Traité:La justice sans les œuvres
Hymne de David.
Bienheureux celui de qui la transgression est pardonnée et dont le péché est couvert ; bienheureux est l’homme à qui l’Éternel n’impute point son iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude !
Quand je me suis tu, mes os se sont consumés par mon rugissement tout le jour ; car nuit et jour ta main pesait sur moi, et la sève de ma vie séchait comme aux ardeurs d’été. Je t’ai fait connaître mon péché et ne t’ai point caché mon iniquité ; j’ai dit : Je confesserai mes transgressions à l’Éternel, et tu as pardonné l’iniquité de mon péché. (Pause)
C’est pourquoi tout fidèle te priera dans le temps où on (te) trouve ! Certes, en un débordement de grandes eaux, elles ne l’atteindront point. Tu es mon asile, tu me gardes de détresse et tu m’entoures de chants de délivrance. (Pause)
Je t’instruirai et te montrerai la voie qu’il te faut suivre : je te guiderai de mon œil. Ne soyez pas comme le cheval et le mulet dépourvus d’intelligence, qui, sans la bride et le mors du frein qui les dompte, ne s’approcheraient point. Plusieurs angoisses sont pour le méchant, mais la grâce environne celui qui se confie en l’Éternel. Justes, égayez-vous et vous réjouissez en l’Éternel ; chantez de joie, vous tous qui êtes droits de cœur !
Plus l’on avance dans l’étroit sentier qui mène à la vie, plus les premières et les plus simples vérités de l’évangile acquièrent de valeur pour l’âme. Reçues d’abord sur l’autorité de la Parole divine, à cause de leur évidence scripturaire, ces vérités se recommandent ensuite par leur beauté propre : ce que la détresse de l’âme et une impérieuse nécessité seulement avaient fait recevoir d’abord, devient, à mesure que l’on avance, ce qui manifeste la gloire du Christ ; en sorte qu’en quelque mesure on peut contempler ces vérités, égoïsme à part, et les voir sous le même jour sous lequel Dieu les voit. Il me semble que les apôtres, dans leur enseignement, en exposant des mystères ou en développant la vérité pratique, lient tout, intentionnellement, avec les vérités premières de l’évangile, mettant ainsi ces vérités constamment en saillie : et c’est là un des caractères de l’enseignement du Saint Esprit. Il est selon l’homme d’isoler une vérité ; mais l’intention du Saint Esprit est de faire ressortir en toutes choses la personne et l’œuvre du Seigneur Jésus. L’âme perd de sa fermeté, lorsque c’est l’intelligence qui domine dans l’étude de la vérité de Dieu. L’intelligence, en effet, peut saisir quelque vérité nouvelle et y trouver de l’intérêt, comme si cette nouvelle vérité était plus admirable que la vérité déjà reçue ; mais l’Esprit Saint, qui conduit en toute vérité, lie toutes choses, dans Ses enseignements, avec ces grandes vérités fondamentales qui concernent la personne et l’œuvre du Seigneur. Je ne m’étonne point que l’apôtre dise : « Pourvu qu’avec joie j’achève ma course et le service que j’ai reçu du Seigneur Jésus pour rendre témoignage à l’évangile de la grâce de Dieu » (Act. 20, 24), ou, comme il fait plus tard, en parlant à Timothée : « Fais l’œuvre d’un évangéliste, accomplis pleinement ton service ; car pour moi, j’ai déjà reçu l’aspersion du sacrifice, et le temps de mon départ est arrivé » (2 Tim. 4, 5) ; car dans cet évangile de la grâce de Dieu, Paul trouvait la plus profonde vérité. Quand le simple évangile n’est plus goûté, c’est un triste symptôme pour l’âme ; cela prouve qu’il n’y a en elle qu’un simple travail de l’intelligence, plutôt qu’une conscience exercée devant Dieu, et des affections pour le Christ. Dieu nous fait faire sans doute, dans les Écritures, de merveilleuses découvertes touchant Sa grâce et Son dessein à l’égard de l’Église ; cependant, quand tous les conseils de Dieu seront manifestés et que nous jouirons pleinement de la gloire, alors paraîtront dans tout leur éclat ces vérités premières de l’évangile, résumées toutes dans la personne du Christ, le Fils du Dieu vivant, objet, en Lui-même et dans ce qu’Il a fait, d’une adoration, d’une admiration et d’une louange éternelles.
C’est avec ces pensées que je désire m’occuper ici de la grande et fondamentale vérité de l’évangile : « La justice sans les œuvres ». — Cette vérité, nous le savons, n’a pas été mise en question seulement par des chrétiens de nom, et méprisée par les sages de ce monde ; mais plusieurs d’entre les fidèles mêmes n’ont été affermis en elle qu’après avoir fait une longue et amère expérience d’eux-mêmes : c’est d’ailleurs à cette école de l’expérience que nous avons tous besoin de l’apprendre. Nous recevrons une précieuse lumière aussi sur ce point en portant nos regards en avant sur le jour où la justice du seul homme, source de toute bénédiction pour les rachetés, sera aussi glorieusement manifestée aux yeux du ciel et de la terre, que le péché d’un seul, source de toute misère, l’a été, hélas ! dans l’histoire de ce monde. Mais il y a un autre point de vue encore, sous lequel on peut considérer « la justice sans les œuvres » : on peut envisager cette justice comme nous introduisant dans une communion actuelle avec Dieu, et nous rendant capables de marcher dans Sa présence. Présenter ainsi cette grande vérité comme un principe exerçant, sur l’âme et sur la conduite, une influence actuelle, c’est ce que le Saint Esprit a voulu dans le psaume 32 ; car la bénédiction de celui auquel Dieu impute la justice sans les œuvres, ne se borne pas à cette précieuse vérité que la transgression soit pardonnée, le péché couvert et l’iniquité non imputée ; mais elle se développe dans ces exercices de l’âme qui résultent de la pleine et gratuite justification. Mais abordons le psaume lui-même.
Cette déclaration par laquelle s’ouvre le psaume, le Saint Esprit l’a ainsi commentée par l’apôtre Paul : « Ainsi que David aussi exprime la béatitude de l’homme à qui Dieu compte la justice sans œuvres » (Rom. 4, 6). La béatitude !… Nous aurions presque besoin d’une traduction de ce mot de notre langue, tant nous sommes tardifs de cœur à croire à la bonté de Dieu quand Il la proclame Lui-même. Le bonheur, cette fin, ce but de notre être, Dieu l’annonce par cette parole, mais l’homme est sourd. — « Bienheureux celui de qui la transgression est pardonnée ! ». Voilà du bonheur — le seul bonheur qui puisse devenir la part de l’homme pécheur, parce qu’il n’y a rien que le pardon qui puisse amener un pécheur à Dieu, devant lequel il y a plénitude de joie. Il y a bien un bonheur mentionné au psaume premier : « Bienheureux est l’homme qui ne marche point selon le conseil des méchants et qui ne s’arrête point dans la voie des pécheurs, et qui ne s’assied point au banc des moqueurs » ; — mais où trouver l’homme dont il est parlé ici ? Cette béatitude n’appartient qu’au Saint de Dieu, au Seigneur Jésus Christ, au seul juste ; elle Lui appartient à cause de ce qu’Il est. Quant à nous, notre condition est telle que rien de ce que nous sommes ou de ce que nous pouvons faire, ne peut nous rendre heureux, mais seulement ce que Dieu fait pour nous. Il est impossible à l’homme de se rendre lui-même heureux, mais il est possible à Dieu de rendre un pécheur heureux, et la parole que nous avons citée plus haut, est la déclaration du bonheur d’un pécheur par le moyen de l’œuvre de Dieu.
La distinction que fait notre texte entre la transgression et le péché est rendue suffisamment claire par cette parole de l’Écriture, que nous lisons ailleurs : « Mais la mort régna depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui ne péchèrent pas selon la ressemblance de la transgression d’Adam » (Rom. 5, 14). Adam pécha en transgressant un commandement positif de Dieu, et par là il encourut la pénalité de la mort ; d’autres furent soumis à la même pénalité, sans qu’ils eussent transgressé aucun commandement positif de Dieu ; — ainsi il peut y avoir du péché là où il n’y a pas de transgression.
Dans la déclaration du bonheur des premiers versets de notre psaume, le Saint Esprit suit l’ordre selon lequel Il procède le plus souvent dans le réveil des consciences. Ordinairement celles-ci sont rendues sensibles d’abord à des péchés positifs, commis au mépris d’ordres de Dieu précis et connus ; c’est pourquoi, dans les premiers chapitres de l’épître aux Romains, Paul donne des preuves de l’impiété et de l’immoralité pratiques des Juifs et des Gentils, avant de montrer la source d’où elles procèdent, savoir le péché originel et intérieur, le péché dans la chair. L’homme peut chercher à établir un système de doctrine chrétienne ; mais la voie de Dieu n’est pas d’enseigner une théorie. Dieu s’attaque à la conscience et rend l’homme sensible à sa misérable condition devant Lui, condition telle que Christ seul peut satisfaire aux besoins de l’homme qui y est plongé. « Quiconque a ouï le Père et a appris de lui vient à moi », dit le Seigneur (Jean 6, 45).
Les premiers versets du psaume voient donc l’homme tel qu’il est, « ennemi de Dieu en pensées et en mauvaises œuvres ». La repentance et la rémission des péchés devaient être prêchées au nom de Christ parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem (Luc 24, 47). Cette expression « en commençant par Jérusalem » indique l’espèce de transgression à laquelle peut atteindre le remède divin ; car c’est là, à Jérusalem, que s’est accomplie la grande transgression. Dieu, par la bouche de Pierre, rend témoignage contre les Juifs qu’ils avaient renié le Saint et le Juste, et qu’ils avaient tué le Prince de la vie (Act. 3, 14-15). Toutefois par le nom de Jésus qu’ils avaient crucifié, mais que Dieu avait ressuscité, il y avait pardon même pour cette grande transgression. Quel pécheur désespérerait donc de trouver le pardon dans ce même nom en qui seul est le salut ? — Si nous regardons à des transgressions d’un autre caractère, plus fréquentes et générales, nous trouvons qu’il est écrit : « Ne vous séduisez pas : ni fornicateurs, ni idolâtres, ni adultères, ni efféminés, ni ceux qui commettent le péché contre nature, ni voleurs, ni avares, ni ivrognes, ni outrageux, ni ravisseurs n’hériteront du royaume de Dieu. Et quelques-uns d’entre vous, vous étiez tels ; mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu » (1 Cor. 6, 10-11). C’est donc à l’homme convaincu de transgression devant Dieu, déjà condamné par le juste jugement de Dieu, et s’il a été réveillé par la puissance de Dieu, condamné dans sa propre conscience, que le pardon de la transgression est annoncé par Dieu Lui-même au nom de Jésus : et bienheureux, par le témoignage de Dieu même, est celui qui a des oreilles pour l’entendre !
