Études Scripturaires:L’Église et les anges

De mipe
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Examen d’une lettre, signée V. De Gasparin et publiée dans les Archives du ChristianismeC.F. RecordonVevey  — 9 octobre 1850

Haett’ich der Engel Heiligjeit,

Ich legte ab mein schoenes Kleid,

Und wollt in Jesum mich verhüllen.

Ger. Tersteegen
« Jésus Christ, étant allé au ciel, est à la droite de Dieu ; les anges, les autorités et les puissances lui ayant été soumis. — En Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Et vous êtes accomplis en Lui, qui est le chef de toute principauté et de toute autorité »

Les Archives du Christianisme du 28 septembre dernier renferment une lettre, datée de Sainte-Foy, qui a pour but de combattre cette proposition : « Dieu nous déclare expressément dans sa sainte Parole, que nous sommes au-dessus des anges ». Cette proposition, je la signe, quoique je n’en connaisse pas l’auteur ; c’est assez dire que je ne la croie pas réfutée par la lettre que j’ai sous les yeux. Complètement étranger, jusqu’ici, à cette polémique, je n’ai pu m’empêcher, tant le sujet me paraît grave, de l’examiner, moi aussi, à la lumière de la Parole de Dieu. Avec l’auteur de la lettre, dont on ne peut s’empêcher d’aimer l’accent de conviction, le respect pour l’Écriture, l’ardeur pour ce qu’il croit la vérité, et la chaleur d’âme, je commence par dire : « L’affaire est de Dieu, comme toutes celles qui touchent à la vérité. Nous n’avons ici qu’une voix à entendre, la voix de la Bible ; je vais la laisser parler ».

Au moment de mettre au net ou de copier ces notes, fruit de trois jours de recherches et d’études de la Parole, je puis bien dire encore, pour le fond, avec l’auteur, à la fin de son écrit : « Tout ce qui nous force à sonder les Écritures nous rend un service immense. Je remercie le frère… ou la sœur qui a donné lieu à ces recherches ; je le remercie du fond du cœur des admirables tableaux qu’un nouvel examen de la Parole a déroulé sous mes yeux. Puissent tous les saints frères ouvrir à leur tour la Bible, lui demander des lumières sur ce sujet, et s’écrier après : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons ; car nous l’avons vu nous-mêmes » (Jean 4, 42) ».

Je suivrai pied à pied la lettre, en examinant successivement les diverses assertions qu’elle renferme.

« Deux choses, dit l’auteur, me pénètrent de respect pour les anges : leur rôle dans l’histoire terrestre et céleste de l’humanité ; leur rang si élevé que l’Éternel, lorsqu’il agit en roi, prend leur nom et le confond presque avec le sien ».

À Dieu ne plaise que nous manquions de respect pour les anges ; mais à Dieu ne plaise aussi que, sous prétexte d’humilité, nous allions presque jusqu’à leur rendre un culte (Col. 2) et que pour les élever nous rabaissions d’autant l’Église de Dieu.

« L’Éternel prend leur nom », mais ne jouiraient-ils pas d’un rang plus élevé encore, si l’on pouvait dire que Dieu leur donne Son nom ? Eh bien ! je dirai tout bas à l’auteur, que je connais deux passages où le nom de Dieu (Élohim) est donné aux anges, du moins d’après nos traductions françaises qui ont ainsi rendu ce mot hébreu au psaume 8, 5 et en Zacharie 12, 8[1]. Les LXX l’ont aussi traduit par anges dans le premier de ces deux versets, et c’est d’après eux que l’auteur de l’épître aux Hébreux l’a cité au chapitre 2, 7. Voyez ces deux citations dans la version de Perret-Gentil.

Mais l’argument, que j’ai la bonhomie d’indiquer à mon bien-aimé adversaire, perdrait singulièrement de sa force par la considération suivante : c’est que le même nom de Dieu (Élohim) — en supposant du moins que nos Bibles françaises l’aient exactement traduit — est donné aux juges en Exode 21, 6 ; 22, 8, 9, 28 ; 1 Samuel 2, 25 ; aux souverains, dans le psaume 138, 1 ; c’est-à-dire que, dans ces divers passages, nos traductions ont rendu le mot Élohim par juges et souverains. Au psaume 82, 1 et 6, il est ainsi parlé des puissants de la terre : J’ai dit : « Vous êtes des dieux » (Élohim, encore, nom pluriel du seul vrai Dieu). — En pressant, autant que l’auteur le fait avec le nom d’ange, le raisonnement que nous pourrions tirer de ce qui précède, nous devrions désirer d’être des juges, des grands ou des rois, préférer leur position à celle d’enfants de Dieu, parce que le grand nom de Dieu leur est donné dans la Parole.

Au reste, si l’on se rappelait que, soit en hébreu, soit en grec, le mot traduit par ange, signifie tout simplement messager, on n’attacherait pas la même importance à l’argument que l’on déduit de ce nom. En hébreu, le mot Maleake se trouve plus de deux cents fois dans l’Ancien Testament, mais il en est plus de cent où il est traduit et il faut le traduire par messager. Prenez, par exemple, Genèse 32. Au premier verset, les anges ou messagers de Dieu viennent au devant de Jacob. Au verset 3, Jacob envoie des messagers ou des anges à Ésaü, et au verset 6, les messagers ou les anges reviennent vers Jacob. Mais Malachie 3, 1, le même mot est traduit une fois par messager (et c’est pourtant le messager de Dieu) et une fois par ange. — Dans le Nouveau Testament, le mot Angelos est de même rendu tantôt par ange et tantôt par messager. Cf. pour cette dernière expression, Matthieu 11, 10 ; Marc 1, 2 ; Luc 7, 24, 27 ; 9, 52 ; Jacques 2, 25.

