien Testament étant comme un canal qui l’apporte, et où puisaient, mais en partie seulement, ceux qui le transmettaient ; dans le Nouveau Testament, le cœur lui-même, c’est-à-dire le vase de la communication, étanchant d’abord sa propre soif, puis l’eau découlant de l’homme intérieur. « Quand il plut à Dieu, qui m’a mis à part dès le ventre de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce », dit Paul, « de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonçasse parmi les nations ». Tout dans l’Écriture est cette Parole de Dieu qui agit efficacement en ceux qui croient.

« Si ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous, vous aussi vous demeurerez dans le Fils et dans le Père ».

L’autorité des Écritures

H. — On cherche de bien des manières à discréditer les Écritures et à diminuer, sinon à annuler leur autorité. Il est évident que, pour établir cette autorité, on ne peut entrer, avec la masse des lecteurs, dans des arguments fondés sur la philologie, ou même sur la critique historique. Si les Écritures n’ont pas en elles-mêmes, telles qu’elles sont, l’autorité comme Parole de Dieu, cette autorité a disparu et, avec elle, toute communication directe de la part de Dieu. Si l’Écriture n’est pas la Parole de Dieu, rien d’autre ne l’est, et l’homme est privé de toute communication directe venant de Dieu. L’immense portée de ce fait est évidente d’elle-même.

La grande question n’est pas, s’il ne s’est point introduit dans le cours des siècles, et par la négligence de l’homme, des défectuosités dans le recueil des communications divines, défectuosités auxquelles on peut travailler à porter remède par toutes les recherches possibles — il s’agit de savoir, en premier lieu, si de telles communications existent, et, secondement, si nous en avons un recueil donné de Dieu.

On admet volontiers que ce recueil est donné par le moyen de l’homme ; qu’une grande partie de son contenu est l’histoire de l’homme tel qu’il était, avec une certaine mesure de lumière divine ou sans elle, dans des relations spéciales bien qu’imparfaites, ou bien avec la lumière divine descendue par tradition de ceux qui étaient en communication plus directe avec elle ; en un mot, on admet que les Écritures nous donnent l’opération complète de la lumière divine dans toutes ses phases et tous ses effets, et les opérations de l’esprit de l’homme sous cette lumière dans ses diverses phases. On admet encore que l’objet même d’une grande partie de l’Écriture, est de montrer les résultats produits dans l’homme, mis ainsi à l’épreuve de différentes manières, afin qu’il apprît à se connaître lui-même, et, en même temps, de montrer agissant au milieu de tout, la patience d’un Dieu plein de condescendance. Tout cela est admis, et même on y insiste.

Mais là n’est point la question. La voici : Les Écritures sont-elles un recueil divin des communications divines, dans lequel Dieu a déployé devant nous tout ce qui vient d’être énuméré, et nous a donné, en outre, Son jugement et Ses pensées quant à ces choses, ainsi que le fondement de nos relations avec Lui ? S’il en est ainsi, les Écritures forment un contraste complet et absolu avec tout autre livre. Parmi les autres livres, il n’y en a point qui soient un recueil donné de Dieu, nous révélant Ses pensées ; les Écritures le sont.

Elles prennent l’humanité sous toutes ses faces, et, la montrant telle qu’elle est dans la lumière et sous les yeux de Dieu, elles répandent sur nous cette lumière, de sorte que les ténèbres sont passées et que la vraie lumière luit maintenant.

Il peut y avoir en nous des aspirations vers Dieu, le travail de la conscience, des sentiments de nos besoins, nous donnant une idée beaucoup plus réelle de ce que Dieu doit être pour nous aider, que ne peuvent le faire les raisonnements d’une orgueilleuse intelligence. La révélation de Dieu répond pleinement à tout, et voilà ce que nul homme ne saurait faire. Dans les Écritures, Dieu a tracé la description, si utile pour nous, de ces exercices de l’âme, de sorte que nous puissions d’autant mieux comprendre la réponse propre à y satisfaire. Il a mis en lumière, dans des réalités historiques et dans les investigations morales du cœur, sans la loi et sous la loi, ces besoins et ces ardents désirs de l’âme, et a montré l’impuissance de l’homme pour arriver jusqu’à Dieu et répondre à ce qu’Il est et à ce qu’Il exige.

Dans les Écritures, nous avons les luttes d’un Job, les exercices du cœur dans les Psaumes, l’expérience de toutes les choses qui sont sous le soleil dans l’Ecclésiaste ; nous y voyons l’homme laissé à lui-même avant le déluge, l’homme placé sur le terrain de l’obéissance à la loi, l’homme dans une royauté dépendante de Dieu en Israël, et l’homme ayant une suprématie sans contrôle à Babylone. Les résultats de toutes ces diverses positions de l’homme et de toutes ses expériences, nous sont donnés dans les Écritures ; puis enfin, en Christ, le dernier Adam, Dieu est pleinement révélé, et Christ, mourant, afin que ce puisse être avec justice, est le chemin qui conduit à Dieu.

Ce n’est pas une spéculation sur ce que Dieu peut être ; c’est une révélation de ce qu’Il est et de ce qu’est le chemin vers Lui. Si le christianisme est vrai, voici ce qu’il est : « Puisque, dans la sagesse de Dieu, le monde, par la sagesse, n’a pas connu Dieu, il a plu à Dieu, par la folie de la prédication, de sauver ceux qui croient ». Ce ne sont pas les spéculations de l’esprit humain, mais Christ crucifié, aux Juifs, occasion de chute, aux nations, folie ; mais pour nous qui sommes sauvés, Christ, la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu. Dieu a fait de la sagesse du monde une folie. Il a choisi les choses folles pour confondre les sages, et les choses faibles et celles qui ne sont pas, pour réduire à néant celles qui sont. Tel a été et tel est le système divin.

W. — Oui, je vois clairement que l’essence même du christianisme comme révélation, est d’apporter la lumière divine dans le courant de ce qui se passe dans ce monde et dans le cœur humain ; il montre, non qu’il n’y a point de qualités naturelles aimables, car il y en a, mais qu’avec ou sans elles, l’homme est éloigné de Dieu, que dans sa chair il n’habite point de bien. Si l’on ne juge pas ainsi, c’est que l’on abaisse le niveau moral du bien. Mais, en même temps, le christianisme est une révélation parfaite de l’amour et d’un chemin de justice par la croix, pour que l’homme puisse jouir parfaitement de cet amour. Mais il faut répondre aux objections qu’on nous oppose. Et quand je prends les livres qui les présentent, avec toutes leurs prétentions, je me sens comme enveloppé de l’obscurité du soir. Or, il est difficile d’attraper une chauve-souris qui voltige dans ce qui est son élément.

H. — Ce qu’il faut, dans ce cas, c’est d’introduire la lumière. Devant elle, les chauves-souris s’en vont et rentrent dans leurs ténèbres accoutumées. Ce que ces raisonneurs prennent du christianisme, leur procure une sorte de crépuscule — une sorte de lumière douteuse ; mais les ténèbres sont leur demeure. Je parle des principes, bien entendu, et non des hommes.

Ainsi que vous l’avez dit, d’après les Écritures, Dieu est lumière et Il est amour. C’est là Son essence. Il n’est pas sainteté, car cela est relatif ; Il n’est pas justice, non plus, bien qu’Il soit saint et juste. Pour être saint, il faut avoir la connaissance du bien et du mal ; il en est de même de la justice ; or cela, je veux dire le mal, ne peut être en Dieu, dans Son essence. Mais Il est la parfaite pureté, la lumière qui manifeste tout, ainsi que la parfaite activité de la bonté, c’est-à-dire l’amour. Voilà ce que nous disent les Écritures, et voilà ce qui rend si glorieuse la croix dont vous parliez comme étant le chemin. Là, Dieu rencontre le péché. Mais quelle rencontre merveilleuse ! C’est en amour parfait qu’elle a lieu, et cependant en justice et en sainteté parfaites, exaltant même par la croix, cet amour, cette justice et cette sainteté. C’est pourquoi, Jésus dit : « Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié » — car il était glorieux pour un homme d’accomplir cette œuvre — « et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même, et incontinent il le glorifiera ». Dieu n’attendra pas pour glorifier Christ, le déploiement extérieur de la gloire dans le royaume à venir, mais Il Le glorifiera en Lui-même, en Lui, Dieu, qui a été glorifié en Christ. Il allait incontinent Le recevoir dans la gloire. C’est là, maintenant, la place de l’homme en espérance, dans sa nature et ses affections spirituelles. C’est pourquoi, le chrétien n’est pas du monde, de même que Christ n’en était pas, Lui qui était venu du ciel et qui, comme personne divine, bien que sur la terre, était dans le ciel. Cette nature spirituelle peut se manifester ici-bas en mille exercices et dans diverses relations, comme cela eut lieu en Christ d’une manière parfaite, et en nous, hélas ! avec un mélange de fautes et de manquements, pour lesquels il y a une ressource en Lui ; mais dans notre nature et notre position comme chrétiens, nous sommes associés avec Christ dans le ciel.

C’est pourquoi, il est dit : « Jésus, sachant que le Père lui avait mis toutes choses entre les mains, et qu’il était venu de Dieu et s’en allait à Dieu » ; en présence de ce qu’Il était et du lieu où Il allait, en présence aussi de la trahison de l’un de Ses disciples, du reniement d’un autre et de l’abandon de tous, Il prend la place de serviteur pour laver les pieds de Ses disciples, afin qu’ils aient une part avec Lui. Il ne pouvait pas rester avec eux sur cette terre souillée. Aussi, lorsque Pierre demande que le Seigneur lui lave les mains et la tête, outre les pieds qu’il fallait laver à cause des souillures journalières contractées dans la marche à travers ce monde — Jésus lui dit : « Celui qui est lavé », réellement participant de la nature divine — car, sauf Judas, ils étaient nets par la parole qu’Il leur avait annoncée — « celui qui est lavé, n’a besoin que de se laver les pieds ; mais il est tout net ». Quel tableau de la grâce ! Quel témoignage de la part que nous avons avec Lui. Et, tandis qu’Il nous donne l’assurance que nous possédons vraiment la nature divine (car ici, Il parle de l’eau, et non du sang), afin que nous ayons confiance dans la communion avec Dieu, une confiance qui nous élève moralement, Il ne permet pas cependant la moindre souillure journalière sur nous, et en cela, nous apprend ce qu’est la grâce.

