Écho du Témoignage:Notes sur l’évangile de Matthieu/Partie 5

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Les fils de Zébédée (v. 20) soulèvent la question qui est celle de tout l’évangile que nous étudions, mais dans un esprit entièrement égoïste. Ils pensent (car ils croient en Jésus comme Messie) à l’établissement immédiat du royaume, puisque le Roi était là, et ils voudraient y posséder les places les plus élevées, s’asseoir à la droite et à la gauche du Roi. Mais Dieu pensait à des choses bien autrement excellentes, qui tenaient aussi à l’état moral de l’homme et à ses relations avec Dieu ; or Dieu était révélé en Jésus. C’est là d’ailleurs la clef de l’histoire du Seigneur. Le Messie se trouvait en effet là — ce Roi annoncé dans les promesses et dans les prophéties. Or, selon la chair, les Juifs étaient les enfants du royaume, et les héritiers des promesses. Mais la révélation de Dieu, nécessaire à l’accomplissement de ces promesses, réveillait la haine du cœur humain contre Dieu, et cela d’autant plus que cette révélation s’accomplissait dans l’humiliation en grâce pour sauver. Fût-Il venu en jugement, tous auraient été retranchés. Il venait donc en grâce, « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant pas leurs fautes ».

D’ailleurs il fallait l’expiation, sans laquelle nul péché n’aurait pu être pardonné. Toutefois, quelle que fût la grâce dans laquelle Dieu était là, c’était toujours Dieu, et l’homme n’en voulait point ; et Jésus, le vrai Messie, en qui toutes les promesses étaient oui et amen, se voyait rejeté. Mais Dieu, dans Sa sagesse divine, se servait de cette haine pour accomplir l’expiation, absolument nécessaire pour sauver qui que ce soit, ou pour que Israël lui-même fût béni ; montrant ainsi l’état du cœur de l’homme à l’égard de Dieu et ouvrant en même temps la porte du salut aux Gentils.

Ainsi, le Fils de l’homme (titre bien plus étendu que celui de Messie, puisqu’il embrasse tous les droits du Christ dans les conseils de Dieu) devait souffrir, être rejeté, mis à mort, puis ressusciter d’entre les morts, pour fonder la bénédiction éternelle de l’homme, et même la bénédiction temporelle d’Israël, sur la base assurée de l’œuvre expiatoire que Christ allait accomplir. Ces choses ne pouvaient s’accomplir que selon la puissance d’une position toute nouvelle, au-delà de la mort, de la puissance de l’ennemi, de la colère de Dieu ; selon la position d’homme ressuscité, fruit d’une œuvre accomplie et agréée de Dieu, et preuve de la puissance divine ; position par conséquent immuable, et non une bénédiction dépendant de la responsabilité de l’homme, sous laquelle tout était mis en question, comme dans le cas d’Adam qui, de fait, y a manqué. Ici, la bénédiction devait reposer sur une œuvre dans laquelle Dieu allait être parfaitement glorifié. Il a bien été, en effet, mis à l’épreuve, ce Sauveur débonnaire, mais seulement pour manifester Sa fidélité et Son obéissance parfaites, quelle qu’ait été d’ailleurs la profondeur de Ses souffrances. Mais alors il fallait boire la coupe ; la croix était Sa part. Non seulement cela, mais Ses disciples devaient Le suivre dans ce chemin-là. Un Messie victorieux placerait les siens sur des trônes de jugement ; mais, avec un Sauveur mourant sur la croix, il fallait renoncer pour le moment à tout cela. Il devait premièrement accomplir une œuvre bien autrement glorieuse, et ouvrir à Ses disciples — quant à ce qui en résulterait ici-bas — un chemin semblable au sien. Ils devraient Le suivre ; c’était là le chemin où Il marchait Lui-même et qu’Il leur traçait pour Le suivre. Les deux disciples, le cœur rempli du désir charnel de la grandeur, avec une vue spirituelle entièrement obscurcie par la pensée d’un règne terrestre du Messie, et ne visant qu’à la gloire humaine, demandent à Jésus la faveur de s’asseoir à Sa droite et à Sa gauche dans le royaume de leurs désirs. Mais, comme en bien d’autres circonstances, la folie de la chair n’est pour le Seigneur qu’une occasion de mettre au grand jour les pensées de l’Esprit. Dans le monde, ce genre de grandeur se retrouvait, sans doute, partout ; mais ce n’était pas là le christianisme. Celui qui cherche à être grand et à primer parmi les chrétiens, a faussé entièrement le caractère chrétien. Il sera le tout dernier ; et le vrai moyen d’avoir la place la plus élevée, c’est de servir, de se considérer comme esclave des besoins des autres disciples. C’était ainsi que Jésus avait fait ; Il n’était pas venu pour qu’on Le servît dans ce monde, mais pour servir et pour donner Sa vie en rançon pour plusieurs. Leçon simple et claire, mais de toute importance ! La recherche de la prééminence personnelle n’est que l’égoïsme de la chair, l’esprit du monde qui est inimitié contre Dieu. L’amour aime à servir ; c’est ce que Christ a fait ; l’orgueil et l’égoïsme aiment à être servis et à primer les autres. En lisant de tels enseignements, nous sommes évidemment en dehors de l’idée d’un Messie venu pour régner, et nous nous trouvons dans les pensées d’un Dieu d’amour ; en présence de la révélation de la grâce dans la Parole faite chair, dans Celui qui s’est anéanti en amour pour prendre la forme d’un serviteur, qui s’est abaissé et qui est maintenant exalté. Ce passage a d’autant plus d’importance qu’il termine toute l’histoire du Seigneur, excepté Ses derniers jours à Jérusalem. Toute Sa vie de service se termine ici, et ces paroles impriment un caractère indélébile sur cette vie bénie, en nous indiquant solennellement, et d’une manière aussi touchante que puissante, ce que doit être le caractère de la nôtre : servir en amour et, quant à ce monde, être content de n’être rien en marchant sur les traces du précieux Sauveur. Oh ! que les siens apprennent cette leçon où la chair ne saurait trouver sa part, mais qui nous donne la joie de nous trouver sur les traces de Jésus, où, purifiés de l’égoïsme, nos yeux peuvent contempler la beauté de ce qui est céleste, et où nous jouissons de la clarté de la face de Dieu ; où, enfin, la vie de Jésus en nous jouit de ce qui lui appartient en propre.

Dans les trois premiers évangiles, dits synoptiques, c’est avec ce qui suit que commence le récit des derniers jours du Sauveur. Alors, pour se présenter une dernière fois aux Juifs, Il reprend le caractère de Fils de David. Jérusalem voudrait-elle encore recevoir son Roi ?

Nous pouvons indiquer ici brièvement la différence entre ces trois évangiles et celui de Jean. Les trois sont historiques ; ils nous racontent la vie et le ministère de Jésus à trois points de vue différents : comme Emmanuel le Messie ; comme prophète serviteur ; et comme Fils de l’homme en grâce. Aussi, dans ces évangiles, Son service s’accomplit-il essentiellement en Galilée, au milieu des pauvres du troupeau. Le résultat est qu’Il se trouve rejeté ; mais Il est présenté aux hommes pour qu’ils Le reçoivent. Ils n’en veulent rien, mais Il est là pour eux. Nous avons déjà vu que tout en étant là comme prophète et Fils de David, Il a manifesté Dieu dans ce monde. Si l’homme, ou Israël, eussent reçu le Fils de David, Fils de l’homme en grâce, ils ne pouvaient L’accepter qu’avec tous les traits divins qui Lui étaient propres, ils ne pouvaient, par conséquent, que s’incliner devant la manifestation de ce qui était divin. Cela ne pouvait être autrement, car Dieu était là. Or, c’est ce que l’homme ne voulait pas.

Dans l’évangile de Jean, Il est présenté d’emblée comme étant Dieu Lui-même, et par conséquent comme déjà rejeté, ainsi qu’on le voit aux versets 10 et 11 du premier chapitre. Les Juifs, dès le commencement et dans tout cet évangile, sont traités comme des réprouvés. La nécessité de l’œuvre divine dans ses deux parties, la nouvelle naissance et la croix, est constatée. L’élection, et l’action souveraine de la grâce et sa nécessité absolue pour le salut, sont mises en évidence partout. Nul ne peut venir à Jésus, si le Père qui L’a envoyé, ne le tire. Ses brebis reçoivent la vie éternelle et ne périront jamais. Dans cet évangile, presque tout se passe à Jérusalem, sauf ce qui est raconté dans le dernier chapitre.

Souvenons-nous que Jésus présente au cœur des siens l’esprit dans lequel ils doivent marcher dans ce monde, comme l’esprit dans lequel le Sauveur Lui-même a marché ; Lui, le Seigneur de tous, mais doux et humble de cœur, servant les autres par amour.

Le Seigneur, en sortant de Jéricho (v. 29) accepte de la part des aveugles le titre qu’Il porte en relation avec Israël, à qui Il va se présenter aussi pour la dernière fois comme ayant droit à ce titre : « Fils de David », disent les aveugles, « aie pitié de nous ». Ne se prêtant pas à l’impatience de la foule qui ne voulait pas s’occuper de la misère des aveugles, le Seigneur s’arrête, les guérit, et ils suivent le Fils de David, témoignage évident rendu à la réalité de Son titre. Mais Il se présente aussi ici comme le « Seigneur », c’est-à-dire comme Jéhovah Lui-même.

Chapitre 21. — Arrivé à Bethphagé près de Béthanie, Il envoie deux de Ses disciples au village pour y chercher une ânesse et son ânon, afin d’y monter et d’entrer ainsi dans la ville de Jérusalem qui était voisine. La prophétie avait annoncé ce fait : « Que ta joie soit vive, fille de Sion ! Jette des cris de réjouissance, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi viendra à toi, étant juste et qui se garantit par soi-même, abject, et monté sur un âne et sur un ânon, poulain d’une ânesse ». Remarquez toutefois que les mots : « juste, et qui se garantit par soi-même » sont omis ici. Il devait premièrement venir dans l’humiliation ; plus tard, Lui, le vrai roi d’Israël, viendrait avec puissance, apportant avec Lui la délivrance de ce peuple[1]. Cependant, quoique dans l’humiliation, Il agit déjà avec une autorité royale et divine, et Dieu dispose les cœurs à Le reconnaître. Les propriétaires de l’ânesse la laissent aller sur la demande des disciples. Dans l’évangile de Luc, nous trouvons plus de détails ; ici, nous avons le fait qu’Il agit en roi. La foule, sous l’influence divine, Le reconnaît aussi comme tel et Il entre, au milieu de cette procession triomphale, dans la sainte cité, entouré du cri : « Hosanna au fils de David ». Toute la ville en est émue, et la foule répond : « C’est Jésus, le prophète de Nazareth ».

Le voilà donc reconnu roi et prophète (Sa sacrificature devait s’accomplir ailleurs), la main de Jéhovah se manifestant clairement. Ce n’était donc pas le témoignage qui manquait dans le cœur du peuple. Le Seigneur exerce aussi Son autorité en purifiant le temple, profané par le commerce qui s’y faisait et qui pourvoyait aux besoins de ceux auxquels il fallait des bêtes pour leurs sacrifices. Ce trafic en amenait un autre, celui des changeurs. On avait fait de la maison de Dieu une caverne de voleurs. Matthieu ne fait que citer ce passage. C’était bien la « maison de son Père », mais tel n’est pas le point de vue présenté ici. Il est le roi, Emmanuel ; aussi Sa puissance se manifeste-t-elle en grâce : Il guérit les aveugles et les boiteux.

Tout ceci provoque la haine des chefs d’Israël qui expriment hautement leur déplaisir. Le Seigneur leur cite le psaume 8 qui nous révèle le Fils de l’homme, selon les conseils de Jéhovah, lorsque le Messie est rejeté d’Israël. Il est bon de remarquer les deux citations des versets 9 et 16. La première est tirée d’un psaume constamment cité par le Seigneur et par Ses apôtres, et qui révèle le rétablissement d’Israël aux derniers jours, lorsqu’ils reconnaîtront Celui qu’ils ont percé (Ps. 118, 25, 26). Hosanna veut dire : Sauve maintenant, ou : Sauve, je t’en prie. D’autres versets de ce psaume sont fréquemment cités. Le psaume 8 présente la position de Fils de l’homme, toutes choses étant mises sous Ses pieds, quand (au psaume 2 qui Le montre comme roi en Israël et Fils de Dieu) Il a été rejeté, mais avec la déclaration de la part de Jéhovah qu’Il serait roi en Sion, malgré Israël et le monde qui est invité — du moins ses chefs — à se courber devant Lui (comp. Jean 1, 49, 50 ; Matt. 16, 20, suivi de 17 ; et Luc 9, 20-22).

Maintenant (v. 17) le Seigneur ne veut plus de Jérusalem ; Il en sort, va à Béthanie et y passe la nuit.

Le figuier (v. 18-22) représente, je n’en doute nullement, Israël, soit l’homme sous l’alliance de la loi. Il est jugé définitivement et pour toujours. Il n’y avait qu’une belle apparence et pas de fruit, et il n’y en aurait jamais sur ce pied-là. Mais le Seigneur se sert du fait qu’à Sa parole le figuier sèche incontinent, pour montrer à Ses disciples l’effet de la foi en eux, dès qu’elle se trouvait là. Toutes les difficultés disparaîtraient. Non seulement Israël sous la loi sécherait, mais toute la puissance mondaine qui s’y élevait contre eux disparaîtrait sous les eaux du jugement de Dieu.

Au verset 23, les autorités judaïques mettent en question celle de Jésus, marche usuelle de ceux qui possèdent officiellement l’autorité, lorsque Dieu agit à côté de cette dernière par Sa puissance spirituelle. Le Seigneur, dans Sa sagesse divine, ne conteste pas l’autorité officielle dans sa sphère, mais lui présente un cas qui allait mettre sa valeur pleinement à l’épreuve. La puissance divine ne manque pas d’autorisation, et elle venait de se manifester pleinement, mais Jésus répond comme dans l’humiliation et, moralement, comme nous le pouvons toujours avec Son aide, si nous ne pouvons pas manifester cette puissance extérieurement. Au reste, Dieu ne fait pas de miracles pour satisfaire l’incrédulité.

Le Seigneur démontre, par leur propre confession, leur incapacité de porter un jugement sur ce qui se faisait de la part de Dieu. Jean ne faisait pas de miracles. Le baptême de Jean était-il du ciel ou des hommes ? S’il était du ciel, Jean avait rendu témoignage à Jésus, et pourquoi ne croyaient-ils pas ? Mais ils avaient peur, à cause du peuple, de répondre : « des hommes ». « Nous ne savons », disent-ils. Comment donc prétendre juger de la mission de Jésus ? Or maintenant eux doivent être jugés à leur tour, ainsi que toutes les sections de la nation juive.

