Livre:Études sur la Parole — Luc

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destinées à aider le chrétien dans la lecture du saint LivreJ.N. Darby

Le Sauveur nous est présenté dans Luc sous le caractère de Fils de l’homme déployant la puissance de l’Éternel en grâce au milieu des hommes. C’est pourquoi cet évangile fait davantage mention de l’action présente de la grâce et de ses effets, et rapporte même la prophétie au temps présent. Elle ne le remplace pas, comme en Matthieu, par d’autres dispensations, mais le remplit de la grâce céleste qui sauve. Au commencement, sans doute (et précisément, parce qu’Il devait être révélé comme homme et en grâce envers les hommes), nous Le voyons, dans une espèce de préface, dans laquelle nous avons un tableau exquis du résidu pieux, présenté à Israël auquel Il avait été promis et en relation avec lequel, selon la chair, Il s’est placé par Sa naissance dans ce monde. Mais ensuite, cet évangile nous présente des principes moraux qui s’appliquent à l’homme quel qu’il soit, tout en manifestant pour le moment au milieu du peuple et de diverses manières cette puissance de Dieu en grâce dans son application aux besoins des hommes.

Après la transfiguration qui est rapportée dans Luc plus tôt[1] que dans les autres évangiles, nous trouvons le jugement de ceux qui ont rejeté Jésus, et le caractère céleste de la grâce qui, puisqu’elle est grâce, s’adresse aux nations, aux pécheurs, sans avoir égard particulièrement aux Juifs, renversant les principes légaux par lesquels ceux-ci prétendaient être en relation avec Dieu, et quant à leur position extérieure, y avaient été appelés à l’origine en Sinaï. Les promesses inconditionnelles faites à Abraham, etc., et leur confirmation prophétique, sont un autre sujet. Elles seront accomplies en grâce et devaient jusque-là être saisies par la foi. Ce qui devait arriver à ce peuple selon le juste gouvernement de Dieu, nous est annoncé ensuite ; et à la fin, nous trouvons le récit de la mort et de la résurrection du Sauveur, événements qui accomplissent la rédemption. Il est à remarquer que Luc qui, sous le rapport moral, met de côté le système judaïque pour établir les relations de l’homme avec Dieu sur la base de la révélation de Dieu Lui-même, donne beaucoup plus de développements que les autres évangélistes à son récit des faits qui tiennent aux relations de Jésus avec les Juifs. C’est lui qui introduit le Fils de l’homme comme l’homme devant Dieu selon le cœur de Dieu, en Le faisant voir comme rempli de toute la plénitude de Dieu demeurant en Lui corporellement. L’homme devant Dieu selon le cœur de Dieu, Jésus, est médiateur entre l’homme et Dieu, et centre d’une sphère morale beaucoup plus vaste que celle du Messie au milieu des Juifs : et c’est essentiellement de ces nouvelles relations (vraiment anciennes dans les conseils de Dieu) que Luc s’occupe. Cependant nous trouverons dans les premiers chapitres de son évangile beaucoup plus de détails qu’ailleurs à l’égard de l’entrée de Jésus au milieu des Juifs (représentés par le pieux résidu de ce peuple), lorsqu’Il a été fait chair, ainsi que sur les faits qui se sont succédés à cette époque, faits propres à servir pour ce peuple de preuves de la mission de Jésus en entrant dans ce monde, à attirer son attention et à la fixer sur l’enfant qui leur était né.

Il faut ajouter que ce qui caractérise le récit de Luc, et donne son intérêt particulier à cet évangile, c’est qu’il nous présente ce que Christ est — Lui-même ; et non pas Sa gloire officielle ou une position relative prise par Lui, ni la révélation de Sa nature divine en elle-même, non plus que Sa mission comme le grand prophète. C’est Lui tel qu’Il était, homme sur la terre ; la personne que j’aurais rencontrée chaque jour si, en ce temps-là, j’eusse vécu en Judée ou en Galilée.

J’ajouterai une remarque concernant le style de Luc, qui pourra faciliter au lecteur l’étude de cet évangile. Il condense souvent une quantité de faits dans un court récit général, et développe ensuite un fait isolé, où sont exposés des principes moraux et la grâce.

Chapitre 1. — Plusieurs avaient entrepris de donner le récit de ce qui était historiquement reçu au milieu des chrétiens, selon que les compagnons du Seigneur le leur avaient raconté. Or Luc ayant suivi ces choses depuis le commencement et en ayant eu ainsi une exacte connaissance, avait trouvé bon d’en écrire méthodiquement à Théophile, afin que celui-ci eût la certitude des choses dans lesquelles il avait été instruit. C’est ainsi que Dieu a pourvu à l’instruction de l’Église tout entière, par la doctrine contenue dans le tableau de la vie de Jésus que nous devons à cet homme de Dieu, qui, mû personnellement par des motifs chrétiens, a été dirigé et inspiré par le Saint Esprit pour le bien de tous les croyants[2].

Au verset 5, l’évangéliste commence par les premières révélations de l’Esprit de Dieu relatives à ces événements, événements dont l’état du peuple de Dieu et l’état du monde dépendaient tout entiers, et dans lesquels Dieu devait se glorifier pour toute l’éternité.

Le récit nous fait entrer de suite dans l’atmosphère judaïque, au milieu des institutions judaïques : ce sont les ordonnances juives de l’Ancien Testament, les pensées et l’attente qui s’y rattachent qui forment le cadre dans lequel le grand et solennel fait est placé. Hérode, roi de Judée, en fournit la date ; et c’est un sacrificateur de l’une des vingt-quatre classes, homme juste et intègre, que nous rencontrons aux premiers pas sur notre chemin. Sa femme était des filles d’Aaron, et tous les deux justes devant Dieu, marchant sans reproche dans tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur (Jéhovah). Tout chez eux était en règle devant Dieu selon Sa loi, dans le sens judaïque ; mais ils ne jouissaient pas de la bénédiction souhaitée par tout Juif : ils n’avaient pas d’enfant. Cependant il était selon les voies, on peut dire, ordinaires de Dieu dans Son gouvernement au milieu de Son peuple, d’accomplir Sa bénédiction en manifestant la faiblesse de l’instrument dont Il se servait ; faiblesse qui, d’après les pensées humaines, ôtait dans ce cas-ci tout espoir. Telle avait été l’histoire des Sara, des Rebecca, des Anne, et de bien d’autres dont la Parole nous parle pour nous instruire dans les voies de Dieu.

Cette bénédiction, objet des vœux, souvent exposés à Dieu, du pieux sacrificateur, ne lui avait pas été accordée jusqu’alors : l’exaucement tardait. Mais maintenant lorsque, au moment d’exercer son ministère régulier, Zacharie s’approche pour offrir l’encens qui, selon la loi, devait monter (figure de l’intercession du Seigneur) comme un parfum devant Dieu, et tandis que le peuple priait en dehors du lieu saint, l’ange de l’Éternel se présente au sacrificateur à la droite de l’autel des parfums (v. 8 et suiv.). À la vue de ce glorieux personnage, le trouble s’empare de l’esprit de Zacharie ; mais l’ange l’encourage en lui déclarant qu’il porte de bonnes nouvelles, et en lui faisant connaître l’exaucement de ses vœux, longtemps et en apparence inutilement présentés à Dieu : « Ne crains pas, Zacharie, parce que tes supplications ont été exaucées, et ta femme Élisabeth t’enfantera un fils, et tu appelleras son nom Jean », c’est-à-dire « la faveur de l’Éternel ». « Et il sera pour toi un sujet de joie et d’allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance », qui sera pour eux un sujet d’actions de grâces. Mais ce n’est pas seulement comme fils de Zacharie, que cet enfant devait réjouir les cœurs de plusieurs : l’Éternel le donne à Zacharie, et il sera grand devant le Seigneur ; il sera nazaréen et rempli du Saint Esprit dès le ventre de sa mère, et aussi il fera retourner le cœur de plusieurs des enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu. Il ira devant Sa face dans l’esprit d’Élie et avec la même puissance, pour rétablir en Israël, dans ses sources mêmes, l’ordre moral, pour ramener les désobéissants à la pensée des justes, et pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé.

« L’esprit d’Élie » était un zèle ferme et ardent pour la gloire de l’Éternel et pour l’établissement ou le rétablissement, par la repentance, des relations d’Israël avec Lui. Le cœur de Jean tenait à ce lien du peuple avec leur Dieu, selon la force et la gloire de ce lien même, mais dans le sentiment de l’état de décadence du peuple, et conformément aux droits de Dieu qui se rattachaient à ces relations elles-mêmes. En effet, quoique la grâce de Dieu envers Son peuple eût envoyé Jean, l’esprit d’Élie était un esprit légal en un certain sens ; il faisait valoir les droits de l’Éternel en jugement. La grâce, par lui, ouvrait la porte à la repentance ; c’était la grâce, mais non la grâce souveraine qui apporte le salut même, quoique cependant elle en préparât la voie. C’est dans la force morale de son appel à la repentance que Jean est ici comparé à Élie, dans le but de rapprocher Israël de l’Éternel. Or l’Éternel, en effet, était là quand Jésus a paru.

Mais la foi de Zacharie en Dieu et dans Sa bonté n’était pas, cas trop ordinaire, hélas ! à la hauteur de sa requête ; et quand celle-ci est exaucée à une époque qui rendait nécessaire une intervention particulière de la puissance de Dieu, il ne sait pas marcher sur les traces des Abraham et des Anne, et il demande encore comment la chose peut se faire ?

La bonté de Dieu fait tourner le manque de foi de Son serviteur en un châtiment instructif pour lui et pour le peuple, en une preuve que Zacharie a été visité d’en haut : Zacharie restera muet jusqu’à ce que la parole de l’Éternel soit accomplie ; et les signes qu’il fait au peuple étonné de sa longue station dans le sanctuaire, en expliquent la cause.

Or la parole de Dieu s’accomplit en faveur de Zacharie ; et Élisabeth, reconnaissant la bonne main du Seigneur qui l’avait bénie, se cache avec un tact qui tenait à sa piété. La grâce qui la bénissait ne la rendait pas insensible à ce qui était une honte en Israël, et qui, tout en étant ôté, laissait aux yeux des hommes des traces de cet opprobre dans les circonstances surnaturelles mêmes de la bénédiction qui lui était accordée. Il y avait là une justesse de sentiment convenable à une sainte femme. Mais ce qui se dérobe justement à l’homme, a toute sa valeur devant Dieu, et Élisabeth est visitée dans sa retraite par la mère du Seigneur.

Ici la scène change pour introduire le Seigneur Lui-même dans cette scène merveilleuse qui se déroule devant nos yeux. Dieu, qui avait tout préparé d’avance, envoie maintenant annoncer à Marie la naissance du Sauveur. Dans le lieu que l’homme eût le moins soupçonné, et dont la renommée suffisait aux yeux du monde pour la condamnation de ceux qui en sortaient, une jeune fille inconnue à tous ceux que le monde connaissait, était fiancée à un pauvre charpentier ; Marie était son nom. Or tout était renversé en Israël : le charpentier était de la maison de David. Mais les promesses de Dieu qui jamais ne les oublie, et jamais ne méconnaît ceux qui en sont les objets, trouvaient ici le lieu de leur accomplissement ; la puissance et les affections de Dieu se dirigent ici selon leur énergie divine. Qu’importait que Nazareth fût grand ou petit, sinon pour montrer que Dieu ne s’attend pas à l’homme, mais que c’est à l’homme de s’attendre à Dieu ! Gabriel est donc envoyé à Nazareth, « à une vierge, fiancée à un homme dont le nom était Joseph, de la maison de David » (v. 27).

Le don de Jean à Zacharie avait été une réponse aux prières de celui-ci — Dieu était fidèle à Sa bonté envers un peuple qui s’attend à Lui. Mais ici, il y a une visitation de la grâce souveraine : Marie, vase d’élection, avait dans ce but trouvé grâce aux yeux de Dieu ; elle était favorisée par la grâce souveraine et bénie entre les femmes[3]. Elle devait concevoir et enfanter un fils qu’elle appellerait Jésus. « Et voici, tu concevras dans ton ventre, et tu enfanteras un fils, et tu appelleras son nom Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-haut ; et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; et il régnera sur la maison de Jacob à toujours, et il n’y aura pas de fin à son royaume » (v. 31-33).

On remarquera que le sujet placé ici devant nos yeux par le Saint Esprit est la naissance de l’enfant, tel qu’Il serait ici-bas dans ce monde, tel qu’Il serait, enfanté de Marie : Lui qui serait né. L’instruction du Saint Esprit sur ce point est divisée en deux portions ; l’une concernant l’enfant qui naîtra ; l’autre relative à la manière de Sa conception et à la gloire qui découlera de son résultat. Ce qui est présenté ici n’est pas la nature simplement divine de Jésus, la Parole qui était Dieu et qui a été faite chair, mais ce qui était né de Marie et la façon particulière de cette naissance. Nous savons bien que c’est de ce même précieux et divin Sauveur proclamé par l’apôtre Jean qu’il est question en Luc ; mais Il est présenté ici sous un autre aspect d’un intérêt infini pour nous, et nous devons Le considérer sous le jour dans lequel le Saint Esprit Le montre comme né de la vierge Marie dans ce monde de larmes. Occupons-nous d’abord des versets 31-33.

Celui qui était annoncé par l’ange était un enfant vraiment conçu dans le sein de Marie qui l’a enfanté au temps réglé pour la nature humaine par Dieu Lui-même : elle l’a porté jusqu’au terme pour accoucher. Ceci ne nous dit rien encore du comment : c’est le fait qui est révélé, fait pour nous d’une importance impossible à exagérer ou à mesurer : Il était réellement et vraiment homme, né comme nous d’une femme, non pas quant à la source, ni quant à la manière de Sa conception dont nous ne parlons pas encore, mais quant à la réalité de Son existence comme homme ! C’était une personne vraiment et réellement humaine, redisons-le encore.

Mais d’autres choses qui se rattachent à la personne de Celui qui doit naître sont aussi racontées. Son nom sera appelé Jésus, c’est-à-dire, Jéhovah le Sauveur : Il sera manifesté dans ce caractère et avec cette puissance : car Il était réellement celui dont Il portait ainsi le nom. Ceci n’est pas rattaché au fait « qu’il sauvera son peuple de leurs péchés », comme en Matthieu, où l’on trouve la manifestation de la puissance de l’Éternel, du Dieu d’Israël, à ce peuple dans l’accomplissement des promesses à lui faites. Ici nous voyons que Jésus a droit à ce nom ; mais le titre divin reste caché sous la forme d’un nom personnel ; car Celui que Luc nous présente c’est le Fils de l’homme, quelle que fût d’ailleurs Sa puissance divine.

Ensuite, selon les paroles de l’ange, Celui qui naîtrait « serait grand » ; et né dans ce monde, Il « serait appelé le Fils du Très-haut ». Avant que le monde fût, Il était le Fils du Père ; mais né dans ce monde, cet enfant, tel qu’Il serait ici-bas, serait appelé Fils du Très-haut, titre qu’Il démontrerait avoir le droit de porter, et par Ses actes et par tout ce qui manifesterait ce qu’Il était. Pensée précieuse et pleine de gloire pour nous ! un enfant né d’une femme jouit à juste titre de ce nom, suprêmement glorieux pour quelqu’un qui avait la position d’un homme et l’était réellement devant Dieu.

Mais à Celui qui naîtrait se rattachent encore d’autres choses : Dieu Lui donnera le trône de David, Son père. De nouveau, nous le voyons bien ici, Il est considéré comme né homme dans ce monde ; le trône de David, Son père, Lui appartient : Dieu le Lui donnera. Il est par droit de naissance héritier des promesses terrestres, qui, quant à la royauté, se concentraient dans la famille de David : mais ce sera selon les conseils et la puissance de Dieu. Il régnera « sur la maison de Jacob », non seulement sur la Judée et dans la faiblesse d’une puissance passagère et d’une vie éphémère ; ce sera « à toujours, et il n’y aura pas de fin à son royaume ». — En effet, ainsi que Daniel l’avait dit (chap. 2, 44), ce royaume « ne sera jamais détruit » et « ne passera point à un autre peuple » : il sera établi selon les conseils de Dieu qui ne changent pas, selon Sa puissance qui ne fait pas défaut. Jusqu’à ce qu’Il remette le royaume à Dieu le Père, Jésus exercera une royauté indiscutable que, tout étant accompli, Il remettra à Dieu, mais dont la force royale ne défaudra jamais entre Ses mains. Tel serait l’enfant qui allait naître, cet enfant véritablement né d’une manière miraculeuse comme homme. Pour celui qui savait comprendre Son nom, Il était Jéhovah le Sauveur, et Il serait roi sur la maison de Jacob selon une puissance qui ne défaillirait, ni ne manquerait jamais, jusqu’à ce qu’elle se confondît avec la puissance éternelle de Dieu comme tel.

Le grand sujet de la révélation donnée par l’ange à Marie, c’est que l’enfant serait conçu et né : ce qui est ajouté encore, c’est la gloire qui Lui appartient étant né. Mais c’est la conception que Marie ne comprend pas ; et Dieu lui permet de demander à l’ange comment elle aurait lieu. La question de Marie était selon Dieu ; et je ne crois pas qu’ici il y eût manque de foi. Zacharie avait constamment demandé un fils, et il ne s’agissait que de la puissance et de la bonté de Dieu pour réaliser ses vœux. Amené par la déclaration positive de Dieu au point où il n’y avait plus qu’à se confier dans une promesse, il ne s’y fie pas, lors même qu’il n’y avait dans un ordre de choses naturel, qu’à attendre un exercice extraordinaire de la puissance de Dieu. Mais Marie demande avec une sainte confiance, puisque Dieu la favorisait ainsi, comment s’accomplirait, en dehors de l’ordre naturel, la chose qui lui était annoncée : de l’accomplissement elle ne doute pas[4] ; elle demande le comment de ce qui s’accomplira, puisque cela doit se faire hors de l’ordre de la nature. L’ange poursuit sa mission en communiquant à Marie la réponse de Dieu à cette question qui, dans les voies de Dieu, a été, grâce à la réponse qu’elle a reçue, une occasion de révéler la conception miraculeuse de Jésus. Il s’agissait de Sa naissance de la vierge Marie : c’était de cela que l’ange parlait. Le Seigneur Jésus était Dieu et Il était homme. Cette personne née, et née de la vierge Marie, et qui a marché ici-bas, était Dieu, et elle est devenue homme. Ce n’est pas cela toutefois qui nous est spécialement déclaré ici, mais bien la manière de la conception ; ce n’est pas non plus ce qu’elle était auparavant, mais la conception miraculeuse de Celui qui est né tel qu’Il a été dans ce monde. Selon les paroles de l’ange, le Saint Esprit viendrait sur Marie et agirait en puissance sur ce vase de terre, sans la volonté de celui-ci, ni celle d’aucun homme. Dieu est donc la source de la vie de l’enfant promis à Marie en tant que né dans ce monde, et par Sa puissance cet enfant est sorti du sein de Marie, de cette femme élue de Dieu : « La puissance du Très-haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi aussi la sainte chose qui naîtra sera appelée Fils de Dieu » (v. 35). Saint par Sa naissance, conçu par l’intervention de la puissance de Dieu agissant sur Marie, puissance qui était le principe divin de Son existence ici-bas dans ce monde, Celui qui commencerait ainsi son existence, ce fruit du sein de Marie, aurait dans ce même sens le titre de Fils de Dieu ; cette sainte chose qui serait née de Marie serait appelée le Fils de Dieu. Ce n’est pas ici la doctrine de la relation éternelle du Fils avec le Père : l’évangile de Jean, l’épître aux Hébreux, celle aux Colossiens constatent cette précieuse vérité et signalent son importance ; mais ici, c’est ce qui a été né en vertu de la conception miraculeuse qui est, à ce titre-là, appelé Fils de Dieu.

Ensuite, l’ange annonce à Marie la bénédiction d’Élisabeth par la toute-puissance de Dieu ; et devant la volonté de son Dieu, Marie s’incline, soumise à Ses desseins, comme vase de leur accomplissement, reconnaissant dans ces desseins une élévation qui ne lui laissait, à elle, leur passif instrument, que la place de la soumission à ce que Dieu voulait. C’était sa gloire par la faveur de son Dieu.

Mais il convenait que des merveilles accompagnassent et rendissent un juste témoignage à cette intervention miraculeuse de Dieu. La communication de l’ange ne reste pas sans fruit dans le cœur de Marie, et dans une visite à Élisabeth, elle va reconnaître ces voies merveilleuses de Dieu. La piété de la vierge se montre ici d’une manière touchante. L’intervention miraculeuse de Dieu l’a rendue humble au lieu de l’élever : elle a vu Dieu et non pas elle-même dans ce qui est arrivé ; et bien plus, la grandeur de ces merveilles a amené Dieu assez près d’elle pour la cacher à elle-même. Elle se courbe devant Sa sainte volonté : mais dans tout ceci, Dieu est trop proche de son cœur pour qu’elle s’y voie comme quelque chose d’important. La visite de la mère du Seigneur d’Élisabeth à cette dernière était toute naturelle, car Dieu avait visité la femme de Zacharie (l’ange le lui avait annoncé), et elle s’intéressait aux choses de Dieu, parce que Dieu était près de son cœur par la grâce qui l’avait visitée. Conduite par le Saint Esprit dans son cœur et dans ses affections, Élisabeth, parlant par cet Esprit, reconnaît la gloire qui se rattachait à Marie en vertu de la faveur de Dieu qui l’avait élue pour être la mère de son Seigneur. Sous l’influence de la même inspiration, elle reconnaît aussi la foi pieuse de Marie et lui annonce l’accomplissement de la promesse que Dieu lui avait faite. Tout ce qui se passe est un témoignage éclatant rendu à Celui qui devait naître au milieu d’Israël et des hommes. — Alors le cœur de Marie s’épanche en actions de grâce. Elle reconnaît Dieu son Sauveur dans la grâce qui l’a remplie de joie, et sa propre petitesse, figure de l’état du résidu d’Israël, petitesse qui servait d’occasion à la grandeur de Dieu pour intervenir avec un plein témoignage que tout était de Lui. Quelle que fût la piété convenable à un instrument qu’Il employait, piété qui se trouvait en effet chez Marie, celle-ci n’était grande qu’en tant qu’elle se cachait, car alors Dieu était tout, et c’était par elle qu’Il intervenait pour la manifestation de Ses voies merveilleuses. En faisant quelque chose d’elle-même, elle perdait sa place : mais elle n’a rien fait ainsi. Dieu l’a gardée par Sa grâce, afin que Sa gloire fût pleinement déployée dans l’événement divin. Et Marie reconnaît cette grâce, et en même temps que tout est grâce envers elle.

Le caractère et l’application des pensées qui remplissent le cœur de Marie, sont tout judaïques. On peut rapprocher du cantique qui nous les fait connaître, le cantique d’Anne (1 Sam. 2) qui célèbre prophétiquement cette même intervention divine (voyez les versets 44-45). Mais Marie, il faut le remarquer, remonte aux promesses faites aux pères, non pas à Moïse, et elle embrasse tout Israël. On voit dans ses paroles la force de Dieu qui s’accomplit dans l’infirmité quand il n’y a plus de ressource et que tout est contraire. C’est le moment qui convient à Dieu ; et pour cela, il Lui faut des instruments qui soient nuls, afin que Lui soit tout.

Il n’est pas dit, chose à remarquer aussi, que Marie fût remplie du Saint Esprit ; et il me semble que c’est une distinction honorable pour elle. Le Saint Esprit visitait Élisabeth et Zacharie d’une manière exceptionnelle ; mais quoique l’on ne puisse douter que Marie ne fût sous l’influence de l’Esprit de Dieu, la réponse de celle-ci était un effet plus intérieur de l’action de cet Esprit et se rattachait davantage à sa propre foi, à sa piété, et aux relations habituelles de son cœur avec Dieu, formées par cette foi et cette piété. Marie s’exprimait par conséquent en termes qui étaient davantage la voix de ses propres sentiments. Elle rendait grâces pour la bonté et la faveur dont elle était l’objet, elle de si basse condition, et cela en relation avec les espérances et la bénédiction d’Israël. Dans tout ceci, il y a, ce me semble, une convenance très frappante avec la grâce merveilleuse qui avait été faite à Marie. Je le répète, Marie est grande en tant qu’elle n’est rien ; mais étant favorisée de Dieu d’une manière sans pareille, tous les âges la diront bienheureuse. Mais dans le cantique qui nous occupe, sa piété et ce qui l’exprime ayant un caractère plus personnel, étant une réponse à Dieu plutôt qu’une révélation de Sa part, Marie se borne clairement à ce qui, pour elle, devait être la sphère de cette piété, savoir Israël, les espérances de ce peuple et les promesses à lui faites. Elle atteint, nous l’avons vu, au point de vue le plus élevé des relations de Dieu avec Israël ; mais elle ne le dépasse pas.

Marie reste trois mois auprès d’Élisabeth, de la femme bénie de Dieu, de la mère de celui qui sera la voix de Dieu dans le désert ; puis elle se retire pour suivre humblement sa propre voie, afin que celles de Dieu s’accomplissent. Rien de plus beau dans son genre que ce tableau des entretiens de ces femmes pieuses, inconnues au monde, mais instruments de la grâce de Dieu pour accomplir Ses desseins glorieux, infinis dans leurs conséquences. Elles se cachent et se meuvent dans une scène où rien n’entre que la piété et la grâce : mais Dieu est là, pas plus connu du monde que ces pauvres femmes qu’il ignorait, mais préparant et accomplissant ce que les anges désirent sonder jusqu’au fond. Cela se passe dans l’ombre, loin d’un monde qui ne connaît pas Dieu ; mais les cœurs des pieuses femmes, visités de Dieu et touchés par Sa grâce, répondaient par leur piété mutuelle à ces visites merveilleuses d’en haut ; et la grâce de Dieu se reflétait d’une manière vraie dans le calme du cœur de Marie qui reconnaissait Sa main et Sa grandeur en se confiant en Sa bonté et en se soumettant à Sa volonté. C’est une grâce pour nous d’être admis là d’où le monde a été exclu par son incrédulité et son éloignement de Dieu, et où Dieu a agi de la sorte.

