Traité:L’armure

De mipe
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H. Rossier

Revêtez-vous de l’armure complète de Dieu.

Le combat chrétien occupe, dans la Parole de Dieu, une place considérable. Tout l’Ancien Testament est rempli de guerres qui sont, il est vrai, une « lutte contre le sang et la chair », mais qui « arrivèrent comme types de ce qui nous concerne ». Le Nouveau Testament ne traite jamais de nos guerres qu’au point de vue spirituel.

La guerre, le combat, la lutte, ont pour but de nous défendre contre l’ennemi, de conquérir, de gagner du terrain, de nous maintenir et de résister, de délivrer les autres, enfin de juger et de châtier les méchants et les rebelles. Dans le Nouveau Testament, ce dernier cas, c’est-à-dire le jugement guerrier, ne revient proprement qu’à Christ, et cela dans un temps futur, ce qui met d’autant plus en relief notre privilège d’être actuellement sous l’économie de la grâce. Sans doute, les chrétiens seront associés avec Christ, dans l’avenir, pour le jugement du monde et même pour celui des anges (1 Cor. 6, 2-3), mais cela n’aura lieu que lorsque l’économie de la grâce sera remplacée par le règne de la justice et par l’économie de la gloire.

Le combat chrétien est toujours une lutte spirituelle contre un ennemi du dehors, sauf toutefois dans le cas d’une lutte contre soi-même. Mais cette dernière diffère, du tout au tout, de l’idée que l’on s’en fait communément dans le christianisme professant. L’on y voit, en effet, les doutes de l’incrédulité, l’incertitude du salut, le manque de confiance dans les promesses de Dieu, ou de foi à l’autorité de la Parole, taxées de combat chrétien. Jamais un état pareil n’est appelé de ce nom, dans l’Écriture. Un seul combat, celui contre nous-mêmes, y est mentionné, mais il est plutôt un antagonisme, celui de l’Esprit qui demeure en nous, contre la volonté de la chair qui est en nous (Gal. 5, 16-18). La Parole nous enseigne qu’il y a, dans le chrétien, deux principes, la chair et l’Esprit, outre son moi. Ces principes agissent dans deux directions opposées l’une à l’autre ; seulement le chrétien est caractérisé par l’Esprit de Christ qui demeure en lui et par lequel il vit ; tandis que, bien qu’ayant encore la chair en lui, il est considéré comme entièrement affranchi de sa domination. Sans doute la chair est là, et restera toujours opposée à l’Esprit ; mais « l’Esprit convoite contre la chair, afin que moi je ne pratique pas les choses que je voudrais ». Si donc nous vivons par l’Esprit, et tel est le cas de chaque chrétien, sommes-nous excusables de ne pas marcher par l’Esprit ? La victoire sur la chair en nous est considérée, dans le passage que nous venons de citer, comme une nécessité de la présence de l’Esprit qui nous met en liberté, nous ôtant toute obligation de suivre la chair ou de nous laisser dominer par elle.

Tout autre combat, celui par exemple, que nous décrit le chapitre 7 aux Romains, n’est que la lutte sans issue d’une âme croyante sous la loi, avec elle-même : elle possède la vie, mais sans l’Esprit qui met en liberté. Possédant deux natures, l’ancienne et la nouvelle, l’homme de Romains 7 est toujours esclave de l’ancienne. Il veut le bien et fait toujours le mal. Finalement, réduit au désespoir, il arrive, après tant de désolantes expériences, au plein affranchissement, non par le combat, mais par la connaissance de l’œuvre parfaite de Christ qui l’a délivré à toujours. Aussi peut-il dire : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, car la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rom. 7 ; 8).

Le combat de Romains 7 est donc, non pas une victoire, mais une défaite continuelle, jusqu’au moment où l’âme apprend enfin qu’un autre a vaincu pour elle. La nouvelle nature en nous est incapable d’échapper à l’esclavage de la chair, aussi longtemps qu’elle ne possède pas l’Esprit comme puissance de sa vie nouvelle. Il est vrai cependant, que le chrétien, après avoir été placé par Christ dans la liberté de l’Esprit, est en danger d’être de nouveau retenu sous un joug de servitude (Gal. 5, 1) ; aussi est-il exhorté à tenir ferme sur les positions qui lui ont été acquises par l’œuvre de Christ, afin de ne pas redevenir esclave de la loi et du péché.

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Après avoir dit ce qu’est le combat chrétien et ce qu’il n’est pas, considérons quel est l’adversaire que nous avons à combattre. Cet adversaire est Satan. Il emploie contre nous des agents divers, visibles et invisibles.

Ses agents invisibles : les principautés et les autorités, la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes, sont d’abord les anges que Satan a entraînés dans sa rébellion. Ces anges tombés ont des « chefs » qui exercent leur influence sur les dominateurs du monde pour contrecarrer par eux les desseins de Dieu envers Son peuple, tandis que d’autres « chefs » angéliques, tels que Micaël, l’archange, agissent sous les ordres de Christ, pour leur résister et entraver leurs desseins auprès des mêmes dominateurs (Dan. 10).

De plus, Satan lui-même agit d’une manière occulte, se déguisant même en ange de lumière pour mieux tromper les hommes. Il est « le chef de l’autorité de l’air ». Cette autorité est l’esprit du monde que Satan domine et dirige à son gré, soit par ses séductions, soit par ses intimidations, soit par la haine qu’il souffle au cœur des hommes contre Dieu, ou qu’il attise en les poussant les uns contre les autres. Puissance effrayante, mais qui ne sera bientôt qu’un fétu de paille devant le Dieu de paix quand Il brisera Satan sous nos pieds !

Mais Satan a des agents visibles, appelés aussi « les principautés et les autorités ». Établies, à l’origine, par Dieu sur la terre, et tenant leur autorité de Lui, elles avaient été revêtues par Lui de dignité et de pouvoir au milieu des hommes (Tite 3, 1) ; mais elles sont devenues la proie de Satan qui les dirige à son gré, quoique Dieu ait, malgré elles, la haute main sur leurs décisions. Elles appartiennent aux ténèbres dans lesquelles le monde est plongé, et y exercent leur action. Malgré leur éloignement de Dieu, le chrétien doit les reconnaître comme provenant de Lui dans leur caractère primitif, ce qui lui permet, en faisant abstraction de leur état actuel, de prier et d’intercéder pour elles. Ces principautés et ces autorités, le diable, devenu leur chef, se sert d’elles pour faire la guerre à Christ. Elles sont sous l’influence de la puissance spirituelle de méchanceté que Satan possède et qui est « dans les lieux célestes », d’où l’adversaire n’a pas encore été expulsé. Maintenant Dieu a déjà dépouillé, manifesté dans son vrai jour cette puissance spirituelle, les principautés et autorités sataniques qui sont dans les lieux célestes, et a triomphé d’elles à la croix (Col. 2, 15).

En opposition avec Satan, Christ a aussi Ses agents et Ses instruments visibles et invisibles. Mais tout d’abord Il a, comme homme ressuscité d’entre les morts et assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes, la suprématie sur eux tous. Il est au-dessus de toute principauté et autorité dans les lieux célestes ; chérubins, séraphins, archanges, tout ce qui est revêtu de dignité et domine dans les armées du ciel Lui est soumis. Il est au-dessus de tout nom que portent les hommes sur la terre. Les principautés et les autorités de Christ ont un caractère diamétralement opposé à celles de Satan : les premières sont dans le ciel et du ciel, celles de l’Ennemi sont des ténèbres et dans les ténèbres, et du monde et dans le monde (Éph. 1, 20, 21).

Nous retrouvons, quant à Christ, la même pensée en Colossiens 1, 16. Ce passage nous présente Jésus comme le créateur de toutes choses, dans les cieux et sur la terre, choses visibles ou invisibles. Les choses visibles sont les trônes et les seigneuries sur la terre. C’est Lui qui établit les empires et qui confie la seigneurie aux hommes qu’Il a choisis pour cela. Les choses invisibles sont ici les principautés et les autorités célestes établies de Dieu (Éph. 3, 10). Toutefois nous avons vu que primitivement Dieu en a aussi établi sur la terre, et que, si Satan s’en est emparé, Dieu les maintient encore et s’en sert pour retenir l’anarchie finale, car toutes ces choses « ont été créées par lui et pour lui ».