W. — C’est, en effet, le tableau à la fois le plus touchant et le plus élevé de la grâce du Seigneur.

H. — Si vous examinez la chose de plus près, vous verrez que cela vient après que le témoignage à tous Ses droits terrestres a été rendu et a pris fin. Comme Fils de Dieu, Il ressuscite Lazare ; comme Fils de David acclamé roi d’Israël, Il entre à Jérusalem, et quand les Grecs demandent à Le voir, Il dit : « L’heure est venue pour que le Fils de l’homme soit glorifié », mais alors, Il ajoute : Il doit tomber en terre, comme le grain de blé, et mourir. Au treizième chapitre, Il montre comment nous avons une part avec Lui, quand Lui ne peut l’avoir avec nous. Mais remarquez bien ceci : pour que nous soyons réellement élevés, il faut qu’en esprit nous soyons pris hors de ce monde. « Il s’est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu’il nous retirât hors du présent siècle mauvais ».

Le contenu de la Bible

(Fragment d’une introduction au Saint Livre[3])

Écrire une introduction à la Bible est une entreprise assurément difficile et sérieuse au plus haut degré. Comment en serait-il autrement lorsqu’il s’agit de présenter un livre qui renferme l’ensemble de toutes les pensées de Dieu et de toutes Ses voies relativement à l’homme, ainsi que Son propos arrêté à l’égard de Christ et de l’homme en Lui — un livre qui fait connaître en même temps ce que Dieu est, quelle est la responsabilité de l’homme envers Lui, ce qu’Il a fait pour l’homme, et les nouvelles relations avec Dieu dans lesquelles celui-ci entre par Christ — un livre qui révèle ce que Dieu est moralement dans Sa nature, et les économies au cours desquelles Il se glorifie devant les cieux et leurs habitants — un livre qui dévoile les secrets du cœur humain et met à nu son état, et qui, en même temps, place à découvert devant lui les choses invisibles — un livre qui commence au point où le passé touche à l’éternité, et qui nous conduit par le développement et la solution de toutes les questions morales au but où l’avenir se perd dans l’éternité selon Dieu — un livre enfin qui sonde les questions morales dans la parfaite lumière de Dieu pleinement révélé, et nous fait connaître les fondements de nouvelles relations avec Lui selon ce qu’Il est en Lui-même et selon ce qu’Il est en amour infini ? Prendre un tel livre pour montrer l’enchaînement de ses diverses parties, leur relation entre elles et avec l’ensemble, afin d’ouvrir à l’esprit humain (dans la mesure où il est donné à l’homme de le faire, car Dieu seul le peut d’une manière efficace) le chemin pour comprendre les voies de Dieu comme Il les a révélées, est une tâche dont la difficulté et le sérieux sont bien propres à faire reculer l’esprit de celui qui veut l’entreprendre, car il se trouve en présence des pensées de Dieu exprimées par Lui-même. Quelle chose, en effet, digne de toute admiration, que cette divine parenthèse ouverte entre l’éternité passée et l’éternité à venir ! Durant son cours, la fébrile activité de l’homme déchu, sous l’instigation de celui qui exerce la puissance du mensonge et du meurtre, se déploie en des pensées qui périront toutes, mais dans cette même période aussi, la nature et les pensées de Dieu, Son être moral et Son propos arrêté, jusqu’alors cachés en Lui de toute éternité, se révèlent et s’accomplissent par le moyen du Fils — tout en mettant l’homme à l’épreuve et manifestant ce qu’il est — afin de paraître, en leur résultat final, dans une éternité de gloire où Dieu, entouré de créatures bénies rendues capables de Le connaître et de Le comprendre, se manifestera comme lumière et comme amour dans le fruit de Ses pensées éternelles et impérissables. Alors tout ce qui a été opéré par Sa grâce et par Sa sagesse, à travers les choses qui paraissent ici-bas, sera mis en évidence dans ses fruits glorieux et éternels ; alors Dieu — Père, Fils et Saint Esprit, connu de Lui-même avant que le temps fût — sera connu d’innombrables êtres heureux, connu dans la jouissance de leur propre bonheur, quand le temps ne sera plus. Et ce monde est la scène où tout ce qui se fait concourt à ce but ; et le cœur de l’homme est le lieu où tout se passe et se réalise moralement, si Dieu, en qui et par qui et pour qui sont toutes choses, demeure en lui par Son Esprit pour lui donner de l’intelligence, et si Christ, objet et centre de tout ce que Dieu accomplit, est aussi son unique objet. Or la Bible est la révélation que Dieu nous a donnée de tout ce merveilleux système et de tous les faits qui s’y rapportent. Ne comprend-on pas que l’on recule devant la tâche d’exposer de telles choses ?

Le christianisme et ses bases

La première chose, la chose importante sur laquelle il convient de nous arrêter, est ce que le christianisme professe être. Je dis : professe être, car je n’ai pas à démontrer maintenant qu’il est vrai… On veut adapter le christianisme à la nature humaine, aux hommes, aux progrès de l’homme. On ne veut plus de l’étroitesse de l’ancienne orthodoxie ; on abhorre la vérité évangélique, et cependant l’on se dit chrétien. Il est rare, dit-on, que la vérité soit explicite… Or, le christianisme est très explicite. Il ne parle pas, comme quelques-uns le prétendent, de « révélations de Christ » — c’est-à-dire de pensées communiquées par Lui — mais « qui se trouvaient en plus d’une génération avant Lui dans des cœurs vivants ». Il déclare que le Père a envoyé Son Fils pour être le Sauveur du monde. Le christianisme est une religion de faits et qui s’adapte ainsi merveilleusement aux pauvres et aux ignorants. L’évangile, hélas ! peut être rejeté, mais il consiste en faits qui conviennent à tout cœur et à toute conscience d’homme. Le christianisme expose des choses profondes, qui, si elles sont reçues, révèlent Dieu d’une manière qui Le rend maître du cœur. Mais il les expose simplement, parce que ce qui est connu parfaitement peut être présenté avec simplicité, et Dieu connaît d’une manière parfaite ce qu’Il révèle en grâce.

Mais revenons au point sur lequel j’insiste. Le christianisme est une religion composée de faits d’une immense portée ; faits qui contiennent des principes de la plus haute importance, mais qui rattachent ces principes à Dieu, comme étant une révélation de Lui-même, et ne les rattachent pas aux pensées et aux aspirations de l’homme. Prenons, par exemple, ces passages : « La Parole devint chair, et habita au milieu de nous (et nous vîmes sa gloire, une gloire comme d’un Fils unique de la part du Père), pleine de grâce et de vérité… Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ». Et encore : « Je suis sorti d’auprès du Père », dit Jésus, « et je suis venu dans le monde, et de nouveau je laisse le monde, et je m’en vais au Père ». Or, il y a là des principes : la loi est mise en contraste avec la grâce et la vérité ; mais la première dans des faits qui arrivèrent à Sinaï, les dernières dans le fait que le Fils de Dieu est venu du ciel dans ce monde.

L’essence et la substance du christianisme est de croire que cette personne, Jésus, était le Christ, était le Fils de Dieu, de croire ces faits qu’Il affirmait touchant Lui-même, ou que Ses apôtres après Lui ont déclaré être tels, mettant en avant les miracles qu’ils accomplissaient, afin que les hommes crussent. Christ déclare que si les hommes ne Le croyaient pas, ils mourraient dans leurs péchés ; que celui qui croit au Fils, a la vie éternelle, et que celui qui ne croit pas est déjà condamné. Il déclare que personne n’est descendu du ciel de manière à parler des choses célestes, si ce n’est Celui qui est descendu du ciel, et qu’Il parle de ce qu’Il connaît et rend témoignage de ce qu’Il a vu.

Paul aussi, pour qui, au dire de certains auteurs, l’incarnation était un fait purement spirituel, Paul voit le Juste qui était remonté dans la gloire et entend les paroles de Sa bouche, afin d’être, comme il insiste qu’il le fut, un témoin oculaire, et de déclarer, comme tel, qu’en vérité Celui qui n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, s’est anéanti Lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes, et a été trouvé en figure comme un homme. Bien que son ministère eût principalement pour objet de montrer l’homme (Christ) exalté au ciel avec justice, et celui de Jean, de présenter Dieu descendu en grâce sur la terre, cependant il affirme les mêmes grands faits que tous les autres. Étienne proclame le fait merveilleux qui, dans l’ordre de la révélation, ouvre le chemin au ministère de Paul, le fait qu’il voit le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.

Prenons d’autres faits constituant les bases du christianisme — l’incarnation, par exemple. Nous trouvons dès le début, et comme fondement de Son histoire, que Christ n’est pas né à la manière des hommes, mais qu’Il fut conçu du Saint Esprit, et qu’une chose sainte naquit de Marie par cette intervention miraculeuse. Dans ce fait, nous avons un homme sans péché, né de Dieu — un fils d’homme à la vérité, mais un second homme, un dernier Adam. Fait immense, renfermant un principe d’une immense portée mis complètement en lumière par le rejet et la mort de ce Juste (car l’homme, avec toutes ses prétendues révélations, sortant de cœurs vivants, et semblables à celles de Christ[4], n’a pas voulu d’un Sauveur vivant ; Jésus a été crucifié et mis à mort par des mains iniques). Ce principe est que l’homme, dans sa nature, est un être pécheur, ruiné sans espérance, incapable de relèvement, et qu’il fallait qu’un nouvel homme fût introduit. Mais alors se présente un nouveau fait. Christ ressuscite ; la puissance de la mort est détruite. J’ignore quelle affinité ou quel profond écho de la résurrection se trouve dans les esprits des hommes. Je ne l’ai pas entendu. Il n’a pas atteint le monde de l’histoire. La parole de la résurrection s’est une fois fait entendre aux oreilles d’hommes instruits, de philosophes savants, mais quel écho a répondu ? « Quand ils ouïrent parler de la résurrection des morts, les uns s’en moquaient » ; quelques autres, heureusement attirés par cette voix étrange qui parlait de résurrection à l’homme destiné à mourir, dirent : « Nous t’entendrons encore sur ce sujet ».