Mais ce que la piété reconnaît en secret par la foi, dans les visitations de Dieu, doit enfin se publier et s’accomplir à la face des hommes. Le fils de Zacharie et d’Élisabeth est né, et son père, obéissant à la parole de l’ange, cesse d’être muet (v. 57 et suiv.) ; il annonce la venue du rejeton de David, de la corne du salut d’Israël dans la maison du roi élu, pour accomplir toutes les promesses faites aux pères et toutes les prophéties par lesquelles Dieu avait annoncé la bénédiction future de Son peuple. L’enfant que Dieu a donné à Zacharie et à Élisabeth ira devant la face de l’Éternel pour Lui préparer le chemin ; car le Fils de David est « l’Éternel qui vient », selon les promesses et la parole par laquelle Dieu avait annoncé la manifestation de Sa gloire.

La visitation d’Israël par l’Éternel, célébrée par la bouche de Zacharie, embrasse tout le bonheur du millénium. Ce bonheur se rattache à la présence sur la terre de Jésus, l’apportant dans Sa personne qui en fait le centre et la sûreté. Toutes les promesses sont oui et amen en Lui ; toutes les prophéties l’entourent de la gloire qui se réalisera à cette époque (dans le millénium), et font de Lui la source même d’où elle jaillit. Abraham trouvait sa joie à voir la journée glorieuse du Christ. — C’est ce que fait toujours le Saint Esprit quand il s’agit de l’accomplissement de la promesse en puissance : Il s’avance jusqu’au plein effet que Dieu opère à la fin. La différence ici est que ce ne sont plus des joies annoncées pour un avenir lointain, quand il y aurait eu pour cela un Christ ou un enfant à naître, pour introduire ces jours de réjouissance, en des temps encore obscurs à cause de leur éloignement : le Christ est là, à la porte, et c’est l’effet de Sa présence qui est célébré. Nous savons que, puisqu’Il a été rejeté et qu’Il est maintenant absent, l’accomplissement de ces choses est nécessairement renvoyé à Son retour ; mais Sa présence amènera cet accomplissement qui est annoncé comme rattaché à cette présence.

On observera que ce premier chapitre se renferme dans les strictes limites des promesses faites à Israël, c’est-à-dire aux pères. Nous y trouvons les sacrificateurs, le Messie, le précurseur de celui-ci, les promesses faites à Abraham, l’alliance de la promesse et le serment de Dieu. Ce n’est pas la loi ; mais l’espérance d’Israël, fondée sur la promesse, l’alliance et le serment de Dieu, et confirmée par les prophètes, qui trouve sa réalisation dans la naissance de Jésus, du Fils de David. Ce n’est pas la loi, je le répète, mais Israël sous la bénédiction, non encore accomplie, sans doute, mais dans les relations de la foi avec Dieu qui devait l’accomplir. Il ne s’agit que de Dieu et d’Israël, de ce qui s’était passé en grâce entre Lui et Son peuple seul.

Chapitre 2. — La scène change ici. On sort de ces relations selon la grâce entre Dieu et Israël, pour être placé de prime abord devant l’empereur païen du monde, le chef du dernier empire de Daniel, exerçant sa puissance sur la terre d’Emmanuel et sur le peuple de Dieu, comme si Dieu ne les connaissait pas. Cependant nous assistons à la naissance du Fils de David, d’Emmanuel Lui-même ; mais cet événement s’accomplit extérieurement sous la puissance du chef de la Bête, d’un empire païen. Quel étrange état de choses le péché n’introduit-il pas ? Toutefois ce qui le fait ressortir ici, c’est la grâce, l’intervention de Dieu. — Mais d’autres circonstances encore, auxquelles il est bon de faire attention, se rattachent à la mission de Jésus au milieu de cet état de choses. Lorsqu’il est question des intérêts et de la gloire de Jésus, toute cette puissance qui gouverne sans la crainte de Dieu, toute cette puissance qui domine en cherchant sa propre gloire là où le Christ devait dominer, toute la gloire impériale, n’est qu’un instrument entre les mains de Dieu pour l’accomplissement de Ses desseins. Pour ce qui est du fait public dont la Parole nous entretient, nous voyons l’empereur romain exerçant un pouvoir despotique et païen là où aurait dû être le trône de Dieu, si le péché du peuple n’eût rendu l’établissement de ce trône impossible dans « la sainte cité ». L’empereur veut que tout le monde se fasse enregistrer, et chacun se rend dans sa ville. La puissance terrestre se signale par un acte qui montre sa suprématie sur ceux qui (comme le peuple de Dieu) auraient dû être libres de tout, sauf du gouvernement de leur Dieu, ce qui d’ailleurs fait leur gloire ; et cet acte par son caractère montre la complète dégradation et l’assujettissement du peuple : ils sont, à cause de leurs péchés, esclaves des païens dans leurs corps et dans leurs biens[5] ; mais cet acte, d’ailleurs, n’aboutit à autre chose qu’à accomplir l’admirable dessein de Dieu, qu’à faire naître le Roi libérateur dans le village où, selon le témoignage de Dieu, Sa naissance devait avoir lieu. Et plus que cela, cette divine personne qui devait faire éclater la joie et les louanges du ciel, est née au milieu des hommes, Lui-même un enfant dans ce monde.

L’enregistrement ordonné ici par César Auguste est d’autant plus remarquable, que, sitôt le dessein de Dieu accompli, il n’a pas eu de suite sur le moment, mais plus tard seulement, sous le gouvernement de Cyrénius[6].

L’état de choses que nous rencontrons ici en Israël et dans le monde, c’est donc la suprématie des Gentils et l’absence du trône de Dieu. Le Fils de l’homme, le Sauveur, Dieu manifesté en chair, vient y prendre place, mais une place que la grâce seule avait pu trouver et occuper dans un monde qui ne Le connaît pas.

Le Fils de Dieu est né dans ce monde, mais Il n’y trouve pas de place. Le monde est chez soi, ou au moins il trouve par ses ressources mondaines une place dans l’hôtellerie ; le Fils de Dieu n’en trouve que dans la crèche. Est-ce pour rien que le Saint Esprit relève cette circonstance ? Non certes. Dans ce monde il n’y a pas de place pour Dieu, ni pour ce qui est de Dieu ; mais l’amour qui a amené Dieu ici-bas en est d’autant plus parfait. Jésus commença Sa carrière dans une crèche et la termina sur la croix ; et, durant Sa vie, Il n’avait pas un lieu où reposer Sa tête.

Dans le monde, le Fils de Dieu paraît, enfant participant à toute la faiblesse et à toutes les circonstances de la vie humaine ainsi manifestée[7]. Mais si Dieu entre dans le monde et qu’une crèche Le reçoive dans la nature qu’Il a prise en grâce, les anges s’occupent de cet événement duquel dépend le sort de tout l’univers et en qui s’accomplissent tous les conseils de Dieu : car Dieu se choisit les choses faibles pour anéantir les choses fortes. Ce pauvre petit enfant est l’objet de tous les conseils de Dieu, le soutien et l’héritier de la création tout entière, le Sauveur de tous ceux qui hériteront de la vie et de la gloire éternelles. De pauvres gens qui s’acquittaient fidèlement de leur tâche pénible, loin de l’inquiète activité d’un monde ambitieux et pécheur, reçoivent les premières nouvelles de la présence du Seigneur sur la terre. Le Dieu d’Israël ne cherchait pas les grands de Son peuple, mais avait égard aux pauvres du troupeau.

Deux choses se présentent ici : l’ange qui vient annoncer aux bergers de Judée l’accomplissement des promesses de Dieu à Israël ; et le chœur des anges qui, dans leurs louanges célestes, célèbrent la portée réelle de ce merveilleux événement.

« Aujourd’hui, dans la cité de David, vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur », dit le messager céleste aux pauvres bergers qu’il visite. C’était annoncer une bonne nouvelle pour eux et pour tout le peuple.

Mais la naissance du Fils de l’homme, Dieu manifesté en chair, et l’accomplissement de l’incarnation, avaient une portée tout autrement grande. Le fait que ce pauvre petit enfant était là méconnu et abandonné à son sort, humainement parlant, avait une portée qui, pour les intelligences célestes, pour la foule des armées célestes, dont les louanges retentissaient lors de la déclaration faite par l’ange aux bergers, se résumait ainsi : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre, paix ; et bon plaisir [de Dieu] dans les hommes ! ». Ces quelques mots embrassent une telle étendue de pensées que, dans un travail comme celui-ci, il est difficile de s’en occuper convenablement : quelques remarques sont cependant nécessaires. — D’abord, il est profondément doux de voir que la pensée de Jésus dont les anges sont remplis, exclut tout ce qui pouvait oppresser le cœur dans ce qui a accompagné Sa présence sur la terre. Le péché était là ; hélas ! il était manifesté dans la position même où se trouvait cet enfant merveilleux. Mais si le péché L’avait placé là, la grâce L’y avait placé aussi : la grâce surabonde ; et en pensant à Lui, la bénédiction, la pensée de Dieu à l’égard du péché, ce que Dieu est, en tant que manifesté en la personne de Jésus, absorbent l’esprit, possèdent le cœur, et sont pour Lui un soulagement dans un monde comme celui-ci. On ne voit que la grâce ; et le péché ne fait que rehausser la plénitude, la domination et la perfection de cette grâce. Dieu, dans Ses voies glorieuses, efface le péché à l’égard duquel Il agit et qu’Il montre ainsi dans toute sa difformité : mais il y a ce qui surabonde. Jésus, venu en grâce, remplit le cœur. Il en est de même dans tous les détails de la vie chrétienne ; et c’est là la vraie source de puissance morale, de sanctification et de joie.

Ensuite, cette présence de Jésus né comme un enfant sur la terre, fait ressortir d’abord ce qui est exprimé par ces mots : « Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts ! ». L’amour de Dieu, Sa sagesse, Sa puissance qu’Il a manifestés non pas en tirant l’univers du néant, mais en se mettant au-dessus du mal, et en faisant de l’effet de toute la puissance de l’Ennemi, l’occasion (et cela par le moyen de la faiblesse même dont Il s’était revêtu) de montrer que cette puissance n’était qu’impuissance et folie devant ce que l’on peut appeler la faiblesse de Dieu ; l’accomplissement de Ses éternels conseils ; la perfection de Ses voies là où le mal était entré ; la manifestation de Lui-même au milieu de ce mal de manière à se glorifier devant les anges : toutes ces choses réunies donnaient lieu à ces louanges. Dieu, en un mot, était manifesté de telle sorte par la naissance de Jésus, que l’armée des cieux, à laquelle Sa puissance était familière depuis longtemps, pouvait entonner : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ! ». Et toute voix se joignait à la célébration de ces louanges. Quel amour que cet amour ! et Dieu est amour. Quelle pensée purement divine que celle de Dieu devenu homme ! Quelle suprématie du bien sur le mal ! Quelle sagesse, si Dieu voulait s’approcher du cœur de l’homme ! Quelle convenance de s’adresser ainsi à l’homme ! Quel maintien de la sainteté de Dieu ! Quelle proximité du cœur de l’homme, quelle participation à ses besoins, quelle expérience de son état ! Mais par-dessus tout, Dieu au-dessus du mal en grâce, et visitant dans cette grâce le monde souillé, pour se faire connaître comme jamais Il n’avait été connu.

La présence de Celui qui manifestait Dieu sur la terre, a, en second lieu, pour effet que la « paix » sera sur la terre. Rejeté, Son nom y sera une occasion de guerre, mais le chœur céleste occupé du fait de Sa présence et du résultat de cette présence, quand elle aura produit tout son effet, et considérée dans ses propres fruits, en célèbre les conséquences bénies et bienheureuses. Le mal disparaîtra ; l’introduction de l’amour parfait bannira toute inimitié : Jésus, puissant en amour, dominera et prêtera le caractère dans lequel Il est venu à toute la scène qui L’entourera, au monde où Il venait de paraître, afin que celui-ci fût selon Son cœur qui trouvait dans ce caractère Ses propres délices (voyez Prov. 8, 31)[8]. Voyez, dans des termes plus brefs, psaume 85, 10, 11. Les moyens par lesquels ces bénédictions seront accomplies, savoir la rédemption, la destruction de la puissance de Satan, la réconciliation de l’homme avec Dieu par la foi, et celle de toutes choses dans les cieux et sur la terre, ne sont pas indiqués. Tout dépendait de la présence et de la personne de Celui qui était né : tout se renfermait en Lui. L’état de bénédiction annoncé dans le chœur des anges naissait avec la naissance de cet enfant. Offert à la responsabilité de l’homme, l’homme est incapable d’en profiter ; et la bénédiction renfermée dans la présence du Seigneur manque tout entière : la position même de l’homme en est aggravée. Mais pour celui qui s’attachait à la personne de Jésus, toutes les conséquences bénies de Sa présence en découlaient nécessairement. C’était, après tout, l’intervention de Dieu accomplissant les conseils de Son amour, le propos arrêté de Son bon plaisir ; et une fois Jésus là, la conséquence ne pouvait pas manquer, quelqu’interruption qu’il y eût à son accomplissement : Jésus en était le garant ; Il était venu au monde ; Il contenait et Il exprimait dans Sa personne toutes ces conséquences. Le Fils de Dieu au milieu des pécheurs, disait pour l’intelligence spirituelle : « Paix sur la terre ! ».

Cette présence de Jésus sur la terre, a pour troisième effet : « le bon plaisir[9], l’affection de Dieu dans les hommes ». Rien de plus simple : puisque Jésus était un homme, Il n’avait pas pris les anges, mais la semence d’Abraham ; les hommes étaient les objets de Sa grâce infinie. C’était un témoignage glorieux que l’affection, le bon plaisir de Dieu se concentraient sur cette pauvre race dans laquelle, tout éloignée qu’elle fût de Lui, Il voulait accomplir tous Ses conseils glorieux. En Jean 1, « la vie était la lumière des hommes ». En un mot, c’était la puissance de Dieu présente en grâce dans la personne du Fils de Dieu, prenant part à la nature et s’intéressant au sort d’un être qui s’était éloigné de Lui, et faisant de cet être même la sphère de l’accomplissement de tous Ses conseils et de la manifestation de Sa grâce et de Sa nature à toutes Ses créatures. Quelle position pour l’homme ! car c’est bien dans l’homme que tout cela s’accomplissait. Tout l’univers devait apprendre dans l’homme et dans ce que Dieu était pour l’homme, ce que Dieu est en Lui-même, le fruit de tous Ses conseils glorieux, ainsi que « Son repos » parfait en Sa présence et d’après Sa nature d’amour.

Voilà ce qu’impliquait la naissance de cet enfant dont personne ne tenait compte, mais qui était le sujet naturel et merveilleux des louanges des saints habitants du ciel, de ces multitudes de l’armée céleste auxquelles Dieu en avait donné la connaissance. « Et il arriva, lorsque les anges s’en furent allés d’avec eux au ciel, que les bergers dirent entre eux : Allons donc jusqu’à Bethléhem, et voyons cette chose qui est arrivée que le Seigneur nous a fait connaître » (v. 15). La foi était en exercice dans ces simples Israélites ; elle trouvait sa joie dans la bénédiction qui s’accomplissait devant leurs yeux, et qui donnait une réalité vivante à cette grâce que Dieu leur avait faite en leur annonçant la bénédiction elle-même. Ces mots : « la parole qui leur avait été dite », ajoutent leur témoignage de bonté à tout ce dont nous jouissons en grâce de la part de Dieu.

L’enfant reçoit le nom de Jésus le jour de Sa circoncision, selon les coutumes des Juifs (comp. chap. 1, 59), mais selon les conseils et les révélations de Dieu communiqués par les anges de Sa puissance. Tout au reste s’accomplit selon la loi : car historiquement nous nous trouvons toujours en rapport avec Israël. Celui qui est né de femme « est né sous la loi » (Gal. 4, 4).

La pauvreté des circonstances dans lesquelles Jésus a été placé ici-bas se montre encore dans le sacrifice offert pour la purification de Sa mère. « Et quand les jours de leur purification, selon la loi de Moïse, furent accomplis, ils le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur (selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur, que tout mâle qui ouvre la matrice sera appelé saint au Seigneur), et pour offrir un sacrifice, selon ce qui est prescrit dans la loi du Seigneur, une paire de tourterelles ou deux jeunes colombes » (v. 22-24).

Mais un autre point important est ici mis en relief par le Saint Esprit, tout chétif en apparence que puisse être Celui qui en fournit l’occasion. Jésus est reconnu du résidu pieux d’Israël en tant que le Saint Esprit agit en celui-ci, et Il devient une pierre de touche pour toute âme en Israël. L’état de ce résidu enseigné par le Saint Esprit, c’est-à-dire conduit par la grâce, et qui, ainsi éclairé de la lumière de Dieu, avait pris sa vraie position, était celui-ci : il avait la conscience de la misère et de la ruine d’Israël, mais s’attendait au Dieu d’Israël et à Sa fidélité immanquable pour la consolation de Son peuple ; et Dieu était avec ce résidu. Il avait fait connaître à ceux qui comptaient ainsi sur Sa bonté, la venue du rédempteur d’Israël qui avait été promis et qui devait être l’accomplissement de cette bonté pour le peuple (v. 25 et suiv.).

Ainsi, en présence de l’oppression des Gentils et de l’iniquité d’un peuple qui mûrissait dans le mal, le résidu qui compte sur Dieu ne perd pas ce que, dans le chapitre précédent, nous avons vu appartenir à Israël : dans la misère du peuple, il a pour consolation ce que la promesse et la prophétie annonçaient pour la gloire d’Israël.

Le Saint Esprit avait averti Siméon qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur : voilà sa consolation, et elle était grande ; elle se renfermait dans la personne de Jésus le Sauveur, sans aller plus loin dans les détails de la manière ou des temps de l’accomplissement de la délivrance d’Israël. Siméon aimait Israël et s’en allait en paix, puisque Dieu le bénissait selon les désirs de sa foi. La joie de la foi s’arrête au Seigneur et à Son peuple, mais elle voit dans la relation qui existe entre eux, toute l’étendue de ce qui donne lieu à cette joie. Le salut, la délivrance de Dieu étaient venus en Christ ; et la présence de Christ était pour la révélation des Gentils jusqu’alors cachés dans les ténèbres de l’ignorance sans révélation, et pour la gloire d’Israël, peuple de Dieu. Ce que le Saint Esprit dit ici par la bouche de Siméon, est l’expression du résultat du gouvernement de Dieu en Christ, c’est-à-dire du millénium. Mais si l’Esprit révélait à ce pieux et fidèle serviteur de Dieu l’avenir qui dépendait de la présence du Fils de Dieu, Il lui révélait qu’il tenait ce Sauveur Lui-même dans ses bras, lui donnant ainsi une paix présente et une telle conscience de la faveur de Dieu que la mort en avait perdu ses terreurs. Ce n’était pas une connaissance de l’œuvre de Jésus qui se rapportait à une conscience éclairée et convaincue ; mais c’était l’accomplissement des promesses faites à Israël, la possession du Sauveur et la preuve de la faveur de Dieu, de sorte que la paix qui en découlait remplissait l’âme de Siméon. Il y avait pour lui trois choses : la prophétie qui annonçait la venue du Christ, la possession du Christ, et l’effet de Sa présence dans tout le monde. Nous sommes ici en rapport avec le résidu d’Israël, et par conséquent nous ne trouvons pas l’Église et les choses célestes proprement dites : le rejet de l’objet de ces témoignages vient après. Ce qui nous est présenté dans cette portion de l’évangile est tout ce qui appartient au résidu en fait de bénédiction par la présence de Jésus ; l’œuvre du Seigneur n’est pas le sujet dont l’Esprit de Dieu parle dans ces passages.

Quel beau tableau et quel témoignage rendu à cet enfant, dont nous suivons l’histoire pas à pas, que la manière dont, par la puissance du Saint Esprit, Il remplissait le cœur de ce saint homme sur la fin de sa vie terrestre ! Et remarquez quelles étaient les communications de l’Esprit de Dieu à ce faible résidu inconnu au milieu des ténèbres qui couvraient le peuple ! Qu’il est doux en même temps de penser combien de ces âmes, remplies de grâce et de la communion du Seigneur, ont fleuri dans l’ombre, inconnues de l’homme, mais connues et chéries de Dieu, de ces âmes qui, quand elles paraissent, sortant selon Sa volonté de leurs retraites pour rendre témoignage à Christ, jouissent elles-mêmes et nous parlent d’une manière si douce pour nos cœurs, d’une œuvre de Dieu qui se fait malgré tout ce dont l’homme s’occupe, et s’accomplit derrière la scène pénible et pleine d’amertume qui se déploie dans ce monde ! Mais le témoignage de Siméon, ce saint homme de Dieu, était plus que l’expression des pensées profondément intéressantes qui avaient rempli son cœur, comme fruit de ce qui se passait entre Dieu et lui. Cette connaissance de Christ et des pensées de Dieu à son égard qui se développe en secret entre Dieu et l’âme, donne de l’intelligence sur l’effet de la manifestation au monde de Celui qui est l’objet dont l’âme s’occupe. L’Esprit parle de cet effet par la bouche de Siméon. Précédemment, nous recevions de la même source et par le même moyen la déclaration du sûr accomplissement des conseils de Dieu dans le Messie, la joie de son propre cœur ; maintenant, c’est l’effet de la présentation de Jésus comme le Messie à Israël ici-bas qui nous est dépeint. Quelle qu’ait été la puissance de Dieu en Christ dans la bénédiction, Dieu mettait le cœur de l’homme à l’épreuve. Il serait ainsi, en découvrant les pensées de plusieurs, une occasion de chute pour plusieurs, le moyen de relever plusieurs de leur état d’abaissement et de dégradation ; car Il était lumière en Lui-même et les pensées de bien des cœurs seraient d’autant plus découvertes qu’Il a été abaissé dans un monde rempli d’orgueil. Marie même, toute mère du Messie qu’elle fut, aurait le cœur transpercé d’une épée ; car son enfant serait rejeté, les relations naturelles du Messie avec le peuple rompues et méconnues. Ainsi la contradiction des pécheurs contre le Seigneur mettrait à découvert les cœurs, leurs désirs, leurs vœux, leur ambition, quelles que fussent les formes de la piété.

Tel était le témoignage rendu au Christ en Israël selon l’action de l’Esprit de Dieu dans le résidu, au milieu de la misère et de l’esclavage du peuple : dans Sa personne était renfermé le plein accomplissement des conseils de Dieu envers Israël et envers le monde par Israël, pour la joie du cœur du fidèle qui avait espéré dans les promesses, mais l’épreuve, dans ce moment-là, de tous les cœurs par un Messie auquel on contredirait. Les conseils de Dieu et le cœur de l’homme se révélaient en Lui.

Malachie avait dit que ceux qui craindraient l’Éternel dans le mauvais temps où l’on tiendrait pour heureux les orgueilleux, s’entretiendraient souvent ensemble (Mal. 3, 15-16) : ce temps était bien arrivé en Israël. Depuis Malachie jusqu’à la naissance de Jésus, Israël n’avait fait que passer de la misère à l’orgueil qui, du reste, commençait à poindre déjà du temps du prophète ; mais ce que Malachie disait du résidu : « Ils ont parlé l’un à l’autre », s’accomplissait aussi. Nous voyons qu’ils se connaissaient mutuellement dans ce tableau ravissant du peuple de Dieu. « Elle parlait de Lui à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance » (v. 38). Anne paraît ici, cette sainte veuve qui ne quittait pas le temple et qui, consciente de la misère d’Israël, assiégeait le trône de Dieu avec un cœur de veuve pour une nation dont Dieu n’était plus le mari, et qui était réellement veuve comme elle. Anne sort pour annoncer à tous ceux qui repassaient ces choses ensemble, que le Seigneur avait visité Son temple. Ils attendaient la délivrance à Jérusalem, et le Libérateur méconnu des hommes était là. Quel sujet de joie pour ce pauvre résidu ! Quelle réponse à sa foi !

Après tout néanmoins, Jérusalem n’était pas le lieu où Dieu visitait le résidu de Son peuple, mais cette ville était le lieu de l’orgueil de ceux qui disaient : « le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel… » (Jér. 7, 4). Joseph et Marie ayant accompli ce que la loi exigeait, vont prendre leur place et Jésus la sienne, dans le lieu méprisé dont Il devait porter le nom, et dans les contrées où le résidu méconnu, les pauvres du troupeau, avaient pour la plupart leur place, et où le témoignage de Dieu avait annoncé l’apparition de la lumière. Là Sa vie d’enfant s’écoule dans l’accomplissement physique et intellectuel de la nature véritablement humaine qu’Il avait prise : simple et précieux témoignage ! Mais quand le moment est arrivé pour Lui de s’entretenir avec les hommes, Il n’en a pas moins la conscience de Sa relation avec Son Père. Cette humanité et Sa relation avec le Père se trouvent réunies dans ce qui est dit à la fin du chapitre. Dans le développement de Son humanité se manifeste le Fils de Dieu sur la terre. Joseph et Marie qui, tout en s’étonnant de tout ce qui Lui arrivait, ne connaissaient pas Sa gloire d’une manière complète par la foi, blâment l’enfant selon la position dans laquelle Il se trouvait personnellement par le fait, et extérieurement vis-à-vis d’eux (de fait, Joseph n’était pas Son père du tout). Or ceci donne lieu à la manifestation d’un autre caractère de perfection de Jésus. S’Il était Fils de Dieu et en avait toute la conscience, Il était homme obéissant, essentiellement et toujours parfait et sans péché ; Il était enfant obéissant, quel que fût d’ailleurs le sentiment d’une relation qui n’avait en elle-même aucun rapport avec celle de la soumission à des parents humains ; la conscience de l’une de ces relations ne nuisait pas à Sa perfection dans l’autre : que Jésus fût Fils de Dieu, assurait Sa perfection comme homme et enfant sur la terre.

