Écho du Témoignage:Le nom de Jésus
Dans la foule de pensées intéressantes que réveille dans l’âme le nom de Jésus, il en est deux qui se présentent tout d’abord — celles de Sauveur et de Seigneur. Ces deux titres de Jésus sont presque inséparables, et nous les trouvons réunis, on pourrait presque dire nécessairement réunis, dans la prédication des apôtres. Ils sont aussi liés l’un à l’autre dans notre confession. La sainteté de la foi est conservée par leur maintien à l’unisson ; comme leur séparation pratique a pour résultat terrible la licence dans l’Église, menant à la licence dans le monde.
Le nom de Jésus fut donné sur la terre, et ensuite aussi dans le ciel. « Et quand huit jours furent accomplis pour le circoncire, son nom fut appelé Jésus, nom duquel il avait été appelé par l’ange, avant qu’il fût conçu dans le ventre ». Mais ce nom, ainsi donné sur la terre, est ratifié dans le ciel, là comme le nom suprême, après Son humiliation même jusqu’à la mort de la croix. « C’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou — des êtres célestes, et terrestres, et infernaux ; et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père ». Mais le nom de Jésus, avec tous les titres qui s’y rattachent, dépend pour son efficace d’un nom qui ne Lui est pas donné, mais qui Lui est essentiel, qui appartient à Sa nature. Le nom de « Fils unique » n’est pas un nom donné à Jésus, qu’Il ait reçu comme Lui ayant été accordé ; il est à Lui en vertu de Son essence. « Personne ne vit jamais Dieu ; le Fils unique, qui est au sein du Père, lui, l’a fait connaître ». — « Celui qui croit en lui, n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas, est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ». Quand ce nom d’essence fut révélé par le Père à Pierre, le Seigneur Jésus ne se borna pas à déclarer Pierre bienheureux pour la confession qu’il en avait faite ; mais Il se présenta Lui-même en tant que confessé sous ce titre, comme « la pierre vivante » sur laquelle l’Église serait fondée, L’Église est donc établie pour la confession de la gloire essentielle de la personne du Fils, aussi bien que pour la confession de tous les noms qui Lui ont été donnés, de tous Ses titres et de toutes Ses gloires.
Celui qui s’était fait connaître à Israël, en le délivrant de l’Égypte, sous le nom d’essence de Jéhovah, et avait fait de ce nom un nom spécial d’alliance pour exprimer la relation dans laquelle il entrait désormais avec Lui comme peuple, apparaît maintenant de nouveau au milieu de cette nation, en toute humilité et en toute grâce, rendant manifeste pourtant que c’était le même « bras de l’Éternel » qui avait « taillé en pièces Rahab et blessé le dragon » — « qui avait fait tarir la mer, les eaux du grand abîme, et réduit les lieux les plus profonds de la mer en un chemin afin que les rachetés y passassent ». C’est ainsi que Jésus visitait Israël, mais « Israël ne voulut pas de lui ». Que de fois Il avait voulu les rassembler comme une poule rassemble ses poussins, se levant de bon matin et leur envoyant des prophètes ; mais maintenant même Ses ouvertures les plus miséricordieuses, les plus tendres, sont rejetées. Il est là Lui-même, visible au milieu d’eux ; cependant ils ne croyaient pas en Lui. — Il pardonnait leurs péchés et guérissait leurs infirmités, cependant ils ne Le bénissaient pas. — Ils ne voulaient pas qu’Il régnât sur eux. — Ils virent, et ils haïrent Lui et Son Père.
Israël ne pouvait accepter d’autre Sauveur que Jéhovah Lui-même. Le Jésus qu’alors Pierre prêchait et que Saul blasphémait, était-Il Celui-là même qui parle ainsi ? — « Déclarez et faites approcher, et même qu’on consulte ensemble ; qui est-ce qui a fait entendre une telle chose dès longtemps auparavant ? Qui l’a déclarée dès lors ? N’est-ce pas moi, l’Éternel ? Or, il n’y a point d’autre Dieu que moi ; il n’y a point de Dieu fort, juste et sauveur que moi. Vous, tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés ; car je suis le Dieu fort, et il n’y en a point d’autre. J’ai juré par moi-même, et la parole est sortie en justice de ma bouche, et elle ne sera point révoquée, que tout genou se pliera devant moi, et que toute langue jurera par moi. Certainement on dira de moi : La justice et la force est en l’Éternel ; mais quiconque viendra contre lui sera honteux, et tous ceux qui seront indignés contre lui. Toute la postérité d’Israël sera justifiée, et elle se glorifiera en l’Éternel ».
Saul, le pharisien, avait nié autrefois que ce nom appartînt à Jésus, et cette dénégation le constitua « blasphémateur ». Mais le Seigneur de gloire lui apparut par le chemin, et il prêcha la foi qu’il détruisait auparavant.
