Écho du Témoignage:Remarques sur l’Apocalypse/Partie 2

De mipe
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Chapitre 2

Versets 1-7. — Le chapitre précédent se terminait par ces mots : « Les sept étoiles sont les anges des sept assemblées, et les sept chandeliers que tu as vus sont les sept assemblées ». Il résulte évidemment des versets 4 et 11 du chapitre 1, et de ce qui suit, que c’est aux sept églises qui existaient alors dans la province d’Asie, que ceci s’appliquait originairement. Mais tout en reconnaissant qu’il y avait des raisons particulières de s’adresser à ces églises locales, je n’ai pas le moindre doute qu’elles furent choisies dans le dessein, d’une portée plus vaste, de tracer le tableau des divers états dans lesquels l’Église en général se trouverait successivement, depuis les jours apostoliques jusqu’au terme de son existence sur la terre. De là vient que la vision comprenait sept chandeliers, sept étant le symbole bien connu de quelque chose de complet dans l’ordre spirituel. Il pouvait y avoir d’autres églises aussi bien ou mieux connues, et le grand apôtre des Gentils s’était déjà expressément adressé à l’une de ces sept ; mais Éphèse est prise de nouveau, et six autres églises lui sont associées de manière à présenter une esquisse mystique et parfaite des traits moraux les plus importants qui se trouvaient alors dans l’Église, et qui en même temps devaient se développer d’une manière successive dans l’histoire subséquente du corps professant sur la terre[1]. Bien des choses qui sembleraient fort importantes aux yeux des hommes et même des chrétiens sont laissées de côté, car le Seigneur ne voit pas comme l’homme voit.

Mais on verra, je pense, qu’Il a placé en première ligne les traits, bons ou mauvais, qui devaient réapparaître, et qu’Il a fait très convenablement ressortir ce qu’Il prévoyait devoir être de la plus haute importance pour celui qui aurait des oreilles pour entendre jusqu’au moment de Son retour. Et cette application étendue me semble confirmée avec force par la clause relative à ces églises dans la triple division que donne le chapitre 1, verset 19. Elles sont désignées, comme « les choses qui sont ». Sans doute, elles existaient alors au temps de Jean ; mais si elles devaient continuer d’exister, et si les semences qui étaient alors semées, devaient germer encore plus dans la suite, et donner une signification encore plus grave aux paroles et aux avertissements de notre Seigneur, cette expression « les choses qui sont » était encore plus convenable pour désigner l’état de l’Église sur la terre tel qu’il existait alors. C’est ainsi qu’Éphèse est le premier grand exemple de déclin par suite du relâchement ou abandon du premier amour. Mais n’était-ce pas là un fait notoire pour toute la chrétienté, considérée comme un tout, avant que le dernier apôtre eût délogé pour être avec le Seigneur ? S’il s’est trouvé dans ces jours-là et plus encore dans les temps postérieurs, un pareil état moral, quoi de plus convenable et de plus naturel que de faire tourner des circonstances morales au profit d’un enseignement général ? Ainsi encore, sans mettre en question que le message adressé à Smyrne s’appliquait parfaitement à ce temps-là, il est aisé de voir qu’il fait admirablement ressortir les grandes et réitérées persécutions qui éclatèrent sur les chrétiens de la part des païens. De même l’élément que Balaam figure se montrerait naturellement avec une netteté plus grande, lorsque, au lieu de persécuter l’Église, le monde la protégerait. Vient ensuite Jésabel : elle constitue un immense progrès dans le mal ; mais quoique dans les jours où l’Apocalypse fût écrite, il existât sans aucun doute des choses qui donnaient lieu à ces allusions, peut-on nier que l’esquisse fût remplie d’une manière bien frappante après que le trône du monde eut établi le christianisme par ses édits, et que, à une époque plus avancée encore, l’église professante eut contracté une alliance coupable avec ce qui n’est, au fond, que paganisme et inimitié pour la vérité de Dieu ? Ce coup d’œil jeté sur le chapitre 2 fera voir, tout rapide qu’il est, pourquoi je considère ces églises comme ayant une portée prophétique réelle, quoique indirecte, sur les diverses conditions subséquentes de l’Église, telles qu’elles se présentaient au jugement scrutateur du Seigneur. Il est clair, d’un autre côté, que la véritable position de l’Église, celle dans laquelle habituellement elle attend du ciel le Seigneur, eût été faussée, si ce rapport avait été marqué au point d’être apparent dès le principe, et de donner, si l’on peut s’exprimer ainsi, une histoire claire et chronologique ; car le Seigneur n’a parlé nulle part à l’Église, ni à son sujet, de manière à lui faire nécessairement attendre des siècles sur la terre. Naturellement, le Seigneur savait qu’il en serait ainsi ; mais Il n’a rien révélé qui fût de nature à mettre obstacle à la pleine jouissance de la bienheureuse espérance du retour du Seigneur comme perspective immédiate. Et il en est de même ici.

Quelques-uns ont pris avantage de ce manque de netteté pour nier que ces sept églises eussent ce caractère de succession et de prolongation de temps auquel j’ai fait allusion ; mais l’évidence apparaîtra plus entière à mesure que nous examinerons chaque église en particulier. Une autre considération qui doit avoir un grand poids, c’est qu’après ces deux chapitres, il n’est plus fait allusion nulle part à l’existence d’églises sur la terre. Dans les remarques finales du livre (22, 16), le Seigneur dit qu’Il a envoyé Son ange pour rendre témoignage de ces choses dans les assemblées ; mais dans toute la série des visions et dans tout ce qui est donné à entendre de la condition des hommes ici-bas, après Apocalypse 3, il est gardé, relativement à l’Église sur la terre, le silence le plus inexplicable si l’Église s’y trouve réellement : rien de plus simple si cet état de chose a pris fin. Tout cela s’accorde parfaitement avec le chapitre 1, 19 : « Les choses qui sont, et les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Lorsque c’en est fini avec les églises, et qu’on ne les voit plus comme telles sur la terre, la partie proprement prophétique du livre commence à avoir son cours. Il semble, en outre, que l’introduction d’un nouvel état de choses n’implique pas nécessairement le rétablissement de ce qui avait existé avant lui. En un mot, après l’apparition de l’état de choses nouveau, il peut y avoir encore coexistence de l’ancien, et chacun d’eux peut continuer dans sa propre sphère. En voilà assez sur les églises dans leur ensemble. La responsabilité sur la terre est le sujet dont il s’agit : non pas les privilèges de l’Église ou des saints en Christ, mais l’obligation sous laquelle les églises se trouvent de Le représenter, et l’appréciation qu’Il fait de leur état.

Après cette courte préface, nous en viendrons plus particulièrement à Éphèse. Observons d’abord, qu’il est dit à Jean d’écrire à l’ange de l’église qui se trouve là ; ce n’est plus « aux saints et fidèles qui sont à Éphèse dans le Christ Jésus » que la lettre est adressée ; ni aux saints avec les surveillants et les serviteurs, comme dans le cas de l’église de Philippes. Pourquoi cela ? Les voies du Seigneur sont toujours pleines de grâce, mais elles sont justes aussi, et l’Église était une chose en chute, de sorte qu’Il ne pouvait plus s’adresser à elle avec la même familière tendresse qu’auparavant. C’est pourquoi, comme l’Église s’est éloignée de Dieu de la façon la plus sérieuse, Jean doit adresser sa lettre, non pas à l’église, mais à son ange ou représentant. Les anges dont il s’agit dans ces épîtres étaient des hommes, et ne doivent pas être confondus avec les êtres d’une nature spirituelle qui sont appelés de ce nom[2]. L’apôtre Jean est employé par le Seigneur à leur envoyer un message, et Dieu agirait contrairement à toutes Ss voies en employant un homme comme messager auprès des anges proprement dits. Les anges servaient souvent d’intermédiaires entre Dieu et l’homme, mais jamais les hommes entre Lui et les anges. Je crois, en outre, que l’ange à qui cette lettre est adressée, tout en étant un homme, n’occupe pas nécessairement une position officielle telle que celle d’un évêque, etc. Ce pouvait être un évêque, ou non. L’ange implique toujours l’idée de représentation. Nous trouvons dans l’Ancien Testament l’ange de Jéhovah, l’ange de l’alliance, etc., et il est fait mention en Daniel d’anges qui étaient identifiés avec Israël, etc. Le Nouveau Testament parle d’anges des petits enfants qui voient dans le ciel la face de leur Père, expression par laquelle il faut évidemment entendre leurs représentants. C’est ainsi qu’en Actes 12, on disait de Pierre, que c’était son ange. J’en conclus donc qu’ici l’ange, tout en étant un homme, est d’une manière ou d’une autre, le représentant de l’assemblée. En conséquence, il pouvait être dit : « j’ôterai ton chandelier », etc. Voir sous ces mots une position officielle déterminée prêterait à beaucoup d’objections, non pas seulement parce que ce serait introduire une nouveauté, mais parce que cette nouveauté serait en opposition avec tout ce que l’Écriture enseigne ailleurs relativement à l’assemblée. Mais je n’ai aucun doute qu’il se trouve de fait dans les assemblées une ou plusieurs personnes que le Seigneur associe à l’assemblée d’une façon toute spéciale, et comme la caractérisant : cette personne est moralement identifiée avec l’assemblée, et reçoit du Seigneur soit louange, soit condamnation, selon l’état de l’assemblée. Ici l’état de l’assemblée est directement imputé à l’ange. Le fait que c’est à lui que parle le Seigneur, et non à l’assemblée, place pour ainsi dire cette dernière à une plus grande distance de Lui. Qu’est-ce qu’un fait pareil ne nous dit pas de la terrible condition dans laquelle l’Église était tombée ! Le Seigneur ne pouvait plus s’adresser directement à ces assemblées. Il avait parlé sans intermédiaire même aux Corinthiens ; car, quelque coupables qu’ils fussent, ils ne s’étaient pas ainsi détournés de Lui. Mais ici, le message consiste en ces paroles désolantes : « Tu as abandonné ton premier amour ». Pourtant, si Christ n’avait pas une église fidèle, au moins Il avait un fidèle serviteur dans la personne de Jean : et c’est à lui qu’il est parlé en tout premier lieu. Et qu’on se souvienne toujours que depuis lors l’Église ne s’est jamais relevée de cette chute et de cette position relativement éloignée. L’Église, la maison de Dieu, est dans un état complet de ruine ici-bas ; et dans un état pareil, la première chose qui nous convienne, c’est de le sentir.

Ceci ne touche en aucune manière la question du salut éternel ; mais c’est abuser de la certitude du salut que de s’en servir pour amoindrir nos obligations envers Dieu. De fait, il n’existe jamais, avant la conversion, de profond sentiment du péché ; car s’il pouvait en exister alors, il serait accompagné d’un complet désespoir. Mais quand nous avons reçu notre pardon et que nous sommes dans une paix parfaite, nous pouvons regarder à notre péché et le juger pleinement. Un ange saint ne connaît pas Dieu comme nous devrions Le connaître — je ne dis pas comme nous Le connaissons, quoique ce soit vrai aussi. Un ange pénètre dans les merveilles de la puissance de Dieu « obéissant à la voix de sa parole » ; mais les choses profondes de Dieu se montrent, chose merveilleuse à dire, au sujet de notre péché, et dans la personne de Son Fils unique, « vu des anges » il est vrai, mais en relation vivante avec nous.

Le Seigneur se présente à Éphèse comme « celui qui tient les sept étoiles dans sa droite, qui marche au milieu des sept chandeliers d’or » (v. 1). Il est venu pour examiner, pour juger — non pas encore naturellement le monde des impies — mais l’assemblée qui est à Éphèse. Quelle différence entre l’aspect sous lequel Il nous est présenté ici, et celui sous lequel nous Le voyons, et l’Église aussi, en Éphésiens 1 et 2 ! Là, Il est assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes, et Dieu nous y a fait asseoir aussi ensemble dans les lieux célestes en Christ Jésus. Ici, Il marche au milieu des chandeliers. Sa main est indispensable, car personne que Lui ne pourrait faire face aux difficultés. Mais n’est-ce pas quelque chose de solennel qu’Il soit présenté de cette manière à cette même église, à laquelle Paul avait ouvert la plénitude de Sa grâce céleste, et la plénitude de la bénédiction qui lui appartenait en Christ ? Et maintenant, le voilà obligé, pour ainsi dire, de marcher et de revendiquer les droits de Son autorité, non point parmi ceux qui ne L’ont pas connu, mais là où l’on avait jadis si bien connu Son amour — maintenant, hélas ! oublié et déshonoré.

« Je connais tes œuvres, et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants, et que tu as éprouvé ceux qui se disent être apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs, et tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu as travaillé » (v. 2, 3). Ainsi, il se trouvait là plusieurs choses louables. Il y avait de la patience, et c’est le premier signe, sinon le plus grand, que Paul donne de son propre apostolat. Il y avait plus encore : car rien n’est plus facile à lasser que la patience, quand elle a soutenu beaucoup d’épreuves. Mais ici, à Éphèse, on persévérait dans la patience (comp. v. 2, 3). En outre, là où il y a de la patience, il peut y avoir tendance à passer par-dessus le mal, ou du moins à supporter les méchants. Mais ce ne fut pas le cas ici. Les Éphésiens avaient supporté des afflictions pour le nom de Jésus, mais ils ne pouvaient supporter les méchants, et ils avaient éprouvé ceux qui prétendaient à la position la plus élevée, celle d’apôtres, et les avaient trouvés menteurs ; ils avaient continué de cette manière, et ne s’étaient point lassés. Qu’il est doux de voir le Seigneur dans Sa douleur, si nous pouvons parler de la sorte dans le désappointement de Son amour, commencer ainsi par tout ce qu’il y avait de bien ! Mais tout en trouvant chez eux des choses qu’Il pouvait louer, Il avait contre eux qu’ils avaient perdu leur premier amour. Ils n’avaient plus la conscience de l’amour du Seigneur pour eux, et il en était résulté que leur propre amour pour Christ avait pâli. C’était leur appréciation de l’amour du Seigneur qui les rendait capables d’aimer.

Puis-je précisément faire remarquer, que le mot « quelque chose » ajouté dans les versions ordinaires au verset 4 paraît affaiblir le sens ? Il pourrait suggérer l’idée que le Seigneur n’avait que peu de chose contre eux, tandis que, dans la vérité, Il était extrêmement affligé. Ne pas sentir Son amour, et par conséquent ne pas le Lui rendre, était la chute la plus profonde, surtout chez ceux qui en avaient autrefois joui. Mais maintenant il s’était éteint, et qu’en résulterait-il avec le temps ? « Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et te repens, et fais tes premières œuvres, autrement je viens à toi promptement, et j’ôterai ton chandelier de son lieu à moins que tu ne te repentes ». Il est beaucoup plus facile d’avoir du zèle pour agir que pour se repentir. Mais cela même ne saurait satisfaire le cœur de Jésus, à moins qu’ils ne revinssent à leur premier amour qui avait produit leurs premières œuvres : sinon il faut que le chandelier soit ôté. Je doute, tant pour des raisons externes que pour des raisons internes, que le mot « promptement » doive se trouver dans le verset 5. Car lorsque le Seigneur vient pour juger les voies des siens, peut-on dire que c’est ainsi qu’Il vient ? Quand Il vient, soit pour combattre contre les Nicolaïtes, soit pour nous prendre avec Lui, c’est promptement sans contredit (Apoc. 2, 16 ; 3, 11 ; 22, 7, 12, 20). Mais Il donne du temps pour la repentance, même s’il s’agit de Jésabel, et combien plus à Ses chers Éphésiens.

L’enlèvement du chandelier n’implique point que l’église ne pourrait pas continuer en apparence comme auparavant, mais qu’elle perd sa place comme témoin pour le Seigneur digne de confiance. Rien ne saurait tenir lieu de la proximité avec le Seigneur, soit pour l’église, soit pour l’âme. Et cette proximité était perdue désormais, non pas simplement pour l’assemblée d’Éphèse, mais même dès lors, pouvons-nous dire, je pense, pour l’Église en général. Le témoignage extérieur pouvait bien continuer, mais ce n’est pas là ce que le Seigneur apprécie le plus, quoiqu’Il l’apprécie, en tant qu’il est simple, sincère et fidèle. Cependant Il ne peut pas ne pas estimer avant tout des cœurs qui Lui sont consacrés, le fruit de Son propre amour, de Son amour personnel, parfait, qui s’immole lui-même. Il a sur la terre une épouse qu’Il désire voir sans autre objet que Lui-même, et se conservant pour Lui pure du monde et de ses voies. Dieu nous a appelés pour cela ; Il ne nous a pas appelés pour le salut seulement, ou pour Lui être en témoignage par une vie de piété, quoique cela soit éminemment vrai et important, mais par-dessus tout, pour Christ — comme une épouse pour Son Fils ! Ce devrait être là certainement notre première et notre dernière pensée, notre pensée continuelle et la plus chère ; car nous sommes fiancés à Christ, et Il a, Lui du moins, prouvé la plénitude et la fidélité de Son amour pour nous. Mais que dire du nôtre ?

En regardant à Christ, l’Église apprend à se tenir dans la poussière, tout en se réjouissant toujours néanmoins dans le Seigneur. Le sentiment de la chute en nous-mêmes et dans les autres serait accablant, si ce n’était que nous avons le droit de trouver notre joie en Celui qui n’a jamais failli, et qui, malgré tout, nous aime, nous, qui avons rendu pour Lui un si faible, si infidèle témoignage. Le vrai moyen de ne pas nous retirer sans avoir été bénis et fortifiés, c’est d’aller à Lui, même pour de pénibles confessions. Nous Lui devons de reconnaître et de sentir notre péché ; mais être occupés de notre péché simplement ne donne jamais de la force. Christ doit posséder la gloire, et assurément Celui qui nous a délivrés de la colère à venir, qui peut nous sauver de l’enfer, a le pouvoir de nous délivrer de tout bourbier. Pour un chrétien, faire confession de son péché, s’attacher à Jésus, c’est maintenir le nom de Celui qui vient à son secours, et alors la victoire est sûre.

Mais quelle consolation et combien elle est propre à rassurer, de voir qu’à la suite du reproche qu’Il a dû adresser, le Seigneur parle encore de choses qui peuvent avoir Son approbation ! « Mais tu as ceci, que tu hais les œuvres des Nicolaïtes, lesquelles, moi aussi, je hais » (v. 6). Le nicolaïsme semble avoir consisté dans l’abus de la grâce. Les saints d’Éphèse avaient failli au devoir de demeurer attachés au bien, mais ils avaient communion avec le Seigneur dans l’horreur du mal. On dit souvent : « Il n’y a pas d’église parfaite sur la terre ». Je voudrais demander en réponse, ce qu’on entend par « une église parfaite ». Se trouvera-t-il un chrétien qui ose me dire que nous ne devons pas viser à tout ce qui est conforme à la sainteté de Dieu ? Je réclame précisément pour l’Église ce que l’on est tenu de m’accorder pour tout chrétien individuellement. Comme il se trouve assurément des fautes dans l’individu, il y en aura aussi dans l’Église. Mais alors il y a cette bénédiction que, comme le Saint Esprit habite dans l’individu pour le guider et le bénir, ainsi le même Esprit habite dans l’Église, et Christ la purifie par le lavage d’eau, par la Parole. Il y a deux choses dans l’Assemblée aussi bien que dans l’individu — le Saint Esprit qui est la puissance du bien, et la chair qui convoite contre Lui. De même que, dans un homme, on peut dire que l’âme est répandue dans tout le corps dont elle anime toutes les parties ; ainsi en est-il de l’Esprit dans l’Église de Dieu. Lorsqu’on prétend qu’il faut tolérer le mal parce qu’il n’y a pas d’homme qui soit exempt de péché, c’est de l’antinomianisme ; et je crois que c’est là le principe même des Nicolaïtes. De même que l’individu doit se tenir prêt à aller à la rencontre du Seigneur, sans laisser rien qui ne soit réglé au moment de Sa venue, pareillement le Seigneur attend la même chose de l’Assemblée, parce qu’il y a dans l’Église de Dieu une puissance divine contre le mal.