Dans toute cette partie de l’évangile, Christ étant rejeté, le temps présent d’alors se lie sans intervalle à Sa seconde venue en jugement, ainsi que nous l’avons vu dans les citations de Zacharie 9 ; Psaumes 118 ; 2 et 8. Seulement le Seigneur constate tout premièrement le caractère de ce rejet (v. 28-32). Il leur propose le cas de deux fils. Le premier dit : Je n’irai pas, et toutefois il va ; l’autre répond : J’y vais, mais ne va pas. C’était la prétendue obéissance des Juifs, tandis que de pauvres pécheurs se repentaient de leurs péchés et suivaient Christ. Ses interlocuteurs reconnaissent que c’est bien le premier des deux fils qui a fait la volonté de son père. Le Seigneur leur fait l’application du cas et ajoute que, encore qu’ils eussent vu le repentir des autres, ils n’y allaient pas davantage.

Ensuite (v. 33) Il leur raconte leur histoire dans la parabole de la vigne louée à des cultivateurs. La vigne avait été soigneusement mise en état et environnée d’une clôture. Le propriétaire envoie ses serviteurs pour recevoir sa part des fruits. C’étaient les prophètes ; ils ont été persécutés et tués, comme Étienne en accuse les Juifs au chapitre 7 des Actes. Enfin il a envoyé son fils. Mais l’homme (les Juifs), avec tous les avantages dont il pouvait jouir de la part de Dieu, a voulu avoir le monde — le monde religieux si vous voulez — sans le Fils de Dieu, sans Dieu et sans Son autorité, car celui qui n’a pas le Fils n’a pas le Père. Les cultivateurs le jettent hors de la vigne et le tuent. Les Juifs reconnaissent qu’il faut faire périr misérablement ces méchants. Alors le Seigneur cite ce même psaume 118, déjà mentionné plus haut : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : « La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée, celle-là est devenue la maîtresse pierre du coin. Celle-ci est de par le Seigneur, et est merveilleuse devant nos yeux » ? Le royaume de Dieu leur était ôté et donné à ceux qui en rapporteraient les fruits.

Puis (v. 44), Il fait la différence entre l’effet du jugement qui allait tomber sur eux et ce qui arriverait aux derniers jours. Ils tomberaient sur la pierre d’achoppement et ils seraient brisés ; ceux sur lesquels elle tomberait en jugement seraient broyés et réduits en poussière.

Ayant entendu ces paroles, les principaux sacrificateurs et les scribes s’aperçoivent bien qu’Il parlait d’eux ; mais ils sont retenus par la crainte qu’ils avaient encore de ce que pouvaient être les dispositions de la foule, car celle-ci Le tenait pour un prophète.

Quel témoignage solennel la bouche du Seigneur rend ici de la crise par laquelle passait en ce moment la race humaine, par laquelle l’âme passe encore partout où Jésus est annoncé ! Celui qui heurte contre la pierre se ruine, mais le Seigneur viendra en jugement contre Ses adversaires qui seront broyés par la puissance de Sa venue en gloire. L’autorité rebelle qui rejette la vérité, est toujours faible et dépend de l’opinion du monde. Une mauvaise conscience est toujours faible. Celui qui a la vérité et la foi peut dire la vérité ; il est entre les mains de Dieu et le sait. Souvenons-nous que le monde dans lequel nous vivons a rejeté le Fils de Dieu. L’évangile lui dit, de la part de Dieu : Qu’avez-vous fait de mon Fils ? Que peut-il répondre ? Dieu annonce la grâce avec une longue patience, jusqu’à ce que cette patience soit inutile ; mais le monde est jugé, ayant non seulement péché et transgressé la loi quand il l’a eue, mais rejeté Dieu Lui-même venu en grâce.

Non seulement l’homme a été chassé du paradis terrestre, un monde, pour ainsi dire, que Dieu avait créé autour de lui, mais, autant que cela dépendait de lui, il a chassé Dieu de ce monde du dehors, que le péché et les convoitises avaient formé autour de l’homme. Il a chassé Dieu, quand Son amour L’avait amené ici-bas, quand Il délivrait l’homme tous les jours de tous les maux que le péché avait introduits dans le monde. L’homme ne veut pas Dieu ; il ne Le veut à aucun prix.

Chapitre 22. — La parabole des cultivateurs se rapporte à la venue de l’homme, même quand il s’agit de la venue de Christ. Maintenant le Seigneur va parler des voies de Dieu en grâce envers Israël et aussi envers les Gentils. Dans la parabole précédente, il était question de chercher du fruit, comme Dieu le faisait en Israël. Ici un roi fait un festin de noces pour son fils, et convie les invités au festin. Remarquez aussi que c’est une similitude du royaume des cieux (v. 2), tandis que, dans la parabole précédente, on cherchait des fruits d’après une mesure arrêtée d’obligation, c’est-à-dire la loi, quoique ce fût par le ministère des prophètes et du Fils, sans que le royaume fût en question.

Les premiers conviés étaient les Juifs, et tout premièrement ceux du vivant du Christ (v. 3). Ensuite, lorsque tout fut préparé, il envoya encore une fois ses esclaves — les apôtres après Sa mort — pour les convier au festin. Ils s’en moquèrent. On trouve ici les deux caractères des hommes : les intéressés qui s’occupent du monde et ne s’inquiètent pas du Seigneur, et les violents qui persécutent ses messagers. Luc, comme il le fait souvent lorsqu’il s’agit des choses morales, entre plus dans le détail, tandis que, d’autre part, il raconte en peu de mots une foule d’incidents qui ne font pas un tableau moral. Luc, dis-je, entre dans plus de détails, afin de montrer quelles excuses les hommes présentent pour négliger le Christ, puis il nous fait voir le Seigneur, cherchant en grâce les pauvres méprisés d’Israël, alors que les chefs ne veulent pas du Christ.

Ici nous avons le grand fait historique, que Jérusalem et les Juifs comme tels ne voulaient aucunement de Lui, et persécuteraient les siens, amenant, comme ils l’ont fait, sur eux-mêmes le jugement de Dieu et la ruine.

Ensuite Il fait chercher les Gentils, les pécheurs où qu’ils soient, et la salle des noces est remplie de monde ; mais alors il y a un jugement qui s’exerce à l’égard de tous ces conviés. Nous n’avons ici qu’un exemple, mais c’est pour constater le principe. La chrétienté, rassemblée par le message de l’évangile, est l’objet du jugement de Dieu, selon la nature de l’invitation qui a été faite. Pour un festin de noces, il faut une robe de noces. Il faut être revêtu de Christ, pour avoir part à Sa joie.

Nous trouvons encore ici un autre principe important et digne de remarque, principe qui découle de la forme de la parabole : le jugement est un jugement individuel.

Voici ce que je veux dire : La première partie de cette parabole, dont le sujet est la grâce, amène le jugement sur les Juifs, qui avaient méprisé l’invitation du roi agissant en grâce et les conviant au festin, qui avaient maltraité les messagers, et qui, à la suite de leur refus de lui rendre les fruits de sa vigne, avaient outragé ses envoyés les prophètes, et finalement porté les mains sur son fils unique et mis à mort son bien-aimé. Mais, à la fin de la parabole, lorsque, l’invitation ayant été envoyée de tous côtés, la maison a été remplie de conviés, bien que la chrétienté soit retranchée comme le judaïsme, un autre genre de jugement nous est révélé, un jugement individuel, dans lequel il s’agit de savoir si l’individu est dans un état qui convienne aux privilèges dont il jouit. Il ne s’agit pas de la destruction d’une ville et de la nationalité du peuple terrestre de Dieu ; d’un jugement extérieur qui met fin à l’économie, à l’existence de la nation sous l’ancienne alliance, à tout le système judaïque ; il s’agit de savoir si l’état de celui qui se trouve au festin convient aux noces du Fils du grand Roi ; sinon, tandis que le festin continue, l’individu, impropre pour les noces, est jeté dans les ténèbres de dehors, là où sont les pleurs et les grincements de dents.

Le principe établi, on voit qu’il s’applique, hélas ! à plusieurs : il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

La parabole des cultivateurs est l’histoire du judaïsme jusqu’au rejet et au crucifiement du Christ ; celle du festin est l’histoire de la réception de l’évangile, premièrement par les Juifs, puis par les Gentils, avec ce qui résulte de la participation extérieure à cette grâce, et le triage qui se fait au sein même de ces privilèges.

En reprenant l’ordre des pensées depuis le chapitre 20, verset 29, nous avons vu jusqu’ici : la présentation de Jésus, comme Fils de David, à Jérusalem ; l’état des Juifs constaté, quant au fait, dans la parabole des deux fils ; leur jugement comme nation dans la parabole de la vigne, jugement qui, du reste, avait déjà été dépeint dans le figuier devenu sec.

Ici, il est utile de faire remarquer la différence entre ces deux cas. Dans les deux, c’est Israël sans fruit, jugé et mis de côté ; mais, dans le cas du figuier, c’est Israël de fait, tel que le Sauveur l’a trouvé : beaucoup de feuilles, une belle apparence, mais aucun fruit répondant à ce que le Seigneur cherchait, à ce dont Son cœur avait besoin ; aussi le jugement a-t-il un autre et plus profond caractère. L’arbre était mauvais ; la nature humaine, sous la culture de Dieu même, ne valait rien. En entrant dans ce monde, il n’y avait, sur le chemin du Sauveur, qu’un seul peuple qui eût joui de cette culture ; c’était Israël, l’homme ayant tous les avantages que l’homme pût avoir comme placé sous sa responsabilité ici-bas. Or l’homme selon la chair est condamné ; jamais il ne portera de fruit ; c’en est fait de lui.

La parabole des cultivateurs se rattache davantage à la nation, comme sphère des voies de Dieu, une économie sur la terre ; non pas la nature humaine sous la loi, mais les chefs de la nation auxquels la vigne de Dieu avait été confiée. Dieu avait eu longue patience ; Il cherchait les fruits qui Lui étaient dus, et Ses messagers, Ses serviteurs, avaient été honnis, maltraités, même tués. Dieu pouvait faire encore une chose et Il l’a faite ; Il a envoyé Son Fils. Les cultivateurs L’ont jeté hors de la vigne et L’ont tué ; ils devaient subir le jugement qu’ils avaient mérité. Ce n’est pas le mal inguérissable, la chair qui ne peut plaire à Dieu, qui dépérit devant Ses yeux : c’est un jugement extérieur et terrible, tombant sur la nation qui, malgré toute la patience de Dieu déployée envers elle dans sa longue carrière, a mis le comble à son iniquité en rejetant et en crucifiant Son Fils. Ce peuple subit le jugement public de Dieu ; il est déjà ruiné, brisé à la suite de son péché ; il sera broyé (sauf un petit résidu que Dieu s’est réservé), quand, aux derniers jours, il sera trouvé adversaire et apostat.

Après cette parabole nous avons trouvé le royaume des cieux, la grâce qu’Israël rejette également, mais qui, étant promulguée, remplit la maison de conviés, de Gentils aussi bien que de Juifs. Ici nous trouvons aussi le jugement, mais portant sur la question si l’individu est propre à la position dans laquelle il se trouve.

Maintenant, après ces grands principes, après ces traits qui dépeignent la situation, toutes les classes des Juifs, chacune à son tour, viennent pour être jugées, alors qu’elles pensaient jeter la sagesse divine dans la perplexité par des questions qu’elle ne saurait résoudre, car elles se croyaient sages et pensaient avoir affaire à un pauvre Galiléen illettré. Combien le monde et les hommes religieux sont aveugles ; et que le cœur de l’homme est méchant ! Le Seigneur est au milieu d’eux en grâce, et ces hommes, les uns comme les autres, voudraient montrer qu’Il est dans Ses torts.

D’abord (v. 15) les pharisiens se réunissent et tiennent conseil ensemble pour chercher à L’enlacer dans Ses paroles. Ils tenaient eux-mêmes fortement à l’autonomie judaïque, comme étant le peuple de Jéhovah qui ne devait pas être assujetti aux Gentils ; les hérodiens, au contraire, s’attachaient à la dynastie d’Hérode, représentant la puissance impériale de Rome qui l’avait placé là comme roi subalterne. Si Jésus reconnaissait l’autorité romaine, Il perdait, pensaient-ils, aux yeux du peuple Son caractère de Messie qui devait les délivrer de ce joug ; s’Il rejetait cette autorité, eux pourraient le dénoncer au pouvoir civil. Peu leur importait qu’ils fussent inconséquents, si seulement ils pouvaient se débarrasser de Dieu et de Sa vérité. Les ennemis les plus acharnés deviennent amis pour se défaire de Christ. Comme Hérode et Pilate, pharisiens et hérodiens, pharisiens et sadducéens, tout le monde est d’accord pour cela. Les pharisiens et les hérodiens vont donc ensemble le questionner et Lui demandent, en Le flattant sur Son intégrité, si, oui ou non, il fallait payer le tribut à César. Le Seigneur, s’apercevant clairement de leur hypocrisie, la leur signale ; puis Il leur demande de Lui montrer la monnaie courante, avec laquelle on payait le tribut dans le pays. De qui cette pièce portait-elle l’image et l’inscription ? Ils lui disent : « De César ». « Rendez donc, leur dit-Il, à César ce qui lui appartient, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Dieu avait assujetti les Juifs aux Gentils pour leurs péchés ; ils devaient reconnaître Sa main et se soumettre à ce joug, jusqu’à ce que Dieu, selon Sa promesse, les en affranchît. En attendant, ils devaient rendre à Dieu ce qui Lui appartenait. Ils ne faisaient ni l’un ni l’autre. Rebelles à Dieu dans toutes leurs voies, ils se soulevaient constamment contre les Romains. Étonnés de la réponse du Seigneur, ils Le laissent et s’en vont.

Le même jour les sadducéens, qui nient la résurrection, viennent Lui soumettre le cas d’une femme qui, selon la loi de Moïse, avait eu sept maris. Duquel des sept, demandent-ils, serait-elle femme, lors de la résurrection ? Il s’agissait ici d’une vérité fondamentale ; aussi la réponse du Seigneur est-elle formelle et précise. Mettre en question la résurrection, c’était ignorer les Écritures et la puissance de Dieu. La mort ne terminait pas l’existence des hommes ; si Dieu était le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Il n’était pas le Dieu de ceux qui n’existaient pas. Tous vivent pour Lui, s’ils sont morts pour les hommes ; et bien que la vie et l’incorruptibilité n’aient été mises en évidence que par l’évangile, l’Ancien Testament suffisait pour montrer que Dieu avait été, était et serait le Dieu des fidèles, pour qu’ils fussent avec Lui, non seulement comme des âmes, mais comme des hommes, âme et corps, ainsi qu’Il les avait faits : seulement ressuscités, chose nécessaire après la mort. Lorsque Dieu disait : « Je suis le Dieu d’Abraham », Abraham était un homme vivant pour Lui et devait être ressuscité.