En Colossiens 2, 10, on voit que les principautés et autorités sont des êtres célestes, revêtus de ces dignités, mais aussi des hommes auxquels rien ne manque devant Dieu et qui forment le corps dont Il est la tête.

Ainsi, du côté de Dieu, le terme « principautés et autorités » s’applique aux anges, aux élus dans leur position céleste, et aussi aux dignités terrestres à leur origine, dignités dont Satan s’empare pour en faire ses instruments contre Christ, mais que le Seigneur reconnaît parce qu’Il les a établies et dont Il se sert contre leur gré pour accomplir Ses desseins.

Pour terminer le sujet des « dignités » établies de Dieu et soumises à Christ, citons encore deux passages :

Dans le premier, 1 Corinthiens 15, 24, nous contemplons la fin de toute autorité, pour que toutes choses soient finalement assujetties à Dieu. Le Seigneur remettra le royaume à Dieu, le Père, quand Il aura « aboli toute principauté et toute autorité, et toute puissance ». Toute dignité dont peuvent être revêtus des êtres célestes ou terrestres sera mise de côté, annulée devant l’autorité du seul Seigneur ; mais Lui-même remettra cette autorité entre les mains de Son Père. Il régnera jusqu’à ce qu’Il ait mis tous Ses ennemis sous Ses pieds, hommes, esprit satanique, mort même, dont Satan a la puissance. Mais cela va plus loin : même les autorités qui ne se sont pas détournées de Lui seront annulées. Ainsi toutes choses Lui seront assujetties, mais pour que finalement le Fils, comme homme, soit assujetti à Dieu qui Lui a assujetti toutes choses.

Dans le second passage, 1 Pierre 3, 22, « anges, autorités et puissances lui sont soumis », depuis qu’Il est à la droite de Dieu. Toutes, bons ou mauvais anges, autorités célestes ou terrestres, puissances établies de Dieu, alors même qu’elles seraient tombées sous l’influence de Satan, Lui sont soumises du fait de Son exaltation. Elles sont obligées de reconnaître Sa puissance et Ses droits sur elles. Il ne s’agit pas ici d’obéissance, mais de l’impossibilité où elles sont toutes de Lui résister.

Mais à part tous les agents invisibles dont le Seigneur dispose, Il a dans ce monde des hommes, l’armée visible de Ses rachetés, pour livrer combat à l’Ennemi. C’est à elle qu’incombe avant tout la responsabilité d’entrer dans la lutte. Ces combattants sont appelés à revêtir l’armure complète de Dieu. Le sixième chapitre de l’épître aux Éphésiens nous entretient en particulier d’eux et de leurs armes.

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Si maintenant nous considérons les divers buts de l’Ennemi dans la guerre qu’il fait à Christ et à Son peuple, nous les trouvons illustrés par l’histoire d’Israël depuis sa sortie d’Égypte jusqu’à son entrée en Canaan.

Le premier but de Satan est de garder à tout prix les hommes, ses victimes, en esclavage et sous sa domination. Quand il voit qu’il n’y peut réussir et que, par la puissance de Dieu, ses esclaves sont près de lui échapper, il les poursuit, comme le Pharaon, type de l’adversaire, avec toute son armée, pour les saisir et recouvrer sur eux l’empire qui lui échappe. C’est ici que commence le combat, mais ce combat n’est pas confié au peuple ; c’est l’affaire de l’Éternel tout seul. Il ne demande à Israël que la foi : « L’Éternel combattra pour vous, et vous, vous demeurerez tranquilles ». Ce sera Lui qui « précipitera dans la mer le cheval et celui qui le montait » (Ex. 14 ; 15).

Une fois échappé à l’esclavage et entré dans le désert, Israël rencontre Amalek, l’Ennemi sous une autre forme, et avec un autre but, celui de mettre obstacle au voyage du désert et d’empêcher le peuple d’arriver à son héritage.

Après la traversée du Jourdain, l’Ennemi dresse devant le peuple de Dieu un obstacle formidable, la ville de Jéricho. Son but est de l’empêcher d’entrer dans son héritage.

Enfin, les murailles de cette forteresse étant tombées devant les armes de la foi, Israël trouve devant lui tous les rois de Canaan conjurés pour l’empêcher, soit de prendre possession de son héritage, soit de maintenir et de compléter cette possession.

C’est à ce quatrième événement que font surtout allusion les exhortations du chapitre 6 de l’épître aux Éphésiens. Cette épître, assimilée tout entière d’une manière si remarquable au livre de Josué, nous montre le chrétien introduit dans les lieux célestes pour y jouir de toutes les bénédictions de son héritage, mais, ces bénédictions, Satan cherche à les lui enlever, et c’est pour les réaliser, les maintenir et les conserver, que le croyant doit livrer bataille aux « puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes », après avoir revêtu l’armure complète de Dieu.

Le combat dont nous venons de parler doit faire le sujet spécial de notre méditation, mais il est nécessaire de remarquer que là ne se borne pas notre lutte. Le chrétien a des frères captifs et il lui faut combattre pour les délivrer. Tel était le combat d’Abraham dont le chapitre 14 de la Genèse nous entretient. Avec quelques hommes, le patriarche poursuit les quatre rois, remporte la victoire et délivre son frère Lot devenu leur prisonnier. Ce combat pourrait n’avoir pour objet, comme dans le cas d’Abraham, que de délivrer un seul de nos frères, captif du monde, et de l’amener à la liberté des enfants de Dieu. Souvenons-nous que cette victoire obtient une grande récompense de la part de notre Melchisédec. Mais nous pouvons avoir aussi à combattre seuls pour la délivrance de tout le peuple de Dieu, comme Jonathan contre le poste des Philistins, dont la défaite amena la délivrance de tout Israël.

Le combat chrétien a encore un autre but qui nous est présenté en type au premier chapitre de Josué. Les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé avaient reçu leur part dans le pays (il est vrai, au-delà du Jourdain), et l’Éternel leur avait donné « du repos », mais ils ne devaient pas s’arrêter là. Il leur fallait passer armés devant leurs frères pour les aider jusqu’à ce que l’Éternel eût aussi donné du repos à ceux-ci. C’est ainsi qu’une partie de l’Assemblée de Dieu est appelée à prêter main forte à l’autre jusqu’à ce que cette dernière soit arrivée par le combat à la jouissance des privilèges que les premiers possèdent déjà.

Enfin, et il vaudrait mieux dire : tout d’abord, le combat chrétien est le « combat de l’évangile ». Si, quant à nous-mêmes, nous n’eûmes rien à faire, qu’à croire à l’amour et à la puissance de Dieu pour échapper à l’esclavage de Satan, il est d’autres pauvres pécheurs retenus dans les liens qui nous enlaçaient autrefois. Nous avons à combattre l’Ennemi pour atteindre leur conscience et les amener à se confier, comme nous, dans le Dieu Sauveur. Tel était le combat des Philippiens. Ils « tenaient ferme dans un seul et même esprit, combattant ensemble d’une même âme avec la foi de l’évangile et n’étant en rien épouvantés par les adversaires ». De son côté, l’apôtre livrait seul ce combat (2 Tim. 2, 9-10), ou bien y associait d’autres croyants avec lui (Phil. 1, 27, 28, 30 ; 4, 3 ; 2 Tim. 1, 8 ; 2, 3). Cette lutte fait partie du « bon combat de la foi » (1 Tim. 6, 12 ; 2 Tim. 4, 7).

Les armes du combat pour l’évangile sont offensives. Elles sont la Parole et la prière, sur lesquelles nous reviendrons plus tard.

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Occupons-nous maintenant du combat, tel qu’il nous est décrit dans l’épître aux Éphésiens.

Nous avons affaire avant tout aux « artifices du diable ». Ceux-ci sont bien plus dangereux pour nos âmes que ses violences.

La principale de ses ruses est de nous faire redescendre dans l’atmosphère du monde dont il est le chef et qu’il domine à son gré. En agissant ainsi, il réussit à avoir prise sur nous, car le monde est un vaste système social, politique et religieux, dont Satan est le prince et dont Dieu est absent. Nous entrons à chaque instant en contact avec ce système que nous devrions traverser comme étrangers, et de là à nous y associer il n’y a qu’un pas à faire.

Le moyen employé par l’Ennemi pour nous priver de la jouissance du pays céleste sera toujours de nous intercepter le ciel et de cacher Christ à notre vue en rabaissant notre christianisme à la terre et en l’accommodant au monde.