Vient ensuite la promesse précédée de l’avertissement. « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées : À celui qui vaincra, je lui donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de mon Dieu » (v. 7).

Il y a eu le paradis de la création où l’homme fut placé et mis à l’épreuve ; mais il tomba. Les églises étaient tombées aussi. Mais maintenant une nouvelle scène s’ouvre. Ce n’est plus le jardin d’Éden, mais le paradis de Dieu — « de mon Dieu », dit le Seigneur Jésus. Et il ne renferme pas d’arbre qui puisse introduire la douleur et la mort. L’arbre de vie seul y est. L’église d’Éphèse était déchue, il est vrai, de son premier amour : mais quand même elle ne compterait qu’un seul membre qui sentît bien et profondément l’injure faite à la grâce du Seigneur, un seul membre qui vainquît, cette promesse était donnée à ce membre pour la consolation et pour la joie de son âme. Et la grâce du Seigneur est tout aussi parfaite aujourd’hui. Puisse-t-il n’y avoir ici personne qui n’ait des oreilles ; et s’il y en a qui en aient, puissent-ils écouter et vaincre !

Versets 8-11. — À Éphèse, nous avons vu l’Église abandonner sa première position. L’état qui suit est d’une nature différente. L’église de Smyrne est dans la détresse ; les saints de Dieu souffrent. Ils ont pensé peut-être que la terrible persécution qui leur était survenue était quelque chose d’étrange : mais il est plus vrai, au contraire, que le cœur du Seigneur est contristé par un chrétien qu’Il laisse exempt de souffrance pour Son nom. Le Seigneur avait Lui-même connu la tribulation au plus haut degré : mais, dans Son cas, ce n’était que l’épreuve du bien qui était en Lui et la manifestation de Sa perfection. Et tout pauvres que nous sommes, nous pouvons aussi connaître l’épreuve indépendamment du mal qui est en nous. Dans les châtiments qu’Il dispense à un chrétien, le Seigneur a deux sortes de motifs : ou bien c’est parce qu’il y a quelque chose de mal, ou qu’il y a danger de mal, danger peu senti par le chrétien. Lorsque David fut hors de sa tribulation, il tomba dans un piège ; et c’est quand il se trouva dans la détresse qu’il épancha son cœur, sous l’inspiration du Saint Esprit bien entendu, en ces doux accents que nous lisons aujourd’hui avec tant de charme. Il est dangereux pour l’âme de désirer sortir de l’épreuve. Le but de l’épreuve peut être de nous montrer ce que nous sommes en réalité, ou, ce qui vaut mieux, de prouver ce que Dieu est pour nous, et ce qu’Il nous est ; mais elle est aussi envoyée pour nous empêcher de tomber dans le péché, et, dans Son amour, le Seigneur détourne souvent de cette manière le mal qu’Il voit et que nous ne voyons pas. Je ne doute point qu’il y ait une autre espèce de souffrances plus profondes, savoir la communion avec les souffrances de Christ, qu’il ne faut pas confondre avec la fidèle discipline du Seigneur, quoiqu’elles puissent, je pense, être trouvées parfois réunies.

Il semble qu’à Smyrne le Seigneur veut pourvoir à ce déclin du premier amour qui était survenu, et dans ce but Il envoie la tribulation. Une telle conduite de Sa part, grâces Lui en soient rendues, n’est pas extraordinaire, car Il est bon et fidèle. Et dans quel caractère parle-t-Il à cette église ? « Le premier et le dernier qui a été mort et qui vit, dit ces choses ». Avant tout, Son titre est celui d’une personne divine. Ici l’Esprit réclame pour Jésus ce qu’Ésaïe avait auparavant réclamé pour Jéhovah (És. 41, 4). Et qu’y avait-il qui ne pût point être revendiqué pour Lui, pour Celui « qui a été mort et qui vit » ? Quelle consolation pour ceux qui étaient dans l’épreuve. Qui est-ce qui s’adresse à eux dans leur affliction ? Celui qui s’était trouvé au plus profond de la souffrance et avait passé par la mort elle-même ; Celui qui était le premier et le dernier, et qui avait formé toutes choses, c’est Celui qui avait été mort et qui de nouveau était vivant. Et c’est auprès de Celui-là même que dans mon épreuve j’ai à me réfugier. Cela fait voir quel rapport il y a entre la résurrection des morts et la consolation de ceux qui sont dans l’épreuve (comp. 2 Cor. 1, 5). Jésus était Dieu, mais Il était homme aussi. Il fut l’homme éprouvé par la souffrance, et Il était l’homme triomphant, et comme tel Il était capable de les consoler dans leur affliction. « Je connais tes œuvres et ton affliction, et ta pauvreté (mais tu es riche), et l’outrage de ceux qui se disent être juifs et qui ne le sont pas, mais qui sont la synagogue de Satan » (v. 9). Le mot « juif » est pris ici dans un sens figuré. C’était le nom de la nation qui avait été connue anciennement comme le peuple de Dieu, au-dessus de tous les autres ; et ces symboles étaient empruntés à l’Ancien Testament. Il semble que celui-ci désigne des personnes qui, ayant pris position d’enfants de Dieu, étaient retournées à leur religion héréditaire. D’un côté, il y avait cette détresse extérieure que le Seigneur permettait pour leur bénédiction, et de l’autre, il y avait des gens qui professaient les principes juifs (Phil. 3, 2). Mais le Seigneur dit : « Ne crains rien des choses que tu vas souffrir ». Ne vous occupez point de ce que l’on dit, ni de ce que l’on fait contre vous. « Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés ». C’est ainsi que, par la grâce de Dieu, l’ennemi lui-même est employé comme instrument pour le bien des enfants de Dieu dans les persécutions qu’il soulève contre eux. D’un autre côté, il n’y a rien qui serve plus efficacement à Satan pour les détourner, qu’une espèce de tranquille, commode demi-christianisme. Que Dieu garde les siens d’avoir deux visages, deux caractères, en sorte qu’il ne leur arrive jamais d’être mondains avec les mondains, et de prendre ensuite l’air et le langage d’un chrétien avec ses frères !

Ce n’est pas pour le Seigneur une chose nouvelle que de faire ainsi concourir à la bénédiction de Ses saints les efforts et l’inimitié de Satan. La même chose se voit dans le cas de Job ; et même l’épreuve de ce serviteur du Seigneur fut beaucoup plus profonde. À chacun de ces assauts successifs de la part de Satan, Job conserva son intégrité et bénit le Seigneur ; mais le Seigneur fit connaître Job à Job lui-même — précisément la chose qui était nécessaire pour qu’il réalisât la bénédiction de lâcher le moi pour le Seigneur. Ensuite il lui montra Dieu, et à la fin Job fut aussi profondément consolé qu’il s’était profondément abaissé.

Job ne pensait point qu’il était trop occupé de lui-même ; et c’était précisément cela que Dieu avait à lui montrer. Il aimait à rappeler le temps où les fruits de la piété qui se manifestaient en lui attiraient le respect et l’estime des hommes. Mais Dieu lui montra combien c’était une chose mauvaise de regarder aux effets de la grâce en lui-même ou sur les autres. Ce que l’ennemi de Dieu et de l’homme ne put point effectuer, les amis de Job le firent. Il avait pu tenir ferme contre les tentations de Satan, mais il fut provoqué à la folie par ses amis venus pour prendre part à sa douleur, et qui donnèrent leurs malencontreux avis. Quand quelqu’un parle beaucoup de la grâce, on peut être sûr qu’il n’en est pas entièrement rempli. Job même dut être mis dans la fournaise pour découvrir qu’il y avait en lui beaucoup d’autres choses que la grâce. Mais quoique Satan l’eût tenté sans succès, et que ses amis l’eussent seulement provoqué, quand le Seigneur intervient, Job est aussitôt complètement humilié. Il se voit à la lumière de la présence de Dieu, et s’écrie : « Mon œil t’a vu. C’est pourquoi j’ai horreur de moi-même, et je me repens sur la poudre et sur la cendre ». Mais la fin du Seigneur est pour le moins aussi bonne que Son commencement. Il est toujours miséricordieux et plein de tendres compassions. C’est lorsque Job ne pense plus rien de lui-même que la grâce prend véritablement son cours, et qu’il prie pour ses amis. « Et l’Éternel tira Job de sa captivité quand il eut prié pour ses amis ».

Smyrne succède à Éphèse. Comme je l’ai déjà donné à entendre, l’église de Smyrne s’appliquerait, à mon avis, au temps où l’Église fut appelée à passer par la tribulation qui suivit l’époque apostolique — les persécutions infligées aux chrétiens par les empereurs romains, etc. « Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés : et vous aurez une affliction de dix jours » (v. 10). Les souffrances des chrétiens, la manière dont ils moururent pour Christ, sont les quelques points lumineux, les quelques brillantes manifestations de la vie dans le deuxième siècle et au commencement du troisième.

« Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie » (v. 10). C’est une doctrine importante que celle qui est relative à la diversité de gloire réservée aux serviteurs de Dieu. Car, tandis qu’il est essentiel de maintenir que la même grâce qui a pardonné le brigand sur la croix est précisément celle-là même qui a sauvé Paul de Tarse, ce serait néanmoins une grande erreur de supposer que le brigand aura, dans la gloire, la même récompense que saint Paul. Cependant, nous ne devons point être effrayés en entendant dire au Seigneur : « Je connais tes œuvres » : car quoique les vaisseaux qui doivent contenir la bénédiction puissent ne pas avoir une capacité égale, la petite coupe se trouvera aussi pleine que la grande, et pleine, si je puis m’exprimer ainsi, des mêmes matériaux de joie et de bénédiction. Dans l’état de gloire, il ne sera naturellement plus question d’épreuve, de fidélité ou d’infidélité. Mais il existe des différences spirituelles avant que nous y soyons, et lorsque nous y serons, les distinctions dans le royaume de Christ répondront au caractère et à la mesure du service accompli ici-bas, quoique il faille réserver aussi la souveraineté de Dieu.

Puis venait la parole suivante de consolation bien appropriée aux fidèles de Smyrne : « Celui qui vaincra n’aura point à souffrir de la seconde mort » (v. 11). Ne craignez point la première mort : elle n’est qu’une servante pour vous introduire dans la présence de Dieu. La seconde mort ne vous touchera point. Le Seigneur est comme ce bois de jadis qui fut jeté dans les eaux de Mara : Il est descendu pour nous dans les eaux les plus amères de la mort qui ont été par là changées pour nous en eaux douces et rafraîchissantes.

Versets 12-17. — Ici le Seigneur s’annonce à l’église de Pergame comme Celui qui était armé de la puissance qui scrute toute chose par la Parole de Dieu, la parole de jugement. Dans l’Apocalypse, l’épée aiguë est au commandement du Seigneur Jésus comme l’instrument du jugement. Ce que fait l’épée dans la main de l’homme, la parole pénétrante de jugement le fait, et le Seigneur l’applique avec puissance : elle décide toutes les questions qui ont à faire avec Lui. Il y a toujours un grand et beau rapport entre l’aspect ou le titre sous lequel le Seigneur se présente et l’état de l’église à laquelle Il s’adresse. C’était parce que la Parole n’avait plus dans l’Église cette énergie vivante de jugement, que le Seigneur Jésus prend soin de montrer qu’elle n’avait jamais perdu son efficace entre Ses mains. Comme la première église nous présente le déclin déjà entré même dans les jours de l’apôtre Jean, et Smyrne le temps des persécutions de la part des païens, de même nous avons ici un état de choses tout à fait différent. Pergame est la scène du pouvoir de Satan pour flatter et séduire, pouvoir dont il fit usage aussitôt après que la violence de la persécution se fut épuisée. Ce plan de l’ennemi était plus dangereux que le second ; car lorsque nos cœurs sont poussés à quelque chose de mal, rien ne prouve mieux que Dieu est contre nos voies que le fait qu’Il nous abandonne à notre volonté. « Éphraïm s’est associé aux idoles, abandonne-le ». Dans le cas de Smyrne, c’était tout le contraire : là le Seigneur arrêtait la puissance de Satan au moyen de la persécution du dehors que Dieu faisait servir à empêcher les progrès de la corruption au-dedans.

Après cela, le dieu de ce monde promit aux chrétiens toute sorte d’avantages mondains. L’empereur lui-même offrit de devenir chrétien, quoiqu’il différât le baptême jusqu’à son lit de mort. Rien ne prouve avec plus d’évidence combien l’Église était entièrement déchue, et combien elle s’était éloignée du nom du Seigneur, que son acceptation des conditions de l’empereur et du patronage du monde. Ceux même qui étaient sauvés avaient perdu complètement de vue ce qu’était l’Église, comme n’appartenant pas au monde, mais étant du ciel. L’empire romain était essentiellement la puissance du monde. L’Église avait été appelée pour être le témoin vivant de deux grandes choses : premièrement, de l’amour de Dieu, et secondement, de la ruine du monde. Mais quand nous voyons l’Église donner la main au monde, tout est fini, et l’Église tombe tout droit dans l’esprit de ce siècle. Si sous quelques rapports il y a gain pour le monde en cela, il y a perte pour l’Église en toute manière ; et il ne faut point s’en étonner ; car c’est au prix de la volonté et de la gloire de Christ. C’est bien « le trône » de Satan qui est le sens de la phrase. Le terme original est le même que celui qui est employé pour « siège » aussi bien que pour trône dans d’autres portions de ce même livre ; mais ici c’est bien proprement un « trône », parce qu’il est parlé de Satan sous le rapport de l’autorité. Il est évident que tout cela décrit d’une manière exacte l’état des choses au temps de Constantin. Au lieu d’être sur le bûcher et dans la souffrance pour Christ, l’Église était maintenant unie au monde dans une simple profession de christianisme ; car, comme le monde ne pouvait pas s’élever réellement jusqu’à elle, elle dut descendre au niveau du monde. Rien d’étonnant que là-dessus le Seigneur dise : « Tu habites là où est le trône de Satan ». Néanmoins, Il reconnaît tout ce qu’Il peut, même là où se trouve cette misérable association — Son Assemblée habitant là où est le trône de Satan. Ces chrétiens tenaient encore ferme Son nom et n’avaient pas renié la foi qui avait sauvé leurs âmes ; mais c’était tout. Ils venaient précisément de sortir de la grande persécution dans laquelle Antipas avait été mis à mort. Mais à présent, au lieu de souffrir, l’église de Pergame habitait tranquillement avec le monde. Comme Lot, ils affligeaient aussi leurs âmes justes à cause de l’impiété de ceux au milieu desquels ils vivaient.

En conséquence, le Seigneur met en avant les choses à l’égard desquelles Il avait à les avertir. « Tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam » (v. 14). Quel est le trait principal que nous apercevons en Balaam ? Sa cupidité le conduisit à frayer avec le méchant roi de Moab et à le servir en maudissant le peuple de Dieu. Après que Dieu lui a donné une réponse, il n’en va pas moins encore une seconde fois vers Dieu, parce que son cœur voulait suivre son propre chemin. Et c’est une chose bien solennelle de voir que si Dieu vous abandonne, vous pouvez obtenir ce que vous désirez. Plus tard, Balaam tombe dans un mal encore pire. C’était certes un homme dont le cœur n’était pas avec Dieu. Il dit quelques choses vraies, mais il n’avait pas son esprit à ces choses. Il parle toujours de dehors, pour ainsi dire, comme un homme misérable, loin de la bénédiction qu’il voyait. « Je le vois, mais non pas maintenant ; je le contemple, mais non pas de près ». Il poursuit ainsi pas à pas, jusqu’à ce qu’il se prête à être le corrupteur, par le moyen du monde, même des élus de Dieu. C’est ainsi qu’il en fut de l’Église. Les philosophes eux-mêmes commencèrent à s’occuper de la vérité chrétienne, et nous trouvons dans les écrits des pères une grande partie de ce que nous avons ici. Ce que la fornication est dans les choses morales, le commerce illicite des chrétiens avec le monde le fut dans les choses de Dieu. Il y eut, je n’en doute pas, des témoignages dont on ne fit que très peu de cas, sauf dans le ciel ; mais un des hommes qui exercèrent l’influence la plus étendue et la plus durable, Augustin, était véritablement un saint de Dieu, et quoique ce ne soit pas beaucoup dire, la plus grande lumière de l’église d’occident. Il avait tenu ferme le nom de Christ et n’avait point renié Sa foi. Tout le monde est d’accord que ces épîtres s’appliquaient dans l’origine aux églises auxquelles Jean écrivait : mais beaucoup ne voient pas qu’elles s’appliquent aussi aux différentes périodes de l’Église et en décrivent les divers états successifs.

La doctrine des Nicolaïtes[3] paraît être un mal du dedans, comme celle de Balaam en était plutôt un du dehors. C’était maintenant érigé en principe et en doctrine. La lettre à Éphèse parle des œuvres des Nicolaïtes ; mais la chose alla plus loin et plus profond. C’était une corruption de la grâce, un changement de la grâce en dissolution. Rien de plus terrible que cet abus de la grâce par ceux qui la connaissent et qui la prêchent. Et si nous sondons nos cœurs et nos voies, nous reconnaîtrons que c’est là ce que nous sommes tous enclins à faire. Le Seigneur nous a complètement rendus libres par la mort de Son Fils, et quel droit cet amour ne possède-t-il pas sur nos cœurs ? Ne nous arrive-t-il pas fréquemment d’en agir avec la grâce de Dieu envers nous, de la même manière que nos enfants en agissent à notre égard dans leur plus grand endurcissement, quand ils considèrent tout comme affaire de droit ? Quoique la création ait été assujettie à la vanité par suite du péché d’Adam, il n’y a pas cependant de mal moral rattaché aux bêtes, etc. Mais il n’en est pas de même pour l’homme. Connaissant le mal, il ne laisse pas de continuer à vivre dans le mal ; et même après que nous avons obtenu la certitude de la délivrance, si la joie du salut a passé, en quelque mesure nous nous mettons à faire servir la grâce du Seigneur à notre propre satisfaction. C’est là, quand on poursuit sans conscience dans cette voie, ce qui constitue le nicolaïsme. Dieu entendait que Sa grâce nous liât complètement à Lui-même. Nous pouvons voir une personne tomber dans le mal, et c’est là, certes, une chose bien triste chez un chrétien ; mais il y a une bien plus grande quantité de choses mauvaises que les autres ne voient pas. Dieu nous fournit l’occasion de nous juger nous-mêmes, quand personne d’autre, peut-être, ne sait rien du mal que nous jugeons en nous. Si nous ne le jugeons pas, alors la fin ici-bas est que le monde nous juge ; et nous pouvons tenir pour sûr, qu’il faut qu’il y ait eu une masse énorme de mal secret, pour que Dieu permette que nous fassions une chute telle que le monde même juge notre conduite comme mauvaise. Mais il ne faut pas nous décourager. C’est justement là où la vérité est prêchée et retenue avec le plus de fidélité, que Satan s’efforcera d’introduire la pire des hérésies pour attirer l’opprobre sur le témoignage de Dieu. Si un homme tombe du faîte le plus élevé, sa chute, naturellement, sera d’autant plus terrible, comme aussi elle sera beaucoup plus manifeste pour le monde, que s’il était simplement tombé dans la plaine.