La mort ! Ah ! l’écho de ce mot se répercute de toutes parts. Mais que dis-je ? La mort n’a pas besoin d’écho. Sa propre voix résonne à notre droite et à notre gauche ; chaque moment l’apporte à nos oreilles. Elle dit : Qui peut échapper à mon étreinte ? Qui dira ce qui m’a introduite dans le monde ? Qui pourra s’arracher à ma main ? Paul a-t-il tort en disant que c’est le péché qui a fait peser sur l’homme ma puissance terrifiante ? Qui peut dire où je conduis ceux sur lesquels j’ai étendu ma main ? Est-ce pour paraître en jugement ? Où est-ce ? Quel est l’homme sorti de mon domaine pour venir le dire ?

Telle est la voix de la mort. Quelles affinités existant dans les esprits des hommes viendront ici à mon aide ? Quels cœurs vivants me diront plus que je ne sais ? Comme moi, tous craignent ou espèrent. La mort les rend aussi sérieux que moi. Si Christ est mon Dieu, la mort m’est un gain ; c’est le plus heureux moment de la vie : c’est déloger pour être avec Lui. Mais sinon, lequel de ces prétendus révélateurs a jamais fait connaître ce qui est au-delà de la tombe ? Espérer ? Oui, depuis que le christianisme est apparu, ceux mêmes qui ne croient pas le peuvent. Mais la résurrection va plus loin qu’une espérance. Elle détruit entièrement la puissance de la mort. Ce qui vient par le premier Adam est détruit par le second et introduit l’homme dans la gloire.

La résurrection est donc un fait d’une portée immense ; en elle se trouvent des vérités et des principes glorieux : la puissance de la vie divine supérieure à la mort ; l’acceptation de l’homme devant Dieu dans un état entièrement nouveau, exposée largement par les apôtres et spécialement par Paul ; tout cela découle d’un fait, d’un simple fait, mais, je le répète, d’une portée immense. Dieu devenu un homme ; le Fils de Dieu personnellement révélé comme homme sur la terre et mourant sur la croix, puis triomphant de la mort, ressuscitant et montant au ciel, comme homme, dans un corps spirituel et glorifié, assurant à ceux qui croient en Lui qu’ils seront avec Lui et semblables à Lui, voilà des faits, et si le christianisme est vrai, des faits devant lesquels c’est un non-sens de parler « d’affinités avec notre foi, existant dans les esprits des hommes avant le christianisme, et répercutées comme par un écho puissant en plus d’une génération dans les cœurs vivants ».

Qu’il y ait eu auparavant des aspirations dans les cœurs des hommes, au milieu du triste état moral du monde, personne ne le conteste. Il y avait aussi, avant Christ, des prophéties qui, au sein d’un peuple choisi, maintenaient vivante l’espérance de quelque chose de meilleur. Tout chrétien croit aussi que ces faits, dont j’ai parlé, avec les principes de grâce et de vérité qu’ils renferment, sont reçus depuis lors, avec plus ou moins de profondeur, dans plusieurs cœurs vivants et y trouvent un écho. Mais les prophéties n’étaient pas la chose prophétisée ; les aspirations n’étaient pas la réponse divine qui les satisfait et au-delà. Et, dans le cœur du croyant, l’écho n’est pas, il le sait bien, le fait qui l’a réveillé — le son céleste auquel répondent ses louanges. Il y a dans le croyant une vivante réalisation de tous ces faits, une vraie affinité, parce qu’il est participant de la nature divine. Dieu est amour et le croyant aime ; Dieu est saint, le croyant participe à Sa sainteté ; Christ est glorifié, le croyant Lui sera semblable, et s’efforce dès maintenant à Lui ressembler spirituellement. Mais la personne de Christ, Sa mort, Sa résurrection, restent des faits grands et immuables.

Le croyant sait que le Fils de Dieu est venu ; il sait que le Père a envoyé le Fils ; que Christ est une personne descendue du ciel ; de sorte qu’Il pouvait révéler les choses du ciel — c’est autre chose que des aspirations. Le croyant sait que Christ nous a aimés et s’est donné Lui-même pour nous ; qu’Il paraît pour nous devant la face de Dieu ; que nous avons par Lui le pardon des péchés, que le salut n’est en aucun autre ; il sait que, si Christ était Dieu sur la terre, la Parole faite chair, Il est l’homme dans le ciel. Il peut y avoir, dans les esprits des hommes, des effets produits par ces faits glorieux, qui amènent l’âme à éprouver des sentiments qui leur sont appropriés ; il peut aussi y avoir d’obscures aspirations vers quelque chose de meilleur ; mais une révélation, le Fils de Dieu venant dans le monde et faisant naître ces sentiments et répondant à ces aspirations, c’est une autre chose.

Christ, sans doute, révélait la grâce et la vérité — choses infiniment précieuses. Mais le christianisme repose sur ce qu’Il était, sur ce qu’Il a souffert et sur Sa résurrection. Si ces choses ne sont pas vraies, notre foi est vaine, nous sommes encore dans nos péchés, et, comme Paul le dit, lui et les autres apôtres étaient de faux témoins de Dieu. Il avait vu lui-même le Seigneur après Sa résurrection et il pouvait en appeler, non seulement aux douze, mais à des centaines d’autres témoins oculaires. Les apôtres devaient être les témoins de la résurrection. Quelles affinités peut-il y avoir avec ce fait dans l’esprit de l’homme ? D’une manière si cachée qu’on le fasse, de quelque manière que l’on parle de révélations intérieures de Christ dans les cœurs avant Sa venue, d’une beauté morale que l’on trouverait hors de Lui, placer le christianisme sur ce terrain, c’est le nier, car si le christianisme consiste, comme cela est, en effet, dans les grands faits que j’ai mentionnés, il n’y a pas, et il ne saurait y avoir, dans l’esprit de l’homme, d’affinité avec le christianisme comme tel. Parler d’affinité avec la résurrection est un non-sens, si la résurrection est rapportée comme un fait sur lequel se base une vérité morale. Mes pensées à l’égard de Dieu ne sont pas Dieu personnellement incarné. Le fait que je suis mort au péché et vivant à Dieu, n’est pas la même chose que le Fils de Dieu passant effectivement par la mort et la résurrection, afin que je sois tel. L’un est une vérité relative à mon état ; l’autre est le fait duquel découle cette vérité.

Le christianisme de la Bible et de l’Église universelle est une religion basée sur des faits divins, quelles qu’aient été les discussions touchant les doctrines. Nul homme sincère ne lira la Bible sans voir que les hommes qui présentent le christianisme, ceux qui en ont été les premiers promoteurs, s’appuient tous sur ces faits, se déclarent souvent eux-mêmes avoir été les témoins oculaires de plusieurs, et font reposer le christianisme sur ces faits. Il est impossible de lire le Nouveau Testament, les références quant à l’origine du christianisme dans les écrits des pères, des hérétiques, des ennemis ou des païens, sans voir qu’il reposait sur une série de faits que les chrétiens alléguaient et croyaient être surnaturels et divins, et que leurs adversaires niaient, sauf celui de la croix. Ils ne niaient pas les miracles, mais cherchaient à les expliquer.

Si le christianisme n’est pas une religion de Dieu, y en a-t-il une ? Si non, où sommes-nous ? Où allons-nous ? Prenons le caractère de la révélation de ces faits, que trouvons-nous ? « Celui qui a reçu son témoignage a scellé que Dieu est vrai ». Non pas simplement que ce qui est dit est la vérité, mais il a reconnu que Dieu est vrai comme Il a parlé ; « car celui que Dieu a envoyé parle les paroles de Dieu ». Jean, qui parlait comme prophète, dit encore : « Celui qui est de la terre, est de la terre, et parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel, est au-dessus de tous, et de ce qu’il a vu et entendu, de cela il rend témoignage, et personne ne reçoit son témoignage » ; et Christ Lui-même dit aussi : « Celui qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu » (Jean 8, 47). Et encore : Il était cette « vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée ». Le Nouveau Testament tout entier présente le témoignage de Christ comme un témoignage directement divin ; non pas les pensées ou les aspirations du cœur humain, mais les paroles de Dieu, de Celui qui pouvait dire ce qui était dans le ciel (après lequel l’homme avait peut-être d’obscures aspirations) ; mais Lui était descendu du ciel, et ainsi Il parlait de ce qu’Il avait vu et entendu, de ce qu’Il connaissait. D’une manière différente, le Saint Esprit a fait la même chose dans les apôtres. Ils ne présentaient pas ce qui surgit dans l’esprit de l’homme, mais une claire révélation de la part de Dieu, parce que l’esprit de l’homme — l’histoire le prouve avec évidence — ne peut arriver à connaître la vérité et Dieu. « Le monde, par la sagesse, n’a pas connu Dieu, et il a plu à Dieu, par la folie de la prédication, de sauver ceux qui croient… ».

Telle est la forme sous laquelle le christianisme se présente. S’il est faux, il est une horrible imposture, et cependant une imposture d’une telle perfection que rien ne lui est semblable dans le monde, pour révéler tout ce qui est dans l’homme et tout ce qui est en Dieu ! Que quelqu’un montre, s’il le peut, quoi que ce soit qui y ressemble. Ôtez le christianisme, et qu’avez-vous comme révélation ? Dans tout ce que les païens ont pu nous donner, quel est le meilleur ? Ils ont dû reconnaître, désespérant de toute autre chose, que s’il y avait pour l’homme une délivrance morale possible, ce ne pouvait être que par une révélation. La philosophie païenne la plus élevée tenait pour impossible que le Dieu suprême pût communiquer directement avec une créature ou avec la création. Le fait capital du christianisme, celui qui est à sa base, c’est que Dieu Lui-même est devenu un homme. Dieu ne craint pas de compromettre Son nom. Il est Dieu toujours et partout, et jamais plus que lorsqu’Il est un homme, car Il est l’amour parfait.