Une autre des manœuvres perfides du « chef de l’autorité de l’air » consiste en fausses doctrines qu’il répand parmi les chrétiens et par lesquelles il ruine leur espérance céleste. On en trouve de nombreux exemples dans les épîtres de Paul.

En 1 Corinthiens 15, 12, les faux docteurs disaient « qu’il n’y avait pas de résurrection de morts ». C’était la vieille erreur des sadducéens. Cette doctrine qui amenait fatalement les âmes à nier la résurrection de Christ, les privait de la jouissance du pays céleste que cette résurrection nous a acquise.

En 2 Timothée 2, 18, Hyménée et Philète enseignaient que la résurrection avait déjà eu lieu, doctrine néfaste qui établissait pour l’éternité l’Église, ou la famille de Dieu, sur la terre.

En 2 Thessaloniciens 2, 2, les séducteurs annonçaient que le jour du Seigneur était là et, en transportant ainsi le chrétien au milieu de la scène future du jugement, ils lui enlevaient l’espérance de la venue de Christ qui aurait dû précéder ce jour pour introduire les rachetés dans le ciel.

Lorsque Satan ne réussit pas à détourner les enfants de Dieu par de fausses doctrines, il n’est pas à bout de ses ressources et possède des moyens plus vulgaires, plus terre à terre, de dérober le ciel à nos yeux et à nos cœurs. Il nous persuade souvent que le christianisme consiste, avant tout, à nous bien conduire, à ne nous mêler que modérément aux distractions du monde, à partager ses œuvres charitables, à remplir ce qu’il appelle ses devoirs religieux. De cette manière, les chrétiens, tout en menant une vie correcte, mais qui ne leur attirera jamais la haine du monde, rabaissent leur christianisme du ciel sur la terre. Ils ont perdu la qualité de combattants et se sont si bien accommodés à cette condition, qu’il faut souvent des circonstances exceptionnelles, telles que leur lit de mort, pour que l’on découvre en eux quelques traces de la vie céleste.

Dans cet état d’abaissement spirituel, l’Ennemi n’a pas de peine à associer complètement ses victimes avec le milieu dans lequel elles se trouvent et à leur faire aimer le monde et ses convoitises. Leur christianisme terrestre est ainsi devenu un christianisme mondain. N’ayant pour but que les bénédictions terrestres, si précieuses du reste et si importantes, que Dieu accorde à la piété, et négligeant « la promesse de la vie à venir », ils se sont laissés peu à peu attirer, comme « le juste Lot », par les délices du péché, et ne sont souvent sauvés que « comme à travers le feu ».

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Nous sommes appelés, pour échapper à ces artifices, à user de vigilance et de sobriété, et à employer pour les combattre toutes les armes que Dieu nous fournit.

C’est ici que nous entrons dans le sujet qui forme le titre de cet écrit, mais avant de l’aborder dans l’épître aux Éphésiens, il nous importe de passer en revue un certain nombre d’autres passages qui traitent du même sujet.

Romains 13, 11-14[1]

« Et encore ceci : connaissant le temps, que c’est déjà l’heure de nous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru : la nuit est fort avancée et le jour s’est approché ; rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Conduisons-nous honnêtement comme de jour, non point en orgies, ni en ivrogneries ; non point en impudicités, ni en débauches ; non point en querelles ni en envie. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ, et ne prenez pas soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises ».

Ce passage considère la nuit de ce monde, caractérisée par l’absence de Christ « la lumière du monde », comme très avancée. Le jour est près de paraître. Ce jour est le salut, encore futur, qui est plus près de nous que lorsque nous avons cru. Ce salut, nous l’atteindrons à la venue de Celui que nous attendons comme Sauveur. Il nous faut donc nous réveiller du sommeil. Ce dernier n’est pas précisément qualifié comme une chose mauvaise en soi, voyez 1 Thessaloniciens 5, 7 et Éphésiens 5, 14, mais plutôt comme l’influence du milieu dans lequel on se trouve. Aussi n’est-il pas parlé de notre sommeil, mais du fait que la nuit, consacrée au sommeil, est déjà près de finir. Il est temps de n’avoir en vue autre chose que le lever du jour, le salut. En prévision de cet événement, nous avons deux devoirs à remplir : le premier est de rejeter les œuvres des ténèbres, comme un vêtement de nuit dont on se dépouille. Quand nous vivons au milieu des ténèbres, nous ne sommes pas à l’abri de leurs œuvres. Nos pensées et notre activité sont en danger de revêtir plus ou moins les caractères du milieu dans lequel nous vivons. Voilà ce que nous avons d’abord à secouer loin de nous pour revêtir, en second lieu, les armes de la lumière. C’est le vêtement du jour. Ce vêtement est celui d’un guerrier. Le jour doit nous trouver déjà en armes, dans une attitude qui soit en accord avec lui et en opposition complète avec les ténèbres et leurs œuvres. Quand il rencontre les armes de la lumière, Satan ne peut rien entreprendre contre celui qui les porte. Elles impriment à notre conduite un cachet d’honnêteté qui est en accord avec le jour auquel nous appartenons. La lumière revêtue par nous est une arme contre toutes les œuvres de ténèbres par lesquelles Satan cherche à déconsidérer la conduite chrétienne. De fait, revêtir les armes de la lumière, c’est revêtir pratiquement le Seigneur Jésus Christ (v. 14). C’est de cette manière que, depuis Son départ, nous sommes devenus « la lumière du monde » (Matt. 5, 14).

1 Thessaloniciens 5, 4-10

« Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, en sorte que le jour vous surprenne comme un voleur ; car vous êtes tous des fils de la lumière et des fils du jour ; nous ne sommes pas de la nuit, ni des ténèbres. Ainsi donc ne dormons pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres ; car ceux qui dorment, dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit ; mais nous qui sommes du jour, soyons sobres, revêtant la cuirasse de la foi et de l’amour, et pour casque l’espérance du salut ; car Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par notre Seigneur Jésus Christ, qui est mort pour nous, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec Lui ».

Nous trouvons ici une pensée quelque peu différente de celle que nous venons de voir en Romains 13. Ici le chrétien n’est pas dans les ténèbres et n’a pas de contact avec la nuit, aussi l’apparition du jour du Seigneur ne peut pas le surprendre comme un voleur. Il est donc exhorté à ne pas dormir comme les autres qui n’ont ni connaissance de Christ, ni espérance (voyez 4, 13 ; 5, 6). Deux choses caractérisent ces « autres » : le sommeil et l’ivresse, qui appartiennent à la nuit. Ils ont l’inconscience du danger dans lequel ils se trouvent, inconscience qui caractérise leur état de mort morale. De plus, ils s’enivrent par la satisfaction des convoitises qui les asservissent à Satan et leur font perdre tout sentiment de leur responsabilité envers Dieu. En présence de ces ténèbres, l’enfant de Dieu, fils de la lumière et fils du jour, est exhorté à être sobre. Il doit garder sa pleine clarté et liberté d’esprit, fruit de l’absence des convoitises qui entraînent et asservissent le monde et font de lui la proie de Satan. Cela le met nécessairement en lutte avec les choses par lesquelles l’ennemi cherche à l’attirer. Cette lutte est une lutte défensive. Par elle le chrétien est gardé de tomber dans les pièges qui lui sont tendus. Il n’a ici que deux pièces d’armure, mais elles lui suffisent parfaitement. Ce qu’elles représentent : la foi, l’amour et l’espérance, caractérise au premier chapitre de cette épître (v. 3) l’activité et la vie pratique du chrétien. Comme armure, ces vertus caractérisent le combat.

Dans la lutte qu’un adversaire plein de ruses a entreprise contre le croyant, il cherche à l’atteindre en deux endroits vulnérables. Il peut s’emparer du cœur, siège des affections, et lui infliger de mortelles blessures. Il nous faut donc mettre notre cœur à l’abri derrière une cuirasse composée de ces deux choses : la foi et l’amour. Nous garantissons notre cœur des coups de l’adversaire, d’abord par la foi, par les yeux de l’âme attachés à Christ, car la foi nous donne toujours comme objet cette personne bénie. L’amour est le second caractère de la cuirasse. Il est ici la conscience que nous sommes aimés. La foi nous donne Christ comme objet, l’amour le fait habiter dans nos cœurs. Toutes les flèches de Satan ne peuvent atteindre une félicité pareille. Irais-je abandonner un objet aussi parfait, aussi excellent, une joie, une jouissance de Lui aussi élevée, pour les boissons enivrantes et empoisonnées que le monde vient m’offrir ?