Mais le Seigneur traite aussi le côté positif de la question. Dans la résurrection tout est changé ; il ne s’agit ni de se marier ni de donner en mariage ; on est comme les anges de Dieu dans le ciel. Il n’est pas question ici de la position dans laquelle on se trouve, mais du caractère dans lequel on subsiste. C’est un fondement de l’évangile, que la résurrection.

Notre foi est vaine si Christ n’est pas ressuscité ; chose évidemment vraie, car, si l’homme ne ressuscite pas, Christ Lui-même n’est pas ressuscité ; Il est donc mort aussi, sans remède ni réponse ; Il est vaincu, non pas vainqueur. Les sadducéens sont réduits au silence, et les deux grandes sectes des Juifs n’ont plus rien à dire.

Mais le Seigneur ayant fait ce que ne pouvaient faire les pharisiens, adversaires des sadducéens, la curiosité des pharisiens est excitée, et ils se réunissent (v. 34). L’un d’entre eux questionne le Seigneur, mais sa demande a pour résultat que Jésus pose le vrai fondement de la loi et des prophètes, et puis constate clairement la situation des choses, la question du moment, comme Dieu l’envisageait. Lequel, demande le docteur de la loi, est le grand commandement dans la loi ? Question très débattue parmi les Juifs, pour lesquels chaque commandement avait une valeur spéciale, l’observation de chacun d’entre eux procurant, comme dans un examen au collège, tant de bonnes marques de la part de Dieu. Le Seigneur saisit l’occasion, offerte dans les voies de Dieu, de constater les principes fondamentaux de la loi divine : Aimer Dieu de tout son cœur, tel est le premier commandement ; le second lui ressemble, c’est aimer son prochain comme soi-même. Tout, dans l’homme, dépendait de ces deux choses. C’est le sommaire de ce que l’homme devrait être ; les racines et la mesure de la justice humaine. Ce n’est en aucune manière une révélation de l’amour divin ; il n’est nullement question de la grâce, ni d’un chemin ouvert au pécheur pour venir à Dieu ; mais c’est la règle parfaite de ce qu’un homme devrait être, un résumé divin de la substance de la loi, loi sur laquelle les prophètes insistaient, en cherchant à ramener le peuple à son observation.

Maintenant tout change. À Son tour Christ les questionne. Il avait été clair et positif quant à la résurrection, clair et positif quant à l’essence et au fondement de la loi que l’homme aurait dû garder (et en la gardant il aurait joui de la vie avec Dieu, mais il est pécheur) ; maintenant Il leur présente la question, grave et décisive pour eux, du jugement qu’ils portaient sur le Christ et ainsi sur Sa propre personne. « Que vous semble-t-il du Christ ? De qui est-il Fils ? ». Ils Lui disent : « De David ». « Comment donc, leur dit Jésus, David l’appelle-t-il Seigneur ? disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je mette tes ennemis pour le marchepied de tes pieds ». C’est ce qui allait arriver ; Il allait quitter la position de Fils de David sur la terre, héritier des promesses faites aux Juifs, pour s’asseoir à la droite de la majesté dans les hauts lieux.

Personne ne put Lui répondre un mot et personne, depuis ce jour-là, n’osa plus L’interroger. Tout était terminé entre le peuple juif et le Seigneur ; sauf, hélas ! à mettre à exécution les pensées de haine qu’ils avaient dans leur cœur.

Chapitre 23. — Sans parler de l’instruction qu’il renferme, ce chapitre est important parce qu’il montre la manière dont cet évangile se meut dans les relations de Dieu avec Israël, tout en indiquant le jugement que ce peuple attirait sur lui par le rejet du Messie.

Nous trouvons ici, d’abord la position des disciples au milieu des Juifs, aussi longtemps que Dieu supporterait ces derniers, et ce qui, sous ce rapport, convenait aux serviteurs de Jésus ; puis l’iniquité et l’hypocrisie des scribes et des pharisiens ; enfin l’amour et la grâce souveraine de Jésus, grâce qui déborde et montre ce qu’Il est, même quand Il annonce le jugement. Par là, toute cette partie de l’évangile se lie aux voies de Dieu en relation avec Son peuple terrestre, comme le moment d’alors, où tout cela se passait, se lie avec les derniers jours. Tout se rapporte aux Juifs d’alors et à la relation des disciples avec ce peuple, et de là passe aux derniers temps en laissant l’Église de côté, sauf que la mention des derniers temps introduit nécessairement la responsabilité de ceux qui remplacent les Juifs comme serviteurs du Seigneur pendant Son absence, et finalement le jugement des Gentils.

Les disciples sont laissés par le Seigneur dans la relation avec les chefs judaïques dans laquelle ils se trouvaient alors, et jusqu’au rejet judiciaire du peuple lors de la destruction de Jérusalem. Le Sauveur les place dans la même catégorie que la multitude. Tous étaient soumis à l’autorité des scribes et des pharisiens. Ceux-ci étaient assis dans la chaire de Moïse ; on devait les écouter quant aux prescriptions qu’ils tiraient de la loi donnée par son moyen. Toutefois il fallait bien se garder de suivre leur marche ; c’étaient des hypocrites qui parlaient et ne faisaient pas. Ils faisaient la loi très stricte pour les autres et très légère pour eux-mêmes ; ils aimaient à paraître devant les hommes avec les formes de la piété, pour acquérir une réputation religieuse ; ils recherchaient les premières places dans les synagogues, les salutations dans les places publiques, et d’être appelés : Rabbi, se faisant valoir aux yeux du monde par la religion.

L’esprit des disciples devait être l’opposé de tout cela. Ils ne devaient pas être appelés : Rabbi, car le Christ seul était leur maître et eux étaient des frères ; ils ne devaient pas non plus en appeler d’autres du nom de père, car un seul était leur Père, Celui qui est dans les cieux ; enfin, ils ne devaient pas être appelés docteurs, car Christ seul était Celui qui les enseignait. Celui qui voulait être grand au milieu d’eux devait être leur serviteur, car quiconque s’élèverait sur la terre serait abaissé et celui qui s’humilierait serait exalté. C’est bien ce que Christ a fait, tandis que l’homme, ayant voulu s’élever et être comme Dieu, a été abaissé et le sera encore en affrontant le jugement de Dieu (comp. Phil. 2).

Ensuite (v. 13), le Seigneur dénonce les scribes et les pharisiens, ces docteurs religieux du jour, en mettant le doigt sur les divers traits d’iniquité qui les caractérisaient. Ils fermaient le royaume devant les hommes, et ne voulaient ni entrer, ni permettre aux autres d’entrer, car les docteurs religieux s’opposent toujours à l’entrée de la vérité dans d’autres cœurs. Leur vie était une vie d’hypocrisie ; ils cherchaient à profiter, par leur caractère religieux, de la bourse de ceux que leur faiblesse exposait à leurs artifices ; ils faisaient de longues prières ; leur jugement serait sévère en proportion. Ils montraient (v. 15) un zèle prodigieux pour leur religion, mais ils rendaient moralement les prosélytes pires qu’eux-mêmes ; ils proposaient des subtilités de casuistes et négligeaient les choses essentielles de la loi de Dieu. Exacts quant aux minuties des dîmes demandées par la loi de Moïse, ils négligeaient la justice, la miséricorde et la foi, tout ce qui était réellement important aux yeux de Dieu ; ils nettoyaient le dehors, et au-dedans ils étaient pleins de rapine et d’iniquité. Hypocrites ! ils bâtissaient les tombeaux des prophètes, et assuraient que s’ils avaient vécu au temps de leurs pères, ils n’auraient pas trempé dans la mort de ces messagers de Dieu. Ils témoignaient ainsi être les fils de leurs pères — eh bien ! qu’ils comblassent donc la mesure de leurs pères !

Jamais le Seigneur n’a accusé personne comme ce qu’on peut appeler le clergé de Son temps, ceux qui, sous des formes religieuses, étaient le grand obstacle au succès de Son travail ici-bas. Serpents, race de vipères ! dit-Il, comment pourrez-vous échapper à la condamnation de l’enfer ? — Sauveur humble et débonnaire ! Lui qui avait commencé Sa carrière en dépeignant le caractère de ceux qui seraient bénis, Il l’a terminée, rejeté par la religion du monde et des formes, en dépeignant l’hypocrisie et l’iniquité de ceux qui s’opposaient à la bénédiction de leurs prochains — et Il l’a fait avec une sévérité d’autant plus terrible, que c’était la bouche de l’amour et de la grâce qui s’exprimait ainsi.

Tel est le point de départ de ces paroles brûlantes qui mettent en lumière, comme Lui pouvait le faire, le vrai caractère de la religion qui ne veut pas la vérité. Au moins, disaient-ils, ils n’auraient pas pris part à la persécution, ni à la mort de ceux qui apportaient le message de Dieu. Mais Dieu avait l’œil sur eux ; ils seraient mis à l’épreuve à cet égard. Christ, car c’était le Seigneur Lui-même qui les jugeait ainsi, enverrait des prophètes, des sages et des scribes (ce qu’Il a fait après être monté en haut) ; ils les persécuteraient, les tueraient, les fouetteraient dans les synagogues, pour maintenir la religion intacte ; mais — c’est Dieu qui prononce le jugement — afin que le sang juste, versé sur la terre depuis Abel jusqu’à Zacharie, vint sur la génération à laquelle Dieu avait accordé Son dernier et Son plus grand bienfait, et qui avait ainsi montré, au plus haut degré, la perversité et l’iniquité de l’homme. Nous savons, d’après Apocalypse 18, 24, qu’il en sera de même de la chrétienté sous sa forme babylonienne.

Le point très solennel qui est mis ici en évidence, c’est que l’iniquité s’accumule. La patience de Dieu attend, et non seulement cela, mais elle emploie tous les moyens pour ramener à la sincérité et à Lui-même ceux qui possèdent la vérité ou qui en ont tout au moins la forme. Les appels les plus touchants, les avertissements les plus énergiques, la condescendance qui emploie des raisonnements presque d’égal à égal, tout cela est rendu inutile par l’obstination des hommes à mépriser la grâce et à pratiquer l’iniquité. Lorsqu’enfin Dieu a épuisé tous Ses moyens d’appeler à la repentance, alors arrive le jugement que cette patience divine avait suspendu. Il est enfin amené par le péché accumulé d’âge en âge, et par la dureté de cœur qui a grandi avec le mépris des avertissements divins et de la grâce.

Toutefois la grâce déborde du cœur du Sauveur, qui parle ici dans Son caractère divin. Rien de plus touchant que les plaintes de Sa douleur, en apostrophant Jérusalem qui ne voulait ni recevoir Ses appels, ni venir pour être gardée et abritée sous les ailes de l’amour divin. Elle est bien caractérisée par la persécution de tous les messagers de Dieu, et que de fois Il aurait recueilli Ses enfants sous Ses ailes ! Mais, maintenant, Lui-même venu en amour est rejeté, et sa maison à elle (car Il n’appelle plus cette maison sienne) lui est laissée déserte — pas pour toujours, cependant, car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance ; — mais déserte jusqu’à la repentance du peuple, manifestée dans le désir de voir et de saluer Celui qui avait été promis, selon le psaume 118, si souvent cité en rapport avec ces jours et le retour du Sauveur. C’était ce que les enfants avaient crié au chapitre 21, témoignage voulu de Dieu et produit par Sa puissance, lorsque le peuple ne voulait pas de son Messie, vrai fils de David. L’iniquité du peuple, placé sous sa responsabilité, était venue à son comble, mais Jéhovah, selon Sa grâce souveraine et selon Sa fidélité, reviendra en puissance comme libérateur, au moins pour le résidu repentant, lorsque l’iniquité de l’homme, dans ce cas comme dans tous les autres, aura fait de la bénédiction d’Israël, selon les promesses de Dieu, un acte de pure grâce et de miséricorde envers des enfants de colère (Rom. 11, 29, 32).

Chapitre 24. — Ce qui précède montre comment, en tout ceci, nous avons le peuple juif sous nos yeux. Ce qui suit est l’histoire des Juifs, ou plutôt celle du témoignage des serviteurs du Christ au milieu des Juifs, dans l’intervalle qui sépare le rejet du Messie, ici en question, et Son retour en gloire. Ils sont encore — ou de nouveau — en Palestine ; pas encore délivrés, ni publiquement reconnus de Jéhovah, mais sous Sa main, en châtiment, s’il s’agit de ceux qui sont sous l’influence de Sa grâce et de Sa parole, et finalement en jugement contre ceux qui se jettent entre les bras de l’Antichrist. Ce récit vient très naturellement à la suite du témoignage des derniers versets du chapitre 23, et se rattache, quant à son contenu, à ce qui y est dit.

Le Seigneur sort du temple, maintenant délaissé en jugement jusqu’à Son retour, et s’assied sur la montagne des Oliviers, séparée par la vallée du torrent de Cédron, du plateau élevé sur lequel on voyait le temple dans toute sa grandeur. Les disciples s’approchent pour attirer Son attention sur la beauté de ce majestueux édifice ; le Seigneur ne cherche pas à détourner leurs yeux de l’objet qui les préoccupait, mais Il annonce la destruction complète de ce qui semblait être le palais indestructible de leur religion, nécessaire, de fait, à l’accomplissement des devoirs qu’elle imposait, lieu obligé des offrandes qui étaient le seul moyen de mettre le peuple en relation avec Dieu. Tout serait détruit de fond en comble ; leur religion et toutes leurs relations avec Dieu selon l’ancienne alliance, qui se rattachaient au temple, seraient entièrement abolies avec lui. Autant que cela dépendait de la responsabilité des hommes, le départ du Sauveur laissait le temple vide de son Dieu.

Les disciples Lui demandent quand ces choses arriveraient ; et, avec cela, quel serait le signe de Sa venue et de la fin du siècle. Ils entendent la fin du siècle de la loi par l’arrivée du Messie, savoir de Jésus en gloire, car les Juifs reconnaissaient « ce siècle », c’est-à-dire celui de la loi, et « le siècle du Messie » qui le terminerait.

Examinons la réponse du Seigneur. Elle se divise en deux parties : la première (v. 4-14) donne une esquisse générale de leur position et de ce qui se ferait jusqu’à la fin ; la seconde (v. 15-31) présente le tableau dont l’application est le développement du chapitre 12 de Daniel. En effet, ce chapitre annonce la grande tribulation par laquelle Jérusalem passera dans les derniers temps ; tribulation sans pareille dans l’histoire du monde, après laquelle le Sauveur apparaîtra pour la délivrance des siens, et pour rassembler, des quatre coins de la terre, les dispersés d’Israël, savoir les élus de ce peuple. Le Seigneur s’occupe tout particulièrement de ceux qui seraient des témoins pour Son nom, tout en racontant l’état de choses qui les touchait de si près. Il laisse de côté l’Église et tout ce qui s’y rapporte ; c’est des témoins au milieu des Juifs, qu’Il parle ; Il les met en garde contre les faux christs. Maintenant que le vrai Christ avait été rejeté, le peuple serait en proie à ces imposteurs, et nombre de personnes seraient trompées. Il y aurait aussi des guerres et des bruits de guerre ; les disciples devaient rester tranquilles, la fin — savoir la fin du siècle — n’étant pas encore. Les nations s’élèveraient l’une contre l’autre, les royaumes aussi ; il y aurait des famines et des tremblements de terre en divers lieux. C’était le commencement des douleurs d’enfantement pour l’accomplissement des voies de Dieu.