Je ne pense pas que la simple idée du pardon de la transgression, séparée de l’infinie propitiation de Christ, qui en est l’inébranlable fondement, pût jamais satisfaire la conscience. Sans doute, la masse insouciante des non-croyants, sans aucune idée juste, soit du caractère de Dieu, soit de l’odieux du péché, nourrit une vague espérance d’échapper au jugement. Mais si un pardon d’une nature semblable était possible, il laisserait le pardonné dans cet état de malaise qu’on éprouve en présence de quelqu’un qu’on a offensé et qui a pardonné : celui qui est pardonné se trouverait dégradé aux yeux de celui qui a pardonné. Or, une telle condition serait l’opposé de la béatitude proclamée ici ; car ce qui constitue réellement celle-ci, c’est le mode du pardon, qui permet au pardonné d’être à l’aise en présence d’un Dieu déclaré juste et en même temps justifiant celui qui est de la foi en Jésus. L’expiation faite par Christ est l’unique et divin fondement pour le pardon de la transgression ; mais elle est plus encore, savoir la manifestation publique de la gloire morale de Dieu. Les anges désirent regarder de près dans ces choses, et ils apprennent à connaître la gloire de leur Dieu dans Ses voies à l’égard des pécheurs. C’est une pensée merveilleuse que le besoin de l’homme, comme pécheur, et les exigences de la gloire divine, ne trouvent nulle autre part qu’à la croix de Christ leur mutuelle satisfaction. Oui, bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et ainsi pardonnée que Dieu est glorifié ! De quelle anxiété l’âme est délivrée quand elle se trouve déchargée de la responsabilité de son salut, et qu’au lieu d’avoir à se demander toujours : Serai-je sauvée ? elle peut se dire que Dieu est glorifié en pardonnant ! Bienheureuse paix, en vérité, que celle dont l’âme jouit alors, une paix qui surpasse toute intelligence, parce qu’elle découle de la satisfaction commune de Dieu et de la conscience !
« Bienheureux est l’homme duquel le péché est couvert ! ». Le Saint Esprit n’use pas de répétitions inutiles. Souvent nous employons beaucoup de paroles là où peu suffiraient ; mais les paroles de l’Éternel sont pures comme de l’argent affiné au fourneau et purifié sept fois, et l’homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Une fois que la conscience est réveillée et exercée devant Dieu, elle est amenée nécessairement à distinguer entre la transgression et le péché. D’autres peuvent voir chez nous une réforme extérieure, mais nous-mêmes nous ne pouvons nous reposer sur un fondement de cette sorte. Il y a une grande différence entre la réforme de la vie et la conversion à Dieu. Celle-là, sans doute, suivra celle-ci ; mais pour une âme, croire et se convertir au Seigneur est quelque chose de tout autrement profond que toute réforme extérieure dans la manière de vivre, car la conversion place l’âme en présence de ce Dieu auquel nous avons affaire et devant qui tout est nu est entièrement découvert (Héb. 4, 12-13) ; et c’est là qu’on apprend à distinguer entre la transgression et le péché. Dans la pensée de l’homme le péché est un acte ; — selon le jugement de Dieu, c’est un principe ; et cette découverte, quand on la fait, est si effrayante que les transgressions semblent disparaître comme dans l’ombre à côté du péché reconnu pour ce qu’il est, c’est-à-dire un principe formel d’insoumission à Dieu — un désir de faire ce que Dieu a défendu, parce qu’Il l’a défendu, même alors qu’il ne s’agit pas d’un acte positif de désobéissance — et une répugnance à faire ce qu’Il ordonne, parce qu’Il l’ordonne. Oui, l’homme né d’Adam a une volonté contraire à la bonne, agréable et parfaite volonté de Dieu ; et on en fait personnellement l’expérience, après que, par la grâce de Dieu, on est venu à Christ ; en sorte que « obéir à Dieu » est toujours lié plus ou moins ici-bas avec « se renoncer soi-même ».
« Duquel le péché est couvert ». — Qui ne succomberait dans la lutte, s’il n’en était ainsi ? Dieu Lui-même a couvert le péché pour l’ôter de devant Ses yeux ; et c’est là ce qu’il nous fallait. Quoi qu’un homme puisse faire pour cacher à son semblable le mal de son cœur, la sagacité humaine elle-même saura percer souvent au travers de l’enveloppe trompeuse dont l’homme se couvre ainsi lui-même, sans pouvoir se satisfaire, témoin le cercle de formes religieuses dont il s’entoure pour essayer de couvrir son péché, témoin aussi son penchant naturel à la superstition. C’est l’expiation qui couvre le péché devant Dieu. C’est Dieu Lui-même qui a établi Son Christ un propitiatoire par la foi en Son sang (Rom. 3, 25). — Ici, devant le sang de Jésus, lors même que nous découvrons le péché, nous pouvons néanmoins rencontrer Dieu, non pas irrité, mais en grâce ; car le péché que nous avons découvert, est couvert devant Lui. Il est impossible qu’une âme jouisse d’une paix solide avant qu’instruite par l’Esprit, elle ait saisi le sens profond de versets tels que ceux-ci : « Notre vieil homme a été crucifié avec lui » ; — « Dieu ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché et pour sacrifice pour le péché, a condamné le péché dans la chair » ; — « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin que nous, nous devinssions justice de Dieu en lui » (Rom. 6, 6 ; 8, 3 ; 2 Cor. 5, 21). Le fait, moralement nécessaire, que le Fils de Dieu est devenu le substitut du pécheur, peut seul satisfaire aux besoins d’une conscience chargée, qui a compris ce qu’est le péché ; et j’admire la sagesse de l’enseignement divin, aussi bien que la grâce infinie de Dieu, en ce que c’est après avoir montré le péché sous forme de transgression, le péché lié à la mort, le péché habitant en nous, que la Parole déclare qu’il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. Donnez à la conscience toute la sensibilité qu’elle peut avoir au sujet du péché sous ses diverses formes, dès qu’elle se tourne vers Christ comme vers l’objet que Dieu présente à la foi, elle trouve cette réponse de la part de Dieu : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation » (Rom. 8, 1) !
La distinction entre la transgression et le péché, à laquelle nous venons de rendre attentif, donnera la clef d’un phénomène qui se présente souvent à ceux qui veillent sur les âmes ; c’est que ce n’est pas, bien s’en faut, là où il y a le plus de transgressions qu’il y a toujours le plus profond sentiment de péché. La transition, d’un état presque de remords à cause des transgressions, à la paix avec Dieu par la foi en Jésus Christ, peut conduire l’âme à mettre son amen à la déclaration apostolique : « Cette parole est certaine et digne d’être entièrement reçue que le Christ Jésus est venu au monde pour sauver les pécheurs, desquels moi je suis le premier » (1 Tim. 1, 15). Or, quand la conscience de ces personnes vient plus tard à être exercée devant Dieu jusqu’à connaître le péché comme un principe, elles trouvent que leur conduite extérieure n’a été que la trop fidèle image de ce qu’elles sont au-dedans. Elles découvrent aussi combien il est nécessaire de ne pas se fier à une réforme extérieure, et de veiller diligemment sur ce cœur d’où procède tout mal. Mais quand des personnes heureusement gardées de vices grossiers, des personnes bonnes et aimables, sont réveillées par l’Esprit de Dieu au sentiment du péché, le jugement qu’elles portent sur celui-ci ne s’appuie pas autant sur les conséquences fâcheuses dont il est la source pour elles-mêmes ou pour les autres (sentiment qui peut remuer la conscience, même sans que Dieu l’ait réellement réveillée), que sur l’opposition du péché à Dieu ; et au lieu de se reposer avec complaisance sur la moralité ou l’innocence de leurs vies, ou sur les louanges que d’autres leur ont prodiguées, ces âmes ne voient plus leur vie que comme un grand acte d’hypocrisie, parce que les motifs de leurs actions et de leur conduite sont maintenant jugés à la lumière de la présence de Dieu. Elles en viennent ainsi à cette haine de soi-même qui est le signe d’une ferme et profonde conviction de péché, à cette haine de soi-même qui a besoin de l’application la plus entière à la conscience de tout ce que Christ est. Un sentiment généreux peut inspirer à l’homme naturel une certaine horreur de lui-même à cause de la transgression dans laquelle il est tombé ; mais se haïr parce qu’on a reconnu ce que l’on est devant Dieu, ce sentiment-là, la puissance vivifiante du Saint Esprit seul peut le produire ; et plus on avancera spirituellement, plus il gagnera en profondeur.
« Bienheureux est l’homme auquel l’Éternel n’impute point son iniquité ! ». Combien cette déclaration est nécessaire pour la paix d’une âme réveillée, d’une âme qui a conscience du péché qui est en elle ! Mais que dit la Parole ? — C’est que, quoique le Seigneur sache qu’il y a de l’iniquité, Il ne compte point l’iniquité. Et pourquoi ne la compte-t-Il pas ? — Parce qu’Il l’a comptée à Jésus. « Il a fait venir sur lui l’iniquité de nous tous ». Dieu a vu l’iniquité sur Christ et l’a jugée là ; « le châtiment qui nous apporte la paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous avons la guérison » (És. 53, 5). Il est plus étonnant que Dieu ait imputé le péché là où Il ne voyait que justice, que de Le voir ne pas imputer l’iniquité là où Il trouve l’iniquité. Je le répète : rien en dehors de cette vérité de la substitution de Christ au pécheur ne peut tranquilliser pleinement une conscience réveillée. La croix de Christ est pour nous l’expression et la constatation de l’amour de Dieu pour les pécheurs, car « Dieu est amour ». — « En ceci a été manifesté l’amour de Dieu pour nous, c’est que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. En ceci est l’amour, non que nous ayons aimé Dieu, mais que lui nous aima et qu’il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4, 9-10 ; — comp. Rom. 5, 6-10). La croix est en même temps pour nous la déclaration de la justice de Dieu : « Lequel Dieu a présenté pour propitiatoire par la foi en son sang, afin de montrer sa justice » ; — et la manifestation aussi de toute l’horreur du péché aux yeux de Dieu et devant Son jugement. Il a fallu que Jésus bût la coupe : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! ». Mais la coupe n’a pas pu passer loin de Jésus ; Il courba la tête et but le calice : et Dieu cacha Sa face de Lui, et Lui fit connaître, par la plus cruelle expérience, ce que c’est que le péché ; Lui qui n’a pas connu le péché, Il L’a fait être péché et malédiction pour nous (2 Cor. 5, 21 ; Gal. 3, 13).