Mais il y a une autre chose importante à remarquer ici : c’est que cette perfection ne tenait pas à ce qu’Il fût oint du Saint Esprit. Il a accompli Son ministère public d’après la puissance et la perfection de cette onction sans doute ; mais Sa relation avec Son Père tenait à Sa personne même. Le lien subsistait entre Lui et Son Père : Il en avait toute la conscience, quel que fût le moyen ou la forme de Sa manifestation publique et de la puissance de Son ministère. Il était tout ce qu’un enfant doit être, mais c’était le Fils de Dieu qui était tel. Sa relation avec Son Père Lui était aussi connue que Son obéissance à Joseph et à Sa mère était belle, convenable et parfaite.

C’est là que nous terminons cette touchante et divine histoire de la naissance et des premiers jours du divin Sauveur, Fils de l’homme, histoire qui, donnée de Dieu, porte l’empreinte de la grâce qui nous l’a accordée et qui a été manifestée dans les faits dont elle parle. Impossible de trouver quelque chose de plus profondément intéressant. Désormais, c’est dans Son ministère, dans Sa vie publique, que nous allons Le retrouver, rejeté des hommes, mais accomplissant les conseils et l’œuvre de Dieu ; et séparé de tous pour le faire, selon la puissance du Saint Esprit qui était en Lui sans mesure, et pour fournir cette carrière à laquelle rien ne peut se comparer : elle est le centre et le moyen, et le seul possible, comprenant Sa mort, Son offrande sans tache à Dieu, de toute relation de nos âmes avec Dieu, la perfection de la manifestation de Sa grâce, et le fondement des seules relations que Dieu puisse maintenant reconnaître de toutes les créatures avec Lui.

Chapitre 3. — Au chapitre troisième, nous trouvons l’exercice du ministère de la Parole envers Israël, par un témoignage qui annonce en même temps l’introduction du Seigneur dans ce monde : ce ne sont pas les promesses à Israël et Ses privilèges assurés de la part de Dieu, ni la naissance de l’enfant, héritier de toutes les promesses ; l’empire même, témoin de la captivité d’Israël, servant d’instrument à l’accomplissement de la Parole qui concernait le Seigneur.

« Or, en la quinzième année du règne de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, et Hérode tétrarque de la Galilée, etc. » (v. 1-2). Les années sont comptées ici d’après le règne des Gentils : la Judée est une province entre les mains de l’empire des Gentils, et les autres parties du pays de Canaan sont partagées entre divers chefs subordonnés à l’empire. Le système juif cependant continue ; et les souverains sacrificateurs sont là pour indiquer par leurs noms les années de leur assujettissement aux Gentils, et en même temps pour conserver l’ordre, la doctrine et les cérémonies des Juifs, autant que cela était possible dans les circonstances où Israël se trouvait.

« Or, en la quinzième année de Tibère César… la parole de Dieu vint à Jean, le fils de Zacharie, au désert. Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance en rémission de péchés » (v. 3 et suiv.). Or la Parole de Dieu est toujours sûre, et lorsque le peuple de Dieu a manqué de fidélité, de sorte que ses relations avec Dieu ne trouvent pas de fondement dans l’intégrité du peuple, lorsque, en un mot, il n’y a point d’autre moyen que celui-là, alors Dieu maintient Ses relations souverainement, par le moyen des communications d’un prophète. Mais dans le cas présent, le message de l’Éternel à Son peuple avait un caractère particulier, car Israël était ruiné, ayant abandonné le Seigneur. La bonté de Dieu avait encore laissé subsister le peuple et l’avait laissé extérieurement dans la jouissance des formes de son culte et du service divin ; mais le trône du monde était transféré aux Gentils. Il s’agissait pour Israël de se repentir, d’être pardonné, et de prendre une nouvelle place par la venue du Messie.

Le témoignage de Dieu n’est donc point en rapport avec Ses ordonnances à Jérusalem (quoique le juste s’y soumette) : le prophète non plus ne les appelle pas à être fidèles, sur le terrain sur lequel ils se trouvaient ; c’est la voix de Dieu dans le désert, aplanissant Ses sentiers, afin que Dieu arrivât comme du dehors pour celui qui se repentirait et qui se préparerait à Son arrivée. Aussi, puisque c’était l’Éternel Lui-même qui venait, Sa gloire ne serait pas renfermée dans les étroites limites d’Israël : « Toute chair » verra la délivrance opérée par Dieu (v. 6). L’état du peuple même, était cet état duquel Dieu, en annonçant la colère qui allait fondre sur une nation rebelle, appelait les âmes à sortir par la repentance. Au reste, si Dieu venait, Il voulait des réalités, des fruits réels de justice, et non un peuple qui n’en eût que le nom ; aussi en susciterait-Il un pour Lui-même, selon Sa puissance souveraine qui savait former pour elle-même ce qu’elle voulait avoir devant ses yeux. Dieu arrivait : Il voulait la justice quant à la responsabilité de l’homme, car Il était juste. Il pouvait se susciter une semence d’Abraham par Sa puissance divine, et cela de pierres même s’Il le trouvait bon. C’est la présence, la venue de Dieu Lui-même qui caractérise tout ici.

Or la cognée était « déjà » mise à la racine des arbres, et chacun était jugé d’après ses fruits. Il ne suffisait pas de s’appeler Juif : si l’on jouissait de ce privilège, où en étaient les fruits ? Là où Dieu trouverait des fruits selon Son cœur, Il reconnaîtrait le bon arbre. Jean s’adresse à la conscience de tous. Ainsi, les péagers haïs des Juifs comme instruments de l’oppression fiscale des Gentils, et les soldats qui exécutaient les ordres arbitraires des gouverneurs païens ou des rois imposés au peuple par les Romains, étaient exhortés à faire ce que la vraie crainte de Dieu devait leur enseigner, en contraste avec l’iniquité qui se pratiquait habituellement selon la volonté de l’homme. Jean exhorte à la charité pratique la foule qui l’interroge ; tandis que le peuple, envisagé comme peuple, est à ses yeux une race de vipères qu’attendait la colère de Dieu. La grâce agit à leur égard, en les avertissant du jugement qui était à la porte.

Dans les versets 3-14, nous avons donc ces deux choses : versets 3-6, la position de Jean vis-à-vis du peuple comme tel, dans la pensée que Dieu Lui-même allait paraître ; versets 7-14, l’appel de Jean à la conscience des individus, faisant comprendre (v. 7-9) que, devant la présence du Dieu juste et saint, les privilèges formels du peuple ne présentaient aucun abri : s’en couvrir n’était qu’attirer sur soi la colère, car le peuple était sous le jugement et exposé à la colère de Dieu. Au verset 10, Jean en vient aux détails ; puis, versets 15-17, la question du Messie se résout.

Du reste, comme nous l’avons dit, le grand sujet de tout ce passage, la grande vérité qui éclate aux yeux du peuple dans le témoignage de Jean le baptiseur, c’est que Dieu Lui-même va paraître. L’homme doit se repentir : les privilèges accordés en attendant, comme moyens de bénédiction, ne sauraient être invoqués contre la nature et la justice de Celui qui venait, ni détruire la puissance par laquelle Il pouvait se créer un peuple selon Son cœur ; toutefois la porte de la repentance est ouverte selon Sa fidélité envers un peuple qu’Il aimait.

Or il y avait une œuvre spéciale pour le Messie, selon les conseils, la sagesse et la grâce de Dieu. « Lui vous baptisera de l’Esprit Saint et de feu » (v. 16), c’est-à-dire qu’Il introduirait la puissance et le jugement qui écartent le mal — l’Esprit Saint, écartant le mal par une puissance qui agit en sainteté et en bénédiction — le feu, symbole de ce jugement qui consume et détruit ce qui s’oppose à la volonté de Dieu. Le Christ baptise de l’Esprit Saint : ce n’est pas simplement un renouvellement de désirs, mais la puissance en grâce au milieu du mal ; Il baptise de feu : c’est le jugement qui consume le mal. Ensuite ce jugement s’applique à Israël, Son aire. Christ mettra le froment ailleurs en sûreté ; la balle sera brûlée par le jugement.

Mais Jean est mis en jugement par le chef royal du peuple : non pas que cet événement ait eu lieu historiquement au moment dont il vient d’être question ; mais l’Esprit de Dieu veut montrer la fin du témoignage de Jean au point de vue moral, pour commencer le récit de la vie de Jésus, le Fils de l’homme, mais né Fils de Dieu dans ce monde.

C’est avec le verset 21 que cette histoire commence ; et de quelle manière étonnante et pleine de grâce ! Dieu avait appelé par Jean le baptiseur Son peuple à la repentance ; et ceux qui écoutaient Sa parole venaient se faire baptiser par celui-ci : c’était le premier signe de la vie et de l’obéissance. Et comme tout le peuple était baptisé, Jésus aussi vient. Jésus, parfait en vie et en obéissance, vient en grâce pour le résidu de Son peuple ; Il prend place avec ce résidu ; Il est baptisé du baptême de Jean, comme le résidu l’avait été. Touchant et merveilleux témoignage ! Jésus n’aime pas de loin, ni en pardonnant seulement ; Il vient se placer par la grâce là où le péché de Son peuple avait placé celui-ci : c’était une place prise sous l’influence du sentiment que l’Esprit convertissant et vivifiant de Son Dieu donnait à ce peuple. Jésus y pousse Son peuple par Sa grâce ; mais Il l’accompagne dans le chemin dans lequel Il l’introduit, dès le premier pas qu’il y fait ; Il prend place avec lui dans toutes les difficultés du chemin et marche à la rencontre de tous les obstacles qui s’y présentent, s’identifiant réellement avec le pauvre résidu, ces « excellents de la terre en qui il trouvait ses délices », appelant l’Éternel, Son Seigneur, s’anéantissant et disant que Sa bonté ne s’élevait point jusqu’à l’Éternel (Ps. 16). En s’identifiant ainsi avec les siens dans leur confession, le Seigneur ne prend pas Sa place éternelle, mais celle de l’humiliation, et partant de la perfection, dans la position jusqu’à laquelle Il s’était abaissé, mais une perfection qui reconnaissait l’existence du péché ; parce qu’en effet il y avait du péché, et le résidu a dû le sentir en retournant à Dieu : ce sentiment était le commencement du bien, de l’œuvre de la grâce et de l’Esprit dans le résidu. C’est là que Jésus prend place avec lui pour aller jusqu’au bout. En Christ, quelque humble que fût la grâce, c’était la grâce qui s’accomplissait par la justice, car c’était en Lui l’amour et l’obéissance, ainsi que la marche par laquelle Il glorifiait son Père. Il est entré par la porte.

Jésus donc, en prenant cette position d’humiliation que demandait l’état du peuple bien-aimé, et dans laquelle la grâce Le plaçait, Jésus se trouvait dans celle de l’accomplissement de la justice et de tout le bon plaisir du Père dont Il devenait ainsi l’objet. Le Père pouvait Le reconnaître comme satisfaisant Son cœur là où se trouvait le péché (et en même temps les objets de Sa grâce), de sorte qu’Il pouvait donner libre cours à Sa grâce. La croix était le plein accomplissement de cette œuvre de grâce, dans laquelle Jésus s’est identifié avec les siens pour porter toutes les conséquences de leur état. Il y a une différence, il est vrai, entre la croix et cette identification avec eux dans Sa vie d’amour, et nous dirons un mot de cette différence en parlant de la tentation du Seigneur : mais le principe de ce qu’Il fait est le même dans les deux cas. Christ était ici avec le résidu, au lieu d’être substitué et mis à sa place pour expier le péché. Mais l’objet des délices du Père avait pris place par grâce avec Son peuple, lorsque ce peuple confessait son péché devant Dieu[10] et qu’il était en ce sens dans son péché, quoique renouvelé pour le confesser ; sans quoi le Seigneur n’aurait pu être avec lui, sauf comme témoin pour lui adresser la grâce prophétiquement.

Jésus, ayant pris cette position et priant, occupe la place de l’homme pieux dépendant de Dieu ; et Son cœur s’élevant à Lui, dirigé vers Dieu (encore l’expression de la perfection dans cette position !), le ciel s’ouvre à Lui. Par le baptême, Il prenait Sa place avec le résidu ; en priant, Il montrait Sa perfection dans Ses propres rapports avec Dieu dans la place qu’Il avait ainsi prise. La dépendance de Dieu et le mouvement du cœur vers Dieu, comme la première chose qui y surgit et l’expression de Son existence pour ainsi dire, est la perfection de l’homme ici-bas ; et dans ce cas-ci, de l’homme dans les circonstances où il se trouvait dans ses relations avec Dieu, et Jésus avec lui. Ici, le ciel peut s’ouvrir ; et remarquez-le, ce n’est pas le ciel s’ouvrant pour chercher quelqu’un qui était éloigné de Dieu, ni la grâce ouvrant le cœur à la conscience de cet éloignement ; mais c’est la grâce et la perfection de Jésus qui fait ouvrir le ciel, comme il est dit : « À cause de ceci le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie ». Ainsi aussi c’est la perfection positive de Jésus[11] qui est le motif de l’ouverture du ciel. Une fois que ce principe de réconciliation existe, remarquez-le aussi, le ciel et la terre ne sont plus aussi éloignés l’un de l’autre. Il est vrai que, jusqu’après la mort de Jésus, cette relation de paix et de communion a dû se concentrer sur la personne de Jésus Lui-même ; mais le fait qu’elle était établie en Lui, renfermait toutes les conséquences précieuses qui en découlent pour nous. La proximité entre le ciel et l’homme était établie en grâce, quoiqu’elle ne pût s’étendre encore plus loin ; car le grain de froment a dû rester seul jusqu’à ce qu’il tombât en terre et mourût. Cependant les anges, ainsi que nous l’avons vu, ont pu dire : « Sur la terre, paix ; et bon plaisir [de Dieu] dans les hommes » ; et nous voyons l’ange avec les bergers et l’armée céleste, à la vue et à l’ouïe de la terre, louant Dieu de ce qui est arrivé, mais ici, le ciel ouvert sur l’homme et le Saint Esprit descendant sur Lui visiblement.

Examinons la portée de ce dernier fait. Christ a pris place avec le résidu dans son faible et humble état ; mais en y accomplissant la justice. La parfaite faveur du Père repose sur Lui, et l’Esprit Saint vient L’oindre et Le sceller de Sa présence et de Sa vertu. Fils de Dieu, homme dans ce monde, le ciel est ouvert à Jésus, et toute l’affection du ciel se concentre sur Lui et sur tous les siens en Lui[12]. Le premier pas que font ces âmes humiliées dans le chemin de la grâce et de la vie, voit Jésus là avec elles, et s’Il est là, c’est la faveur et la dilection du Père et la présence de l’Esprit. Et souvenons-nous toujours que c’est sur Lui homme, quoiqu’Il soit en même temps Fils de Dieu.

Telle est la position de l’homme accepté devant Dieu : Jésus nous présente cette position comme en étant Lui-même la mesure, l’expression. Elle est caractérisée par ces deux choses, que l’homme fait les délices du Père, et qu’il est scellé du Saint Esprit dont la puissance repose sur lui. Ensuite cela a lieu dans ce monde, et est connu de celui qui en jouit. Le ciel est ouvert à l’homme en Jésus. Il y a cette différence maintenant, déjà notée dans notre position actuelle, d’avec celle de Jésus, que nous regardons par le Saint Esprit dans le ciel où est Jésus ; mais nous prenons Sa place ici-bas.

Il nous faut contempler l’homme tel qu’il est vu dans la personne et la position de Jésus dans ce moment — le ciel ouvert — la puissance du Saint Esprit sur Lui et en Lui — le témoignage du Père — et la relation du Fils avec le Père.

« Et Jésus lui-même commençait d’avoir environ trente ans, étant, comme on l’estimait, fils de Joseph : d’Héli, etc. » (v. 23 et suiv.). — On remarquera qu’ici la généalogie de Jésus est tracée non jusqu’à Abraham ou à David, afin qu’Il soit héritier des promesses selon la chair, mais jusqu’à Adam, pour montrer que Jésus est le vrai Fils de Dieu, homme dans ce monde, où le premier Adam avait perdu son titre, tel qu’il le possédait. Le second Adam, le Fils de Dieu, accepté du Père, était là, et se préparait à prendre sur Lui les difficultés dans lesquelles le péché et la chute du premier Adam avaient placé ceux qui, d’entre sa race, s’approchaient de Dieu sous l’influence de la grâce. L’Ennemi était par le péché en possession du premier Adam, et il faut que Jésus remporte la victoire sur lui, s’Il veut délivrer ceux qui étaient sous sa puissance ; Il doit lier l’homme fort : le vaincre en pratique, c’est la seconde partie de la vie chrétienne. La joie avec Dieu, la lutte avec l’Ennemi, voilà ce qui compose la vie du racheté, scellé du Saint Esprit et marchant par Sa puissance ; il est avec Jésus et Jésus avec lui dans ces deux parties de sa vie.

Chapitre 4. — Reconnu Fils de Dieu sur la terre, Jésus est mené au désert par le Saint Esprit, par lequel Il avait été scellé, pour subir la tentation de l’Ennemi auquel Adam avait succombé. Mais Jésus subit cette tentation dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons — non dans celles où se trouvait Adam — c’est-à-dire dans toutes les difficultés de la vie de la foi : Il la sentit à part le péché, car Il « a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché ». Remarquez qu’il ne s’agit pas ici de l’esclavage du péché, mais du combat ; quand il s’agit d’esclavage, il s’agit de délivrance et non de combat. Israël combattait en Canaan ; il avait été délivré d’Égypte : il ne s’agissait pas là de combat.

Dans l’évangile de Luc, les tentations sont rapportées d’après leur ordre moral : ainsi d’abord, nous trouvons ce que les besoins du corps exigent ; puis le monde ; enfin la subtilité spirituelle. Dans toutes, le Seigneur garde la position d’obéissance et de dépendance, en donnant à Dieu et à Ses communications à l’homme — Sa Parole — leur vraie place : simple principe qui nous met à l’abri de toute atteinte ; mais qui, par sa simplicité même, est la perfection. Cependant souvenons-nous qu’il en est ainsi ; car ce n’est pas de nous élever à de merveilleuses hauteurs qui est exigé de nous, mais d’appliquer à l’état humain la règle normale de sa conduite. Il s’agit d’obéir, il s’agit de la dépendance, de ne rien faire qu’autant que Dieu le veut ; il s’agit de la confiance en Lui. Cette marche suppose l’existence de la Parole, et que nous possédons cette Parole pour nous diriger et nous faire connaître la volonté de Dieu. La Parole est l’expression de la volonté, de la bonté et de l’autorité de Dieu, applicables à toutes les circonstances de l’homme tel qu’il est : elle montre que Dieu s’intéresse à tout ce qui concerne l’homme. Pourquoi l’homme agirait-il de son chef sans regarder à Dieu et à cette Parole ? Hélas ! en parlant des hommes en général, ils ont une volonté propre : se soumettre et être sous la dépendance est précisément ce qu’ils ne veulent pas ; ils sont trop inimitié contre Dieu pour se confier en Lui. C’était donc cette soumission, c’était l’obéissance, qui distinguaient le Sauveur. Le pouvoir d’opérer un miracle, Dieu pouvait le conférer à qui Il voulait ; mais un homme obéissant, sans aucun vouloir de faire quoi que ce soit, là où la volonté de Dieu n’était pas exprimée, un homme qui vivait de la Parole et sous la dépendance complète de Dieu, ayant cette parfaite confiance qui n’exige aucune autre preuve de la fidélité de Dieu que Sa Parole, et aucun autre moyen de certitude qu’Il veuille intervenir, que la promesse de le faire, un homme qui s’attendait à cette intervention de Dieu dans le chemin de Sa volonté — voilà ce qui était plus que du pouvoir. C’était la perfection de l’homme dans la position où l’homme se trouvait ; c’était l’homme, non pas simplement innocent (car l’innocence n’a pas besoin de se confier en Dieu à travers les difficultés, les peines, les questions soulevées par le péché, la connaissance du bien et du mal), mais une perfection plaçant celui qui était tel à l’abri de toute attaque que Satan lui livrerait : car que pouvait Satan contre celui qui ne s’écartait pas de la volonté de Dieu et qui avait dans cette volonté son seul motif d’action ? Or la puissance de l’Esprit de Dieu était avec celui qui agissait dans cet esprit d’obéissance.

Ainsi donc la simple obéissance, dirigée par la Parole, se trouve être la seule arme employée par Jésus. Cette obéissance exige la dépendance de Dieu et la confiance en Dieu pour l’accomplir. Jésus vit de la Parole ; c’est là la dépendance. Il ne veut pas tenter Dieu, c’est-à-dire Le mettre à l’épreuve, pour voir s’Il est fidèle ; c’est là la confiance. Il agit quand Dieu veut, fait ce que Dieu veut, et parce qu’Il le veut : le reste, Il le laisse à Dieu. C’est là l’obéissance ; et, remarquons-le, non pas l’obéissance comme soumission à la volonté de Dieu quand il n’y avait point de volonté opposée, mais quand la volonté de Dieu était le seul motif pour agir. Nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Christ. Satan est vaincu et impuissant devant le second Adam, agissant selon la puissance de l’Esprit dans la place où se trouve l’homme, par les moyens que Dieu a donnés à l’homme et au milieu des circonstances dans lesquelles Satan exerce sa puissance. De péché, il n’y en avait pas en Jésus : s’il y en avait eu, c’eût été succomber et non vaincre : le péché était exclu par l’obéissance. Mais Satan est vaincu dans les circonstances de tentation au milieu desquelles l’homme se trouve. Les tentations se rapportent aux besoins du corps qui seraient devenus convoitise si la volonté propre s’y était introduite, au lieu de s’attendre à la volonté de Dieu ; — au monde et à toute sa gloire qui, en tant qu’objet de la convoitise de l’homme, est en effet l’empire de Satan, terrain sur lequel Satan a voulu amener Jésus et s’est montré Satan en le faisant ; — enfin, à l’élévation de soi-même, religieusement, par les choses que Dieu nous a données. Voilà les points d’attaque de l’Ennemi ; mais il n’y avait pas recherche de soi en Jésus.

Nous avons donc trouvé dans ce que nous venons de parcourir : d’abord, l’homme né du Saint Esprit, rempli du Saint Esprit ici-bas, parfaitement agréable à Dieu et objet de Son affection, Fils bien-aimé de Dieu dans Sa position de dépendance ; nous L’avons trouvé en second lieu, homme vainqueur de Satan au milieu des tentations par lesquelles celui-ci a ordinairement prise sur l’homme. Nous L’avons vu vaincre dans ce combat par la vertu du Saint Esprit, et pour remporter cette victoire, employer la Parole comme dépendant et obéissant, et se confier en Dieu dans les circonstances où nous nous trouvons tous. Dans la première position, Jésus se trouvait avec le résidu ; et dans la seconde, comme en Gethsémané et sur la croix. Toutefois Il était là pour nous : et acceptés comme Jésus, en un certain sens, nous avons l’Ennemi à vaincre : mais c’est un ennemi battu auquel nous résistons par la puissance de l’Esprit qui nous est donné en vertu de la rédemption. Si nous résistons à l’Ennemi, il s’enfuit, car il a rencontré son vainqueur ; la chair ne lui résiste pas : — il trouve Christ en nous. La résistance selon la chair ne conduit pas à la victoire.

Jésus a vaincu et a ensuite pillé les biens de l’homme fort ; mais dans la tentation, ce qui caractérisait Jésus c’était l’obéissance, c’était d’avoir la volonté de Dieu pour sienne ; c’était enfin l’emploi de la Parole en se tenant sous la dépendance de Dieu, toutes choses que le premier Adam avait abandonnées. C’est ainsi que Jésus a remporté la victoire sur l’Ennemi ; et après cette victoire, nous aussi, comme serviteurs de Christ, nous remportons des victoires positives, ou plutôt nous recueillons les fruits de la victoire déjà remportée en la présence de Dieu.

Le Seigneur a maintenant, pour ainsi dire, pris Sa place pour l’œuvre du second Adam, de l’homme en qui est l’Esprit sans mesure, Fils de Dieu dans ce monde par Sa naissance. Il a pris cette place comme semence de la femme (conçu toutefois par l’Esprit Saint) ; Il l’a prise comme Fils de Dieu parfaitement agréable à Dieu dans Sa personne en tant qu’homme ici-bas ; Il l’a prise comme vainqueur de Satan. Reconnu Fils de Dieu et scellé du Saint Esprit par le Père, le ciel étant ouvert sur Lui, comme homme, Il fait remonter pourtant Sa généalogie à Adam. Descendant d’Adam, sans péché, ainsi que rempli du Saint Esprit (comme homme obéissant, la volonté de Dieu étant Son seul mobile), Il vainc Satan ; puis Il se met, et cela comme homme, par la puissance du Saint Esprit, à accomplir l’œuvre que Son Père Lui a confiée dans ce monde. Il retourne en Galilée[13] par la vertu de l’Esprit, et S renommée se répand dans tout le pays d’alentour (v. 14).

C’est dans ce caractère que Jésus se présente ici : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres ; il m’a envoyé pour publier aux captifs la délivrance… et pour publier l’an agréable du Seigneur » (v. 18-19). Là Il s’arrête : ce qui suit dans le prophète et qui a rapport à la délivrance d’Israël par le jugement qui tire vengeance des ennemis du peuple, est omis par le Seigneur. Or Jésus n’annonce pas des promesses, mais leur accomplissement en grâce par Sa propre présence. L’Esprit est sur cet homme plein de grâce ; et le Dieu de grâce, en Lui, manifeste Sa bonté. Le temps de la délivrance est là ; le vase de la faveur de ce Dieu de grâce pour Israël se trouve au milieu de ce peuple.