Le Seigneur ne dit point : « Je combattrai contre toi par l’épée de ma bouche », mais « contre eux » (v. 16). À la vérité, l’épée du jugement peut agir en ôtant par la mort les membres de l’église, comme cela eut lieu pour les saints de Corinthe qui furent jugés par le Seigneur ici-bas, afin que plus tard ils ne fussent pas condamnés avec le monde. La discipline chrétienne n’a pas pour but d’ôter ceux qui ne sont pas chrétiens du milieu de ceux qui le sont ; mais en l’exerçant, l’assemblée envisage plutôt sa purification de chrétiens qui marchent mal, afin de maintenir dans son sein l’honneur et la sainteté du Seigneur. La miséricorde est le grand motif de la discipline, après le maintien du caractère de Christ dans l’Église. C’est le fond des voies du Seigneur envers nous, et certainement il en devrait être ainsi de nous à l’égard des autres.

Le mélange de l’Église avec le monde eut pour conséquence immédiate d’isoler le chrétien fidèle. L’Église n’est devenue invisible que par le péché. Ce n’était pas l’intention de Dieu, non plus que selon Son cœur, qu’elle le fût jamais, quoique je croie que tout a été permis et ordonné avec sagesse. Dieu ne fit point une lumière pour qu’elle fut cachée, mais pour qu’elle fut mise sur un chandelier. Néanmoins le fait était tel désormais : le catholicisme régnait, si vous prenez le point de vue à longue portée, et bientôt frayait la voie au papisme. Au saint dont le cœur est sincère au milieu de cette ruine et de cette confusion, « je donnerai », dit Jésus, « à manger de la manne cachée » (v. 17). La manne représente Christ Lui-même, tel qu’Il descendit du ciel et prit une place d’abaissement dans le monde. C’est la place que Christ prit ici-bas qui est rappelée à ceux qui se laissaient glisser dans le monde. La manne cachée a trait à l’usage qui fut fait de la manne pour l’arche : on en porta dans le lieu saint une certaine portion comme mémorial devant Dieu.

Le sens de cette promesse n’est pas simplement que nous participerons en Christ, et pour en jouir avec Lui, à toute Sa gloire, selon qu’Il est exalté en haut, et qu’Il sera manifesté devant le monde ; mais que Dieu nous donnera une communion spéciale avec Christ tel qu’Il était ici-bas. Ce qu’il y aura de particulièrement doux dans la gloire, ce sera de sentir que le Bien-aimé qui nous aura introduits dans toute la jouissance et toute la paix du ciel, est Celui-là même que nous avons connu dans tout Son sentier et Sa réjection dans ce monde, avec lequel nous y avons participé toujours ici avec tant de faiblesse, nous nourrissant de Lui, comme de notre portion même à présent. Le caillou blanc était la marque d’un entier acquittement. Puissions-nous regarder ainsi en avant à Christ ; et que Dieu nous donne de savourer Ses propres délices en Son Fils, tel qu’Il était ici-bas dans Sa position de rejeté des hommes ! Puissions-nous, de plus, posséder le caillou blanc, la portion des fidèles dans un état de choses, tel que celui de Pergame, où l’église et le monde se réjouissaient ensemble. Quand ils seront dans la gloire, ces fidèles jouiront de la même nourriture qui les soutient maintenant. Christ sera votre nourriture même dans la gloire et vous aurez le caillou blanc « et sur le caillou, un nouveau nom écrit que nul ne connaît que celui qui le reçoit » ; c’est-à-dire l’expression de la satisfaction du propre cœur de Christ à l’égard de la manière dont vous avez souffert pour Lui et L’avez servi ici-bas. Assurément ce que le cœur appréciera le plus, c’est ce que Christ donnera entre Lui-même et le cœur seulement — ce que nul ne connaîtra que nous-mêmes et Lui. Puissions-nous posséder des marques de l’amour que nous avons pour lui, lors même que personne ne dût les connaître maintenant que Lui-même.

Versets 18-29. — Il se fait, dans ce chapitre, un grand changement qui commence avec l’épître à Thyatire. Dans les trois premières églises l’avertissement (« que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ») précède la promesse ; mais les quatre dernières possèdent la promesse avant d’être invitées à écouter.

Or, il doit y avoir une raison pour cela, une raison sage et suffisante pour laquelle le Saint Esprit ait adopté dans les trois premières épîtres un arrangement uniforme, et s’en soit écarté et en ait adopté un autre aussi uniforme dans les quatre dernières. Rien n’a lieu par hasard dans la Parole de Dieu. Comme toutes Ses voies envers l’homme ainsi que toutes les œuvres de la création portent l’empreinte de Son dessein dont Il les a revêtues Lui-même, à plus forte raison en est-il de même de cette Parole qui développe Ses voies et manifeste Sa gloire morale. Cette considération est pour nous d’une importance pratique immense : car souvenons-nous en, le secret de la force est dans une connaissance de Dieu et de Ses voies en Christ, enseignée par l’Esprit. Entrer dans les pensées et les sentiments de Dieu tels qu’ils sont manifestés dans ce qu’Il fait et ce qu’Il dit dans la révélation qu’Il a donnée Lui-même de Lui, et jouir de ces pensées et de ces sentiments, voilà ce qui gagne et garde le cœur du croyant, le purifie et lui donne de la force. Israël ne comprit pas les voies, et en conséquence ne comprit jamais le cœur de Dieu, et son propre cœur s’égara, comme il est dit : « C’est un peuple dont le cœur s’égare ; car ils n’ont point connu mes voies » (vers. angl.). Moïse, au contraire, appréciait le cœur de Dieu, et en conséquence il est dit à son sujet que « l’Éternel a fait connaître ses voies à Moïse ».

Dans les trois premières églises, l’invitation à écouter est donc adressée formellement à toute l’assemblée dont il s’agit ; mais dans les quatre dernières, le changement de place qui a eu lieu pour elle semble indiquer plus de réserve : le Seigneur ne s’attend plus, pour ainsi dire, à ce que quelqu’un écoute, excepté ceux qui vaincront, et à partir de là, cette classe est distinguée du reste. Le mal avait maintenant gagné le corps professant, et la promesse n’est plus présentée et ne pouvait plus l’être dans son ancienne forme qui ne faisait aucune distinction. Nous recueillons de celle qui survient ici qu’un résidu commence à être de plus en plus clairement indiqué.

Quelque chose d’analogue se présente ailleurs. C’est ainsi que dans les paraboles de Matthieu 13, les trois dernières sont incontestablement distinguées des précédentes, et s’adressent à un degré supérieur de spiritualité. Les quatre premières furent prononcées dehors à la multitude, les trois dernières le furent dans la maison aux disciples seulement. Toutes les fois que nous trouvons dans la Bible une série de paraboles, de visions, ou de choses semblables groupées ensemble comme le sont celles-là, il y a d’ordinaire, pour ne pas dire invariablement, une ligne de démarcation entre celles qui commencent avec une portée générale, et celles dont l’application devient plus spéciale et plus restreinte à mesure que nous approchons du terme. Cela est vrai d’une manière frappante de ces épîtres apocalyptiques, dont les quatre dernières séparent les vainqueurs de la masse infidèle qui les entoure. En un mot, la formation d’un résidu fidèle, qui d’abord n’était, je suppose, séparé que d’une manière morale du corps qui portait le nom du Seigneur, maintenant, hélas ! contrairement à la vérité, devient de plus en plus nette. En Thyatire, il semble que l’Esprit de Dieu rend ce principe clair et pleinement manifeste, comme il apparaîtra désormais.

Le Seigneur Jésus se présente ici dans Son caractère de Fils de Dieu, suivi d’une description empruntée généralement à la vision que l’apôtre avait vue dans le chapitre 1. « Écris aussi à l’ange de l’assemblée qui est à Thyatire : le Fils de Dieu qui a ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l’airain très luisant, dit ces choses » (v. 18).

Si nous nous reportons à ce que les Écritures disent du Seigneur Jésus ainsi considéré, deux choses nous frappent plus particulièrement. Comme Fils de Dieu, Il est la source de la vie, et Celui qui la donne souverainement (Jean 5). La vie que nous tirons par la foi (car celui qui croit a la vie éternelle) du Seigneur Jésus Christ, est la vie dans une efficace telle que les corps mêmes de ceux qui la possèdent en Lui, sortiront des sépulcres en résurrection de vie ; tandis que les autres qui ne l’ont pas en doivent sortir en résurrection de jugement (Jean 5, 28, 29). Dans la résurrection de jugement nul ne saurait être sauvé. Nul chrétien ne paraîtra devant le tribunal de Christ comme un criminel qui va être jugé. Tous les chrétiens y comparaîtront (comme il faut que tous les hommes y comparaissent) ; mais le résultat devant le monde sera, nonobstant en certains cas la perte de leur récompense, leur glorieuse manifestation comme hommes justifiés. Mais s’il s’agissait pour vous ou pour moi de comparaître afin de voir si nous sommes justes, et si nous pouvons échapper ainsi à la condamnation, pourrait-il y avoir pour nous un rayon d’espérance ? Malgré cela, il ne saurait jamais y avoir, ou du moins il ne devrait jamais y avoir un doute à l’égard du salut absolu de ceux qui ont la vie dans le Fils de Dieu et par Lui. Le tribunal de Christ les manifestera clairement comme des personnes justifiées ; mais nous n’avons pas à attendre notre comparution devant le tribunal pour savoir que nous sommes justifiés : nous déshonorons la grâce de Dieu et l’œuvre de Son Fils, en ne sachant pas maintenant ce « dont le Saint Esprit nous est aussi un témoignage ». La foi possède dès à présent et ici-bas un droit divin à une pleine justification, conformément à la valeur et à l’acceptation du Seigneur Jésus aux yeux de Dieu.

Ceci m’amène à la seconde des choses auxquelles j’ai fait allusion comme se rattachant au « Fils de Dieu ». Il donne la liberté aussi bien que la vie. « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres » (Jean 8, 36). Ce sont là les deux grands aspects de la bénédiction qui caractérise Jésus comme Fils de Dieu. Il procure non pas seulement la vie, mais aussi la liberté. Non pas qu’elles aillent ensemble toujours ou nécessairement : car, comme on l’observe trop souvent, un homme peut posséder la vie spirituelle, et néanmoins être dans un triste esclavage. C’est aussi ce que nous pouvons voir, en Romains 7. Une personne convertie possède la vie, mais peut être en même temps le plus misérable des hommes pour ce qui regarde son expérience propre. « Misérable homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? ». Nous trouvons au chapitre 8 la réponse de la grâce. « Car la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort ». Maintenant, la liberté va avec la vie du Fils de Dieu ; car Il est le Seigneur ressuscité qui mourut pour moi et m’affranchit de tous les droits de la loi et de toute autre chose qui pouvait faire obstacle à ma bénédiction. Le serviteur ne demeure pas toujours dans la maison ; il peut recevoir avis de la quitter ; mais pareille chose n’arrive jamais au fils. Et c’est à ce titre, comme fils, que Dieu nous place dans Sa maison, dans une position de pleine et sainte liberté.

Quel titre propre à faire réfléchir sérieusement, mais combien précieux, le Seigneur eut à prendre là, surtout si ce n’était pas seulement les besoins d’alors de l’assemblée de Thyatire qui occupaient Son cœur, mais s’Il se représentait, en outre, cet état d’éloignement de la vérité, et même ces profondeurs de Satan, qui caractérisèrent les siècles du Moyen-Âge ! À Éphèse, lorsque les apôtres avaient presque tous disparu du monde, déclin du premier amour ; à Smyrne, la persécution de la part des pouvoirs païens ; puis à Pergame, ce qui est évidemment signalé, c’est l’époque où le christianisme obtint la prépondérance dans le monde, et où par conséquent l’Église consomma et ratifia la perte de sa sainte et céleste séparation sur la terre. La puissance du monde ne remporta jamais de plus grande victoire que lorsqu’elle fut vaincue extérieurement par la croix, lorsque le monde romain fut traité comme né de Dieu, simplement en vertu de la profession du nom de Christ dans le baptême, lorsque, en un mot, devant le soleil levant de la chrétienté tomba en apparence le paganisme, mais en réalité le christianisme. Il se peut que, sous bien des rapports, cet événement ait été une grâce pour le genre humain, comme certainement il a été le plus grave qui se soit accompli dans le gouvernement du monde depuis le déluge ; mais qui pourrait estimer la perte que firent les saints et le déshonneur qui rejaillit sur leur Seigneur, lorsque le corps chrétien échangea la position, dans laquelle il est appelé maintenant à souffrir en grâce, en attendant d’être dans la gloire avec Christ à Sa venue, contre une position actuelle d’autorité dans le monde, et même sur le monde ? Avec Thyatire, nous arrivons à une période encore plus sombre — conséquence naturelle de la jouissance pour un peu de temps de ces plaisirs du péché. Quand l’empire se rangea sous la profession chrétienne et revêtit magnifiquement la croix de la splendeur de l’or, il en résulta non seulement que les enfants de Dieu furent comblés de cavernes et de faveurs, au lieu d’avoir à errer, vêtus de peaux de brebis et de chèvres, ou à se cacher dans les cavernes et les trous de la terre, mais que leurs ennemis furent inévitablement attirés, que l’état moral dont Balaam est l’expression se développa et l’homme courut avidement après l’erreur pour une récompense. Mais l’état de choses qui a son symbole dans Jésabel est pire encore que celui-là et typifie d’une manière frappante la sanguinaire et idolâtre prophétesse qui chercha à être la maîtresse universelle dans les siècles de ténèbres, comme on les appelle, et qui certes étaient bien ténébreux en effet. C’est de cet état de choses que l’église de Thyatire était d’avance, je crois, la remarquable figure.

Mais le Seigneur aime à louer tout ce qu’Il peut, et c’est dans une sombre époque qu’Il prend plaisir à pouvoir donner Son approbation à quelque chose. « Je connais tes œuvres, et ton amour, et ta foi, et ton service (car tel est l’ordre véritable), et ta patience, et que tes dernières œuvres surpassent les premières » (v. 19). « Mais j’ai contre toi, que tu laisses faire à la femme Jésabel qui se dit prophétesse, et enseigne, et égare mes esclaves, en les entraînant à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles ». Ainsi, il y avait beaucoup d’énergie, et un esprit de service dévoué ; mais en même temps, le mal le plus grave menaçait l’assemblée de Thyatire et déjà alors était à l’œuvre.

Quand Jésabel était assise en reine en Israël, la ruine et la confusion se trouvaient partout ; mais le Seigneur ne laissa pas de se susciter à Lui-même un témoignage convenable. C’est alors que nous trouvons un Élie et un Élisée, et même un autre témoin là où naturellement on pouvait le moins s’y attendre, dans la maison même où le mal régnait en souverain : quelqu’un qui cacha dans une retraite et nourrit les prophètes du Seigneur persécutés par Jésabel. Comme le Nouveau Testament nous montre des saints dans la maison de César, de la même manière précisément il y eut jadis un Abdias qui craignait fort l’Éternel, établi sur la maison d’Achab « qui s’était vendu pour faire ce qui déplaît à l’Éternel, selon que sa femme Jésabel l’induisait ». C’est aussi alors qu’il y eut ce résidu de sept mille qui n’avait pas fléchi le genou devant Baal. Sans doute que le Seigneur eût dit de ce résidu ce que nous lisons dans l’épître à Thyatire : « Tes dernières œuvres surpassent les premières ». La méchanceté de ceux qui entouraient ces fidèles ne faisait que rendre leur fidélité plus précieuse au Seigneur ; et peut-être, pouvons-nous ajouter, les loue-t-Il davantage que s’ils avaient vécu dans des jours moins difficiles : précisément de la même manière que, d’un autre côté, il ne peut pas ne pas traiter plus sévèrement le mal commis dans un temps spécial de lumière et de grâce. Que d’Ananias et de Sapphira il y a eu depuis les jours de la Pentecôte qui n’ont pas été visités d’une manière aussi ouverte et avec aussi peu de ménagements que lorsque une grande grâce reposait sur tous ! C’est là une pensée encourageante pour nous qui nous savons exposés, non pas, il est vrai, à l’orage de la persécution, mais à une saison bien plus périlleuse. Il n’y a jamais eu de temps où l’homme ait eu meilleure opinion de lui-même, et c’est là un péché d’autant plus grave que le témoignage de la vérité de Dieu au fait opposé a été répandu au loin de toute part. Je ne nie pas qu’il se fait aujourd’hui de grands efforts parmi les chrétiens. Mais « l’obéissance vaut mieux que le sacrifice, et se rendre attentif vaut mieux que la graisse des moutons » ; et jamais il n’y a eu moins de soumission à la volonté de Dieu qu’en ce temps-ci. L’esprit d’association est très répandu, et cela sonne bien ; on prend beaucoup conseil ensemble ; mais faire alliance est une chose, et s’appliquer à garder l’unité de l’Esprit en est une autre bien différente. Et voici ce que le Seigneur déclare : « Je regarderai à celui qui est affligé, et qui a l’esprit brisé, et qui tremble à ma parole ». Ce qui est réellement important pour les chrétiens, ce n’est point de se trouver ensemble, seraient-ils même tous les chrétiens, mais d’être ensemble dans la voie du Seigneur, et n’ayant pour but que la gloire du Seigneur, « seule chose » qu’ils aient à faire. N’y en eut-il que deux ou trois réunis ainsi en Son nom, Il nous a assuré Lui-même que Sa présence et Sa bénédiction seraient là, malgré toutes les apparences contraires ; tandis que lors même que nous nous trouverions ensemble deux ou trois mille, si ce n’était pas en obéissance immédiate au Seigneur Jésus, nous ne recueillerions en définitive que la douleur et la honte, quoiqu’il eût put sembler un temps. Si nous cherchons à plaire aux hommes nous ne saurions être serviteurs de Christ.