Le christianisme et les besoins de l’homme

H. — Quoi que fasse l’homme, la vérité et le bien existent, au moins en Dieu, et quand l’homme a montré jusqu’où peuvent aller la dépravation de sa nature et de sa volonté, et sa révolte contre Dieu, il y a, sous l’action de la lumière divine, une réaction de la conscience naturelle, au moins aussi longtemps que l’homme ne sera pas livré, comme le dit l’Écriture, à cette énergie d’erreur qui lui fera croire le mensonge.

Il existe dans l’homme un instinct qui lui fait sentir et lui découvre qu’il y a un Dieu, et que ce Dieu est et doit être bon. Sous cette influence, il se révolte contre ce qui choque sa conscience, d’ailleurs éclairée par le christianisme. D’une manière générale, il désire s’adresser à Dieu, et il L’invoque, parce qu’il a appris que Dieu est bon. Il sent qu’un Dieu mauvais ou qui ne s’inquiéterait pas de lui, et une révélation qui ne serait qu’imposture et fausseté, ne peuvent procurer aucune consolation.

Je ne veux pas dire qu’un homme puisse faire le bien sans la grâce, mais il y a une conscience naturelle qui pénètre ce qui n’est pas droit et qui a besoin de vérité et de grâce — qui voit au moins que le contraire ne convient pas à Dieu. Elle veut, dans une révélation, quelque chose de plus sûr qu’une production de l’esprit humain, autre chose qu’une simple histoire de la monarchie des Hébreux, et plus qu’une inspiration peut-être un peu supérieure à celle d’un grand poète, et sur laquelle les savants peuvent exercer leur critique. Une semblable vue de la révélation pourra satisfaire certains théologiens et philosophes, mais ne saurait répondre aux besoins de l’âme dans la vie de chaque jour. Cela ne convient point aux simples et aux ignorants, et s’ils viennent à recevoir de telles idées, elles ne servent qu’à faire d’eux des incrédules pleins de suffisance, débitant ce qu’ils ont lu ou entendu et se croyant sages, parce qu’ils peuvent avancer un certain nombre d’objections contre ce qui est bon et salutaire à l’âme. Tout cela ne procure ni aide, ni force à personne.

J’ai toujours remarqué que les incrédules peuvent bien jeter des doutes sur plusieurs choses — rien d’étonnant à cela — mais ils ne donnent rien de positif ; ils ne sauraient présenter à l’âme avec certitude une seule vérité. La Parole de Dieu, au contraire, nous présente plusieurs vérités certaines. Elle ne jette le doute sur rien. Elle n’en a pas besoin, car elle possède la vérité, et ce qu’elle donne est positif. Voilà une immense différence qui caractérise moralement l’un et l’autre côté. Quand les incrédules parlent de l’amour et de la recherche de la vérité, ils ne vont jamais plus loin que Pilate, qui disait : « Qu’est-ce que la vérité ? ». Ils n’arrivent jamais à posséder avec certitude une vérité ; tout ce qu’ils font, c’est de jeter des doutes sur ce que les autres croient. Ils professent chercher la vérité et être toujours prêts à la recevoir, parce qu’ils ne l’ont jamais possédée.

W. — Vous parliez des besoins de l’âme, pensez-vous qu’ils existent chez la généralité des hommes ?

H. — Je crois que partout il y a des besoins cachés. Ce sont les désirs ardents d’une âme dont les capacités vont au-delà de la sphère dans laquelle elle est emprisonnée. Ces aspirations se montrent rarement au milieu du labeur et des dissipations de la vie, mais, en certaines occasions, elles se font jour à travers la foule désordonnée de pensées qui, dans une existence affairée et remplie de soucis, encombrent les avenues de l’âme et en peuplent l’intérieur. Mais ce n’est pas de cela que je veux parler maintenant.

Je pense que la masse des pauvres et des ignorants a plus de réalité dans ses pensées que les raisonneurs, et qu’ils voient avec plus de justesse le vrai caractère des choses. Cela provient du fait même de leurs occupations et de leurs labeurs. Ils travaillent pour vivre : or c’est là actuellement l’ordre voulu de Dieu. Ce qu’ils ont en dehors de leur travail doit être réel ; la spéculation n’y a point de place. Ils peuvent ignorer qu’il y ait une révélation, mais s’ils savent qu’il y en a une, il faut pour eux qu’elle vienne de Dieu, que ce soit Dieu Lui-même qui leur parle. S’ils ont pour divinités Diane et Jupiter, ce sont pour eux des êtres réels. S’ils sont sous la loi de Moïse, ils ne la spiritualiseront pas en tout, comme Philon et ses modernes imitateurs. Ils la prendront telle que Moïse l’a donnée, ou ne la recevront pas du tout. S’ils sont idolâtres, ils le seront de bonne foi.

Mais si, une fois, le scepticisme s’est répandu et a envahi les masses, alors non seulement la religion, mais l’état aussi, et par là j’entends la société, sont près de leur fin. Quand l’homme met en question les sanctions de la vie sociale, quand a disparu la divine et toujours vivante puissance de la foi, elle qui tient l’homme assujetti à quelque chose de supérieur à lui-même, quand ce qui lie l’homme à son semblable n’existe plus, alors le moi seul domine, non d’une manière inconsciente, mais ouvertement.

Il se rencontrera peut-être un petit nombre d’esprits qui spéculeront sur ce qu’il peut y avoir de vrai et qui chercheront à en tirer quelques notions raffinées, mais la masse restera indifférente à tout. De là s’ensuivra le despotisme ou l’anarchie. Combien d’années l’empire romain survécut-il à Lucien, dont les écrits n’étaient qu’un signe des temps ? Combien dura la monarchie française après les encyclopédistes ? Après la chute de Rome, le christianisme se trouva là comme un frein, maintenant je ne vois pas ce qui pourrait l’être, sauf la fidélité de Dieu et le Seigneur Lui-même venant du ciel.

J’admets que tout cela ne prouve pas que quelque chose soit vrai, mais cela prouve qu’il y a dans la foi une puissance morale, et que l’absence de foi est la destruction de la société. La foi des masses n’est donc pas une pure spéculation.

W. — Êtes-vous donc de ceux qui regardent la religion comme ayant pour but de maintenir la société ?

H. — Dieu m’en garde. Pour moi, la révélation divine a pour objet de mettre, par grâce, une âme immortelle en communication avec la source éternelle de la félicité, de la lumière, de l’amour, c’est-à-dire avec Dieu Lui-même. Elle doit en même temps renfermer des révélations très importantes, nécessaires pour l’existence ou le plein développement de cette relation de l’âme avec Dieu. Et, en effet, nous y trouvons Dieu manifesté en chair, les relations entre le Père, le Fils et le Saint Esprit, sans lesquelles il est impossible à l’homme d’être ainsi rattaché à Dieu, et, en outre, l’Église unie à Christ. Ce sont là les sujets dont je ne puis m’occuper maintenant, mais qui doivent entrer dans la révélation, puisque, étant révélés, ils nous donnent les liens conscients d’une union avec ce qui est divin, et développent des affections divines dans la relation où ils nous placent.

L’esprit de l’homme peut ne pas aller au-delà de sa propre sphère. Il n’est pas Dieu, et s’il doit être réellement élevé au-delà de ce qu’il est en lui-même, ce ne peut être que par quelque chose qui soit en dehors et au-dessus de lui, c’est-à-dire qu’il doit avoir une révélation positive de ce qui n’est pas dans la sphère de ses propres conceptions. L’homme peut développer les facultés de son âme, il peut, par l’imagination, créer dans les limites de ces facultés, mais selon la nature même des choses, il ne peut par lui-même aller au-delà de ce qu’il est. Un grand écrivain peut présenter, dans une suite de tableaux, les divers caractères de l’homme sous les formes variées qui se manifestent dans les différentes positions où il est placé, depuis la plus élevée jusqu’à la plus basse, et le faire avec une vérité qui intéresse de la manière la plus vive les esprits inférieurs au sien, et qui ne pourraient arriver par eux-mêmes à de telles conceptions ; mais c’est toujours et ce doit être l’esprit humain si mouvant dans la sphère qui lui appartient, sans quoi ce ne serait plus l’esprit de l’homme. La conséquence en est que, bien que les esprits inférieurs puissent être élevés au-dessus de leur niveau, ils sont satisfaits avec ce qui est de l’homme, et, de fait, Dieu étant exclu, ils sont tenus au-dessous de ce qu’ils pourraient être.

La poésie est un effort de l’esprit humain pour créer, par l’imagination, une sphère en dehors et au-dessus du matérialisme, et c’est ce que la foi donne par des réalités. Mais la poésie ne peut s’élever au-dessus du niveau de sa source, quelque puissance qu’elle acquière en coulant dans des canaux secrets, où elle ne risque pas de se perdre par un contact ouvert avec le monde. En fin de compte, elle descend au niveau vers lequel tend toute nature humaine, puis s’arrête pour ne plus s’élever. Elle peut servir à un certain développement de l’esprit, mais c’est tout.

W. — On parle cependant de l’inspiration des poètes, ou même de celle d’hommes ordinaires placés sous quelque influence heureuse ou religieuse.

H. — On confond souvent, dans le langage et dans la pensée, les termes « révélation » et « inspiration ». On peut employer ce dernier d’une manière figurée, pour indiquer l’effort que fait l’esprit humain pour s’élever au-dessus des banalités de la vie, mais, comme c’est ordinairement le cas, il désigne la puissance instrumentale par laquelle Dieu communique à l’esprit humain des vérités inconnues. La « révélation » est une chose tout à fait différente, dont l’inspiration, dans son sens le plus élevé, n’est que la forme ou l’instrument (car elle est les deux). La révélation est la présentation effective à notre esprit, d’un objet, d’une vérité ou d’un fait qui ne saurait être connu autrement. J’entre ainsi en possession de quelque chose que je n’ai pas et que je ne puis acquérir d’une autre manière. Quant à la volonté ou aux qualités morales ou spirituelles, l’esprit peut ou non être capable de discerner ou d’apprécier ce qui est révélé. C’est une question théologique très importante, mais qui sort de notre sujet actuel. La révélation est la déclaration, la proclamation effective de vérités qui, sans elle, seraient inconnues ; souvent de vérités qui ne pourraient être connues autrement, et, quelquefois, de vérités qui ne pourraient l’être dans la condition actuelle des individus.