L’examen de la prophétie rend ce témoignage cité par le Seigneur d’autant plus remarquable, que l’Esprit, ayant déclaré le péché du peuple et son jugement dans les chapitres qui précèdent, ne parle que de grâce et de bénédiction envers Israël, en introduisant le Christ, l’Oint. Lors même que c’est la vengeance qui s’exécute, elle est exécutée contre les adversaires du peuple pour le délivrer : mais ici c’est la grâce dans la personne du Christ. Cet homme, Fils de Dieu, est plein du Saint Esprit pour annoncer la miséricorde d’un Dieu fidèle à Ses promesses, pour consoler et relever les pauvres en esprit et ceux qui ont le cœur brisé : la bénédiction était là qui se présentait devant leurs yeux. Ils ne peuvent la méconnaître ; mais ils ne voient pas le Fils de Dieu, et ils disent : « Celui-ci n’est-il pas le fils de Joseph ? » (v. 20-22). Voilà toute l’histoire de Christ : Il a été la parfaite manifestation de la grâce au milieu d’Israël, Son pays et Son peuple ; et ensuite, Il a été méconnu : « Aucun prophète n’est reçu dans son pays » (v. 24).

Mais ce rejet du Seigneur donnait lieu à une grâce qui franchissait les limites que voulait Lui imposer un peuple rebelle : la femme de Sarepta et Naaman Lui servaient de témoins que cette grâce dépassait les limites d’Israël selon la volonté de Dieu (v. 25-27). Alors la colère s’empare d’un peuple qui ne veut pas la grâce ; incrédules et incapables de voir la bénédiction qui les avait visités, ils ne veulent pas qu’elle aille ailleurs. L’orgueil qui les rendait incapables d’apprécier la grâce, ne voulait pas entendre parler de sa communication à d’autres : alors ils veulent détruire Jésus ; mais Lui poursuit Son chemin. Encore une fois, nous trouvons dans cette scène toute l’histoire de Jésus au milieu du peuple tracée à l’avance.

Jésus poursuit Son œuvre ; et l’Esprit nous raconte les faits et les guérisons qui caractérisent Son ministère sous le rapport de l’efficace de la grâce et de son extension à d’autres qu’à Israël. La puissance était dans Celui dont la grâce était rejetée. Il est reconnu par les démons s’Il ne l’est pas d’Israël : d’un seul mot Il les chasse. Toute la puissance de l’Ennemi, les tristes effets extérieurs du péché, disparaissent de devant Lui. Il guérit les malades ; Il guérit, puis se retire malgré les sollicitations des foules qui, à cause de l’effet de Ses œuvres, Lui rendaient un honneur qu’Il ne cherchait point. Il s’en va travailler ailleurs dans le témoignage qui Lui avait été confié, car Il cherche à accomplir Son œuvre et non à être honoré. Il prêche partout au milieu du peuple ; Il chasse l’Ennemi et la souffrance, et annonce la bonté de Dieu aux pauvres (v. 31-44).

Chapitre 5. — Homme, Jésus était venu pour les hommes et Il veut s’associer d’autres hommes pour être Ses compagnons dans cette œuvre glorieuse : Il en a le droit. S’Il est serviteur en grâce, Il l’est selon la pleine puissance du Saint Esprit ; et Il opère un miracle propre à frapper ceux qu’Il voulait appeler, un miracle qui leur faisait sentir qu’Il disposait de tout, que tout dépendait de Lui et qu’Il pouvait tout, là où l’homme ne pouvait rien (v. 4-7). Pierre, frappé jusque dans sa conscience par la présence du Seigneur, confesse son indignité : Il se jeta « aux genoux de Jésus, disant : Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (v. 8). La grâce le relève, et dispose son cœur à parler d’elle à d’autres ou à pêcher des hommes, en lui donnant la capacité de le faire. Déjà Jésus n’était pas un prédicateur de justice au milieu du peuple de Dieu, mais Celui qui attirait dans Son filet ceux qui étaient loin de cette justice. Il attirait autour de Lui, comme étant la manifestation sur la terre de la puissance de Dieu et de son caractère : c’était la grâce qui se trouvait là. Il était là, avec la volonté et la puissance de guérir ce qui était le signe du péché, la lèpre, ce mal incurable à moins d’une intervention directe de la puissance de Dieu : et Dieu intervenait en grâce. Jésus peut dire, et Il dit à celui qui reconnaît Sa puissance et doutait de Sa volonté : « Je veux, sois net »[14]. Toutefois, Il se soumettait aux ordonnances comme un Juif obéissant sous la loi ; Il priait comme un homme dépendant de Dieu (v. 16) : c’était Sa perfection comme homme né sous la loi. D’ailleurs, il fallait que Christ reconnût l’autorité des ordonnances de Dieu qui, Lui n’étant pas encore rejeté, n’étaient point abrogées : Il était au milieu d’Israël. Mais cette obéissance comme homme Lui serait pour témoignage ; car la puissance de l’Éternel seule pouvait guérir la lèpre, et les sacrificateurs devaient reconnaître ce qui était arrivé au lépreux et ainsi constater l’intervention de Dieu.

Mais Jésus apporte le pardon de nos péchés aussi bien que le nettoiement de nos souillures. Il en donne la preuve en ôtant toute infirmité et en donnant la force à celui qui n’en avait point (v. 17 et suiv.). Ce n’est pas la doctrine que Dieu pouvait pardonner, car cela on le croyait bien ; mais Dieu était intervenu, et le pardon était là. On n’attendrait plus au dernier jour ou à un jour de jugement pour savoir ce qu’il en était ; un Nathan ne serait plus nécessaire pour venir, de la part de Dieu dans le ciel, annoncer ce pardon aux siens sur la terre : le pardon était arrivé dans la personne du Fils de l’homme venu sur la terre. Or en tout ceci le Seigneur donne des preuves de la puissance et des droits de l’Éternel (c’est dans le cas qui nous occupe l’accomplissement du psaume 103, 3) ; mais Il les présente en même temps comme accomplis par la puissance de l’Esprit sans mesure dans l’homme, dans Sa personne, vrai Fils de Dieu. « Le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de pardonner les péchés » (v. 24). En effet, l’Éternel était venu, homme sur la terre : le Fils de l’homme était là devant leurs yeux à tous, en grâce, pour exercer cette puissance, preuve de la présence de Dieu ici-bas.

Dans ces deux cas[15] le Seigneur, tout en déployant une puissance propre à s’étendre et qui devait s’étendre au-delà de cette sphère, agit en rapport avec Israël. Le nettoiement était la preuve de la puissance de l’Éternel au milieu d’Israël ; et le pardon, un pardon qui se rapportait à Son gouvernement au milieu de ce peuple, démontrait ainsi, par la guérison parfaite de celui qui souffrait, la présence de Celui qui, selon le psaume 103 déjà cité, accordait ce pardon et accomplissait la guérison[16]. Sans doute de tels droits ne se bornaient pas à Israël, mais ils s’exerçaient dans ce moment-là en rapport avec ce peuple. Jésus le nettoyait en grâce de ce dont l’Éternel seul pouvait le nettoyer. Il lui pardonne ce que l’Éternel seul pouvait lui pardonner, en ôtant toutes les conséquences de son péché. C’était dans ce sens un pardon gouvernemental : la puissance de l’Éternel était présente pour restaurer et rétablir pleinement Israël, là du moins où la foi voulait en profiter. Plus tard, nous trouverons le pardon pour la paix de l’âme.

L’appel de Lévi et ce qui suit (v. 27-39), montre non seulement qu’une telle puissance de grâce qui apportait la paix et la vie devait s’étendre au-delà d’Israël, mais que le « vieux vaisseau » ne saurait la supporter : elle devait se former elle-même des vaisseaux pour elle.

On peut également remarquer ici, d’un autre côté, la persévérance comme caractère de la foi. Le sentiment du mal, d’un mal sans remède, uni à l’assurance que Celui qui peut guérir est là, ne nous permet pas de nous laisser rebuter, ni ne renvoie le soulagement de notre besoin. Or la puissance de Dieu était là en réponse à ce besoin.

Ceci termine les récits qui révèlent d’une manière positive la puissance divine, visitant la terre en grâce par la personne du Fils de l’homme, et s’exerçant en Israël dans la condition dans laquelle le Fils de l’homme le trouvait.

Ce qui suit caractérise l’exercice de cette grâce en contraste avec le judaïsme. Mais ce que nous avons déjà examiné se divise en deux parties, ayant des caractères distincts qu’il vaut la peine d’examiner. Ainsi, au chapitre 4, 31-41, on voit la puissance du Seigneur qui se manifeste de Sa part, triomphant (sans rapport particulier avec les pensées de l’individu) de toute la puissance de l’Ennemi, soit dans les maladies, soit dans les possessions. La puissance de l’Ennemi est là : Jésus chasse l’Ennemi et guérit ceux qui souffrent. Mais Son occupation est proprement de prêcher. Cependant le royaume n’était pas seulement la manifestation d’une puissance qui chassait toute celle de l’Ennemi, mais d’une puissance qui aussi mettait les âmes en rapport avec Dieu. C’est ce qui se voit au chapitre 5, 1-26. Dans ce passage-ci, l’état des âmes devant Dieu, le péché, la foi, sont en question — en un mot, tout ce qui tenait à leur relation avec Dieu. Nous voyons par conséquent ici l’autorité de la parole de Christ sur le cœur, la manifestation de Sa gloire : Jésus est reconnu Seigneur. La conviction du péché, la juste jalousie pour Sa gloire dans le sentiment de Sa sainteté qui devait se garantir de toute atteinte, font que l’âme prend le parti de Dieu contre elle-même, parce qu’elle aime la sainteté et respecte la gloire de Dieu, tout en subissant en même temps l’attrait de Sa grâce ; et par ces moyens, poissons, barque, dangers, filets, tout est oublié ! Une chose possède l’âme déjà. Ensuite la réponse du Seigneur ôte toute frayeur, et Il s’associe l’âme délivrée, dans la grâce qu’Il exerçait envers elle et dans l’œuvre qu’Il accomplissait en faveur des hommes.

Déjà l’âme était délivrée moralement de tout ce qui l’entourait ; maintenant, jouissant pleinement de la grâce, elle est affranchie par la puissance de cette grâce, étant toute à Jésus. Le Seigneur, parfaite manifestation de Dieu, en créant de nouvelles affections par cette révélation de Dieu, sépare le cœur de tout ce qui l’attachait à ce monde et à l’ordre du vieil homme, afin de le mettre à part pour Lui-même ou pour Dieu. Le Seigneur délivre les âmes moralement, en étant le centre des affections qui les gouvernent et qui sont formées par cette révélation.

Ensuite (ce que l’Éternel seul pouvait faire), le Seigneur nettoie de la lèpre (v. 12-16) ; toutefois, Il ne sort pas de sa position sous la loi : quelque grande que soit Sa renommée, Il garde Sa place de parfaite dépendance comme homme vis-à-vis de Dieu. Le lépreux, le souillé peuvent désormais revenir à Dieu.

Puis le Seigneur pardonne (v. 17-26). Le coupable ne l’est plus vis-à-vis de Dieu : il est pardonné ; en même temps il acquiert de la force. Toutefois c’est toujours le Fils de l’homme qui est là ; et dans les deux cas dont il vient d’être question, la foi cherche le Seigneur en Lui présentant ses besoins.

Maintenant (v. 27 et suiv.), le Seigneur montre le caractère de cette grâce vis-à-vis des objets dont elle s’occupait. Étant souveraine, étant de Dieu, elle agit en vertu de Ses droits ; les circonstances humaines ne l’arrêtent pas. Elle s’adapte par sa nature même à des besoins et non à des privilèges humains : elle ne se soumet pas aux ordonnances[17], ni ne s’introduit en elles. La puissance de Dieu par l’Esprit était là, agissant pour elle-même ; et elle produisait ses effets en laissant de côté ce qui était vieux, ce à quoi l’homme s’attachait[18] et à quoi la puissance de l’Esprit ne pouvait être restreinte.

Les pharisiens et les scribes ne veulent pas que le Seigneur soit avec les méchants et les gens de mauvaise réputation ; mais Dieu cherche en grâce ceux qui ont besoin de Lui, les pécheurs. Lorsqu’on demande au Seigneur pourquoi Ses disciples ne suivent pas les habitudes et les ordonnances de Jean et des pharisiens, par lesquelles ceux-ci dirigeaient la piété légale de leurs disciples, Sa réponse est que la chose nouvelle ne saurait s’assujettir aux formes de ce qui tenait à l’ancien et ne supportait pas l’énergie et la force de ce qui venait de Dieu. L’ancien, c’étaient les formes dans lesquelles l’homme selon la chair cherchait sa religion ; le nouveau, c’était l’énergie de Dieu selon le Saint Esprit. Ce n’était pas le moment alors pour une piété, qui prenait dans ce temps-là un caractère de mortification de soi. Que pouvait donc faire l’homme ? Mais l’Époux était là. Toutefois quelque occasion de joie, quelque énergie de Dieu qu’il y eût, l’homme aimerait mieux ce qui était vieux, parce que c’était l’homme et non pas l’énergie de Dieu.

Chapitre 6. — Les récits qui se trouvent ici, versets 1-10, et que nous avons mentionnés déjà en passant, ont trait à la même vérité et sous un point de vue important. Le sabbat était le signe de l’alliance entre Dieu et Israël ; le repos après le travail achevé. Les pharisiens blâment les disciples de ce qu’ils broient des épis entre leurs mains. Mais un David rejeté franchissait les barrières de la loi quand ses besoins l’exigeaient. Lorsque l’Oint de Dieu fut rejeté et mis dehors, toutes choses devinrent, pour ainsi dire, communes. Le Fils de l’homme (fils de David, rejeté comme le fils de Jessé, roi élu et oint), était Seigneur du sabbat. Dieu était Seigneur du sabbat, puisqu’Il avait établi cette ordonnance. Il l’avait établie et, lors de Sa présence en grâce, l’obligation de l’homme cédait devant la souveraineté de Dieu ; et le Fils de l’homme était là avec les droits et la puissance de Dieu : fait merveilleux ! Aussi la puissance de Dieu, présente en grâce, ne laissait pas subsister la misère, parce que c’était le jour de la grâce. Mais c’était mettre de côté le judaïsme, l’obligation de l’homme envers Dieu, et Christ était la manifestation de Dieu en grâce envers les hommes[19]. Jésus se prévalant des droits de la bonté suprême et montrant la puissance qui légitimait Ses prétentions à faire valoir ces droits, guérit en pleine synagogue un homme qui a la main sèche. Mais ceux qui étaient là sont remplis de fureur contre cette manifestation de puissance qui déborde et qui rompt les digues de leur propre justice et de leur orgueil. Toutes ces circonstances, comme on peut le remarquer, sont rassemblées dans un ordre et une relation parfaite entre elles[20].

Le Seigneur a montré que la grâce qui avait visité Israël, selon tout ce qu’on pouvait attendre du Dieu tout-puissant fidèle à Ses promesses, ne pouvait cependant se borner aux limites étroites de ce peuple, ni s’adapter aux ordonnances de la loi ; Il avait montré que les hommes voulant le vieux, la puissance de Dieu agissait selon Sa propre nature ; Il avait montré que le signe le plus sacré, le plus obligatoire de l’ancienne alliance devait reconnaître Son titre à Lui, supérieur à toute ordonnance, et faire place aux droits de l’amour divin qui était en activité. Mais les choses anciennes étaient ainsi jugées et disparaissaient. Le Seigneur s’était montré Lui-même en tout, particulièrement par l’appel de Pierre, comme le centre nouveau autour duquel devait se grouper tout ce qui cherchait Dieu et la bénédiction ; car Il en était la manifestation vivante dans l’homme. Ainsi Dieu était manifesté, l’ancien ordre de choses usé et incapable de contenir cette grâce, le résidu séparé. Celui-ci entoure le Seigneur du monde — d’un monde qui ne voyait aucune beauté en Lui qui fît qu’il Le désirât. Le Seigneur agit maintenant selon la nouvelle position qu’Il a prise : la foi Le cherche encore en Israël, mais cette puissance de grâce manifeste Dieu d’une autre manière. Dieu, comme centre de bénédiction dans le Christ homme, s’entoure des hommes ; mais Il est amour, et dans l’activité de cet amour, Il cherche ce qui était perdu. Nul, sauf un seul, Celui qui était Dieu et qui Le révélait, ne pouvait s’entourer de Ses compagnons. Aucun prophète ne le fit (voyez Jean 1). Nul autre que Dieu ne pouvait envoyer avec l’autorité et la puissance d’un message divin. Christ avait été envoyé, et maintenant Il envoie (v. 12 et suiv.). Et cette mission d’apôtres (ou d’envoyés, car Jésus les nomme ainsi) renferme cette profonde et merveilleuse vérité que Dieu est actif en grâce. Il s’entoure des bienheureux ; il cherche des malheureux, de pauvres pécheurs ; et si Christ, vrai centre de bonheur et de grâce, s’entoure de ceux qui Le suivent, Il envoie les siens pour rendre témoignage de l’amour qu’Il est venu manifester. Dieu s’est manifesté dans l’homme et cherche les pécheurs par l’homme qui a une part dans le déploiement le plus immédiat de la nature divine des deux manières. Il (l’homme) est avec Christ comme étant tel, c’est-à-dire homme ; il est envoyé par Christ. Christ Lui-même — comme homme, l’homme rempli du Saint Esprit — envoie : aussi Le voit-on toujours manifesté dans la dépendance de Son Père ; avant de choisir les apôtres, Il se retire pour prier et passe toute la nuit en prière.

Et maintenant, Il va plus loin que de se manifester comme personnellement rempli du Saint Esprit pour introduire la connaissance de Dieu au milieu des hommes ; Il devient le centre duquel doivent s’approcher ceux qui cherchent Dieu, et la source d’une mission qui accomplit Son amour : le centre de la manifestation de la puissance divine en grâce ; et ainsi, Il appelle autour de Lui le résidu qui devait être sauvé. Sa position à tous égards se résume dans ce qui est dit lorsqu’Il est descendu de la montagne. De Sa communion avec Dieu Il descend avec Ses apôtres dans la plaine[21] ; Il est entouré de la foule de Ses disciples, et ensuite d’une grande multitude attirée par Sa parole et Ses œuvres (v. 17). L’attrait de la parole de Dieu les rassemble autour de Lui ; puis Il guérit la misère de l’homme et chasse la puissance de Satan. Le pouvoir qu’Il exerçait résidait dans Sa personne ; la vertu qui sortait de Lui donnait ces témoignages extérieurs de la puissance de Dieu présente en grâce : l’attention du peuple était attirée sur Lui par ces moyens. Cependant, ainsi que nous l’avons vu, les choses vieilles auxquelles les masses s’attachaient, s’en allaient : le Seigneur s’entourait Lui-même des cœurs fidèles à Dieu, des appelés de Sa grâce. Ici donc (v. 20 et suiv.), Il n’annonce pas proprement, comme dans Matthieu, le caractère du royaume, pour montrer quel serait celui de l’économie à venir, en disant : « Bienheureux les pauvres en esprit ; bienheureux, etc. » ; mais Il distingue le résidu par son attachement à Lui. Il déclare aux disciples qui Le suivaient qu’ils étaient des personnes bénies : — ils étaient pauvres et méprisés, mais ils étaient bienheureux : ce seraient eux qui auraient le royaume. Ceci est important, car le Seigneur sépare le résidu et le met en relation avec Lui-même pour recevoir la bénédiction : Il dépeint d’une manière remarquable le caractère de ceux qui sont ainsi bénis de Dieu.

Le discours du Seigneur se divise en plusieurs portions, comme suit :

Versets 20-26. Contraste entre le résidu manifesté par le fait que ceux qui le composaient étaient devenus Ses disciples, et la masse qui se contentait du monde. Le Seigneur ajoute un avertissement à ceux qui occupaient la position de disciples et qui, dans cette position, gagnaient la faveur du monde. Malheur à eux ! Il est à remarquer à ce propos qu’au verset 22, il n’est pas question, comme en Matthieu, d’être persécuté pour la justice, mais seulement de ce que l’on subira pour l’amour de Son nom : la position de chacun se dessinait par son attachement à la personne de Jésus.

Versets 27-36. — Caractère de Dieu leur Père dans la manifestation de Sa grâce en Christ, caractère que l’on devait imiter et qui est particulièrement développé. Il révèle, remarquez-le, le nom du Père et les place dans la position d’enfants.

Versets 37-38. Ce caractère est particulièrement développé dans la position de Christ tel qu’Il était venu dans ce temps-là, Christ accomplissant Son service sur la terre. Ceci impliquait le gouvernement et les récompenses de la part de Dieu, principe qui trouvait son application à la vie et au service du Christ Lui-même.

Verset 39. Condition des conducteurs de la masse du peuple en Israël, et relation de celle-ci avec eux.

Verset 40. Condition des disciples en relation avec Christ.

Versets 41-42. Moyen de parvenir à cette condition et de voir clair au milieu du mal : pour arriver à ce dernier but, il faut ôter le mal de soi-même.

Versets 43 et suivants. En général, le propre fruit de chaque arbre caractérise l’arbre. Il s’agissait non pas d’entourer Christ pour l’entendre, mais que le Christ eût pour le cœur une telle valeur que les motifs qui arrêtaient le cœur fussent ôtés et que l’on mît en pratique ce qu’Il disait.

En résumé, dans ces chapitres 5 et 6, Christ agit dans une puissance qui chasse le mal, parce qu’Il le trouve, et que Lui-même est bon : Dieu seul est bon. Il atteint la conscience et appelle les âmes autour de Lui ; Il agit en rapport avec l’espérance d’Israël et la puissance de Dieu pour nettoyer le peuple, lui pardonner et lui donner de la force. Mais c’est une grâce dont nous avons tous besoin : et la bonté de Dieu, l’énergie de Son amour qui restaure, ne se bornaient pas à ce peuple ; l’exercice de cette puissance ne s’accordait pas avec les formes dont les Juifs vivaient, ou plutôt ne pouvaient vivre ; et le vin nouveau devait être mis dans des outres neuves. La question du sabbat tranchait celle de l’introduction de cette puissance : le signe de l’alliance lui faisait place ; Celui qui exerçait la puissance était le Seigneur du sabbat. La bonté du Dieu du sabbat n’était pas arrêtée, comme si elle était placée entre des mains liées par ce qu’Il avait ordonné en rapport avec cette alliance. Alors, selon la volonté de Dieu, le Seigneur rassemble autour de Lui-même les vaisseaux de Sa grâce et de Sa puissance (v. 12 et suiv.) : ils étaient les bienheureux, les héritiers du royaume. Le Seigneur dépeint aussi leur caractère : ce n’était pas l’insouciance et l’orgueil que donnait l’ignorance de Dieu, de Dieu justement aliéné d’Israël qui L’avait offensé, et qui méprisait la glorieuse manifestation de Sa grâce en Jésus. Les disciples partagent la honte et la douleur qu’un tel état du peuple de Dieu devait produire chez ceux qui avaient part aux pensées de Dieu : c’est leur gloire d’être haïs, proscrits, honnis pour l’amour du nom du Fils de l’homme qui était venu porter leurs misères. Ils auront part à Sa gloire quand la nature de Dieu se glorifiera en faisant tout selon Ses pensées : dans le ciel ils ne seront plus haïs ; ils auront là leur récompense, et non pas en Israël. « Leurs pères en ont fait de même aux prophètes ». Malheur à ceux qui étaient à leur aise en Sion dans l’état de péché où Israël se trouvait et où le Messie était rejeté et maltraité !

En un mot, nous trouvons ici le contraste entre le caractère du vrai résidu et celui des orgueilleux d’entre le peuple. Puis vient la conduite convenable aux disciples ; conduite qui, quant à ses éléments essentiels, se résume dans un mot, savoir le caractère de Dieu en grâce, tel qu’Il s’est manifesté en Jésus sur la terre. Mais Jésus, tout en étant la manifestation de Dieu en chair, avait aussi un caractère de service qui Lui appartenait comme Fils de l’homme. L’application de ceci aux circonstances particulières des disciples est ajouté aux versets 37-38, comme il a été dit plus haut ; et aux versets 39 et 40, nous sont présentés les gouverneurs d’Israël et la portion des disciples. Rejetés comme Jésus, les disciples auront Sa portion, mais en supposant qu’ils Le suivront parfaitement. Ils auront cette portion en bénédiction, en grâce, en caractère, en position aussi. Quelle grâce ![22] Aussi le jugement de soi-même, et non pas de son frère, est-il le moyen de voir clair moralement. L’arbre étant bon le fruit le sera : le jugement de soi-même s’applique aux arbres ; et il en est partout et toujours ainsi. Dans le jugement de soi-même, ce ne sont pas seulement les fruits qui sont corrigés, mais on l’est soi-même ; ensuite l’arbre est connu par son fruit : non seulement par du fruit bon, mais par son fruit. Le chrétien porte le fruit de la nature de Christ ; mais il faut nous souvenir qu’il s’agit du fruit du cœur et de l’obéissance pratique et réelle.

Ici donc, la Parole place devant nos yeux les grands principes de la nouvelle vie dans son plein développement pratique en Christ ; c’est la chose neuve, le goût et le caractère du vin nouveau, le résidu assimilé à Christ qu’il suivait, à Christ, le nouveau centre du mouvement de l’Esprit de Dieu et de l’appel de Sa grâce. Christ est sorti de la cour murée du judaïsme dans la puissance d’une vie nouvelle et par l’autorité du Très-haut qui avait apporté la bénédiction au-dedans de cette enceinte où l’on ne savait pas Le reconnaître. Il en est sorti quant aux principes de cette vie même qu’Il annonçait ; mais historiquement Il faisait encore partie du système qui y était renfermé.

Chapitre 7. — Dès lors, l’Esprit agissant dans le cœur d’un Gentil, il s’est manifesté plus de foi que dans qui que ce fût d’entre les enfants d’Israël. Humble de cœur et aimant le peuple pour l’amour de Dieu, duquel c’était le peuple, élevé ainsi dans ses affections au-dessus de la misère pratique du peuple, le centenier sait voir en Jésus quelqu’un qui commandait à tout, comme lui-même commandait aux soldats et à ses serviteurs. Il ne savait rien du Messie, mais il reconnaissait en Jésus[23] la puissance de Dieu. Ce n’étaient pas des idées, c’était la foi ; et il n’y avait pas une telle foi en Israël !