C’est donc, à ce qu’il me paraît, au moment où le Seigneur a devant Ses yeux l’état d’une église qui pouvait bien préfigurer le sombre développement d’un jour à venir (durant lequel les saints seraient dans un grand esclavage et où une action complètement étrangère s’exercerait au milieu d’eux, les persécutant, tandis que l’autorité de Christ serait nulle dans la pratique), c’est, dis-je, à un pareil moment, que le Seigneur met en avant Son titre de « Fils de Dieu » dont les yeux étaient comme une flamme de feu et les pieds comme de l’airain très luisant. Jadis Pierre L’avait confessé pour le Christ, le Fils du Dieu vivant ; et là-dessus, immédiatement après l’avoir déclaré bienheureux et l’avoir solennellement nommé du nom nouveau qu’Il lui avait donné, le Seigneur ajoute : « Sur ce rocher je bâtirai mon assemblée ». Maintenant hélas ! le Seigneur anticipe le jour où l’église professante perdrait l’équilibre et se mettrait virtuellement à Sa propre place à Lui, alléguant que c’était elle, la dame, et non pas Lui, le Seigneur, qui devait être écoutée dans les matières de foi. En conséquence, nous Le voyons ici revendiquer Sa gloire personnelle et les attributs de Son jugement inflexible et qui scrute tout, pensée sérieuse mais consolante pour ceux des siens qui se trouveraient au milieu de cette triste confusion, et parfaite ressource que leur procurait Sa sagesse pour les délivrer de ce qui allait s’établir, ou était déjà établi. C’est aussi de la même manière que Sa promesse (v. 26, 27) devait les préserver de rechercher un royaume actuel, un soi-disant millénium spirituel sans Christ, où ils auraient soit la liberté de jouir du monde, soit même le droit de le gouverner.

Dans l’église de Thyatire il se trouvait des personnes fidèles, aimantes et zélées particulièrement pour les bonnes œuvres ; mais il y avait aussi cette tache terrible, qu’on y souffrait « cette femme Jésabel ». Jésabel, comme nous l’apprenons ici, était une fausse prophétesse qui enseignait et induisait les serviteurs de Christ à commettre fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles. C’était pire que l’iniquité de celui qui aima le salaire d’injustice, un pas plus en avant même dans la voie de Balaam. « Et je lui ai donné du temps afin qu’elle se repentît, et elle ne veut pas se repentir de sa prostitution. Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande affliction, s’ils ne se repentent de ses œuvres ; et je ferai mourir de mort ses enfants ; et toutes les assemblées connaîtront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous donnerai à chacun selon vos œuvres » (v. 21-23).

Que pouvait-il y avoir de plus abominable que le mal que nous voyons ici ? Jésabel, comme c’était connu de tous, ajouta la violence à la corruption, fut la conseillère du meurtre, l’active ennemie de tous les témoins de Dieu, la protectrice en public et en particulier des prêtres des idoles et des prophètes de Baal. Et maintenant, il y avait dans Thyatire ce qui, au yeux du Seigneur, figurait la sombre et cruelle idolâtrie qui devait être expressément enseignée et imposée par une prétendue autorité infaillible au sein de l’église professante. Même à ce moment-là le germe actuellement existant ne pouvait être caché à Celui dont les yeux étaient comme une flamme de feu. Jésabel était là, et « ses enfants » aussi. C’était une source de mal profonde et permanente. Mais le jugement qui devait la frapper, elle et toute sa race, était sévère quoiqu’il pût paraître avoir tardé. Le Seigneur discerne divers degrés de relation avec le mal ; mais aucun ne resterait impuni.

Les mots « quelque peu de chose », au verset 20, doivent disparaître. Il ne s’agissait pas d’un petit sujet de plainte, mais bien d’un qui était d’une gravité et d’une complication extraordinaires. Cette phrase se glissa là du verset 14, je pense, et il se trouve d’ailleurs entre les deux versets assez de ressemblance pour qu’un copiste ait eu l’idée de leur complète assimilation. Mais un examen plus attentif montre, ainsi que nous l’avons vu, que la différence entre eux est grande, surtout si nous devons lire « ta femme Jésabel ». Le péché de fornication ou d’adultère est ici le symbole de ce commerce impie avec le monde qui, pour le chrétien ou pour l’Église, est une relation analogue à celle qu’aurait constitué pour un Israélite le mariage avec une Cananéenne. L’action de manger des choses sacrifiées aux idoles montre la communion avec ce qui se rattachait directement à la puissance de Satan ; « car les choses que les nations sacrifient, elles les sacrifient à des démons et non pas à Dieu ». Et c’est une chose facile d’avoir communion avec les démons, quoique les hommes y attachent peu d’importance et que les chrétiens jugent sainement de son énormité.

Outre celle qui était le principal instrument de la corruption et la source du mal, il est fait mention de deux classes de personnes qui étaient positivement coupables : les serviteurs de Christ qu’elle induisait à un commerce criminel avec le monde, et ceux qui étaient la postérité directe de Jésabel, « ses enfants ». Le Seigneur en agirait avec chacun selon ses œuvres. Il était le juste juge, et il faut que l’homme, comme tel, soit jugé, et que tous, saints ou pécheurs, soient manifestés devant Son tribunal. Combien n’est-il pas remarquable cependant que le Seigneur évite de dire que les saints seront jugés. « Je vous donnerai à chacun », dit-Il, « selon vos œuvres ». Il en est de même au chapitre 22, 12, et bien d’autres passages semblables. D’un côté, il nous est déclaré positivement que le croyant ne viendra pas en jugement (car, Jean 5, 24 signifie jugement et non pas « condamnation », quoique certainement tel en doive être le résultat). De l’autre côté, nous savons par Apocalypse 20, 12, 13, que les prêchants doivent se trouver devant le trône, et là, être jugés selon leurs œuvres. Leur résurrection est une résurrection de jugement (et en effet de condamnation) en contraste avec celle des justes qui est une résurrection de vie. Ainsi, il est certain que si je suis jugé pour le salut ou pour la perdition, conformément à ce que mes œuvres méritent, il faut que je sois perdu, car j’ai péché et j’ai le péché ; néanmoins, il est également sûr que le Seigneur n’est point injuste pour oublier l’œuvre et le travail de l’amour, et ainsi Il donnera à chacun selon ses œuvres. Christ Lui-même, l’amour de Christ, est le seul bon motif d’un chrétien en quoi que ce soit, mais il y a des récompenses pour ceux qui ont souffert pour Christ, ou qui ont été chassés pour la justice ou pour le nom de Jésus.

Le résidu apparaît avec une grande clarté dans le verset qui suit : « Mais je vous dis à vous, savoir, aux autres (litt. au reste, au résidu), qui sont à Thyatire » (v. 24), paroles qui nous montrent quelques fidèles, qui sont appelés « les autres », le reste, distingués de la masse dans Thyatire. Le Seigneur avait parlé de Ses serviteurs qui avaient été induits à jouer avec le mal de Jésabel, et des propres enfants de cette méchante femme, classe pour laquelle il n’y avait aucune miséricorde à attendre de Lui. Puis Il s’adresse à une autre classe, le résidu : « Je vous dis à vous, les autres (le reste) ». Le corps extérieur corrompu continue, et il y a un résidu que désormais le Seigneur avait particulièrement en vue. Il les suppose ignorants, peut-être, et dit seulement « autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan (comme ils disent), je ne mets pas sur vous d’autre charge, mais seulement tenez ferme ce que vous avez, jusqu’à ce que je vienne » (v. 24, 25). Tout cela n’était peut-être que négatif, mais ils s’étaient gardés purs de ce mal, et en tenant ferme le peu qu’ils avaient, ils auraient sûrement leur récompense à la venue du Seigneur. Dans ces siècles de ténèbres, il y eut des personnes qui souffrirent pour Christ et qui Lui rendirent témoignage. Tels furent les Albigeois et les Vaudois ; et je considère la phrase : « vous, les autres, qui êtes dans Thyatire », comme se rapportant à ces diverses associations persécutées qui retinrent avec force ce qu’elles avaient reçu de Dieu. Elles ne possédaient pas de grandes connaissances, mais elles étaient un résidu séparé et souffrant du mal répandu autour d’elles, du mal de Jésabel. La consolation qui leur est présentée ne consiste pas dans quelque promesse d’amélioration dans l’état de l’Église, mais bien dans une espérance qui est en dehors de tout sur la terre, savoir la venue personnelle de Christ.

Il ne saurait y avoir en quelques mots une esquisse plus admirable que celle que nous avons ici. Ce n’est pas aussi une chose peu remarquable que le livre de l’Apocalypse ait été autant prisé par ces saints. À la vérité, il en a été toujours plus ou moins ainsi aux époques de persécution : non que ce soit là le meilleur motif, car c’est lorsque le Seigneur amène Son peuple à attendre Son retour que ce livre est le plus apprécié ; mais Sa tendresse pour les siens dans la souffrance en un temps de ténèbres est extrêmement douce au cœur ; et quelle promesse ! — « Et celui qui vaincra et qui gardera mes œuvres jusqu’à la fin, je lui donnerai autorité sur les nations », etc. (v. 26, 27). Ce que l’Église du Moyen-Âge rechercha avec arrogance et méchanceté, les saints qu’elle persécuta ou méprisa doivent néanmoins le posséder lors de la venue et du règne de leur Seigneur, et en conséquence cette venue et ce règne sont présentés ici comme l’objet convenable de leur espérance. L’église coupable ne fut pas plus cruelle envers les véritables saints qu’ambitieuse de puissance sur le monde. Mais il est bon d’attendre la voie et le temps du Seigneur. C’est lorsque la puissance terrestre aura été mise de côté et jugée, que ceux qui ont souffert avec Christ régneront avec Lui. Mais la promesse va plus loin que l’autorité sur les nations, et le pouvoir de les paître avec une verge de fer… selon que Christ aussi a reçu de Son Père. « Et je lui donnerai l’étoile du matin » (v. 28). Ceci est très précieux ; ce n’est pas seulement la promesse d’être associé à Christ au jour de Son pouvoir, où la force des hommes sera brisée comme les vaisseaux d’un potier, mais « de nous réunir ensemble à lui » avant ce jour-là.

Le lever du soleil appelle l’homme à ses laborieuses occupations, mais l’étoile du matin brille pour ceux-là seuls qui ne dorment pas comme les autres, pour ceux qui veillent comme des enfants de lumière et du jour. Sans aucun doute nous serons avec le Seigneur quand le jour de gloire se lèvera sur le monde ; mais l’étoile du matin précède le jour, et Christ ne dit pas seulement : « Je suis… l’étoile brillante du matin » ; mais « je donnerai l’étoile du matin ». Il viendra et recevra Ses saints célestes avant qu’ils soient manifestés avec Lui en gloire. Puissions-nous Lui être fidèles en refusant les aises, les honneurs et le pouvoir du siècle présent ! Puissions-nous Le suivre en portant notre croix et en renonçant chaque jour à nous-mêmes. Il ne nous oubliera pas lors de Son jour, et avant de venir, Il nous donnera l’étoile du matin.

Chapitre 3

Versets 1-6. — Tout lecteur intelligent doit s’apercevoir, je pense, que nous entrons avec ce chapitre dans un ordre de choses complètement nouveau, ou du moins que c’est une espèce de nouveau point de départ. Il est vrai que les traits que nous avons signalés dans le chapitre qui précède peuvent exister encore et être constatés en même temps que ceux qui sont révélés ici. Il se peut, par exemple, que ce qui caractérisait l’église d’Éphèse, l’abandon du premier amour, continue encore. Partout où il y a persécution de la part des puissances du monde, l’épître à Smyrne peut avoir son application. De même Pergame se trouve partout où Satan cherche à séduire l’Église par l’amour du gain ; et là où existent les maux d’une corruption plus avancée, de l’idolâtrie et de la persécution intérieure, c’est Thyatire que vous avez. Mais quoique tous ces divers états puissent se présenter dans un temps ou dans un autre, et même coexister à un moment donné, ce n’en est pas moins une condition différente qui nous est présentée en Sardes, et une condition qui répond à l’état général du protestantisme après la Réformation. Ce n’est plus un mal aussi manifeste, comme l’idolâtrie ou les autres horreurs décrites précédemment : mais ce qui s’offre désormais à nos yeux était un état de choses de formes extérieures et plus régulières et d’un aspect orthodoxe. Comme les quatre églises du chapitre deuxième font suite l’une à l’autre et décrivent ce qui a existé avant l’apparition de Luther, à son tour Sardes décrit ce dont la Réformation fut suivie, lorsque le feu et la terreur de la vérité et la première fraîcheur de la bénédiction eurent passé et qu’un froid formalisme se fût établi. La manière dont le Seigneur se présente est merveilleusement appropriée à un état pareil. « Celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles dit ces choses ». Cette expression « les sept esprits de Dieu » a trait à la plénitude de puissance de l’Esprit de Dieu considéré dans Ses diverses perfections, et dans les diverses voies dans lesquelles Il opère, non seulement dans l’Église, mais aussi envers le monde. Au chapitre 5, lorsque tout ce qui concerne les églises est fini, le Seigneur Jésus est représenté d’une manière symbolique comme un agneau immolé, ayant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés sur toute la terre — le Saint Esprit en tant qu’agissant en vue du gouvernement de la terre. Ce n’est point le Saint Esprit dans toute la plénitude de la bénédiction dans laquelle Il a introduit l’Église dans son unité. Mais quelle que fût la condition de l’Église, le Seigneur Jésus était Celui qui avait toute la puissance de l’Esprit de Dieu, et c’est Lui seulement qui possède toute l’autorité extérieure. Il n’y a pas eu deux choses plus séparées que celles-là au temps de la Réformation. Il y avait à cette époque un vaste corps se nommant l’église, qui réclamait le pouvoir de décider de tout en qualité d’épouse de Christ ; et on mettait aussi fortement en avant la prétention à l’infaillibilité, parce que ceux qui prétendaient au droit absolu comme vicaires de Christ de régler les affaires de l’Église, de décréter la doctrine, etc., devaient naturellement être infaillibles. Ce corps avait été à l’œuvre pendant des siècles, attirant le pouvoir à lui ; mais à la fin la lutte s’engagea, et il fut démontré que c’était le plus grand assemblage de mal contre Dieu et contre Son Fils, qu’il y eût eu jamais sur la terre. Il a pu, dans les jours les plus mauvais, renfermer dans son sein de véritables saints de Dieu, et quelques-uns, tels que Cyprien, ont même, je pense, contribué à lui faire obtenir cette fausse position d’autorité : saint Bernard, par exemple, sanctionna la persécution des Vaudois. Mais il est bon de se souvenir qu’il ne saurait y avoir de séduction plus grande que de demeurer dans une position mauvaise, parce que nous y trouvons de véritables saints de Dieu ; car la grande visée de Satan est d’obtenir que les personnes pieuses fassent de mauvaises choses. Quand, à la fin, la crise arriva et qu’une certaine partie du monde se souleva contre ce mal horrible, on sépara la pensée de l’autorité ecclésiastique de celle de la puissance spirituelle. Au lieu d’un corps qui les réclamait l’une et l’autre, le désordre se mit partout, et on se soumit au pouvoir du monde pour s’affranchir de la domination du pape.

Le protestantisme eut donc toujours tort dès le début sur la question ecclésiastique, parce qu’il considéra le pouvoir civil comme revêtu de l’autorité ecclésiastique ; en sorte que si, sous la papauté, le gouvernement du monde avait appartenu à l’Église, le monde devint désormais dans le protestantisme le gouverneur de l’Église. Il ne s’agit point de la question de l’état et de l’Église, question beaucoup trop étroite et trop basse pour qu’un chrétien la discute. La grande affaire pour lui est de se trouver dans le sentier de Christ, en Lui donnant gloire. « Je connais tes œuvres, que tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Ces paroles ne sont autre chose que la description des institutions religieuses extérieures qui furent l’effet de la Réformation parmi ceux qui n’étaient pas réellement chrétiens. Le Seigneur Jésus signale ce qu’Il désapprouve dans le protestantisme.

Dans les pays protestants, il y a eu toujours une certaine mesure de liberté de conscience. Mais le but de Dieu n’est pas simplement que l’âme soit délivrée de maux grossiers ou de petits détails ; c’est qu’elle garde vis-à-vis de Dieu la position convenable, et qu’elle laisse au Seigneur Sa gloire et Sa voie — la liberté d’opérer par le Saint Esprit, conformément à Sa volonté. Quand Il a la place qui Lui appartient, le fruit précieux de ce fait en amour et sainte liberté le fait sentir d’une manière bénie. Ce dont nous avons besoin, c’est la liberté du Saint Esprit, et non une liberté humaine provenant des autorités du monde, quoique Dieu nous garde de dire un mot contre les autorités qui existent et qui agissent dans leur sphère. C’est le péché des chrétiens de les avoir mises dans une fausse position. Le Seigneur Jésus touche au fond même de toute l’affaire dans la manière dont Il se présente à l’église de Sardes. Qu’il s’agisse de la puissance spirituelle ou de l’autorité extérieure qui en découle, le Seigneur la revendique toute comme Lui appartenant. Nous avons vu dans la lettre à Éphèse qu’Il tenait les sept étoiles dans Sa main droite, mais ici les deux choses sont réunies, la puissance spirituelle intérieure et l’autorité extérieure. Il a les Esprits de Dieu et les étoiles. Il n’est pas dit ici qu’Il tient les étoiles dans Sa main droite, mais qu’elles sont à Lui, aussi bien que la plénitude de la capacité spirituelle.

Dans la plus grande partie des églises protestantes, on a laissé, pour ainsi dire, les sept étoiles dans les mains des puissances qui existent. D’un autre côté, ceux qui se révoltaient contre ce mal tombaient dans le mal non moins triste de traiter l’Église comme si c’était elle qui avait les sept étoiles sous sa garde. L’Écriture ne renferme absolument rien à l’appui de la doctrine d’après laquelle soit le monde, soit l’Église aurait en ses mains cette sorte d’autorité. Le Seigneur Jésus la possède encore tout entière. Il ne l’a point abandonnée, et la seule chose qu’il faille, c’est que l’Église reconnaisse ce qu’Il est, et Il agira en conséquence. Quand il y aura la foi pour Le reconnaître dans Sa place de Tête de l’Église, Il fournira assurément à tous les besoins. S’Il prête l’oreille au plus faible cri de Son agneau, n’entrera-t-il pas dans les besoins les plus pressants de l’Église, qui est toujours Son objet de prédilection ? Ce n’est que dans la gloire céleste qu’Il a pris Son caractère de Chef de l’Église, et Il est là non pas seulement pour être Chef, mais afin d’agir comme tel. Or, en quoi consiste Sa fonction de chef de l’Église ? Il exerce l’autorité en ayant des personnes pour agir sous Lui ici-bas, et le résultat en est l’existence du gouvernement et des dons dans l’Église de Dieu, choses qui ne sont point atteintes par l’état de ruine de l’Église. En prévision du temps où on secouerait l’autorité illégitime du corps qui s’appelait l’Église, et de toute la confusion qui suivait, le Seigneur se présente comme Celui qui est au-dessus de tout cela. Quelle que puisse être ici la condition des choses, la force est en Christ ; et nous la trouverons en regardant non à l’état de l’Église, mais à Christ.