Quand il est dit, le Messager ou l’Ange de Jéhovah, de la face ou de l’alliance, nous savons qu’en général il faut entendre par là le Fils de Dieu Lui-même : il est bien sûr que ce Messager-là est au-dessus de tout et de tous. Il est le Créateur des anges (Col. 1, 16) ; Celui que les anges adorent (Héb. 1, 6)[2]. Mais quant aux saints anges, aux anges élus, je ne vois pas, je l’avoue, comment leur nom, donné quelquefois à Jésus, peut jeter « un coup de lumière sur la stature, sur la majesté de ces habitants du ciel », à moins qu’on ne dise que ce même nom relève aussi la stature et la majesté des messagers ou anges d’Achazia (2 Rois 1, 2, 3 ; dans ce dernier verset, il y a ange et messagers, mais le même mot en hébreu), des messagers ou anges de Jean-Baptiste (Luc 7, 24) etc.

Voyez où l’on pourrait en venir en raisonnant ainsi : Jésus est aussi appelé dans la Bible, Avocat, Berger, Conseiller, Juge, Législateur, Docteur, Serviteur, etc. Dira-t-on qu’en prenant ces noms, Il a élevé presque à Sa hauteur les serviteurs, les docteurs, les législateurs, les juges, les conseillers, les bergers et les avocats ?

Ce qui vient ensuite sur le rôle des anges, qui sont « mêlés à tout », est fort bien dit et parfaitement vrai, mais ne me paraît pas se rattacher directement au sujet. Qu’ils soient les ministres des jugements de Dieu et les instruments de Ses délivrances envers les saints, c’est ce que toute la Bible nous montre ; mais cela ne décide nullement la question de leur supériorité ou de leur infériorité à l’Église.

Quant aux chérubins, que faut-il entendre par là ? C’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer d’après la Parole. Sur les quatre-vingt-dix fois que ce mot est employé dans l’Ancien Testament, il en est environ soixante, où il est formellement appliqué aux figures d’or massif placées sur le propitiatoire, brodées sur la couverture et le voile du tabernacle, ou sculptées sur les lambris du temple de Salomon et sur la cuve d’airain. À quoi j’ajoute que, dans les passages où l’Éternel est représenté comme assis entre les chérubins, il s’agit aussi là des chérubins sur l’arche, place choisie par le Dieu d’Israël pour habiter au milieu de Son peuple et lui faire connaître Sa volonté. C’est ce que Dieu déclare expressément en Exode 25, 22, cf. avec Nombres 7, 89. C’est ce qui ressort de 1 Samuel 4, 4 et de 1 Chroniques 13, 6 : « l’arche de l’alliance de l’Éternel des armées, qui habite entre les chérubins ». C’est ce qui est positivement dit dans 2 Samuel 6, 2 : « le nom de l’Éternel des armées, qui habite entre les chérubins sur l’arche ». De même dans 2 Rois 19, 15 et Ésaïe 37, 16, où Ézéchias, faisant sa prière devant l’Éternel et dans sa maison, s’adresse au Dieu d’Israël, qui est assis entre les chérubins. Psaume 80, 1, et 99, 1, me présentent le même sens, car là aussi, il est question du Dieu d’Israël. Je ne parle pas d’Ézéchiel 28, 14 et 16, où le roi de Tyr est appelé chérubin protecteur. Restent les chérubins d’Ézéchiel 1 et 10, qui sont probablement les mêmes que les êtres vivants d’Apocalypse 4 ; puis ceux qui sont nommés, Genèse 3, 24 ; 2 Samuel 22, 11 et psaume 18, 10. Tout ce que nous pouvons conclure de ces divers passages, c’est que ces êtres célestes sont placés près du trône de Dieu, et qu’ils réunissent en eux la figure de l’homme, du lion, du bœuf et de l’aigle.

Chacun sait qu’il n’est parlé des séraphins qu’en Ésaïe 6, 2, 6. Ce mot veut dire brûlants, et partout où il se rencontre ailleurs, c’est-à-dire, Nombres 21, 6, 8 ; Deutéronome 8, 15 ; Ésaïe 14, 29 et 30, 6, il désigne des serpents. Tout ce que nous savons de ces êtres mystérieux, c’est qu’ils ont la forme humaine et six ailes, qu’ils entourent l’Éternel et célèbrent ses louanges, en exaltant Sa sainteté et Sa gloire en la terre.

On ne parle plus des archanges et l’on a raison, car la Bible ne les connaît pas. Elle mentionne un seul archange ou chef des anges, qui n’est ainsi nommé qu’en 1 Thessaloniciens 4, 16 et en Jude 9 ; ce dernier passage nous apprend que l’archange porte le nom de Michel ou plutôt Michaël (mot qui signifie : qui est semblable à Dieu). Ce nom, nous le connaissons déjà par l’Ancien Testament, non seulement parce qu’il figure dans plusieurs généalogies, mais aussi parce que c’est le nom donné au grand chef qui tient ferme pour le peuple de Daniel (Dan. 10, 13, 21 ; 12, 1). Enfin, nous le retrouvons en Apocalypse 12, 7, combattant dans le ciel avec ses anges contre le dragon et ses anges et les précipitant sur la terre.