Mais dans ces temps de trouble, même de la nation, l’homme n’en deviendrait que plus méchant et ferait éclater sa haine contre les témoins de la vérité. On les tuerait, on les livrerait pour être affligés, et ils seraient haïs de toutes les nations pour l’amour du Christ. Une fois la bride lâchée, les Gentils comme les Juifs ne veulent ni Christ ni la vérité. Il y aurait de faux prophètes qui tromperaient la multitude, et plusieurs se refroidiraient, parce que l’iniquité surabonderait. Dans ces cas-là le courage moral vient à manquer, lorsque la foi n’est pas en activité pour soutenir le cœur, en le faisant regarder vers le Seigneur qui est au-dessus de toutes les difficultés, quelles qu’elles soient. Il s’agissait pour les disciples de persévérer jusqu’à la fin, car la délivrance arriverait en son temps. Pour nous il s’agit de moissonner, en nous appliquant à l’œuvre du Seigneur sans nous décourager ; pour eux il s’agit d’être délivrés. En général il est vrai pour nous aussi qu’il faut persévérer jusqu’au bout. Lorsque la Parole de Dieu nous parle du chemin du désert qui est à traverser, elle insiste sur la persévérance et sur le maintien de la confiance jusqu’à la fin ; non pas que l’issue soit incertaine pour le vrai croyant, parce que Dieu le gardera jusqu’au bout. Il est fidèle pour le faire, mais il faut qu’Il le fasse ; le chemin est là, il faut que nous le parcourions ; le danger est là, et il nous faut être gardés ; mais les brebis ne périront pas et personne ne les ravira de la main du Seigneur. Cependant il faut aller jusqu’au bout ; c’est un devoir de compter sur Dieu pour cela ; mais ici, dans les derniers temps, il y aurait une délivrance. Toutefois, malgré la prédominance du mal, la Parole de Dieu ne s’arrêterait pas ; elle dépasserait les limites de la Palestine, et porterait à toutes les nations la nouvelle de l’établissement du royaume qui vient. Alors viendrait la fin. Ce n’est pas ici l’évangile du salut, comme au chapitre 1 de l’épître aux Éphésiens, mais l’évangile du royaume, comme Jean-Baptiste, comme le Sauveur Lui-même, l’avaient annoncé. Le royaume de Dieu est proche.

Tout ceci est un aperçu de l’état de choses qui aurait lieu à la fin et qui commençait à poindre immédiatement après le départ du Seigneur, état de choses qui avait son avant-goût dans ce qui allait se passer entre Son départ et la destruction de Jérusalem, et dont les versets 4 à 14 nous donnent une idée générale. L’Église, nous l’avons déjà dit, est laissée entièrement hors de vue, le témoignage envoyé aux Gentils étant celui des derniers jours quand l’Église sera en haut, et donnant lieu au jugement que dépeint le chapitre 25. La destruction de Jérusalem par Titus ne se trouve pas ici du tout, mais néanmoins cette destruction était d’une grande importance, parce qu’elle mettait fin à toute relation de Dieu avec le peuple comme tel, jusqu’au moment où elle serait reprise lors de son retour dans le pays à la fin des jours. Luc (21, 24) nous parle de la destruction de Jérusalem par Titus en ajoutant qu’elle sera foulée aux pieds par les Gentils, jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis. Daniel (9, 26) en parle en ces termes : « Le peuple du conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire », et la désolation sera là par le jugement de Dieu. À la fin le Messie prendra le royaume, lorsque Jérusalem et les Juifs auront subi jusqu’au bout le jugement que Dieu a décrété.

Le Seigneur (v. 15) arrive maintenant, dans le cours de Sa prophétie, au moment prédit par Daniel, où l’abomination qui cause la désolation serait placée dans le lieu que le trône de Dieu doit occuper. Il y aurait donc, avons-nous vu, un temps de témoignage en Israël, qui s’étendrait jusqu’au bout du monde, à toutes les nations ; les serviteurs du Seigneur devraient posséder leurs âmes par la patience, et, quoique haïs de tous, persévérer jusqu’à la fin. Mais, pour ceux qui seraient en Judée, le moment viendrait où une idole (c’est ce que signifie le mot « abomination ») serait placée dans le lieu saint. Cette idole est appelée « de la désolation », parce que la confiance en elle et l’affront public fait à Dieu amèneraient la désolation du peuple et du lieu saint. Lorsqu’elle y serait placée, les fidèles qui seraient en Judée devraient s’enfuir dans les montagnes. Le Seigneur emploie toutes les images pour montrer l’urgence du cas : celui qui serait sur le toit de la maison ne devrait pas descendre pour emporter quelque chose hors de sa maison ; celui qui serait aux champs ne devrait pas revenir en arrière pour chercher ses vêtements ; le moment serait si terrible qu’il ne s’agirait que de prendre la fuite. Mais Dieu pense toujours aux siens : ils devraient, dit le Seigneur, demander à Dieu que leur fuite n’eût pas lieu en hiver, ni un jour de sabbat. Lorsqu’arrivera ce temps de tribulation sans pareille dans l’histoire du monde, Dieu pensera à la température la plus convenable pour la fuite et à l’esprit consciencieux qui arrêterait le fidèle un jour de sabbat.

Ce passage nous montre clairement qu’il s’agit, en tout ceci, des Juifs, et de Jérusalem, et du pays environnant. C’est la dernière demi-semaine de Daniel, « un temps de détresse à Jacob » ; il en sera cependant délivré. Malheur aux femmes enceintes et à celles qui nourriront des enfants, ces sujets de joie pour les femmes juives en temps de paix ; il y aurait une tribulation telle qu’il n’y en avait jamais eu de pareille. Mais le cœur du Seigneur pense à toutes les difficultés, à tous les dangers des siens. Pour l’amour de Ses élus, Il raccourcira ces jours-là, car autrement nulle chair n’eût été sauvée ; et, de fait, ce ne sera pas un prolongement de misère selon la volonté de l’homme, car en trois ans et demi tout sera terminé.

La citation de Daniel montre clairement qu’il ne s’agit pas du siège de Jérusalem par Titus, car Daniel nous fait savoir que ce temps de tribulation est sans pareil, et, par conséquent, il ne peut y en avoir deux. Mais de plus, la durée de la tribulation est de mille deux cent soixante jours, soit trois ans et demi, puis viennent soixante-quinze jours pour tout purifier, et alors aussi Daniel, naturellement ressuscité, aura sa part dans ces choses à la fin des jours. Or prenez les mille deux cent soixante jours pour des jours, comme je le crois, pour une demi-semaine d’années, ce qui correspond à Daniel 9, ou prenez-les, si vous voulez, pour mille deux cent soixante années ; le fait est que rien n’est arrivé, ni à l’une ni à l’autre époque, qui corresponde aux paroles prophétiques du Sauveur, ni à celles de l’Esprit par Daniel.

Luc ne parle pas de Daniel, ni de l’abomination de la désolation, car il s’occupe toujours davantage de la période actuelle et des principes qui s’y rapportent ; aussi nous dit-il à cette occasion que Jérusalem sera entourée d’armées et foulée aux pieds des Gentils, jusqu’à ce que le temps des Gentils soit terminé.

Après cela (v. 23) viennent les grands signes. Il y aura, dans ces derniers temps aussi, de faux christs et de faux prophètes, des promesses de délivrance dont les cœurs auront un si grand besoin, à ce moment terrible où toutes les fausses espérances d’une nation incrédule s’évanouiront. Voici, dira-t-on, il est au désert ; voici, il est dans la chambre la plus retirée de la maison ! Il y en aura aussi qui feront de grands signes et des miracles de manière à tromper, si possible, même les élus. La méchanceté des hommes et les ruses de Satan s’emploieront encore pour égarer les âmes et les empêcher de s’humilier et de chercher la délivrance où seule elle peut se trouver. C’est le temps terrible de la puissance de l’ennemi et du jugement de Dieu sur le peuple, par le moyen des instruments que celui-ci s’est choisis pour s’agrandir et s’établir dans son incrédulité. Il ne s’agit pas ici de chrétiens ; ils savent que Christ est dans le ciel ; leur dire : Il est au désert, Il est dans les chambres intérieures, ne répondrait à aucun besoin d’un chrétien, ne produirait aucun effet, même sur ceux qui ne le seraient que de nom. Pour le Juif, qui subira l’agonie d’une persécution sans pareille, de la colère de Satan qui, chassé du ciel, sera dévoré d’une rage brûlante, sachant qu’il n’a que peu de temps, pour le Juif, dis-je, au milieu de toute cette souffrance, le désespoir d’un cœur amèrement trompé par la promesse d’un libérateur arrivé, sera un piège évident. Il s’agit purement et simplement de la grande tribulation de Jérusalem aux tout derniers jours, du temps prédit par Jérémie (30, 7) et par Daniel (12, 1), la délivrance du résidu qui devient la nation étant annoncée dans ces deux passages. La puissance de Satan qui se développe dans cette période nous est montrée dans le chapitre 12 de l’Apocalypse ; l’ordre des temps au chapitre 9 de Daniel.

Le Seigneur avertit Ses disciples, car dans tout ce chapitre ils sont envisagés comme témoins au milieu des Juifs. Ils ne devaient suivre aucun de ces feux follets allumés par Satan pour tromper les âmes, car le Seigneur, le Fils de l’homme, viendrait comme un éclair, subitement, et avec un éclat qui ne laisserait aucune incertitude à l’égard de Sa personne ainsi manifestée ; — Il viendrait en jugement, là où l’effet du jugement se trouvait devant les yeux clairvoyants de Dieu (v. 28). Le Seigneur fait quelque allusion au chapitre 39, verset 30, du livre de Job, bien que ce soit une expression proverbiale dont on n’a pas à chercher le sens bien loin. Là où est le corps mort d’Israël, là descendra le jugement de Dieu, avec la vue et la rapidité de l’aigle.

Après ce témoignage rapide et prophétique du Seigneur, prévoyant le jugement des derniers jours, Il annonce avec plus de calme le grand résultat du jugement de Dieu, avec la grâce qui rassemblera le résidu du peuple (v. 29-31). C’est moins un transport prophétique, plaçant l’esprit dans les circonstances qu’il annonce, que la révélation des voies de Dieu, faite avec le calme et l’élévation qui conviennent à Celui pour lequel tout est certain. Toutes les autorités, toutes les puissances qui subsistent, seront bouleversées et tomberont. Je ne doute pas qu’il n’y ait dans les derniers temps des phénomènes extraordinaires (Luc 21, 25), mais je crois que le Seigneur parle ici de la chute de tout ce qui, en se faisant grand et fort, gouvernait le monde. Dieu intervient, et toutes les puissances, alors en rébellion contre Lui, sont renversées pour toujours. Ceci arrivera tout de suite après la tribulation annoncée par le Seigneur et par les prophètes. Les disciples avaient demandé quel serait le signe de Son arrivée. Il leur avait donné des avertissements abondants, et leur avait annoncé le vrai caractère et les vrais dangers de ces temps-là ; mais le signe de Son arrivée sur la terre serait l’apparition de Sa gloire dans le ciel. Ce qui était terrestre, Il le leur avait exposé selon les besoins de ces temps-là, mais la venue du Sauveur était céleste, et c’est là qu’on verrait le signe de Son arrivée sur la terre, l’apparition, je n’en doute pas, de Sa gloire dans le ciel ; on verrait le Fils de l’homme venant sur les nuées avec puissance et une grande gloire. Alors toutes les tribus de la terre (de la terre d’Israël, je pense) se lamenteront : ceux qui L’avaient rejeté et qui maintenant Le voient revenir en gloire. Les fidèles, partageant en général le sort de la nation, mais délivrés de leur incrédulité, se lamenteront, nous le savons, d’une autre manière (Zach. 12, 10-14), en regardant à Celui qu’ils avaient percé. Les Gentils rebelles qui s’élevaient contre Jéhovah et contre Son Christ seront détruits, mais ici, je le crois, l’Esprit a plutôt en vue les enfants d’Israël.

Mais il y a davantage : non seulement en Palestine ceux qui sont écrits dans le livre de Dieu (Dan. 12, 1) seront délivrés, mais le Fils de l’homme enverra Ses anges (car maintenant les anges sont devenus les serviteurs de Celui qui hérite de tous les droits de l’homme selon les conseils de Dieu), Il les enverra pour rassembler tous les élus d’Israël des quatre coins de la terre, depuis l’un des bouts du ciel jusqu’à l’autre bout. Ceci termine l’histoire des Juifs et du témoignage de Dieu au milieu d’eux, depuis le temps où ils ont rejeté le Sauveur, jusqu’à Son retour. Nous avons vu la relation du témoignage des disciples avec le peuple juif, et les circonstances dans lesquelles ils doivent rendre ce témoignage jusqu’au retour du Seigneur. Ceci se termine au verset 31 du chapitre 24. Les versets 30 et 31 de ce dernier chapitre se relient au verset 31 du chapitre 25. L’historique de la prophétie reprend à ce dernier verset, le trône du Seigneur étant établi, de sorte qu’Il juge les Gentils. Entre deux, nous avons des exhortations aux disciples, et la responsabilité des chrétiens pendant l’absence du Seigneur. Le résultat général pour la chrétienté est développé à la fin du chapitre 24. Tout dépendait de l’attente vivante du Seigneur. Si cela venait à manquer, le serviteur se ferait maître de ses compagnons de service et les tyranniserait ; il se joindrait au monde pour jouir de ses délices charnelles ; la conséquence en serait qu’il serait retranché, compté parmi les hypocrites et jeté dehors. Ceci donne lieu à des détails plus précis sur l’état et la responsabilité dans lesquels se trouvent les chrétiens pendant Son absence : c’est ce que nous allons examiner.

Chapitre 25. — La venue du Sauveur donne lieu d’envisager les chrétiens comme dix vierges sorties pour aller à la rencontre de l’Époux. La vraie force du mot est que le royaume des cieux sera alors devenu semblable à dix vierges ainsi sorties. Rien de plus solennel et de plus instructif que cette parabole, quant à l’état des chrétiens. Il s’agit du retour du Sauveur et de ce qui arrivera aux chrétiens, aux membres du royaume, à cette époque-là. Si le serviteur disait : « Mon maître tarde à venir », ce serait sa ruine, la démonstration de l’état de son cœur. Mais, de fait, l’Époux tarderait ; et c’est ce qui est arrivé. Il importe de remarquer les relations mutuelles dans lesquelles les personnages de la parabole se trouvent. Il ne s’agit pas ici de l’Église comme Épouse. Si l’on veut absolument penser à une épouse, c’est Jérusalem sur la terre. Les chrétiens sont envisagés comme des vierges sorties pour aller à la rencontre de Celui qui était l’Époux. Le résidu juif ne sort pas. Quand Jésus reviendra, il se trouvera là, sur la terre, dans les relations dans lesquelles il sera resté ici-bas. L’Époux tardait, et les vierges — les sages comme les folles — s’endormirent, n’attendant plus l’Époux. De plus, elles entrent quelque part pour dormir plus commodément. Toutefois il y en a qui ont de l’huile dans leurs vaisseaux avec leurs flambeaux ; — c’est la grâce divine qui entretient la lumière de la profession chrétienne. Elles ne sont pas surprises ; il s’agit de ceux qui font profession.