Mais s’il ne peut atteindre le cœur, Satan cherchera à atteindre la tête, siège des pensées, pour la détourner de son objet. Le casque, l’espérance, garde nos pensées entièrement attachées à Christ, comme Celui dont nous attendons la venue. La réalisation de notre espérance sera l’acquisition du salut. Cette dernière nous est assurée, puisque c’est à elle que Dieu nous a destinés, et non à la colère. Le dessein de Dieu à notre égard s’accomplira. Actuellement la colère est derrière nous, car elle s’est épuisée à la croix en tombant sur l’Agneau de Dieu ; mais l’espérance est devant nous et ce salut qu’elle nous assure, nous allons l’acquérir, car il ne pourra jamais nous être enlevé.

Aucune flèche de Satan ne peut atteindre de semblables réalités. Elles sont basées sur l’œuvre de Christ « qui est mort pour nous afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec Lui ». Nous avons cela maintenant en Lui. Les mots : « nous vivions ensemble avec Lui » unissent aujourd’hui dans une vie commune avec Lui les saints vivants et les saints délogés, comme ils seront unis, ressuscités et transmués, dans un jour futur à la venue du Seigneur.

1 Pierre 5, 8-9

« Soyez sobres, veillez ; votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui il pourra dévorer. Résistez-lui, étant fermes dans la foi ».

Nous retrouvons ici l’exhortation contenue dans les passages précédents. Devant les assauts de l’ennemi, deux conditions morales sont nécessaires, sans lesquelles le chrétien ne peut remporter la victoire : « Soyez sobres, veillez ». Ne pas s’enivrer, ne pas dormir, sont des qualités purement négatives, mais Dieu les veut positives chez les siens. On pourrait boire modérément sans s’enivrer ; être sobre va beaucoup plus loin. La sobriété est la qualité d’un homme qui, par caractère, n’aime pas les boissons enivrantes. On pourrait, sans dormir profondément, ne pas être assez éveillé pour éviter de se laisser surprendre. Ce passage ne nous entretient pas des ruses et séductions de Satan, si dangereuses, parce qu’elles nous environnent de toutes parts, guettant le côté faible de notre défense ; mais nous y trouvons le dernier effort de l’ennemi pour nous épouvanter. Il en fut de même de notre Sauveur qui, au commencement de Son ministère, rencontra tous les artifices du diable, puis, à la fin, en Gethsémané, le lion rugissant qui cherchait à Le dévorer. Au désert, Il fut vainqueur par la simple soumission à la Parole ; à Gethsémané, par l’entière soumission à la volonté de Dieu. Aussi fut-Il sauvé hors de la mort, quand le lion croyait Lui avoir broyé les os.

On ne trouve dans ce passage qu’une seule arme, la cuirasse de la foi, mais pleinement suffisante pour anéantir tout l’effort de l’ennemi : « Résistez-lui, étant fermes dans la foi ». Nous trouvons la même exhortation dans l’épître de Jacques (4, 7) : « Soumettez-vous à Dieu (c’est l’obéissance de la foi) ; résistez au diable (c’est le bouclier de la foi), et il s’enfuira loin de vous ». Quelle place unique, immense, est donnée ici à la foi ! Cette seule arme défensive suffit pour mettre en fuite l’ennemi le plus formidable.

2 Timothée 2, 3-5

« Prends ta part des souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ. Nul homme qui va à la guerre ne s’embarrasse dans les affaires de la vie, afin qu’il plaise à celui qui l’a enrôlé pour la guerre ; de même, si quelqu’un combat dans la lice, il n’est pas couronné s’il n’a pas combattu selon les lois ».

Les souffrances mentionnées ici sont « les souffrances de l’évangile » (1, 8). Ce qui caractérise un bon soldat de Jésus Christ, c’est de prendre sa part de ces souffrances. On ne peut aller à la guerre en « s’embarrassant des affaires de cette vie ». Elles sont considérées dans ce passage, non comme une boisson enivrante, mais comme un encombrement, comme une entrave à notre marche, comme un fardeau qui empêche le libre usage de nos armes. Ce qui nous fait déposer ce fardeau, c’est le désir de plaire au Chef aimé et respecté qui nous a enrôlés pour la guerre. L’amour est le véritable motif qui nous fait « rejeter tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si aisément » (Héb. 12, 1).

Nous trouvons ensuite les lois de la lutte, car ensuite il ne s’agit plus du combat en bataille rangée, mais du combat dans la lice. Les chrétiens sont donnés en spectacle au monde. Il s’agit de remporter le prix. On ne peut le faire qu’en se soumettant aux lois établies. Il faut donc, non seulement un cœur libre de fardeaux, mais encore l’observation rigoureuse de la volonté divine. Pour vaincre, nous ne devons ni enfreindre cette volonté, ni la devancer, ni nous donner des lois à nous-mêmes, mais combattre patiemment et consciencieusement selon les directions de Dieu, consignées dans Sa Parole, jusqu’à ce que nous ayons remporté le prix de l’effort.

Ici le soldat est pourvu de son armure, mais Satan cherche à le retarder par un bagage inutile. Il est préservé d’une défaite par l’affection pour son Chef. En 1 Pierre 5, nous avons vu la foi, ici l’amour, en 1 Thessaloniciens 5, les deux ensemble.

2 Corinthiens 10, 3-6

« Car en marchant dans la chair nous ne combattons pas selon la chair ; car les armes de notre guerre ne sont pas charnelles, mais puissantes par Dieu pour la destruction des forteresses, détruisant les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et amenant toute pensée captive à l’obéissance du Christ et étant prêts à tirer vengeance de toute désobéissance ».

Ce passage nous décrit le combat de l’apôtre. Accusé de marcher selon la chair, il montre que ses armes de guerre n’étaient pas charnelles, mais que leur puissance était spirituelle, venant de Dieu, d’abord pour détruire toute hauteur qui s’élevait contre la connaissance de Dieu, ensuite pour amener les âmes captives à Christ, enfin, pour tirer vengeance des désobéissants. Ce dernier cas relevait du pouvoir exceptionnel confié à l’apôtre inspiré, car Dieu dit : « À moi la vengeance ; moi je rendrai, dit le Seigneur » (Rom. 12, 19). L’expression : « la destruction des forteresses » fait penser à Jéricho, et nous renseigne sur la qualité des armes dont l’apôtre se servait. C’étaient des armes offensives, mais purement spirituelles. D’abord la foi en la Parole de Dieu qui fit faire au peuple pendant sept jours le tour de la ville et sept fois encore le septième jour, pour que la patience eût son œuvre parfaite. Le combat de l’apôtre était donc le combat de la foi contre l’obstacle que Satan mettait sur son chemin. L’obstacle était effrayant, mais non pas aux yeux de la foi. Les trompettes du témoignage servaient aussi d’armes à Israël ; enfin la présence de Christ — l’arche — au milieu du peuple était le gage infaillible d’une puissance à laquelle rien ne pouvait résister. Telles étaient les armes de l’apôtre. En opposant la puissance de Dieu à celle de l’ennemi, il amenait les âmes captives à l’obéissance du Christ.

2 Corinthiens 6, 7

« Nous recommandant comme serviteurs de Dieu… par la parole de la vérité, par la puissance de Dieu, par les armes de justice de la main droite et de la main gauche ».

Ici nous rencontrons de nouveau les armes dont l’apôtre se servait dans le combat. Il avait la Parole de Dieu, mais quel effet aurait-elle produit, sans la puissance de Dieu ? Pour pouvoir faire usage de cette puissance, l’apôtre avait des armes personnelles : « les armes de justice de la main droite et de la main gauche », c’est-à-dire l’épée et le bouclier, armes offensive et défensive, qui sont appelées des armes de justice. La justice est ici la justice pratique. Notre combat offensif ou défensif ne peut avoir aucun résultat sans la justice qui est l’absence de péché dans notre conduite et dans nos voies. Il nous faut une bonne conscience pour entreprendre la lutte, sinon la puissance de Dieu nous manquera. Une conscience pure rencontre toujours la puissance de Dieu pour faire l’application de la Parole.

Hébreux 4, 12

« Car la parole de Dieu est vivante et opérante, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants, et atteignant jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; et elle discerne les pensées et les intentions du cœur ».