Après cela nous trouvons, dans la lettre, une suite de passages relatifs à l’obéissance, à la gloire, à la grandeur etc. des anges ; ils me semblent assez peu concluants quant à la preuve à faire. Le premier passage : « Que ta volonté soit faite sur la terre, comme elle l’est dans le ciel », n’est pas cité exactement. Les mots que nous avons souligné sont de trop[3]. « S’agit-il de sainteté », ajoute la lettre : « les saints anges, dit la Parole ». Mais la même Parole de Dieu dit tout aussi bien et beaucoup plus fréquemment : « Les saints apôtres » (Éph. 3, 5) ; « les saints frères » (1 Thess. 5, 27 ; Héb. 3, 1) ; « la sainte sacrificature » ; « la nation sainte » (1 Pier. 2, 5, 9) ; « les saintes femmes » (1 Pier. 3, 5) et tant d’autres exemples analogues, surtout dans les adresses des lettres apostoliques, où tous les croyants sont appelés saints. — Il y a plus, les croyants sont appelés parfaits (Phil. 3, 15 ; Col. 4, 12, etc.) ; ils le sont, en principe, parce qu’ils sont en Christ ; et, en réalité, ils parviendront bientôt à l’état d’hommes parfaits, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ (Éph. 4, 13). Eh bien ! les anges sont-ils appelés parfaits dans l’Écriture ? Je ne le crois pas ; je trouve même le contraire dans le Livre. L’esprit, qui passe de nuit devant Job, lui dit d’une voix basse : « Voici, Dieu ne s’assure point sur ses serviteurs, et Il a mis de l’imperfection dans ses anges » (Job 4, 18). C’est la vraie traduction du passage, dit J. Aug. Bost (Dictionnaire de la Bible, au mot ange) et c’est ce qui explique la possibilité de la chute d’une partie de ces êtres célestes. Voici quelques-unes des diverses traductions de ce verset.

Les LXX : « Il aperçoit quelque chose d’oblique (tortueux, pas droit) dans ses anges ».

La Vulgate : « Et in angelis suis reperit pravitatem ». « Il trouve de la méchanceté dans ses anges ».

Luther : « In seinen Boten findet er Thornheit ». « Il trouve de la folie » etc.

Bible anglaise : « And his angels He charged with folly ». « Il accuse ses anges de folie ».

Diodati français : « Il aperçoit de l’outrecuidance en ses anges ».

Diodati italien : « Scorge della temerità ne’suoi angeli ».

Perret-Gentil : « Et dans ses anges mêmes il trouve du péché ».

Comme qu’on le traduise, ce passage me semble clairement indiquer que, quelque élevés que soient les anges, ils n’en sont pas moins, surtout aux yeux de Dieu, des créatures imparfaites. Les saints sont, ici-bas, dans un état infiniment plus imparfait, sans doute, car ils sont encore dans la chair et dans le péché ; mais la perfection leur est promise. « Vous serez parfaits, comme votre Père qui est dans les cieux est parfait ». Voilà le terme que le Sauveur place devant leurs yeux et auquel Sa puissante grâce les fera parvenir. Je ne sache pas que la Bible annonce aux anges un changement de sort, un degré d’honneur plus élevé, une perfection.

Nous continuons. S’agit-il de la gloire de l’Église — dirons-nous, en employant la même forme que l’auteur qui a toujours en vue les anges — nous en parlerons tout à l’heure — « S’agit-il de mettre une âme en présence de ce qu’il y a de plus grand, de plus redoutable, de plus beau, Paul s’écrie » — voir 1 Timothée 5, 21. À quoi j’oppose : S’agit-il de faire connaître maintenant la sagesse de Dieu infiniment variée, aux principautés et aux autorités dans les lieux célestes, c’est-à-dire aux anges : de qui se sert le Seigneur dans ce but ? De l’Église, répond le Saint Esprit, Éphésiens 3, 10. — « Vous êtes venus à une montagne de Sion,… aux milliers d’anges », lisons-nous dans Hébreux 12, 22 ; mais n’est-il pas dit immédiatement après : « à la réunion générale et à l’Église des premiers-nés » ? Donc ici, même honneur pour l’Église que pour les anges. — Il faut être singulièrement préoccupé pour ne voir que la gloire des anges en Matthieu 18, 10. N’est-il pas évident que, si quelqu’un est élevé extrêmement haut par cette déclaration du Seigneur, ce sont les petits qui croient en Lui ?

Les anges accompagneront Jésus, quand Il viendra pour juger le monde. Oui, mais les saints L’accompagneront aussi. Voir Jude 14 et 15 ; 1 Thessaloniciens 3, 13 ; Apocalypse 19, 14 ; Zacharie 14, 5. En cette grande journée, c’est dans ses saints que le Seigneur Jésus sera glorifié ; c’est dans tous ceux qui croient qu’Il sera rendu admirable (2 Thess. 1, 10).

J’avoue que je ne sais pas voir notre droit d’aînesse atteint ni entamé par toutes ces citations, pas même par la dernière, 2 Corinthiens 11, 14.

Abordons les objections dont l’auteur cherche à déblayer son terrain ; et voyons s’il n’en est aucune qui attende encore sa réfutation. « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? ». Telle est la première : la manière dont la lettre y répond ne me paraît pas parfaitement logique. La question n’est pas tant de savoir quels anges nous jugerons, que de savoir si cet honneur est attribué par la Parole aux anges élus aussi bien qu’aux saints élus. S’il n’est pas écrit que les anges de Dieu jugeront les anges de Satan, où est, dirai-je aussi, leur supériorité sur nous ?