L’état moral du royaume consiste en ce que tous se sont endormis : la venue du Sauveur est oubliée de tous. À un moment imprévu, le cri se fait entendre : « Voici l’Époux ! ». Dieu réveille les âmes pour qu’elles y pensent ; mais quel témoignage rendu à l’état des chrétiens ! Ce qui aurait dû les caractériser, la chose pour laquelle, en tant qu’état vivant de l’âme du chrétien ici-bas, on avait été converti — selon qu’il est écrit : « Vous avez été convertis pour attendre son Fils du ciel » — avait été entièrement oubliée. On n’attendait plus le Seigneur ; et quoiqu’il y eût de l’huile dans les vaisseaux de quelques-uns, les lampes étaient négligées. C’est l’âme qui attend le Seigneur, qui veille pour être prête à Le recevoir. Leurs flambeaux ne brillaient plus convenablement. Il pouvait y avoir de la fumée et de la cendre ; le feu n’était pas éteint, soit ; mais il y avait peu de lumière, assez cependant pour bien manifester la négligence et le sommeil. Où était donc l’amour pour le Sauveur, lorsque tous L’oubliaient, ne s’occupant plus de Son retour ? La fidélité et l’amour envers le Sauveur faisaient également défaut.

On demande quelquefois comment il est arrivé que ces hommes si excellents des temps passés n’eussent pas connaissance de cette vérité, ne fussent pas animés de cette espérance. La réponse est facile : les vierges sages dormaient comme les folles. L’attente du Sauveur était perdue dans l’Église. Et, remarquez-le bien, c’est le cri : « Voici l’Époux », qui réveille de leur sommeil les chrétiens assoupis. Il ne faut pas se faire d’illusions, l’état propre des chrétiens dépend de cette attente : « Vous », est-il dit, « soyez comme des hommes qui attendent leur maître ». Sans doute, la nouvelle nature que le chrétien a reçue produit essentiellement les mêmes fruits, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se trouve, mais aussi le caractère se forme par l’objet qui gouverne le cœur ; et il n’y a rien qui détache du monde, comme l’attente du Sauveur ; rien qui sonde le cœur comme cette attente, pour qu’il n’y ait rien qui ne convienne à Sa présence. Rien, par conséquent, n’introduit comme elle les sentiments de Jésus dans le jugement que l’on porte sur le bien et sur le mal ; rien non plus n’entretient comme elle l’affection pour Jésus, dans les motifs qui gouvernent notre conduite. Remarquez aussi qu’en réalité c’est l’attente même du Sauveur, le fait de veiller en L’attendant, qui est en question ici ; non point le service que nous avons à accomplir pendant Son absence. Le service et la responsabilité qui s’y rattache, se trouvent dans la parabole suivante (25, 14-30).

La même distinction se reproduit dans le chapitre 12 de Luc. Au verset 37, il est dit : « Bienheureux sont ces serviteurs, que le maître, quand il viendra, trouvera veillant » ; — puis la récompense est qu’ils jouiront des bénédictions du ciel et que Jésus se ceindra pour les rendre heureux ; ensuite, verset 43, il s’agit du service à rendre pendant Son absence, et là, la récompense est l’héritage.

Revenant à Matthieu 25, 1-13, je pense que le fait que les autres vierges devaient s’en aller pour acheter de l’huile signifie seulement qu’il était trop tard pour avoir part avec l’Époux, et que les vierges fidèles ne pouvaient alors communiquer de la grâce. Il faut l’avoir à temps, de la source elle-même. J’ajouterai que je ne pense pas que les vierges folles fussent des âmes sauvées. L’Époux leur dit : « Je ne vous connais pas » ; — ce que Jésus ne pourrait guère dire à ceux qui seraient siens.

Dans la parabole des talents (v. 14-30), il s’agit de service. Le Seigneur s’en va et confie à Ses propres serviteurs une partie de Ses biens pour qu’ils les fassent valoir. Ce sont les dons spirituels que le Seigneur Jésus a départis à ceux qui Le suivaient lorsqu’Il s’en est allé. Il ne s’agit pas de ce que la providence nous a donné, ni de tous les hommes, mais des serviteurs de Jésus et de ce qu’Il leur a donné au moment de Son départ. Il y a une certaine différence entre cette parabole et celle qui se trouve en Luc 19. Dans ce dernier passage, la même somme est donnée à chacun des serviteurs ; la responsabilité humaine y entre pour davantage dans les pensées de l’Esprit de Dieu ; aussi la récompense est-elle proportionnée à ce que l’amour a gagné. Ici, la somme est en rapport, selon la sagesse divine, avec le vase auquel elle est confiée, et chaque fidèle ouvrier est également appelé à entrer dans la joie de son maître ; il est établi sur beaucoup de choses mais il entre dans la joie de son maître. Fidèle à Jésus selon ce qui lui avait été confié, Jésus le fait jouir de Sa joie à Lui. Le principe du travail est la confiance que l’ouvrier a dans le maître et l’intelligence spirituelle que cette confiance lui donne. Les talents ne leur avaient pas été confiés pour n’en rien faire ; dans ce cas, le maître aurait pu les garder par-devers lui. Ils comprenaient bien qu’ils leur avaient été remis afin qu’ils en trafiquassent pour le maître pendant son absence ; aussi emploient-ils ces talents — ces dons spirituels — pour le service du maître. Leur cœur le connaissait, ce maître, voulait son profit et son honneur, ne cherchait pas d’autre autorisation ni d’autre garantie pour travailler, que le fait qu’il leur avait confié ces dons, et que le zèle d’un cœur confiant par la connaissance qu’ils avaient de Lui. Ce qui manquait au troisième, c’était justement cette véritable connaissance du maître. À ses yeux, il était un homme austère. Et, remarquez-le bien, lorsqu’il n’y a pas la vraie connaissance de Dieu, tel qu’Il s’est révélé en Christ, on a toujours de Lui une idée entièrement fausse. Le cœur se trahit toujours par l’idée qu’on se fait de Dieu. L’incrédulité fait toujours du vrai Dieu une peinture qui révolte le cœur. Il lui manque la connaissance des droits de Dieu, aussi bien que de Son amour. Si Dieu était tel que l’incrédule l’imagine, et qu’il reconnût Son autorité, il aurait dû agir en conséquence ; mais lorsque Son amour est inconnu, Son autorité est méprisée. Dieu ne se révèle qu’en Christ ; ce n’est qu’en Christ qu’Il peut être réellement connu.

Ce cas du serviteur infidèle dessine encore nettement la différence entre les dons, et la grâce, et l’effet de celle-ci dans le cœur. Nous n’avons pas d’exemple pratique à ce sujet dans le Nouveau Testament ; cependant le principe est clairement constaté en 1 Corinthiens 13. Dans l’Ancien Testament, nous avons des exemples de la puissance de l’Esprit sans qu’il y ait conversion, et même bien loin de cela. C’est ce qui explique aussi Hébreux 6. Ici, la paresse et l’infidélité découlent de l’ignorance dans laquelle se trouve le serviteur touchant le caractère de son maître, ainsi que de l’idée fausse et coupable qu’il s’était faite de lui.

Remarquez, dans nos deux paraboles, un fait important qui se retrouve aussi ailleurs. Le Seigneur, dans les enseignements qui se rapportent à Sa venue, ne dit rien qui puisse donner lieu de croire qu’elle doive tarder au-delà de la vie de ceux auxquels Il s’adresse. Ainsi, les vierges qui se sont endormies sont celles qui se sont réveillées ; les serviteurs qui ont reçu les talents sont les mêmes que ceux dont le travail est estimé à la fin. Nous savons que bien des générations ont paru et disparu depuis le départ du Sauveur, mais Il ne voulait pas qu’on s’attendît d’avance à un retard. De la même manière, lorsqu’Il veut donner l’histoire de l’Église jusqu’à sa fin, l’Esprit de Dieu prend sept églises qui existaient dans ce moment-là, afin de décrire en sept époques les grands traits de cette histoire ; de sorte que, bien que nous puissions reconnaître aujourd’hui ces traits et ces époques, il n’y avait, lorsque l’Apocalypse fut écrite, rien qui annonçât d’une manière formelle une durée quelconque de l’Église sur la terre.

Une autre remarque me reste encore à faire. Ce qui est dit au verset 23 me semble énoncer un principe général. Ceux qui possèdent les privilèges chrétiens sans en jouir d’une manière vitale, sans vraiment connaître le Seigneur Jésus Lui-même, perdent tout ce qu’ils ont (c’est encore le chapitre 6 de l’épître aux Hébreux) ; tandis que ceux qui sont fidèles à la lumière qu’ils possèdent, en acquièrent davantage. Au reste, c’est l’explication donnée au verset 29. Le jugement sur le méchant serviteur s’exécute au verset 30.

Nous avons parcouru, dans ces trois paraboles, le jugement du système chrétien : de l’Église envisagée comme un système divin établi sur la terre, mais exposé aux conséquences d’être établi sur le fondement de la responsabilité humaine ; ensuite des individus qui font profession d’être chrétiens, considérés au point de vue de leur devoir d’attendre la venue du Seigneur, et relativement à leur service pendant Son absence. Au verset 31, le Seigneur reprend le fil de ce qu’Il avait déjà dit à l’égard de l’histoire de la terre et des choses qui vont arriver lors de Sa venue. Ce verset (25, 31) se rattache, ainsi que je l’ai dit, au 24, 31, avant lequel toutes les relations du résidu avec le peuple incrédule et avec les Gentils, premièrement en témoignage, puis en des souffrances sans pareilles, avaient été dépeintes, comme précédant la venue personnelle du Sauveur, qui mettra un terme à ces souffrances. Or, quand le Seigneur apparaîtra dans ces circonstances-là, ce ne sera pas seulement pour briller, puis pour disparaître comme un éclair. Il s’assiéra sur le trône de Sa gloire ; puis, lorsque Son jugement guerrier, à savoir celui qui s’exécute sur Ses adversaires, sera accompli (voir Apoc. 19, 11), le Seigneur, assis sur Son trône, jugera les Gentils du monde entier, auxquels l’évangile du royaume aura été envoyé. Cette mission se trouve annoncée au verset 14 du chapitre 24, qui termine la première partie de la prophétie de ce chapitre. Il s’agit là de l’évangile que Jésus a prêché de Son vivant, ainsi que Jean-Baptiste ; ce n’est point l’évangile de la mort et de la résurrection de Jésus, c’est-à-dire une œuvre de rédemption éternelle pleinement accomplie, mais c’est le fait solennel que le royaume allait s’établir ; c’est « l’évangile éternel ». Le Seigneur allait commencer à briser la tête du serpent par l’établissement de ce royaume, à prendre en main Sa grande puissance et à agir en Roi. — Ce témoignage doit se rendre après l’enlèvement de l’Église et avant la manifestation du Seigneur. Le témoignage rendu aux Juifs se trouve au chapitre 11 de l’Apocalypse, mais ici nous apprenons qu’il se fera entendre aussi dans le monde entier avant que la fin n’arrive.

Lors donc que le Seigneur se sera assis sur le trône de Sa gloire, Il commencera à rendre Son jugement sur les nations et à l’exécuter. La Parole mentionne deux genres de jugement : le jugement guerrier, et celui où le juge est en séance comme autorité suprême et reconnue. Ainsi, Apocalypse 19 est le jugement guerrier. Au chapitre 20 commence la séance judiciaire qui se tient lorsque la puissance du roi a établi son trône, et qu’il y sied pour juger (Apoc. 19, 11 ; 20, 4).

Quant à la destruction de la Bête et de ses armées, elle a lieu par la venue du Seigneur, qui détruit les armées et jette la Bête et le faux prophète en même temps en enfer. Alors, Il établit Son trône à Jérusalem. Ensuite Gog arrive, pensant que tout est à lui ; il trouve le Seigneur Lui-même et périt sur les montagnes d’Israël. Puis, le trône étant établi en paix, le Seigneur s’y assied pour juger les nations auxquelles, auparavant, l’évangile du royaume avait été envoyé. Les termes du jugement nous font voir qu’il ne s’agit nullement d’un jugement général, ainsi qu’on s’en fait communément l’idée. On y est jugé selon la manière dont on a accueilli les messagers de l’évangile du royaume ; c’est de cela uniquement que l’on rend ici compte au juge ; c’est sur cela seul qu’Il les interpelle. Or le plus grand nombre des païens n’ont jamais entendu de tels messagers ; ce jugement ne peut être le leur, il leur est totalement inapplicable. Au reste, au commencement de l’épître aux Romains, le jugement des nations est prononcé, leur culpabilité établie sur des principes entièrement différents, savoir, qu’ils ont renoncé à la connaissance de Dieu quand ils la possédaient ; qu’ils ont méconnu le témoignage de la création ; ensuite celui de la conscience ; enfin, qu’ils se sont plongés, à la suite de cette aliénation volontaire de Dieu, dans l’idolâtrie et dans la dissolution, à qui en ferait pis. Ensuite, nous trouvons ici trois classes : les boucs, les brebis, et les frères du juge ; c’est-à-dire : ceux qui n’avaient pas accueilli les messagers, ceux qui les avaient accueillis, puis les messagers eux-mêmes. C’est le jugement des vivants, des nations ; un jugement final. Ils s’en vont dans la géhenne, dans le tourment éternel, tandis que les justes possèdent la vie éternelle ici, sur la terre, mais ils en jouissent avec Dieu. C’est le jugement de la vallée de Josaphat, quand Jéhovah aura rassemblé les nations et qu’il y aura des multitudes dans cette vallée de décision. Le jugement des vivants est une vérité scripturaire aussi sûrement que le jugement des morts. Non seulement cela, mais les Juifs étaient bien plus familiers, et cela selon leurs propres écritures de l’Ancien Testament, avec le jugement des vivants qu’avec le jugement des morts. Sans doute il y avait, dans l’Ancien Testament, des paroles qui avaient donné l’intelligence aux pharisiens à l’égard de ce dernier ; aussi le Seigneur les justifie-t-il sur ce point, tandis qu’Il condamne les sadducéens ; cependant ceux-ci étaient tenus pour de bons Juifs ; et le souverain sacrificateur et les siens étaient de cette secte. Personne ne mettait en question leur orthodoxie. Ils avaient tort, nous le savons ; mais quand nous voyons le passage par lequel le Seigneur les convainc, nous comprenons que des personnes qui n’avaient pas l’Esprit de Dieu pussent demeurer dans l’ignorance de la vérité à cet égard. Si l’on ne saisit pas le fait que Dieu envisage l’homme comme ayant un corps aussi bien qu’une âme, de sorte que la vie au-delà de la mort démontre aussi la résurrection, on a encore de la peine à saisir la force de la preuve alléguée par le Seigneur. Pour celui qui sait que le Seigneur est ressuscité et que nous devons Lui être conformes, la chose est simple. La mort ne touche que le corps ; si l’on subsiste après, c’est pour être homme complet. Une chose démontre l’autre. L’âme est heureuse avec Christ en attendant, mais l’homme n’est pas complet. Il vit, l’homme qui mourut ; après la mort, tous vivent pour Dieu, ne sont morts que pour l’homme ; ce dernier état de mort doit cesser, mais il ne cessera qu’à la résurrection. En attendant, l’âme est avec le Seigneur, témoin, puisque la vie n’est pas terminée, que la mort ne doit pas retenir celui qui y est assujetti.