Il y a une autre erreur morale d’une immense portée. On dit que c’est par la puissance intérieure que l’homme s’élève dans l’échelle morale de l’être. La puissance dans l’homme se limite à ce qu’il est. Il ne peut aller au-delà. Un gland peut devenir un chêne, mais de sa nature, il ne sera jamais qu’un chêne. La puissance par laquelle un homme se développe n’est pas même ce qui l’élève réellement. De plus, pour l’homme se soulève une autre question, un chêne n’est pas une chose corrompue et déchue. « Je puis faire tout ce qui appartient à l’homme », a dit quelqu’un ; « celui qui peut faire plus, n’est pas un homme ». Il y a une limite à la puissance de l’homme. Mais s’il m’est permis de citer quelqu’un qui, parmi les hommes, eut à peine son pareil, je trouve plus. Je dirai seulement qu’il prétendait avoir plus, en laissant l’histoire et les faits en juger. « Je puis toutes choses », disait-il, « en celui qui me fortifie ». Nous voyons là une autre source de force, une source divine, qui portait Paul moralement au-delà de l’homme.

Mais je désire vous expliquer plus distinctement le principe auquel je fais allusion. Un être dépendant (or une créature est ou dépendante ou rebelle, et peut être l’un et l’autre à la fois), un être dépendant s’élève par ses besoins et non par ses facultés. Par celles-ci, il peut se développer, mais non s’élever. Mais si j’ai quelque besoin, ce qui n’est pas avoir de la puissance, et qu’il y ait en dehors de moi une chose qui puisse répondre à ce besoin, j’apprends à la connaître, je l’apprécie, non par quelque puissance que j’aie, mais par la dépendance où je suis de ce qui satisfait à mon besoin. Avoir faim n’est pas de la puissance, mais la faim jouit de la nourriture qui donne la force et se l’approprie. Être faible et le sentir, n’est pas de la puissance, mais quand mon corps languissant s’appuie sur quelqu’un de fort qui le soutient doucement, ma faiblesse me fait connaître ce que c’est que la force. Il y a plus : j’apprends, en étant ainsi soutenu, ce qu’est la bonté, la patience, le support, la bonne volonté, l’aide, la persévérance à soulager. Je fais l’expérience d’une force indépendante qui convient à ma faiblesse et qui s’y accommode. Je connais sa capacité pour soutenir ce qui est hors d’elle-même, et cela n’est pas ma propre puissance s’élevant par un développement intérieur, une puissance se suffisant à elle-même. Il y a là l’amour.

Or cette relation entre mes besoins et ce qui y répond chez un autre, est le lien entre ma nature et toutes les qualités de la nature de celui sur lequel je m’appuie et qui supplée à ces besoins. Je connais ses qualités par la manière dont il répond à leur absence chez moi, à mon manque de puissance. C’est aussi un lien moral. Par là je connais l’amour et tout le déploiement de la bonté ; je n’aurais jamais cette connaissance, si la puissance était en moi.

L’exaltation de ce qui est humain en soi est la perte positive de ce qui est divin ; c’est une perte infinie. Il y a une profondeur morale immense dans la parole de l’apôtre : « Quand je suis faible, alors je suis fort ». Et plus je possède Dieu, et plus je Le possède sans réserve, plus je gagne. Tout est à moi, mais le moi est détruit. Ce n’est cependant pas que je cesse d’exister ou de jouir. Il ne s’agit ni de l’anéantissement en Dieu du bouddhiste, ni de l’absorption panthéiste dans l’essence divine. Je ne cesse pas d’avoir conscience de moi-même, et je l’aurai toujours, mais c’est un moi qui ne pense pas à lui-même, mais à Dieu, en qui il trouve son plaisir.

C’est une perfection merveilleuse, un délice absolu que l’on trouve en ce qui est parfait, mais parfait en dehors de nous, de sorte que le moi est moralement annulé, quoiqu’il soit toujours là personnellement pour jouir. Actuellement, c’est en partie encore un désir, bien qu’il y ait jouissance ; plus tard, pour ceux qui le possèdent, ce sera un bonheur parfait, face à face avec Celui qui en est la source.

Dieu seul se suffit à Lui-même, et par conséquent ne se cherche pas Lui-même, car cela provient de ce que l’on n’est pas satisfait et que l’on ne se suffit point. En dehors de Lui, se suffire à soi-même est de l’orgueil, c’est être satisfait de la misère et, en soi, c’est un péché ; la dépendance, voilà la place juste, convenable, sainte, aimable et excellente. Vouloir être indépendant, à moins d’être Dieu, c’est une folie, une stupidité, un mensonge ; oui, c’est vivre dans un mensonge. Si nous sommes Dieu, nous seuls le sommes, ou nous ne le sommes pas du tout. Cependant, suivant l’enseignement chrétien, nous sommes faits participants de la nature divine, afin que nous ayons la plus entière capacité de jouir ; mais, pour cette raison même, Dieu étant parfaitement révélé, nous avons de Lui une connaissance qui fait que nous trouvons un délice parfait dans Son infinie excellence. Notre dépendance découle ainsi de l’amour à cause de cette excellence et, dans notre état normal, nous y trouvons un bonheur sans mélange. La relation entre l’amour et le caractère à la fois dépendant et parfaitement objectif de la vie divine, est surtout développé dans les écrits de Jean, particulièrement dans son épître. C’est essentiellement ce qui en fait la profondeur et la beauté, et pour qui n’a pas saisi l’objet de l’épître, parce qu’il ne le possède pas, c’est ce qui en fait la difficulté et lui donne un caractère mystique en apparence.

C’est aussi ce qui fait que la Trinité trouve dans l’âme une place si sûre et si parfaite. Je ne donne pas cela comme une preuve, bien que la jouissance réelle et actuelle d’une chose prouve au cœur qu’elle est vraie. Dans le Père, j’ai la déité absolue dans sa propre perfection intrinsèque et permanente. Dans le Fils, je trouve ce qui est divin, avec la même perfection que dans le Père, sans quoi Dieu ne me serait pas révélé, mais ce qui est divin manifesté dans un homme, déployé pleinement dans tout ce qui est humain mais en dehors du péché, de manière à être non seulement approprié à l’homme, mais à être saisi par l’homme, si moralement il en est capable. Toute la plénitude de la déité habite en Lui corporellement, en même temps qu’Il est avec Dieu dans la relation personnelle de Fils. Et enfin, le Saint Esprit, outre le fait qu’Il me donne une vie venant de Dieu et me rend ainsi participant de la nature divine, est en moi la puissance (moralement, aussi bien que par la faculté de comprendre) par laquelle je saisis ce qu’est la communion avec Dieu, avec le Père et le Fils, et par laquelle j’entre dans cette communion. Cette présence du Saint Esprit m’assure dans ma faiblesse, de la vérité et de la pureté de la communion avec Dieu, parce que toute inconséquence L’attriste ; et, si je suis inconséquent, Il agit dans ma conscience par la révélation de ce qu’est Dieu, bien qu’alors je ne sois pas en communion.

La philosophie et la révélation

Cher Dr.,

Chose étrange à dire, j’éprouve moins d’horreur pour l’incrédulité que pour le papisme. Les raisonnements de l’incrédulité me paraissent toujours moralement méprisables et superficiels. Cependant j’admets qu’il est bon de s’en occuper et de chercher à mettre en garde les âmes contre eux, ou de les en délivrer, si possible. Mais c’est chose difficile ; et la grâce souveraine, en révélant à l’homme ce qu’il ne connaissait pas auparavant comme vérité, a une toute autre puissance sur son âme.

Le principe faux de toute philosophie humaine est que les facultés de l’esprit de l’homme sont la mesure de ce qu’il peut connaître ou acquérir. On se base sur la pensée entièrement erronée qu’il ne peut être influencé, qu’il n’y a pas de puissance supérieure capable d’agir sur lui ; que la susceptibilité de recevoir des impressions, ou la réceptivité, est mesurée par la faculté active ; or cela est tout à fait faux. Et si la puissance supérieure est bonne, cette réceptivité est un plus sûr moyen d’arriver à la vérité que la puissance mentale, parce que la volonté per se, ne s’y mêle pas. Or cette pensée de la philosophie est simplement l’orgueil provenant de l’importance que le moi s’attribue, le moi qui veut que lui-même, c’est-à-dire sa propre intelligence, soit la mesure de toutes choses. Or c’est l’abandon de la position de sujétion qui est la seule vraie pour la créature — c’est la « subjecta veritas quasi materia » de Cicéron, ce qui doit être faux quant à tout ce qui est au-dessus de nous, et l’est absolument relativement à Dieu. Cela ferait de moi la mesure supérieure de tout ce qui suprême — et c’est moralement une folie méprisable. Or c’est toujours la pensée de l’homme de se croire supérieur à tout, maintenant qu’il est séparé de Dieu, et parce qu’il est séparé de Lui ; et la philosophie — intéressante peut-être quant aux choses qui sont au-dessous de l’homme ou même pour l’investigation de ses facultés, bien que dans ce domaine l’homme soit capable de peu — la philosophie est toujours fausse, car si elle laisse Dieu en dehors, sa mesure est fausse ; si elle l’introduit — c’est de la religion — mais alors le principe est entièrement changé : l’homme reçoit et ne donne ni ne mesure. De là la profonde vérité renfermée dans les paroles du Seigneur — car Il était la vérité — « Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera pas ». Il en est ainsi dans la nature même des choses.