La croix est le moyen pour Dieu de s’approcher de l’homme pécheur sans le détruire par Sa présence : « Ayant fait la paix par le sang de sa croix, par lui, pour réconcilier toutes choses avec lui-même » ; — et la croix est aussi pour le pécheur le moyen de venir à Dieu : « Vous, qui étiez autrefois loin, vous avez été approchés par le sang de Christ » (Éph. 2, 13) ; car c’est le sang qui fait propitiation pour l’âme (Lév. 17).
Mais quelque intérêt et quelque importance qu’aient ces différents aspects de la croix, ils seraient insuffisants pour donner à l’âme une paix solide, si celle-ci perdait de vue la vérité de la substitution de Christ pour le pécheur et l’excellence infinie de l’offrande volontaire qu’Il a faite de Lui-même à Dieu. « Christ m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi » (Gal. 2, 20). « Et il posera sa main sur la tête de l’holocauste, et il sera agréé pour lui, afin de faire propitiation pour lui » (Lév. 1, 4). Ici nous trouvons une base solide pour le repos de nos âmes : cette merveille du Saint de Dieu, fait péché sur la croix, est plus admirable encore que celle de voir Dieu trouver dans cette croix une satisfaction au péché, quelle que soit d’ailleurs la mesure de celui-ci. Le simple pardon n’est tout au plus, en soi, qu’une bénédiction négative, quoique bien réelle toutefois, en ce que l’iniquité, quoique commise, n’est pas imputée. Humainement parlant, nous avons l’idée d’un pardon gratuit émanant de la libre grâce du souverain ; nous avons aussi l’idée d’une amnistie ; mais jamais l’idée d’une justification dans le sens divin. Celle-ci, Dieu seul peut la présenter, parce que Lui seul peut justifier l’impie ; et c’est cette idée nouvelle et bénie de la justification qui est introduite ici. « Car David aussi exprime la béatitude de l’homme à qui Dieu compte la justice sans œuvres, disant : Bienheureux ceux dont les iniquités ont été pardonnées et dont les péchés ont été couverts ; bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’aura point compté le péché » (Rom. 4, 7-8). Or, l’imputation actuelle de la justice ne se trouve pas proprement dans cette déclaration du psaume 32. Elle ne pouvait l’être clairement et pleinement (quoique ce fût le principe selon lequel Dieu avait agi depuis le commencement), parce que son fondement nécessaire, la croix, n’était pas un fait accompli. La foi a pu anticiper sur l’avenir, mais la différence n’en reste pas moins grande entre la perception d’un fait promis et celle de l’accomplissement de la promesse. Tout dépendait de la mort et de la résurrection de Christ. C’est ce qui explique le langage de Jésus aux disciples, Luc 24, 44-46, et de Paul à ceux qui étaient héritiers naturels de la promesse et enfants du royaume. « Et nous vous annonçons la bonne nouvelle, quant à la promesse qui a été faite aux pères, que Dieu l’a accomplie envers nous leurs enfants, ayant suscité Jésus » (Act. 13, 27-35).
La personne même du Seigneur Jésus, Sa mort et Sa résurrection, sont la clef qui nous ouvre les Écritures. Le Saint Esprit, qui a dicté celles-ci et qui a poussé les prophètes, nous est spécialement connu comme l’Esprit de vérité, qui glorifie Jésus et dont le grand témoignage se rapporte aux souffrances du Christ et aux gloires qui devaient les suivre. Dès que Jésus est mort et ressuscité, le Saint Esprit, sur Ses précédents écrits, fait reluire la portée de ce fait, et à cette lumière nous fait discerner clairement que la non-imputation de l’iniquité est l’imputation de la justice. « Il a fait celui qui n’a pas connu le péché, être péché pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en lui » (2 Cor. 5, 21). Il n’y a rien de simplement négatif dans l’évangile ; l’évangile n’est pas un système de prohibition, mais de grâce, et qui confère une bénédiction positive. Le pardon des péchés, je le répète, est une bénédiction négative, quoique réelle ; le don de la justice est une bénédiction positive et inaliénable, et qui caractérise le génie de l’évangile. « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point » ; mais Dieu ne s’arrête pas là, et ajoute : « mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3, 14-15). « Afin, dit-il aussi, qu’ils reçoivent la rémission des péchés » ; mais Il ajoute encore : « et une part avec les sanctifiés, par la foi en moi » (Act. 26, 18). Si nous sommes délivrés de la puissance des ténèbres, c’est par une translation dans le royaume du Fils de la dilection de Dieu (Col. 1, 13). Hélas ! nos cœurs sont durs à croire, et nos esprits étroits dépouillent l’évangile de sa gloire. L’évangile est « le glorieux évangile du Dieu bienheureux » qui présente Dieu, en grâce, comme donateur, et met le pécheur à la seule place possible de bénédiction, celle de vase de cette bénédiction. Par la foi nous recevons Christ (voyez Jean 1, 12) ; et Le recevant, nous recevons de Lui le droit d’être enfants de Dieu ; nous recevons le pardon des péchés (Act. 10, 43), l’abondance de la grâce et du don de la justice (Rom. 5, 17), la vie éternelle (Jean 3, 16). Agir pour Christ suit cette réception de Christ. L’enseignement de l’Esprit nous dévoile ce que nous avons reçu en recevant Christ.
Il est bon de garder constamment en vue ce principe, que ce n’est ni ce à quoi nous renonçons, ni ce que nous faisons, qui nous constitue chrétiens, mais ce que nous recevons. Ce principe pénètre toute la vie chrétienne : le christianisme est une vie qui a ses affections, son énergie, sa sensibilité et son activité ; il n’est pas plus que notre vie naturelle un système de négation, et c’est ce qui le distingue si fortement des notions religieuses ordinaires. En effet, à : « Cessez de mal faire », Dieu ajoute : « Apprenez à bien faire » ; — à : « Ayez en horreur le mal », Il ajoute : « Tenez ferme au bien » (Rom. 12, 9 ; Éph. 4, 28-29). Pareillement : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus ; mais que plutôt il travaille en faisant de ses mains ce qui est bon, afin qu’il ait de quoi donner à celui qui a besoin ». « Qu’aucune parole déshonnête ne sorte de votre bouche ; mais celle qui est bonne, propre à l’édification ». De là même naît pour le chrétien un danger, celui de mal user de la bonne, juste et sainte loi de Dieu : « La loi n’est pas donnée pour le juste » (voyez 1 Tim. 1, 8-9). Le croyant a besoin que la vie qu’il a déjà reçue, soit nourrie par le ministère, non de la loi, mais de Christ, le Chef vrai et vivant, afin que l’énergie de cette vie se déploie dans les différentes œuvres qui ont été préparées pour elle. Christ est l’expression de ce à quoi Dieu nous appelle ; et la justice que nous avons en Lui comme position devant Dieu, nous est présentée comme le but suprême, mais final et certain, vers lequel nous marchons. « Non que j’aie déjà atteint le but, ou que je sois déjà parfait ; mais je poursuis le but, cherchant à le saisir ; et c’est pour cela aussi que j’ai été saisi par Christ » (Phil. 3, 12). De là vient que l’unique espérance de notre appel qui est si certaine, parce qu’elle est selon le conseil de Dieu, est si puissante pour former en nous le caractère chrétien. Être rendus conformes à l’image de Son Fils, premier-né entre plusieurs frères, est la bienheureuse destinée de ceux que Dieu a déjà justifiés. C’est par la certitude de cette glorieuse espérance de notre vocation que le Saint Esprit agit sur nos consciences et sur nos affections, ne faisant point dépendre ce que nous serons de ce que nous sommes en pratique (je parle de nous comme chrétiens) ; mais usant de la certitude divine de ce que nous serons, comme d’un puissant levier moral pour élever actuellement nos affections. Et ainsi même maintenant : « Nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de gloire en gloire comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3, 18). « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que lorsqu’il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est ; et quiconque a cette espérance en lui, se purifie comme lui est pur » (1 Jean 3, 2, 3). Cette espérance fondée sur Christ est la grande puissance de notre purification présente. Vouloir être « docteurs de la loi » (1 Tim. 1, 7), était, selon Paul, le résultat de l’ignorance chez ceux qui croyaient sans doute travailler ainsi à l’avancement de la sainteté en prêchant la loi ; et même il y a une manière d’insister sur la conduite et le service chrétiens qui, au lieu de fortifier la vie de Christ dans le fidèle, le ramène à mettre en question son propre salut. Telle n’est point la voie où conduit l’Esprit ; Il glorifie Christ et prend bien soin d’établir l’âme en Lui, en la faisant avancer dans la sainteté pratique. Tel est, au reste, l’ordre habituel de Son enseignement dans les épîtres, et je pense que le vrai fondement de la justice et de la vraie sainteté est la merveilleuse vérité, que Dieu justifie sans les œuvres. C’est la réception, l’intelligence et la jouissance de cette précieuse vérité que Dieu a livré Christ pour nos offenses et L’a ressuscité pour notre justification (Rom. 4, 25) qui met en activité la vie chrétienne.