Nous trouvons dans ce passage, comme nous le verrons en Éphésiens 6, la Parole de Dieu, arme offensive de l’Esprit, pareille à une épée à deux tranchants, mais ici l’épée n’est pas employée pour combattre un ennemi extérieur, elle est tournée contre nous-mêmes, ou plutôt, c’est notre vieil homme qui est l’ennemi. Cette image nous reporte en quelque mesure à Galates 5, 16-17 dont nous avons parlé précédemment. La Parole nous sonde et nous transperce afin que nous apprenions à discerner en nous ce qui est de la chair et ce qui est de l’Esprit, et que nous soyons en état de nous juger nous-mêmes. Ce jugement est douloureux et pénible, mais l’âme, une fois « connue et sondée », ayant goûté les bénédictions qui suivent le jugement d’elle-même, n’a plus qu’un désir, c’est que l’action sanctifiante de la Parole se continue envers elle jusqu’au bout de la traversée du désert. « Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon cœur ; éprouve-moi, et connais mes pensées. Et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle » (Ps. 139, 23-24).

1 Corinthiens 9, 25-27

« Or quiconque combat dans l’arène vit de régime en toutes choses ; eux donc, afin de recevoir une couronne corruptible ; mais nous, afin d’en recevoir une incorruptible. Moi donc… je combats ainsi, non comme battant l’air ; mais je mortifie mon corps et je l’asservis, de peur qu’après avoir prêché à d’autres, je ne sois moi-même réprouvé ».

C’est encore dans le sens de Galates 5 et d’Hébreux 4 qu’à lieu ici le combat chrétien. Pour vaincre l’Ennemi du dehors, il nous faut une lutte réelle avec nous-mêmes, sans hypocrisie ou faux semblant. Pour que le combat avec Satan soit efficace, je dois commencer par la mortification de mon corps, me tenant continuellement pour mort au péché, mais pour vivant à Dieu ; car c’est un danger terrible de prêcher, d’annoncer la Parole, sans l’état pratique qui y correspond.

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Ayant passé en revue les principaux passages qui nous parlent des armes du chrétien, nous abordons enfin le chapitre des Éphésiens qui, d’une manière beaucoup plus détaillée que tout autre, va nous entretenir des diverses pièces de cette armure de Dieu que le croyant doit revêtir.

Éphésiens 6, 10-20

« Au reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ; revêtez-vous de l’armure complète de Dieu, afin que vous puissiez tenir ferme contre les artifices du diable. Car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes. C’est pourquoi prenez l’armure complète de Dieu, afin que, au mauvais jour, vous puissiez résister, et, après avoir tout surmonté, tenir ferme. Tenez donc ferme, ayant ceint vos reins de la vérité, et ayant revêtu la cuirasse de la justice, et ayant chaussé vos pieds de la préparation de l’évangile de paix ; par-dessus tout, prenant le bouclier de la foi, par lequel vous pourrez éteindre tous les dards enflammés du méchant. Prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu ; priant par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l’Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance et des supplications pour tous les saints, et pour moi, afin qu’il me soit donné de parler à bouche ouverte, pour donner à connaître avec hardiesse le mystère de l’évangile, pour lequel je suis un ambassadeur lié de chaînes, afin que j’use de hardiesse en lui, ainsi qu’il faut que je parle ».

Nous avons dit plus haut que, dans l’épître aux Éphésiens, l’armure est destinée avant tout à nous introduire et à nous maintenir, par le combat contre Satan, dans la possession et la jouissance de notre héritage céleste et de toutes les bénédictions qui s’y rattachent. Cet héritage nous est acquis par l’œuvre de Christ et nous le possédons en Lui. C’est la Canaan céleste et toutes ses richesses, dont cette épître nous a si abondamment entretenus. Le but de Satan, dans sa révolte contre Dieu, est de nous chasser de notre place dans les lieux célestes et de nous enlever ainsi la jouissance de tout ce qu’ils contiennent ; le but de Dieu (toute cette épître le montre) est de nous y établir. Aussi la fin de l’épître nous signale les dangers auxquels nous sommes exposés.

Pour surmonter et vaincre notre terrible ennemi, une chose nous est nécessaire : la force : « Au reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ». Cette force, nous ne la trouvons pas en nous, mais dans le Seigneur : « Bienheureux l’homme dont la force est en toi… ils marchent de force en force » (Ps. 84, 5, 7). Ce n’est pas tout de connaître la grâce, sans laquelle nous ne pourrions jamais être amenés à Dieu, ni introduits dans les bénédictions célestes, ni préservés de chute ; mais il nous faut encore de la force pour le combat. Nous, chrétiens, nous devons la chercher, et Dieu la donne gratuitement à qui la Lui demande. Elle est toujours à notre disposition et consiste en une armure que nous trouvons, toute préparée, à l’arsenal de Dieu. Pour nous permettre de remporter la victoire, cette armure doit être complète. C’est une panoplie ; le chrétien doit être armé de toutes pièces. C’est en outre une armure de Dieu ; elle Lui appartient ; Lui seul peut la donner.

Présentons ici quelques axiomes qui trouveront leur développement dans les pages suivantes :

1° Il faut avoir revêtu l’armure avant le combat. Elle sera insuffisante si nous la revêtons au cours de la lutte, car il y manquera toujours quelque pièce.

2° Les pièces de l’armure doivent être prises dans un certain ordre et pour les prendre dans cet ordre, il faut les connaître et être familiarisé avec elles.

3° L’armure est avant tout un état pratique de l’âme ; il est extrêmement important de le savoir et d’en être convaincu. Elle n’a rien de théorique. On pourrait expliquer en détail la forme et l’usage de toutes les pièces de l’armure sans que cette savante théorie servît à quoi que ce soit pour vaincre.

4° Ce qui produit en nous l’état pratique dont nous parlons, c’est, comme nous le verrons, la Parole.

5° Après avoir été formés par elle, et munis de toutes les grâces qu’elle peut nous communiquer, nous pouvons saisir cette même Parole comme l’épée de l’Esprit pour attaquer et vaincre l’Ennemi. Elle devient, unie à la prière, l’arme offensive, après nous avoir fourni nos armes défensives.

Aux versets 11-12, nous trouvons les caractères de la dangereuse puissance que nous avons à combattre. Elle a pour premier caractère ses artifices, ses ruses pour tromper, pour dresser des embûches, pour mettre en défaut, pour aveugler sur ses intentions en prenant des déguisements divers, pour se glisser en espion dans l’armée de Dieu, afin de la surprendre, quand, faute de surveillance, la défense a été négligée. Ces ruses nous obligent dès l’abord à démasquer l’Ennemi et à le signaler sous son vrai nom : le diable.

Mais notre adversaire a d’autres moyens à sa disposition que des ruses. À certains moments, nous avons affaire à son attaque brusquée. Tout à coup, il se démasque. Toute son armée, conduite par ses chefs, est réunie contre nous. L’attaque a lieu la nuit. Les principautés, les autorités, les dominateurs de ces ténèbres, Satan lui-même, qui n’est pas encore chassé des lieux célestes et y déploie librement son rôle d’accusateur, tous dirigent le choc, auquel il nous faut résister à tout prix. Dans la « grande guerre » qui s’est terminée par la victoire, les bons généraux ne cessaient de le répéter à leurs troupes. Il en est de même dans notre combat spirituel.

Mais pour vaincre, il faut avoir revêtu l’armure avant le mauvais jour. La faculté de s’en servir et d’en connaître les parties ne s’acquiert pas, avons-nous dit, pendant la bataille. À quoi servirait une arme, même quand on l’aurait entre ses mains, si l’on ne savait pas s’en servir ?

« Et, après avoir tout surmonté, tenir ferme ». Conquérir les positions de l’ennemi exige l’effort et l’énergie ; mais il faut s’y maintenir, passer en un instant de l’offensive à la défensive, afin de ne pas reperdre les positions conquises. La jouissance des conquêtes les plus élevées de la Canaan céleste, de notre position en Christ, de notre communion avec le Père et avec le Fils, peut être reperdue en un instant. Il nous faut tenir ferme ces conquêtes.

Le verset 14 répète l’exhortation : « Tenez donc ferme », car on ne peut assez insister sur ce point. Chaque pièce de notre armure doit entrer en jeu, à son tour, pour maintenir notre position. La victoire nous sera ainsi définitivement assurée, car le moment arrivera où le combat prendra fin. Seulement, ne nous berçons d’aucune illusion : il durera jusqu’au jour où nous célébrerons la victoire dans les lieux célestes, à tout jamais délivrés de la puissance spirituelle de méchanceté qui s’y trouve maintenant.