Maintenant les chrétiens ont de la peine à croire à un jugement sur la terre, bien qu’ils le professent dans le credo. Or la Parole de Dieu est claire là-dessus. La prophétie en parle largement. Il y a un jugement des vivants, comme il y a un jugement des morts, et ce jugement, nous l’avons ici, au moins la partie la plus formelle, celle où le Seigneur sied sur Son trône et juge personnellement les nations. Ailleurs, ils sont détruits subitement par Son apparition glorieuse, étant trouvés, ou rassemblés pour Lui faire la guerre, comme en Apocalypse 17, 14, et 19, ou environnant le camp des saints et la cité bien-aimée (et ici ils sont subitement détruits par le feu descendu du ciel), comme en Apocalypse 20, 7-9. Mais ici, le Seigneur, assis sur Son trône, après être déjà venu comme un éclair sur ceux qui étaient en guerre contre Lui, juge comme roi toutes les nations de la terre, selon l’accueil que chacun aura fait à Ses frères les messagers du royaume, estimant tout ce qu’on leur a fait comme ayant été fait à Lui-même personnellement. C’est là le grand principe de ce jugement ; les brebis désavouent toute prétention d’avoir eu égard au roi personnellement ; mais Il tient pour fait à Lui-même tout ce qu’ils avaient fait à Ses messagers, qu’Il reconnaissait pour Ses frères. Les boucs, par contre, prétendent n’avoir jamais manqué envers le grand roi ; mais, d’après le même principe, l’indifférence qu’ils avaient montrée à l’égard de Ses messagers compte, dans le cœur du roi, pour indifférence envers Lui. Ainsi, c’est bien le jugement des nations, mais c’est aussi un grand encouragement pour Ses serviteurs, qu’Il enverra vers les nations ; c’est même, comme principe, un encouragement pour tous les temps. Il pense toujours aux siens comme s’ils étaient Lui-même. « Pourquoi », dit-Il à Saul, « me persécutes-tu ? ». Ceci va plus loin, il est vrai, car ceux que Saul persécutait étaient des membres de Son corps, tandis qu’Il était, Lui, dans le ciel ; les autres sont Ses frères sur la terre. Je parle de cela comme témoignage à la grande et précieuse vérité qu’Il porte toujours l’intérêt le plus profond aux siens ; intérêt qui ne fait jamais défaut et ne sommeille pas ; qui peut, sans doute, permettre l’épreuve de la persécution, s’il le faut, mais un intérêt qui, à travers tout, tient les rênes en main et reconnaît les souffrances des siens pour Son nom, comme un titre valable au bonheur du royaume qui leur sera sûrement départi dans son temps.

J’ai encore quelques remarques de détail à faire. Le Seigneur tient compte de toutes les circonstances de la vie des siens. Le grand but de la parabole est de montrer que ce qui est fait à Ses serviteurs, est fait à Lui-même ; mais Il sait qui a faim, qui est en prison, etc. Rien ne Lui échappe. De plus, il est bien entendu que les siens souffrent, non seulement maintenant, mais en tout temps pendant Son absence. Ensuite, c’est devant le Fils de l’homme que les nations sont citées pour rendre compte de leurs voies. Au reste, le Père ne juge personne, mais Il a confié tout jugement au Fils. Ici, c’est le Fils de l’homme venu et assis sur le trône de Sa gloire. Remarquez que, lorsqu’Il s’assied sur le grand trône blanc pour juger les morts (non pas les vivants, comme ici), Il ne vient pas du tout. Le ciel et la terre s’enfuient de devant Sa face. Ce n’est pas là venir. Ici, c’est quand Il vient dans Sa gloire (comparez Joël 3, 11 et suiv.) qu’Il s’assied sur le trône de Sa gloire et qu’Il rassemble les nations. Les bénis mis à Sa droite sont bénis de Son Père, mais ils ne sont pas des enfants, ni des compagnons du juge, comme les ressuscités et les changés ; ils ne viennent pas avec Lui ; ils étaient mêlés avec les boucs jusqu’à ce que le roi les eût séparés. Or cela n’est pas vrai des chrétiens, car les morts en Christ ressuscitent à part, puis vont à Sa rencontre avec les transmués. Ils sont ressuscités en gloire. Jésus qui en est les prémices dans Sa résurrection à Lui, vient et transforme le corps de leur humiliation selon la ressemblance de Son corps glorieux. Leur résurrection est comme une chose tout à fait à part, et seuls les fidèles vont à la rencontre du Seigneur. Ici, Il vient sur la terre, sépare les fidèles et condamne les méchants qui ont méprisé Ses frères, en même temps qu’Il donne à ceux qui les ont reçus le royaume préparé pour eux par Son Père. Ce n’est pas le royaume du Père non plus, comme en Matthieu 13, 43 ; cependant tout découle du Père et de Ses conseils comme source et cause de la bénédiction. C’est un royaume terrestre, dont la bénédiction découle des conseils et de la bonté du Père de Celui qui était là comme Fils de l’homme — un royaume préparé pour eux non avant, mais dès la fondation du monde ; le résultat du gouvernement de Dieu ici-bas, mais selon les conseils de Dieu. Le feu dans lequel les méchants devaient être jetés, était préparé pour le diable et pour ses anges.

Chapitre 26. — Or, ayant achevé ce qu’Il avait à dire quand Il avait quitté, ou plutôt abandonné Jérusalem, le Seigneur ramène l’attention et les pensées de Ses disciples à Ses souffrances et à Sa croix. Deux jours plus tard venait la fête de Pâque, et le Fils de l’homme devait être trahi pour être crucifié. Ce n’était pas la pensée des sages de ce monde, des grands et des autorités, qui trouvaient que le moment n’était guère opportun alors qu’il y aurait un tel rassemblement de gens, car ceux-ci, ayant joui en grand nombre des effets de Sa puissance et de Sa bonté, pouvaient soulever un tumulte si les autorités essayaient de se débarrasser de Lui d’une manière violente et injuste ; mais, dans les conseils de Dieu, cela devait avoir lieu à cette époque. Vrai agneau de pâque, Il devait souffrir pour nous en réalisant le type de la délivrance hors de l’Égypte, au moyen d’une rédemption bien autrement excellente. Aussi le Seigneur, dans le calme de Sa perfection, annonce-t-Il à Ses disciples ce qui allait arriver, en employant les complots des conducteurs de la nation, pour accomplir les conseils de Dieu, tandis que toutes leurs précautions étaient réduites à néant. Or l’homme était assez méchant et l’ennemi assez puissant, lorsque Dieu le permettait, pour qu’il n’y eût aucun tumulte. Le monde se montre tout entier sous la puissance de son prince, et ennemi de Dieu. En fait de tumulte, il n’y avait que ces cris : « Crucifie-le, crucifie-le ». Tout ce qui suit est ce témoignage solennel que, dans ce moment suprême, le Sauveur, victime de propitiation, agneau destiné à la boucherie, brebis muette entre les mains de celui qui la tond, ne doit trouver aucun secours, aucun refuge, aucun appui pour Son cœur, personne pour avoir compassion de Lui, bien qu’Il en cherchât. En même temps Sa perfection, Sa patience, Sa grâce, se montrent d’autant plus qu’Il est plus éprouvé.

Nous allons parcourir un peu en détail le récit de cette grâce et de cette patience : on y apprend la perfection du Sauveur, là où elle se présente de la manière la plus touchante et en même temps la plus admirable. La fin de la vie du Seigneur se distingue en ce qu’Il est envisagé à un point de vue différent, dans chaque évangile, comme aussi tout le reste de Son histoire, bien que Marc et Matthieu présentent le même portrait, avec peu de différences. Mais l’évangile de Jean nous montre la personne du Seigneur, Dieu et la Parole faite chair, la vie éternelle dans ce monde ; aussi, en Gethsémané et sur la croix, ne trouve-t-on là ni souffrance, ni humiliation, mais une personne divine qui les traverse dans Sa puissance. En Luc, c’est l’homme qui, en Gethsémané, sent davantage l’épreuve comme homme, mais qui en est victorieux, de sorte que, sur la croix, l’expression de la souffrance ne se trouve pas. En Matthieu, victime de propitiation, Il ne répond rien si ce n’est pour faire une belle confession et rendre témoignage à la vérité, seul motif de Sa condamnation. L’Esprit de Dieu montre ici d’une manière positive l’abandon des hommes et même de Ses disciples, dans lequel le Seigneur se trouva sans aucune consolation pour Son cœur ; puis, finalement, l’abandon de Dieu sur la croix quand Il crie à Lui, demandant qu’Il ne se tienne pas loin lorsque les taureaux et les chiens L’environnent. En un mot, nous avons, en Jean, le Fils de Dieu toujours homme ; en Luc, l’homme ; en Matthieu, la victime de propitiation ; mais les circonstances sont d’un profond intérêt et nous voulons y toucher.

Chapitre 27. — Le matin, la mort de Jésus étant déjà arrêtée dans le conseil improvisé tenu au commencement de la nuit, lorsqu’Il avait été amené devant Caïphe, les scribes et les pharisiens tiennent un conseil formel, le matin de très bonne heure, pour prononcer Sa sentence définitive ; puis ils L’amènent à Pilate. Ici nous trouvons l’iniquité et l’aveuglement de tous, en présence de Celui qui devait mourir. Judas qui, évidemment ce me semble, pensait que Jésus leur échapperait comme Il avait échappé tant de fois alors que Son heure n’était pas encore venue, frappé, en tout cas, dans sa conscience, en voyant Jésus condamné, vient aux principaux sacrificateurs avec les trente pièces d’argent. Saisi de remords, il déclare qu’il a péché en livrant le sang innocent. Peu de sympathie l’attend là. Ils avaient atteint leur but ; leur affaire avait réussi ; quant au péché de Judas, cela le regardait. Voilà toute la compassion que le remords trouve chez ceux qui se servent de l’iniquité qui le produit. Le but est atteint ; et si leur instrument est perdu pour toujours, tant pis pour lui, c’est son affaire. Eux ont atteint leur but. Judas jette dans le temple l’argent, pauvre prix de son âme, puis s’en va se pendre, triste fin d’une vie passée sans conscience près du Seigneur. Rien n’endurcit comme cela. La cruelle et insolente indifférence des chefs d’Israël, que ne soulage pas une conscience mauvaise, pousse au suicide cet homme, qui perd sa vie, son âme et l’argent pour lequel il l’avait vendue.

Mais quel tableau du cœur de l’homme nous trouvons dans ce qui suit : les hommes, qui n’avaient eu aucun scrupule d’acheter le sang de Jésus, ne peuvent pas mettre dans le trésor l’argent qu’ils avaient ainsi employé, parce que c’était le prix du sang ! Quel témoignage à l’aveuglement de la conscience ! Combien les scrupules diffèrent de la conscience ! Le bien et le mal affectent la conscience qui, en soi, est la plus noble des facultés. Le scrupuleux est servile, craint pour soi, s’occupe des ordonnances et craint de les violer. Le dieu que sert le scrupuleux est un dieu qui veille sur ce qui l’affecte, lui ; et il abandonne son misérable serviteur qui ne tient pas compte de ce qui concerne l’honneur et la volonté de ce maître qu’il craint. C’est un faux dieu rancuneux, le dieu d’un cœur qui ne connaît pas le vrai Dieu, lors même que ce cœur le nomme l’Éternel. Si l’âme n’est qu’extérieurement en relation avec le vrai Dieu, elle négligera ce qui porte atteinte à Son vrai caractère : la justice, la vraie sainteté, l’amour, pour s’occuper de ces ordonnances, que l’homme sans foi et sans connaissance de Dieu peut accomplir et qu’il craint de négliger, parce qu’il a peur de Dieu. Or les principaux sacrificateurs pouvaient attacher de l’importance à Israël qui se perdait et qui était rejeté dorénavant à cause de son iniquité : Israël ne devait pas être souillé ; mais pour de misérables Gentils auxquels allait s’ouvrir la porte, fermée sur Israël, un champ souillé par l’argent qui l’avait acquis, était assez bon. C’est ainsi qu’un lieu de sépulture est acheté pour les étrangers. Tout est aveuglement, orgueil et ténèbres. La lumière, ils ne la voulaient pas. Mais le conseil de Dieu, déclaré longtemps auparavant par le prophète, devait être accompli. Quand leur conseil, à eux, s’y opposait, il n’aboutissait à rien, mais leurs propres actes de folie accomplissaient les prophéties qu’ils n’écoutaient pas, bien qu’elles fussent constamment lues dans leurs synagogues.