Ensuite (v. 11-17), le Seigneur agit avec une puissance qui doit être la source de ce qui est nouveau pour l’homme : Il ressuscite un mort. C’était bien sortir du giron des ordonnances de la loi. Le Seigneur a compassion des afflictions et de la misère de l’homme : la mort pesait sur lui et Il l’en délivre. Il n’y a pas seulement ici nettoyage d’un Israélite lépreux, ou pardon et guérison des croyants parmi Son peuple : le Seigneur rend la vie à celui qui l’avait perdue. Israël, sans doute, en profitera ; mais c’est la puissance essentielle à l’accomplissement de cette œuvre qui rend toutes choses nouvelles partout où celle-ci s’opère.

Le changement dont nous parlons, et dont ces deux exemples sont de frappantes illustrations, est constaté dans les raisonnements que nous trouvons ici sur les rapports entre Christ et Jean-Baptiste. Celui-ci ayant ouï parler de ces miracles de Jésus, envoie ses disciples pour apprendre de Sa bouche quel était le caractère de Celui qui les faisait. Jean était alors en prison, et sans doute il se disait en lui-même que le Messie, exerçant Sa puissance, l’eût délivré de ses liens. Jésus était-Il donc le Messie, ou Jean devait-il en attendre un autre ? Jean a assez de foi pour s’en rapporter à la réponse de Celui qui faisait ces miracles ; mais renfermé dans la prison, son esprit cherche quelque chose de plus positif ; et cette circonstance amenée de la part de Dieu, donne lieu à une explication relative à la position respective de Jean et de Jésus. Le Seigneur ne reçoit pas ici, comme ailleurs, témoignage de Jean ; mais Jean doit recevoir Christ sur le témoignage que Jésus donne de Lui-même, et cela en tant qu’ayant pris une position qui était en scandale à ceux qui en jugeaient d’après des idées juives et charnelles — position qui rendait nécessaire une foi fondée sur un témoignage divin ; et en elle, le Seigneur s’entourait, par conséquent, de ceux qu’un changement moral rendait capables d’apprécier ce témoignage.

Le Seigneur, en réponse au message de Jean, opère des miracles qui démontrent la puissance de Dieu présente en grâce et en service, s’exerçant en faveur des pauvres ; Il déclare heureux celui qui ne se scandalisera pas de la position humble qu’Il a prise pour accomplir ce service. Mais s’Il ne reçoit pas témoignage de Jean, Jésus, Lui, rend témoignage à Jean. Jean avait, et avec raison, attiré l’attention du peuple : il était plus qu’un prophète, préparant le chemin du Seigneur Lui-même. Mais malgré cela, s’il préparait le chemin, le changement immense et complet qui devait s’opérer n’était pas accompli. Ce ministère mettait Jean, par sa nature même, en dehors de l’effet de ce changement : il devançait celui-ci pour annoncer Celui qui devait l’opérer, et dont la présence introduirait la puissance du nouvel ordre de choses sur la terre. Le plus petit donc dans le royaume était plus grand que Jean (v. 28).

Le peuple qui avait reçu avec humilité la parole envoyée par Jean-Baptiste, rendait témoignage dans son cœur aux voies et à la sagesse de Dieu ; mais ceux qui s’appuyaient sur eux-mêmes rejetaient les conseils de Dieu qui s’accomplissaient en Christ. Là-dessus (v. 31 et suiv.), le Seigneur déclare clairement l’état de ces derniers : ils rejetaient également les avertissements et la grâce de Dieu ; mais les enfants de la sagesse, ceux en qui la sagesse de Dieu opérait, la reconnaissaient et la glorifiaient dans ses voies (v. 32-35) ; et c’est là l’histoire de la réception soit de Jean, soit de Jésus. La sagesse de l’homme dénonçait les voies de Dieu. La juste sévérité des témoignages de Dieu contre le mal et contre l’état de Son peuple, n’était pour l’homme que l’influence d’un démon : la perfection de la grâce qui descendait d’en haut jusqu’aux malheureux pécheurs et se présentait à eux là où ils étaient, c’était se vautrer dans le péché, se faire connaître par sa société ! La propre justice de l’homme ne pouvait le supporter. La sagesse de Dieu serait pourtant reconnue par ceux, mais ceux-là seuls, qui seraient enseignés par elle.

Les voies de Dieu envers le plus misérable des pécheurs, et leur effet (placés en contraste avec l’esprit pharisaïque), sont manifestés dans l’histoire de la pécheresse qui entre dans la maison du pharisien (v. 36-50). Ce récit révèle un pardon, non en rapport avec le gouvernement de Dieu sur la terre, en faveur de Son peuple (gouvernement auquel se rattachait la guérison d’un Israélite sous la discipline de Dieu), mais un pardon absolu, impliquant en soi la paix de l’âme, accordé à la plus misérable des pécheresses. Il ne s’agit pas seulement d’un prophète, ce que la propre justice du pharisien n’avait pas des yeux pour voir ; mais il s’agit d’une âme qui aime Dieu, parce que Dieu est amour, ce qu’en voyant Jésus, elle a appris à l’égard de ses propres péchés et par leur moyen, quoique ne connaissant pas encore le pardon ; c’est la grâce ! Rien de plus touchant que la manière dont le Seigneur montre la présence des qualités qui maintenant rendaient cette femme réellement excellente, qualités qui se rattachaient à la perception de Sa personne, par la foi, de la part de la femme. Il y avait chez celle-ci intelligence divine de la personne de Christ, non pas raisonnée comme doctrine, mais éprouvée par ses effets dans son cœur, sentiment profond de son propre péché, humilité, attachement à ce qui était bon, dévouement à Celui qui l’était. Tout montrait en elle un cœur où régnaient des sentiments propres à des relations avec Dieu et découlant de Sa présence révélée dans le cœur, parce qu’Il s’y était fait connaître. Ce n’est pas ici l’occasion de méditer sur ce sujet ; mais il est important de remarquer ce qui a une grande valeur morale, lorsqu’a été révélé ce qu’est un pardon gratuit, quel est l’effet pratique de la grâce qui s’exerce de la part de Dieu, quand elle est reçue dans le cœur. Les affections qui répondent à cette grâce et que rien d’autre ne saurait produire, sont en rapport avec la grâce elle-même et avec le sentiment qu’elle produit à l’égard du péché ; elles donnent la conscience profonde du péché, mais en rapport avec la bonté de Dieu : et ces deux sentiments s’accroissent dans une mutuelle proportion. La chose nouvelle, la grâce souveraine seule, peut produire ces qualités qui répondent à la nature de Dieu Lui-même, nature dont le cœur a saisi le vrai caractère et avec laquelle il est en communion, jugeant le péché comme celui-ci le mérite en présence d’un tel Dieu. On remarquera : 1° que ceci se rattache à la connaissance de Christ Lui-même, qui est la manifestation de ce caractère : la vraie source par grâce des sentiments de ce cœur brisé ; et aussi : 2° que la connaissance du pardon des péchés[24] vient après le discernement de la personne de Jésus Lui-même.

C’est Jésus Lui-même, Sa personne, Sa grâce qui attirent la femme et produisent l’effet moral sur son cœur ; elle s’en va en paix, quand elle comprend l’étendue de la grâce qui lui est faite dans le pardon que Jésus a prononcé. Et ce pardon même a sa force en ce que Jésus était tout pour cette âme : si Lui pardonnait, elle était contente sans s’en rendre compte ; et la source de son contentement était la révélation de Dieu à son cœur, et non l’approbation d’elle-même, ni le jugement que d’autres pouvaient former sur le changement opéré en elle. La grâce avait tellement pris possession de son cœur, la grâce personnifiée en Jésus, et Dieu était tellement manifesté à cette femme, que Son approbation en grâce, Son pardon, l’emportaient sur tout le reste : s’Il était content, elle l’était aussi ; elle avait tout, en attachant cette importance à Jésus. La grâce trouve sa joie à bénir ; et l’âme qui attache assez d’importance à Jésus, est contente de la bénédiction qu’elle accorde.

Qu’elle est frappante la fermeté avec laquelle la grâce veut être elle-même et ne craint pas de faire face au jugement de l’homme qui la méprise ! Elle prend sans hésitation fait et cause pour le pauvre pécheur qu’elle a touché. Le jugement de l’homme ne prouve autre chose que ceci, c’est que l’homme ne connaît, ni n’apprécie Dieu dans la plus parfaite manifestation de Sa nature. Pour l’homme, sage qu’il est, Jésus n’est qu’un pauvre prédicateur qui se trompe en se donnant pour un prophète, et auquel il ne vaut pas la peine de donner un peu d’eau pour se laver les pieds. Pour le croyant, l’amour est parfait et divin, la paix est parfaite, s’il a foi en Christ. Les fruits ne sont pas encore là pour l’homme ; mais ils le sont pour Dieu, si Christ est apprécié ; et celui qui apprécie Jésus ne s’occupe ni de soi-même, ni de ses fruits (sauf des mauvais pour les juger), mais de Celui qui, lorsque l’on n’était encore que pécheur, a été pour le cœur le témoignage de la grâce.

Voilà donc une chose nouvelle, la grâce, et même ses fruits dans leur perfection. Le cœur de Dieu est manifesté en grâce, et le cœur de l’homme pécheur y répond par la grâce, ayant saisi la parfaite manifestation de cette grâce en Christ, ou plutôt ayant été saisi par elle.

Chapitre 8. — Au chapitre 8, le Seigneur explique la portée et l’effet de Son ministère, et en particulier de ce ministère parmi les Juifs.

Quelle que soit l’incrédulité, Jésus poursuit son œuvre jusqu’à la fin, et les fruits de cette œuvre paraissent. Jésus va prêcher la bonne nouvelle du royaume ; Ses disciples, par la grâce, fruits et témoins (selon leur mesure et de la même manière que Lui) de Sa parole puissante, L’accompagnent avec d’autres disciples, fruits aussi de cette même parole, et témoins de son efficace par leur propre délivrance de la puissance de l’Ennemi, et par l’affection et le dévouement qui en découlaient. La grâce agit par eux selon l’affection et le dévouement qui les attachent à Jésus ; et ici, les femmes ont une bonne part[25]. L’œuvre s’affermissait, se consolidait et se caractérisait dans ses effets.

Le Seigneur explique la vraie nature de Son œuvre. Il ne prenait pas possession du royaume ; Il ne cherchait pas des fruits : Il semait le témoignage de Dieu pour produire des fruits. C’est d’une manière frappante une chose entièrement nouvelle, dont la Parole est la semence. Aussi était-il donné aux seuls disciples qui avaient suivi Jésus, en s’attachant à Sa personne par la grâce, et en vertu de la manifestation de la puissance de Dieu et de Sa grâce dans Sa personne, de comprendre les mystères, les pensées de Dieu révélées en Christ à l’égard de ce royaume qui ne s’établissait pas publiquement par la puissance. Ici, le résidu tranche bien nettement sur la nation : aux disciples il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais aux autres, le Seigneur parlait en paraboles pour qu’ils ne comprissent pas : — pour comprendre il fallait recevoir le Seigneur Lui-même, moralement. D’autres paraboles n’accompagnent pas ici, comme ailleurs, celle de la semence ; celle-ci seule suffit pour dessiner la position, et l’avertissement déjà considéré en Marc, l’accompagne (v. 16 et suiv.). La lumière de Dieu n’était pas mise en évidence pour être cachée ; d’ailleurs tout serait manifesté ; c’est pourquoi l’on devait faire attention comment on écoutait : car celui qui possédait ce qu’il entendait, recevrait davantage ; sinon cela même lui serait ôté.

Le Seigneur confirme par Sa conduite le témoignage déjà rendu dans Ses enseignements paraboliques, témoignage qui donnait clairement à comprendre qu’il s’agissait non de la réception du Messie par Israël, mais de la publication de la Parole qui attirait à Dieu et à Lui les âmes destinées à jouir de la bénédiction. Il confirme également que la Parole était le fondement de toute relation avec Lui, en déclarant, quand on Lui parlait de Sa mère et de Ses frères, par lesquels Il était en relation avec Israël selon la chair, qu’Il ne reconnaissait point d’autres parents que ceux qui écoutaient la Parole de Dieu et qui l’observaient (v. 19-21).

Outre la puissance évidente manifestée dans les miracles, les récits qui suivent jusqu’à la fin du chapitre 8, présentent divers aspects de l’œuvre de Jésus, de sa réception et de ses conséquences.

D’abord (v. 22 et suiv.), le Seigneur est associé avec Ses disciples dans les difficultés et les orages où ils se trouvent en vertu du service qu’ils ont entrepris, bien qu’en apparence Il ne prenne pas connaissance de leur position. Nous avons vu qu’Il s’entoure d’eux ; ils sont dévoués à Son service ; le danger le plus imminent les menace, et les ressources humaines n’offrent aucun moyen pour les garantir d’une ruine inévitable. Les vagues sont prêtes à les engloutir, et d’après ce que l’homme pouvait voir, Jésus ne s’occupait pas de leur position critique et sans espérance ; mais Dieu a permis cet exercice de foi. Si les disciples sont là à cause de Jésus et avec Lui, Lui est avec eux ; et la puissance de Celui pour l’amour duquel ils sont dans l’orage, est là pour les en garantir. Ils sont ensemble avec Lui dans la même nacelle ; et si, considérés à part, en eux-mêmes, ils pouvaient périr, dans les conseils de Dieu ils étaient associés à Jésus ; Sa présence les garantissait. Jésus permet l’orage ; mais Il est Lui-même dans la nacelle, et quand Il se réveillera et se manifestera, tout deviendra calme.

La guérison du démoniaque, au pays des Gadaréniens, nous offre une peinture vivante de ce qui avait lieu.

À l’égard d’Israël, quelle qu’ait été la force de l’Ennemi, le résidu est délivré ; quant au monde (v. 34-37), il engage Jésus à s’en aller, parce qu’il désire un repos que la présence et la puissance de Dieu troublent davantage qu’une légion de démons. Jésus s’en va donc ; l’homme qui avait été guéri — le résidu — voudrait être avec Lui ; mais Jésus le renvoie dans le monde qu’Il quitte, Lui, afin qu’il soit un témoin de la grâce et de la puissance dont il a été l’objet (v. 38-39).

Le troupeau de pourceaux nous présente, je n’en doute pas, le progrès violent et aveugle d’Israël vers la destruction après le rejet du Seigneur.

Le monde s’habitue à la puissance de Satan, quelque dure qu’elle soit parfois ; mais jamais à celle de Dieu.

Les deux récits qui suivent nous présentent l’effet de la foi et les vrais besoins auxquels a affaire la puissance de la grâce qui y répond. La foi du résidu cherche Jésus pour conserver la vie de ce qui s’en va mourir : le Seigneur vient pour répondre à cette foi, et y répond. Tandis qu’Il est en chemin (c’est là qu’Il se trouvait, et quant à la délivrance finale Il y est encore), au milieu de la foule qui L’entourait, la foi Le touche (v. 43-48). La pauvre femme qui, s’approchant par derrière, L’avait ainsi touché, avait une maladie inguérissable par tous les moyens humains. Mais la puissance se trouve dans l’homme Jésus et sort de Lui pour la guérison de celle en qui la foi se trouve, en attendant l’accomplissement final de Sa mission sur la terre. La femme est guérie ; elle reconnaît devant Jésus son état et tout ce qui lui est arrivé ; et ainsi, par le moyen de la foi, il y a un témoignage rendu à Christ. Le résidu est manifesté ; la foi le distingue d’avec la masse ; l’état de ce résidu étant le fruit de la puissance divine en Christ.

Ce principe s’applique à la guérison de tout croyant, et par conséquent à celle des Gentils, ainsi que Paul le démontre dans l’épître aux Romains. La puissance qui guérit est dans la personne de Jésus : la foi, par la grâce et l’attrait de Christ, en profite. Il ne s’agit pas de la relation du Juif avec le Messie, quoique le Juif dût être le premier à en profiter quant à sa position ; il s’agit de ce qui se trouve dans la personne du Christ — et de la foi dans l’individu. Si la foi est là, ce qui est dans le Christ agit, et l’individu s’en va en paix, guéri par la puissance de Dieu Lui-même. — De fait cependant, si l’on considère en plein l’état de l’homme, il ne s’agissait pas simplement de maladie, mais de mort. Christ, avant la pleine manifestation de l’état de l’homme (savoir un état de mort), a rencontré l’homme, pour ainsi dire, en chemin ; mais, comme dans le cas de Lazare, la manifestation de cet état de mort a été permise. Pour la foi, c’est dans la mort de Jésus que cette manifestation a eu lieu. De même ici, il est permis que la fille de Jaïrus meure avant l’arrivée de Jésus. Mais la grâce, et la grâce venue pour ressusciter, est dans la puissance divine qui seule peut l’accomplir ; et Jésus, en rassurant le pauvre père, l’engage à ne pas craindre, mais à croire : « Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée ». C’est par la foi dans Sa personne, dans la puissance divine qui est en Lui, ou dans la grâce qui vient pour exercer cette puissance, que l’on obtient la joie et la délivrance. Mais ici, Jésus ne cherche pas la foule ; la manifestation de cette puissance n’est que pour la consolation de ceux qui en ont besoin et pour la foi de ceux qui sont vraiment attachés à Lui. La foule reconnaît bien que la fille de Jaïrus est morte ; elle se lamente et ne comprend pas cette puissance de Dieu qui relève d’entre les morts. Jésus remet à ses parents la jeune fille à laquelle Il a rendu la vie. De même à la fin, un résidu des Juifs, au milieu de l’incrédulité de la masse de ce peuple, sera ressuscité de la mort pour avoir part aux bénédictions de Dieu, en vie devant Lui. En attendant, nous goûtons cette joie d’avance par la foi ; convaincus que de nature nous sommes dans cet état de mort, nous vivons par la grâce : seulement, pour nous, cette vie est en rapport avec Christ dans le ciel, prémices d’une nouvelle création.

Jésus, quant à Son ministère, veut que cette œuvre se cache : Il doit être reçu selon le témoignage qu’Il rend à la conscience et au cœur. Tandis qu’Il était en chemin, ce témoignage n’était pas entièrement terminé ; et nous allons voir, dans les chapitres qui suivent, ses derniers efforts sur le cœur incrédule de l’homme.

Chapitre 9. — Au chapitre 9, le Seigneur charge les douze de la même mission en Israël, que celle qu’Il avait remplie Lui-même. Ils prêchent le royaume, guérissent les malades et chassent les démons. Mais il y a ceci d’ajouté, que leur œuvre prend le caractère d’une mission finale ; non pas dans le sens que le Seigneur ait cessé de travailler, puisqu’Il a envoyé les soixante et dix ; mais finale dans ce sens qu’elle devenait un témoignage définitif envers le peuple, s’il la rejetait. Les douze devaient secouer la poussière de leurs pieds en sortant des villes d’où on les repousserait. Ceci se comprend, au point où nous sommes arrivés dans cet évangile, et se répète avec plus de force encore lors de la mission des soixante et dix, dont nous parlerons au chapitre suivant, et qui a lieu après la manifestation de la gloire de Jésus aux trois disciples. Mais le Seigneur, aussi longtemps qu’Il se trouvait présent, continuait l’exercice de la puissance en grâce, car c’était ce qu’Il était personnellement ici, et la bonté souveraine en Lui était au-dessus de tout le mal qu’Il rencontrait ici-bas.

Mais reprenant notre chapitre, nous voyons par ce qui suit le verset 7, que le bruit des œuvres merveilleuses de Jésus était parvenu jusqu’aux oreilles du roi. Israël était donc sans excuse, car pour peu qu’il y eût de la conscience, celle-ci était saisie par l’effet de la puissance de Jésus : le peuple aussi Le suivait. Retiré à l’écart avec Ses disciples revenus de leur mission, le Seigneur est bientôt entouré de la foule ; Il se montre le serviteur en grâce de ces gens auxquels Il prêche malgré leur incrédulité, et dont Il guérit les malades. Mais Il veut leur donner une preuve nouvelle et toute spéciale de la puissance et de la présence divine qui se trouvait au milieu d’eux. Il avait été dit que, dans le temps de la bénédiction d’Israël par l’Éternel, lorsqu’Il ferait fleurir la corne de David, l’Éternel rassasierait Ses pauvres de pain (Ps. 132) ; et Jésus le fait maintenant. Mais il y a plus ici. Nous avons vu que, dans tout cet évangile, Jésus exerce cette puissance dans Son humanité par l’énergie illimitée du Saint Esprit. De là une bénédiction merveilleuse pour nous, accordée selon les conseils souverains de Dieu, par la sagesse parfaite de Jésus dans le choix de Ses instruments. Il veut que ce soient les disciples qui distribuent le pain ; et toutefois, c’est bien Sa puissance à Lui qui accomplit le miracle, car les disciples ne voyaient rien au-delà de ce que leurs yeux pouvaient mesurer. — Puis s’Il est l’Éternel qui rassasie, dans la nature qu’Il a revêtue, Il prend toujours place sous la dépendance : Il se retire avec Ses disciples, et là, loin du monde, Il prie (v. 18). Et comme dans les deux circonstances remarquables[26], celle de la descente du Saint Esprit et celle du choix des douze, ici Sa prière est également une occasion de manifester Sa gloire, la gloire qui Lui était due, mais que le Père Lui donnait comme étant homme, une gloire liée toutefois à la souffrance et à l’humiliation que, dans Son grand amour, Il subissait volontairement.

L’attention du peuple avait été attirée sur le Sauveur, mais elle ne dépassait pas les spéculations de l’esprit humain. En Jésus, la foi des disciples reconnaissait sans hésitation le Christ (v. 20) ; mais Il ne devait plus être annoncé comme tel : il fallait que le Fils de l’homme souffrît. Des conseils plus importants, une gloire plus excellente que celle du Messie, devaient se réaliser, mais au travers de la souffrance que les disciples devaient partager, comme épreuves de la part des hommes, en suivant Jésus. Et dans ce cas, en perdant la vie pour Lui, on la gagnerait ; car il s’agissait, en suivant Jésus, de la vie éternelle de l’âme, non pas seulement du royaume. Du reste, celui qui était maintenant rejeté reviendrait dans Sa propre gloire, savoir comme Fils de l’homme (selon le caractère qu’Il prend dans cet évangile), dans la gloire du Père, en tant que Fils de Dieu, et dans celle des anges, comme l’Éternel, le Sauveur, au-dessus desquels Il prenait place (Il en était digne tout en étant homme, puisqu’Il les avait créés). Le salut de l’âme, la gloire de Jésus reconnue selon Ses droits, tout était pour les disciples un avertissement de Le reconnaître, lors même qu’Il était méprisé et méconnu.

Or Jésus fortifie la foi de ceux dont Il voulait faire des colonnes (comp. Gal. 2), et celle de tous par leur moyen ; et Il déclare que quelques-uns ne goûteraient point la mort qu’ils n’eussent vu le royaume de Dieu.

On remarquera ici que cette manifestation de la gloire du royaume et du Sauveur avait lieu en faveur de personnes qui ne savaient pas ce que c’était que la mort qui était un gain à cause de la possession sentie de la vie éternelle, en faveur de ceux qui ne savaient pas non plus attendre Jésus pour les recevoir Lui-même dans le ciel. À la suite de cette déclaration du verset 27, on trouve, huit jours plus tard, Jésus retiré sur une montagne avec les trois disciples Pierre, Jacques et Jean, pour prier. Là Il est transfiguré ; Il paraît dans la gloire et les disciples Le voient ; mais Moïse et Élie partagent la gloire avec Lui, parce que les saints de l’Ancien Testament ont en Christ, et par Sa mort, une part à la gloire du royaume. Moïse et Élie s’entretiennent avec Lui de cette mort (v. 31). Ils avaient parlé d’autre chose dans leur temps ; ils avaient ou établi la loi, ou agi pour y ramener le peuple, afin d’introduire la bénédiction. Mais, dès qu’il est question de la gloire nouvelle, tout dépend de la mort du Christ et de cela seul : et tout le reste disparaît. « Et la voix s’étant fait entendre, Jésus se trouva seul » (v. 30-36). La gloire du royaume céleste et la mort sont placées immédiatement en rapport ; Pierre ne voit que l’introduction de Christ dans une gloire égale à celle de Moïse et d’Élie, en liant celle-ci dans son esprit à ce que chacun des deux était pour un Juif, et en y associant Jésus. C’est alors que ces deux hommes de Dieu disparaissent entièrement et que Jésus reste seul : les disciples doivent L’écouter, Lui seul. Le rapport de Moïse et d’Élie avec Jésus dans la gloire dépendait du rejet de leur témoignage par le peuple auquel ils s’étaient adressés.

Or ce n’est pas tout. L’Église proprement dite n’est pas en scène ici ; mais le signe de la gloire excellente ou de la présence de Dieu, se montre, savoir la nuée où l’Éternel demeurait en Israël. Jésus y introduit les disciples comme témoins : Moïse et Élie disparaissent ; et Jésus ayant introduit Ses disciples tout près de la gloire, le Dieu d’Israël se manifeste comme le Père, reconnaissant Jésus comme le Fils en qui Il trouve Ses délices. Tout est ainsi changé dans les relations de Dieu avec l’homme : car le Fils de l’homme mis à mort sur la terre est reconnu dans la gloire excellente comme Fils du Père. Les disciples Le connaissent ainsi par le témoignage du Père, ils sont en communion avec Lui ; ils sont comme introduits dans la gloire où le Père reconnaissait Lui-même Jésus pour Son Fils, et où le Père et le Fils se trouvent. L’Éternel se fait encore connaître comme le Père en révélant le Fils. Et les disciples se trouvent associés sur la terre avec le séjour de gloire d’où l’Éternel Lui-même avait de tout temps protégé Israël. Jésus y était avec eux, Lui, le Fils de Dieu. Quelle position, quel changement pour eux ! C’est en effet la transformation en gloire céleste de ce qui était le plus excellent dans le judaïsme, la transformation qui s’opérait dans ce moment pour rendre toutes choses nouvelles[27].