C’est du Seigneur rejeté — Jésus de Nazareth — que les apôtres prêchèrent le nom comme de Celui qui avait puissance pour sauver et qui était le Seigneur légitime, l’homme glorifié. « Que toute la maison d’Israël sache donc certainement que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié ». C’est là proprement la gloire de médiateur ; mais nul ne pouvait « porter cette gloire », ni même se mettre en état de l’acquérir, excepté Celui à qui la gloire appartenait essentiellement, savoir : « Celui qui, étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu ». Israël avait rejeté « Dieu manifesté en chair ». On ne sut pas discerner la gloire de Son humiliation. Jésus est glorifié — « le second homme, le Seigneur (venu) du ciel », est reconnu maintenant comme le Seigneur, dans le ciel, et le temps viendra où Israël saluera Jésus en ces termes : « Voici, c’est notre Dieu ; nous l’avons attendu, aussi nous sauvera-t-il : c’est ici l’Éternel, nous l’avons attendu ; nous nous égaierons, et nous nous réjouirons en son salut ». Ou, comme Thomas, type d’Israël dans le dernier jour, qui croira seulement quand il verra, il L’accueillera par ce cri de repentance, d’adoration et de joie : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Un ancien oracle avait appris à Israël qu’il venait un jour grand et terrible, et qu’il y avait un seul moyen d’y échapper : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (Joël 2, 32 ; Act. 2, 21). Le témoignage de Pierre, après la Pentecôte, avait pour but d’identifier ce nom-là avec Jésus, de prouver la puissance du nom de Jésus comme Sauveur et Seigneur — Sauveur, parce qu’Il était le Seigneur, Sauveur pour tous ceux qui Le reconnaissaient comme Seigneur, jadis crucifié, mais maintenant glorifié. C’était là le grand point entre Pierre et les gouverneurs juifs. Ainsi, en Actes 3 : « Je n’ai ni argent ni or, mais ce que j’ai je te le donne : au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche ». La multitude pouvait bien dans son ignorance arrêter ses regards sur les instruments d’un pouvoir aussi bienfaisant ; mais cela ne servait qu’à faire ressortir plus pleinement le nom de Jésus. « Pourquoi avez-vous les yeux fixés sur nous, comme si nous avions fait marcher cet homme par notre puissance ou par notre piété ? Par la foi en son nom, son nom a raffermi cet homme que vous voyez et que vous connaissez ». Ce témoignage rendu au nom de Jésus cause du mécontentement. — Les apôtres sont traduits devant « les chefs, et les anciens, et les scribes », qui leur demandent : « Par quelle puissance ou par quel nom avez-vous fait ceci ? ». Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur répond : « Sachez, vous tous, et tout le peuple d’Israël, que ç’a été par ce nom de Jésus Christ le Nazaréen que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité d’entre les morts. Il n’y a point de salut en aucun autre ; car aussi, il n’y a point sous le ciel d’autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés ». Les chefs ne pouvaient nier le miracle opéré sur l’impotent à la belle porte du temple ; mais ils commandèrent aux apôtres de ne plus parler ni enseigner en aucune manière au nom de Jésus. Mais les apôtres étaient établis pour confesser la puissance à salut de ce nom, et ils crient au Seigneur pour qu’Il leur donne « d’annoncer ta parole avec toute hardiesse, en étendant ta main pour guérir et pour qu’il se fasse des miracles et des prodiges par le nom de ton saint serviteur Jésus ».
Cette controverse, entre les apôtres et les chefs juifs, sur le pouvoir actuel du nom de Jésus, se continue tout le long du quatrième et du cinquième chapitre des Actes des apôtres. « Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus que vous avez fait mourir, le pendant au bois. C’est lui que Dieu a exalté par sa droite pour être Prince et Sauveur, afin de donner la repentance à Israël et la rémission des péchés ; et nous sommes témoins de ces choses, ainsi que l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent ». Le Seigneur avait parlé durant Son ministère de ce double témoignage : « Mais quand le Consolateur sera venu, lequel je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, Celui-là rendra témoignage de moi. Et vous aussi vous rendrez témoignage, parce que, dès le commencement, vous êtes avec moi ». Les apôtres étaient d’inattaquables témoins des faits de la croix et de la résurrection de Jésus, ainsi que de Sa résurrection. — Témoins aussi dans l’expérience de leurs propres âmes, et par les actes mêmes dont ils étaient les instruments, de cette puissance actuelle du nom de Jésus, comme Sauveur et Seigneur ; et le Saint Esprit descendu du ciel était aussi, de Son côté, témoin de l’exaltation dans le ciel du même nom de Jésus en tant que Sauveur et Seigneur.
Avant l’appel du grand apôtre des Gentils, ce qui caractérisait les disciples, c’est qu’ils invoquaient le nom du Seigneur : le nom de « chrétien » n’était pas encore connu. Une certaine classe de Juifs en Judée, à Jérusalem, et dans des villes éloignées, étaient séparés de leurs frères par le fait qu’ils reconnaissaient Jésus comme Seigneur, et Lui rendaient culte en invoquant Son nom. C’est là ce qui les distinguait ; c’est là ce qui les sauvait « de la génération perverse ». Ananias répondit : « Seigneur, j’ai ouï parler à plusieurs de cet homme, combien de maux il a faits à tes saints dans Jérusalem ; et ici il a pouvoir de la part des principaux sacrificateurs de lier tous ceux qui invoquent ton nom ». Et quand Ananias va vers Saul, il lui parle en ces termes : « Le Seigneur Jésus qui t’est apparu dans le chemin par où tu venais m’a envoyé ». — « Mais Barnabas le prit (Saul), le mena aux apôtres, et leur raconta comment dans le chemin il avait vu le Seigneur qui lui avait parlé, et comment il avait parlé ouvertement à Damas au nom de Jésus ». Quand l’apôtre Paul parle de lui-même, c’est comme « mis à part pour l’évangile de Dieu, touchant son Fils Jésus Christ notre Seigneur, par lequel nous avons reçu grâce et apostolat pour l’obéissance de la foi parmi toutes les nations pour son nom ». Quand il écrit à d’autres, voici son langage : « À l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe, aux sanctifiés dans le Christ Jésus, saints appelés, avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre ». Ces passages font assez voir comment les caractères de Sauveur et de Seigneur sont inséparables dans le témoignage des apôtres à Jésus. Notre confession est ainsi conçue : « Si tu confesses le Seigneur Jésus de ta bouche et que tu croies dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car de cœur on croit à justice, et de bouche on fait confession à salut. Car l’Écriture dit : Quiconque croit en lui, ne sera point confus ». — « Car le même Seigneur de tous est riche envers tous ceux qui l’invoquent ; car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».