« Et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude ». Il est dit de Jésus « qu’il n’a pas commis le péché » et que dans Sa bouche « il n’y eut point de fraude ». De tous les autres il est écrit, ce qui n’est que trop vrai, hélas ! « Ils ont frauduleusement usé de leurs langues » (Rom. 3, 13). Combien cela est humiliant ! En effet, paraître autrement qu’on est, prétendre être ce qu’on n’est pas, user de la langue ou se parer d’une moralité extérieure, pour cacher les pensées du cœur et en même temps, à chaque moment de réflexion sérieuse, avoir la conscience qu’on n’est pas devant Dieu ce que l’on paraît être ou professe être devant les autres, n’est-ce pas une condition qui rend insupportable la pensée de Dieu ? C’en est trop pour l’homme de toujours soutenir un rôle ; et les paroles légères et oiseuses, qui sortent spontanément de notre bouche, trahissent bien souvent ce qu’un discours étudié eût réussi peut-être à cacher. Ce fut la parole oiseuse des pharisiens : « Cet homme ne chasse les démons que par Béelzébul, chef des démons » (Matt. 12, 24), que Celui qui « savait ce qui était dans l’homme », se servit pour manifester ce qui était dans leurs cœurs. Où est donc le remède à une aussi mauvaise condition, et comment acquérir ce bonheur de n’avoir point de fraude dans l’esprit ? Cette grâce est le résultat, le premier et précieux résultat de la grande vérité de « la justice sans les œuvres », vérité qui coupe court à tous les efforts que l’on fait pour cacher ce que l’on est, et à toute prétention à être ce qu’on n’est pas. Le fondement de toute la doctrine, c’est que le même Dieu, devant lequel tout est nu et à découvert, qui nous connaît parfaitement et qui nous a appris à nous voir, au moins en partie, comme Il nous voit, est Celui qui a couvert notre péché, oui, tout le péché que Sa science infinie aperçoit en nous ; car Il n’a pas agi envers nous selon notre estimation imparfaite du péché, mais selon Sa propre estimation. Personne ne peut condamner si Dieu Lui-même justifie. Dieu ne nous a pas placés dans une position où nous ayons à nous justifier nous-mêmes : c’est Lui-même qui nous justifie ; et Il prend notre parti bien plus efficacement que nous ne pourrions le faire nous-mêmes. De là vient qu’il n’y a point de fraude dans l’esprit ; il n’est besoin d’aucune fraude, si l’on peut parler ainsi. Il n’y a plus lieu à se tourmenter pour devenir justes, une fois que Dieu déclare Sa justice en couvrant notre péché et en nous constituant justes. Si nous sondons aussi sérieusement que possible ce qu’est le péché (et il est très bon de le faire), Dieu le sonde bien plus profondément, et l’a jugé à la croix de Christ, selon l’estimation qu’Il en a faite Lui-même. Il n’y a point de fraude dans l’esprit, là où est réellement la foi, parce que la vérité de notre caractère et la vérité du caractère de Dieu sont maintenues l’une et l’autre par une merveilleuse intervention de Dieu envers nous en Christ et par Christ.
Il n’y a point de fraude dans l’esprit de celui qui se tient, à la fois et en même temps, pour le premier des pécheurs, et cependant aussi pour parfaitement juste en Christ. Il n’y a point de fraude dans l’esprit de celui qui a pour objet de glorifier Christ et non pas lui-même. De là vient que lorsqu’un chrétien est forcé de se justifier devant les hommes, ce qui n’arrive que rarement, il est placé dans une position très humiliante, parce qu’il a à parler de lui-même et non de Christ. Paul fut ainsi contraint de parler « en insensé » (2 Cor. 11, 17). Mais, en thèse générale, la confession, et non pas l’apologie de lui-même, est le sentier d’un chrétien ; et tenir beaucoup à sa réputation révèle l’état d’une âme peu occupée de Christ. Quand on a à cœur Sa gloire, Dieu justifiera en temps convenable ; et ce qui n’est pas mis au clair aujourd’hui, le sera en ce jour-là (1 Cor. 4). J’admire dans l’apôtre Paul la grâce de Christ, par laquelle il sait faire servir tout ce qu’on lui reproche à établir la fidélité de Dieu (2 Cor. 1, 18-20), et à détourner les pensées des Corinthiens de lui-même pour les porter sur un plus excellent objet.
Une conscience chargée, où trouvera-t-elle du repos ? Tout effort de dissimulation ne fait qu’aggraver son fardeau. Que de cœurs brisés et d’esprits froissés qui n’osent communiquer leurs peines ! Que d’âmes qui n’ont trouvé que d’amères déceptions en toutes choses et en elles-mêmes, et qui en ignorent la cause, parce qu’elles ne se savent pas perdues et qu’elles regardent leur position comme un cas particulier et extraordinaire ! Elles ignorent que Dieu a pensé à leur condition et l’a considérée, et qu’Il a préparé un remède à cette condition. Elles ne pensent pas davantage à s’ouvrir à Dieu qu’aux hommes. Dieu, disent-elles, les repousserait à cause de leur indignité ; et les hommes se riraient d’elles à cause de leur singularité, ou se détourneraient d’elles à cause de leur abjection. Elles renferment donc tout en elles-mêmes ; elles se taisent, bien qu’elles ne fassent qu’aggraver le trouble intérieur en se repliant ainsi sur elles-mêmes ; elles ignorent qu’elles ne font que réaliser en elles-mêmes ce qui constitue de fait la condition de l’homme, en tant que créature morale. L’homme ne suffit pas à son propre bonheur ; la créature non plus ne peut pas le rendre heureux, et quoiqu’on ne sente peut-être pas que chercher le bonheur en soi ou dans la créature, soit pécher, selon l’acception ordinaire de ce mot, c’est en cela que gît cependant le plus profond principe de péché, parce que, de fait, on adore ainsi la créature plutôt que le Créateur qui est béni éternellement (Rom. 1, 25). — Que de cœurs il y a qui sont mal à l’aise ! Que de cœurs malheureux et vides qui refusent d’être remplis, et qui pourtant ne sont pas convaincus de péché, et n’ont pas compris la nécessité absolue d’une expiation pour le péché. Ils ne pensent pas à l’évangile comme à un remède pour eux ; ils ignorent que Jésus, attristé dans un monde misérable et rejeté par ce monde, mais sachant qu’Il possédait en Lui-même tout ce dont l’homme a besoin, comme créature ou comme pécheur, s’est tourné vers les pécheurs et a dit : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos » (Matt. 11, 28). Combien on a rabaissé l’évangile en le regardant seulement comme un remède au péché, quoiqu’il le soit assurément ; — mais l’évangile est beaucoup plus : il est la manifestation de Dieu Lui-même à l’homme comme pécheur, rendant le pécheur souverainement heureux en Dieu, en même temps que glorifiant Dieu dans ce bonheur qu’Il donne. L’état de trouble et de détresse, décrit dans les versets qui sont devant nous, est celui d’un cœur qui n’a pas connu Dieu comme le Dieu béni, et qui ne connaît pas non plus la béatitude que nous méditons. C’est le triste état dans lequel le christianisme, que professe le monde, tient les âmes, annulant la simplicité et la grâce de l’évangile par un système d’ordonnances. Ceux qui ont le cœur brisé ignorent qu’il y a pour leur misère un remède préordonné par Dieu Lui-même. Ils auraient besoin de l’évangile dans sa forme la plus simple, mais ils ne l’entendent pas. Ils entreprennent d’accomplir les devoirs des chrétiens ou même s’approprient des privilèges des chrétiens (et on les y invite), sans connaître ce qui va avant tout, la libre communion avec Dieu, le bonheur d’être au large avec Dieu par la rédemption qui est dans le Christ.
Il n’y a point de repos pour une âme jusqu’à ce qu’elle puisse dire sa peine à Dieu. On peut même sentir la main de Dieu, la reconnaître, et toutefois le regarder Lui-même comme inaccessible. L’âme chemine ainsi chargée de son propre fardeau, parce qu’elle n’ose le déposer sur Dieu. L’esprit tout entier est abattu, comme la vigueur du corps est consumée par une fièvre ardente. Parfois même, au lieu de courber humblement la tête, il y a une sorte d’irritation contre Dieu, à cause de Sa main que l’on sent et reconnaît, parce que cette main a touché quelque idole, dans laquelle l’âme cherchait un soulagement ou au moins une diversion à sa peine. On regarde Dieu comme un ennemi, comme quelqu’un qui s’est tourné contre celui qui souffre, au moment même où, peut-être, Dieu ne fait qu’écarter les obstacles qui rendaient impossible le soulagement désiré. Dieu attend pour faire grâce, et Il veut être glorifié en le faisant. Une grande partie de la controverse qui a lieu entre Dieu et l’homme roule sur ce point, savoir en qui, de Dieu ou de l’homme, se trouve le remède à la misère de ce dernier ? Mais la première chose à faire, dans quelque misère qu’on se trouve, c’est de reconnaître Dieu. L’homme trouve bien des raisons pour expliquer sa misère, et y applique bien des remèdes ; mais jusqu’à ce qu’il reconnaisse Dieu, jamais l’homme ne se rendra un juste compte de cette misère, et jamais il n’en découvrira le vrai remède.
Il y a certains principes qui s’appliquent avec la même vérité à l’homme naturel et à celui qui est né de Dieu ; et ce principe : « Quand je me suis tu, etc. » est de ce nombre. L’homme naturel se tait, parce qu’il ignore le caractère révélé de Dieu et le bonheur qu’il y a de tout Lui dire ; il est misérable et sa condition est affreuse. Le fidèle aussi souffre quand il se tait, parce que, bien que connaissant Dieu en grâce, il n’use pas à propos de la vérité, pour avancer dans la connaissance de lui-même et pour donner à Dieu la gloire qui Lui appartient, à Lui seul ; il a tellement oublié sa position devant Dieu que, ne s’ouvrant pas à Lui, il a de la fraude dans son esprit. Les déclarations de Jean sont applicables ici : « Si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité. Si nous disons que nous n’avons point péché, nous le faisons menteur et sa parole n’est point en nous » (1 Jean 1, 8-10). Quand Dieu est réellement connu comme Celui qui impute la justice sans les œuvres, Lui cacher quoi que ce soit doit nécessairement engendrer l’accablement d’esprit : on n’ose pas s’approcher de Lui, parce qu’il y a de la fraude dans le cœur, et il en résulte de la froideur. Que de fois dans un tel état accusons-nous tout, jusqu’à Dieu Lui-même, plutôt que de nous accuser nous-mêmes de ce que nous gardons le silence envers Lui. Quand nous avons été abattus, inquiets, malheureux, n’avons-nous pas souvent été capables de résoudre la difficulté, reconnaissant que notre orgueil avait été blessé, notre amour-propre rabaissé par la découverte de l’existence non soupçonnée de quelque péché, comme si notre béatitude gisait dans notre caractère et non dans l’imputation de la justice sans les œuvres. Dieu ne veut pas de cette confiance dans notre propre caractère ou notre fidélité envers Lui, mais Il veut que Son caractère et Sa fidélité à Lui soient le fondement de notre confiance. Cette tendance à la propre justice, que nous portons tous avec nous, explique, en grande mesure, l’état misérable dans lequel on trouve si souvent les chrétiens : sous quelque forme ou à quelque degré que nous nourrissions la propre justice, nous avons abandonné le seul et vrai fondement de notre béatitude. Si le péché n’est pas confessé, s’il l’est légèrement ou seulement d’une manière générale et non point spéciale, il en résultera nécessairement de la misère. Si Dieu nous a déclaré toute Sa grâce en pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché, c’est afin que, sachant cela, nous ne Lui cachions rien, ni n’essayions de Lui rien cacher. Dieu veut que nous nous voyions tels que nous sommes, et que nous Le justifiions de ce qu’Il agit envers nous comme Il l’a fait dans l’évangile de Son Fils.