La réponse à cette seconde objection (« Christ est mort pour nous, non pour les anges ») me paraît offrir ce caractère d’Einseitigkeit, comme disent les Allemands, qui ne s’arrête qu’à une face d’un sujet. Sans doute que, dans un sens, il n’est rien de plus humiliant pour nous que la croix de Jésus. Sans doute, plus que rien autre, la croix proclame l’amour de l’homme pour le péché, la haine de l’homme pour Dieu. Mais ne nous dit-elle que cela ? N’avons-nous pas aussi, comme Paul, sujet de nous glorifier en cette croix ? Ne proclame-t-elle pas tout aussi haut, en même temps que la haine de Dieu pour le péché, l’amour de Dieu pour le pécheur ? Et n’est-ce pas un immense privilège d’être les objets de cet amour, de cet amour éternel, qui nous a élus en Christ avant la fondation du monde ; qui, dans l’accomplissement du temps, nous a donné Jésus ; qui, au jour de Sa bienveillance, nous a donnés à Jésus pour toujours ; qui, enfin, nous assure, pour l’économie de la plénitude des temps, une part à Son héritage ? N’est-ce pas un immense privilège d’avoir été, d’être actuellement à la louange de la gloire de Sa grâce, et d’être bientôt, pour l’éternité, à la louange de Sa gloire ? — Si l’ange de l’Éternel disait au père des croyants : « Maintenant j’ai connu que tu crains Dieu, puisque tu n’as point épargné pour moi ton fils, ton unique » — tout enfant d’Abraham par la foi ne peut-il pas dire à son tour : « Ô mon Dieu ! maintenant je sais que tu m’aimes, puisque tu n’as point épargné pour moi ton Fils, ton unique » ? En la montagne de l’Éternel il a été pourvu à tout ce qui concerne notre salut. Dieu a signalé Son amour envers nous en ce que, lorsque nous n’étions que pécheurs, Christ est mort pour nous. Dieu nous a aimés, Dieu nous aime comme Il aime Jésus, le Bien-aimé, et un jour le monde entier le connaîtra, en voyant l’Église dans la gloire de son Sauveur (Jean 17, 22, 23). Et Jésus, nous savons qu’Il nous a aimés plus que Sa propre vie, qu’Il nous a aimés, et qu’Il nous aimera jusqu’à la fin comme le Père L’a aimé. Or les anges, quelque bénis, quelque saints, quelque glorieux qu’ils soient, possèdent-ils un pareil privilège ? Sont-ils les objets d’un semblable amour ? Je ne le pense pas — je ne vois rien dans la Parole qui le dise formellement.

Et puis, n’y a-t-il que la mort de Jésus pour nous ? N’y a-t-il pas la résurrection ? N’y a-t-il pas l’ascension et la séance du Fils de l’homme à la droite de Dieu ? Et n’avons-nous pas à tous ces faits une part singulièrement glorieuse ? Christ est ressuscité à cause de notre justification ! — Et nous sommes ressuscités avec Lui — et la vie de Christ ressuscité, une vie impérissable, nous est communiquée par notre union avec Christ. Christ est monté au ciel ! C’est notre humanité qui est assise, en sa personne, à la droite de Dieu, dans les lieux célestes, où déjà, en tant qu’unis à Christ, Dieu nous a fait asseoir ensemble en Lui. Ne pouvons-nous donc pas répéter, avec le cantique sur l’Ascension par le pieux Bénédict Pictet :

Oh ! quelle gloire et quel honneur pour nous !

et avec l’auteur des Chants de Sion :

À la droite de Dieu sa place est préparée :
Là, notre humanité s’assied avec pouvoir.
Oh, qui peut concevoir
Que de cette grandeur elle soit honorée !

Or, montrez-moi dans la Parole que les anges possèdent un honneur, une grandeur, un privilège analogue. Non, pour conférer toutes ces gloires, Jésus n’a pas pris les anges, mais Il a pris la postérité d’Abraham, qu’Il a élevée aussi haut qu’Il est Lui-même élevé.

« Ce n’est pas aux anges qu’Il a soumis la terre à venir ». C’est à Christ, dites-vous. Oui, mais à l’Église aussi, car nous régnerons avec Lui. Cela est-il jamais dit des anges, ou plutôt le passage que nous venons de citer, ne dit-il pas expressément le contraire ? Et n’avons-nous pas raison de chanter :

Gloire à toi, Père éternel,
Qui nous préparas au ciel
Un trône au-dessus des anges.

Quant au dernier passage que cite l’auteur, « à ces mots bien simples », dit-il, « qui nous auraient dispensé de toute cette discussion », je ne saurais encore nullement y voir une preuve péremptoire à l’appui de la thèse qu’il soutient ; parce que, d’un côté, je ne saurais leur donner un sens aussi absolu que lui — et que, d’un autre côté, ils me semblent être éclipsés par d’autres déclarations de la Parole, qui ouvrent aux regards de la foi un horizon bien autrement lumineux. Ce sont deux passages parallèles en Matthieu 22, 30 et Luc 20, 36. Jésus répond à l’objection captieuse des sadducéens sur la femme aux sept maris : « Vous errez, ne connaissant pas les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car en la résurrection, on ne prend ni ne donne des femmes en mariage, mais on est comme des anges de Dieu dans le ciel ». Voilà ce qui est dit en Matthieu et de même en Marc 12, 25. Ouvrons maintenant l’évangile de Luc : « Jésus… dit : Les fils de ce siècle prennent et donnent des femmes en mariage ; mais ceux qui ont été jugés (ou rendus) dignes d’avoir part à ce siècle-là et à la résurrection, celle d’entre les morts, ne prennent ni ne donnent des femmes en mariage ; car aussi ne peuvent-ils plus mourir, parce qu’ils sont semblables aux anges, et qu’ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection ». Matthieu porte seulement : comme des anges. En Luc, l’expression Isangelos (mot composé qui ne se trouve pas ailleurs et que de Wette a imité en disant : engelgleich) serait, je crois, plus exactement rendu par égaux aux anges, ce qui, ce me semble, est loin d’avoir la même force que semblables aux anges. Mais en laissant ces versets tels qu’ils sont traduits et en ne les isolant pas de leur contexte, ne présentent-ils pas tout simplement cette pensée : Ici-bas les hommes se marient ; il le faut : c’est une nécessité de leur condition mortelle ; mais dans le ciel il en sera autrement ; les fils de la résurrection ne se marieront plus, parce que, comme les anges, ou semblables aux anges, à cet égard, ils ne pourront plus mourir ? Voilà, à mon avis, tout ce que signifient ces paroles, ou, si l’on veut, elles sont expliquées par ces mots de Galates 3, 28 : En Christ, « il n’y a ni mâle ni femelle ».