Le chant de victoire finale de David « au jour où l’Éternel l’eut délivré de la main de tous ses ennemis et de la main de Saül », le principal d’entre eux, est bien à sa place ici, car il y est parlé de victoire finale et les pièces de l’armure y sont mentionnées, comme ayant concouru à ce magnifique et définitif triomphe. Écoutez plutôt : « Quant à Dieu, sa voie est parfaite ; la Parole de l’Éternel est affinée ; il est un bouclier à tous ceux qui se confient en lui. Car qui est Dieu, hormis l’Éternel, et qui est un rocher, si ce n’est notre Dieu, le Dieu qui me ceint de force et qui rend ma voie parfaite ? qui rend mes pieds pareils à ceux des biches, et qui me fait tenir debout sur mes lieux élevés ; qui enseigne mes mains à combattre, et mes bras bandent un arc d’airain. Et tu m’as donné le bouclier de ton salut, et ta droite m’a soutenu, et ta débonnaireté m’a agrandi. Tu as mis au large mes pas sous moi, et les chevilles de mes pieds n’ont pas chancelé. J’ai poursuivi mes ennemis et je les ai atteints ; et je ne m’en suis pas retourné que je ne les aie consumés. Je les ai transpercés et ils n’ont pu se relever ; ils sont tombés sous mes pieds. Et tu m’as ceint de force pour le combat ; tu as courbé sous moi ceux qui s’élevaient contre moi. Et tu as fait que mes ennemis m’ont tourné le dos ; et ceux qui me haïssaient, je les ai détruits. Ils criaient, et il n’y a point de Sauveur ; ils criaient à l’Éternel, et il ne leur a pas répondu. Et je les ai brisés menu, comme la poussière devant le vent ; je les ai jetés loin comme la boue des rues » (Ps. 18, 30-42 ; 2 Sam. 22, 31-43).

Repassons donc, avec le roi prophète, toutes les pièces de l’armure, telles que le sixième chapitre des Éphésiens nous les décrit.

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Remarquons d’abord deux catégories d’armes : en premier lieu les armes défensives qui nous permettent de résister à l’Ennemi. Ce sont : la ceinture, la cuirasse, la chaussure, le bouclier et le casque.

En second lieu, les armes offensives. Ce sont : l’épée et la prière.

Ces armes sont au nombre de sept, chiffre qui indique toujours dans l’Écriture la plénitude spirituelle et divine à l’œuvre pour le bien dans les choses d’ici-bas[2].

Les armes défensives

La ceinture

« Ayant vos reins ceints de la vérité ».

Nous l’avons dit plus haut : L’armure est un état pratique ; et ce qui nous forme à cet état, c’est la Parole de Dieu.

La ceinture est la vérité. La vérité est la Parole de Dieu, comme le Seigneur le dit en Jean 17, 17 : « Ta Parole est la vérité ». Il faut s’appliquer la vérité avant de s’en servir contre les autres.

La Parole est appliquée comme ceinture aux reins. Les reins sont ce qu’il y a de plus profond, de plus caché dans l’homme : ses pensées, ses sentiments, sa conscience ; ce que l’apôtre Pierre appelle son entendement : « Ceignant les reins de votre entendement et étant sobres » (1 Pier. 1, 13). Ceindre les reins de notre entendement signifie donc la préparation spirituelle de notre « homme intérieur » par la Parole, à l’acte d’être sobres dans toute notre conduite. Cette ceinture, la Parole de vérité, nous donne la force pour la lutte, selon qu’il est écrit : « Elle ceint ses reins de force » (Prov. 31, 17), et encore : « Le Dieu qui me ceint de force » (Ps. 18, 32).

Dans notre passage nos reins doivent être ceints pour le combat, et nous devons puiser dans la Parole de vérité la force nécessaire pour résister aux artifices de l’Ennemi ; mais d’autres passages nous apprennent que nous avons besoin de cette même ceinture pour notre marche (Ex. 12, 11) ; pour notre service journalier (Luc 12, 35) ; pour le service sacerdotal devant Dieu (Lév. 16, 4) ; pour le service prophétique (Matt. 3, 4 ; 2 Rois 1, 8). Dans tous ces services, il faut que la Parole de vérité, en nous faisant juger tout ce qui est de la chair, fortifie nos pensées, nos sentiments, nos affections, affermisse l’homme intérieur tout entier, en apportant la révélation de Christ à son cœur et à sa conscience. La Parole de vérité découvre et juge en nous tout ce qui n’est pas de Christ, nous le fait rejeter, et apporte, en échange, à notre âme la connaissance de cette personne bénie ; dans Sa grâce et Son amour, pour nous réjouir — dans Sa puissance et Son autorité, pour nous affermir et nous former à l’obéissance. Ainsi la Parole de vérité découvre en nous tout ce qui est incompatible avec la vie divine et elle nous forme pour en réaliser la puissance. En d’autres mots, elle juge la chair et façonne l’homme intérieur pour le combat, la marche et le service.

« Être ceints de la vérité » est donc de toute importance. C’est la première pièce de l’armure qu’il nous faut revêtir avant toutes les autres. Intérieurement tout doit être en règle quant à nos affections, afin qu’elles soient attachées à Christ seul, que rien d’étranger à la vie de Dieu, rien de conforme à la vie du monde, ne vienne s’y mêler. Ainsi notre état spirituel sera bon ; Christ occupera dans notre cœur la place qui Lui est due ; tout ce qui Lui est étranger sera jugé et abandonné. L’âme, jouissant des choses excellentes, ne sera plus attirée vers les convoitises par lesquelles Satan cherche à la vaincre. Elle y résistera, la sainte Parole lui ayant découvert tout ce qui est incompatible avec Christ et le nouvel homme.

Combien donc il est important de rester toujours en contact intime avec la vérité : avec la Parole de Dieu ! Toutes nos chutes et nos défaites devant l’Ennemi ont leur point de départ dans la négligence de la Parole, négligence qui ne tarde pas à nous rendre indifférents à son égard, à ne plus la méditer, et nous livre enfin sans force aux entreprises de l’Ennemi. En pareil cas, le vieil homme n’est pas jugé, le cœur reste sec et sans intérêt pour Christ, la puissance spirituelle fait défaut, l’Ennemi, plus fort que nous, a le dessus, et nous succombons honteusement dans une lutte où la victoire nous était assurée !

« Les reins ceints de la vérité » sont donc un état pratique et subjectif de notre âme, sous l’action de la Parole, et nous allons voir qu’il en est de même pour tout ce que nous avons appelé les armes défensives du chrétien.

La cuirasse

« Ayant revêtu la cuirasse de la justice ».

Cette tournure de phrase qui revient fréquemment dans les écrits de Paul ne signifie pas « la cuirasse qui appartient à la justice », mais : « la justice comme cuirasse », c’est-à-dire que cette cuirasse est la justice elle-même. Il s’agit ici, comme en maint autre passage, non pas de la justice parfaite, immuable, que le chrétien possède devant Dieu, car cette justice est Christ Lui-même ; mais il est question de justice pratique. Nous pouvons définir cette justice comme étant l’absence de péché dans nos voies ; ainsi nous trouvons au psaume 23 : « Il restaure mon âme ; il me conduit dans des sentiers de justice, à cause de son nom ». Ces sentiers, le péché n’y entre pas, car ils ont été tracés pour la brebis par le Berger qui y a marché devant elles.

La justice pratique se manifeste dans notre conduite envers Dieu, envers les hommes, et envers nous-mêmes. Dans tous ces rapports, le chrétien fidèle évite de pécher. Comment Satan pourrait-il vaincre celui qui ne bronche pas (Phil. 1, 10) ? Ce dernier a une bonne conscience devant Dieu et devant les hommes ; non pas qu’il soit sans péché, mais sa conscience étant toujours en éveil, il juge et confesse devant Dieu chaque péché qu’il commet, afin d’en être purifié, et l’Ennemi ne peut avoir de prise sur lui. La bonne conscience dont nous parlons ici n’est pas la conscience « rendue parfaite à perpétuité » par le sang de Christ qui l’a purifiée, en sorte que « nous n’ayons plus aucune conscience de péchés » devant Dieu (Héb. 10, 3, 14, 17, 22) ; non, c’est une conscience sans reproche, nous rendant capables de combattre l’Ennemi et de lui résister. Elle caractérisait toute la conduite de l’apôtre Paul (cf. 2 Cor. 1, 12 ; 1 Tim. 1, 5, 19 ; etc.). Il pouvait dire : « Je m’exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes » ; et : « Je me suis conduit en toute bonne conscience devant Dieu jusqu’à ce jour » (Act. 24, 16 ; 23, 1).