Ici l’âme trouve le relèvement, le plein et entier relèvement, le sentiment du pardon accompagnant l’acte même de la confession ! Le silence est rompu, et l’âme n’use plus de détours. Celui-là même, dont la main pesait si lourdement sur elle, est Celui devant lequel le cœur s’ouvre et se répand : « Je t’ai fait connaître mon péché et ne t’ai point caché mon iniquité. J’ai dit : Je confesserai mes transgressions à l’Éternel ». « Aucune créature n’est cachée devant lui, mais toutes choses sont absolument nues et découvertes devant celui à qui nous avons affaire » (Héb. 4, 13). C’est une pensée solennelle que c’est avec Dieu que nous avons affaire, et quand une fois cette vérité a saisi fortement la conscience, tout effort qu’on fait pour cacher quelque chose à Dieu, engendre la misère dont il est parlé dans les versets précédents. La confession soulage, parce qu’elle nous fait avoir affaire directement avec Dieu : par elle, l’âme reconnaît pratiquement que tout est nu et à découvert devant Ses yeux, qu’Il est le juste juge, et que le mal que Sa Parole dit de nos cœurs est véritable. Dieu est justifié par la confession, et Il l’est lors même qu’Il ne serait vu que comme un juge ; — mais combien plus n’est-Il pas justifié, quand la confession est faite sous le sentiment de Son amour connu par l’évangile de la grâce ! Oui, alors la confession est pleine, vraie et sincère ; alors, le pardon de l’iniquité du péché conduit le cœur et les lèvres, qui ont confessé le péché, à faire confession à salut. Les éléments les plus essentiels du caractère d’un saint apparaissent ici. Auparavant, celui-ci n’avait qu’un sujet de pensée et d’étude, et ce sujet, c’était lui-même : maintenant il en a un autre, savoir le Christ de Dieu. A-t-il à parler de lui-même, c’est dans le langage de la confession, celle-ci devenant toujours plus vraie et entière, à mesure que le fidèle avance dans la connaissance du Christ ; — mais son véritable élément et son bonheur, c’est de parler de Jésus et de Le confesser comme son salut et comme l’objet de tout son désir.
Quelle heureuse union n’y a-t-il pas entre la confession et la louange, et je dis heureuse, parce qu’elle est selon la vérité ! Aucun langage ne peut exprimer le misérable état d’un pécheur, aucun langage ne suffit non plus pour raconter la grâce et les gloires du Sauveur ; et quand la confession et la louange s’unissent ainsi, quelle ferveur n’impriment-elles pas à la prière et à l’intercession !
Je suis convaincu qu’une grande partie des épreuves spirituelles, qui atteignent les saints, vient de ce qu’ils ne se jugent pas eux-mêmes et ne font pas confession de péché, sous l’abri protecteur de la bienheureuse vérité de « la justice sans les œuvres ». L’âme qui saisit comme il faut cette doctrine salutaire, se trouve placée ainsi dans une position où elle se juge elle-même ; et cette position est très élevée et merveilleuse. Si Dieu, le « juge de tous », est devenu « le justificateur » de ceux qui croient en Jésus, est-ce afin que ceux-ci traitent légèrement le péché ? Loin de là, c’est afin qu’ils se jugent eux-mêmes. Le sang de Christ nous donne accès dans « les lieux saints » : là, nous sommes dans la lumière, dans le lieu privilégié, où Aaron ne pouvait entrer qu’une fois l’an, et dont l’accès nous est toujours ouvert par Jésus, notre souverain Sacrificateur. Introduits dans la présence de Dieu, avec des pieds déchaussés que nous sentons toucher le sable du désert, nous remplissons là une partie de notre office de sacrificateurs, en nous jugeant nous-mêmes, en séparant ce qui est précieux de ce qui est vil, et en discernant ce qui est le plus excellent. Nous sommes dans la lumière et nous découvrons ce qui n’est pas en harmonie avec elle : et si ce n’était que nous sommes abrités là par le sang même qui nous y a introduits, nous n’y pourrions subsister. Là aussi, nous apprenons, plus que jamais, le besoin que nous avions de ce sang, dans lequel nous avons trouvé la rémission de nos péchés, de ce sang qui nous a lavés et qui nous conserve purs. Or, je crois que la droiture de cœur, mentionnée au dernier verset de notre psaume, est intimement liée avec le jugement de nous-mêmes, car ce jugement nous ramène éventuellement à la béatitude proclamée dans les versets 1-2 : ce même mal que nous ne découvrons qu’à présent, Dieu ne nous l’impute pas ! — Dieu l’a couvert ! C’est ainsi que le cœur est gardé dans l’humilité et que la conscience demeure délicate et vivante. Je crois que la droiture et la franchise de confession, qui ont pu se montrer lors de la conversion, sont souvent altérées, parce qu’on ne se juge pas soi-même devant Dieu. Un fidèle peut devenir trop préoccupé de ce que les saints, et même le monde, pensent de son caractère, et être conduit ainsi, à son insu, à jouer un rôle, au lieu de tirer l’accroissement de sa vie de Celui qui en est la source. Il y a eu de la sincérité dans le travail d’âme qui a amené à Christ, mais cette sincérité s’est altérée aussitôt chez le fidèle, quand, au lieu de se nourrir de Christ, il s’est préoccupé de conserver un certain caractère aux yeux du monde et des saints. Par le jugement de nous-mêmes, la sincérité est maintenue et le besoin que nous avons de Christ se manifeste d’une façon nouvelle et sans cesse variée. L’âme, exercée de la manière la plus humiliante pour elle-même, si elle est par là conduite à Christ, est amenée à saisir plus largement la béatitude proclamée dans ce psaume : elle est véritablement fortifiée. — J’admire la grâce de Dieu qui nous permet de nous juger ainsi nous-mêmes : Dieu ne peut jamais abandonner Son titre de « Juge de tous ». Par la foi nous venons à Lui comme tel (Héb. 12, 23) ; mais Il nous a si complètement justifiés par Sa grâce, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus, qu’Il voudrait nous amener devant Son tribunal pour que nous soyons là nos propres juges. Saisir, telle qu’elle est, notre position de justification complète devant Dieu en Christ, comprendre que nous sommes faits justice de Dieu en Lui, est la seule chose qui nous qualifie pour ce jugement : nous avons pu, dans notre ignorance, pratiquer ce jugement d’après un principe différent, celui, par exemple, de chercher en nous-mêmes un fondement d’assurance devant Dieu ; mais maintenant nous nous jugeons, afin de voir et de sonder la justice et la sainteté des voies de Dieu à notre égard, de manière à nous rendre débiteurs de Sa grâce seule ; et cette grâce règne par la justice, par Jésus Christ, depuis que la rédemption manifeste la sainteté, la justice et la vérité de Dieu en strict accord avec Sa miséricorde.
Le fidèle a affaire à trois sortes de jugements : le jugement de lui-même, le jugement de l’Église, et le jugement du Seigneur. Ces trois sortes de jugements sont très distinctes l’une de l’autre dans leur caractère. Veiller au jugement de soi-même empêche quelqu’un de tomber sous le jugement de l’Église, dont la fonction est de juger « ceux du dedans », tandis que Dieu juge « ceux du dehors » (1 Cor. 5). Quand l’Église manque à son devoir de juger, dans la sphère de sa compétence, les actes patents de péché (des péchés tels que ceux dont l’église de Corinthe avait été témoin), cette infidélité de l’Église amène le jugement du Seigneur sous quelque forme visible. « C’est pour cela que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment » (1 Cor. 11, 30). Le jugement des doctrines est également du ressort de l’Église. Éphèse est louée de ce qu’elle avait éprouvé ceux qui se disaient apôtres, et le Seigneur a contre Thyatire qu’on y avait souffert que Jésabel, qui se disait prophétesse, enseignât sa doctrine pernicieuse (Apoc. 2). Il faut que le Seigneur juge, si l’Église tolère de mauvaises doctrines. Mais le jugement du Seigneur est toujours suprême et nous en sommes toujours justiciables, individuellement ou collectivement. Nous juger nous-mêmes nous empêcherait de tomber, individuellement, sous le jugement du Seigneur d’une manière manifeste et signalée : « car si nous nous étions jugés nous-mêmes, nous ne serions pas jugés ; mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur » (1 Cor. 11, 31-32). Nous juger nous-mêmes empêcherait l’accomplissement des actes de péché, qui nécessitent l’emploi de la verge, le principe même du péché ayant été jugé dans le secret devant Dieu. Mais quoique le jugement de Dieu, sous la forme d’un châtiment présent, fût ainsi évité, cela ne change en rien la vérité générale que « le Seigneur discipline celui qu’il aime et qu’il fouette tout fils qu’il agrée » (Héb. 12, 6). La différence dans la manière d’agir du Seigneur sera toujours saisie par la conscience de celui qui souffre, lors même qu’un châtiment extérieur pèserait sur lui. L’âme, qui sait se juger elle-même, saura toujours envisager le châtiment comme la marque d’un amour dont elle discernera la sagesse, tandis que le fidèle inattentif n’y verra qu’une punition ou un avertissement destiné à le ramener au sentiment de sa condition actuelle.