Et je le crois, parce que, d’un autre côté, l’Écriture nous donne positivement des espérances bien plus relevées. J’avoue, avec tout le respect possible pour l’auteur de la lettre, que je ne comprends pas comment on peut avoir lu avec quelque attention le Nouveau Testament et affirmer qu’il « ne nous est rien promis qui ne soit promis aux anges ». — Examinons encore cette assertion ; mais auparavant, faisons observer qu’il n’est pas juste et équitable, en traitant cette matière, d’opposer presque exclusivement l’état actuel du chrétien à l’état des anges. Que dis-je ? En argumentant de cette manière, on prouverait que les anges sont supérieurs à Jésus Christ, parce que, pendant les jours de sa chair, Jésus était fait quelque peu inférieur aux anges.

Ce n’est donc pas uniquement l’enfant de Dieu dans la chair, entouré de misères, souvent languissant, ayant à traverser beaucoup de tribulations, exposé à de nombreuses chutes, qu’il faut considérer ici. Sous ce rapport, je souscrit de grand cœur à ce que dit la lettre sur les soupirs de l’âme fidèle et ses aspirations vers le repos et vers la gloire. Je crois aussi que, après la conversion d’un pécheur, rien n’est plus réjouissant que le délogement d’un homme pieux. Mais je ne vois nulle part dans l’Écriture, que les saints s’expriment comme l’auteur dans leur besoin de félicité et de perfection. L’exemple de Paul s’offre ici de soi-même. Il dit, non pas : « Je voudrais être comme un chérubin », mais : « mon désir tend à déloger pour être avec Christ ». Ah ! ne soyons pas plus sages et en apparence plus spirituels que la Parole, et comme le dit encore la lettre, « ne faisons pas du roman, ne raffinons pas, ne nous mettons pas à l’entrée d’un sentier » aussi mystique que bien d’autres.

Maintenant, reprenons cette assertion si positive : « Il ne nous est rien promis, qui ne soit promis aux anges ». Je la crois si peu scripturaire que je soutiens, au contraire, d’après la Bible, que, dès à présent, nous possédons de nombreuses et infiniment précieuses bénédictions, auxquelles les anges, quelque heureux, glorieux, saints et bénis qu’ils soient, sont pourtant étrangers, et que d’autres nous sont promises, qui nous placeront dans un degré de gloire bien supérieur à celle qui est l’apanage de ces habitants du ciel.

« Dieu nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph. 1, 3). « Toutes choses sont à vous… et vous à Christ, et Christ à Dieu » (1 Cor. 3, 21-23). Voilà ce qui est dit aux saints, où trouvez-vous que cela soit dit ou promis aux anges ?

« Auquel des anges, Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, toi, je t’ai engendré aujourd’hui — et encore : Je lui serai pour père, et il me sera pour fils ? » (Héb. 1, 5). Je sais que ces mots s’appliquent au Fils de Dieu, dont l’apôtre veut prouver la supériorité sur les anges. Mais je sais aussi que, s’il n’est aucun des anges auquel Dieu ait jamais dit : « Tu es mon fils » — il n’est aucun des croyants auquel le même Dieu ne dise dans Sa Parole : « Tu es mon fils, tu es ma fille, vous êtes mes enfants bien-aimés ». Et si enfants, donc héritiers ; oui, héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, que Dieu « a établi héritier de toutes choses » (Héb. 1, 2). Auquel des anges Dieu a-t-Il jamais promis Son héritage ?

« David voit l’Éternel monté sur un chérubin » (Ps. 18, 10). La Parole dit aux fidèles, à l’Église entière et à chacun de ses membres : « Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous » (1 Cor. 3, 16, cf. 6, 19 et 2 Cor. 6, 16). « Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils » (Gal. 4, 6). « L’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rom. 5, 5). « Tout l’édifice, bien coordonné, s’accroît pour être un temple saint en notre Seigneur, en qui vous aussi vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit » (Éph. 2, 21, 22). Or, quelle est la part la meilleure, la plus digne d’envie : celle du chérubin sur lequel Jéhovah est monté, ou celle du croyant qui possède Dieu en lui, et où est-il écrit qu’un semblable privilège appartienne également aux anges ?

Aussi est-il dit encore que, par les grandes et précieuses promesses, qui nous ont été données, nous sommes faits participants de la nature divine (2 Pier. 1, 4). Et ce ne serait pas là un lot préférable au lot glorieux des anges de l’Éternel !