Dans toutes ces choses, Jésus est notre modèle parfait. Comme la justice pratique L’a caractérisé dès le début de Son ministère (Matt. 3, 15) et L’a accompagné jusqu’au bout de Sa carrière (Luc 23, 47), elle L’accompagnera encore lorsque, comme Fils de l’homme, Il livrera le combat final et remportera la victoire : « Son bras », est-il dit, « le sauva, et sa justice le soutint. Et il revêtit la justice comme une cuirasse, et mit un casque de salut sur sa tête » (És. 59, 16, 17). La cuirasse garantit notre cœur, comme nous le disions plus haut en citant 1 Thessaloniciens 5, 4-10. Satan ne peut nous atteindre et nous blesser aux sources de la vie quand nous lui opposons des cœurs réfractaires aux convoitises et aux souillures du monde, des cœurs trouvant leurs délices dans la Parole de Dieu et leur plaisir dans tous ceux qui sont de Lui. Nous avons donc ici un état pratique et personnel comme dans la ceinture. Cette justice pratique trouve, dans la Parole de Dieu, sa règle et la force qui la produit, car la cuirasse, comme la ceinture, suppose la force pour résister à l’assaut de l’Ennemi.

La chaussure

« Ayant chaussé vos pieds de la préparation de l’évangile de paix ».

Nous trouvons dans ce passage la paix dans la marche, paix à laquelle la connaissance de l’évangile nous prépare. L’évangile nous rend humbles en nous apportant la révélation de notre état de perdition et de la grâce gratuite de Dieu à notre égard. Ayant reçu cet évangile par la foi, nous avons la paix avec Dieu et l’assurance que rien ne nous séparera désormais de Sa faveur. Tout est en règle entre notre âme et Lui. Quand nous avons trouvé la paix pour nous-mêmes, toute notre marche s’en ressent. Cette partie de l’armure nous porte vers les hommes, non pour leur faire la guerre et les combattre, mais pour leur apporter la paix que notre âme a reçue par l’évangile.

Dans ces fonctions, nous rencontrons l’Ennemi qui veut garder son empire sur les âmes et cherche à les maintenir dans un état de guerre contre Dieu. Ceints de la vérité, protégés par la cuirasse, nous allons à lui, mais nous ne craignons pas de proclamer hautement la paix. La paix que nous apportons nous engage nécessairement dans le conflit avec Satan, seulement nous savons que le Dieu de paix le brisera bientôt sous nos pieds.

Dans la pratique, il nous faut prendre garde, pour gagner à Christ les âmes des pécheurs, de ne pas nous présenter à eux avec des discussions qui les aigrissent, mais de leur apporter ce qu’ils ne possèdent pas, la paix de la conscience et du cœur dans la connaissance de Jésus, la paix dont Il jouit Lui-même et qu’Il nous a laissée et donnée, en nous quittant, de sorte que nous pouvons l’offrir à d’autres. La chaussure est donc un état pratique de notre âme apporté par la Parole de Christ et qui se révèle dans notre marche. Un tel état résiste à tous les artifices de Satan qui n’a jamais procuré aux hommes que le contraire de la paix. Seul le chrétien la connaît, peut y marcher et la présenter à d’autres.

Le bouclier

« Par-dessus tout, prenant le bouclier de la foi, par lequel vous pourrez éteindre tous les dards enflammés du méchant ».

« Par-dessus tout » : en effet, parmi toutes nos armes défensives, aucune ne surpasse en valeur le bouclier de la foi. C’est par la foi que nous sommes sauvés, justifiés, que nous avons la paix avec Dieu et une pleine assurance devant Lui ; par elle nous avons accès à Sa faveur ; par elle nous réalisons les choses qui ne se voient point ; par elle Christ est devenu l’objet de nos cœurs et de notre espérance.

Dieu, parlant à Abraham, se fait connaître à lui comme son bouclier, comme Celui qui le mettait à l’abri des flèches de l’Ennemi (Gen. 15, 1). Les moyens par lesquels le monde cherche à échapper aux javelots de Satan, ne pourront jamais l’en mettre à l’abri. « Sur les montagnes de Guilboa fut jeté comme une chose souillée, le bouclier des hommes forts, le bouclier de Saül, comme s’il n’eût pas été oint d’huile ». Saül, malgré sa couronne, sa valeur et sa dignité, dut laisser tomber à terre son bouclier dans la défaite (2 Sam. 1, 21). Mais « l’Éternel est un bouclier pour tous ceux qui se confient en Lui » (Ps. 18, 30). « Toi, notre bouclier ! ». « L’Éternel Dieu est un soleil et un bouclier ! ». C’est ainsi que s’exprime le roi David.

Pour nous, le bouclier est celui de la foi, de la confiance en ce que Dieu est. Telle est la foi, en effet. Elle n’a aucune confiance en l’homme, en ce que nous sommes. Cette confiance-là ne pourrait être que le bouclier de Saül présageant une ruine définitive, tandis que la foi met toute sa confiance en Dieu. Satan peut-il atteindre Dieu ? La seule chose qu’il puisse faire, c’est de produire dans nos âmes la méfiance à Son égard. Il en fut ainsi de nos premiers parents ; une seule pensée de méfiance fit d’eux la proie de l’Ennemi qui avait juré leur perte. Les flèches que le méchant tire contre nous ont pour but de nous faire douter de la bonté et de la puissance de Dieu. Ce qui perdit Adam dans le paradis, perdit aussi Israël dans le désert. Ce peuple douta de Dieu : Dieu pourrait-Il nous donner de l’eau, du pain, de la chair à manger ? Mais tous les dards enflammés du méchant, destinés à allumer dans nos cœurs la défiance et le doute quant à l’amour et à la fidélité de Dieu, tomberont toujours devant l’assurance en Lui, que la foi nous donne. « Abraham ne forma point de doute sur la promesse de Dieu par l’incrédulité, mais il fut fortifié dans la foi, donnant gloire à Dieu, et étant pleinement persuadé que ce qu’il a promis, il est puissant aussi pour l’accomplir » (Rom. 4, 20-21).

C’est par la Parole de Dieu que la foi est apportée dans nos cœurs ; par cette même Parole elle y est entretenue.

Remarquez que la confiance en Dieu croit ou diminue en proportion de la confiance en nous-mêmes. Il faut que notre confiance ait un objet en dehors de nous, une personne divine, puissante et parfaite, sur laquelle nous puissions absolument compter, et c’est ce que nous avons en Christ. Le méchant qui veut nous tourmenter et nous mettre à sa merci, possède des dards enflammés qui brûlent tout ce qu’ils touchent. Sur une seule personne, ils n’ont aucune prise et tombent à terre ; ils sont consumés par eux-mêmes, devant la foi en Christ. La vipère, suscitée pour tuer Paul, devint la proie du feu, sur un simple mouvement de la main de l’apôtre. La puissance de celui-ci contre elle résidait dans sa foi. Ne laissons jamais tomber le bouclier de la foi, la confiance absolue en ce que Dieu est !

Le casque

« Prenez aussi le casque du salut ».

Si le bouclier de la foi est la confiance en ce que Dieu est, le casque du salut[3] est la confiance en ce que Dieu a fait.

En Ésaïe 59, 17, Christ homme met un casque de salut sur Sa tête pour remporter la victoire finale. Ce casque est la pleine confiance dans la délivrance que l’Éternel opérera en Sa faveur. Ici c’est la jouissance actuelle du salut opéré pour nous par Christ. En 1 Thessaloniciens 5, 8, que nous avons examiné plus haut, le casque est l’espérance du salut, la certitude d’une délivrance qui est encore à venir. Nous lisons au psaume 140, 7 : « L’Éternel, le Seigneur, est la force de mon salut ; tu as couvert ma tête au jour des armes ». La puissance de notre délivrance est Christ, le Seigneur Lui-même. Notre tête, au jour du combat, est couverte, comme d’un casque, de la conscience que cette délivrance est assurée, puisqu’elle dépend uniquement de la force qui est en Lui.