Notre confession se rapporte à la seigneurie de Jésus, aussi bien qu’au salut par Son nom. C’est notre bénédiction actuelle d’avoir été formés par Sa grâce à vouloir reconnaître Jésus comme Sauveur et Seigneur — et quelle misère est en réserve pour les incrédules, d’être obligés de confesser malgré eux que « Jésus Christ est Seigneur », lorsqu’ils ne Le reconnaîtront comme tel que pour entendre sortir de ses lèvres la sentence de jugement. Jésus est Seigneur de tous ; mais c’est dans une seigneurie d’une espèce toute particulière que l’Église Le reconnaît, quand elle Le confesse comme « notre Seigneur Jésus Christ ». Elle reconnaît par là le droit cher et précieux qu’Il a sur elle pour l’avoir sauvée. Il l’a « achetée à prix ». C’est là ce qui constitue Son nouveau droit de seigneurie. — L’Église Le confesse comme Seigneur de tous ; mais elle Le confesse aussi comme son Seigneur, le Seigneur qui l’a achetée, et elle déclare par là qu’elle ne s’appartient point, mais qu’elle est à Lui. Il est son Seigneur, et elle L’adore. C’est à ce titre, en outre de Son légitime droit à l’obéissance universelle, qu’Il réclame l’obéissance de l’Église : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements ». Quelle précieuse harmonie entre le double caractère de Sauveur et de Seigneur nous présente donc le nom de Jésus !
La séparation du salut qui est en Jésus d’avec la seigneurie qui Lui appartient, donne lieu à l’introduction de la forme du mal, la pire de toutes. Lorsque Jude eut à écrire aux disciples « du salut qui nous est commun », et à les exhorter instamment à combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints, il établit que le principe de la corruption se trouvait dans la séparation du salut d’avec la seigneurie — forme du mal parfaitement appropriée à la corruption et à l’égoïsme de l’homme. « La grâce de notre Dieu était changée en dissolution », et on reniait la divinité et la seigneurie de notre Seigneur Jésus Christ ; et par ce moyen, le mépris de toute autorité s’introduisait même dans le monde.
La confession que l’Église fait de Jésus comme Sauveur et Seigneur trouve, de la manière la plus heureuse, son illustration dans la réunion des disciples venant dans un même lieu pour manger ensemble la cène du Seigneur. L’Église reconnaît Jésus comme un Sauveur actuel, et comme un Seigneur actuel, cela répond tout à fait à la constitution même de l’Église ; car c’est le Seigneur qui ajoute à l’Église ceux qui sont sauvés. Il sauve, et en qualité de Seigneur Il ajoute à l’Église ; car Il est Seigneur de l’Église, et dans l’Église. Il est « Seigneur de tous », quoique le monde ne Le connaisse point ; mais l’Église reconnaît que « toute autorité Lui est donnée au ciel et sur la terre ». Le titre qu’ont « les sauvés » pour se réunir ensemble, consiste dans le nom de Jésus — le même nom constitue leur titre à agir, et quand ils agissent ainsi, ils reconnaissent d’une manière pratique que toute autorité sur la terre, aussi bien que dans le ciel, est donnée à Jésus. Ils agissent, en tant qu’ainsi associés en ce nom, aussi véritablement que les juges et les magistrats agissent au nom du souverain qui leur a délégué son pouvoir.
L’idée de se réunir « simplement comme chrétiens » est souvent très pauvre et défectueuse, et semble presque donner l’air à quelques chrétiens assemblés sur le principe social de se tenir sur le même terrain que l’Église dans ses actes publics les plus solennels. Il a plu au Seigneur, car Son nom est « miséricordieux », de nous laisser la liberté sous bien des rapports. Il ne veut pas exiger, car Il aime « celui qui donne joyeusement », et Il s’est plu à nous dire : « Si elle fût demeurée non vendue, ne te demeurait-elle pas ? ». Il ne nous a pas imposé des restrictions sévères quant aux rapports sociaux, parce qu’Il voulait donner lieu chez nous à l’exercice du sens spirituel et de la charité : « Si quelqu’un des incrédules vous convie et que vous vouliez aller ». Ce n’était qu’un disciple seulement qui « s’appuyait sur le sein de Jésus », montrant ainsi par son propre exemple qu’il nous est permis d’avoir, comme chrétiens, nos relations intimes et nos amitiés particulières. Le principe social est, à la vérité, très prononcé dans l’Église ; mais il s’y trouve balancé par deux autres, l’un d’une importance égale, et l’autre d’une importance supérieure, savoir : la liberté et la conscience ; de telle sorte qu’il peut y avoir responsabilité individuelle directe par rapport au Seigneur,
Quand l’homme forme une association, il a pour but de tout centraliser ; de sorte que la liberté et la conscience sont également méprisées. Si on introduit dans l’Église un élément humain pareil, nécessairement il rend l’Église irresponsable. Mais le principe social dans l’Église implique nécessairement la responsabilité, vis-à-vis du Seigneur, tant du corps que de l’individu, parce qu’elle est associée et qu’elle agit au nom du Seigneur. Lorsque les disciples s’assemblent pour rompre le pain, c’est autour de la table du Seigneur qu’ils sont assemblés, c’est la cène du Seigneur qu’ils mangent ensemble, c’est la mort du Seigneur qu’ils annoncent jusqu’à ce qu’Il vienne. Notre droit pour le faire, c’est que nous sommes de la famille du Seigneur ; mais alors le droit du Seigneur doit être reconnu. C’est le Seigneur qui invite les hôtes, dresse la table et ordonne la fête. Cela n’est point laissé à la discrétion des hôtes ; et nous devons le reconnaître d’une manière toute spéciale, car le Saint Esprit a soigneusement fait écrire pour notre instruction que, faute par les saints de maintenir l’ordre de la table, le Seigneur est intervenu par des jugements, afin de châtier (1 Cor. 11). Nous réunir pour la cène du Seigneur sur notre droit comme sauvés par le sang de l’Agneau, sans reconnaître le droit de Jésus à être obéi comme Seigneur, nous placerait aussitôt sur la pente du précipice décrit en Jude d’une manière effrayante ; et la négligence de la discipline dans l’Église ouvrirait ainsi la voie à l’indépendance dans le monde.