Lorsque les apôtres étaient ici-bas, ils étaient autorisés à agir pour Christ d’une manière toute spéciale ; mais après leur départ, la source réelle de l’autorité en vertu de laquelle ils avaient agi, subordonnés à Christ, ne fut point tarie ; le Seigneur Jésus l’a encore tout entière sous Sa garde. Il y avait à Sardes le nom de vivre, mais en réalité c’était la mort. C’est de leur condition en tant que corps et non comme individus que parlait le Seigneur. « Sois vigilant, et affermis ce qui reste encore qui s’en va mourir, car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites (complètes) devant mon Dieu ». Là encore, nous avons un trait frappant de ce qui eut lieu dans le protestantisme. Dans le désir d’éviter l’abus que le système romain avait fait des œuvres, les chrétiens ne leur donnèrent évidemment pas dans leurs pensées la place qui leur est due chez ceux qui ont été amenés à Dieu, car Dieu attend des siens une marche toute particulière et très séparée de celle que les autres suivent ; ce qu’Il reproche à Sardes, c’est d’avoir manqué en cela. Les saints de Dieu, même à Thyatire, étaient approuvés de Dieu pour leur zèle, nonobstant tout le mal qui était là. Leurs dernières œuvres surpassaient les premières. Le protestantisme a affaibli l’idée de l’obéissance sous le prétexte qu’on ne saurait trouver « la perfection » soit dans l’Église, soit dans l’individu. Aussi, partout où le protestantisme a prévalu, le niveau des œuvres a-t-il été considérablement abaissé ; mais notre Dieu entend que Ses enfants prennent la perfection pour la mesure d’après laquelle ils doivent se juger — je ne dis pas qu’ils doivent atteindre. Il y a en Lui la grâce pour remédier aux fautes ; mais c’est tout autre chose de s’arrêter bas en partant, parce qu’on n’a pas devant les yeux le niveau divin. Le Seigneur en revient toujours à cela.

Il vaut mieux, en cherchant à avoir ce niveau devant nous, faillir à le réaliser, que de réussir toujours, si nous l’avons abandonné. Car qu’est-ce que le Seigneur estime le plus, sinon un cœur qui a besoin de Lui plaire ? Supposez un enfant qui vienne à son père et lui dise : « Vois quelle jolie chose j’ai faite » ; si son père lui avait commandé de faire quelque chose de différent, ne lui dirait-il pas : « Est-ce ce que je voulais que tu fisses ? ». Le Seigneur a Sa volonté, et c’est elle qui pourvoit à nos premiers besoins, et qui est la source même de notre salut. Mais elle est bien loin de la pensée naturelle du cœur qui n’aime pas de se soumettre à la volonté d’un autre, disposition qui n’est rien moins qu’une partie du mensonge de l’ennemi. C’est évidemment la volonté de Dieu qui a accompli notre sanctification par Celui qui a dit : « Voici, je viens pour faire ta volonté ». En Romains 10, l’apôtre met la manière dont nous avons part à la chose en contraste avec les sentiments des Juifs. Leur pensée était que s’ils accomplissaient tout ce qu’ils pouvaient de la loi, Dieu était miséricordieux et accomplirait le reste : mais l’apôtre fait voir que le salut se trouve dans la soumission à la justice de Dieu. La volonté de Dieu est la source même et la puissance de notre bénédiction, non seulement en matière de pardon, mais tout le long du chemin. Prenez les voies de Dieu dans l’Église. Ce sont là les sujets qui furent particulièrement négligés par la Réformation. La vérité, quant à ce qui concerne l’individu, telle que la justification par la foi, fut proclamée avec force et sur une large échelle ; mais elle devint le grand sujet que l’ont eut en vue, et la conséquence fut que les gens ne surent jamais qu’ils étaient entièrement justifiés. Du moment que je fais de ma bénédiction l’unique ou la principale chose que je cherche dans la Bible, je ne connaîtrai jamais rien comme il faut ; mais si ce sont les pensées de Dieu, ce qu’Il a en vue que je recherche, je saurai aussitôt que je suis certes sauvé et béni. Je ne puis regarder à la croix de Christ sans voir en même temps ma complète ruine et ma parfaite délivrance. Tant qu’un homme doute d’être aussi mauvais que Dieu le déclare, il aura à attendre avant de jouir des richesses de Sa grâce ; mais si je m’abandonne sans hésiter entre les mains de Dieu, il n’y a pas une bénédiction qui ne coule pour moi. Nous nous voyons aussi mauvais ou pires qu’Israël, et nous sommes placés alors dans un cercle de bonté et de miséricorde supérieure à tout ce qu’Israël ait jamais possédé.

À la Réformation, tout cela fut comparativement perdu de vue ; et en se dégageant du terrible filet du papisme, on tomba dans le péché de placer la puissance ecclésiastique entre les mains de l’autorité civile. D’un autre côté, d’autres qui évitaient ce mal, firent de ce qu’ils regardaient comme une véritable église, le dépositaire de cette puissance ; tandis que c’est Christ Lui-même opérant encore par le Saint Esprit, qui maintient Sa seigneurie, vérité qui est enseignée au long dans les épîtres. En supposant que quelqu’un agit comme pasteur ou comme docteur, par quelle autorité doit-il le faire ? Tandis que ceux qui devaient veiller aux affaires locales étaient établis dans leur office par les hommes ; jamais, dès le commencement, il n’a rien existé de semblable partout où il s’agissait de ministère spirituel. Même, quand il fut question de choisir un successeur au siège vacant de Judas, les apôtres ne firent pas le choix eux-mêmes ; ils le remirent de leurs propres mains dans celles du Seigneur (Act. 1). Et lorsque plus tard le Seigneur choisit un autre apôtre, nous trouvons, il est vrai, « un Ananias » envoyé pour le baptiser, mais rien absolument de nature à suggérer la pensée que Ananias ou toute autre personne l’ait fait apôtre. Dans ce qui est dit plus loin (Act. 13) de l’imposition des mains aux apôtres Paul et Barnabas, il ne s’agissait point de donner des ordres ou une mission ; car ce fut fait par des hommes qui leur étaient inférieurs sous le rapport des dons et de la puissance spirituelle ; mais c’était tout simplement un acte par lequel leurs frères les recommandaient au Seigneur avant leur départ pour un voyage missionnaire particulier vers les Gentils. Nous sommes en droit d’attendre que le Seigneur conserve Son autorité dans l’Église. Dans tous les âges, nous Le voyons secourir Ses bien-aimés et faire Son œuvre par Ses serviteurs. Quand quelqu’un éprouve le besoin de prêcher, il pense naturellement qu’il lui faut une autorisation ; mais si nous recourons à quelque autorité, il faut que ce soit à l’autorité compétente. Et quoiqu’il puisse se trouver un caractère fort respectable selon le monde, là où se trouvent ces titres extérieurs, cette question s’élève toujours : le Seigneur a-t-Il voulu qu’une autorisation fût nécessaire à quelqu’un pour pouvoir prêcher dûment l’évangile ? Les apôtres établissaient des anciens et des diacres ; mais ces personnes pouvaient être prédicateurs et docteurs, ou ne l’être pas ; leur office d’ancien ou de diacre était tout autre chose. Philippe fut un prédicateur de l’évangile, mais ce fut parce qu’il possédait un don de la part de Christ comme Chef de l’Église, et non point parce qu’il était un des « sept ». On s’est habitué à l’abandon des principes de Dieu ; et on appelle cette manière d’agir « l’ordre », parce que c’est la coutume qui prévaut aujourd’hui dans l’église professante. Et c’est ainsi que lorsque nous abandonnons les vrais principes, nous n’avons qu’une mauvaise pratique. Le Seigneur attache une grande importance à ce que nous Le reconnaissions comme Celui qui a dans Ses mains toute la puissance et toute l’autorité. Du moment que je reconnais cela, cela oblige ma conscience. Si je sais qu’une chose est mauvaise, ma conscience est liée : il se peut que je ne sois pas en état de voir tout de suite quel est le droit chemin à prendre ; mais le premier pas est évidemment de se retirer de ce qui est mal, et ceci est d’obligation positive.

La liaison entre la fin du deuxième verset (« je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu ») et ce qui suit (« souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu » etc.) est extrêmement douce. Le Seigneur leur rappelle ce qu’ils avaient reçu de Dieu Lui-même au commencement. Loin de nous la pensée que parce que les choses ne sont point comme elles étaient alors, toute église a le droit de se gouverner comme elle l’entend. Ce serait une véritable rébellion de prétendre que, parce que la reine ne demeure pas en Irlande, les Irlandais sont maîtres de se donner telles lois qu’ils voudront ; de même il est aussi mauvais ou pire de penser que puisque les choses sont changées, que les apôtres n’y sont plus, et que la confusion est survenue dans l’Église, les gens sont libres d’abandonner la Parole de Christ et d’accomplir leur propre volonté : le Seigneur nous a laissé la sienne. La Parole même de Dieu qui m’annonce ce que j’étais autrefois, mais que je suis lavé, sanctifié, et justifié au nom du Seigneur Jésus et par l’esprit de notre Dieu, cette même portion de la Parole entre dans toutes les questions relatives à l’Assemblée et à la manière dont le Saint Esprit opère en elle par qui Il veut (1 Corinthiens). Il est possible qu’il n’y ait point de langues, de dons de miracles, ni de guérisons ; mais le Saint Esprit est-Il ici ? Ce qu’Il continue de faire, Il le fait conformément au même principe, et en vertu de Sa même présence qu’au commencement, quoique ce soit dans une mesure de puissance bien différente.

Remarquez aussi, qu’il est parlé de la venue du Seigneur comme d’un sujet de menace pour le monde. « Si donc tu ne veilles pas, je viendrai sur toi comme un larron », etc. (v. 3). Il viendrait sur eux quand ils ne s’y attendraient pas — subitement et pour leur malheur. Ils s’étaient unis au monde et ils devaient prendre garde d’avoir la même portion que le monde. Si vous avez choisi les aises du monde, vous avez à redouter le même jugement que lui. Ce n’est pas dans ce sens que le Seigneur parle à l’Église de Sa venue. C’est, en réalité et dans toute l’étendue des termes, sur la masse professante et non sur les véritables croyants, que le Seigneur viendra comme un larron. « Toutefois tu as quelques noms à Sardes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ; et ils marcheront avec moi en vêtements blancs, car ils en sont dignes. Celui qui vaincra, celui-là sera vêtu de vêtements blancs » (v. 4, 5). Le Seigneur leur présente cette douce consolation, que comme ils avaient cherché à agir fidèlement sur la terre, ils marcheraient avec Lui en vêtements blancs. Comme ici-bas ils avaient marché dans la pureté, ils apparaîtraient en haut devant Dieu dans la pleine justification de leurs voies. Mais il n’est question en cela que des individus : l’état de l’église considérée comme un tout était évidemment mauvais. Dès qu’on s’est convaincu que l’association dont on fait partie est contraire à la Parole, on devrait sentir ce qui est dû au Seigneur et y avoir égard. Il semblerait incroyable, si on ne savait pas qu’il en est ainsi, qu’il y a eu et qu’il y a des hommes de Dieu, guides du troupeau, qui non seulement restent dans le mal dont ils ont connaissance, mais encore lui cherchent un palliatif dans les circonstances d’un juste Asa ou d’un pieux Josaphat, qui cependant n’ôtèrent pas les hauts lieux. Quelle triste chose que les révélations solennelles de Dieu soient ainsi tordues de manière à les faire servir au but de l’ennemi, et qu’un avertissement réitéré soit employé pour la justification du péché. « La lampe du corps c’est l’œil : lors donc que ton œil est simple, tout ton corps aussi est éclairé ; mais lorsqu’il est mauvais ton corps aussi est ténébreux. Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres ». Ce n’est pas assez d’avoir des pensées justes et ensuite d’en rester là ; si le Seigneur a donné un jugement, n’est-ce pas dans le but que nous y conformions notre marche ? Satan cherche à faire paraître bien triste le sentier du Seigneur, comme il colore une marche mondaine d’un semblant d’humilité, d’ordre et de choses semblables. Mais la Parole rend toute chose claire aujourd’hui, comme la puissance le fera dans peu, même pour le monde.

Puissions-nous marcher à présent avec le Seigneur, et sûrement nous marcherons plus tard avec Lui en vêtements blancs ! Au lieu de l’effacer, Il confessera notre nom devant Son Père et les saints anges.

Versets 7-13. — Le ton de l’épître à Philadelphie me semble confirmer l’idée que nous avons émise au sujet de Sardes, que dans cette portion de l’Apocalypse (chap. 3) ce n’est pas tant l’Église primitive, ou celle du Moyen-Âge, qui nous est présentée, que ce qui se passe, ou se développe dans les temps modernes. Ce nouvel état de choses commence par Sardes ; ce n’est pas un mal flagrant qui le caractérise, mais un trait d’une triste et fatale nature — c’est un état de choses négatif. Toute personne sincère qui a mûrement réfléchi sur le protestantisme doit savoir que c’est là la chose affligeante que nous avons à reconnaître, nous qui avons été protestants, et qui par conséquent en partageons la honte. On s’attache trop, au moins d’une manière trop complaisante pour le moi, à certains sujets de controverse qui cachent en grande partie nos besoins et nos fautes propres ; on tire vanité d’être purs de certains maux, tels que la suprématie du pape, l’infaillible autorité de l’église, le culte de la vierge, des saints et des anges, la doctrine de la messe, du purgatoire, etc. Mais en supposant que sur tous ces sujets-là, on soit dans des sentiments parfaitement orthodoxes, on pourrait se trouver dans mille maux d’un autre caractère, et, en dépit de toute orthodoxie extérieure, avoir un cœur tout à fait étranger à l’amour et à la gloire du Seigneur. C’est précisément ce que nous avons vu en Sardes — le nom de vivre, mais néanmoins mort. De même qu’en Israël, lorsque le Seigneur était sur la terre, l’ancienne idolâtrie avait passé, l’esprit immonde avait quitté la maison et n’y était plus retourné ; ainsi l’état de la maison balayée et ornée correspond bien à ce qui suivit la Réformation. Mais il faut distinguer entre cela et l’œuvre que Dieu donna à faire aux réformateurs. Que nul ne parle de manière à déprécier ces hommes, soit Luther, soit les autres ; mais quoique Dieu fût à l’œuvre avec eux dans ce grand mouvement, il eût été meilleur et plus saint qu’ils eussent laissé les gouvernements terrestres aux fonctions qui leur sont propres. Sans doute, leurs protecteurs les garantirent de la persécution et leur assurèrent les honneurs ; mais au lieu d’aider à l’œuvre de Dieu, cela devint un grand obstacle. Et ainsi, lorsque la ferveur du premier zèle eût passé, l’état de choses répondit à l’église de Sardes.

En Philadelphie, nous trouvons quelque chose de tout à fait différent. La première chose qui nous frappe, ce n’est point ce que fait, ou ce qu’a le Seigneur, mais ce que le Seigneur est Lui-même. S’il y a quelque chose qui délivre d’un sec et froid dogmatisme, c’est, je le sens, la personne du Seigneur Jésus apprécié d’une manière toute spéciale. Je le vois dans l’épître à Philadelphie : le Seigneur s’y présente d’une manière plus personnelle que dans aucune autre de Ses épîtres. Il est vrai qu’Il y est dit avoir la clé de David ; mais avant qu’il soit question de cela, Il déclare qu’Il est le saint et le véritable. Le caractère du Seigneur ne se montre pas dans les autres épîtres sous le même point de vue moral. Ce que nous avons ici, c’est, à mon avis, ce que le Seigneur a opéré dans l’Église durant ces dernières années. L’impulsion donnée à l’évangélisation par la dissémination de la Bible et par les travaux missionnaires, a caractérisé l’Église extérieurement ; mais au-dedans l’Esprit s’est servi du sentiment qu’avaient les saints de son état de ruine pour les conduire à la Parole, et par là, à une plus pleine appréciation de la personne de Christ — l’unique objet dans lequel nous puissions trouver le repos par le Saint Esprit, comme Il était le repos du Père quand Il marchait ici-bas.

Il y a quelque chose d’extrêmement beau dans la manière dont le Seigneur se fait ainsi connaître après l’épître à Sardes qui était dans un état mondain de mort. Christ s’est fait connaître Lui-même, et Il est la résurrection et la vie. Et qu’est-ce qui pourrait communiquer une vie nouvelle, placer l’Église dans l’attitude qui lui convient, ou amener un résidu à la marche et aux sentiments convenables à un temps de ruine, si ce n’est le Seigneur se présentant Lui-même personnellement ? C’est ce qui caractérise l’évangile de Jean : la personne même du Seigneur Jésus-Christ, non pas seulement dans Ses droits propres, mais comme baptisant du Saint Esprit dans l’exercice du pouvoir miséricordieux qui convient à Sa gloire. Dans sa première partie, il place devant nous la personne de Christ ; et dans la seconde, l’autre Consolateur que le Seigneur devait envoyer du ciel lorsqu’Il s’en serait allé. Il est beau de voir ainsi la place que l’évangile de Jean occupe dans les écritures de Dieu. Il fut écrit fort tard, le dernier de tous les évangiles, et en vue d’un temps de déclin. Il n’y est pas question de Jérusalem ou des Juifs comme objets immédiats de Dieu, même sous le rapport du témoignage. Il en est fait mention comme d’un peuple mis de côté, avec lequel Dieu n’a rien à faire pour le moment. Aussi le Seigneur parle-t-Il de la Pâque comme d’une « fête des Juifs », etc. En Matthieu, au contraire, nous voyons Israël reconnu pour la vérité de Dieu. Le sanglier de la forêt peut ravager et la bête dévorer, mais c’est encore le pays d’Israël ; et Jérusalem est appelé la sainte cité même quand il s’agit de la mort et de la résurrection de Christ. Dans l’évangile de Jean, tout cela est fini. Non seulement Jérusalem et les Juifs perdirent tous leurs droits sur Dieu, L’ayant abandonné comme Jéhovah, et ayant aussi abandonné la loi et les prophètes, mais ils avaient rejeté Christ ; et même quand le Saint Esprit vint, ils Le rejetèrent aussi et ne voulurent plus L’écouter, de sorte qu’il n’y avait aucune ressource. Dieu s’était manifesté de toutes les manières possibles. Aucune manifestation de Dieu, l’homme étant sous la loi, ne pouvait faire aucun bien. Les individus se saisissaient tout ce temps de la grâce de Dieu, mais la nation était sous la loi. Le point de départ de l’évangile de Jean est que tout était ténèbres, et que la vraie lumière brille là, quoique les ténèbres ne la saisissent point. « En elle était la vie ». Cela demeure toujours vrai, quoique ce soit en jugement que Celui qui est la lumière et la vie agit ici.

Mais revenons aux églises. Il y avait eu successivement abandon du premier amour, souffrance de la part de la puissance païenne, tentation de Satan au moyen du pouvoir du monde, action séductrice de Jésabel entraînant à l’idolâtrie, et en un mot, toute sorte de mauvais commerce avec le monde et la persécution. Mais à présent voici un état tout moderne — pureté au-dehors, mais le cœur abandonné à lui-même (voyez 2 Tim. 3). C’est Sardes qui nous présente ce tableau : quelques-uns marchent purement, mais non entièrement soumis de cœur au Seigneur. Mais se contentera-t-Il de cela ? Il faut que le Seigneur se suscite à Lui-même un témoin, et la seule manière par laquelle Il peut rendre quelqu’un propre à être Son témoin, c’est en se présentant Lui-même aux affections. Aussitôt que nous voyons le Seigneur Lui-même, il y a de la force pour Le servir avec joie.

Ici, le Seigneur dégoûté de l’état de Sardes vient, disant en quelque sorte : « J’ai besoin de posséder le cœur — il faut que je l’aie ». Il écarte le voile introduit par le péché de l’église professante. Quand on voit ce Bien-aimé, pour ainsi dire, un peu plus près, il y a quelque chose qui répond (mais, hélas, avec quelle faiblesse !) à Son désir de posséder le cœur, et ce sera parfaitement accompli quand nous Le verrons tel qu’Il est.