Mais il y a un autre point soulevé dans la lettre de votre ami. Il parle « d’approcher de la Parole de Dieu sous certaines influences, telles que l’éducation chrétienne ». Pense-t-il donc que l’homme ne subisse pas des influences ? Il est toujours élevé sous quelques influences ; cela doit être et ne peut être autrement ; elles agissent à travers sa vie, et sont là pour agir sur lui. Votre ami se figure-t-il que ses relations avec les Allemands n’ont eu aucune action sur lui ? Il m’a dit que ces pensées l’avaient occupé auparavant ; sans nul doute l’incrédulité existait déjà. C’est toujours le cas là où l’esprit est actif et travaille, car en soi, il est incrédule, parce qu’il est loin de Dieu ou contre Lui, mais la pâture lui est donnée par les questions et les difficultés qui lui sont suggérées. Un enfant est toujours placé sous des influences, il est fait pour cela ; et si les influences sont vraies et bonnes, c’est une grande grâce. Même sur l’homme fait, il y en a qui agissent. Eh quoi, l’état même de l’atmosphère affecte notre esprit. Ces influences si vraies et bonnes qu’elles soient, ne peuvent donner la vraie foi, je veux dire la foi divine, mais elles ôtent ou anticipent les obstacles, et nous placent en présence de la révélation, sans qu’il y ait un empêchement positif venant d’influences fausses, ou de l’action de l’incrédulité naturelle à l’esprit. Ma conscience et la Parole de Dieu ont à faire l’une avec l’autre, comme si Dieu parlait, et s’Il parle ainsi, c’est de Sa part une grande grâce. Ce n’est pas la foi divine, mais l’âme est placée avec des pensées humaines justes — ou plutôt avec la conscience — en présence de l’objet de la foi. C’est la conscience seule (avec le cœur) qui peut recevoir la vérité divine : ce n’est pas l’esprit, l’intelligence, parce que l’esprit en activité juge, et, de sa nature, met ainsi Dieu en dehors de la place qui Lui appartient.

Dans un sens, la conscience peut nous donner de Dieu une pensée juste, car elle nous présente le mal et le bien — le bien (car la conscience n’en est pas la règle) pour aussi loin que va la nature de cette faculté. En ce sens aussi elle est comme Dieu, ainsi qu’il est dit : « L’homme est devenu comme l’un de nous, connaissant le bien et le mal ». Mais du moment que l’homme, partant de ce point, commence à raisonner, il est dans l’erreur, car il ne peut mesurer Dieu avec justesse, Dieu étant suprême et l’homme subordonné. La conscience en réfère à Dieu comme étant au-dessus d’elle, comme étant, elle, placée sous une obligation ; l’intelligence ne le fait pas, et ne peut pas le faire. Elle a au-dessous d’elle les choses, quasi materia, et si elle raisonne sur Dieu, elle est immédiatement dans le faux, car Dieu est au-dessus de nous et non pas subordonné à nous : s’Il l’était, Il ne serait pas Dieu.

La Parole de Dieu agit sur la conscience qui est dans l’homme, et elle n’admet point de raisonnements ; elle juge l’homme, et n’est pas jugée par lui ; et elle doit prendre cette position si elle est la Parole de Dieu, sans cela elle ne serait pas à sa place. Elle peut raisonner en grâce, et elle le fait, car Dieu est amour, et c’est ainsi qu’Il se manifeste Lui-même, mais jamais Il n’abandonne Son droit ; le faire ne serait ni grâce, ni vérité ; mais il n’y a pas de repos si ce n’est dans la conscience, car là est établie la vraie relation. « Venez voir », dit la femme de Samarie, « un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait » ; cela, et cela seul, donne de l’intelligence à la femme : « Seigneur, je vois que tu es un prophète ». La parole de Celui qui convainc la conscience a tout entière une autorité divine sur l’âme. La femme ne dit pas : « Tu m’as dit la vérité », mais « tu es un prophète ».

… Quant aux erreurs dont on accuse la Parole, je puis honnêtement m’enquérir pour savoir si telles ou telles paroles sont réellement les paroles de Dieu, mais Dieu a autorité dans la révélation qu’Il a donnée, et dans le Christ qui est révélé. Je puis découvrir une interpolation dans le testament de mon père, mais cela ne détruit pas son autorité pour m’établir héritier de ses biens, une fois qu’il est reconnu que c’est bien son testament. Et la providence a veillé sur la Parole de Dieu, avec derrière elle Sa grâce qui sauve, bien que la faiblesse et l’incurie de l’homme se soient montrées là, comme dans tout ce qui a été confié à sa responsabilité, dans tout ce qui est du domaine religieux.

Pour un esprit spirituellement intelligent, la Parole porte en elle-même une autorité au-dessus de toutes les contestations, et un pauvre homme sans intelligence passera par-dessus tout ce qui est contraire à la pensée produite par elle, comme étant évidemment faux, ou comme une chose qu’il est incapable de comprendre, de sorte qu’il échappe à ce qui est faux et que les hommes ont inséré dans la Parole. « Ils seront tous enseignés de Dieu », est-il dit, et quand la conscience est atteinte et la volonté soumise, et par conséquent quand l’esprit qui raisonne est réduit au silence, nous avons la paix que donne la certitude (et l’incertitude quant à ce qu’il y a de plus important est chose misérable), et nous croissons heureusement dans ce que Dieu a révélé pour une félicité et une joie divines.

Je ne reçois pas la Bible, c’est-à-dire une révélation de Dieu, de la main des hommes. Je reçois d’eux du papier et de l’encre. La révélation, je la reçois directement de Dieu : « Ils seront tous enseignés de Dieu ». La foi en la révélation est une conviction divinement opérée, et, je le répète, dans la conscience. Je sais que j’ai fait ce qui est mal ; votre ami le sait aussi pour lui-même ; il sait qu’il est responsable devant Dieu. Qu’est-ce qui répondra à cela ? Le Saint Esprit produit toujours un besoin lorsqu’Il agit dans une âme — Il répond à ce besoin par Christ révélé dans la Parole — mais Il en produit toujours un. C’est ce qui amena Nicodème de nuit vers Jésus, alors que son esprit, ses pensées, étaient exactement sur le même terrain que celles des autres qui n’obtinrent rien. En cela gisait la différence ; il en est toujours ainsi.

J’espère que la volonté de votre ami n’est pas mauvaise, bien qu’elle puisse ne pas être encore soumise ; c’est pourquoi il faut agir envers lui avec douceur et patience. Il a, malheureusement, été mal dirigé dans ses pensées. Il est possible que la grâce du christianisme, et son besoin de cette grâce, agissant sur une autre partie de son âme, dissipent les nuages qui l’entourent. La population tout entière de l’Angleterre pourrait à peine enlever deux pouces de neige qui couvrirait la surface du sol : le soleil se lève, et elle disparaît.

Les pensées de l’homme

« L’Éternel connaît les pensées des hommes, qu’elles ne sont que vanité » (Ps. 94, 11). De fait, les hommes qui pensent sont tous semblables à l’araignée qui tire de son propre corps les fils dont elle tisse sa toile, et la valeur de leurs pensées ne peut dépasser cette origine. Il est d’une immense importance d’être au clair à ce sujet.

Il va sans dire que si Dieu agit dans mon esprit, je pense, mais alors ce sont des pensées qu’Il m’a données ; car il est dit du croyant : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Cor. 4, 7) et encore : « Non que nous soyons capables par nous-mêmes de penser quelque chose comme de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu » (2 Cor. 3, 5).

La divinité de Christ

Mon cher Monsieur,

Je suis heureux d’avoir reçu votre traité, parce qu’il me fournit l’occasion de donner d’une manière plus complète la preuve scripturaire de la déité du Seigneur. Combien j’ai été peiné en le lisant, je n’ai pas besoin de vous le dire ; mais j’aborderai tout de suite le sujet de cette lettre.

Les expressions téméraires d’individus n’ont rien à faire ici ; la question est : Que dit l’Écriture ? Aucun chrétien ne nie qu’il doive prier le Père, mais il est également certain que des prières sont adressées au Seigneur ; bien plus, invoquer le nom du Seigneur Jésus est, pour ainsi dire, une définition du chrétien (voyez 1 Cor. 1, 2). Étienne demande au Seigneur Jésus de recevoir son esprit, et Paul Le supplie d’enlever l’écharde qu’il a dans sa chair. Un enfant de Dieu prie son Père, mais l’administration de la maison de Dieu est dans les mains du Seigneur.

Affirmer que les Écritures ne disent pas que Jésus est Dieu est une étrange assertion. Remarquez, je vous prie, que la question se rattache directement à celle-ci : « Qu’était-Il avant de devenir un homme ? ». L’Écriture dit : « La Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu ». Ensuite nous lisons : « Et la Parole devint chair, et habita au milieu de nous ». Vous ne nierez pas que c’était Jésus. Est-ce que Dieu, car telle était la Parole, cesse d’être Dieu ? Il était « en forme de Dieu », Il a mis de côté Sa gloire, et « a pris la forme d’esclave » ; mais néanmoins, Il est appelé Dieu ; Jésus est « Emmanuel, Dieu avec nous » (Matt. 1, 23). Ainsi les Écritures L’appellent Dieu. De plus, Jésus signifie Jah ou Jéhovah le Sauveur ; Son nom même établit qu’Il est Jéhovah ; Jéhovah n’est-Il pas Dieu ? Jésus reçut ce nom, parce qu’Il devait sauver Son peuple de leurs péchés — le peuple de qui ? De Dieu, assurément. En Jean 12, l’évangéliste cite un passage d’Ésaïe (chap. 6), où l’on voit Jéhovah dans Sa gloire la plus élevée, puis il dit que c’est la gloire de Christ que le prophète contempla, et qu’il parla de Lui. C’est ainsi que le Seigneur disait aux Juifs : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai ».