Le Seigneur a trouvé bon de faire de l’Église Sa cour, comme l’institution dans laquelle maintenant Il préside en jugement. L’Église est actuellement la seule sphère dans laquelle le jugement est exercé. Ceux « de dedans » deviennent justiciables du jugement, tandis que pour ce qui regarde le monde, son jugement est encore futur. Les saints maintenant assemblés, ceux qui ont traité alliance avec Dieu sur le sacrifice, sont ceux parmi lesquels Il agit à présent comme juge. « Dieu est le juge » (Ps. 50). « Le Seigneur ajoute à l’Église les sauvés ». Et lorsque l’Église, agissant non pas dans le caractère d’infaillibilité du Seigneur, mais selon la mesure de son discernement spirituel, accrédite quelqu’un comme sauvé par la grâce du Seigneur Jésus, elle le reçoit parce que Christ l’a reçu, quelle que sa vie ait pu être antérieurement. Il est possible qu’il y ait hésitation, comme cela arriva dans le cas de Saul à Jérusalem : on ne croyait pas qu’il fût disciple. « Mais Barnabas le prit et le mena aux apôtres, et leur raconta comment dans le chemin il avait vu le Seigneur : et il était avec eux à Jérusalem, allant et venant ». Sous ce rapport, l’Église, en agissant simplement en grâce, répond à la grâce du Seigneur Jésus Christ. Mais l’acte de la grâce par lequel une personne avait été amenée du monde (« ceux de dehors ») à l’Église (« ceux de dedans »), plaçait en même temps la personne ainsi amenée dans une position où elle était justiciable du jugement. De telle sorte que lorsque un homme allait d’une ville à une autre, il devait porter, pour ainsi dire, ses lettres de crédit avec lui. « Et comme il (Apollos) se proposait de passer en Achaïe, les frères écrivirent aux disciples et les exhortèrent à le recevoir ». C’est ainsi heureusement que se conservait l’unité du corps. Un Juif, un natif d’Alexandrie en Afrique, qui avait reçu les premiers éléments de la connaissance de Christ par le baptême de Jean, vient à Éphèse en Asie, et là est instruit d’une manière plus parfaite « dans la voie du Seigneur » par un chrétien, simple particulier, et par sa femme ; il passe ensuite en Achaïe, en Europe, et là « contribua beaucoup par la grâce à l’avancement de ceux qui avaient cru ».
Les circonstances en elles-mêmes auraient empêché qu’il s’établît ainsi des rapports, ou plutôt en aurait rendu nulle la pensée même ; mais il y avait en activité un pouvoir supérieur aux circonstances — car « l’unité de l’Esprit » est indépendante des circonstances, et a pour base et pour moyen de se maintenir ce qui est essentiel : un seul corps et un seul Esprit, une seule espérance de votre vocation, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous. Nous ne devons pas nous étonner des difficultés que rencontre la conservation d’une unité à laquelle toutes les circonstances sont contraires, et qui ne peut se maintenir que par une foi vivante à ce qui ne se voit point. Les sources de discorde dans l’Église primitive furent à la fois d’origine juive et d’origine gentile. Mais les apôtres désignent également ces deux formes d’erreur par un seul et même terme, celui de « rudiments ou éléments du monde » (voir Gal. 4, 3-4 ; Col. 2, 8-20). Toute l’histoire de l’Église présente les mêmes sources de discorde. Il y a eu toujours la double tendance à retourner à la loi dans son principe, comme à la règle tant de la conduite que du culte des saints, et à demander à la sagesse humaine l’exposition et l’explication de la révélation divine. L’une et l’autre de ces tendances ont été, dans une grande variété de formes, subversives de l’unité de l’Esprit, car l’unité de l’Esprit ne peut être maintenue que par une sainte jalousie pour ce qui est essentiel, au lieu d’un esprit ardent de contention pour ce qui est accessoire. C’est le reniement de « notre très sainte foi » qui mène à la dernière forme du mal, laquelle à son tour fait éclater le prompt jugement de Dieu. Un trait particulier de l’enseignement apostolique, c’est l’avertissement qu’il nous donne sur le danger que court la foi, d’être corrompue de divers côtés. C’était une grande chose pour un apôtre de pouvoir dire : « J’ai combattu le bon combat, j’ai gardé la foi ».
Tout chrétien qui réfléchit a sans doute pensé plus d’une fois à la difficulté extrême qu’il y a à marcher comme il est convenable aux saints, maintenant qu’il existe, établi et reconnu, un grand corps professant qui s’arroge tous les droits de l’Église de Dieu. Ce corps a été formé par l’Église, quand elle a reçu dans son sein « les éléments du monde », et par le monde, quand il a employé à ses propres fins tout ce qui était utile dans l’Église, « estimant que la piété est un moyen de gagner ». Il en est résulté que l’idée même de ce qui constitue l’essence de l’Église a été perdue, et que, sous le rapport moral, le ton du monde s’est élevé, et de cette manière une justice de convention, en d’autres termes, l’opinion publique, a sur la formation de nos pensées et de nos jugements une influence immense, contre laquelle on n’est point en garde. Il est donc facile de comprendre que dans tout réveil opéré dans l’Église, c’est-à-dire lorsque, en un temps quelconque, au milieu du déclin général, l’action spéciale du Saint Esprit en a ramené plusieurs aux principes essentiels de l’Église, ces personnes ont dû nécessairement découvrir l’immense différence qu’il y a entre la mesure de convention du corps professant et « la justice et la vraie sainteté ». Cette justice et cette sainteté sont selon la connaissance de la vérité, et on trouvera non seulement qu’elles sont infiniment au-dessus du type de convention, mais que souvent elles lui sont opposées ; de telle manière que ceux qui suivent cette mesure seront regardés comme des gens qui troublent Israël. Tel est le jugement porté par le grand nombre sur le petit nombre, toutes les fois que, par l’énergie de Son Esprit, Dieu a troublé en quelque manière l’ordre accoutumé du monde, fût-ce même le monde religieux. On ne tolère jamais que Dieu se mêle de quoi que ce soit que l’homme a pu arranger.