Or Jésus se tenait là devant le gouverneur. Il rend un beau témoignage devant Ponce Pilate. Il est le roi des Juifs. Lorsque les Juifs L’accusent, il est muet. Il est là pour être la victime. Dieu Lui rend témoignage par le songe de la femme de Pilate ; alors celui-ci fait des tentatives pour Le délivrer de la malice acharnée des Juifs, en profitant d’une habitude qu’on avait de relâcher un prisonnier à Pâques. Mais les malheureux Juifs doivent consommer leur iniquité, car il arrive un moment où Dieu permet que l’iniquité ait son cours jusqu’au bout, afin qu’elle se manifeste telle qu’elle est ; ainsi s’accomplissait la propitiation, par les souffrances et par la mort de Jésus. Pilate ne montre que la faiblesse d’un homme qui méprisait tout ce qui l’entourait ; d’un homme qui voudrait sauvegarder sa conscience, mais n’en a que très peu et encore moins de crainte de Dieu ; d’un homme qui, lorsqu’il lui devient trop incommode de maintenir la justice, cède à la violence et à la persévérance dans le mal d’une volonté qui s’acharne contre Dieu et contre le bien. Aux yeux de Pilate, il ne valait pas la peine, pour un pauvre juste qui n’avait aucune importance humaine, de compromettre et sa personne et la paix publique. Il s’en lave les mains et laisse la responsabilité de cette mort à ceux qui la désiraient. Pauvres Juifs ! cette responsabilité, ils la prennent sur eux. Aussi en portent-ils la peine encore aujourd’hui. « Que son sang, disent-ils, soit sur nous et sur nos enfants ! ». Terrible anathème, qu’appelle sur lui-même ce pauvre peuple ; anathème qui pèse sur lui jusqu’à ce que la grâce souveraine, en amenant un petit résidu à la repentance dans laquelle il sentira le péché qui a été commis, change le sang d’anathème en un sang d’expiation ; et cela de la part de Dieu qui les nettoiera du péché qu’ils ont commis en le répandant. Cette grâce souveraine de Dieu est la seule qui puisse trouver, dans l’iniquité même de l’homme, le moyen d’accomplir le salut de celui qui l’a commise. C’est ainsi que nous, qui avons été sauvés par cette même grâce, nous pouvons en rendre témoignage éternellement. Dans l’œuvre qui nous sauve, nous n’avons d’autre part que nos péchés et la haine qui l’a accomplie du côté de l’homme. Ce pauvre peuple devait, dans cette occasion, montrer jusqu’à quel point il était tombé, abandonné de Dieu : ils choisissent un brigand à la place du Fils de Dieu, un meurtrier, mais un homme qui flattait leurs propres passions en les excitant contre les Romains, leurs maîtres, auxquels ils étaient assujettis à cause de leurs péchés. Or Pilate leur relâche Barabbas et leur livre Jésus après L’avoir fait fouetter, Lui reconnu innocent ; car ce qui caractérise ici Pilate, c’est le manque de cœur et une indifférence orgueilleuse tout empreinte de cruauté.

Maintenant le bien-aimé Sauveur subit toutes les indignités qui peuvent monter au cœur de l’homme brutal et libre d’exercer un pouvoir qui trouve ses délices à faire souffrir ceux sur lesquels il domine pour un moment. Car l’homme est tyran par nature ; et lorsque plusieurs sont réunis, il ne se trouve aucune force morale là où des dispositions plus aimables existent, et ainsi l’on tombe au plus bas de l’échelle ; on a honte de ce qui est bon, même de l’amabilité, et tout est au niveau de ce qui est le plus bas. Pauvre créature déchue ! Au reste, Pilate, leur chef, leur en avait donné l’exemple.

Néanmoins ce qui nous regarde spécialement ici, ce qui doit nous intéresser, c’est l’Agneau destiné à la boucherie, la brebis muette devant celui qui la tond. Le précieux Sauveur supporte les insultes et les injures de ceux qui n’étaient capables que de se complaire dans le mal et d’agir en conséquence. Ce n’est pas Lui qui voudrait résister, ni faire quoi que ce fût pour s’y soustraire. Il était venu pour souffrir et donner Sa vie en rançon pour plusieurs. Seulement, nous pouvons remarquer que Juifs et Gentils s’unissent pour Le rejeter et Le fouler aux pieds, Lui qui ne leur résiste pas. La nation élue et la dernière Bête, la Bête romaine à laquelle Dieu avait transmis les rênes du pouvoir sur la terre, se mettent d’accord, tout ennemies qu’elles soient entre elles, pour persécuter et insulter le Fils de Dieu. Si les Juifs se mettent en avant pour demander Son sang, les Gentils se prêtent aux Juifs pour le répandre. Maintenant tout s’accomplit. Le Sauveur est emmené pour être crucifié, victime propitiatoire pour nos péchés. Il semblerait que Jésus fût physiquement faible, car ils ont forcé un homme de Cyrène, nommé Simon, à porter Sa croix. Eux, au moins, ne voulaient pas le faire ; seul, Jésus ne le pouvait pas. L’insolence et la tyrannie sont en jeu ici ; il y avait, dans les hommes, de la joie à opprimer et à mettre à mort le Fils de Dieu. L’homme s’en débarrassait pour sa ruine. Mais quoique ces taureaux de Basan fussent là, que ces chiens entourassent le Sauveur, la grande et, pour nous, la précieuse figure dans le cadre, c’est la victime silencieuse et muette, l’agneau qui va à la boucherie. Le récit est d’une simplicité parfaite ; mais l’accomplissement des prophéties se déroule devant nos yeux d’une manière admirable ; la vue spirituelle perce à travers les circonstances, contemplant la figure patiente et divinement calme du Fils de Dieu, parfait dans Sa soumission. On Lui offre du vinaigre mêlé avec du fiel, dont l’effet devait être de stupéfier au milieu des souffrances ; mais le Sauveur ne cherchait pas de pareils soulagements. Il était là pour souffrir et pour accomplir la volonté de Son Père, non point pour échapper à la conscience de ce que Lui coûtait cette obéissance. Ils partagent Ses vêtements et jettent le sort sur Sa robe, que, sans cela, ils auraient dû déchirer. Ainsi était-il écrit ; or le Sauveur, exposé nu à la dérision des soldats, n’était point insensible à l’ignominie dont Il souffrait, bien qu’Il n’en détournât pas Sa face. Il n’y avait personne pour avoir compassion de Lui ; personne pour confesser Son nom, sinon que Dieu le Père avait forcé l’homme à Lui rendre témoignage, car Pilate avait fait inscrire Son titre sur la croix : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs ». Les Juifs auraient voulu éviter cet affront ; mais ils devaient être mis à honte sans remède et sans voile, et Celui qu’ils avaient rejeté devait recevoir Son vrai titre malgré eux. Leur roi était crucifié, mais Dieu avait pris soin qu’Il fût reconnu et proclamé tel. Toutefois, personnellement, Il devait être outragé au dernier point. Le plus bas état où l’homme pût se trouver, le laissait toujours homme ; et, dans ce moment suprême, il ne s’agissait pas de faire la différence entre un homme ouvertement méchant et un autre qui aurait échappé à la dégradation que produit le péché ; il s’agissait de placer l’homme tel qu’il est en face du Fils de Dieu ; aussi un brigand est-il, ici, du parti des hommes, associé avec eux contre le Dieu d’amour. En cela, ils sont ensemble et égaux. Ce brigand pouvait, de concert avec les autres, insulter le Fils de Dieu. Tout est nivelé ; Christ seul est abaissé au-dessous de l’homme : un ver, comme Il le dit, et non point un homme ; et cependant c’est Dieu révélé dans l’homme. L’homme qui révélait Dieu était là, et les outrages de ceux qui outrageaient Dieu tombaient sur Lui. Le Seigneur souffrait et accomplissait Son œuvre, sensible plus qu’aucun homme à tout cela, car, en Lui, il n’y avait pas trace de la dureté qui rend insensible aux circonstances, ni de l’orgueil qui se les cache ou qui, tout au moins, cherche à se les cacher. Il sentait tout avec une sensibilité que la malice des hommes n’avait pu altérer ; et, parfait en patience, Il en appelait à Son Dieu. « Mais toi, ô Jéhovah ! ne t’éloigne point de moi ». Les Juifs se glorifiaient d’avoir atteint leur but. L’homme, trompé par Satan, pensait s’être débarrassé de Dieu dont la présence le troublait. Ils hochaient la tête en disant : « Il a sauvé les autres, il ne peut pas se sauver lui-même ». Quelles paroles ! Reconnaître Sa puissance pleinement manifestée, rejeter ce qui était divin, avouer qu’ils avaient effectivement banni Dieu du milieu d’eux ! En effet, Il ne pouvait se sauver, ne pouvant penser à Lui-même : l’amour qui avait sauvé les autres, allait plus loin et se donnait pour nous. L’amour parfait pour Son Père, l’obéissance à Son commandement, Son parfait amour pour nous, Lui défendaient de se sauver Lui-même. Il aurait pu avoir Ses douze légions d’anges, mais Il était venu pour les autres, non pour Lui-même ; enfin, aimant les siens qui étaient dans le monde, Il les aimait jusqu’à la fin. S’Il devait sauver les autres, Il ne pouvait se sauver Lui-même. Son amour et Son obéissance étaient complets. Ce qui marque l’aveuglement affreux de ces pauvres sacrificateurs, c’est qu’ils citent des paroles qui, dans le psaume où Sa mort est dépeinte telle qu’elle est ici racontée, sortent de la bouche des athées et des méchants (Ps. 22, 7, 8). Dans tout ceci il s’agit des hommes et de Christ ; mais, ainsi que je l’ai dit, Il en appelle à Dieu. C’est ce que nous trouvons dans le psaume 22 : « Ne t’éloigne pas de moi ».

Maintenant vient le moment où Sa position, Sa relation avec Dieu, doivent passer devant nos yeux : « Depuis la sixième heure il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu’à la neuvième heure ». Ainsi, même par des circonstances extérieures, Dieu a séparé Son Fils des outrages et des insultes purement humains pour qu’Il fût seul avec Lui, et tout entier à Son œuvre solennelle. Il était seul avec Dieu, fait péché ; rien pour détourner le coup de la justice ; rien pour l’amortir. La puissance qui était en Lui ne L’abritait pas ; elle Le rendait capable de supporter ce qui s’appesantissait sur Son âme : le sentiment de l’horreur de la malédiction, dans la mesure dans laquelle l’amour du Père Lui était familier ; le sentiment de ce que c’était que d’être fait péché, dans la mesure de la sainteté divine qui était en Lui ; et ni l’un ni l’autre ne pouvait se mesurer. Il buvait la coupe du jugement de Dieu contre le péché. Tout Le force à pousser le cri — cri qu’il nous est accordé d’entendre afin que nous sachions ce qui se passait là, la réalité de l’expiation : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Abandon que nul ne peut sonder, sinon Celui qui l’a senti, mais qui, dans la petite mesure où son ombre seulement nous atteint et passe sur nous, est plus terrible que tout ce que peuvent subir le cœur ou le corps humain. Dans la bouche de Jésus, ce cri exprimait tout ce que Son cœur, à Lui, et ce que ce cœur seul, pouvait sentir. Aussi le psaume 22, d’où il est tiré, et la voix de Jésus Lui-même (Ps. 20 ; 21), parlent-ils des souffrances du Christ, telles seulement que l’homme peut les comprendre en les voyant. Elles sont comme infligées par les hommes et portent les conséquences qui en résultent pour leur victime et pour ceux qui les Lui infligent : — exaltation à la droite de Dieu de Celui qui souffrait ; colère destructive sur Ses ennemis. Mais qui était l’ennemi de Christ, dans Son caractère d’Agneau expiatoire ? Personne. Il souffrait en se donnant Lui-même, de la part de Dieu en justice ; le coup même — les souffrances — était le coup de la justice. Aussi, quant à ses conséquences, dans le psaume 22, tout est grâce et bénédiction pour tous ceux qui en sont les objets — depuis le petit résidu qui, alors, reconnaissait Jésus et qui est devenu l’Église, jusqu’au millénium et au « peuple qui naîtra ». Tous témoignent qu’Il a fait cette œuvre. Il est intéressant de voir tous les témoignages de Dieu dans ces psaumes 19-22 : — la création en haut (car ici-bas elle est trop ruinée pour servir comme telle) ; la loi (Ps. 19) ; puis (Ps. 20), le témoignage de Jésus, vu prophétiquement, tel qu’Il se présente au cœur de Ses disciples ; la réponse (Ps. 21) ; puis enfin ce que Jésus seul peut manifester, ce qui se passait entre Son âme et Dieu, ce que Son âme seule était capable d’exprimer. Or ce n’était ni la faiblesse ni l’épuisement, comme quelques personnes à petites pensées se sont imaginé de le dire ; matérialisme auquel non seulement la doctrine chrétienne est inconnue, mais qui trahit un manque total de sentiment et de sain jugement.

Maintenant, non seulement l’œuvre a été achevée, mais toutes les circonstances que la prophétie avait annoncées comme devant arriver, ont reçu leur accomplissement. Aussi devait-Il Lui-même remettre Sa vie entre les mains de Son Père. Elle ne devait point Lui être ôtée. Il la laissait Lui-même. Il confie Sa mère à Jean ; puis Il accomplit la dernière circonstance prophétique. Vrai homme, absolument calme et, comme nous disons nous autres hommes, se possédant parfaitement Lui-même, Il déclare avoir soif à la suite de Ses souffrances, et goûte le vinaigre qu’on porte à Sa bouche au moyen d’une éponge attachée à un roseau. Tout était fini : l’expiation, parfaite selon Dieu ; l’œuvre de la rédemption ; toutes les circonstances prophétiques, tout absolument avait reçu son accomplissement, soit quant à l’homme, soit quant à Dieu. Alors, avec un cri qui indiquait à la fois une force dans son entier et une entière confiance en Son Père[2], Il Lui remet Son âme dans ce moment critique où la mort avait eu, mais où elle perdait dorénavant toute son horreur, au moins pour le croyant. Avec ce cri, qui annonce la fin de toute relation humaine avec Dieu, sauf en jugement, et la fin de tous les moyens que Dieu pouvait employer pour rétablir une telle relation avec les enfants d’Adam, Jésus expira.

Dans ce moment même, ce qui exprimait l’impossibilité pour l’homme de s’approcher de Dieu, le voile du temple, est déchiré du haut en bas, et le sanctuaire, le lieu très saint où le trône de Dieu se trouve, est ouvert. Nous pouvons entrer en pleine liberté (Héb. 10, 19, 20) par ce chemin nouveau et vivant, à cause du sang précieux qui a été répandu. L’ancien état de choses était terminé, soit quant aux relations de l’homme avec Dieu, soit en ce qui concerne la création même. Non pas toutefois que le nouvel ordre de choses soit encore établi, parce que la grâce cherche encore des cohéritiers de Christ ; mais, dans le rejet du Fils de Dieu, toute relation du premier homme et de la première création avec Dieu a été terminée à tout jamais. Une nouvelle base a été posée en justice et par la pleine révélation de Dieu en amour souverain, pour la joie éternelle de l’homme, dans le second Adam et dans la nouvelle création. Le voile, qui caractérisait l’état de l’homme quant à ses relations avec Dieu, de l’homme qui était non seulement pécheur en Adam, mais qui avait toujours failli, quoique Dieu employât tous les moyens possibles pour renouer Ses relations avec lui — le voile qui disait : « l’homme ne peut pas venir jusqu’à Dieu », est déchiré ; la terre tremble et les rochers se fendent. La puissance de la mort est aussi détruite, ainsi que celle du diable qui la possédait. Historiquement, ce ne fut qu’après la résurrection de Jésus que les morts ressuscitèrent et apparurent à plusieurs dans Jérusalem, comme témoignage de ce qui avait été opéré ; le fait est néanmoins rattaché ici à la mort de Jésus, parce que c’est par cette mort qu’a été accomplie l’œuvre de délivrance qui rendait la résurrection possible ; œuvre à laquelle témoignage a été ainsi rendu d’une manière extraordinaire. Il s’agit des corps des saints — anticipation précieuse de la première résurrection, alors que la mort sera engloutie en victoire. On demandera peut-être : « Que sont-ils devenus ? ». Nul ne le sait, parce que Dieu ne l’a pas dit. Le fait lui-même est un témoignage rendu à l’efficace de la mort de Jésus. La question ne provient que de la vaine curiosité de l’homme, et Dieu ne fait pas de révélations pour satisfaire cette curiosité.