N’oublions pas non plus combien la discipline si nécessaire du Seigneur a un caractère préventif ; — et ceci aussi, on l’apprend en se jugeant soi-même dans les lieux saints, où Dieu nous a donné accès. Si l’âme de l’apôtre n’eût pas été exercée devant Dieu, elle aurait pu interpréter « l’écharde en la chair » d’une manière toute différente des intentions du Seigneur, qui étaient que Paul ne s’élevât point (2 Cor. 12, 7) ; Paul n’avait pas péché, il ne s’était pas élevé, mais il avait besoin d’être gardé contre le danger et la tendance à tomber dans cette faute ; et il avait discerné la pensée du Seigneur à cet égard, non par révélation, mais par l’exercice de son âme devant Dieu. N’avons-nous pas eu tous mainte occasion aussi, non seulement de nous humilier sous la puissante main de Dieu, pour un mal positif dans lequel nous étions tombés, mais encore de justifier l’amour et la sagesse de Dieu lors de quelque discipline spéciale, dont Il nous a Lui-même, dans le sanctuaire, montré le caractère préventif ? On ne peut trop insister sur l’importance qu’il y a à se juger soi-même dans la lumière qui manifeste tout, sous l’immuable et sûr abri de la déclaration, que la transgression est pardonnée, que le péché est couvert, et que l’iniquité n’est pas imputée ; non que j’estime possible de pouvoir toujours interpréter justement les voies de Dieu à notre égard, mais parce que je suis persuadé que juger en nous les sources du mal et en faire confession à Dieu, est le moyen d’arriver à cette interprétation. Dieu est toujours juste dans Ses voies, vérité simple, mais profondément pratique : et nous reconnaissons que Dieu est juste, par la voie de la confession ; ainsi non seulement nous trouvons du repos, mais nous apprenons effectivement que Dieu est juste, et nous avons l’intelligence de Ses voies. Oh ! si les saints connaissaient le travail douloureux, la peine inutile qu’on se donne en se justifiant soi-même, et s’ils justifiaient Dieu au lieu de se justifier eux-mêmes, que de souffrances ils s’épargneraient ! Quel manque de confiance en Dieu ne trahissent pas nos efforts pour nous justifier, car, en faisant ainsi, nous agissons comme si, après tout, nous devions être bénis en vertu de notre caractère, et non en vertu de la grâce de Dieu. C’est pourquoi l’apôtre, en parlant du jugement de soi-même, se sert d’une expression qui implique, non seulement un jugement extérieur proprement dit, mais la connaissance approfondie de la source même d’où jaillit l’activité de la chair (voyez le grec, 1 Cor. 11, 31). Qui peut supporter de regarder attentivement dans cet abîme, s’il ne sait pas que Dieu a jugé le péché dans la chair à la croix de Christ ? « Notre vieil homme a été crucifié avec lui » (Rom. 6, 6 ; 8, 3). Ce mal que nous commençons seulement à discerner dans la chair, Dieu l’a vu dès le commencement et nous permet de le voir maintenant, afin que nous Le justifiions de l’avoir entièrement jugé : la chair ne peut pas se discerner elle-même ; elle ne peut pas se tenir devant Dieu. Ce n’est que par la puissance de la vie qui vient directement de Christ, que par le Saint Esprit Lui-même, que nous apprenons à nous discerner nous-mêmes ; et cela dans la présence immédiate de Dieu. « L’homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, car elles lui sont folie ; et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement ; mais celui qui est spirituel discerne toutes choses » (1 Cor. 2, 14). C’est un aphorisme humain, mais profondément trompeur, que la véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. L’homme ne se connaît pas en s’étudiant lui-même, mais seulement en étudiant Dieu. « C’est ici la vie éternelle de te connaître seul vrai Dieu et Jésus Christ que tu as envoyé » (Jean 17, 3). C’est par cette science divine que l’homme se connaît véritablement lui-même, non pas en se mesurant lui-même par lui-même, mais en se mesurant, lui, à Dieu comme Il est révélé en Christ et par Christ. — J’ai souvent pensé que, tout affreuses que soient les annales de l’histoire ou du crime, elles ne donnent pas de la dépravation de l’homme une idée aussi sombre que le feraient les secrètes confessions des fidèles à Dieu, si elles étaient connues de nous comme elles le sont de Dieu. La conscience d’une justification complète peut seule enhardir un saint à confesser devant Dieu ces principes secrets de mal, qu’il découvre quand il se juge dans la présence immédiate de Dieu ; et nous ne devons pas nous étonner d’entendre le plus dévoué des saints parler de lui-même comme du « premier des pécheurs » (1 Tim. 1, 15).
Quel précieux encouragement pour l’âme d’être assurée qu’il n’y a rien qu’elle ne puisse dire à Dieu ! Dieu a tout fait pour gagner notre confiance, jusqu’à livrer Son Fils pour nos offenses et à Le ressusciter pour notre justification (Rom. 4, 25) ; et c’est par la confession que, pratiquement, nous maintenons notre confiance en Lui. C’est parce que la confession et le pardon sont liés ensemble, comme nous l’avons vu plus haut, que tout fidèle peut prier Dieu au temps où on Le trouve. Si le péché que nous venons de découvrir en nous, ne doit pas nous fermer l’accès auprès de Dieu, et si Dieu ne nous cache jamais Sa face, mais peut toujours être trouvé par nous, qui nous arrêterait ? — et en pratique, qui est-ce qui empêche que nous approchions de Dieu ? Ce n’est pas Dieu certainement ; et nous n’avons pas à chercher encore un sacrifice et un sacrificateur : tout est prêt déjà ! Les empêchements sont en nous ; et nous essayons souvent de tout, excepté de ce qui profite. Nous pouvons devenir plus diligents dans le service extérieur, plus réguliers dans le culte public, plus intelligents pour juger les fautes des autres ; mais une chose, la chose nécessaire, nous manque, savoir la confession. Une âme n’est-elle pas dans un bien mauvais état, en vérité, lorsqu’elle fait servir les choses les plus bénies à leur place, à interrompre sa communion avec Dieu ? Dieu aime la vérité dans le cœur ; et si le cœur est aliéné de Dieu, sa restauration doit être véritable. Il faut que Dieu soit justifié et que tout le blâme retombe sur nous-mêmes, et non sur Lui : c’est là précisément ce que fait la confession. Il faut que le fidèle regarde Dieu comme le seul justificateur, et qu’il Le connaisse comme Celui qu’on peut trouver toujours, même quand on n’a que son iniquité à Lui présenter. N’est-ce pas ainsi que nous déjouons les ruses de Satan comme accusateur ? Et s’il y a promptitude dans la confession, l’âme n’a-t-elle pas aussi conscience que c’est Dieu qui justifie ? Qui donc intentera accusation contre des élus de Dieu ? Ce que l’accusateur voudrait faire peser sur eux, ils s’en sont eux-mêmes déjà accusés devant Dieu, et ils sont pardonnés : Dieu les justifie ! L’âme exercée trouve ainsi en Dieu son asile : « Tu es mon asile » !
On peut expérimenter, de plusieurs manières, la béatitude de la foi en Jésus ; mais je doute qu’aucun chemin soit plus excellent pour y conduire que la connaissance de la différence qu’il y a entre se cacher, comme Adam, loin de Dieu, dans les arbres du jardin, après qu’il eut péché, et se cacher en Dieu. Quelle chose merveilleuse, que Dieu se présente dans l’évangile de Sa grâce comme le seul refuge pour un pécheur, comme le seul qui puisse épouser sa cause et l’épouse en effet. N’est-ce pas là un glorieux côté de la gloire de Dieu ? Il fait passer toute Sa bonté devant nous et proclame Son nom de « juste, justifiant celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3, 26) — le seul Dieu — parce qu’Il est un Dieu juste et sauveur ; et Il a ainsi montré qu’il n’y en a point d’autre que Lui, parce qu’Il est un Sauveur Dieu. Il y a un refuge de devant les accusations de Satan, de devant la haine du monde, et de devant ce qui est pire encore, une conscience qui nous condamne ; et ce refuge est en Dieu Lui-même. Dieu se présente Lui-même pour être le confident de nos misères, Celui qui sympathise à toutes nos peines, qui a pitié de toutes nos infirmités, qui écoute patiemment toutes les plaintes que nous avons à porter contre nous-mêmes. Tout ceci s’apprend dans la connaissance de la béatitude de « la justice sans les œuvres », et se trouve compris dans cette béatitude. C’est la confiance dans cette voie divine de justice qui nous enhardit à dire : « Tu me gardes de détresse » ! Et y a-t-il une angoisse pire que celle de l’âme ? Peu de chrétiens savent entrer dans le sentier de la justice, soit pour l’amour de Jésus, soit pour l’amour de la souffrance ; celui qui souffre ainsi a le droit de se réjouir : mais l’esprit brisé, le cœur malade et accablé, où iront-ils, si ce n’est à Dieu, « notre asile », à Dieu qui console les abattus, qui est le Père des miséricordes, le Dieu de toute consolation, et qui sait tourner nos afflictions en joie et en louange ? Certes, le cantique de la rédemption ne devrait pas avoir été chanté une seule fois sur les bords de la mer Rouge, pour que ses accords meurent ensuite, ou même soient remplacés par des murmures. Hélas ! il en est souvent ainsi en pratique : la joie de la conversion est fréquemment suivie de murmures et de plaintes : on ne tient pas ferme le commencement de sa confiance ; on abandonne la vérité de la béatitude d’un Dieu imputant la justice sans œuvres, comme si on n’en avait plus besoin. Nous avons à apprendre à justifier la sagesse de Dieu dans la rédemption, dans toute sa plénitude, en apprenant par notre propre expérience, à mesure que nous avançons, que cette sagesse de Dieu, et elle seule, répond et satisfait réellement à nos besoins. On ne trouve pas, hélas ! comme on devrait, les saints chantant « le cantique nouveau », un cantique nouveau et toujours varié, bien que le même en substance. Et pourquoi ? — Parce que la grâce seule peut être le fondement de notre cantique et que, si le cœur n’est pas établi dans la grâce, il ne peut chanter. Mais quand un fidèle marche sous l’abri de la béatitude de « la justice sans les œuvres », combien de fois sur son chemin ne dira-t-il pas avec actions de grâce : « Tu m’entoures de chants de délivrance » ! Il y a en lui, dans le secret du cœur, un chant et une psalmodie au Seigneur ; car quelque grande que soit incontestablement, au début, la transition des ténèbres à la lumière, par la foi en Jésus Christ, quelle est l’expérience subséquente du fidèle ? — Ce sont de constantes délivrances. « Ce Dieu nous est un Dieu de salut » (Ps. 68, 20). Nous sommes placés à une heureuse école pour apprendre à connaître Dieu dans le caractère sous lequel Il s’est révélé à nous. L’histoire de chaque fidèle publie que « là où le péché a abondé, la grâce a abondé par-dessus » ; et la fin de chaque saint individuellement, aussi bien que l’Église collectivement, publiera cette même vérité « à la louange de la gloire de sa grâce ». Puissions-nous être vrais et droits de cœur avec Dieu, et alors la contemplation de Ses voies sera suivie de fréquents cantiques de délivrance !