Le profit que l’on peut tirer personnellement de ce passage est grand en ce qu’il nous révèle, d’une manière frappante, l’état céleste et glorieux. Les saints sont dans la même gloire que Jésus ; ils y sont avec Lui, ils s’entretiennent familièrement avec Lui de ce qui est le plus près de Son cœur — de Ses souffrances, de Sa mort ; et ils s’en entretiennent avec les sentiments produits par les circonstances qui affectent le cœur. Au lieu de recevoir le royaume à Jérusalem la bien-aimée, Jésus devait y mourir : et les saints s’en entretiennent avec l’intelligence des conseils de Dieu, car les faits eux-mêmes n’étaient pas encore arrivés. Tels sont les rapports des saints avec Jésus dans le royaume : car jusqu’ici, il n’est question que de la manifestation de la gloire telle que le monde la verra, en y joignant les entretiens des glorifiés avec Jésus. Les trois se trouvaient sur la montagne.

Mais les trois disciples sont conduits plus loin : ils entrent dans la demeure du Père, ils sont enseignés de Lui ; le Père leur communique, par le Fils, Ses propres affections. Moïse et Élie ont rendu témoignage à Jésus et seront glorifiés avec Lui, mais Jésus reste seul pour l’Église. Or ceci est plus que le royaume : c’est la communion avec le Père et avec Son Fils Jésus, sûrement incomprise alors, mais qui l’est maintenant par le Saint Esprit. Quelle merveille que cette entrée des saints dans la gloire magnifique, le Shekina, la demeure de Dieu, et que ces communications faites par le Père, des affections qu’Il porte à Son Fils ; c’est plus que la gloire ! Toutefois Jésus reste invariablement l’objet qui remplit la scène pour nous.

Et quant à notre position ici-bas, remarquons que le Seigneur, avec Ses disciples sur la terre, parle aussi intimement de Sa mort qu’Il le fait avec Moïse et Élie (v. 44). Ceux-ci ne sont pas plus intimes avec Lui que Pierre, Jacques et Jean. Quelle douce et précieuse pensée ! Le ciel n’est pas si loin de nous que nous le croyons[28].

Ce qui suit (v. 37 et suiv.) montre le contraste de tout ceci avec l’état des choses au bas de la montagne. Les disciples sont incapables de profiter de la puissance de Jésus déjà manifestée, pour chasser celle de l’Ennemi, ce qui justifie Dieu dans ce qu’Il révélait de Ses conseils sur la montagne, et, pour introduire l’accomplissement de ceux-ci, amène la mise de côté du système juif. Mais cela n’empêche pas l’action de la grâce de Jésus pour délivrer les hommes, tandis qu’Il était encore avec eux, jusqu’à ce qu’Il soit ôté Lui-même et que finalement l’homme Le rejette. — Maintenant, se soustrayant à l’étonnement sans fruit du peuple, Jésus insiste auprès des siens sur Son rejet et Son crucifiement, en poussant l’application de ce principe jusqu’à l’anéantissement de soi-même et à l’humilité qui accepte ce qui est petit.

Le reste du chapitre, depuis le verset 46, nous présente les différents traits de l’égoïsme et de la chair, placés en contraste avec le dévouement et la grâce manifestés en Christ, et tendant à empêcher le croyant de marcher sur les traces de Jésus. Les versets 46-48, 49, 50 et 51-56 en présentent des exemples[29]. — Ensuite, versets 57-62, l’Esprit de Dieu place devant nos yeux le contraste entre la volonté illusoire de l’homme et l’appel efficace de la grâce ; la découverte de la répugnance de la chair en présence d’un appel réel, et la nécessité de l’abnégation absolue de tout pour pouvoir y répondre[30].

Au verset 49, nous trouvons Jean interrogeant Jésus et Lui disant : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait des démons en ton nom, et nous le lui avons défendu, parce qu’il ne te suit pas avec nous ». Le Seigneur, en réponse à l’esprit qui, oublieux de la croix, cherche ici-bas l’agrandissement d’un corps ou d’une compagnie, exprime aux disciples ce qu’Il ne se cachait pas à Lui-même, ce qui était la vérité devant Dieu, savoir que tous étaient tellement contre eux que celui qui ne l’était pas se montrait par là même déjà pour eux : « Ne le lui défendez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous ». Une autre raison donnée ailleurs (Marc 9, 40), n’est pas répétée ici, l’Esprit se bornant à ce sujet, au point de vue de l’évangile qui nous occupe.

Ensuite (v. 51 et suiv.), Jésus dresse Sa face pour monter à Jérusalem, et étant entré dans une bourgade des Samaritains, Il n’y est pas reçu. Aux yeux des disciples, les Samaritains, repoussant le Messie, méritaient d’être détruits par le feu du ciel ; mais Christ n’était pas descendu du ciel pour perdre la vie des hommes, mais pour les sauver. Rejeté, Il ne juge personne, Il ne se venge pas ; Il supporte l’insulte et va ailleurs.

Enfin (v. 57 et suiv.) quelqu’un veut servir Jésus ici-bas ; mais Jésus n’a pas où conduire celui qui est ainsi disposé. En attendant, et à cause de Son amour que rien n’affaiblissait, la prédication du royaume était pour Jésus la seule affaire. L’homme mort à Dieu pouvait s’occuper des morts : celui qui était appelé et qui vivait, ne devait s’occuper que d’une chose, savoir du royaume pour en rendre témoignage, et s’en occuper sans arrière-pensée, distrait de toute autre chose par l’urgence de celle-là. Celui qui avait mis la main à la charrue ne devait pas regarder en arrière ; le royaume, en présence de l’inimitié et de la misère de l’homme, et de tout ce qui était contre lui, demandait que l’âme, par la puissance de Dieu, fût entièrement absorbée par les intérêts de Dieu. L’œuvre de Dieu, en présence du Christ rejeté et de toutes les conséquences de ce fait, exigeait une consécration absolue.

Chapitre 10. — Nous trouvons au chapitre 10, la mission des soixante-dix, mission importante dans son caractère pour le développement des voies de Dieu. En effet, ce caractère est différent à quelques égards de celui du commencement du chapitre 9, parce que la mission des soixante-dix est fondée sur la gloire de Jésus manifestée dans le chapitre 9. Cela tranche nécessairement davantage la question des relations du Sauveur avec les Juifs : car la gloire venait à la suite de Son rejet par la nation et en était le résultat quant à Sa position humaine. Ce rejet n’étant pas encore accompli, la gloire de Jésus n’était révélée qu’à trois de Ses disciples, et Il exerçait encore Son ministère au milieu du peuple ; mais dans la mission qu’Il confie aux soixante-dix on prévoit des changements. Jésus y insiste sur ce qui est moral et éternel, sur la position qui résultera pour les siens de Son rejet, sur le véritable effet de Son témoignage dans le monde, et le jugement qui allait s’accomplir sur les Juifs. — Cependant la moisson était grande, car l’amour, non refroidi par le péché, discernait des besoins au travers de l’opposition extérieure : seulement il y en avait peu qui fussent mus par cet amour. Le Seigneur de la moisson pouvait seul y pousser de vrais ouvriers. Jésus leur annonce déjà qu’ils sont comme des agneaux au milieu des loups. Quelle différence entre ceci et la présentation du royaume au peuple de Dieu ! Les soixante-dix devaient s’appuyer, comme les douze avaient dû le faire, sur les soins du Messie, présent ici-bas, qui disposait des cœurs avec une puissance divine. Ils devaient aller comme ouvriers du Seigneur, en avouant leur but ; ils ne devaient pas aller de maison en maison comme s’ils pouvaient fatiguer leurs hôtes, ne travaillant pas, mais en vrais ouvriers du Seigneur Lui-même, ayant des droits de Sa part. Tout entiers à leur œuvre, ils ne devaient saluer personne : car le temps pressait, le jugement allait arriver. En Israël, il y en avait qui n’étaient pas des enfants de paix ; mais le résidu se manifesterait par l’effet que produirait sur lui la mission des disciples opérant dans les cœurs : ce ne serait pas encore le jugement qui séparerait la masse d’avec ce résidu. La paix reposerait sur les enfants de paix. Les soixante-dix envoyés exerceraient la puissance acquise par Jésus sur l’Ennemi et qu’Il pouvait ainsi conférer à d’autres (ce qui était plus qu’un miracle) ; et ils devaient déclarer à ceux qu’ils visitaient que le royaume de Dieu s’était approché d’eux : témoignage important ! Quand le jugement ne s’exécutait pas, il fallait la foi pour reconnaître le royaume de Dieu dans le témoignage qui en était rendu. Si les envoyés n’étaient pas reçus dans une ville, ils devaient dénoncer cette ville, en assurant aux habitants que, reçu ou non, le royaume de Dieu s’était approché d’eux. Quel témoignage solennel maintenant, que ce qui comblait l’iniquité de l’homme, allait s’accomplir — que Jésus allait être rejeté ! L’infâme Sodome sera dans un état plus supportable que celui de « cette ville-là », au jour où le jugement sera exécuté (v. 12) !

Ceci caractérise assez nettement ce témoignage des soixante-dix. Le Seigneur indique[31] (v. 13-16), par leurs noms, en les menaçant, les villes où Il avait agi ; et Il affirme aux disciples que, les repousser dans leur mission, c’était Le rejeter Lui-même et, en même temps, Celui qui L’avait envoyé, savoir le Dieu d’Israël, le Père.

À leur retour, les soixante-dix annoncent au Seigneur quelle puissance avait accompagné leur mission (v. 17 et suiv.) : les démons se soumettaient à leur parole. Jésus leur répond qu’en effet ces signes de puissance avaient rendu présent à Son esprit le plein établissement du royaume, Satan complètement chassé du ciel : ces actes de puissance opérés par eux n’étaient là que des exemples isolés de cette puissance. Toutefois Il ajoute : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux ». La puissance qui se manifestait était vraie, et l’établissement du royaume qui en serait le résultat, était sûr ; mais une autre chose se découvrait maintenant : la révélation d’un peuple céleste commençait à poindre, d’un peuple qui devait avoir sa part avec Celui que l’incrédulité des Juifs et du monde devait renvoyer dans le ciel. Ceci dévoile nettement la position de chacun : le témoignage du royaume rendu en puissance, laisse Israël sans excuse ; et Jésus prend une autre position qui est la céleste. C’était là le vrai sujet de joie qu’au reste les disciples ignoraient encore. Mais la personne et la puissance de Celui qui devait les introduire dans la gloire céleste du royaume, et Ses droits à ce royaume glorieux de Dieu leur avaient été révélés par le Père.

Aveugler judiciairement l’orgueil de l’homme et donner efficace à la grâce du Père envers les petits, c’était ce qui convenait à Celui qui, par l’humiliation de Jésus, accomplissait les conseils de Sa grâce souveraine, et cela était en harmonie avec le cœur de Celui qui était venu pour l’accomplir. Du reste, toutes choses étaient données à Jésus, et le Fils était trop glorieux pour être discerné, sinon par le Père que personne ne connaissait non plus que par la révélation du Fils : c’était à Celui-ci qu’il fallait venir. Le fond de ce qui faisait la difficulté de la réception de Jésus par les hommes, était la gloire de la personne de Celui qui était connu du Père seul, et cette gloire du Père qui exigeait le Fils Lui-même pour la révéler. Or voilà ce qui était là en Jésus sur la terre. « Et se tournant vers les disciples, il leur dit en particulier : Bienheureux sont les yeux qui voient ce que vous voyez ! ». Oui, Jésus pouvait dire à Ses disciples en particulier, qu’ayant discerné en Lui le Messie et Sa gloire, ils avaient vu ce que des rois et des prophètes avaient en vain souhaité de voir. Le Père leur avait été annoncé, mais ils n’avaient guère compris. Dans les pensées de Dieu, connaître le Père était leur portion, réalisée plus tard par la présence du Saint Esprit, l’Esprit d’adoption.

On peut remarquer ici la puissance du royaume conférée aux disciples, et leur jouissance, dans ce moment-là, de la vue des choses dont les prophètes avaient parlé (jouissance provenant de la présence du Messie Lui-même apportant avec Lui le pouvoir du royaume, qui renversait celui de l’Ennemi). On voit en même temps le rejet de leur témoignage et le jugement d’Israël au milieu duquel ce témoignage avait été rendu ; et enfin, l’appel du Seigneur (tout en reconnaissant dans leur œuvre toute la puissance qui établira le royaume) à ne pas se réjouir dans le royaume ainsi établi sur la terre, mais dans cette grâce souveraine de Dieu qui, dans ses conseils éternels, leur avait accordé une place et un nom dans les cieux, en rapport avec leur rejet sur la terre. L’importance de ce chapitre sous ce point de vue est évidente. Luc nous introduit fréquemment dans la sphère meilleure et invisible d’un monde céleste. L’étendue de la domination de Jésus, en conséquence de ce changement du terrestre au céleste, et la révélation des conseils de Dieu qui l’accompagnait, nous sont données au verset 22, ainsi que la découverte de la relation de la gloire du Père et du Fils ; en même temps la grâce faite aux humbles, selon le caractère et les droits de Dieu le Père Lui-même. Ensuite, nous y trouvons le développement du changement qui devait avoir lieu dans le caractère moral qui découlait de ces relations diverses.

Le docteur de la loi demande les conditions auxquelles il pourra acquérir la vie éternelle. Sa demande ne se rapporte ni au royaume, ni au ciel, mais à une partie de la révélation judaïque qui tenait aux relations de l’homme avec Dieu. La possession de la vie était présentée aux Juifs, par la loi. Par des développements scripturaires, postérieurs à la loi, cette vie avait été reconnue être la vie éternelle, à laquelle les pharisiens du moins se rattachèrent autant qu’à l’observation de cette loi — une vie qui sera la part des glorifiés dans le ciel ainsi que des bénis sur la terre, durant le millénium, vie que nous possédons actuellement dans des vases d’argile, et que la loi, par des citations tirées des livres prophétiques, proposait comme l’effet de l’obéissance[32]. « Fais cela, et tu vivras ». Le docteur demande donc ce qu’il fallait faire pour vivre ainsi ? La réponse était claire : la loi avec toutes ses ordonnances, ses cérémonies, avec toutes les conditions desquelles la bénédiction de Dieu dépendait selon les principes de Son gouvernement terrestre, la loi, dis-je, que le peuple avait enfreinte, contenait les deux grands principes de la vérité à cet égard, bien que ses conditions violées amenassent le jugement annoncé par les prophètes, jugement qui, du reste, serait suivi par l’établissement du royaume en grâce, de la part de Dieu. La loi exprimait nettement les conditions de la vie éternelle si l’homme devait en jouir selon la justice humaine, justice qu’il accomplirait, dans laquelle il vivrait lui-même. Ces conditions se résumaient en ce peu de mots : « Aime Dieu de tout ton coœur et ton prochain comme toi-même ». Le docteur présentant ce résumé, le Seigneur l’accepte, et répète les paroles du législateur : « Fais cela, et tu vivras ». Mais l’homme n’a pas accompli la condition ; il en a la conscience. Quant à son obligation d’aimer Dieu…, Dieu est loin ; et l’homme s’en débarrasse aisément : il rendra à Dieu quelques services extérieurs et s’en vantera. Mais l’homme est là, présent : son égoïsme le rend sensible à l’accomplissement de ce second précepte, dont l’observation ferait son bonheur — ferait de ce monde une sorte de paradis. Les violations se répètent à chaque instant dans des circonstances quotidiennes où cet égoïsme est en jeu ; l’entourage de l’homme et ses rapports sociaux donnent la conscience de ces violations, lors même que l’âme ne s’en inquiétait pas elle-même. C’est ici que le cœur du docteur se trahit : « Qui est mon prochain ? » dit-il.

La réponse du Seigneur (v. 30 et suiv.) montre le changement moral qui a lieu par l’introduction de la grâce, et par la manifestation de cette grâce dans l’homme ou dans la personne du Sauveur Lui-même. Nos devoirs de relation vis-à-vis des autres se mesurent maintenant par ce que doit produire la nature divine en nous : et cette nature, c’est l’amour. Sous la loi, l’homme se mesurait par l’importance qu’il pouvait s’attribuer à lui-même, ce qui est toujours l’opposé de l’amour : la chair se glorifiait d’une proximité de Dieu qui n’était pas réelle parce qu’elle ne consistait pas dans une participation à Sa nature. Le sacrificateur et le Lévite, voyant le pauvre homme blessé et à demi-mort, passent outre. Le Samaritain, méprisé sous le rapport de la proximité avec Dieu, ne demande pas qui était son prochain ; l’amour dans son cœur le faisait prochain de celui qui était dans le besoin. C’est ce que Dieu Lui-même faisait en Christ ; mais alors les distinctions légales et charnelles disparaissaient devant le principe de l’amour qui, agissant d’après son propre mouvement, trouvait une occasion de s’exercer au milieu des besoins qui se présentaient à lui. Ceci termine cette partie des discours du Seigneur.

Un nouveau sujet commence au verset 38 ; et à partir de là jusqu’au chapitre 11, verset 13 inclusivement, le Seigneur expose à Ses disciples les deux grands moyens de bénédiction, savoir : la Parole et la prière. En Marie, nous est présentée l’énergie qui s’attache au Seigneur pour recevoir la Parole de Lui, et qui laisse tout de côté, afin d’écouter Sa Parole, parce que l’âme est saisie par les communications de Dieu en grâce. On peut remarquer que les circonstances sont en harmonie avec la révolution morale qui avait lieu dans ce moment solennel. La réception de la Parole est substituée aux prévenances dues au Messie et demandées par Sa présence sur la terre. Dans l’état où était l’homme (car il rejetait le Sauveur), il avait besoin de la Parole ; et Jésus, dans Son amour parfait, ne veut qu’être écouté quand Il parle. Pour l’homme, pour la gloire de Dieu, cette seule chose était nécessaire : ce que Jésus désire, c’est que l’homme soit attentif à la Parole de Dieu ; quant à Lui, Il se passera de tout pour cela. Mais Marthe, quoique occupée à recevoir le Seigneur, ce qui était assurément juste, montre cependant quel rôle le moi joue dans ce genre de service, car elle n’aime pas à en avoir seule tout le souci.

Chapitre 11. — La prière que Jésus enseigne ici à Ses disciples se rapporte aussi à la phase dans laquelle ils entraient avant le don du Saint Esprit. Jésus priait Lui-même comme homme dépendant sur la terre. Il n’avait pas encore reçu, étant élevé au ciel, la promesse du Père pour la répandre sur les disciples ; mais ceux-ci étaient cependant en relation avec Dieu comme avec leur Père. La gloire de Son nom, la venue de Son royaume devaient les préoccuper tout premièrement. Ils dépendaient de Lui pour leur pain du lendemain : et ils avaient besoin de pardon et d’être gardés de la tentation. Le sujet de la prière, c’était le désir du cœur vrai devant Dieu, le besoin du corps remis aux soins de leur Père dans le ciel ; la grâce dont les disciples avaient besoin pour leur marche, après qu’ils avaient péché, et pour que la chair ne se manifestât pas ; enfin qu’ils fussent gardés de la puissance de l’Ennemi.

Ensuite (v. 5-13), le Seigneur insiste sur la persévérance, ou sur ce que les requêtes ne soient pas celles d’un cœur indifférent au résultat. Il assure Ses disciples que leurs prières ne resteraient pas sans effet ; aussi leur Père céleste donnerait le Saint Esprit à ceux qui Le demanderaient. Ils sont ainsi placés dans Ses propres relations sur la terre avec Dieu.

Écouter Dieu et s’adresser à Lui comme à un Père, est le tout de la vie pratique chrétienne.

Après ces choses, les deux grandes armes du témoignage sont mises en relief, savoir : l’expulsion des démons, et l’autorité de la Parole. Christ avait manifesté la puissance qui chassait les esprits malins, et on attribuait cette puissance au prince des démons. Toutefois Christ avait lié l’homme fort et pillait ses biens. Or si la puissance de Dieu était là dans la personne du Christ, le royaume de Dieu était réellement arrivé ; et dans ce cas, Dieu étant venu délivrer l’homme, chaque chose se rangeait à sa vraie place, d’un côté ou de l’autre : tout était du démon ou de l’Éternel. De plus, encore que l’esprit immonde fût sorti de la maison, si Dieu n’y était pas, l’esprit qui était sorti rentrerait avec sept autres esprits plus méchants encore, et le dernier état de cet homme-là serait pire que le premier (v. 26).

Cette manifestation de la puissance du royaume s’accomplissait dans ce moment-là. Mais ce n’étaient pas les miracles seuls qui s’accomplissaient : le Seigneur avait annoncé la Parole ; et une femme, sensible à la joie que devait éprouver toute mère d’avoir un tel fils que Jésus, déclare hautement ce bonheur d’une parenté selon la chair avec Lui. Le Seigneur, comme Il l’avait fait dans le cas de Marie (chap. 10), déclare de Son côté que cette bénédiction est pour tous ceux qui écoutent et observent Sa Parole ; Il dit : « Mais plutôt, bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent » (v. 28). Ceux de Ninive avaient écouté Jonas, la reine de Sheba avait écouté Salomon, sans qu’un miracle eût accompagné le témoignage de l’un ; et un plus grand que Jonas était là !

Deux choses sont ici devant nos yeux dans les rapports de Jésus avec Israël : le témoignage pleinement, clairement rendu à la vérité (v. 33) — et les motifs qui gouvernaient ceux qui l’entendaient. Si la vraie lumière luit dans le cœur, il n’y reste point de ténèbres. Si la parfaite vérité est présentée selon la sagesse de Dieu Lui-même et se trouve repoussée, c’est le cœur qui la rejette : l’œil est mauvais. Les notions et les motifs d’un cœur éloigné de Dieu ne font que l’obscurcir ; mais un cœur qui n’a qu’un but, savoir Dieu et Sa gloire, sera tout plein de lumière ; car la lumière ne se montre pas seulement, elle éclaire tout ce qui l’entoure. Si la lumière de Dieu luit dans une âme, celle-ci en sera remplie sans aucunes ténèbres (v. 34-36).

Dans les versets 37-52, Jésus, invité dans la maison d’un pharisien, juge l’état de la nation et l’hypocrisie de sa prétendue justice, mettant le doigt sur les dehors blanchis et sur la convoitise et l’égoïsme intérieurs, sur le fait de rendre la loi de Dieu pesante pour les autres, tandis qu’ils en négligeaient l’accomplissement pour eux-mêmes ; Il annonce la mission des prophètes et des apôtres du Nouveau Testament, dont le rejet comblerait la mesure de l’iniquité d’Israël, et mettrait à une épreuve finale ceux qui hypocritement bâtissaient les tombeaux des prophètes, que leurs pères avaient tués. Alors tout le sang à propos duquel Dieu avait exercé Sa patience en envoyant des témoignages pour éclairer le peuple, tout le sang qui avait été versé à cause de ces témoignages, sera enfin redemandé au peuple rebelle. Les paroles du Seigneur ne font qu’exciter la malice des pharisiens qui cherchent à Le prendre en faute dans Ses discours. Je le répète, au lieu d’avoir un Messie accomplissant les promesses, nous trouvons ici la parole du témoignage, mise pleinement en relief ; puis le jugement d’une nation qui avait rejeté Parole et Messie, et qui même rejette ce qu’ensuite la grâce leur envoie pour les ramener.

Chapitre 12. — Ce chapitre place les disciples dans cette position de témoignage par la puissance du Saint Esprit, dont nous venons de parler plus haut, et, une fois le Seigneur parti, en butte à l’opposition du monde : — au lieu du Messie, c’est la Parole et le Saint Esprit qui sont sur la terre. Mais les disciples doivent à la fois ne pas craindre l’opposition, et ne pas se fier à eux-mêmes : c’est Dieu qu’ils doivent craindre et dans le secours duquel ils doivent se confier. Quant à ce qu’ils auront à dire, le Saint Esprit le leur enseignera. Puis, un jour, toutes choses seront révélées ; Dieu atteint l’âme ; l’homme touche seulement le corps. Ici, ce qui dépasse les promesses du temps présent, ou les rapports de l’âme avec Dieu, se trouve mis en avant ; on sort du judaïsme pour se trouver devant Dieu. L’affaire des disciples était donc de manifester, à tout prix, Dieu au monde, pour la foi, avant que toutes choses fussent manifestées : il pouvait leur en coûter vis-à-vis des hommes, mais Jésus les confessera devant les anges. C’était amener les disciples dans la lumière, comme Dieu est dans la lumière, et à la crainte de Dieu, par la Parole et la foi, quand la puissance du mal était à l’œuvre ; tout ce mal, quoique caché, serait amené à la lumière.

Non seulement cela : les blasphèmes prononcés contre le témoignage, seront pires, plus impardonnables que les blasphèmes contre Jésus. Or, parler contre le Fils de l’homme pouvait être pardonné, et l’a bien été, et le sera à la fin aux Juifs envisagés comme nation ; mais si quelqu’un parlait en blasphémant contre le témoignage des disciples, ce sera mal parler contre l’Esprit, ce qui ne sera jamais pardonné. Le Seigneur agit sur le cœur des disciples, aussi bien que sur leur conscience.

Jésus encourage ici ses disciples par trois choses : par les soins dont ils seraient l’objet de la part de Celui qui comptait les cheveux de leurs têtes, quelles que fussent les épreuves de leur foi ; — par le fait qu’au ciel et devant les anges, leur fidélité à Christ dans cette pénible mission serait reconnue de Lui ; — et enfin, par l’importance de leur mission, dont le rejet entraînerait une condamnation plus définitive que le rejet du Christ Lui-même : car Dieu avait fait un pas, et un pas final, dans Ses voies de grâce et dans Son témoignage. Tout serait manifesté, et Dieu aurait soin d’eux ; ils seraient reconnus par Christ dans le ciel ; la puissance du Saint Esprit serait avec eux. Tels sont les motifs et les encouragements présentés ici aux cœurs des disciples pour leur mission après le départ du Seigneur.