Toutes les fois que, par l’efficace de la vérité reçue dans l’âme par l’enseignement de l’Esprit, les chrétiens ont été amenés « à vivre dans ce présent siècle sobrement, justement et pieusement », ils ont toujours été exposés au danger de laisser prendre, à l’opposition à une religion de formes, la place de la foi, et par suite de recourir aux armes charnelles ; ou bien, d’un autre côté, à celui d’affirmer comme principe l’indépendance à l’égard de l’opinion, au lieu de la faire résulter de la foi réelle en Dieu. Tout cela conduira certainement à des inconséquences qui feront mal parler de la vérité, de sorte que les saints retourneront de nouveau en arrière pour le maintien de leur caractère propre, et perdront ainsi tout à fait de vue la puissance même qui amenait la bénédiction. Ce n’est plus la foi exercée sur les choses essentielles qui se trouvent en Christ Jésus, et conduisant à une marche céleste et à une miséricordieuse séparation d’avec le monde ; mais ce sont les saints tout occupés de leur caractère et de leur crédit devant les hommes, et ramenés de nouveau par là, sans qu’ils en aient conscience, au type conventionnel de la justice. C’est la vieille erreur de commencer « par l’esprit et chercher à achever par la chair ». Cela seul explique la tendance constante des chrétiens à séparer la foi et les mœurs, et après les avoir ainsi séparés, quoiqu’elles soient véritablement inséparables, à être plus jaloux de la pureté des mœurs que de la pureté de la foi.
Il y a dans le corps professant une mesure de mœurs accréditée ; mais la mesure du sanctuaire où l’on voit toute chose selon Dieu n’est connue que de ceux qui ont l’Esprit. Dans le sanctuaire, nous apprenons à la fois la cause du déclin et son remède. Et si on la juge là, on trouvera que l’altération dans les mœurs trouve son point de départ dans le fait qu’on s’est écarté de la foi ; et le remède consiste à ramener l’âme au Seigneur lui-même. Lui donner la place qui lui est due, et revendiquer son honneur dans les choses dans lesquelles Il a été déshonoré, voilà ce qui produira une conduite pieuse. Si les saints deviennent pour eux-mêmes leur propre objet, de telle sorte que leur caractère à eux constitue leur préoccupation, on trouvera invariablement que toutes choses se mesurent d’après le type de convention ; et ainsi la voie est insidieusement préparée à la forme du mal la pire de toutes, l’unité des chrétiens entre eux, même aux dépens de l’honneur du Seigneur Jésus Christ. Nous avons vu le résultat dans l’histoire passée de l’Église : une unité qui n’a absolument rien de ce qui constitue essentiellement l’unité de l’Esprit — unité dans la forme, non dans l’efficace ; unité dans la mort, non dans la vie ; unité que la confession de Christ, comme seul Sauveur et seul Seigneur, sapait nécessairement. L’Église est proprement « la colonne et le soutien de la vérité » ; elle est fondée sur la vérité, et établie pour confesser la vérité, et sa confession est relative à Jésus en tant que « la vérité », et à Lui tout spécialement comme Sauveur et Seigneur.
Mais on peut demander s’il est possible aux chrétiens d’agir d’après les principes de l’Église, l’Église étant déchirée, comme elle l’est, par des divisions au-dedans et identifiée, comme elle l’est, avec le monde. Les chrétiens peuvent-ils entreprendre d’agir sur d’autres principes que celui de la fidélité individuelle ? Ne faut-il pas abandonner comme sans espérance la tentative d’exercer une pieuse discipline, quelque désirable qu’elle soit, par la raison que le pouvoir écrasant des circonstances rend les chrétiens incapables d’agir en corps, à moins d’agir dans l’esprit de secte ? Ces choses sont-elles ainsi ?
Nous savons que les chrétiens s’assemblent. Cette réunion est-elle donc simplement une association volontaire de leur part, ou bien est-elle au nom du Seigneur ? Ils ne sont point disposés à abandonner la cène du Seigneur, qui de sa nature est un acte social. Le Seigneur a dressé une table non pas pour le saint individuellement, mais pour les saints collectivement. « Et comme ils mangeaient, Jésus prit le pain, et ayant béni, il le rompit, et le donna à ses disciples, et dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Et ayant pris la coupe, et rendu grâces, il la leur donna, disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour plusieurs en rémission de péchés ». — « Et le premier jour de la semaine, lorsque nous étions assemblés pour rompre le pain ». Que plus d’un croyant ait reçu de la bénédiction pour son âme en usant de la cène du Seigneur comme d’un moyen d’entretenir et de développer sa communion individuelle, c’est une chose très vraie, mais qui n’est point un argument valable contre le caractère social de l’institution. Or, à moins que les chrétiens soient prêts à dire que lorsqu’ils s’assemblent dans un même lieu, ce n’est point pour manger la cène du Seigneur, mais qu’il s’agit tout simplement d’un arrangement bienséant qu’ils ont pris d’eux-mêmes, ils sont obligés de reconnaître qu’en s’assemblant ainsi, ils agissent avec la pleine sanction du nom et de l’autorité du Seigneur Jésus Christ : et dans ses temps les meilleurs et les plus prospères, l’Église n’avait effectivement, pour ses réunions, que la sanction du même pouvoir et de la même autorité. Et s’assemblant en ce nom, les chrétiens pouvaient aussi agir en ce nom-là.