L’auteur a cité lui-même Hébreux 2, 17 ; il a écrit et souligné ces mots : « il a fallu que Jésus fût semblable en toutes choses à ses frères », et, dans sa prévention en faveur des anges, il n’a pas su voir combien ce nom de frères, que Jésus ne donne qu’à Ses disciples, est ineffablement précieux, et à quelle hauteur il nous met au-dessus de toutes les créatures, même angéliques, que le Sauveur n’honore pas d’une pareille qualification, parce qu’elles ne sont pas comme nous la famille de Dieu. « Il n’a pas honte de nous appeler frères » (Héb. 2, 11). Après Sa résurrection, Il dit à Marie : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17). Or, encore ici, quelles que soient les gloires diverses des armées célestes, lequel des anges qui les composent a le droit de la part de Dieu, de s’appeler frère de Jésus ? Auquel des anges a-t-Il jamais dit : « Tu es mon frère » ?

Il est un autre titre qui implique des relations beaucoup plus intimes encore avec Jésus, et dont personne mieux que l’auteur, n’aurait pu et dû, ce semble, apprécier et signaler l’excellence et la douceur. Ce titre qui n’appartient qu’à l’Église (au moins dans ce sens supérieur et céleste) est celui d’Épouse. L’Église est l’Épouse de Christ, et, comme telle, elle est une même plante avec Lui, un seul corps avec Lui ; ou elle est le corps dont Jésus est la tête ; elle est le complément de Jésus, c’est-à-dire que Jésus Sauveur n’est pas complet sans l’Église. Elle est unie à Lui d’une manière indissoluble. — « Comme le corps est un, et qu’il y a beaucoup de membres, et que tous les membres… sont un seul corps, de même en est-il de Christ » (1 Cor. 12, 12). L’entendez-vous ? Le corps, l’Église, est appelé Christ ; le Saint Esprit lui donne le nom de son céleste Époux, comme la femme ici-bas reçoit le nom de son mari. Le Seigneur nourrit et soigne tendrement l’Église, parce que nous sommes membres de son corps, étant de Sa chair et de Ses os (Éph. 5). Union réelle autant que mystérieuse ! qui pourra te décrire ? Quelles lèvres ici-bas pourront dire tout ce que tu vaux pour un pauvre pécheur racheté, et devenu membre de Christ ? Et ne serait-ce pas renoncer à cette ineffable grâce, que d’échanger mon sort contre celui d’un ange ou d’un chérubin ? Car Jésus a-t-Il jamais dit aux anges : Vous êtes mes membres, mon corps, mon épouse ?

Et remarquons-le bien : quand il est explicitement question de la primauté de Jésus sur toutes les créatures et spécialement sur les anges, l’Église est mentionnée comme faisant corporellement partie de Christ dans cette primauté. Écoutez Dieu qui va vous le dire : « Il l’a fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté, et autorité, et puissance, et domination (c’est-à-dire au-dessus des anges) et de tout nom qui se nomme, non seulement dans ce siècle-ci, mais aussi dans celui qui est à venir ; et il a assujetti toutes choses sous ses pieds, et il l’a donné pour tête, au-dessus de toutes choses, à l’Église qui est son corps, la plénitude (ou le complément) de celui qui remplit tout en tous » (Éph. 1, 20-23). Est-ce clair ? Faudrait-il quelque chose de plus pour convaincre une âme simplement soumise à la voix de son Dieu ?

Prenez l’épître aux Colossiens, chapitre 1, versets 15 à 19, vous y trouverez la même vérité tout aussi positivement exposée : « C’est Lui qui est l’image du Dieu invisible, engendré avant toute créature ; parce que par lui ont été créées toutes choses, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre, les visibles et les invisibles, soit trônes, soit dominations, soit principautés, soit autorités (divers noms des anges) : toutes choses ont été créées par lui et pour lui. Et quant à lui, il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent par lui. Et il est la tête du corps, de l’Église, lui qui est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en toutes choses, il tienne le premier rang, parce qu’en lui toute la plénitude a bien voulu habiter ». Je le répète, de telles paroles ne décident-elles pas la question ?

Bientôt, oui, bientôt, Celui qui vient arrivera pour nous chercher, nous transmuer et nous introduire, avec tous les saints ressuscités, dans la gloire de Son Dieu et notre Dieu. Alors Il se la présentera glorieuse, son Église, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais étant sainte et sans défaut. Alors auront lieu dans le ciel les noces de l’Agneau, auxquelles, sans doute, assisteront, comme témoins, les saints anges avec tous les amis de l’Époux ; mais qui oserait dire que la première place, la plus près du cœur de Jésus, ne soit pas celle de l’Épouse ? Et qui, ayant cette gloire au-devant de lui, pourrait encore y préférer un rang, fût-ce le premier, dans le brillant cortège de l’Époux ?

Que de choses n’aurions-nous pas encore à dire ! Bientôt, « quand la perfection sera venue, nous connaîtrons, comme nous avons été connus », c’est-à-dire aussi parfaitement que Celui qui sonde les cœurs et les reins, connaît toutes choses. Sera-ce jamais le sort des anges, que l’Esprit de Dieu représente comme désirant scruter jusqu’au fond (ou en se baissant) les profondeurs de l’amour de Dieu pour nous en Jésus Christ ?