Ce qui suit est un développement encore plus distinct de la position où, par ce départ, vont se trouver désormais les disciples, selon le conseil de Dieu (v. 13). Le Seigneur, maintenant, refuse formellement de rendre la justice en Israël : ce n’était pas Sa place. Il s’adresse aux âmes et porte leur attention sur une vie qui succède à celle-ci ; et au lieu de partager l’héritage entre des frères, Il avertit la foule de se tenir en garde contre l’avarice, les enseignant par la parabole de l’homme riche retiré de ce monde au milieu de ses projets. Qu’était devenue son âme ? — Mais après avoir posé ce fondement général, le Seigneur présente à Ses disciples les grands principes d’après lesquels ils devaient marcher : ils ne devaient pas penser au lendemain, mais se confier en Dieu ; — quant au reste, ils n’y pouvaient rien (v. 26). Ils devaient chercher avant tout le royaume de Dieu, et tout le nécessaire leur serait ajouté. Telle était leur position dans ce monde qui rejetait leur Maître ; en outre, le cœur du Père était intéressé à leur égard ; par conséquent, ils n’avaient rien à craindre, parce que c’était le bon plaisir de leur Père de leur donner le royaume. Étrangers et pèlerins ici-bas, leur trésor devait être dans le ciel, et là serait leur cœur, car le cœur suit le trésor[33] ; — de plus, ils devaient attendre le Seigneur.

Trois choses devaient donc agir sur leurs âmes : le Père leur donnant le royaume ; — le trésor de leurs âmes dans le ciel ; — et l’attente du retour du Seigneur. Jusqu’à l’arrivée de celui-ci, ils seraient appelés à veiller et à avoir leurs lampes allumées ; toute leur position devait se ressentir de cette attente continuelle du Seigneur, et en être l’expression ; ils devaient être comme des hommes qui attendent, avec leurs reins ceints. Et alors, quand, selon le cœur du Seigneur, tout serait rétabli par Sa puissance, Il les introduirait dans la maison de Son Père, les ferait asseoir, et Lui-même se ceindrait pour les servir.

Il est important d’attirer l’attention du lecteur sur ce point, que ce que le Seigneur a en vue ici, n’est pas de retenir clairement la vérité de la venue du Seigneur à la fin du temps actuel, mais d’attendre le Seigneur, dans la réalité de la profession chrétienne avec un cœur spirituellement en ordre. Ceux qui seront tels, le Seigneur les fera asseoir comme Ses hôtes, et rester Ses hôtes pour toujours, dans la maison de Son Père, où ils les aura introduits et Lui-même les servira en les comblant de bénédictions. Ce service d’amour rendra les bénédictions dix mille fois plus précieuses, comme étant reçues de Sa main. L’amour aime à servir, l’égoïsme à être servi. Mais Il n’est pas venu pour être servi. Il ne renoncera jamais à cet amour.

Rien de plus exquis que la grâce exprimée dans ces versets 36 et 37[34].

Sur la demande de Pierre, qui voulait savoir à qui Jésus adressait Ses instructions (v. 41), le Seigneur le renvoie à la responsabilité de ceux auxquels Il confiait des devoirs pendant Son absence. Ainsi, nous avons ici les deux caractères des disciples après le départ de Jésus rejeté, savoir l’attente de Son retour, et le service. L’attente vigilante qui, avec les reins ceints, s’apprête à recevoir Jésus, trouve sa récompense dans le repos et le festin où le Seigneur se ceindra pour servir (ministère béni exercé par Lui-même) ; et la fidélité dans le service est rétribuée par le gouvernement de tout ce qui appartient au Seigneur de gloire. Nous trouvons de plus ici, quelles sont les relations spéciales entre la marche des disciples et leur position dans le monde à venir, ainsi que la relation qu’il y a entre la vérité générale du renoncement au monde où le Sauveur avait été rejeté, et la possession du royaume par le don du Père.

Dans ce que le Seigneur dit ensuite du service de ceux qui, pendant Son absence, porteront Son nom, Il fait mention de ceux qui, dans cette position, seront infidèles, signalant ainsi ceux qui, tout en exerçant publiquement un ministère dans l’Église, auront leur portion avec les incrédules. Le secret du mal qui caractérisera leur infidélité, consiste en ce que leur cœur éloignera le moment du retour de Jésus, au lieu de le désirer, de le hâter par leurs soupirs, et de servir dans l’humilité afin d’être trouvés fidèles. Jésus ne va pas revenir tout de suite, diront-ils : — et la conséquence en sera qu’ils feront leur propre volonté, s’accommoderont à l’esprit du monde, et s’arrogeront de l’autorité sur leurs compagnons de service. Quel tableau de ce qui est arrivé dans la chrétienté ! Or, le Maître (car Il l’était, quoique n’ayant pas été vraiment servi par eux) viendra dans un moment où ils ne l’attendaient point, comme un larron dans la nuit ; et les infidèles, tout en professant d’être Ses serviteurs, auront leur part avec les incrédules. Il n’en sera pas de même toutefois pour les uns que pour les autres, car le serviteur qui, connaissant la volonté de son propre maître, au lieu de se préparer pour lui (fruit d’une vraie attente), n’accomplira pas sa volonté, sera sévèrement puni ; tandis que la punition sera moins sévère pour qui n’aura pas eu cette connaissance. J’ai dit : le serviteur qui a connu la volonté de « son propre maître », selon le texte original, parce que « propre » indique une relation avouée avec le Seigneur, et l’obligation qui pèse sur le serviteur en vertu de cette relation. L’autre serviteur, il est vrai, a ignoré la volonté explicite du Seigneur ; néanmoins il est coupable en ce qu’il faisait le mal, que, en tout cas, il n’aurait pas dû faire. Tout ceci est l’histoire des vrais et des faux serviteurs de Jésus, de l’église de profession et du monde en général. Mais il ne peut y avoir un témoignage plus solennel quant à ce qui a amené l’infidélité dans l’Église et l’a conduite à sa ruine et au jugement prochain, savoir l’abandon de l’attente actuelle de la venue du Seigneur. Et si l’on exige de quelqu’un en proportion de ce qu’il aura reçu, qui sera coupable comme ceux qui s’appellent ministres du Seigneur, s’ils ne servent pas le Seigneur comme attendant Son retour ?

Cependant le Seigneur rejeté était venu amener le conflit et le feu sur la terre (v. 49). Sa présence allumait le feu avant que fût accompli Son rejet par le baptême de mort au travers duquel Il devait passer ; néanmoins ce n’était qu’après ce baptême de mort que Sa puissance en amour aurait pleine liberté. Aussi Son cœur qui était amour, même selon l’infini de Dieu, était à l’étroit jusqu’à ce que l’expiation donnât libre cours à l’exercice de cet amour, ainsi qu’à l’accomplissement de tous les desseins de Dieu, où Sa puissance serait manifestée selon cet amour, et auxquels cette expiation était absolument nécessaire comme base de réconciliation de toutes choses dans les cieux et sur la terre[35]. — Dans les versets 51-53, le Seigneur montre en détail les divisions qui seraient le résultat de Sa mission : — le monde ne tolérerait pas plus la foi dans le Sauveur, que le Sauveur Lui-même auquel elle se rattachait et qu’elle confessait. Il est bon de remarquer comment la présence du Sauveur fait sortir le mal du cœur humain. L’état décrit ici se trouve dans Michée ; c’est l’état le plus affreux du mal qu’on puisse concevoir (Mich. 7, 1-7).

Ensuite Jésus s’adresse au peuple pour l’avertir des signes qui distinguaient le temps où ils vivaient. Il place Son témoignage sur un double terrain ; sur les signes évidents que Dieu donnait de ce temps ; et en deuxième lieu, sur les preuves morales qui, sans signes, devaient se recommander à la conscience, et obliger ainsi le peuple à recevoir le témoignage. Quel que fût l’aveuglement du peuple et de ses chefs, ils étaient en chemin pour aller au juge ; et une fois livrés à lui, ils ne sortiraient que quand le châtiment de Dieu serait pleinement exécuté à leur égard[36] (comp. És. 40, 2).

Chapitre 13. — Or, comme dans ce moment-là on rappelle au Seigneur le jugement terrible tombé sur quelques-uns d’entre eux, Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec leurs sacrifices (v. 1), Il leur déclare que ni ce cas-là, ni un autre dont Il les fait souvenir, ne sont exceptionnels ; et que, s’ils ne se repentent pas, il leur en arriverait de même à tous (v. 2-5). À cela, le Seigneur ajoute une parabole pour expliquer à ceux qui Lui parlaient la position du peuple. Israël était le figuier planté dans la vigne de Dieu qui déjà, depuis trois ans, menaçait de le retrancher ; car le figuier ne faisait que nuire à la vigne, qu’encombrer le terrain, et l’occuper inutilement ; cependant Jésus faisait encore un dernier effort pour qu’il produisît du fruit, et si cela ne réussissait pas, la grâce n’avait qu’à laisser la place au juste jugement du Maître de la vigne, car pourquoi cultiver ce qui ne faisait que du mal (v. 6-9) ? Néanmoins Jésus agit en grâce et en puissance envers la fille d’Abraham, selon les promesses faites à ce peuple (v. 10-17), tout en lui démontrant que sa résistance, en prétendant opposer la loi à la grâce, n’était que de l’hypocrisie.

Cependant (v. 18-21) à la suite du rejet de Christ, le royaume de Dieu devait prendre une forme inattendue : semé par la Parole et non introduit en puissance, il croîtrait dans le monde jusqu’à ce qu’il devînt une puissance mondaine ; et, comme doctrine et profession extérieure, il pénétrerait toute la masse à lui préparée dans les conseils souverains de Dieu. Or ce n’était pas là le royaume établi par la puissance qui agit en justice, mais quelque chose de laissé à la responsabilité de l’homme bien qu’accomplissant les conseils de Dieu (comp. Matt. 13, Dan. 4 et Éz. 31).

Enfin, le Seigneur entame directement la question de la position du résidu et du sort de Jérusalem (v. 22-35). — Comme Il parcourait les villes et les bourgades accomplissant l’œuvre de la grâce, quel que fût le mépris du peuple, on Lui demande si le résidu, ceux qui échapperaient au jugement d’Israël, serait nombreux ? Il ne répond pas quant au nombre, mais Il s’adresse à la conscience de l’interrogateur, lui ordonnant d’entrer par la porte étroite, en y employant toute son énergie. Non seulement la masse n’entrerait pas, mais plusieurs, ayant mis de côté cette porte, désireraient bien d’entrer dans le royaume, mais ne le pourraient pas ; et de plus, une fois le maître de la maison levé et la porte fermée, ce serait trop tard ; il leur dirait : « Je ne vous connais pas ni ne sais d’où vous êtes ! ». En vain ils insisteraient sur ce qu’il avait prêché dans leurs villes ; il leur déclarerait qu’il ne les connaissait pas, eux, ouvriers d’iniquité : il n’y avait pas de paix pour les méchants ; c’était par la conversion seule qu’on entrait dans le royaume ; la masse d’Israël n’entrerait pas ; et dehors, dans les pleurs et dans l’angoisse, ils verraient les Gentils assis avec les dépositaires des promesses, tandis qu’eux-mêmes, enfants du royaume selon la chair, ils en seraient exclus et d’autant plus misérables qu’ils en étaient plus rapprochés. Ceux qui paraissaient les premiers, seraient donc les derniers ; et les derniers, les premiers (v. 30).

Sous prétexte de considération pour Jésus, des pharisiens L’engagent alors à s’en aller (v. 31-35). Le Seigneur s’en réfère en dernier lieu sur ce sujet à la volonté de Dieu dans l’accomplissement de Son œuvre : le pouvoir de l’homme sur Lui était ici hors de cause ; Jésus avait à finir un travail, puis à partir, parce que Jérusalem n’avait pas connu le temps de sa visitation, visitation accomplie par Lui-même, son vrai Seigneur, l’Éternel. Que de fois Il aurait voulu rassembler sous Ses ailes les enfants de la ville rebelle ! Mais ils ne le voulaient pas ! — Et maintenant, le dernier effort de Sa grâce était fait, et leur maison allait leur être laissée déserte jusqu’à ce qu’ils se repentissent et qu’ils se retournassent vers l’Éternel, en disant avec le psaume 118 : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ». Alors, étant convertis, ils Le verront.

Rien de plus clair et de plus fort que la suite de ces entretiens du Sauveur. C’était un dernier message pour Israël, une dernière visitation de Dieu. Ils L’avaient rejeté. Ils étaient abandonnés de Dieu (quoique toujours aimés à cause des pères), jusqu’à ce qu’ils réclamassent Celui qui les avait rejetés ; ensuite de quoi, Jésus reparaîtrait, tout Israël Le verrait et ce serait « la journée que l’Éternel a faite ». Quant au rejet du Seigneur Lui-même, en admettant l’établissement du royaume sous la forme d’un arbre ou du levain pendant l’absence de Jésus, il portait son fruit parmi les Juifs jusqu’à la fin. Le dénouement de tout ceci au milieu de cette nation aux derniers jours, et le retour de Jésus lors de la repentance de cette nation, n’en seraient pas moins un résultat de ce grand acte de péché et de rébellion. Mais ceci donne lieu à d’autres renseignements importants relatifs au royaume.

Chapitre 14. — Quelques points spéciaux de morale sont développés dans les chapitres suivants[37].

Le Seigneur, invité à manger chez un pharisien, y revendique les droits de la grâce contre le sabbat, le sceau de l’ancienne alliance, en jugeant l’hypocrisie qui savait bien le violer, quand l’intérêt personnel y était engagé. Puis Il montre quel esprit d’humilité et de petitesse convient à l’homme devant Dieu, et comment cet esprit doit s’unir à l’amour quand on possède les biens de ce monde. Sans doute, une pareille marche — qui était réellement celle de Christ — opposée qu’elle est à l’esprit du monde, nous y ôte notre place : la société n’y paie pas de réciprocité. Mais il y avait une autre époque de lumière plus excellente que celle qui aurait lui par la présence d’un Messie terrestre, une époque de lumière dont les rayons perçaient déjà au travers des ténèbres causées par le rejet du Messie, l’époque de la résurrection des justes, bannis par le monde de son sein. Quelles que fussent même les ténèbres qui accompagnaient ce rejet, celui-ci amenait, comme conséquence nécessaire dans la sagesse de Dieu, cette merveilleuse lumière. Dans ce déploiement de la puissance de Dieu, ces justes auraient leur place à part : il y aurait une résurrection des justes, où l’on aurait la récompense de ce que l’on aurait fait par amour et pour le nom du Seigneur. On comprend la force de cette allusion à la position dans laquelle se trouvait alors le Seigneur, prêt à être mis à mort dans ce monde-ci.

Et le royaume, que deviendrait donc ce qui le concernait dans ce moment-là ? Le Sauveur en donne le tableau dans la parabole renfermée dans les versets 16-24. Méprisé par les principaux des Juifs que Dieu invitait à participer au grand souper, le Seigneur chercherait d’abord les pauvres du troupeau ; mais comme il y avait encore de la place dans Sa maison, Il enverrait dès lors chercher les Gentils, et les introduirait par Son appel puissant et efficace, lorsqu’ils ne Le chercheraient pas ; — c’était l’activité de Sa grâce. — Les Juifs, comme Juifs, n’y auraient pas de part. Mais il en coûterait à ceux qui voudraient entrer (v. 28-33) : il faudrait tout abandonner dans ce monde et rompre tout lien avec lui. Plus une chose serait près du cœur, plus elle serait dangereuse et plus il fallait la haïr ; non que les affections soient mauvaises, mais Christ étant rejeté du monde, tout ce qui lie à la terre devait coûte que coûte être sacrifié pour Lui. Il fallait Le suivre, savoir haïr sa propre vie et la perdre, plutôt que de se relâcher ou de tenir compte de quelque chose en marchant à la suite de Jésus ; pour Le suivre, il fallait sacrifier tout ce qui tenait à la vie naturelle, car il s’agissait du salut, du Sauveur et de la vie éternelle. Aussi charger sa croix et suivre Jésus était le seul moyen d’être Son disciple ; et sans la conviction qu’il en était ainsi, on ne devait pas commencer à bâtir. Il fallait voir si, ayant la conscience qu’extérieurement l’ennemi est beaucoup plus fort que nous, on oserait, comme parti pris et quoi qu’il en fût, aller à sa rencontre par la foi en Christ ; et il fallait également rompre avec tout ce qui tenait à la chair comme telle.

Au reste (v. 34, 35), chacun était appelé à rendre un témoignage particulier et en même temps à porter le caractère de Dieu Lui-même, tel qu’il avait été rejeté en Christ, caractère dont la croix était la vraie mesure. Si les disciples ne réalisaient pas ces choses, ils ne valaient rien, puisque Dieu ne les laissait ici-bas qu’en vue de cela. L’Église l’a-t-elle conservé, ce caractère ? Question solennelle pour nous tous !

Chapitre 15. — Ayant ainsi développé la différence du caractère des deux économies de la loi et de la grâce, et les circonstances de la transition de l’une à l’autre, le Seigneur aborde des principes plus élevés et les sources de l’économie qui s’introduisait par la grâce. Ici, elles sont bien mises en contraste, ainsi que dans les chapitres précédents ; mais ce contraste remonte à sa source glorieuse, la propre grâce de Dieu, laquelle fait contraste en effet avec la misérable propre justice de l’homme.

Les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour L’entendre. Pour ceux qui avaient besoin de la grâce, cette grâce avait une vraie dignité ; mais la propre justice repoussait ce qui n’était pas aussi méprisable qu’elle-même, et, en même temps, Dieu dans Sa nature d’amour : les pharisiens et les scribes murmuraient contre Celui qui était le témoin de la grâce en l’accomplissant.

Impossible de méditer proprement ici ce chapitre, qui a fait la joie de tant d’âmes et fourni le sujet de tant de témoignages rendus à la grâce depuis le temps où le Seigneur a prononcé ces paroles ; et cette difficulté à ne pas s’étendre sur cette grâce parfaite, dans son application au cœur, se rencontre constamment en méditant la portion de la Parole qui nous occupe. Je dois me borner ici à relever les grands principes qui s’y trouvent, en laissant le développement à ceux qui prêchent la Parole. C’est une difficulté qui se présente constamment dans cette portion de la Parole.

Le grand principe que le Seigneur expose et sur lequel Il fonde la justification des voies de Dieu (triste est l’état du cœur qui l’exige ! — merveilleuses sont la grâce et la patience qui l’accordent !), ce grand principe, dis-je, c’est que Dieu trouve Sa propre joie à faire grâce. Quelle réponse à l’affreux esprit des pharisiens qui en faisaient une objection contre Jésus ! C’est le berger qui éprouve de la joie, quand la brebis perdue est retrouvée ; c’est la femme qui en ressent, quand la drachme est dans sa main ; le père, quand son fils est dans ses bras. Quelle expression de ce que Dieu est ! Et que Jésus est bien Celui qui peut nous le dire ! C’est sur cela seul que la bénédiction de l’homme peut être fondée, et en cela que Dieu glorifie Sa grâce. Mais il y a dans cette grâce deux parties distinctes, l’amour qui cherche, et l’amour avec lequel on est reçu.

Les deux premières paraboles dépeignent le premier caractère de cette grâce. Le berger cherche sa brebis, la femme sa pièce de monnaie ; la brebis et l’argent n’agissent en rien. Le berger cherche, ainsi que la femme, jusqu’à ce qu’il trouve, parce qu’il s’intéresse à l’objet qu’il poursuit ; et quand la brebis est fatiguée de ses errements, elle n’a pas besoin de marcher pour s’en retourner ; le berger la met sur ses épaules et la porte chez lui. Il se charge de tout, heureux de ravoir sa brebis. C’est là l’esprit du ciel, quel que soit le cœur de l’homme sur la terre : c’est l’œuvre de Christ, le bon Berger. Le travail de la femme est une image des soins que Dieu se donne dans Son amour, de sorte que son œuvre représente davantage celle de l’Esprit ; on apporte la lumière, la femme balaie la maison jusqu’à ce qu’elle retrouve sa pièce : c’est ainsi que Dieu en agit dans le monde, cherchant les pécheurs. L’odieuse et haïssable jalousie de la propre justice ne trouve pas de place dans l’esprit du ciel où Dieu demeure et où Il reproduit, dans le bonheur qui L’entoure, le reflet de Ses perfections.

Toutefois, bien que ni la brebis, ni la drachme ne fassent rien pour être retrouvées, il y a pourtant une œuvre réelle opérée dans le cœur de celui qui est ramené ; mais cette œuvre, toute nécessaire qu’elle soit pour qu’un homme ait la paix ou même qu’il la cherche, n’est pas ce sur quoi cette paix est fondée.

Le retour et la réception du pécheur sont dépeints dans la troisième parabole. L’œuvre de la grâce accomplie par la seule puissance de Dieu, et complète dans ses effets, est décrite dans les deux premières ; dans la troisième, le pécheur revient avec des pensées que nous allons examiner, pensées produites par la grâce, mais qui, avant qu’il ait été reçu, ne sont jamais montées à la hauteur de la grâce manifestée dans l’accueil qui lui a été fait. — La Parole nous dépeint d’abord son éloignement de Dieu. Aussi coupable, au moment où tournant le dos à son père, il franchit le seuil de la maison paternelle, qu’à l’époque où il mange les gousses avec les pourceaux, l’homme, trompé par le péché, est présenté ici dans le dernier état de dégradation où le péché le conduit. Ayant dépensé tout ce qui lui est échu selon la nature, le dénuement dans lequel il se trouve (plus d’une âme ressent la famine qu’elle a attirée sur elle-même, le vide de tout ce qui l’entoure sans un désir après Dieu ou la sainteté, et souvent dans l’avilissement du péché) ne le pousse pas vers Dieu, mais le conduit à chercher une ressource dans ce que lui fournit le pays de Satan, où rien ne se donne ; et il se trouve avec les pourceaux. Mais la grâce agit, la pensée du bonheur qui se trouvait dans la maison de son père se réveille dans son cœur, ainsi que celle de la bonté qui rendait tout béni à l’entour d’elle. Lorsque l’Esprit de Dieu agit, on trouve toujours deux choses : la conviction dans la conscience et l’attraction du cœur. C’est réellement la révélation de Dieu à l’âme, et Dieu est lumière et Il est amour ; comme lumière, la conviction est produite dans l’âme, mais comme amour, il y a l’attraction de la bonté et une vraie confession est produite. Ce n’est pas simplement que nous avons péché, mais que nous avons affaire avec Dieu, retenus, tout en Le désirant, par la crainte de ce qu’Il est, et cependant nous sommes conduits à aller. Ainsi la femme du chapitre 7, et Pierre, dans sa nacelle. Cela produit la conviction que l’on périt, et un sentiment faible peut-être, mais réel, de la bonté de Dieu et du bonheur qui se trouve en Sa présence, quoique l’on ne soit pas assuré d’être reçu : mais on ne reste pas où l’on périt. Il y a sentiment du péché et humiliation, sentiment qu’il y a de la bonté en Dieu, mais pas encore sentiment de ce qu’est la grâce de Dieu : celle-ci attire, on va vers Dieu, mais on serait content d’être reçu comme un domestique — preuve que, quoique le cœur ait été travaillé par la grâce, il n’a pas encore rencontré Dieu. Mais le progrès de l’âme dans les choses spirituelles, bien que réel, ne donne jamais la paix. Il y a un certain repos du cœur qui découle du fait qu’on retourne vers Dieu, mais on ne sait quel accueil on trouvera après l’abandon de Dieu dont on est coupable. Plus l’enfant prodigue approche de la maison, plus son cœur doit battre à la pensée de sa rencontre avec son père. Mais le père prend les devants avant son arrivée, et agit envers son fils, non selon les mérites de celui-ci, mais selon son cœur de père à lui, seule mesure des voies de Dieu envers nous. Il est sur le cou de son fils encore dans ses haillons, avant que celui-ci ait pu dire : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Le fils, objet d’un pareil accueil, ne pouvait plus parler ainsi : c’était la demande d’un cœur, anticipant comment il serait reçu, et non pas d’une âme qui avait rencontré Dieu. Celle-là sait la manière dont elle a été reçue. Le prodigue se proposait de le dire (on parle souvent d’un « humble espoir » et « d’une basse condition ») ; mais, quoique la confession fût complète, lorsqu’il arrive, il ne peut plus dire : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Comment aurait-il pu le dire ? La position du fils était fixée par le cœur du père, par les propres sentiments du père, par l’amour qu’il avait pour son enfant et par la position dans laquelle son cœur l’avait mis à l’égard de celui-ci : la position du père décidait de celle du fils. Voilà sur quoi se fondaient les relations entre le père et le fils ; mais ce n’était pas tout. Le père aimait son fils quelle qu’eût été sa conduite ; mais il ne l’introduirait pas tel quel dans la maison : le même amour qui l’accueillait comme fils, voulait qu’il y entrât tel que devait être le fils d’un tel père. Les serviteurs sont invités à apporter la plus belle robe et à l’en revêtir. — Ainsi aimés et accueillis de Dieu dans nos misères, nous sommes revêtus de Christ pour être introduits dans la maison du Père ; nous n’apportons pas cette meilleure robe ; notre Dieu et Père nous la fournit ; c’est une chose entièrement nouvelle : c’est Christ Lui-même ; et nous devenons justice de Dieu en Lui. C’est la plus belle robe du ciel ! Tout est maintenant joie, sauf chez l’homme à propre justice, le vrai Juif. La joie est la joie du père ; mais toute la maison y participe. Le fils aîné qui n’est pas dans la maison, quoique près, refuse d’y entrer : il ne veut pas de la grâce qui fait d’un pauvre prodigue le sujet de la joie de l’amour. Néanmoins la grâce agit ; le père sort pour le prier d’entrer. C’est ainsi que sous l’évangile, Dieu en a fait pour le Juif : mais la justice de l’homme qui n’est qu’égoïsme et péché, repousse la grâce. Or, Dieu ne veut pas abandonner cette dernière qui est propre à Sa nature : Dieu veut être Dieu ; et Il est amour.