Une fois introduit dans la béatitude célébrée aux versets 1 et 2, on est placé sous un nouveau genre de direction, la direction de l’œil de Celui qui nous a justifiés gratuitement par Sa grâce, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus.
Quand il plut à Jéhovah de retirer Israël d’Égypte, Il se fit Lui-même leur guide. Israël avait besoin d’être conduit : aussi Jéhovah marchait devant lui, de jour dans une colonne de nuée, et de nuit dans une colonne de feu. Il précédait ainsi le peuple pour lui chercher un lieu de repos dans le désert. Israël tendait ou ployait ses tentes selon que s’arrêtait ou se levait la nuée. « Or quand la nuée se levait de dessus le tabernacle, les enfants d’Israël partaient dans toutes leurs traites ; mais si la nuée ne se levait point, ils ne partaient point jusqu’au jour qu’elle se levait, car la nuée de Jéhovah était le jour sur le pavillon, et le feu y était la nuit devant les yeux de toute la maison d’Israël dans toutes leurs traites » (Ex. 40, 36-38 et aussi Nomb. 9, 17-21).
Assurément c’était là une précieuse direction, une direction en harmonie avec la rédemption alors manifestée, une ombre d’une réalité plus glorieuse ; mais ce n’était pas une direction intelligente : aucune communion d’âme avec Jéhovah n’était nécessaire pour la saisir ; la nuée était à la vue d’Israël dans tous leurs voyages.
Mais le but même de notre rédemption est de nous mettre en communion avec les voies et les pensées de Dieu ; et une direction visible, comme celle de la nuée, ne convient pas à une telle position. « Le serviteur ne sait pas ce que son maître fait » (Jean 15, 15) ; il entre et sort au commandement de celui-ci, mais sans savoir pourquoi tel ou tel ordre lui est donné. Ce genre d’obéissance n’est pas en harmonie avec la béatitude de ceux dont la transgression est pardonnée et qui sont initiés aux pensées et aux conseils mêmes de Dieu, « car nous avons la pensée de Christ » (1 Cor. 2, 16). L’obéissance, qui convient aux saints maintenant, est une obéissance intelligente ; « comprenant bien », dit l’Écriture, « quelle est la volonté du Seigneur » ; et encore, « éprouvant quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite » (Éph. 5, 17 ; Rom. 12, 2). Or, à proportion que la direction est d’un ordre plus relevé, elle devient plus difficile à suivre ; et à cause de cette difficulté, nous recourons volontiers à un ordre de direction inférieur, nous laissant guider par les événements providentiels, plutôt que par l’œil de Dieu. Le « directorat », pratiqué dans le romanisme, tient autant à ce fait, que la conscience n’aime pas à être exercée devant Dieu, qu’au principe de la domination cléricale. Il est bien plus conforme au cœur naturel d’abandonner à un autre homme la direction de notre conscience, que de tenir cette conscience devant Dieu. La prétention de Rome à l’infaillibilité a une sorte d’attrait pour les hommes, parce qu’elle leur épargne la peine de juger par eux-mêmes de ce qui est vrai ou faux, de ce qui est bon ou mauvais. Si la vraie puissance contre la doctrine fondamentale du papisme se trouve dans la doctrine de « la justice sans les œuvres », la pratique de cette vérité, en plaçant nos âmes en relation habituelle avec Dieu, est le seul préservatif contre le principe du « directorat ».
Ce n’est pas être conduit par l’œil de Dieu que de suivre un chrétien ou une congrégation de chrétiens. Dieu a pourvu, par la précieuse vérité de la justice sans les œuvres, à tout ce qu’il fallait pour que la conscience de chaque individu fût en rapport direct avec Lui-même ; et y a-t-il dans l’histoire un seul exemple d’une constitution ecclésiastique qui n’ait pas envahi sur la prérogative de Dieu, qui est d’avoir affaire avec la conscience personnelle de chacun ? L’autorité apostolique elle-même n’osait pas s’interposer entre Dieu et les consciences. — Je rejette loin l’idée que chacun fasse ce qui lui semble bon à ses propres yeux ; mais j’en affirme, avec d’autant plus de force, la vérité du droit de Dieu, d’avoir affaire avec la conscience de chacun, et « le privilège », je ne dis pas « le devoir », du chrétien, d’avoir sa conscience exercée devant Dieu. « Que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit ». « Tout ce qui n’est pas sur le principe de la foi est péché ». « Chacun donc rendra compte pour soi-même à Dieu » (Rom. 14, 5, 23, 12). Mais n’est-ce pas le péché de toutes les institutions religieuses humaines, qu’elles s’arrogent le droit de décider ce qui doit être réglé par les consciences exercées devant Dieu ? On a ainsi soumis les saints, non pas à Dieu et à Sa Parole, mais aux règlements de la société religieuse à laquelle ils appartiennent. Nous sommes tous, comme chrétiens, membres d’un seul corps, et tous membres les uns des autres ; mais si nous oublions d’ajouter que nous sommes, chacun individuellement, les membres de Christ et justement soumis à Christ, notre action morale collective en souffrira nécessairement.
Combien la communion avec Dieu est donc nécessaire pour diriger la conduite d’un saint ! C’est notre négligence à cet égard qui amène tant de discipline sur nous. Dieu veut nous conduire par Son chemin, mais nous sommes comme le cheval et le mulet qui n’ont point d’intelligence ; nous ne comprenons pas la volonté du Seigneur, parce que nous ne recherchons pas la conduite de Son œil : nous nous laissons guider par les circonstances et non par l’Esprit. Partout où est l’Esprit du Seigneur, il y a la liberté (2 Cor. 3, 17) ; nous marchons à l’aise quand nous marchons devant le Seigneur. Mais trop souvent nous voulons suivre chacun notre propre chemin, et alors le Seigneur a une bride et un mors pour nous, ce même frein dont Il use habituellement envers Ses ennemis : « Parce que tu es furieux contre moi et que ton insolence est montée à mes oreilles, je mettrai ma boucle en tes narines et mon mors en ta bouche, et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu » (És. 37, 29). Hélas ! combien de fois, à notre honte, n’avons-nous pas besoin, nous Ses saints, du mors et de la bride pour nous faire retourner en arrière par le chemin par lequel nous sommes venus ! Qui n’a pas à confesser que ce n’est trop souvent qu’à la suite d’une discipline pénible et humiliante, qu’il est entré dans le droit sentier qu’il aurait trouvé tout de suite, s’il avait pris garde de se laisser « conduire par l’œil » (comp. Ps. 17, 4 ; 119, 97-105) ?
Parmi les nombreuses preuves de notre faiblesse présente, l’une des plus frappantes est assurément le peu de confiance qu’ont les saints d’être guidés par l’Esprit dans leurs sentiers particuliers. Ils ne marchent pas comme des gens qui ont la conscience d’être sous la direction de l’Esprit et qui savent qu’ils obéissent à Dieu. Plusieurs même rejettent, en principe, cette direction pour le chrétien ; ils ne connaissent que la direction providentielle, si toutefois on peut lui donner ce nom, car le contrôle providentiel sur les circonstances ou sur le sentier de notre propre volonté, peut à peine être appelé une direction. Mais là même où l’on reconnaît le principe d’une direction intelligente et spirituelle, comme étant le privilège des saints, que de fois l’on se prévaut d’éléments providentiels, comme de motifs pour agir. De là vient qu’on marche à l’aventure, ou en suivant les pas des autres : on marche réellement par la vue et non par la foi ; et cela tient à l’habitude que nous avons de n’user de notre béatitude que comme d’un abri, et non comme de ce qui nous introduit en la présence de Dieu. C’est un beau caractère des fidèles de Thessalonique que « leur œuvre de foi, leur travail d’amour et leur patience d’espérance de notre Seigneur Jésus Christ » étaient « devant notre Dieu et Père » (1 Thess. 1, 3). À Israël, Dieu montrait Ses actes, mais à Moïse Il faisait connaître Ses voies (Ps. 103, 7) ; avec Moïse, Il conversait familièrement, comme un ami avec son ami (Ex. 33, 11 ; Nomb. 12, 8 ; Deut. 34, 10). Certainement, Dieu nous a introduits dans l’intimité de Sa communion, afin de nous faire connaître, à nous aussi, Ses voies.
Il n’y a rien de plus faux que la justice conventionnelle des hommes ; elle n’est basée que sur la convenance et l’égoïsme, sans aucun égard à la sainteté de Dieu. Elle est simplement un « caractère », ce que l’homme estime, et le grand obstacle à la réception de la vérité. « Comment pouvez-vous croire, vous qui cherchez la gloire l’un de l’autre, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul » (Jean 5, 44) ? Et l’égard que l’homme a pour ce caractère agit si fortement sur lui, que, même quand il est convaincu de la vérité de Dieu, il est trop lâche pour avouer sa conviction. « Cependant plusieurs d’entre les chefs mêmes crurent en Lui, mais à cause des pharisiens ils ne le confessaient pas, de peur d’être exclus de la synagogue ; car ils ont aimé la gloire des hommes plutôt que la gloire de Dieu » (Jean 12, 42-43). La Parole de Dieu découvre souvent, d’une manière particulière, c’est-à-dire par voie de contraste, cette vanité de la justice humaine ; ainsi elle dit : « Car quiconque fait des choses mauvaises hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient reprises. Mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière, afin qu’il soit manifeste que ses œuvres sont faites en Dieu » (Jean 3, 20-21). Ici le contraste que ferait l’homme avec « mal faire », serait « bien faire » ; mais ce ne serait là simplement qu’une appréciation de soi-même en comparaison avec d’autres hommes : Dieu met l’homme en contraste avec Lui-même ; et celui qui « pratique la vérité » forme d’après Dieu son appréciation de lui-même.