Et dites-moi, lequel est le plus grand, celui qui est servi ou celui qui le sert ? Or la Parole, en parlant des anges, dit : « Ne sont-ils pas tous des esprits qui exercent un ministère, envoyés pour servir en faveur de ceux qui doivent hériter du salut » ? La lettre cite Apocalypse 19, 10, où un ange dit à Jean : « Je suis ton compagnon de service etc. ». Puis elle ajoute : « Compagnon de service ! Rien de plus ». Il en résulterait donc que l’ange est simplement l’égal de Jean et de ses frères. « Rien de moins », dit encore l’auteur. Je le renvoie à Hébreux 1, 14. Quant à nous, nous ne craignons pas d’affirmer avec la Bible que nous avons les anges pour serviteurs et pour gardes du corps (voyez Ps. 34, 7).

« Au reste, répéterons-nous avec notre cher auteur, la Bible contient quelques mots bien simples, qui nous auraient dispensés de toute cette discussion ». — Ouvrons-la, cette chère Bible, d’abord au chapitre 4 de la première épître de Jean, verset 17 : « En cela est consommé l’amour par rapport à nous, afin que nous ayons assurance au jour du jugement, c’est que tel qu’il est (actuellement), tels nous sommes dans ce monde ». L’entendez-vous ? Tel qu’Il est (et le Il de cette lettre c’est le Il de la profonde affection, désignant l’objet trop intime de l’amour du disciple bien-aimé, pour qu’il l’appelle toujours par Son nom ; c’est incontestablement Jésus), tel qu’Il est, tels nous sommes dans ce monde, déjà ici-bas. Notez-le bien : ce n’est point là un précepte ; il ne s’agit pas d’un but à atteindre ; c’est un fait, c’est la position dans laquelle la grâce de Dieu nous place en Jésus — voilà pour le présent, voilà pour l’avenir.

Lisons le verset 2 du chapitre 3 de la même épître de Jean : « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu ; et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté, mais nous savons que lorsqu’il aura été manifesté, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est ». Le Il et le Lui indiquent ici, comme plus haut, Celui qui remplit le cœur de Jean (conférez Col. 3, 4, où se trouve le même verbe avec Christ pour sujet). Nous serons semblables à Christ ; oui, semblables ; le mot grec n’est pas susceptible d’une autre traduction ; ce n’est pas le même qu’en Luc 20, 36 (conférez pour la différence de ces deux termes, la traduction des deux passages dans la Vulgate, dans la Bible anglaise, et dans les versions française et italienne de Diodati).

Semblables à Jésus glorifié, voilà ce qui nous est promis, rien de moins. Et ce n’est pas dans ce seul endroit ; écoutez encore : « Comme nous aurons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image de celui qui est céleste » (1 Cor. 15, 49). « Car notre droit de bourgeoisie est dans les cieux, d’où nous attendons aussi pour Sauveur, le Seigneur Jésus Christ, qui transformera le corps de notre humiliation, pour qu’il soit conforme au corps de sa gloire » (Phil. 3, 20, 21). « Ceux que Dieu a préconnus, il a aussi déterminé d’avance qu’ils seraient conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit le premier-né parmi beaucoup de frères » (Rom. 8, 29).

Semblables à Christ ! Conformes à l’image du Fils ! à l’image de Celui qui était sur la terre l’image (le portrait) du Dieu invisible ; de Celui qui disait : « Moi et le Père sommes un ». « Celui qui m’a vu a vu le Père » ! Semblables, oui, semblables à Celui que Dieu a souverainement élevé ; à Celui qui s’est assis à la droite de la Majesté dans les lieux hauts ; étant devenu d’autant plus excellent que les anges, que le nom dont Il a hérité est préférable au leur (Héb. 1, 3, 4). Quelle gloire ! ô mon Dieu ! quelle gloire ! Et voici un de tes bien-aimés enfants qui se contenterait d’être comme un ange, et qui ainsi renoncerait à l’honneur d’être semblable à Toi, Seigneur Jésus, Prince des anges ! à Toi, resplendissant de la gloire du Père, et empreinte de Sa substance ! Voici un de tes chers enfants qui, sans s’en douter, méconnaît Ton droit d’aînesse, oubliant que, « l’ayant voulu, tu nous as enfanté par la Parole de vérité, pour que nous fussions les prémices de tes créatures » (Jacq. 1, 18). Seigneur ! Tu l’aimes trop, Tu lui as accordé trop de grâces ! pour ne pas l’éclairer sur la hauteur de sa vocation céleste, qui le met au-dessus de tout ce qui est créé.

Oh ! que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, nous donne à tous un esprit de sagesse et de révélation dans Sa connaissance ; qu’Il illumine les yeux de notre pensée, afin que nous sachions quelle est l’espérance de Son appel, et quelle est la richesse de la gloire de son héritage dans les saints !

Il est temps de finir, quoique le sujet soit loin d’être épuisé. S’il ne s’était agi que d’une simple question de préséance entre l’Église et les anges, il n’eût certes pas valu la peine de relever le gant. Mais, on vient de le voir, le débat soulevé impliquait infiniment plus que cela ; les privilèges de l’Église étaient méconnus, amoindris, ravalés, annulés par la théorie que j’ai cru devoir combattre. La gloire même de Christ était donc en cause ; car l’Église, c’est Christ. Voilà ce qui m’a fait prendre la plume.