« Tu as peu de force ». Ce n’est pas la coutume de Dieu de communiquer une grande mesure de force dans un temps de ruine générale. À l’époque du retour de la captivité de Babylone, le Seigneur agit beaucoup en grâce. Il n’y eut pas extérieurement de la puissance ; au contraire, tout était chez les Juifs d’une apparence si méprisable, que leurs ennemis disaient, en se moquant, qu’un renard romprait leur muraille. Mais nous les voyons animés du même esprit que celui qui se montre dans Philadelphie. Ils ne construisent pas de fortifications pour se garantir des Samaritains (l’Éternel était une muraille de feu autour d’eux) ; mais la première chose qu’ils érigent, c’est un autel au Seigneur. Le Seigneur était le premier objet de leurs cœurs. S’Il était leur rempart, ils pouvaient attendre avant d’en construire un autre. On ne vit rien parmi eux qui rappelât l’ange frappant les premiers-nés, ni miracle opéré en leur faveur, ni promesse de plaies devant frapper leurs ennemis : mais cette parole leur est adressée : « Mon esprit demeure au milieu de vous, ne craignez point ». Toutes les fois qu’Israël avait peur de ses adversaires, il était sans force ; mais quand il regardait au Seigneur, il oubliait les ennemis. De même aujourd’hui, c’est quand nous nous appuyons sur Lui, que les cœurs de ses adversaires sont le plus saisis de terreur. Un cœur sincèrement adonné au Seigneur est ce qui parle à la conscience des autres. Quelle joie de savoir que le cœur du Seigneur était tourné vers eux ! C’est là ce qui produit des sentiments convenables envers Lui, et les uns envers les autres. Le nom même de cette église exprime la relation que le Seigneur avait établie ; et il importe beaucoup de se souvenir que c’est une relation sainte que nous soutenons les uns avec les autres. Il est sûr néanmoins que des personnes qui ont réciproquement de la sollicitude pour leurs intérêts célestes ne seront pas indifférents les uns envers les autres sous les autres rapports, quoique l’Église ne soit pas un club dont les membres sont prêts à se prêter mutuelle assistance, qu’on ait raison ou qu’on ait tort. Ce serait là du socialisme, de la franc-maçonnerie, et non la fraternité selon le Seigneur.

Les premières paroles sont la clé de toute l’épître : « Le saint, le véritable » (v. 7). Voyez la première épître de Jean. Cette expression n’est pas fréquemment employée à l’égard du Seigneur, mais nous la trouvons là. Dans le deuxième chapitre de cette épître, il est écrit à l’adresse des jeunes enfants de la famille de Dieu : « Vous avez l’onction de la part du Saint, et vous connaissez toutes choses ». Le saint, le véritable a tout ce qu’il leur faut. Il pouvait y avoir de la faiblesse chez eux, mais Il a la clé de David. Dans la généalogie de notre Seigneur en Matthieu se lit l’expression : « David, le roi », et on ne trouve pas cette désignation : « le roi », ajoutée au nom de Salomon ou de tout autre. La raison en est que c’est par David que la royauté s’est d’abord caractérisée en Israël. Il était l’homme selon le cœur de Dieu. Et pour ce qui est de David marchant dans la foi, il ne pouvait rencontrer de difficultés sur son chemin. Il est vrai que le type se montra imparfait — il n’y a pas de type parfait, parce que le type n’est pas Christ, quoiqu’il soit un témoin de Christ. C’est l’homme qui fait défaut ; mais là où la puissance de Dieu opéra en David des choses brillantes, bénies et bonnes, nous trouvons le germe, pour ainsi dire, de ce qui se montre pleinement dans le Seigneur. La « clé » de David représente sa puissance, le moyen par lequel il eut accès à tout ce qu’il possédait. C’est ainsi qu’il est dit (És. 22) : « Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule ; et Il ouvrira, et il n’y aura personne qui ferme, etc. ». Telle était la conséquence, il avait tout sous sa main ; c’était à lui à prendre soin de tout.

Le Seigneur se présente comme ayant la clé de David. Ils ne devaient donc pas regarder au pouvoir du monde, ni à l’homme ; car si Christ avait la clé, c’est de cela qu’ils avaient besoin. L’énergie de l’homme, Jésabel, les faux prophètes pouvaient être à l’œuvre autour d’eux, mais il y avait ce Bien-aimé, le saint et le véritable ; et Il était d’autant plus nécessaire qu’ils étaient faibles. Ils avaient si peu de force que peut-être, ils n’étaient pas même capables d’ouvrir la porte ; mais Il leur dit qu’Il la leur avait ouverte ; Il les avait fait sortir au large, et il n’y avait rien qui ressemblât à la servitude ou à la gêne. Il est évident que le Seigneur est désigné ici selon ce qu’Il est personnellement et moralement ; non pas seulement comme la grande source de la sainteté et de la vérité, mais comme le saint et le véritable. Nous trouvons l’un et l’autre de ces caractères dans la première épître de Jean : « nous sommes dans le véritable, savoir, dans son Fils Jésus-Christ » ; mais cela va plus loin encore, « il est le Dieu véritable et la vie éternelle ». C’est donc la personne qui est placée devant eux : c’est ce qu’ils désiraient ardemment. Ils appréciaient Christ. Ils avaient le désir de Le connaître davantage, et Il connaissait leur cœur. C’est ainsi qu’il est dit : « Si ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé ». Ils étaient las de ce qui n’était que la forme de la piété ; ils savaient qu’il était possible d’être perdu ou de déshonorer le Seigneur dans l’orthodoxie aussi bien que dans le monde. Ils se tournent vers le Seigneur, et Il se présente Lui-même comme le Saint et le Véritable ; non pas comme leur étant contraire, mais comme rempli de tendresse et de grâce, et plaçant devant eux une porte ouverte, et leur donnant l’assurance que personne ne la fermerait.

« Tu as peu de force, et tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom » (v. 8). Il y a là trois déclarations à leur sujet. Ils sont dans un état qu’aucune marque, aucune puissance extérieures ne signalent. Ils sont inconnus au monde comme Il l’était Lui-même, mais ils ont gardé Sa Parole ; et plus que cela, ils n’ont point renié Son nom. Considérez ce que c’est que garder la Parole de Christ. Il est évident qu’on s’était écarté de Sa Parole. Il est possible qu’elle eût circulé ; mais avait-elle été l’objet d’une tendre affection ? L’avait-on aimée, l’avait-on sondée, comme on cherche un trésor caché ? Est-ce en vue d’elle, et pour la mieux comprendre, qu’on se réunissait pour prier et lire ? Il s’agit ici d’un mouvement dans l’Église où la personne du Seigneur devient plus que jamais l’objet du cœur et où la Parole est mieux traitée comme Sa Parole. Ce n’est pas simplement l’évangélisation, toute précieuse qu’elle est à sa place, que nous avons en Philadelphie, mais un cercle intime de saints qui aiment, servent, adorent Christ pour Lui-même.

Cette épître nous révèle aussi la valeur du nom du Seigneur Jésus. En 1 Corinthiens 1, ce n’est pas aux Corinthiens seuls que le Saint Esprit s’adresse, mais « à tous ceux qui en tout lieu invoquent » ce nom. En d’autres termes, la première épître aux Corinthiens n’est, pas plus que la seconde, d’une application particulière : elle est pour tous les chrétiens en quelque lieu que ce soit. De fait, c’est de toutes les épîtres celle où la teneur générale de l’adresse est le plus fortement marquée ; et la raison en est peut-être que l’Esprit de Dieu prévoyait qu’elle serait, plus que toute autre, mise de côté. En ces temps où il n’y a pas de manifestation extraordinaire de puissance, les gens pourraient dire : Cette épître-là n’est pas pour nous, elle appartient à une époque qui est passée. Il est vrai qu’il n’y a pas lieu à donner des règles pour l’exercice du don des langues, si vous ne l’avez point reçu. Mais nous avons le Saint Esprit, et béni soit Dieu, l’Église ne saura jamais ce que c’est que d’être sans le Saint Esprit. Reportez-vous à son heure la plus sombre — le Moyen-Âge, le romanisme, etc. Le Saint Esprit était toujours là, non pas, à la vérité, justifiant le mal ou sanctionnant la désobéissance, mais Il était là pour l’assurance de la foi, conformément à la déclaration du Seigneur : « Il demeurera avec vous éternellement ». L’idée d’attendre que le Saint Esprit soit de nouveau répandu sur nous est entièrement fausse : c’est là l’espérance juive. Adresser une telle demande, c’est, pour l’Église, nier qu’elle soit l’Église. Ce peut être bon pour elle de se prosterner devant le Seigneur et de reconnaître qu’elle a agi comme si elle ne l’avait pas. Mais bénissons Dieu de ce que nous avons l’Esprit non seulement comme habitant dans les individus, mais comme nous liant ensemble pour être une demeure de Dieu. À la vérité, la manifestation de ce fait n’a plus lieu, mais néanmoins le fait demeure ; absolument de la même manière qu’en parlant d’un homme qui se trouve dans de mauvaises circonstances, on dit qu’il est ruiné, quoique l’homme existe encore. C’est un motif de nous humilier d’autant plus, parce que l’Église possédait l’Esprit et qu’elle a mal marché néanmoins. On a beau dire : S nous avions maintenant une Pentecôte et que le Saint Esprit fût envoyé de nouveau, nous marcherions comme il faut ; le fait est qu’après avoir eu le Saint Esprit le jour de la Pentecôte, on s’est dévoyé et on est tombé. Ce que Dieu nous demande maintenant, ce n’est pas d’attendre de nouveaux dons de puissance, mais de nous humilier devant Lui de ce que nous avons marché, même comme chrétiens, en opposition à Sa volonté de la manière la plus triste, et de ce que, quoique nous eussions le Saint Esprit, un veau d’or a succédé à un autre au point qu’il y a autant de péché qu’il y en a eu en Israël. C’est là ce que le Seigneur nous appelle à sentir. Philadelphie sympathisait avec Lui.

Ce que l’Esprit présente dans cette église est donc évidemment une compagnie méprisée, mais la Parole de Christ particulièrement appréciée, et Son nom maintenu. Nous avons appris que l’Église n’est jamais obligée de marcher dans le péché. « Que tout homme qui prononce le nom du Seigneur se retire de l’iniquité ». Il peut y avoir iniquité morale et convoitises mondaines ; et qu’y a-t-il d’aussi mauvais que l’iniquité de l’Église, si ce n’est ce qui est contre la personne même de Christ ? Si on marche contrairement à l’ordre extérieur de l’Église, c’est mal, mais ce n’est pas à comparer avec le péché commis contre la personne du Seigneur Jésus. Ce péché-là est toujours le pire, et celui qui éprouve les âmes. Le premier de tous les devoirs est que le cœur soit sincère pour Christ. C’est ce que Dieu attend.

Ici Christ se présente donc personnellement à l’Église, non pas en exprimant Son amour d’une manière générale, mais en manifestant une affection particulière de Son cœur pour eux. De là vient qu’il est dit : « Je les ai aimés ». Le Seigneur aime tous les siens, mais il est également vrai qu’Il a des affections spéciales. Il peut y avoir un lien particulier entre Lui et les saints qui sont particulièrement en danger ou dans l’épreuve. Sa grâce éloigne les obstacles et fait qu’on en jouit dans sa force. Ils connaissent Sa place dans la gloire, mais ce qui touche leurs cœurs, c’est qu’Il les aime au milieu de toute cette gloire. Son amour, voilà la base et la source de leur amour.

« Tu as peu de force ». Je sais que vous êtes faibles ; mais vous avez « gardé ma parole et n’avez pas renié mon nom ». Remarquez ici le lien personnel — « ma parole », « mon nom ». Le nom de Christ saisi par l’âme est le salut. Lorsque le cœur s’est soumis à Son jugement sur le péché, Dieu place Lui-même devant cette âme le nom de Christ ; et quand elle trouve qu’elle n’a pas de nom sur lequel s’appuyer pour se tenir devant Dieu, Il lui dit : Il y a ici un nom, le nom de mon Fils. La foi suppose un homme qui s’abandonne lui-même comme ne valant rien, et qui dit : « Dieu a été bon pour moi, quand j’ai été méchant pour lui ». Dieu a mis ce nom comme une pierre fondamentale pour le pauvre pécheur. Elle semble faible ; elle est appelée une « pierre de trébuchement », comme elle l’est pour l’incrédulité ; mais je dois croire en elle. Si je ne fais que regarder à l’évangile, je suis perdu, parce que dans ce cas, je raisonne à son sujet ; mais si je le crois, je suis sauvé. Que fit Abraham ? Il ne raisonna pas ; il ne considéra pas son corps qui était amorti, mais il donna gloire à Dieu. S’il s’était senti fort, il aurait pu se donner gloire à lui-même. Tel est le grand but en vue duquel Dieu travaille : que nous connaissions notre propre néant.

Mais est-ce là l’unique usage du nom de Christ ? Non ; Il rassemble autour de Lui-même. Jésus est le grand objet, le point d’attraction autour duquel le Saint Esprit assemble. Supposez qu’il s’agisse de l’introduction d’une personne qui suit les vues calvinistes, ou les vues arminiennes, comme on les appelle, n’ayant jamais bien appris la ruine de l’homme ; vous direz peut-être : « Je n’aime pas qu’on me trouble ». Mais la question est ce que dit Christ. N’a-t-Il pas le pouvoir de juger cette question ? L’a-t-Il laissée à notre discrétion ? Christ a scellé de Son nom cette personne et en conséquence je dois la recevoir. Un autre arrive et dit : « J’apprends que vous recevez tous les chrétiens ; mais je ne crois pas que Christ fût exempt de chute, soit dans Sa nature, soit quant à Sa relation avec Dieu ». « Non », telle est ma réponse ; « vous ne pouvez faire servir le nom de chrétien à déshonorer Christ ». Mais toutes les fois que quelqu’un fait humblement confession du nom de Christ (qu’il appartienne à l’église établie, ou qu’il soit dissident, la question n’est pas là), nous sommes tenus de le recevoir. C’est une chose fort triste que toutes ces dénominations diverses soient dans l’Église : elles prendront toutes fin bientôt. Mais il ne nous faut pas contredire le nom de Christ maintenant. Le nom du Seigneur est là et c’est un passeport dans toute l’Église. Il ne s’agit pas de nous joindre quelqu’un ; il nous est joint certes, s’il est uni à Christ. Il est vrai que le Seigneur a Ses serviteurs, mais nous ne reconnaissons dans l’Église aucun autre centre que Christ.

Un autre usage du nom de Christ se trouve dans la discipline. Quel est le but de la discipline ? Ce n’est point de maintenir notre caractère, mais de laisser au nom de Christ la place et l’honneur qui lui appartiennent, en conservant à ce nom tout son éclat, même là où est le trône de Satan. Dans le camp même de l’ennemi, il se trouve un nom qui ne saurait être abaissé. Le Saint Esprit est là, non pas simplement pour nous donner de la consolation, mais nous ayant délivré de toute inquiétude à l’égard de nos péchés, Il nous donne liberté pour nous occuper de Christ et travailler dans Son service. Ce dont il s’agit dans le maintien de la discipline, c’est de savoir s’il faut se retirer de l’iniquité. Jamais le Seigneur ne reconnaît comme l’Église un état de choses où l’iniquité est sanctionnée. C’est une chose bien différente qu’il y ait du péché, et que le péché soit sanctionné. Toute sorte d’iniquité peut surgir : cela eut lieu dans les églises apostoliques. L’incestueux fut retranché à Corinthe parce qu’il était chrétien, comme il est dit : « afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus ». On aurait pu croire, d’après la terrible nature de son péché, qu’il n’était pas possible que ce fût un chrétien. Le Saint Esprit nous montre par là que si un chrétien s’écarte de Christ, il est capable de tout excepté d’aller positivement contre Christ Lui-même. Car je pense que le Saint Esprit nous garderait toujours de cela. Comme dans le cas du jugement de Salomon, la fausse mère était résolue à avoir, à tout prix, sa moitié de l’enfant, tandis que la mère réelle aimait mieux céder la sienne que de laisser toucher à sa vie. Mais il peut arriver à un chrétien (quelque contraire à la nature des choses que cela soit) de tomber dans un état où il n’a pas de saines pensées au sujet de Christ ; et quand il s’y trouve, de manière à ne pas avoir un juste sentiment du nom de Christ, quel bien peut-il provenir de lui ? Il n’en était pas ainsi des saints de Philadelphie. Ils ne reniaient pas Son nom ; et le Seigneur emploie à leur égard les expressions d’amour les plus tendres. Partout où l’on avait des prétentions ecclésiastiques, la remarque en a été faite avec raison, on était contre eux. Ils étaient regardés avec dédain par ceux qui se disaient Juifs, mais touchant lesquels Christ fait cette déclaration : « Je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds » etc. (v. 9). Les Philadelphiens se trouvaient au milieu d’une profession qui n’avait rien de réel, et le Seigneur leur promet de les défendre par Sa propre puissance. Qu’il est précieux de ne pas chercher à nous défendre nous-mêmes, mais d’aller en avant avec le Seigneur !

Il est d’une importance extrême de bien voir que la gloire du nom de Christ n’obligera jamais à choisir entre deux maux, et c’est, à mon avis, ce que Dieu a voulu nous faire sentir dans ces derniers temps. Il y a un sentier hors du mal. Non que la chair de l’homme ne puisse introduire le mal ; mais si quelqu’un persiste dans quelque péché, vous dites qu’il ne marche pas comme un chrétien ; il ne saurait être reconnu comme chrétien, quoique nous puissions prier pour lui, etc. Supposez encore une réunion de chrétiens. Le mal entre ; je ne puis pas dire que ce ne sont pas des chrétiens. Non, mais je puis introduire l’autorité du nom de Christ pour ôter le mal : Christ possédant l’autorité d’une manière absolue, c’est à nous à nous soumettre entièrement à Lui. L’Église appartient à Dieu. Si elle était à nous, nous pourrions faire nos propres règlements ; mais malheur à celui qui veut soumettre l’Église de Dieu à ses propres règles ! C’est là, à ce qu’il paraîtrait, ce que sentirent les saints de Philadelphie : ils appréciaient l’autorité du nom de Christ ; ils avouaient leur faiblesse, mais ils savaient que le nom de Christ était assez fort pour les garder. Qu’avaient-ils à redouter ? En reconnaissant le nom de Christ pour centre de rassemblement, nous ne prétendons pas que le mal n’entrera point : mais nous confiant dans la puissance du Seigneur Jésus et de Son Esprit, nous ne voulons pas sanctionner le mal. Laissons seulement la porte ouverte pour que le Seigneur entre. Il peut y avoir bien des choses propres à mettre notre patience à l’épreuve, mais nous n’avons qu’à nous attendre au Seigneur. C’est là ce que le Seigneur veut, que nous ayons confiance en ce qu’Il est et ce qu’Il a, en prenant dans l’esprit de prière la place de la faiblesse et de la dépendance, quelque pénible que ce puisse être.