Béni soit Dieu pour Sa grâce si riche de compassion. Nous ne sommes point laissés à l’alternative ou d’abandonner nos bénédictions comme saints, ou d’agir « chacun comme il lui semble bon ». — « Toutes choses sont possibles à celui qui croit ». Les circonstances peuvent changer, mais nos bénédictions essentielles demeurent intactes, parce qu’elles ne sont point laissées à notre garde. Nous avons le même Seigneur ; et s’Il s’est retiré plus loin du camp, la foi peut Le trouver. Il est vrai que lorsque la corruption a commencé, la parole nous est individuellement adressée : « Que celui qui a des oreilles écoute » ; et sans aucun doute cela annule toute attente d’une réformation qui embrasserait le corps comme tel, et met en activité la foi individuelle, sans qu’on doive attendre pour agir d’avoir des associés. Mais l’obéissance individuelle mène vite et nécessairement à l’union, parce que les individus sont conduits au même objet. Si Moïse découvrit par la foi que le Seigneur ne pouvait plus se trouver dans le camp où le veau d’or avait été fait et adoré, et si, en conséquence, « il dressa le tabernacle hors du camp, loin du camp », non seulement Moïse trouva là des relations particulières avec Jéhovah, mais « tous ceux qui cherchaient l’Éternel sortaient vers le tabernacle d’assignation qui était hors du camp ». C’était, certes, le tabernacle d’assignation — le lieu où chaque fidèle israélite cherchait le Seigneur, et le lieu où les fidèles se rencontraient les uns les autres.
Un objet commun nécessairement associe ; et si cet objet est le Seigneur Jésus Christ, l’association formée autour de Lui sera une association sainte. Si on confesse Son nom, qu’on Le reconnaisse dans la gloire de Sa personne et dans tous les titres, tous les droits, qui Lui furent refusés aux jours de Sa chair, et qu’on Le reconnaisse d’une manière pratique dans tout ce qui Lui est virtuellement refusé aujourd’hui par la chrétienté corrompue, alors si une confession telle amène une association, c’est une association formée sur la même base que celle sur laquelle est établie l’Église ; et, en conséquence, une telle association peut agir comme agirait l’Église, en toute liberté. La seule autorité et la seule garantie que l’on eût pour agir dans l’Église quand elle se trouvait sans divisions et dans l’unité, consistaient dans le nom de Jésus ; et au milieu de la ruine et de la corruption, la plus faible minorité possible trouve, dans la foi au même nom, sa garantie et son autorité pour tout ce qui se présente à faire.
Nous reconnaissons la compétence à agir de l’église de Corinthe ; mais voici ce qui constituait seul la force de sa capacité pour agir : « Vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus Christ, au nom de notre Seigneur Jésus Christ ». Les Corinthiens ne pouvaient pas agir en leur propre nom, ils ne pouvaient pas agir simplement comme des croyants associés ensemble ; ils ne pouvaient le faire que comme des croyants associés ensemble au nom de notre Seigneur Jésus Christ. La présence de l’apôtre n’était pas nécessaire pour donner force à leur action. Il était présent avec eux en esprit sur le même commun fondement que tout autre croyant, à cause de l’unité de l’Esprit. Il est très possible que le souvenir de ce cas a été conservé pour montrer le caractère de l’ordre et de la discipline de la maison de Dieu. L’apôtre leur disait avec autorité de maintenir l’ordre dans la maison de Dieu, mais ce ne devait pas être son action, à lui, mais la leur, au nom du Seigneur Jésus Christ. De même aussi, quand il eut à réveiller leur compassion pour le pécheur repentant, comme il avait eu auparavant à enflammer leur indignation contre un si affreux péché : « C’est assez pour un tel homme, leur dit-il, de cette punition qui lui a été faite par la plupart d’entre vous ; de sorte qu’au contraire, vous devriez plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu’un tel homme ne soit accablé par une tristesse excessive. C’est pourquoi je vous exhorte de ratifier envers lui votre amour ; car c’est aussi pour cela que je vous ai écrit, afin que je connaisse, à l’épreuve, si vous êtes obéissants en toutes choses. Or, à celui à qui vous pardonnez quelque chose, moi aussi je pardonne ; car, moi aussi, ce que j’ai pardonné, si j’ai pardonné quelque chose, je l’ai fait à cause de vous dans la personne de Christ, afin que nous ne soyons pas circonvenus par Satan, car nous n’ignorons pas ses desseins ». Ici, l’action de l’apôtre suivait celle de l’église de Corinthe. Les Corinthiens agissaient, et il ratifiait leur acte dans la personne de Christ, illustrant ainsi l’ordre établi par le Seigneur dans l’Église — que serait lié et délié dans le ciel ce qui aurait été lié et délié sur la terre. La source de l’action de l’Église sur la terre doit découler de la grâce réellement fournie, quoique d’une manière secrète, de la plénitude de la Tête de l’Église dans le ciel ; mais quant à l’action en discipline elle-même, elle se trouve d’abord dans l’Église sur la terre, et ensuite elle est ratifiée dans le ciel. Ce n’était ni l’autorité d’un apôtre, ni quelque éventualité du jugement du pécheur, qui donnait force à l’acte, mais le nom de Celui au nom duquel l’acte s’accomplissait. Si, dans le cas de l’incestueux de Corinthe, la sentence de l’Église fut suivie d’une douloureuse maladie corporelle qui fut guérie lors de l’annulation de la sentence, cela ne prouve pas plus qu’une pareille sentence doive être suivie de conséquences semblables, qu’il n’est nécessaire que le pouvoir vivifiant, par lequel le Saint Esprit donne la foi de nos jours à un paralytique, soit suivi de la communication de la vitalité à ses membres. Notre bénédiction est de ne pas voir, et cependant de croire.