C’est là ce qu’il faut. La lumière, quand elle entre dans la conscience, découvre l’homme à lui-même tel qu’il est ; elle le met à nu devant Dieu. — Ainsi encore, Dieu enverra à plusieurs « une énergie d’erreur pour croire au mensonge, parce qu’ils n’ont pas cru à la vérité, mais qu’ils ont pris plaisir à l’injustice » (2 Thess. 2, 11-12). Ici aussi, dans le psaume que nous méditons, nous trouvons le méchant mis en contraste avec « celui qui se confie en l’Éternel ». Et sûrement le méchant est « celui qui ne se soumet pas à la justice de Dieu » (Rom. 10, 3), celui qui ne consent pas à être sauvé comme un pécheur par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est en Jésus Christ, mais qui cherche la justice dans une autre voie. Se confier dans le Seigneur, combien cela est simple et pourtant sûr ! Combien c’est honorer Dieu ! Et quel bonheur pour nous de croire Dieu, de nous reposer sur Lui comme ayant en Lui tout ce que nous ne trouvons pas en nous, de sortir de nous-mêmes pour toutes choses, et de trouver en Christ la réponse à tous nos besoins ! Dieu sait ce dont nous avons besoin comme pécheurs ; et en Christ, Il a pourvu à tout cela. Oui, « nous sommes la circoncision, nous qui servons Dieu en Esprit, qui nous glorifions dans le Christ Jésus et qui n’avons aucune confiance en la chair » (Phil. 3, 3). Ceux qui sont tels, ont reçu miséricorde et connaissent le besoin qu’ils ont de la grâce. Dieu est riche en miséricorde, et Il peut non seulement ajouter grâce à grâce, mais multiplier la grâce, nous « environner de grâce » !
Telle est notre position, la position assurée du croyant. Si nous regardons en arrière, ce n’est point par « des œuvres de justice que nous ayons faites », mais « selon sa grâce » que Dieu nous a sauvés (Tite 3, 4, 5). C’est encore selon Sa grâce que Dieu agit tous les jours envers nous : Il peut nous faire trouver la discipline et la correction sur notre sentier, s’il le faut, pour notre profit ; mais Sa règle de conduite envers nous est selon ce qu’Il est en Lui-même, selon « Sa grâce ». Et si nous regardons en avant, faudra-t-il que nous liions l’espérance de la gloire avec notre fidélité ou notre service ? Non, sans doute ; et cependant, cette pensée s’élève parfois en nous pour nous abattre, d’autres fois pour nous placer sur un mauvais terrain pour notre service. Aussi avec quel à-propos la Parole ne dit-elle pas : « Attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle » (Jude 21). Nous n’avons gagné aucun droit à la gloire ; la gloire viendra à nous sous la forme de la grâce. Dieu veut « donner à connaître les richesses de sa gloire dans des vaisseaux de miséricorde, qu’il a préparés d’avance pour la gloire » (Rom. 9, 23). Quand Israël fut mis en possession des maisons bâties qu’il n’avait point bâties, des vignes plantées qu’il n’avait point plantées, des puits creusés qu’il n’avait point creusés, alors vint pour lui le danger d’oublier Dieu et de se regarder comme ayant un droit personnel à ce qu’ils ne devait qu’à la grâce de Dieu. Nos cœurs sont ainsi faits : ce qui n’est que pure grâce nous semble chose due. Nous nous réjouissons dans une bénédiction que nous avons obtenue en nous confiant au Seigneur ; puis nous nous confions dans la bénédiction, et nous oublions le Seigneur, à qui nous la devons. Nous ne pouvons subsister en tout temps, que comme des objets de la grâce ; nous vivons par la foi ; nous sommes debout par la foi ; nous sommes de constants débiteurs de la miséricorde. — Dans la gloire, nous nous reconnaîtrons comme les éternels débiteurs de la miséricorde ; et une grande partie de la discipline la plus humiliante pour nous, qui nous est dispensée ici-bas, a pour but de nous garder dans cette position aussi bénie qu’elle est selon Dieu. « La grâce environne celui qui se confie dans l’Éternel » !
« Justes réjouissez-vous en l’Éternel ». Il est intéressant de suivre la pensée de l’Esprit de Dieu et de voir la liaison qu’il y a entre une partie de ce qu’Il dit et une autre partie. Il est avantageux sans doute d’avoir un fonds solide de connaissance chrétienne, mais l’âme ne se contente pas de théories exactes, et de formes comme celles qu’on trouve fréquemment dans les confessions de foi protestantes : elle a besoin de la vérité dans ses applications infiniment variées. Dans notre psaume, l’Esprit de Dieu ne traite pas proprement tel ou tel sujet, mais plutôt Il développe, jusque dans ses précieux résultats, la béatitude de la justice sans les œuvres. Les justes ne sont point mentionnés au commencement de notre psaume ; et si, sur ce point, nous suivions notre pensée au sujet de ce que c’est que « le juste », au lieu de saisir la pensée de l’Esprit, nous nous méprendrions singulièrement. Mais le commentaire du Saint Esprit, au chapitre 4 de l’épître aux Romains, nous conduit à lier le dernier verset du psaume au premier verset, et à identifier le juste, dont parle celui-là, avec l’homme béni dont il est question dans celui-ci. Nous apprenons ainsi que le Saint Esprit, d’un bout à l’autre de ce psaume, décrit le bonheur de ceux auxquels Dieu compte « la justice sans les œuvres » ; et Il finit en invitant les justes à se réjouir, précisément comme fait Paul, disant : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, je vous le dis encore, réjouissez-vous » (Phil. 4, 4) ! Un temps vient, auquel toutes les contrées de la terre seront appelées à se réjouir dans le Seigneur, alors qu’Il aura fait connaître Son salut, et manifesté Sa justice aux Gentils. Mais nous, nous n’avons pas besoin d’attendre ; connaissant le Seigneur, nous pouvons et devons nous réjouir. Pourquoi donnons-nous souvent à d’autres à penser que l’évangile est un système de privations et de renoncement, au lieu de leur montrer quel riche trésor il est ? N’est-ce point parce que nous essayons d’être contents de nous-mêmes ou des circonstances, dans lesquelles nous sommes appelés à vivre, au lieu d’être joyeux dans le Seigneur, et qu’ainsi nous sommes tantôt tristes, tantôt joyeux, au lieu de vivre dans la foi au Fils de Dieu qui nous a aimés et qui s’est livré Lui-même pour nous, apprenant ce qu’Il nous a été fait de la part de Dieu, et ce que nous sommes et possédons en Lui ? Même dans nos confessions les plus vraies au sujet de ce que nous sommes, nous pouvons nous réjouir au Seigneur. Avant que Jésus Lui-même soit manifesté publiquement en gloire, et qu’Il manifeste aussi dans la gloire, aux yeux de tous, ce que les enfants de Dieu sont réellement, nous pouvons nous réjouir d’une joie ineffable et glorieuse. Pourquoi donc cette joie nous fait-elle défaut si souvent ? N’est-ce pas parce que nous ne savons ni discerner, ni réaliser la béatitude de l’homme à qui Dieu impute « la justice sans les œuvres » ? Hélas ! nous ne connaissons pas cette béatitude par expérience, nous ne voyons pas sa beauté morale ; elle ne reluit pas sur nos âmes d’un éclat toujours plus vif, parce que nos âmes ne sont point exercées devant Dieu comme il le faudrait. Nous sommes, de manière ou d’autre, plus occupés de ce qui nous fait valoir devant les hommes, que de ce qui nous fait connaître Dieu. De là vient que nous ne buvons pas à la source de la joie. Plût à Dieu que nous puissions dire aux autres par notre vie, que Lui-même nous a rendus heureux et que nous sommes réellement heureux en Dieu !
« Égayez-vous et vous réjouissez en l’Éternel ; chantez de joie, vous tous qui êtes droits de cœur ». Ceux qui sont droits de cœur sont ici, de nouveau, mis en rapport avec la béatitude proclamée dans les premiers versets de notre psaume. Le livre des Actes, au chapitre 8, nous parle d’un homme, dont « le cœur » n’était point « droit devant Dieu » ; il avait la misérable pensée que le don de Dieu s’acquérait avec de l’argent. Or, quoique la pensée qui était entrée dans le cœur de Simon, un vrai chrétien ne puisse la nourrir maintenant, il y a cependant, dans nos cœurs naturels, une basse pensée de recueillir quelque chose de la part de Dieu, ce qui altère la droiture du cœur. Cette droiture nous tiendra devant Dieu comme pécheurs sauvés par Sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus Christ, et nous fera marcher comme tels devant les hommes. Si nous oublions ce que nous sommes en nous-mêmes ou ce que la grâce nous a faits être en Christ, nous ne sommes plus droits de cœur. Il est bienheureux, en effet, pour nous, de n’avoir pas à jouer un rôle devant Dieu, ce qui est le fait de toute religion humaine, mais de nous approcher de Lui dans le caractère que nous avons reçu de Lui, dans cette justice dont Il nous a Lui-même revêtus. Être « droit de cœur », n’est pas séparer les devoirs religieux des autres devoirs, mais venir à la lumière pour en apprendre qui nous sommes et quelle est la gloire de Dieu dans Sa grâce. Il peut y avoir de la sincérité humaine et de la droiture humaine (ce qui, au jugement de l’homme, est le plus opposé à l’hypocrisie), mais cette droiture naturelle peut exister, et a existé, là où Dieu n’a pas été connu ni révélé. Mais maintenant que la lumière est venue au monde, l’homme peut connaître son vrai caractère devant Dieu ; et le sujet du jugement, c’est que l’homme « ne vient point à la lumière ». Aussi, devant Dieu, tous les hommes seront-ils trouvés hypocrites, c’est-à-dire jouant un rôle, sauf ceux qui, venant à la lumière et apprenant ce qu’ils sont au jugement de Dieu, se sont abrités sous la béatitude de « la justice sans les œuvres ». Ceux-là sont « droits de cœur » ; il n’y a point de fraude dans leur esprit. Ils peuvent chanter de joie.