Votre question quant au Fils de David, n’a rien à faire avec le sujet dont je parle. Personne ne dit que Dieu soit le Fils de David ; tous les chrétiens reconnaissent que le Christ est né dans le monde comme homme, et ce qu’ils disent, c’est que le Fils de David était aussi Dieu. Comparez la fin de 1 Jean 2, avec le commencement du chapitre 3. Au verset 28 du chapitre 2, on lit : « Quand il sera manifesté », c’est-à-dire quand Christ sera manifesté ; au verset 29, les saints sont nés de Lui, et au chapitre 3, 1, ils sont enfants de Dieu ; ensuite « le monde ne l’a pas connu », c’est de nouveau la même personne, Christ sur la terre. Au verset 2 : « Nous sommes enfants de Dieu », puis de nouveau, « quand il sera manifesté », c’est encore Christ. Personne ne peut lire ce passage sans voir que Christ et Dieu est un seul et même objet, la seule et même personne, dans l’esprit de l’apôtre. Nous trouvons de même à la fin de l’épître : « Nous sommes dans le véritable, savoir dans son Fils Jésus Christ : lui est le Dieu véritable et la vie éternelle ».

L’Ancien Testament aussi déclare la même vérité. En Daniel 7, le Fils de l’homme vient jusqu’à l’Ancien des jours (v. 13) ; mais plus loin, dans le cours du chapitre, c’est l’Ancien des jours qui vient (v. 22). Dans l’Apocalypse, chapitre 1, 17, 18, « le premier et le dernier » est celui qui est « vivant et qui a été mort », c’est-à-dire Christ. Au chapitre 1, 8, l’alpha et l’oméga est le Seigneur Dieu, le Tout-puissant ; au chapitre 22, 12, 13, c’est Christ qui vient, qui est l’alpha et l’oméga. En 1 Timothée 6, 14-16, le bienheureux et seul Souverain est le Roi de ceux qui règnent, et le Seigneur de ceux qui dominent, et, dans l’Apocalypse 19, 16, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, c’est Christ. En Jean 17, Il demande d’être glorifié auprès du Père, mais Il avait eu cette gloire avant que le monde fût. Ce que Jésus dit, c’est qu’Il ne fait et ne peut rien faire comme venant de Lui-même, ἀφ’ ἑαυτοῦ (Jean 5, 19) ; la même chose est dite de l’Esprit Saint (Jean 16, 13) : « Il ne parlera pas de lui-même », ἀφ’ ἑαυτοῦ ; de Lui-même, comme source. Aucun chrétien ne nie que Christ ait pris la forme d’esclave, et qu’Il ait toujours vécu comme tel sur la terre ; mais qui est-ce qui a pris la forme d’esclave ? Ce n’est pas un ange ; un ange est un serviteur, et ne peut pas quitter sa condition première. Christ, Lui, « s’est anéanti lui-même », lorsqu’Il était en forme de Dieu. Était-ce une fausse forme ? Le Seigneur me pardonne cette question ; je la pose pour l’amour de vous, mon cher monsieur. Christ pouvait dire : « Avant qu’Abraham fût, je suis ». La plénitude de la déité habite en Lui, vous l’admettez. Le Fils de David était beaucoup plus que Fils de David : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même ». De qui étaient les pensées et les paroles de Christ ? N’étaient-elles pas celles d’un homme, et cependant de qui venaient-elles ? Il pouvait dire de Lui-même : « Le fils de l’homme qui est dans le ciel ». Qu’était-Il avant de descendre ici-bas ? La Parole qui devint chair (σὰρξ ἐγένετο) était-elle Dieu auparavant, ou ne l’était-elle pas ?

Prouver qu’Il était un homme ne prouve rien. Nous le croyons tous comme vérité fondamentale ; mais était-Il simplement un homme ? Évidemment non. Il était « la Parole » ; Il « est descendu du ciel ». Qu’était-Il donc avant de devenir un homme ? Il affirme être un avec le Père (Jean 10, 30) ; cela peut-il être vrai d’une créature ? S’Il n’était pas une créature, Il était donc Dieu, ou bien il y aurait quelqu’un qui n’aurait pas été créé, qui aurait une existence indépendante en Lui-même, et qui ne serait pas Dieu ! C’est une confusion impossible. « Par lui ont été créées toutes choses » ; qui peut avoir accompli cela ? Il est « le premier-né de toute la création », parce que c’est Lui qui l’a faite. De plus « toutes choses subsistent par lui » (Col. 1, 16, 17). Il était « au commencement » et toutes choses furent faites par Lui ; sans Lui pas une seule chose ne fut faite de ce qui a été fait (Jean 1, 1-3). Lui donc n’a pas été fait : y a-t-il deux Dieux ? Il a posé les fondements de la terre et les cieux sont l’ouvrage de Ses mains ; ils périront, mais Lui demeure (Héb. 1, 8-11). Tous les anges de Dieu doivent L’adorer (v. 6). Bienheureux sont tous ceux qui mettent leur confiance en Lui (Ps. 2, 12), mais « maudit est l’homme qui se confie en l’homme » (Jér. 17, 5). Il n’est donc pas simplement un homme, Lui et le Père sont un, une créature peut-elle dire cela ?

Je trouve donc qu’Il est appelé Dieu avant de venir dans le monde (Jean 1) et après y être venu — « Emmanuel, Dieu avec nous ». Il a créé toutes choses, et par Lui toutes choses subsistent. Il doit être adoré comme le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga — ce qui est le titre expressément donné au Tout-puissant, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, l’Ancien des jours. Et de peur que nous ne pensions qu’Il est quelque Dieu inférieur, l’Écriture nous dit « qu’en lui habite toute la plénitude de la déité (Θεότητος) corporellement » (Col. 2, 9). L’enseignement moral de l’Écriture le confirme. « Christ est tout » pour le chrétien, de sorte que, s’Il n’est pas Dieu, Dieu n’est rien. Il est pour le chrétien l’objet du suprême dévouement du cœur : je dois vivre pour Lui (2 Cor. 5, 15) ; serait-ce pour une créature que je devrais vivre ainsi ? Nul chrétien ne nie qu’Il soit vraiment et réellement un homme, et qu’Il ait pris une place d’infériorité vis-à-vis du Père ; mais pour cela Il a dû s’anéantir lorsqu’Il était en forme de Dieu et qu’Il a pris la forme d’esclave. Nulle créature ne peut faire cela ; elle est une par nature.

Il était, ainsi que vous le dites, le dernier Adam préordonné ; mais ce dernier Adam était le Seigneur venu du ciel (1 Cor. 15, 47). Il ne vint assurément pas pour faire Sa volonté ; comme homme, Sa place était celle d’obéissance et de dépendance ; mais Il vint dans un corps préparé pour Lui, s’étant offert Lui-même pour cela. Vous dites pouvoir dire : « Il est Fils de Dieu ». Qu’entendez-vous par là ? « Baisez le Fils de peur qu’il ne s’irrite », est-il écrit. Dieu a parlé en Fils (ἐν υἱῷ) (Héb. 1, 2). L’exaltation de Jésus dont vous parlez, a eu lieu après qu’Il eut été fait « un peu moindre que les anges (qu’il avait créés) à cause de la passion de la mort », étant rendu semblable à ses frères en toutes choses. « Dieu », est-il dit, « fait ses anges des esprits… mais quant au Fils : Ton trône, ô Dieu, demeure aux siècles des siècles ». Il ne le fait pas être quelque chose. Le sang d’un homme qui ne serait qu’un homme pourrait-il purifier de tout péché ?

Je ne comprends pas comment vous pouvez affirmer que les Écritures ne disent pas qu’Il est Dieu. Elles le font à maintes et maintes reprises, directement ou indirectement, en termes équivalents. Je n’ai pas cité le passage où Il est appelé : « Dieu manifesté en chair », ni celui où il est dit : « Le Christ qui est sur toutes choses Dieu béni éternellement », parce que certains critiques objectent à ces deux passages. Le dernier, cependant (Rom. 9, 5), est un témoignage aussi clair qu’on peut le concevoir, et la forme du langage est telle qu’il est impossible de l’appliquer à un autre qu’à Christ. N’est-il pas étrange que vous ayez passé par-dessus tous les passages que j’ai cités, pour ne prendre que ceux qui montrent que Christ était vraiment un homme, ce que personne ne nie, et ce sans quoi, du reste, Sa déité ne nous serait d’aucun profit ?

Je ne puis dans les limites d’une note discuter complètement un tel sujet. Mais toute l’Écriture confirme la vérité que Jésus est Jéhovah. Jean le baptiseur était « la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur », c’est-à-dire de Jéhovah (És. 40). Il en est de même dans Luc 7, 27, comparé avec Malachie 3, 1, et Luc 1, 76. On voit ainsi qu’Il est l’Éternel, lorsqu’Il dit au lépreux : « Je veux, sois net ». En Ésaïe 66, 15, 16, Jéhovah vient avec le feu et avec l’épée ; mais nous savons que c’est Christ qui vient. Quelle est la signification de Michée 5, 2 ? Qui est le compagnon de Jéhovah (Zach. 13, 7) ? La guérison du lépreux était l’œuvre de Jéhovah. Quand Jésus nourrit les cinq mille hommes, cela se rapporte à ce qui est dit de Jéhovah dans les Psaumes, et bien qu’Il agisse comme Fils de l’homme (voyez Luc 9, 10-17 et suiv.), c’était l’accomplissement du psaume 132, 15, qui parle de Jéhovah. Non seulement Jésus accomplit des miracles que Dieu peut donner le pouvoir de faire à quiconque Il veut, mais Il confère à d’autres par Sa propre puissance le pouvoir de les faire, ce qui est impossible à un homme (Luc 9). Je cite tous ces faits comme confirmation des déclarations directes de l’Écriture disant qu’Il est Dieu, et ces faits ne s’accordent avec aucune autre doctrine. Chaque page des évangiles pourrait nous en fournir des exemples. Il vivifie qui Il veut (Jean 5, 21) ; cela peut-il se dire d’un simple homme, d’une créature ? L’Ancien Testament déclare que Jéhovah vient et que Son chemin est préparé, mais c’est Christ qui vient. Hébreux 12, 25, 26 montre d’une manière positive que Christ est le Jéhovah du mont Sinaï.

Je n’écris pas dans un esprit de controverse, et je vous prie de peser les passages cités. C’est le plus grand des encouragements, la plus puissante consolation, de savoir que Dieu est descendu vers nous et est devenu un homme — s’approchant aussi près de nous pour se révéler à nous. Je connais Dieu quand je connais Christ ; je trouve ainsi qu’Il est amour et grâce, et je ne puis Le connaître Lui-même d’aucune autre manière. Que le Seigneur de grâce vous donne de voir cela.