L’âme, pleine de la joie que lui apporte l’œuvre accomplie à la croix — œuvre dont les résultats s’étendent au passé, au présent et à l’avenir — est préservée de ce qui pourrait lui faire perdre courage devant l’attaque de Satan. Celui-ci cherche à nous enlever notre assurance pour provoquer notre défaite. Cette assurance garantit notre tête, le centre même de notre vie et de notre activité, gardée ainsi de se porter sur d’autres objets que sur Christ seul.

Arrêtons-nous un instant, avant de considérer nos armes offensives contre l’Ennemi.

Jusqu’ici toutes les pièces de l’armure se rapportaient à l’état de notre âme. Elles supposaient qu’intérieurement tout est en ordre 1° quant à nos affections, 2° quant à nos péchés, 3° quant à notre marche, 4° quant à notre foi, 5° quant à la certitude de notre salut devant Dieu.

La Parole de Dieu est ce qui agit en nous en vue de ces résultats. Elle a une vertu formatrice pour le chrétien. Nous disons : « le chrétien » ; en effet, elle ne peut avoir la même action sur une âme qui n’a pas reçu, par la foi, Jésus comme Sauveur, car il faut, avant tout, que la Parole ait produit la repentance et la foi à salut dans le cœur et la conscience du pécheur.

Jusqu’ici, toutes les pièces de l’armure correspondent à ce qui nous est présenté dans l’épître à Tite, comme étant le produit de l’enseignement de la grâce : « Nous enseignant que, reniant l’impiété et les convoitises mondaines, nous vivions, dans le présent siècle, sobrement, et justement, et pieusement, attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » (Tite 2, 12-13). Aucune de ces choses n’appartient aux enfants de monde. Ce qu’il leur faut, c’est de recevoir « le salut apporté par la grâce » (Tite 2, 11). « L’enseignement » ne commence qu’après cela. Dans ces pièces de l’armure, tout se rapporte à la vie pratique du chrétien.

Considérons maintenant nos armes offensives, celles qui ne servent pas seulement à résister et à tenir ferme contre les attaques de l’Ennemi, mais à combattre et à remporter la victoire en surmontant tous les obstacles. Ces armes sont au nombre de deux.

Les armes offensives

L’épée

« Prenez l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu ».

Ayant été formés par la Parole pour résister à l’Ennemi, nous avons maintenant à saisir cette même Parole, comme épée, pour le forcer à abandonner la partie.

Il est important de remarquer que les chrétiens n’obtiennent aucun effet réel de la Parole, ne peuvent remporter par elle aucune victoire et en connaîtront à peine l’usage, s’ils n’ont pas fait l’expérience de son efficace sur eux-mêmes, et si elle ne les a pas formés individuellement pour résister aux séductions de Satan. Il faut avoir fait des expériences intérieures et personnelles de la puissance de la Parole pour pouvoir s’en servir en faveur des autres. Les fleuves d’eau vive ne coulent de nos entrailles que lorsque, ayant eu soif nous-mêmes, nous sommes venus à Jésus pour boire. Il en est de même dans la première épître de Jean : « Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le méchant ». Les jeunes gens sont forts : ils se sont « fortifiés dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ». La Parole de Dieu demeure en eux : ils ont pris les pièces défensives de l’armure, et subi l’effet durable de la Parole dans leur cœur, avant de prendre l’épée. Ensuite ils ont vaincu le méchant : c’est l’épée, l’arme offensive, qui suit la préparation personnelle. Cette même préparation intérieure est exprimée au chapitre 3 de notre épître (v. 16) par ces mots : « Fortifiés en puissance par son Esprit, quant à l’homme intérieur ; de sorte que le Christ habite par la foi dans vos cœurs ». Et l’on voit ensuite (v. 18-19) que, de cette puissante action de l’Esprit en nous, dépendent nos plus hautes jouissances quant à la possession du pays de la promesse et quant à la connaissance de Christ, de Son amour et de Ses gloires.

Le chapitre 4 de l’épître aux Hébreux, verset 12, nous montre que cette épée est la Parole de Dieu. Après qu’elle a exercé son action dans notre cœur, comme nous l’avons déjà vu dans ce passage, pour nous apprendre à nous juger entièrement, nous pouvons la saisir comme arme pour atteindre la conscience des autres. Elle est l’épée de l’Esprit. L’Esprit seul peut lui donner tout son tranchant et la faire pénétrer dans les cœurs comme elle est entrée dans le nôtre. C’est par elle que nous pouvons mettre à nu les desseins de Satan que nous n’ignorons pas, en sorte que les « simples » soient gardés de ses attaques. C’est par elle enfin que nous pouvons réduire à néant les subtilités et les mensonges mis en avant pour nous empêcher de maintenir nos positions dans les lieux célestes ou d’en conquérir de nouvelles.

Mais du moment que nous prenons l’épée, le combat pour l’évangile, comme nous allons le voir au sujet de la seconde arme offensive, ne peut pas être exclu. Répétons cependant que le combat de l’épître aux Éphésiens a pour but principal d’assurer aux chrétiens la possession et la jouissance de leur héritage céleste.

La prière

« Priant par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l’Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance et des supplications pour tous les saints, et pour moi, afin qu’il me soit donné de parler à bouche ouverte pour donner à connaître avec hardiesse le mystère de l’évangile, pour lequel je suis un ambassadeur chargé de chaînes, afin que j’use de hardiesse en lui, ainsi qu’il faut que je parle ».

Comme le bouclier est l’expression de la foi, la prière est l’expression de la dépendance. Comme la Parole est l’épée de l’Esprit agissant au-dehors en puissance contre l’Ennemi, la prière est l’expression de l’Esprit en nous, montant à Dieu par notre moyen, pour obtenir des résultats que Lui seul peut produire. La prière a toutes sortes de formes, depuis la simple demande jusqu’aux supplications les plus instantes. C’étaient les formes que revêtaient les prières de notre Sauveur bien-aimé Lui-même, jusqu’à les offrir « avec de grands cris et avec larmes » en Gethsémané. Daniel prenait la même attitude, quand il combattait en faveur de son peuple. Il dit : « Et je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, pour le rechercher par la prière et la supplication, dans le jeûne et le sac et la cendre » (Dan. 9, 3). En parcourant les Psaumes, nous y trouvons toutes les nuances et toutes les formes de la prière, et, de fait, ce livre pourrait en grande partie être intitulé de ce nom. Philippiens 4, 6 nous dit les mêmes choses : « Ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces ». Seulement, dans ce cas, la prière a pour sujet nos besoins personnels, tandis que, dans l’épître aux Éphésiens, elle est destinée à soutenir les saints, « tous les saints », dans la lutte, de même que Paul leur capitaine, sous les ordres du Chef suprême qui est Christ. Paul avait besoin de hardiesse dans l’évangile, et la prière, arme de l’Esprit, était à la disposition de tous les saints pour demander qu’il fût fortifié dans le combat.

Pensons-nous assez à la valeur de cette arme ? En usons-nous suffisamment ? Par elle nous pouvons combattre avec les serviteurs du Seigneur et pour eux (Rom. 15, 30). C’était ainsi que Paul combattait pour les Colossiens. Épaphras faisait de même (Col. 2, 1 ; 4, 12). La prière faisait certainement partie du combat des sœurs qui étaient associées avec l’apôtre, car la prière est inséparable du combat de l’évangile (Phil. 4, 3).

La prière est donc avec l’épée une arme offensive par excellence. Les deux piliers du christianisme ne sont-ils pas la Parole et la prière, la Parole, témoignage vis-à-vis du monde et qui s’adresse à lui, la prière qui s’adresse à Dieu seul ?



  1. Ayant traité ce passage autre part (voyez Messager Évangélique 1912, pages 310 et 327), nous nous bornons ici à quelques remarques supplémentaires.
  2. En parlant ainsi nous n’oublions pas que ce nombre indique parfois dans l’Écriture une plénitude spirituelle mauvaise et employée pour le mal par la puissance satanique.
    Voyez : Le langage symbolique de l’Apocalypse, par H.R., page 8.
  3. On a remarqué qu’ici le mot salut signifie ce qui sauve plutôt que le salut en lui-même. Cette expression se retrouve en Luc 2, 30 ; 3, 6 ; Actes 28, 28.