« Tu as gardé la parole de ma patience », etc. (v. 10). Évidemment le Seigneur contemple, à l’occasion de ces églises, l’état de choses qui existera à la fin ; et comme l’heure de la tentation est encore à venir, la place est laissée pour l’application de cette promesse aussi à la fin. « Tu as gardé la parole de ma patience ». Christ vient pour prendre Son Église, et ensuite pour être le juge de toute la terre. Mais nous n’attendons pas des signes. Dieu, dans Sa miséricorde, en accordera aux Juifs, mais l’Église n’a jamais été appelée à se guider dans ses pensées sur ce qu’elle voyait, comme Thomas. « Bienheureux sont ceux qui n’ont point vu et qui ont cru ». C’est quand on ne voyait plus le Seigneur que l’Église est née dans le monde ; et depuis lors elle a été dans l’attente, mais jamais elle n’a dû faire dépendre de certains signes son espérance. C’est lorsque Christ prit Sa place en haut comme tête, que Son corps, l’Église, fut formé ; car il ne pouvait y avoir de corps que premièrement il n’y eût une tête. Dieu veut que l’Église attende Christ Lui-même, et non pas des signes. Il fera entendre Sa voix. Et les morts en Christ ressusciteront… et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Christ attend cela avec patience. Autant que j’ai pu le voir, le Seigneur ne parle pas de Sa venue, comme s’il devait y avoir quelque chose de hâté en elle. Il attend avec patience que le moment en arrive. Il tarde dans Son amour pour qu’il ait une prolongation de miséricorde pour le monde et pour que des âmes puissent Lui être amenées. L’Église sait qu’Il attend et elle est appelée à la même patience pour avoir communion avec Lui dans Sa patience.

« Je te garderai de l’heure de la tentation » (v. 10). Ce n’est point ici la portion des Juifs. Pour eux, lorsqu’arrive le temps de l’épreuve, le Seigneur leur dit : « Viens, mon peuple entre dans tes cabinets », etc. Notre place est celle d’Abraham. Il n’eut point à fuir vers la petite Tsoar comme Lot qui fut, il est vrai, sauvé du jugement, mais pas tant à son honneur. Le Seigneur avait un saint dont les pensées étaient aux choses du ciel, aussi bien qu’un saint qui pensait aux choses de la terre. Abraham ne se trouva jamais dans cette heure de tentation. Ainsi l’Église sera gardée de l’heure qui vient. Telle est notre confiance — non pas simplement que nous serons gardés durant et à travers cette heure, mais que nous le serons de l’heure elle-même. Prenez une autre figure de ce jugement, le déluge. Énoch fut complètement préservé du déluge, tandis que Noé fut porté sur ses eaux. C’est ainsi que dès le commencement Dieu nous donne des témoignages bénis de cette double manière d’être préservés, d’un côté comme Énoch et Abraham, en esprit, et de l’autre comme Noé et Lot. Ces derniers se trouvèrent dans les circonstances de l’épreuve ; et tel sera le cas du résidu converti d’Israël à l’époque des terribles jugements. L’espérance du chrétien est d’être avec le Seigneur dans le ciel, et c’est ce que l’Église doit attendre. Et certainement le cri est là : « Voici, l’époux vient, sortez à sa rencontre ». Je vous le demande, êtes-vous sortis ? Il y en eut dont il est dit, non pas que c’étaient des croyants lorsque le cri se fit entendre, mais qu’ils étaient sortis. Avez-vous abandonné tout ce qui est contraire à Christ ? Ce que vous savez — non pas ce que je sais — Lui être contraire ? Je vous demande si vous êtes prêts à aller au-devant de Lui. Dans ce cas vous n’avez rien à craindre. Tenez pour sûr que rien de ce que votre pauvre volonté désire retenir ne vaut la peine d’être gardé. C’est gain que de sortir de tout pour aller à la rencontre du Seigneur ; c’est joie que d’être dans Son sentier. Ce cri a-t-il rempli votre cœur ? Ne vous contentez pas de dire : « J’ai de l’huile dans mon vaisseau, et il importe peu où je suis ». Pensée égoïste et impie ! Dieu veuille que tel ne soit pas votre sentiment ! Il m’a sauvé pour que je pense à Lui. Il désire que je sorte pour aller au-devant de Lui — que je chérisse la précieuse pensée de Sa venue. Maintenant, gardez-vous Sa Parole ? Vous le savez. C’est là une question entre votre conscience et le Seigneur. Quand vous aurez gardé ce que vous connaissez, vous en apprendrez davantage, et vous trouverez que Son service n’est que joie et liberté.

« Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne ». C’est là une parole précieuse. Le Seigneur annonce qu’Il vient comme un voleur par rapport à Sardes qui avait pris le monde pour son maître : laissant ainsi au monde souillé la place du Seigneur. Pour Philadelphie, Il vient comme quelqu’un qui a une couronne à donner. Le Seigneur Lui-même venant à notre rencontre, est le joyau qu’Il nous a donné à garder. Que le Seigneur nous donne de le tenir ferme, afin qu’il ne nous soit pas enlevé ! Nous sommes faibles maintenant, mais le Seigneur dit : « Si vous vous contentez d’être maintenant dans la faiblesse, je vous ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu ». Une colonne est l’emblème de la force, de ce qui soutenait le temple, en contraste avec la faiblesse. Il est dur de se contenter d’être faible ; et c’est rassurant pour la chair de sentir sous soi la puissance du monde. Mais si nous consentons à paraître faibles maintenant, le Seigneur nous déclare ce qu’Il fera pour nous alors : « Je vous ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu » (v. 12). Selon que j’ai connu mon Dieu, je vous mettrai en communion avec moi. Vous vous contentez d’attendre ma venue, et personne ne prendra votre couronne. Pour ceux qui pensent à Christ maintenant, Christ pensera alors à toute la joie qu’Il peut leur donner. Puisse être là notre consolation pendant que nos cœurs l’attendent !

Versets 14-22. Nous avons vu le contraste signalé qu’il y a entre l’état de Sardes et l’ordre de choses précédent. Une grossière corruption, le mal manifeste, la persécution, la haine de la sainteté et de la vérité de Dieu avaient régné dans Thyatire, quoiqu’il s’y trouvât un résidu, et un résidu fidèle. Si Thyatire représente les siècles de ténèbres où le Seigneur avait Ses saints fidèles cachés dans les réduits et les coins du monde, nous avons en Sardes un état de choses d’une bonne apparence — le nom de vivre, et la mort presque partout ; cependant il y en avait même à Sardes qui n’avaient pas souillé leurs vêtements. S’il se trouve une distinction aussi marquée entre Sardes et Thyatire, il y a aussi une ligne de démarcation profonde entre Philadelphie et Laodicée.

Considérons le caractère que Dieu attribue à cette église, et ce qu’Il manifeste de sa condition. Si parmi ces églises il y en a deux qui soient en contraste l’une avec l’autre d’une manière plus marquée, ce sont précisément ces deux dernières. La raison en est, je pense, que lorsque Dieu agit d’une manière spéciale, qu’Il manifeste Sa grâce sous une nouvelle forme et sous un jour nouveau, cela amène toujours à sa suite, depuis la chute de la chrétienté, une ombre particulièrement obscure. C’est ainsi que Philadelphie présentait un brillant tableau. Il y avait de la faiblesse, mais on était parfaitement en paix, car le Seigneur avait ouvert la porte, et Il la tiendrait ouverte. Mais quelle différence nous trouvons quand nous considérons Laodicée ! Ce n’est plus le Seigneur veillant aux besoins des saints de Philadelphie, ayant la clé de David, et se présentant comme l’objet de leurs affections, comme le Saint et le Véritable, dans Sa grandeur morale qui faisait appel à toute l’adoration de leur cœur. Il parle ici d’une toute autre manière : « L’amen, le témoin fidèle et véritable dit ces choses », etc. Ce qui n’était qu’une profession orgueilleuse allait prendre fin. Il était « l’Amen », le seul sur lequel on pût s’appuyer, l’unique « fidèle et véritable témoin » quand tous les autres avaient failli. Ce fait que Christ se présente comme le témoin fidèle et véritable, suppose que ceux auxquels Il écrivait n’étaient pas fidèles. La lettre à Philadelphie n’impliquait point cela à l’égard des membres de cette église. Pauvres qu’ils étaient, ils prenaient la place de la faiblesse ; et comme ils avaient pensé à Sa Parole et à Son nom, le Seigneur leur dit : Lorsque je vous aurai dans mon temple, j’écrirai sur vous « mon nouveau nom » et je vous ferai être une colonne « dans le temple de mon Dieu ». Il ne dit pas le trône, expression qui aurait signifié la puissance, mais le temple qui exprime une pensée plus profonde que le trône. Le temple est le lieu du culte, où Dieu est exalté dans la gloire de la sainteté. Précisément comme lorsqu’il s’agit du culte à rendre à Dieu, nous voyons David porter un éphod. Sa propre femme qui voyait en lui le gendre de son père Saül, du roi, le méprisa parce qu’il n’était pas sorti en un vêtement convenable à la royauté. Mais le cœur de David était occupé de Dieu, et à ses yeux c’était son plus grand honneur de porter l’éphod et de pouvoir s’approcher ainsi du Seigneur. De même à Philadelphie : c’est là que se trouvaient particulièrement ceux qui avaient l’intelligence du culte, parce qu’ils appréciaient la personne et le caractère du Fils de Dieu ; et c’est ce qui attire le cœur. Voyez l’aveugle-né (Jean 9) : il adora Jésus lorsqu’Il se fut révélé à lui comme le Fils de Dieu. C’est là une chose dans laquelle même les vrais chrétiens entrent fort peu. On peut recevoir des faveurs de la main de Dieu, et Lui en rendre grâce, et néanmoins connaître peu ce qui est réellement le culte. Le culte est quelque chose de plus élevé et de plus rapproché du Seigneur. Il n’apprécie pas simplement les faveurs qui nous sont dispensées de Dieu, mais il apprécie surtout ce qu’est le Dieu qui nous les accorde. Le vrai culte est toujours cela. Le Père cherche des adorateurs, mais c’est pour les attirer à la source d’où a coulé la grâce. Pour ce qui est du mot de culte lui-même, il n’est point employé dans la lettre à Philadelphie (sauf au verset 9 où il l’est dans un sens tout autre, pour exprimer simplement que ceux qui aujourd’hui étaient des moqueurs, auraient à s’humilier et à rendre honneur à ceux qu’ils avaient méprisés). Le culte consiste à s’approcher de Dieu, dans l’appréciation non seulement de ce qu’Il fait, mais de ce qu’Il est ; et ce qui nous rend toujours capables de rendre culte, c’est la pleine, la simple connaissance de notre position de proximité avec Dieu, de l’œuvre de Christ et de ses résultats bénis en notre faveur.

Job n’était point dans la présence de Dieu lorsqu’il était tout occupé de lui-même (« Quand l’oreille qui m’entendait… et l’œil qui me voyait… »). Nous pouvons bien dire qu’il était dans la présence de lui-même et non dans celle de Dieu. C’est toujours un pauvre signe, que d’être occupé de soi. Le Seigneur ne veut pas que nous nous arrêtions à contempler le changement opéré en nous ; ce ne serait pas là oublier les choses qui sont derrière, ce qui, pour le dire en passant, ne signifie pas l’oubli de nos péchés, mais celui de nos progrès. Si le Seigneur nous a donné de faire un pas en avant, c’est pour que nous soyons plus près de Lui, et que nous croissions dans la connaissance de Dieu. Par là, il y aura toujours progrès dans la connaissance de nous-mêmes, mais ce ne sera jamais à l’effet de nous admirer. Par le fait même que nous appartenons à Christ, Il est l’objet qui heureusement nous garde dans l’humilité. Lorsque Job fut à la fin amené réellement dans la présence de Dieu, il se trouva dans la poussière. Il ne savait pas ce que c’était que d’adorer Dieu complètement, jusqu’à ce qu’il fut amené là, lorsque son œil vit Dieu. Auparavant, il avait regardé plutôt à ce que Dieu avait effectué en lui, mais à présent il se voyait comme n’étant rien. Et c’est après cela que nous le trouvons intercédant même pour ses amis, et que nous avons les holocaustes, etc. C’était là l’esprit d’intercession et aussi de culte. Il me semble que tel était l’esprit auquel avait été amenée l’église de Philadelphie. Ses membres avaient l’intelligence du culte, parce que, selon leur mesure, ils connaissaient Celui qui était depuis le commencement. Le Seigneur aime que nous soyons forts en Christ, que nous croissions en Lui. À Laodicée, on ne pensait nullement à cela — on ne songeait pas à entrer dans les richesses de la grâce du Seigneur. Il n’y a rien à l’égard de quoi nous devons sentir autant combien nous sommes pauvres, comme à l’égard du culte, justement à cause que nous pouvons un peu l’apprécier. C’est le sentiment spirituel, quoique la mesure en soit certes bien faible, qui nous rend sensibles à notre peu de puissance pour le culte. Tenez pour sûr que c’est l’esprit de culte qui constitue notre véritable pouvoir dans le service : selon ce que le Seigneur dit en Jean 10 : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; et il entrera et sortira, et trouvera de la pâture ». Ce n’est plus la bergerie juive et l’esclavage de la loi, mais la parfaite liberté, le privilège d’entrer pour rendre culte, et de sortir pour l’activité du service, trouvant partout nourriture et bénédiction. Qu’il est doux de penser que l’heure approche où nous entrerons pour ne plus jamais sortir de nouveau ! Ce sera toujours le service en relation immédiate avec le Seigneur Lui-même — la jouissance de la présence de Dieu et de l’Agneau — le culte éternel !

Mais quels sont ceux pour lesquels c’est là une agréable et heureuse promesse ? Ceux qui avaient apprécié le culte et en avaient joui ici-bas. Comme il est dit dans le psaume 84 : « Ils te loueront encore » (vers. angl.). Le lieu où demeurait le Seigneur était empreint même dans les cœurs de ceux qui y allaient, « au cœur desquels sont les chemins battus ». Ils devaient se trouver au lieu où Dieu était, et demeurer là. Le Seigneur ne se révèle pas ici de la même manière personnelle, mais ce sont plutôt certaines qualités, certains titres qui Lui appartiennent, qui nous sont présentés. Il était « l’Amen ». Quant à eux, ils avaient manqué en tout — ils avaient été un témoin infidèle, et Il était assez bon pour leur dire : « Vous n’avez pas répondu à une seule pensée de mon cœur. Je viens maintenant me présenter à vous comme tout ce que vous devriez être ». Il était aussi « le commencement de la création de Dieu » (v. 14). La chrétienté est un témoin rejeté. Christ est en relation avec la création nouvelle. « Je connais tes œuvres, c’est que tu n’es ni froid, ni bouillant » (v. 15). C’est le latitudinarisme. Ce n’est pas l’ignorance qui rend latitudinaire, mais le cœur qui reste indifférent à la vérité après que la vérité lui a été présentée. On ne veut pas de la vérité, parce qu’on sent qu’elle doit avoir pour conséquence, si on la suit, le sacrifice et la séparation d’avec le monde. Il nous faut user de support avec l’ignorance d’un cœur honnête, sincère, partout où elle se trouve ; mais l’indifférence pour la vérité est une chose tout autre, et odieuse aux yeux du Seigneur.

Le latitudinarisme n’est donc jamais la condition des âmes simples et droites, mais bien celle des personnes qui ont entendu la vérité et qui ne sont pas préparées pour la croix. La vérité de Dieu doit être une pierre de touche pour les cœurs. Elle n’est pas simplement quelque chose que j’ai à apprendre, mais elle me met à l’épreuve. Si la brebis est dans une condition saine, elle entendra la voix du Berger, et n’entendra pas même la voix des étrangers ; mais si la brebis n’aime pas le son de la voix du Berger, et va après d’autres, elle s’embrouille tellement qu’elle est à peine capable de Le distinguer d’eux. Ce mal surgit dans Laodicée, et à ce qu’il me semble provient du mépris que l’on a fait du témoignage rendu dans l’église précédente. Laodicée est le fruit du rejet du témoignage qui formait Philadelphie. Là, Christ se montrait Lui-même, et au cœur qui Le recevait, Il disait : « Comme mon nom a été tout pour vous sur la terre, ainsi je vous donnerai mon nouveau nom au temps de la gloire. Toute affection vraie et bénie que j’ai produite dans vos cœurs ressortira dans la gloire avec un éclat plus brillant ». Mais pour Laodicée, le Seigneur lui dit : « Tu n’es ni froid ni bouillant ». Il faut qu’il y eût quelque chose qui réchauffât un peu ces personnes, puisque leur état n’était pas entièrement froid. Elles manquaient d’honnêteté, de droiture. Laodicée est précisément le dernier état de choses que le Seigneur ne peut plus supporter : c’est un temps où l’on avait en un certain sens possédé beaucoup de vérités, mais sans que les cœurs fussent touchés par elles. Si le cœur avait été sincère en quelque petite mesure que ce fût, malgré son ignorance il aurait joui de ce qui était venu du Seigneur. Ce n’est pas des « pères » mais des « jeunes enfants » qu’il est dit en 1 Jean 2, qu’ils ont une onction de la part du Saint, et qu’ils connaissent toutes choses. La capacité pour juger de ce qui n’est pas de Christ, dépend de la sincérité du cœur pour Lui. C’est ce qui fait que le plus jeune croyant, s’il a l’œil simple, peut discerner avec certitude là où le théologien se perd dans des généalogies sans fin.

Tout esprit qui rabaisse et renie Christ (le Christ de Dieu) est de l’antichrist. Il y a eu, il y a maintenant plusieurs antichrists, et c’est où Christ a été nommé qu’il faut les attendre. Si Christ n’eût pas été connu, il n’aurait pu y avoir d’antichrist, l’ombre noire qui a suivi la vérité ; et si le Seigneur est à l’œuvre dans cette voie de miséricorde, Satan est à l’œuvre aussi. Être « tiède », c’était être faux, en prétendant à la vérité ; et le Seigneur dit : « Je m’en vais te vomir de ma bouche ». Il ne se trouve pas ailleurs, que je sache, une pareille expression de mépris employée par le Seigneur. Est-ce de cette manière que nous mesurons les choses ? Nous aurions dit probablement que c’est de l’état de Jésabel qu’il fallait être le plus inquiet ; mais eussions-nous pensé qu’être tiède était le pire de tous les états ? Et c’est celui-là pourtant qui excita toute l’indignation du Seigneur ; et c’est Lui seul qui est sage. « Parce que tu dis : je suis riche et je suis dans l’abondance », etc. (v. 17). Ces paroles sont la preuve évidente qu’à Laodicée on avait beaucoup entendu parler de la vérité. On s’estimait riche. La diffusion de la connaissance extérieure de Dieu est ce qui hâte la dernière crise — le jugement final de Dieu et la mise de côté de tout ce qui porte faussement et bénévolement Son nom.