L’humanité de Christ

… Entrer dans des questions subtiles relativement à la personne de Jésus, tend à dessécher et à troubler l’âme, à détruire l’esprit d’adoration et les affections, et à y substituer des recherches épineuses, comme si l’esprit de l’homme pouvait trouver la manière dont l’humanité et la divinité de Jésus étaient unies l’une à l’autre. C’est dans ce sens qu’il est dit : « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ». Il est inutile de dire que je n’ai pas cette prétention. L’humanité de Jésus est hors de pair. C’était une humanité vraie et réelle, corps, âme, chair et sang, comme la nôtre, pour autant qu’il s’agit de la nature humaine. Mais Jésus est apparu dans des circonstances tout à fait différentes de celles où Adam se trouvait. Il vint expressément pour porter nos douleurs et nos langueurs. Adam n’en avait aucune à porter ; non que sa nature en elle-même en fût incapable, mais il n’était pas placé dans les circonstances qui les ont produites. Dieu l’avait mis dans une position inaccessible au mal physique, jusqu’à ce qu’il tombât dans le mal moral.

D’autre part, Dieu n’était pas en Adam. Dieu était en Christ au milieu de toute sorte de misères et d’afflictions, de fatigues et de souffrances, à travers lesquelles Il a passé selon la puissance de Dieu, et avec des pensées dont l’Esprit Saint était toujours la source, bien qu’elles fussent réellement humaines dans leurs sympathies. Adam avant la chute n’avait pas de peines ; Dieu n’était pas en lui, et l’Esprit Saint n’était pas la source de ses pensées. Après la chute, le péché était la source de ses pensées. Il n’en était jamais ainsi de Jésus.

Ensuite, Jésus est le fils de l’homme, Adam ne l’état pas. Mais en même temps, Jésus était né par la puissance divine, de sorte que la sainte chose née de Marie était appelée Fils de Dieu, ce qui n’est vrai d’aucun autre. Il est Christ-homme par Sa naissance, mais même comme homme, Il est né de Dieu, de sorte que l’état d’humanité en Lui n’est, ni ce qu’était Adam avant sa chute, ni ce qu’il est devenu après.

Ce n’est pas l’humanité qui a été changée en Adam par la chute, c’est l’état de l’humanité. Il était un homme aussi bien avant qu’après, aussi bien après qu’avant. Le péché est entré dans l’humanité qui est ainsi devenue étrangère à Dieu, séparée de Lui ; elle est sans Dieu dans le monde. Or Christ n’est pas tel. Il a toujours été parfaitement avec Dieu, sauf lorsque sur la croix, Il a souffert l’abandon de Dieu dans Son âme. La Parole est devenue chair. Dieu a été manifesté en chair. Agissant ainsi dans cette vraie humanité, Sa présence était incompatible avec le péché dans l’unité de la même personne.

La supposition qu’Adam avait l’immortalité en lui-même est erronée. Nulle créature ne la possède. Toute créature est soutenue par Dieu, qui « seul possède l’immortalité » d’une manière essentielle. Lorsqu’il ne plaît plus à Dieu de le soutenir dans ce monde, l’homme devient mortel et sa force s’épuise : en fait, selon les voies et la volonté de Dieu, il atteint l’âge de près de mille années quand Dieu le veut ainsi, et l’âge de soixante-dix, s’Il le trouve bon. Seulement Dieu a voulu que la vie se termine, que l’on meure tôt ou tard, depuis que le péché est entré, sauf pour ceux qui, vivant à la place de Jésus, seront transmués, parce que Jésus a vaincu la mort.

Or Dieu était en Christ, ce qui, sous ce rapport, a tout changé — non quant à la réalité de Son humanité, avec toutes ses affections, ses sentiments, ses besoins naturels d’âme et de corps ; tout cela était en Jésus et en conséquence était affecté par tout ce qui L’environnait, toutefois selon l’Esprit et à part le péché. Personne ne Lui ôte Sa vie ; Il la laisse de Lui-même, mais au moment voulu de Dieu. En fait Il est abandonné à l’effet de l’iniquité de l’homme, parce qu’Il était venu pour accomplir la volonté de Dieu. Il se laisse crucifier et tuer. Seulement au moment où Il remet Son esprit, Son esprit est en Sa main. Il ne fait aucun miracle pour empêcher le résultat du cruel supplice que l’homme employait pour Le faire mourir, aucun miracle pour garder Son humanité de ce résultat. Il n’emploie pas Sa divinité pour s’en mettre à l’abri, pour s’abriter Lui-même de la mort ; mais elle est employée pour ajouter à Sa mort toute sa valeur morale, et à Son obéissance toute sa perfection. Il n’opère aucun miracle pour ne pas mourir, mais Il opère un miracle en mourant. Il agit selon Ses droits divins en mourant, mais non en se garantissant Lui-même de la mort, car Il remet Son esprit à Son Père, aussitôt que tout est accompli.

La distinction de Son humanité n’est donc pas en ce qu’elle n’était pas réellement et pleinement celle de Marie, mais en ce qu’elle l’était par un acte de la puissance divine, de manière à l’être sans péché, et, de plus, qu’au lieu d’être séparé de Dieu dans Son âme, ainsi que l’est tout homme pécheur, Dieu était en Lui qui était de Dieu. Il pouvait dire : « J’ai soif », « mon âme est troublée », « mon cœur est fondu comme de la cire au-dedans de moi » ; mais Il pouvait dire aussi : « Le Fils de l’homme qui est dans le ciel », et, « avant qu’Abraham fût, je suis ». L’innocence d’Adam n’était pas Dieu manifesté en chair ; quant aux circonstances dans lesquelles son humanité se trouvait, il n’était pas l’homme soumis à toutes les conséquences du péché.

D’autre part, l’humanité de l’homme déchu était sous la puissance du péché, d’une volonté opposée à Dieu, de convoitises qui sont inimitié contre Lui. Christ vint pour faire la volonté de Dieu ; en Lui il n’y avait pas de péché. En Christ c’était une humanité où Dieu était, et non une humanité séparée de Dieu en elle-même. Ce n’était pas l’humanité au milieu des circonstances où Dieu avait placé l’homme lorsqu’il fut créé, mais l’humanité dans les circonstances où le péché avait placé l’homme, et cette humanité sans péché. Ce n’était pas l’homme innocent comme Adam là où le mal n’existait pas ; mais l’homme au milieu du mal. Ce n’était pas l’homme mauvais au milieu du mal, comme Adam déchu, mais l’homme parfait, parfait selon Dieu, au milieu du mal, Dieu manifesté en chair. C’était une humanité vraie, réelle, mais avec une âme ayant toujours les pensées que Dieu produit dans l’homme, et dans une absolue communion avec Dieu, sauf lorsqu’Il souffrit sur la croix, où Il dut, quant à la souffrance de Son âme, être abandonné de Dieu, mais plus parfait alors, quant à l’étendue de la perfection et au degré d’obéissance, que nulle autre part, parce qu’Il accomplissait la volonté de Dieu en face de la colère divine, au lieu de l’accomplir dans la joie de Sa communion ; c’est pourquoi Il demandait que cette coupe passât loin de Lui, ce qu’Il n’avait jamais demandé en aucune autre occasion. Il ne pouvait pas trouver Sa nourriture dans la colère de Dieu.

Notre précieux Sauveur était tout à fait et aussi réellement homme que je le suis, quant à l’idée simple et abstraite d’humanité, mais Il était sans péché, né miraculeusement par la puissance divine, et, en outre, Dieu manifesté en chair.

En ayant dit autant, je vous recommande maintenant de toute ma force, mon cher …, d’éviter de discuter et de définir la personne de notre précieux Sauveur. Vous y perdriez la saveur de Christ dans vos pensées, et vous trouveriez à la place la stérilité de l’esprit de l’homme dans les choses de Dieu et dans les affections qui leur appartiennent. C’est comme si quelqu’un disséquait le corps de son ami, au lieu de se nourrir de son caractère et de ses affections. J’ajoute que je suis si profondément convaincu de l’incapacité de l’homme pour pénétrer ce mystère, et qu’il est en dehors de l’enseignement de l’Esprit de chercher à définir comment la divinité et l’humanité sont unies en Jésus, que je suis tout prêt à supposer qu’avec le désir de l’éviter, je sois tombé dans ce danger, et qu’en y tombant, j’aie dit quelque chose de faux dans ce que je vous ai écrit. Que Christ soit réellement un homme, Fils de l’homme, dépendant de Dieu comme tel, et sans péché dans cet état de dépendance, réellement Dieu dans Son ineffable perfection, à cela je tiens, je l’espère, plus qu’à ma vie. Définir, c’est ce que je ne prétends pas. « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ». Si je trouve quelque chose qui affaiblisse l’une ou l’autre de ces vérités, ou qui déshonore ce qu’elles ont pour objet, je m’y opposerai, Dieu m’y appelant, de toutes mes forces.

Que Dieu vous donne de croire tout ce que la Parole enseigne à l’égard de Jésus ! C’est notre paix et notre nourriture de comprendre tout ce que l’Esprit nous donne à comprendre, et non pas de chercher à définir ce que Dieu ne nous appelle pas à définir, mais Il nous appelle à adorer d’un autre côté, à nous nourrir de l’autre, et à vivre de toute manière, selon la grâce de l’Esprit Saint.

Votre affectionné



  1. Publié partiellement dans le Messager Évangélique de 1888 et 1889.
  2. Voir le traité.
  3. Voir l’introduction complète.
  4. L’auteur fait allusion à ce passage d’un écrivain rationaliste : « Les affections spirituelles et les raisonnements métaphysiques nous défendent de borner des révélations telles que celles de Christ au premier demi-siècle de notre ère, et montrent qu’au moins des affinités de notre foi existaient dans les esprits des hommes avant le christianisme, et se sont répercutées comme d’écho en écho dans les cœurs vivants en plus d’une génération ».