Si quelqu’un disait que la hauteur où j’ai montré l’Église est propre à donner aux chrétiens le vertige de l’orgueil — je répondrais : 1° que c’est là l’objection des incrédules à l’évangile, en général, et en particulier, à la prédication de la justification par la foi ; 2° que ce n’est pas moi, mais la Parole, sur laquelle je me suis constamment appuyé, c’est-à-dire Dieu, qui place l’Église à cette hauteur ; 3° que la vraie humilité consiste à croire Dieu ; que beaucoup d’orgueil perce toujours à travers les systèmes, en apparence les plus humbles, créés en dehors de la Bible, et dans lesquels l’esprit humain se complaît ; 4° que, dans le fond, l’humilité et l’humiliation supposent une position élevée chez celui à qui elles sont recommandées[4] : un ver de terre ne peut pas s’abaisser, il n’en a pas besoin. Voyez Jésus : Il était en forme de Dieu, n’estimant point usurpation d’être égal à Dieu — et il s’est anéanti en prenant une forme d’esclave, ayant été fait à la ressemblance des hommes. Voyez-Le, lorsqu’Il veut donner à Ses disciples une leçon d’humilité — (Jean 13) ; c’est dans la pleine conscience de Sa nature, de Sa puissance et de Sa mission divines (v. 3), c’est comme Maître et Seigneur (v. 13), qu’Il ceint le tablier d’un esclave, prend le bassin, s’abaisse devant Ses apôtres et leur lave les pieds ; 5° enfin, que rien n’est plus propre à nous humilier devant Dieu, que la considération de notre position céleste en Christ, qui fait souvent, hélas ! ressortir l’humiliant contraste de nos pensées terrestres et d’une marche encore trop conforme au train du présent siècle mauvais.

Et si quelqu’un ajoutait : À quoi bon ces spéculations ? Quel profit pouvons-nous en retirer pour notre sanctification ? Je le plaindrais beaucoup, et je me bornerais à répondre : rien ne sanctifie que la vérité (Jean 17, 17). Rien n’est plus propre à nous sanctifier, c’est-à-dire à nous mettre et à nous garder à part des souillures de ce monde, que les vérités qui ont pour tendance immédiate, comme celles dont nous nous sommes occupés, de produire en nous des pensées et des affections célestes. Rappelez souvent à un prince qu’il est fils de roi et destiné au trône, cela contribuera à imprimer de la dignité à sa conduite et à le préserver d’actes de bassesse. Enfin, après le passage (1 Jean 3, 2) sur lequel nous nous sommes surtout arrêtés, nous trouvons celui-ci : « Quiconque a cette espérance en lui se purifie comme lui est pur ». Ici encore, ce n’est point un précepte, c’est un fait : une conséquence nécessaire de la réalisation de nos espérances en Christ, c’est que celui qui en est animé se purifie. Christ est le but de ses espérances, le terme proposé à sa stature ; c’est vers Lui qu’il tend de toutes les forces de son âme, comme l’aiguille aimantée se dirige toujours vers le nord. Dis-moi ce que tu espères, je te dirai ce que tu aimes, ce que tu penses, et quel est le mobile qui te fait agir.

Eh bien ! non ; moi, le plus misérable de tous les saints, je ne dirai pas avec le cher écrivain que je combats, en l’aimant dans notre commun Sauveur ; non je ne dirai pas avec lui : « Je voudrais être comme des anges ! » parce que, si cela m’était accordé, je ne pourrais pas être semblable à Jésus ; car auquel des anges une telle faveur est-elle promise, comme elle nous est assurée ? Ô mon Dieu ! je crois Ta Parole, et moi, tout faible, pécheur et charnel que je suis encore, je puis pourtant dire en toute humilité, mais aussi en toute confiance, la main sur ton infaillible témoignage : « Tel que Jésus est, tel je suis en ce monde ». — Encore un peu, très peu de temps, et Celui qui vient arrivera et Il ne tardera point : dès que mes yeux Le verront, je serai fait semblable à Lui, et cela pour l’éternité. Ô mon Dieu ! quel amour est le tien ! Donne-nous de demeurer fermes dans ta grâce, en nous glorifiant dans l’espérance de Ta gloire !

« L’Éternel est ma portion. Il est la part de mon héritage et de mon breuvage ; tu maintiens mon lot (cf. 1 Pier. 1, 3-5). Les cordeaux me sont échus en des lieux agréables, et un très bel héritage m’a été accordé ». Quant à moi, je ne l’échangerais contre aucun autre, grâce à Dieu.

Qu’êtes-vous, peines et douleur,
Pleurs, travaux, épreuve excessive,
Pour l’âme qui, chère au Sauveur,
À cette gloire en perspective !
Frères, que notre lot est beau !
Louons le Dieu de toute grâce ;
Nous allons le voir face à face :
Gloire à l’Agneau ! gloire à l’Agneau !



  1. À quoi on pourrait ajouter psaume 97, 7, dont les derniers mots : « Vous, dieux, prosternez-vous tous devant lui », sont ainsi traduits par les LXX : « Prosternez-vous devant lui, vous tous ses anges ». C’est encore, d’après les LXX, selon sa coutume, que l’auteur de l’épître aux Hébreux (1, 6) a cité ces paroles.
  2. Je relève, en passant, une citation qui ne me semble pas exacte : « Jésus a été fait un peu moindre que les anges bien que couronné de gloire et d’honneur ». Ne dirait-on pas qu’il était couronné de gloire et d’honneur, alors qu’Il était un peu moindre que les anges ? Une lecture attentive de Hébreux 2, 6-9, montre que ce sont là deux faits successifs : « maintenant nous le voyons couronné de gloire et d’honneur ».
  3. Nous n’en disons pas davantage maintenant, espérant, si le Seigneur le veut, publier plus tard une explication de l’oraison dominicale, qui nous paraît généralement mal comprise.
  4. Position élevée, soit réelle, comme chez le chrétien ; soit prétendue, comme chez le propre juste.