L’officier romain qui était de garde, ensuite de la sentence prononcée contre les prisonniers, ainsi que les soldats qui se trouvaient là avec lui, voyant le tremblement de terre et tout ce qui était arrivé, sont saisis de frayeur et reconnaissent que Jésus est, en effet, « Fils de Dieu ». C’était la cause de Sa condamnation par les sacrificateurs et les scribes. Ils avaient involontairement rendu témoignage à Pilate qu’Il se disait tel — ce qui avait effrayé ce dernier, qu’une mauvaise conscience rendait déjà craintif — de sorte que, avec tout ce qui était ébruité en Palestine par les œuvres de puissance qu’Il y avait faites, cette pensée courait le monde ; elle était connue de tous. Ces faits extraordinaires qui accompagnaient Sa mort, le cri plein de force avec lequel Il rendait, sans motif apparent, le dernier soupir, toutes les circonstances qui entouraient Son départ de ce monde, rendaient témoignage que cette mort était plus qu’une mort humaine. Les cœurs des assistants, dominés par de tels événements, pouvaient (même dans leur état naturel) déclarer que c’était là le Fils de Dieu. Quant au résultat en eux, nul n’en peut rien savoir. Ici, c’est le témoignage que de pauvres cœurs païens sous l’influence des événements qui se passaient sous leurs yeux, ne pouvaient pas récuser, tandis que les cœurs endurcis des Juifs — « des siens » — de ceux chez lesquels Il était venu, se réjouissaient dans Sa mort. Rien n’endurcit comme la religion, lorsque le cœur n’est pas changé. Le cœur naturel est mauvais, non endurci, et des faits où Dieu se manifeste peuvent agir sur ce cœur-là.

Dorénavant il s’agit de la résurrection, témoignage que Dieu rend à la perfection de la victime et à la perfection de Son œuvre ; à la perfection divine de Celui qui est descendu, jusqu’à la mort, dans les parties les plus basses de la terre, afin que, monté en haut, Il remplît toutes choses, non seulement comme Dieu, mais selon l’efficace de la rédemption qu’Il venait d’opérer (Éph. 4). Pour le moment, ce qui nous occupe c’est la part qu’ont prise les hommes à ces événements, mais avant tout, la part qu’y ont prise les femmes. C’est ici qu’est la bonne part de ces fidèles servantes du Seigneur. Les disciples n’y sont pour rien ; ils s’étaient enfuis ; et, dans toute cette scène de douleur, à l’exception de Jean, on ne les voit plus. Aussi est-ce Marie-Magdeleine qui devient la messagère du Seigneur ressuscité, pour communiquer aux disciples les privilèges qu’Il venait de leur acquérir. Les femmes L’avaient déjà suivi de Galilée, Lui avaient fourni ce qu’il fallait pour Ses besoins pendant qu’Il marchait comme homme sur la terre ; maintenant elles allaient prendre soin de Son ensevelissement, si Dieu Lui-même ne les eût devancées. Déjà elles avaient accompagné Jésus jusqu’au lieu où Il devait être crucifié, regardant de loin la scène solennelle du crucifiement qui se déployait devant leurs yeux. Or Jésus devait « être avec le riche en sa mort ». Joseph d’Arimathée se rend donc auprès de Pilate, qui lui remet le corps du Sauveur. Dieu a voulu honorer le Christ, malgré le déshonneur qui Lui était infligé de la part des hommes, et même à cause de ce déshonneur. Joseph le place dans son propre tombeau, où aucun corps n’avait été encore déposé, L’enveloppant dans un linceul ; puis il attend, selon que l’exigeait la loi, que le sabbat fût passé pour achever l’ensevelissement honorable qu’il Lui préparait ; en attendant, il roule une grosse pierre devant l’ouverture du sépulcre.

Marie-Magdeleine et l’autre Marie (femme de Cléopas) se trouvent là, veillant et contemplant, avec le profond intérêt produit par une affection ardente et un attachement que la grâce divine avait créé dans leurs cœurs, spécialement en celui de Marie-Magdeleine, de laquelle Il avait chassé sept démons. Toutefois ce n’étaient pas seulement ces femmes bienheureuses et Joseph, le disciple jusqu’à présent timoré, mais que l’extrême iniquité des Juifs, comme il arrive souvent, forçait à se montrer, qui furent occupés des restes de Jésus : les principaux sacrificateurs, aiguillonnés par une mauvaise conscience qui inspire toujours la crainte, pensent à ce qu’avait dit Jésus — car ils le savaient très bien — savoir, qu’Il ressusciterait. Chez eux c’était un parti pris, une inimitié contre le bien et contre tout témoignage rendu à sa puissance[3], inimitié qui ne leur laissait ni repos, ni relâche. Ils se rendent auprès de Pilate, protestant que Ses disciples pourraient bien venir de nuit, ôter Son corps à la dérobée, puis dire qu’Il était ressuscité. Ils voulaient que Pilate s’assurât lui-même du corps de Jésus. Mais eux-mêmes devaient servir de témoins involontaires à la certitude de la résurrection du Sauveur. Pilate, plein de mépris et ne se souciant pas de servir leur malice, leur laisse la tâche de se prémunir contre la soustraction du corps du Seigneur par Ses disciples. Ils mettent les scellés sur la tombe, outre une garde qui veillerait contre toute tentative de ce genre. Ce n’était que rendre le fait de Sa résurrection plus patent et en assurer la constatation de manière à ne laisser lieu, pour la bonne foi humaine, à aucune controverse.

Chapitre 28. — Ici le récit devient rapide et abrupt. Marie-Magdeleine et l’autre Marie arrivent à la fin du sabbat, c’est-à-dire le soir du samedi, pour voir le sépulcre. Puis, dans la matinée du dimanche, le sépulcre s’ouvre, un ange ayant roulé la pierre de devant l’entrée. La gloire de cet ange effraye les soldats qui le gardent, tellement qu’ils deviennent comme morts. Le même ange console et encourage les femmes ; il leur montre où le corps du Seigneur avait été couché, disant : « N’ayez point de peur ; car je sais que vous cherchez Jésus le crucifié ; il n’est pas ici ; car il est ressuscité, comme il l’avait dit ».

Ce qui suit tient à tout le caractère de cet évangile ; il est important de le faire remarquer. Nous ne trouvons ni les entretiens profondément intéressants et instructifs qui sont racontés dans l’évangile de Jean, ni l’ascension qui eut lieu à Béthanie et qui est rapportée par Luc. L’ange dit aux femmes d’aller tout de suite annoncer à Ses disciples qu’Il était ressuscité, qu’Il se rendait devant eux dans la Galilée et que là ils Le verraient. Ceci met en relief un tout nouveau caractère de Ses relations avec eux depuis Sa résurrection. Il est encore avec le résidu, avec les pauvres du troupeau, dans l’endroit où le Messie a dû paraître en Israël selon la prophétie d’Ésaïe. Ces relations sont renouées sur le pied de la résurrection. Sans doute, Il possédait toute puissance dans les cieux et sur la terre ; mais Il rétablissait Ses relations avec le résidu d’Israël, non pas encore comme roi manifesté en gloire pour subjuguer les nations, mais comme associé avec Ses disciples, vus dans le caractère de messagers du royaume, là où le Christ rejeté de Jérusalem avait recueilli les restes d’Israël et les avait reconnus en grâce. Tel est le caractère que les disciples revêtent ici. Les femmes s’en vont pour annoncer ces choses aux disciples ; elles jouissent, en vertu de leur fidélité et de leur attachement à Jésus, de ce privilège spécial. Elles sont les premiers témoins (et cela pour les apôtres eux-mêmes) de la victoire que la grâce et la puissance de Dieu a remportée sur les efforts de l’ennemi, maintenant vaincu à tout jamais.

Ce n’est pourtant pas seulement l’ange qui les envoie. Lorsqu’elles s’en vont porter le message aux disciples, Jésus Lui-même, plein d’amour, vient à leur rencontre, afin qu’elles soient témoins oculaires de Sa présence sur la terre — touchante réponse du Sauveur à leur fidélité ; témoignage béni qui prouve que le cœur de Jésus est aussi plein d’amour et de condescendance humaine, maintenant qu’Il est ressuscité, que lorsqu’Il marchait en humilité ici-bas, Lui le plus accessible des hommes. Lui aussi les encourage. Mais ce fait est en rapport avec d’autres vérités, qui se lient à la position que le Seigneur prend dans cet évangile et plus particulièrement dans cette occasion. En Jean, où le côté céleste et la position actuelle du Sauveur sont en question, Il défend à Marie-Magdeleine de Le toucher. Elle pensait avoir retrouvé Celui qu’elle aimait, comme revenu sur la terre pour y rester en Sa qualité de Messie ressuscité. Tel n’était pas le cas : « Il montait vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu ». Sa présence corporelle sur la terre ne devait plus être l’objet de l’affection des siens. Il les avait placés dans Sa propre position à Lui-même devant Son Père ; dans une même relation avec Lui — homme toujours avec Dieu, Fils bien-aimé du Père. C’est pourquoi, lorsque Thomas ne veut croire qu’à la condition de le toucher, le Seigneur lui accorde cette grâce, en lui faisant sentir toutefois que ceux qui croient maintenant sans avoir vu sont plus heureux que ceux qui ne croiront que lorsqu’ils verront. Les chrétiens, bien qu’ils ne le voient pas, se réjouissent d’une joie ineffable et pleine de gloire, tandis que le résidu, typifié par Thomas, ne croira que lorsqu’ils contempleront Celui qu’ils ont percé.

Les malheureux Juifs cherchent à cacher leur confusion sans s’humilier, sans se repentir. Par des largesses ils induisent les soldats à répandre le bruit, même au risque de tomber sous la sévérité de la discipline romaine, que les disciples avaient dérobé Son corps pendant qu’ils dormaient.

Enfin les onze se rendent en Galilée, sur une montagne que le Sauveur leur avait indiquée. Là, Il leur apparaît. Le doute demeurait encore dans le cœur de quelques-uns, mais ils Lui rendent hommage dès qu’ils Le voient. Leur doute est changé pour nous en une certitude, basée non seulement sur l’opération du Saint Esprit dans l’âme — vrai fondement de la foi — mais sur l’évidence claire que ce n’était ni une fable de leur invention, ni une histoire arrangée d’avance, ni le fruit d’une imagination ardente qui ne voyait que ce qu’elle voulait. Quelques-uns des disciples eux-mêmes doutent, comme nous l’avons vu dans le cas de Thomas ; ils ne croient que sur une évidence irrésistible, scellée par le don et par l’opération puissante du Saint Esprit, descendu du ciel le jour de la Pentecôte. Je pense qu’il y avait, présents en cette occasion, d’autres disciples que les onze ; peut-être les cinq cents dont Paul parle.

Ici, la mission des apôtres a son point de départ dans l’entrevue en Galilée avec leur maître ressuscité ; c’est un résidu déjà associé avec Jésus ; ce n’est pas, comme en Luc, un Sauveur qui monte dans le ciel et qui, du ciel, commence par Jérusalem, ainsi que cela a eu lieu. Ici Jérusalem est délaissée et livrée aux mains des méchants et des Gentils, tandis que le résidu d’Israël est associé avec le Messie rejeté, mais maintenant ressuscité ; puis ceux qui sont ainsi associés avec le Seigneur méconnu, sont envoyés pour faire des disciples de toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Cette mission, jusqu’à présent, n’a jamais été accomplie. La mission aux Gentils a été formellement transférée à Paul par ceux qui étaient des colonnes parmi les apôtres (Gal. 2), avec l’autorité divine de la part de Jésus glorifié, et par l’envoi direct du Saint Esprit (Act. 13, 4 ; 26, 16-18). Il se peut bien que les autres apôtres y soient allés plus tard ; mais l’histoire qui nous est donnée dans la Parole, n’en parle pas, à moins que ce ne soit un verset très général et même vague à la fin de Marc. Les apôtres sont restés à Jérusalem lors de la persécution qui arriva après la mort d’Étienne ; alors l’évangile fut porté aux nations par les dispersés, et plus tard confié à Paul. Jean est trouvé à Patmos, laissé le tout dernier pour veiller sur l’Église en décadence. Les derniers versets de Marc disent qu’ils sont allés partout et que le Seigneur a opéré avec eux pour confirmer la parole prêchée, par les signes qu’il leur fut accordé d’opérer. Quoiqu’il en soit, ici en Matthieu, la commission leur en est donnée. Ils devaient aussi enseigner aux nations baptisées à observer tout ce que Jésus avait ordonné aux disciples ; et Lui-même serait avec eux jusqu’à la consommation du siècle. Ce n’est pas la mission chrétienne proprement dite ; celle-ci se trouve plutôt en Jean 20, Luc 24, et Marc 16[4].



  1. Le mot hébreu rendu dans la version de Martin par l’expression : « Qui se garantit par soi-même », est un peu difficile à rendre grammaticalement ; mais, en tout cas, le sens en est : « apportant avec lui le salut par la puissance de Dieu ».
  2. C’est cet aspect de Sa mort que Luc met plus particulièrement en avant.
  3. Ils avaient voulu mettre à mort Lazare ressuscité ; dureté de conscience et perversité presque inconcevables.
  4. Jusqu’au verset 8 de Marc 16, la même histoire que celle de Matthieu se retrouve ; dans les derniers versets, celle que nous lisons à la fin de Luc et ce qui se trouve en Jean 20. Les discours des chapitres 13 et 26 des Actes se rattachent comme ceux de Pierre à la mission mentionnée en Luc. Dans l’évangile de Matthieu il n’est pas dit d’aller faire des Juifs disciples, parce que le résidu est envisagé comme déjà séparé de la nation et associé à Christ. C’est une espèce d’extension du chapitre 10 de ce même évangile, où il leur est défendu, au moins quant à leur mission dans ce moment-là, d’aborder les Gentils, voire même les Samaritains, mais où il leur est dit de chercher les brebis perdues de la maison d’Israël. Ici, une mission plus large leur est donnée : ils doivent aller faire disciples les Gentils. Cela suppose que l’œuvre au milieu des Juifs est autre que celle du chapitre 10, et, sous quelques rapports, le chapitre 24 ne fait qu’expliquer pourquoi la mission dont il s’agit ici s’applique exclusivement aux Gentils. La mission du ciel pour le salut des âmes s’adresse naturellement aux Juifs comme aux Gentils. Cette dernière est celle qui se trouve accomplie dans les Actes ; seulement la partie qui embrasse les Gentils a été transférée à Paul, ainsi que nous l’avons vu.