La seigneurie actuelle de Jésus, méconnue du monde, est ce que le Saint Esprit nous rend capables de confesser — car nul ne peut appeler Jésus, Seigneur, si ce n’est par le Saint Esprit. Jésus est présent dans l’Église par le Saint Esprit, l’autre Consolateur. Si donc les croyants prennent la promesse du Seigneur, dans le sentiment réel de leur faiblesse, comme leur seul titre à prier en union, et leur seule garantie pour attendre une réponse à leurs prières ; si ce qui leur donne de la confiance, c’est non pas la manifestation extérieure de la puissance, mais bien la vie que leur communique la tête vivante, et l’autorité souveraine de ce nom dans lequel leurs prières sont offertes ; si les cœurs des plus faibles de ces quelques-uns sont réchauffés et encouragés par la miséricordieuse promesse : « Je vous dis encore que si deux d’entre vous sont d’accord sur la terre pour une chose quelconque, quelle que soit la chose qu’ils demanderont, elle leur sera faite par mon Père qui est aux cieux ; car où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » ; quand même la portée de cette promesse descend au point même où l’individualité finit et l’association commence, car c’est aussi bas que l’a fait descendre le miséricordieux Seigneur — alors l’Église du Dieu vivant possède encore le pouvoir de la discipline, parce que son action est valide sur le fondement même que la prière en commun est acceptable et exaucée. « Où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux ».
Nier le pouvoir d’exercer la discipline par la raison que l’Église est toute dispersée et disjointe, sans manifestation soit de puissance, soit d’unité, c’est renier nous-mêmes par le semblable motif le privilège de rendre culte en commun. Mais, béni soit Dieu ! le nom de Jésus possède la même efficace qu’il ait jamais eue. Par un effet de Sa grâce, nous regardons à ce nom seul pour le salut ; ce nom fait à la fois la sanction et la joie de toute assemblée de saints, qu’elle soit grande ou petite ; sûrement donc, la foi dans le même nom rendra les saints capables d’agir de manière à maintenir la pureté de la foi jadis enseignée aux saints, et la sainteté qui convient à la maison du Seigneur. Ce n’est point la pensée de l’autorité, mais une vive conscience pour l’honneur de Christ qui conduit à la discipline. L’association tend naturellement à amortir la conscience, et l’apôtre eut à réveiller la conscience endormie des Corinthiens ; quand cela fut fait, la discipline ne fut que l’état de santé de la vie spirituelle. Ils furent plus irrités contre eux-mêmes pour la manière dont ils s’étaient montrés insensibles à l’honneur de Christ, que contre celui qui avait fait le tort (2 Cor. 7, 11).
La reconnaissance de la seigneurie de Jésus, agissant présentement avec autorité par le Saint Esprit dans l’Église, peut seule établir d’une manière pratique une assemblée de chrétiens sur la base qui convient à l’action de l’Église. Dans la mesure dans laquelle ils sont assemblés pour le confesser fidèlement, dans la même mesure en principe, ils tiennent la place de « colonne et appui de la vérité » ; et un trait caractéristique sûr, c’est une sainte jalousie pour la conservation de la saine doctrine (1 Tim. 3, 15-16 ; 4, 1).
Il est possible que des chrétiens s’assemblent par convention volontaire, même quoique ce soit dans un même lieu et pour la cène du Seigneur ; néanmoins, cette parole leur est applicable. « Quand donc vous vous réunissez tous ensemble, ce n’est pas manger la cène du Seigneur ». Ils se réunissaient sans la considération convenable pour Jésus, comme Celui qui pourvoyait au repas et qui réglait l’ordre de la table. Si Salomon put établir dans tous les départements de sa maison un ordre tel que, lorsque son hôte illustre vit « les mets de sa table, le logement de ses serviteurs, l’ordre du service de ses officiers, elle fut ravie en elle-même », certainement Celui qui est plus grand que Salomon doit être reconnu comme seul compétent pour arranger l’ordre de Sa table. Nous nous réunissons à « la table du Seigneur » pour manger « la cène du Seigneur », et pour annoncer les uns aux autres, ainsi qu’aux étrangers qui peuvent être spectateurs, « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ».
La connexion du ministère avec le nom de Jésus peut aussi être très convenablement signalée. « Il y a diversité de services et le même Seigneur ». Tout don de l’Esprit implique nécessairement une responsabilité directe à l’égard du Seigneur pour l’usage qu’on en fait, parce que c’est un don de service qui met celui qui l’a reçu dans la position de serviteur d’un commun Seigneur, et aussi en grâce (c’est-à-dire sans aucun droit de leur part) de serviteur pour les saints, et même pour le monde. « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais nous prêchons le Christ Jésus comme le Seigneur, et nous-mêmes comme vos esclaves pour l’amour de Jésus ». — « Étant libre à l’égard de tous, je me suis asservi à tous ». On peut recueillir, des propres instructions de Jésus, combien il est important de reconnaître Sa seigneurie dans le ministère. Lorsqu’Il quitta ce monde, le soin et l’ordre de Sa maison furent en grande mesure confiés à Ses serviteurs, mais à Ses serviteurs attendant Son retour à toute heure. Son serviteur devait avoir pour caractère de Lui être « fidèle » et d’être « prudent », pour donner aux domestiques de Sa maison leur nourriture dans le temps qu’il faut. Le danger pour les serviteurs était de nourrir la pensée que le Seigneur ne pouvait pas venir à toute heure, et ainsi de traiter la maison comme si eux-mêmes étaient établis seigneurs sur elle. L’histoire de la chrétienté, sous le rapport des usurpations et de la domination cléricales, n’est que la vérification trop fidèle du tableau du méchant serviteur que le Seigneur a tracé. Comme « les fidèles et prudents serviteurs » Pierre et Paul rendent témoignage contre cette usurpation — « non comme dominant sur des héritages » — « non que nous dominions sur votre foi, mais nous coopérons à votre joie ; car c’est par la foi que vous êtes debout ». C’est ainsi que « le fidèle serviteur » n’interposa jamais son autorité de manière à soustraire le saint à sa responsabilité directe vis-à-vis du Seigneur Lui-même.