Verset 17. « Et tu ne connais pas que tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle », etc. Tel était l’état des Laodicéens, parce qu’ils avaient rejeté le témoignage de Dieu. Le témoignage de Dieu produit toujours en celui qui le reçoit le sentiment de son néant, mais n’affaiblit jamais sa confiance en Dieu. Il peut y avoir des pierres de touche pour la foi et le cœur — les épîtres de Jean en sont remplies — mais l’Esprit de Dieu ne conduit jamais quelqu’un à douter que Dieu soit pour lui. Il peut travailler, et sûrement Il le fera, dans quelqu’un qui s’est détourné du Seigneur, afin de le ramener ; Il peut nous faire sentir notre faiblesse ; mais ce n’est nullement Sa manière d’agir que de produire le doute dans l’âme ; et lorsque nous nous livrons à la défiance, c’est toujours un signe que la chair est à l’œuvre, « convoitant contre l’Esprit ». Partout où est l’Esprit de Dieu, Il tend à rendre l’homme capable de s’humilier entièrement, et de juger la folie de la chair et d’y renoncer. Il y a, et il doit y avoir, réalité, et zèle, et sincérité, dans la présence de Dieu. « Je suis riche, et je suis dans l’abondance, et je n’ai besoin de rien ». Mais l’Esprit de Dieu déclare que ce n’est là que présomption charnelle, le cœur ne connaissant pas son dénuement, et refusant la grâce. Il y avait eu une chaleur momentanée qui avait rendu cet état aussi odieux au Seigneur. Mais c’est là précisément ce que font les hommes qui parlent de l’Église de l’avenir. Selon eux, les premiers temps sont l’enfance de l’Église ; ensuite elle est devenue un grand méchant enfant ; et maintenant ils attendent une Église de l’avenir où l’homme ne sera plus sujet, mais agira pour lui-même — agira comme un homme. — Hélas ! à quoi toutes ces aspirations n’aboutiront-elles pas ? Car Dieu sera laissé complètement en dehors de la prétendue Église, et on se sera débarrassé de Son autorité. Tel est l’esprit qui maintenant travaille sur une vaste échelle. Et les enfants de Dieu sont tièdes à l’égard d’une œuvre pareille ? à l’égard de l’exclusion de la vérité de Dieu ? Souvenez-vous de ce que le Seigneur dit ici : « Je m’en vais te vomir de ma bouche ». Ce serait une erreur grossière de supposer qu’il n’y avait pas de chrétiens parmi eux. Mais ce n’est pas d’individus qu’il s’agit, mais de l’assemblée, et comme telle le Seigneur déclare qu’Il la vomirait de Sa bouche. On ne peut se rassembler en grandes masses sans que l’esprit de Laodicée en résulte, s’Ii n’est pas aussi la source d’un rassemblement de ce genre. De nos jours, l’Esprit de Dieu ne rassemble pas avec une grande puissance, et que le Seigneur soit béni, si quelques-uns se réunissent autour de Son nom ! Que les enfants de Dieu se souviennent qu’ils doivent répondre au Seigneur Jésus Christ, qu’ils soient ou non représentés par Laodicée, qu’ils tiennent pour Christ ou pour ce qui porte simplement le nom de Christ, comme un voile pour l’indifférentisme. Néanmoins le Seigneur ne les abandonne pas : « Je te conseille, dit-il, d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu », etc. (v. 18). En général, l’or est le symbole de ce qui est divin, de la justice divine ; et le vêtement blanc, ou de lin, désigne la justice des saints, comme nous le voyons par le chapitre 19. La justice divine était sortie de leurs pensées : ils n’appréciaient ni la justice de Dieu, ce qu’un chrétien est fait en Christ, ni la justice pratique à laquelle mène l’Esprit. Aussi leur conseille-t-Il d’acheter de Lui l’or véritable et des vêtements blancs, afin qu’il y eût la sainteté qui leur convenait devant les autres. « Et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies ». Là était le secret. Ils ne voyaient rien comme il faut, pas même le besoin qu’ils avaient de la justice divine. « Pour moi, je reprends et châtie tous ceux que j’aime ; aie donc du zèle et te repens » (v. 19). Tenez pour certain que c’est là ce que la voix du Seigneur fait entendre aujourd’hui. Ici, hélas ! c’était ce dont les Laodicéens avaient besoin. Le Seigneur s’occupe des siens : Il place constamment devant eux quelque chose de nature à leur donner d’humbles pensées d’eux-mêmes, et ne leur dit pas de faire ou d’entreprendre quelque œuvre nouvelle, mais les appelle « à se repentir ». Il ne leur demande point de déployer leurs ailes pour un essor plus grand vers l’avenir, mais d’examiner où ils en sont et de se repentir.

Souffrir pour Christ et avec Christ est un privilège beaucoup plus élevé que de faire quelque chose. Quand l’apôtre Paul demande : « Que ferai-je ? », le Seigneur répond : « Je te montrerai combien tu dois souffrir », etc. C’est là ce que le Seigneur apprécie tout particulièrement — non pas nos souffrances comme hommes, mais nos souffrances pour Christ.

Ici c’étaient des personnes aussi dégradées qu’orgueilleuses, qui étaient invitées à avoir du zèle et à se repentir, à s’humilier devant Dieu au sujet de leur triste condition. Mais le Seigneur fait entendre aussi une parole de grâce : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe » (v. 20). C’est pourtant une chose bien solennelle que le Seigneur fût là, prenant ainsi la position de quelqu’un qui est dehors. Néanmoins Il était prêt à entrer où Il trouvait une âme sincèrement à Lui. « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui », etc. Est-il nécessaire de dire que ceci ne s’adresse point au monde pour ceux qui doivent être sauvés ? En Jean 10, le Seigneur se présente dans une grâce parfaite, disant : « Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé », etc. Mais ici, c’est à l’église qu’Il parle. Il n’avait point de sympathie pour leur contentement d’eux-mêmes. Il se tenait dehors, frappant à la porte pour le cas où il se trouverait dedans un cœur qui ne serait pas trop occupé des circonstances, choses et personnes, et qui Lui ouvrirait. À quelqu’un de tel, Il dit : « J’entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi ». Mais en tout cela, il ne s’agit que des individus. En présence d’un complet abandon de la vérité, devons-nous dire : « Il n’y a point d’espérance » ? Nullement : le Seigneur se tient à la porte et Il frappe. Il est possible qu’il n’y en ait pas beaucoup qui répondent à Son appel, mais il y en aura quelques-uns, et voici la promesse : « Celui qui vaincra, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme j’ai vaincu, et je me suis assis avec mon Père sur son trône ». On se trompe en supposant que c’est là une promesse comparativement glorieuse : nous sommes portés à penser ainsi, parce que naturellement nous attachons du prix à l’éclat. Mais ce n’est pas la puissance que Dieu estime le plus. Son saint amour manifestant Son caractère divin, surtout dans l’abaissement de Christ descendant jusqu’à l’homme et mourant pour lui — voilà, plutôt que la puissance ou la gloire, la mesure selon laquelle il faut apprécier. Il Lui était infiniment plus facile de faire mille mondes que de donner Son Fils pour qu’Il souffrît. Je ne mets pas en doute tout ce que renferme de grâce une telle promesse faite au vainqueur de Laodicée, nonobstant un mal pareil, mais notre association avec Christ dans le royaume ne constitue pas la plus grande bénédiction dont nous sommes appelés à jouir. Et la promesse dont il s’agit ne va pas au-delà. Ce que nous aurons avec Christ et en Christ Lui-même est beaucoup plus précieux. En Jean 17, 23, le Seigneur fait voir que la manifestation de la gloire a pour but Sa justification devant le monde. Toute la gloire qui doit être révélée dans l’avenir est destinée à être une preuve pour le monde, afin qu’il connaisse que le Père nous aime comme Il a aimé Son Fils. Mais pour nous, nous sommes autorisés à le savoir à présent par le Saint Esprit. Nous n’avons pas attendu jusqu’alors pour connaître cet amour qui nous a donné la gloire — bénédiction plus profonde que la manifestation au monde, ou que les trônes dans le royaume. L’affection personnelle du Seigneur pour les siens est une portion meilleure que tout ce qui doit être déployé devant les hommes ou les anges.

Le Seigneur termine ici ce qui est relatif aux églises : Il était arrivé à la dernière phase. La sagesse de Dieu nous a donné dans ces chapitres ce qui n’exige pas, pour être compris, une grande mesure d’intelligence. Tout ce qu’il faut, c’est d’avoir l’œil fixé sur Christ. Outre les messages destinés aux églises locales du temps de saint Jean, nous avons vu dans ces épîtres une esquisse de toute l’histoire de l’Église jusqu’à la venue du Seigneur. Car, à proprement parler, ce ne sont pas les lettres adressées par ordre du Seigneur aux sept églises, mais les églises elles-mêmes et leurs anges qui constituent « les choses qui sont », c’est-à-dire la condition actuelle des choses aux jours de Jean. Tout en étant originairement rattachées aux faits qui existaient alors, les épîtres vont bien au-delà, et s’étendent par une application morale prolongée jusqu’au temps où il n’y a plus d’assemblée reconnue, la dernière (quoiqu’il y ait eu de la miséricorde pour les individus) ayant été sommairement rejetée par le Seigneur, dans son caractère de témoignage public. Après cela, il n’est plus jamais fait mention des églises sur la terre. Au contraire, la toile s’abaisse, et c’est une scène entièrement nouvelle qui s’offre à nos regards. Le voyant ne se tourne plus pour voir Celui qui parlait derrière lui sur la terre, mais il entend la même voix en haut, dans le ciel, où il est maintenant invité à monter. Le gouvernement du monde de la part du trône dans le ciel, les circonstances et les faits qui l’accompagnent et qui en résultent, telles sont les choses qui se déroulent quand la période assignée à la condition de l’Église a pris fin. Nous trouvons des saints dans le caractère individuel, soit parmi les douze tribus d’Israël, soit issus de toutes les nations mentionnées comme telles, mais cela ne fait que rendre le contraste encore plus frappant. Désormais, quand ils sont un peu particulièrement désignés, ils sont nommés comme Juifs et comme Gentils, à cause qu’il n’y avait plus d’Église sur la terre ; car la signification et l’essence même de l’Église est qu’il n’y a ni Juif ni Gentil, parce qu’ils sont tous un en Christ. Je crois que les détails des sept épîtres renferment l’instruction pratique la plus grande. Il est vrai que l’Esprit les adressait aux églises ; mais « celui qui a des oreilles » a expressément ordre de faire attention, et cela, aux appels du Seigneur envoyés à eux tous.

Note

Il peut être bon, maintenant que nous connaissons la portée des sept épîtres, de signaler les objections faites par l’évêque Newton contre leur signification la plus large. « Plusieurs prétendent, et parmi eux des hommes aussi savants que More et Vitringa, que les sept épîtres constituent une prophétie d’autant de périodes successives, et d’états de l’Église, depuis le commencement jusqu’à la fin de tout. Mais il ne paraît pas qu’il y ait, ou qu’il doive y avoir, sept périodes de l’Église, ni plus ni moins. Ces épîtres renferment aussi plusieurs caractères internes qui étaient particuliers à l’église de cet âge, et ne peuvent s’appliquer aussi bien à celle de quelque autre temps. Entre autres arguments contre cette manière de les entendre, il y a aussi cette raison évidente, que ce même livre décrit le dernier état de l’Église comme le plus glorieux de tous, tandis que dans le dernier état que nous présentent ces épîtres, l’état de Laodicée, l’Église est représentée comme malheureuse, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nue » (œuvres de Newton, vol. 1, p. 549, éd. 1782).

Maintenant, il est clair que ces mots : « il ne paraît pas » sont plutôt une assertion qu’une preuve. Pourquoi ne paraît-il pas ? D’autres pourraient faire la même objection, et peut-être avec tout autant de force, contre les sept sceaux, les sept trompettes, et les sept coupes. Il a plu à Dieu de spécifier dans chacun de ces cas sept points saillants, pour ainsi dire, comme Son récit complet de chacun. « Les principaux sujets de ce livre », venait précisément de remarquer l’évêque, « sont composés de sept, sept églises, sept sceaux, sept trompettes, sept coupes ; selon que le nombre sept était aussi un nombre mystique dans tout l’Ancien Testament ». Si cette réponse est satisfaisante pour les sept coupes, pourquoi ne l’est-elle pas pour les sept épîtres ? Sans doute, il peut falloir plus de spiritualité pour un juste discernement dans le dernier cas que dans le premier, une de ces deux séries se rapportant à des jugements extérieurs dans le monde, tandis que l’autre prend connaissance de telles et telles conditions spirituelles remarquables, bonnes ou mauvaises, dans l’histoire de l’Église, comme le Seigneur a trouvé bon de les signaler. Aussi pouvait-on, a priori, s’attendre à trouver parmi les chrétiens une plus grande divergence de jugement dans leur manière d’appliquer Apocalypse 2 et 3, que dans leurs vues à l’égard des autres parties du livre. Lors même donc que ce que dit Newton sur le manque d’accord touchant les diverses périodes de l’Église, serait véritable, le principe général n’en demeurerait pas moins ferme. Mais tel n’est point le cas : et il y a un accord frappant à l’égard des trois ou quatre premières églises. Naturellement, nous n’insistons pas sur cet accord comme s’il devait faire le moins du monde autorité, mais comme une réponse suffisante à l’accusation de désespérante divergence mise en avant par l’évêque Newton. Il serait facile de répliquer par les systèmes si contraires d’interprétation des sceaux, des trompettes et des coupes. Il est singulier, cependant, que l’évêque rende témoignage dans la page suivante à la signification mystique de l’épître à Smyrne. Car « l’affliction de dix jours » est expliquée là de la plus grande persécution que l’Église primitive ait jamais endurée, la persécution de Dioclétien qui dura dix ans, et affligea cruellement toutes les églises orientales. Sentant qu’une telle application, non pas dans les promesses qui s’y rattachent, mais dans le corps de l’épître, est fatale à l’application exclusivement littérale qu’il en fait, l’évêque admet là-dessus que « la partie relative aux promesses ou aux menaces prédit quelque chose de leur condition future », et affirme que « dans ce sens, mais non pas dans un autre, ces épîtres peuvent être appelées des épîtres prophétiques » (p. 550). Mais comment s’arrêter là, une fois que vous reconnaissez, comme il le fait pour l’épître à Smyrne, une portée qui s’étend au-delà de l’église purement locale de ce temps, une fois que vous y faites entrer tout l’Orient, et que vous reportez sa date au commencement du quatrième siècle ? Et certes, cette terrible persécution ne fut pas limitée en Orient, car tout l’empire, sans en excepter l’Espagne et la Bretagne, se souilla du sang chrétien. Si le principe est vrai dans une de ces épîtres, pourquoi ne le serait-il pas dans toutes ? Et, de fait, le déclin général n’est-il pas signalé aussi clairement dans la lettre à Éphèse, que la persécution l’est dans celle à Smyrne ? Et Pergame ne décrit-elle pas les influences corruptrices de l’exaltation mondaine de l’Église, d’une manière aussi manifeste que Thyatire exprime l’orgueilleuse et obstinée fausse prophétesse du papisme ? Sans doute, le caractère peu satisfaisant que notre Seigneur rattache à Sardes doit être pénible et embarrassant pour ceux qui ne voient que le protestantisme ordinaire et son honnête orthodoxie. Et peut-être voit-on encore avec plus de déplaisir un autre témoignage subséquent au protestantisme, qui place ceux qui le portent dans la faiblesse et le mépris, en dehors du monde religieux, avec la venue de Christ comme leur bénie et encourageante espérance. Mais il est évident que le tableau de la dernière assemblée, dans sa déplorable tiédeur et le rejet qu’en fait le Seigneur, était la grande difficulté pour l’évêque Newton, à cause de son incompatibilité avec sa théorie touchant le dernier état de l’Église, « décrit dans ce livre même comme le plus glorieux de tous ». Mais c’est là une erreur complète. L’Apocalypse ne décrit jamais l’Église sur la terre après Laodicée. La glorieuse description à laquelle fait allusion l’évêque est probablement celle que nous trouvons en Apocalypse 19-21, où l’Église tout entière est glorifiée en haut. En un mot, cette raison est évidemment sans force. L’épouse de l’Agneau doit régner, mais cela n’est point en contradiction avec le témoignage solennel de l’épître à Laodicée, que le dernier état de la chrétienté ici-bas doit être comme celui d’Israël avant elle, « pire que le premier ». Le témoignage général du Nouveau Testament tout entier confirme le témoignage porté par cette portion particulière, comme cela ressort de Luc 17, 26-37 ; 2 Thessaloniciens 2, 1-12 ; 2 Timothée 3, 1-5 ; 2 Pierre 2 et 3 ; 1 Jean 2, 18 ; Jude 11-19. {{References}

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  1. Quiconque croit à l’inspiration de l’Apocalypse, admet naturellement l’application universelle des tableaux contenus dans Apocalypse 2 et 3, comme celle des Actes dans le Nouveau Testament, ou celle des histoires de l’Ancien. Mais l’idée que les sept églises représentent toutes les églises, ou l’état et le caractère général des choses, aux jours de Jean, me semble pure confusion. Le fait est que chacune d’elle représente un état moral distinct, dans lequel le corps professant pouvait se trouver en tout ou en partie à un temps donné. En un mot, que les assemblées locales présentassent alors les traits spéciaux décrits ici, la chose est parfaitement vraie ; mais elles ne pouvaient pas toutes caractériser l’état général de l’Église et ce moment-là, parce que ce sont des conditions morales différentes et même opposées qui ressortent dans chacune d’elles. Si nous admettons par conséquent, comme nous devons le faire, que leur portée s’étend au-delà des assemblées locales, ou de la conduite des individus simplement, elles ne peuvent avoir trait naturellement qu’aux phases successives d’un état spirituel, bon ou mauvais, dans l’histoire de l’église professante. Les partisans extrêmes de l’école protestante dans l’interprétation de l’Apocalypse, ne savent peut être pas généralement que leur savant chef, Mède, s’exprime ainsi dans ses plus mûres « Courtes observations sur l’Apocalypse » (œuvres, page 905) : « Si nous faisons attention à leur nombre sept, nombre d’une révolution de temps, et qu’en conséquence, dans ce livre, les sceaux, les trompettes et les coupes sont au nombre de sept ; si nous réfléchissons au choix que fait le Saint Esprit, et par suite duquel il ne prend pas toutes les églises, ni l’église la plus célèbre du monde comme Antioche, etc., et qui avaient sans doute autant besoin d’instruction que celles qui sont nommées ici — si tout cela est considéré attentivement, ne semble-t-il pas qu’outre ce point de vue littéral, ces sept églises furent prises comme des modèles et des types des divers âges de l’église catholique, a principio ad finem (NdE : Du commencement jusqu’à la fin), de manière à être pour nous comme une esquisse prophétique de la septuple condition de toute l’Église visible, selon les âges divers, correspondant à la description de ces sept églises ? Et si on accorde ceci, savoir que l’intention du Seigneur était d’en faire autant de modèles d’un pareil nombre de conditions de l’Église se succédant dans un ordre semblable à celui dans lequel ces églises sont nommées, alors certainement la première église (l’état éphésien) doit être la première, et la dernière être la dernière », etc.
  2. Origène et Andréas adoptèrent le premier sens, mais Épiphane et d’autres le rejettent expressément. Plusieurs parmi les modernes supposent que ce terme est emprunté à la synagogue, et répond au chazan de celle-ci. Dans ce cas, l’ange de l’église ne saurait être un ancien, bien moins encore le président des anciens, comme le prétend Vitringa, mais plutôt celui que l’on appelle le clerc ou le sacristain. Le terme employé par le Nouveau Testament pour désigner ce chazan ou ange de la synagogue, parait être hupérétès, celui qui prenait soin des livres, etc. (Luc 4, 20) ; le chef de la synagogue était distinct, et il y en avait plusieurs (Act. 13, 15).
  3. La véritable leçon du verset 15 est « pareillement » au lieu de « ce que je hais » qui a été probablement copiée de 2, 6. Le sens est qu’il y avait des gens qui tenaient la doctrine nicolaïte, aussi bien que des gens qui tenaient celle de Balaam.