Dans la parabole relative à la répartition de différents talents entre les serviteurs, « selon leur capacité directe », c’est au Seigneur Lui-même qu’il est rendu compte à Son retour. « Seigneur, tu m’as remis cinq talents ». Ce sont les talents avec lesquels il faut trafiquer pour Lui. Le serviteur n’était ni maître de la maison, ni le serviteur de la maison ; s’il eût agi dans l’un ou l’autre de ces caractères, il n’eût pas été un serviteur fidèle et responsable du Maître même de la maison. Il doit confesser le Seigneur de la maison, dans la maison elle-même, en s’y comportant selon les directions du Seigneur. Aussi le serviteur à qui il avait été confié un talent devient-il justiciable du Seigneur, de la même manière que tout autre membre de la maison. Il n’y a pas de ministère, de quelque nature qu’il puisse être, qui soit au-dessus du nom du Seigneur Lui-même, et dans lequel Il revêt l’Église du pouvoir d’agir collectivement. C’est pourquoi, de même que personne, comme serviteur du Seigneur, ne tire son autorité de l’Église, mais du Seigneur Lui-même, par quoi il est placé dans une responsabilité immédiate et directe à l’égard du Seigneur — il doit cependant reconnaître le droit du Seigneur, dans l’Église réunie en Son nom, puisque son service spécial dans la maison ne l’exempte pas de l’ordre commun de la maison sur laquelle le Seigneur Lui-même a l’autorité souveraine.
La reconnaissance de la seigneurie de Jésus par rapport au ministère n’est pas seulement la sauvegarde contre la domination cléricale, mais elle l’est aussi contre le danger aussi grave de s’appuyer sur l’autorité humaine. Le Seigneur Jésus Lui-même fut mis au défi quant à l’autorité en vertu de laquelle Il agissait. Il n’avait pas de lettres de créance humaines à produire ; mais Ses œuvres, Ses paroles et Ses voies attestaient également Sa mission divine. Le Seigneur répondit au défi des pharisiens en faisant appel à leur conscience au sujet du baptême de Jean. L’autorité divine rend son attestation à la conscience. Celui qui a conscience de posséder une autorité divine ne la laissera pas refouler par une autorité d’homme, parce que l’admission d’une autorité semblable implique nécessairement une responsabilité à son égard, et qu’ainsi elle voudrait s’immiscer directement dans l’emploi du talent, comme talent du Seigneur. Si deux sources d’autorité sont considérées comme coordonnées — l’une provenant de Dieu, et l’autre de l’homme — l’expérience a prouvé, comme dans le cas de l’Écriture et de la tradition, un don spirituel et une ordonnance humaine, que l’autorité de l’homme a pris le pas sur celle de Dieu, et par suite la seigneurie de Jésus a été mise virtuellement de côté. Le principe, en vertu duquel on n’est pas serviteurs des hommes, est très opposé à celui en vertu duquel chacun fait ce qui lui semble bon. « Vous avez été achetés à prix » — vous appartenez à un autre Maître, savoir, au Seigneur Jésus — c’est pourquoi « ne devenez pas esclaves des hommes ».
De plus, la reconnaissance de la seigneurie de Jésus dans le ministère, est la sauvegarde contre la tentation de trafiquer du talent pour l’avantage de l’individu à qui il a été confié, au lieu de chercher par son moyen à avancer l’honneur du Seigneur. « À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue de l’utilité » — non pour son profit particulier, ni pour son élévation personnelle, mais pour l’utilité commune. C’est le talent du Seigneur. « Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’un homme soit trouvé fidèle ». Quelque élevé qu’il fût officiellement comme apôtre, quelque accrédité qu’il fût par des miracles en qualité d’apôtre, pourtant, eu égard au ministère, il ne pouvait que prendre la position d’un serviteur responsable dans l’usage du talent qui lui avait été confié. Lorsque d’autres le considéraient, lui ou d’autres, comme ayant autorité, ou comme n’étant pas responsables, il demande : « Qui donc est Paul, et qui Apollos ? Des serviteurs par lesquels vous avez cru, et comme le Seigneur a donné à chacun d’eux ». Le Seigneur employait soit Paul, soit Apollos, d’une manière différente sans doute, mais dans un même caractère de responsabilité envers Lui ; et ils étaient employés par le Seigneur en ce qu’ils doivent avoir considéré l’un et l’autre comme de beaucoup plus grande importance qu’eux-mêmes individuellement. « Nous sommes collaborateurs de Dieu ; vous êtes le labourage de Dieu, l’édifice de Dieu ». Leur plus grand honneur, comme compagnons d’œuvre, était d’être employés à cultiver ou à bâtir ce qui appartenait à Dieu. Leur plus grand honneur comme individus était de faire eux-mêmes partie du labourage, partie du bâtiment de Dieu.
Si les saints, individuellement ou collectivement, ne pensaient qu’à magnifier le nom du Seigneur, que d’innombrables difficultés seraient évitées !
Dans le nom de Jésus, nous trouvons le salut ; dans le même nom, nous trouvons la puissance pour agir. Ce nom seul nous garde de la volonté propre. Le nom de Jésus rendra le plus timide et le plus réservé, hardi et énergique, lorsqu’il sera sûr d’agir seulement en ce nom. Et il a puissance pour contenir l’homme ardent et volontaire qui voudrait substituer l’influence humaine à l’autorité divine. Sûrement, nous avons lieu de dire : « Le Seigneur est bon ; il est un fort rempart au jour de la détresse, et il connaît ceux qui se confient en lui ».