Voilà ce qui vient remplacer les prétentions des Juifs qui ont rejeté le Seigneur et l’accomplissement des promesses en Lui. Ce qui donne la paix et qui caractérise notre position selon la grâce, ce ne sont pas les sentiments agissant dans nos cœurs et qui existent réellement, mais ceux de Dieu Lui-même.

Chapitre 16. — Ici, l’effet de la grâce sur la marche nous est présenté, ainsi que le contraste existant (vu le changement d’économie) entre la conduite exigée par le christianisme à l’égard des choses du monde, et la position des Juifs sous ce rapport. Or celle-ci n’était l’expression que de la position de l’homme, mise au clair par la loi. La doctrine ainsi formulée dans la parabole de l’économe infidèle, est confirmée dans l’histoire parabolique de l’homme riche et de Lazare, dans laquelle le Saint Esprit lève le voile qui cache cet autre monde, où le résultat de la conduite des hommes est manifesté.

L’homme est l’économe de Dieu, c’est-à-dire que Dieu lui a confié des biens : Israël se trouvait particulièrement dans cette position. Mais l’homme a été infidèle : Israël l’avait été beaucoup ; — aussi Dieu lui a ôté sa charge. Néanmoins, l’homme est encore en possession des biens, les administre au moins de fait, ainsi qu’Israël le faisait dans le moment où le Sauveur parlait. Il est question ici des choses d’ici-bas, de ce que l’homme peut posséder selon la chair. Ayant perdu sa charge par son infidélité et étant encore en possession des biens qui lui ont été confiés, l’homme se sert de ce qu’il a pour se faire des amis parmi les débiteurs de son maître, et cela en leur faisant du bien : c’est ce que le chrétien devrait faire des biens de cette terre, c’est-à-dire en user pour les autres en vue de l’avenir. L’économe aurait pu emporter l’argent dû à son maître, mais il aime mieux se faire des amis avec cet argent et sacrifier un avantage présent à un meilleur avenir. Nous pouvons convertir les misérables richesses de ce monde en moyen d’accomplir la charité : l’esprit de grâce qui remplit nos cœurs, en tant qu’objets de la grâce, s’exerce à l’égard des choses temporelles ; on se sert de ces biens pour les autres ; — quant à nous, c’est en vue des tabernacles éternels. Cette expression : « Afin qu’ils vous reçoivent » équivaut à : « Afin que l’on vous reçoive » ; c’est une expression employée dans Luc pour désigner un fait, sans parler de ceux qui l’accomplissent, quoiqu’il soit dit : « ils vous reçoivent ».

Remarquez que les richesses de cette terre ne sont pas celles qui sont nôtres ; tandis que les richesses célestes le sont pour le vrai chrétien. Celles-là sont « injustes » en ce qu’elles se rattachent à l’homme en chute et non à l’homme céleste, ni n’avaient aucune place, lorsque Adam était innocent.

Or, lorsque se lève le voile qui est sur l’autre monde, la vérité est mise au grand jour, et l’on découvre clairement le contraste existant entre les principes des deux économies juive et chrétienne. Le christianisme manifeste l’état de ce monde et, quant à son principe, appartient au ciel. Le judaïsme, d’accord avec les principes gouvernementaux de Dieu pour le monde, promettait aux justes les bénédictions terrestres. Mais tout était en désordre à l’égard des principes sur lesquels ce système était fondé : le chef même du système judaïque, le Messie était rejeté. En un mot, Israël envisagé comme responsable, ou devant jouir du bonheur terrestre à condition d’obéir, avait entièrement failli. L’homme, dans ce monde, placé sur le même pied, ne pouvait plus être le moyen de rendre témoignage à Dieu quant à Ses voies de gouvernement. Il y aura un temps de jugement terrestre, mais il n’est pas encore là ; et en attendant, la possession des richesses n’était rien moins qu’une preuve de la faveur de Dieu. Cette possession était, chez le Juif, caractérisée par l’égoïsme de l’homme, et hélas ! par l’indifférence envers un frère misérable assis à sa porte. — Mais la révélation découvre l’autre monde à nos regards. L’homme dans ce monde est un être en chute et méchant : s’il y a reçu ses biens, il y a pris la part de l’homme pécheur ; et ainsi, dans l’autre monde, il sera tourmenté, tandis que celui qu’il avait méprisé y trouvera le bonheur. Il ne s’agit pas ici de ce qui donne droit d’entrer dans cet autre monde, mais du caractère des principes du monde visible et du monde invisible, et du contraste qui existe entre eux. Le Juif, ayant choisi ce monde, l’a perdu et l’invisible aussi : et celui qu’il tenait pour misérable se trouve dans le sein d’Abraham. Toutes les expressions de la parabole du riche et du pauvre Lazare font voir que cette parabole se lie avec la question de l’espérance d’Israël, et l’idée que les richesses étaient une preuve de la faveur de Dieu : idée qui, toute fausse qu’elle fût dans tous les cas, même en Israël, se comprend pourtant, si ce monde est la scène du bonheur sous le gouvernement de Dieu.

Ce qui est à la fin de la parabole montre encore de quoi il s’agissait. Le malheureux riche veut que ses frères soient avertis par quelqu’un qui soit ressuscité d’entre les morts ; Abraham lui déclare l’inutilité de ce moyen : — c’en était fait d’Israël. Dieu n’a point présenté Son Fils ressuscité à la nation qui, méprisant la loi et les prophètes, L’avait rejeté ; le témoignage rendu à Sa résurrection n’a trouvé chez elle que l’incrédulité qui L’avait accueilli Sa vie durant aussi bien que le témoignage des prophètes avant Lui. — Dans l’autre monde il n’y a pas de consolation si dans celui-ci l’on rejette le témoignage de la Parole à la conscience. L’abîme qui sépare les bienheureux et ceux qui ont cherché leur satisfaction dans ce monde de péché, ne se traverse pas ; et un Seigneur revenu d’entre les morts, ne convaincrait pas, là où la Parole a été méprisée. Tout ceci est en rapport avec le jugement des Juifs, qui devait mettre fin à l’économie légale ; comme la parabole précédente montre quelle devrait être la conduite des chrétiens à l’égard des choses temporelles. Et tout ici aussi découle de la grâce qui accomplissait le salut de l’homme de la part de Dieu en amour, et mettait de côté l’économie légale et ses principes en introduisant les choses célestes.

Chapitre 17. — La grâce est le ressort de la marche chrétienne et en fournit les règles. On ne méprise donc pas impunément les faibles, et sans se lasser on pardonne à son frère ; on dispose, pour ainsi dire, de la puissance de Dieu par la foi, celle-ci fût-elle comme un grain de moutarde. Toutefois, quand on a tout fait, on n’a fait que son devoir (v. 5-10). — Puis dans les versets 11-37, Jésus montre la délivrance du joug du judaïsme, et Il juge le système qu’Il reconnaissait encore. Comme Il parcourait la Samarie et la Galilée, dix lépreux Le supplient de loin de les guérir, et Il les renvoie aux sacrificateurs : c’était par le fait leur dire qu’ils étaient nets. Le Seigneur ne les envoyait pas aux sacrificateurs pour leur faire reconnaître leur souillure, puisqu’ils savaient qu’ils avaient la lèpre. Prenant donc Jésus sur parole, ils s’en vont dans la confiance qu’ils se présenteront nets aux sacrificateurs, et ils sont guéris aussitôt en chemin. Contents d’avoir profité de Sa puissance, neuf d’entre eux poursuivent leur route vers les sacrificateurs et restent Juifs, ne sortant pas de l’ancien bercail. Jésus connaissait bien le bercail, mais eux ne Le reconnaissaient que pour profiter de la présence du Sauveur et rester là où ils étaient. Ils ne voyaient ni dans Sa personne, ni dans la puissance de Dieu en Lui, rien qui les attirât : ils étaient Juifs. Mais le dixième lépreux, ce pauvre étranger, un Samaritain, reconnaît la bonne main de Dieu, et se prosterne devant le Seigneur en Lui rendant grâces ; Celui-ci le renvoie dans la liberté de la foi : « Lève-toi, et t’en va ; ta foi t’a guérie ! ». Le Samaritain n’a pas besoin d’aller chez les sacrificateurs, car il a trouvé Dieu et la source de bénédiction en Christ ; et il s’en va affranchi du joug qui allait se rompre judiciairement pour tous ; car le royaume de Dieu était là pour qui le pouvait discerner, le Roi étant au milieu d’Israël. Le royaume ne venait pas, il est vrai, de manière à attirer l’attention du monde, mais il était au monde ; de sorte que les disciples désireraient voir l’un des jours dont ils avaient joui pendant la présence du Seigneur sur la terre, et ils ne le verraient point (v. 22).

Ensuite, le Seigneur annonce à Ses disciples les prétentions des faux christs, le vrai Christ ayant été rejeté ; de sorte que le peuple sera en proie aux ruses de l’Ennemi ; mais les disciples doivent se garder de les suivre. En tant qu’en rapport avec Jérusalem, ils seront exposés à ces tentations ; mais ils ont, pour les traverser, les directions du Seigneur. Or le Fils de l’homme, dans Son jour, sera comme l’éclair ; avant cela néanmoins, Il doit souffrir beaucoup de la part des Juifs incrédules. Le jour du Fils de l’homme sera comme les jours de Noé et de Lot : — les hommes seront à leur aise et occupés à réaliser des projets charnels, comme le monde surpris par le déluge, ou comme Sodome surprise par le feu du ciel. Ainsi en sera-t-il lors de la révélation du Fils de l’homme, révélation publique, éclatante et soudaine. — Tout ceci concernait Jérusalem : ainsi avertie, toute son affaire était d’échapper au jugement qui éclaterait, lors de la venue du Fils de l’homme, contre la ville qui l’avait rejeté, car ce Fils de l’homme qu’ils avaient méconnu reviendrait dans Sa gloire. Alors pas de regard en arrière ! — car ce serait avoir son cœur là où était le jugement : mieux valait tout perdre, jusqu’à la vie, plutôt que de s’associer avec ce qui devait être jugé. Si par infidélité on avait échappé à ceux qui avant le jugement n’épargnaient pas les fidèles, et cherché à sauver sa vie, le jugement, étant celui de Dieu, saurait atteindre les gens dans leur lit, et distinguer entre deux qui s’y trouvaient, comme entre deux femmes broyant leur grain aux mêmes meules. Le caractère de ce jugement montre qu’il ne s’agit pas de la destruction de Jérusalem par Titus ; on y voit la main de Dieu qui sait discerner, prendre et épargner. Aussi n’est-ce pas un jugement de morts, mais un jugement sur la terre : l’un est dans un lit, l’autre au moulin, celui-ci sur le toit, celui-là dans les champs. Prévenus par le Seigneur, ceux qui avaient des oreilles pour écouter avaient à tout abandonner, et ne devaient avoir égard qu’à Celui qui était venu pour juger.

À qui s’enquerrait du lieu du jugement, la réponse était qu’il aurait lieu « là où est le corps mort » : le jugement descendrait là comme les aigles que l’on ne voit pas, mais auxquels leur proie n’échappe pas.

Chapitre 18. — Or, en présence de toute la puissance des ennemis et des oppresseurs (car il y en aurait, comme nous l’avons vu, puisque l’on pouvait être dans le cas de perdre la vie), il y avait une ressource pour le résidu affligé, savoir la persévérance dans la prière en tout temps, du reste, la ressource du fidèle, de l’homme, s’il comprend qu’il en est ainsi. Dieu vengera Ses élus, quoique, quant à l’exercice de leur foi, Il mette celle-ci à l’épreuve. Mais quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-Il sur la terre cette foi qui s’attend à Son intervention ? Telle était la solennelle question à laquelle il est laissé à la responsabilité de l’homme de répondre ; question qui implique qu’à peine on peut s’attendre à ce qu’on trouvera la foi sur la terre, quoiqu’elle dût y être. Néanmoins, là où il y a de la foi, elle est agréable à Celui qui la cherche, et elle ne sera pas désappointée ni confondue.

On remarquera que le royaume — et c’est bien le royaume qui est en cause — est présenté de deux manières au milieu des Juifs dans ce temps-là, savoir : 1° dans la personne de Jésus, alors présent (chap. 17, 21) ; 2° dans l’exécution du jugement au milieu duquel les élus seuls seront épargnés, la vengeance de Dieu s’exerçant en faveur de ces élus. C’est pourquoi aussi ceux-ci ne devaient penser qu’à plaire à Dieu, quelque paisible ou quelque oppresseur que le monde pût être. Il s’agit du jour du jugement des méchants et non de l’enlèvement des justes pour le ciel : ceux-ci sont préfigurés plutôt par Abraham et Énoch ; les autres qui sont épargnés pour vivre sur la terre, par Noé et Lot. Cependant il y a des oppresseurs desquels le résidu doit être vengé. Le verset 31 du chapitre 17 nous indique que le résidu ne doit penser qu’au jugement et, comme hommes, ne se lier à rien : dans un pareil moment, ceux qui en faisaient partie devaient s’attendre à Dieu seul comme des gens détachés de tout.

Au verset 9 du chapitre 18, le Seigneur reprend la description des caractères qui étaient propres pour entrer dans le royaume maintenant, en Le suivant. Depuis le verset 35[38], la grande transition s’approche historiquement. Le verset 8 de ce chapitre termine l’avertissement prophétique à l’égard des derniers jours. Le Seigneur continue ensuite à montrer quels sont les caractères personnels en harmonie avec l’état de choses introduit par la grâce. Ainsi, la propre justice est loin d’être une recommandation pour entrer dans le royaume (v. 9-14) : le plus misérable pécheur qui reconnaissait son péché, était justifié devant Dieu plutôt que le propre juste ; — celui qui s’élève sera abaissé ; celui qui s’abaisse sera élevé. Quel exemple et quel témoin de cette vérité que Jésus Christ, le Seigneur Lui-même !

Puis, l’esprit d’un enfant, petit, simple, croyant ce qu’on lui dit, de peu d’importance à ses propres yeux, contraint de céder à tous, voilà ce qui convenait aussi pour le royaume de Dieu (v. 15-17). Quel autre esprit le Seigneur aurait-Il pu admettre dans ce royaume ? De plus, les principes du royaume, tel qu’il serait établi par le rejet de Jésus, formaient un entier contraste avec des bénédictions temporelles liées à l’obéissance à la loi, toute bonne que fût, à sa place, cette loi. Il n’y avait nulle bonté dans l’homme : Dieu seul est bon (v. 18 et suiv.).

Le jeune homme qui avait observé cette loi extérieurement dans sa marche est appelé à tout quitter pour suivre le Seigneur. Jésus connaissait les circonstances de ce jeune homme et son cœur, et Il met le doigt sur la convoitise qui y régnait et qui était alimentée par la fortune dont il jouissait. « Une chose te manque encore : Vends tout ce que tu as, et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; et viens, suis-moi ». Il fallait tout vendre et suivre Jésus, ensuite de quoi, il y avait un trésor dans les cieux. Mais le jeune homme s’en va tout triste. Les richesses, qui aux yeux de l’homme semblaient être un signe de la faveur de Dieu, n’étaient plus qu’un obstacle dès qu’il s’agissait du cœur et du ciel. En même temps, le Seigneur annonce que l’homme qui abandonnerait pour le royaume de Dieu ce qui avait du prix à ses yeux, recevrait beaucoup plus dans ce monde, et, dans le siècle qui vient, la vie éternelle. Nous pouvons remarquer que le Seigneur ne fait que poser ici un principe universel en rapport avec le royaume (v. 21-34).

Enfin, le Seigneur, en chemin pour Jérusalem, déclare explicitement et à part à Ses disciples, qu’Il allait être livré, maltraité et mis à mort pour ressusciter ensuite : ce à quoi les disciples ne comprennent rien, quoique ces choses fussent l’accomplissement des paroles des prophètes. Si le Seigneur devait faire partager Sa croix à ceux qui Le suivaient, Il ne pouvait pas ne pas la porter Lui-même. Il marchait devant Ses brebis dans ce chemin d’abnégation et de dévouement ; et Il était seul à frayer le chemin, car les pieds de Son peuple n’avaient pas encore passé par là, et ne pouvaient le faire qu’après Lui.

Maintenant commence, au verset 35, l’historique du dernier voyage du Seigneur à Jérusalem. Il va s’y présenter de nouveau pour la dernière fois comme le Fils de David, mettant sur la conscience de la nation Ses droits à ce titre, tout en faisant voir les conséquences du rejet qu’on ferait de Lui. Près de Jéricho[39], la ville de malédiction, Il rend la vue à l’aveugle qui croit à Son titre de Fils de David. C’est bien ce qui est arrivé à ceux d’entre les Juifs qui ont cru et L’ont suivi ; et ils verront de plus grandes choses encore.

Chapitre 19. — Étant entré dans Jéricho, Jésus exalte la grâce, en dépit de l’esprit pharisaïque, et reconnaît Zachée comme fils d’Abraham, qui, dans une position fausse, il est vrai, pour quelqu’un qui l’était, avait une conscience délicate et un cœur généreux[40]. Par la grâce, sa position ne lui ôtait pas, aux yeux de Jésus, le caractère de fils d’Abraham (si tel était le résultat, qui aurait pu être béni ?), et ne barrait pas le chemin au salut destiné à ce qui était perdu, puisque ce salut entrait avec Jésus dans la maison de ce fils d’Abraham. Jésus apportait le salut à quiconque devait l’hériter.

Toutefois le Seigneur ne leur cache point Son départ, et le caractère que le royaume devait prendre par Son absence. Les Juifs étaient préoccupés de Jérusalem et de l’attente du prochain royaume : et le Seigneur leur explique ce qui va arriver (v. 11 et suiv.). Lui s’en va pour recevoir un royaume dans l’intention de revenir ; en attendant Il confie de Ses biens (les dons de l’Esprit) à Ses serviteurs pour les faire valoir pendant Son absence. La différence entre cette parabole et celle de Matthieu 25 est celle-ci : Matthieu présente la souveraineté et la sagesse de celui qui donne, et qui varie ses dons selon l’aptitude de ses serviteurs ; tandis que la parabole de Luc relève plus particulièrement la responsabilité des serviteurs qui ont reçu chacun la même somme. Ici, l’un profite de ce qu’il a reçu dans l’intérêt de son Maître plus que l’autre ; aussi n’est-il pas dit, comme dans Matthieu : « Entre dans la joie de ton Maître », la même chose à tous, plus excellente encore ; — mais il est dit à l’un : « Aie autorité sur dix villes », et à l’autre : « Sois établi sur cinq villes » ; c’est-à-dire qu’à chacun est donnée une part dans la gloire du royaume selon son travail de serviteur. Aussi le serviteur ne perd-il pas ce qu’il a gagné, quoique cela appartienne à son Maître. Il jouit de ce qu’il a gagné, sauf celui qui n’a pas utilisé la mine qu’on lui avait donnée, et qui est donnée ensuite à celui qui en avait gagné dix. Ce que nous avons acquis ici-bas, au spirituel, en intelligence et connaissance de Dieu par l’Esprit, n’est pas perdu dans l’autre monde ; au contraire, nous en recevons davantage ; la gloire de l’héritage nous est aussi donnée selon notre travail : tout est grâce.

Mais il y a encore un autre élément dans l’histoire du royaume. Les concitoyens de l’homme noble, les Juifs, non seulement ont rejeté le roi, mais quand il est parti pour recevoir le royaume, ils envoient un messager après lui pour lui déclarer qu’ils ne le veulent pas comme roi. Ainsi les Juifs, lorsque Pierre (Act. 3) leur montre leur péché et leur annonce le retour de Jésus et avec Lui les temps de rafraîchissement, s’ils se convertissent, repoussent ce témoignage, et, pour ainsi dire, envoient Étienne après Jésus, pour attester qu’ils ne veulent de Lui en aucune manière : aussi la race perverse est-elle déjà jugée pour le moment où Jésus reviendra en gloire. Les ennemis avoués du Christ recevront la récompense de leur rébellion.

Jésus ayant déclaré ce qu’était et ce que serait le royaume, vient maintenant, afin de le présenter pour la dernière fois dans Sa propre personne aux habitants de Jérusalem, selon la prophétie de Zacharie 9. Dans l’étude de Matthieu et de Marc, cette scène remarquable a été, du reste, déjà considérée par nous dans son aspect général, mais quelques circonstances particulières demandent à être relevées ici. Toute la multitude de Ses disciples se rassemble au lieu où le Sauveur fait Son entrée : les disciples et les pharisiens sont en contraste. Jérusalem est au jour de sa visitation et ne le connaît pas. Quelques paroles remarquables sortent de la bouche des disciples, mus, dans cette occasion, par l’Esprit de Dieu. S’ils s’étaient tus, les pierres se seraient écriées en proclamant la gloire du rejeté. Le royaume que saluent leurs acclamations triomphales, n’est pas le royaume seulement dans sa partie terrestre, comme dans Matthieu : là, ainsi que nous l’avons vu, les disciples s’écrient : « Hosanna au fils de David ! » et « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! ». C’est au fond la même chose ; mais ici nous avons quelque chose de plus. Le Fils de David disparaît. Il est, il est vrai, le Roi qui vient au nom du Seigneur ; mais ce n’est plus le résidu d’Israël qui cherche le salut dans le nom du Fils de David, en reconnaissant ce titre de Jésus, c’est la « paix au ciel et la gloire dans les lieux très hauts ! ». Le royaume est considéré ici comme dépendant de ce que la paix est établie dans les cieux célestes : le Fils de l’homme élevé en haut et victorieux de Satan, a réconcilié les cieux ; et la gloire de la grâce y est établie dans Sa personne pour la gloire éternelle et suprême du Dieu d’amour. Le royaume sur la terre n’est qu’une conséquence de cette gloire que la grâce a établie. La puissance qui a chassé Satan établit la paix dans les cieux. Au chapitre 2, 14 de notre évangile, nous trouvons dans la grâce célébrée par les anges : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre, paix ; et bon plaisir [de Dieu] dans les hommes ». Pour l’établissement du royaume la paix est faite dans le ciel, et la gloire de Dieu est entièrement établie dans les lieux les plus hauts.

On remarquera ici que le Seigneur, en s’approchant de la ville, pleure sur elle (v. 41), ce qui n’est pas rapporté en Matthieu où, raisonnant avec les Juifs, Jésus leur montre la ville comme celle qui, ayant repoussé et tué les prophètes, était dès maintenant, et jusqu’à Son retour, vouée à la désolation : Emmanuel même, l’Éternel en avait été ignominieusement rejeté, Lui qui si souvent avait voulu en rassembler les enfants sous Ses ailes.

Voici l’heure de sa visitation, et elle ne l’a point connue ! Si, à cette heure-là, elle avait seulement répondu à l’appel que lui adressait le témoignage de son Dieu !… Mais elle est laissée entre les mains des Gentils, ses ennemis, qui n’en laisseront pierre sur pierre sans être démolie. C’est-à-dire que, n’ayant pas connu qu’elle était visitée de Dieu en grâce dans la personne de Jésus, elle est mise de côté ; le témoignage ne se poursuit pas ; et place est faite pour un autre ordre de choses. — C’est la destruction de la ville par Titus qui est ici en saillie. Le Seigneur a égard au caractère moral du temple (v. 46) : et l’Esprit n’en fait pas mention ici comme « d’une maison de prière pour tous les peuples » en faisant ainsi un centre pour le culte des autres en dehors d’Israël. C’est dans la même intention que, chapitre 20, 16, il est dit simplement : « Il donnera la vigne à d’autres ». Ils ont heurté contre la pierre d’achoppement ; quand celle-ci tombera sur eux — à la venue de Jésus en jugement — elle les réduira en poussière.

Chapitre 20. — Dans Sa réponse aux sadducéens, trois choses importantes sont ajoutées à ce qui est dit en Matthieu 22. Jésus ne parle pas seulement de l’état des ressuscités et de la certitude de la résurrection, mais Il parle aussi : 1° d’un siècle qu’une certaine classe de gens, qui en sera jugée digne, atteindra seule, une résurrection à part celle des justes (v. 35) ; puis 2°, Il annonce que cette classe se compose des fils de Dieu qui sont reconnus tels en tant qu’ayant part à cette résurrection d’entre les morts (v. 36) ; et 3°, qu’en attendant cette résurrection, les âmes survivent à la mort : toutes vivent pour Dieu, quoique cachées aux yeux des hommes (v. 38).

La parabole des noces, rapportée en Matthieu 22, est omise ici ; nous l’avons trouvée au chapitre 14 de notre évangile, mais avec des traits caractéristiques, savoir une mission dans les rues de la ville, destinée aux méprisés de la nation et qui n’est point en Matthieu 22, où se trouve par contre le jugement de Jérusalem avant l’évangélisation des Gentils. Tout ceci caractérise la parabole. En Luc, on voit la grâce, un état moral de l’homme devant Dieu, et le nouvel ordre de choses fondé sur le rejet de Christ.

Les deux évangélistes se rencontrent naturellement dans les grands traits relatifs à l’incrédulité des Juifs et à ses conséquences pour eux, aussi ne m’arrêterai-je pas sur les points que Luc raconte en commun avec Matthieu. Si l’on compare Matthieu 23 avec Luc 20, 45-47, on verra tout de suite pourquoi il y a différence. En Luc, l’Esprit nous donne, en trois versets, ce qui moralement met les scribes à part ; et en Matthieu est développée toute leur position en rapport avec l’économie légale, avant la manifestation du Messie en gloire, considérée, soit comme possédant une certaine autorité pour prescrire aux autres aussi longtemps que Moïse avait cette autorité, soit comme coupables devant Dieu dans cette place.

Chapitre 21. — Les discours du Sauveur dans ce chapitre, indiquent d’une façon particulière le caractère de l’évangile qui nous occupe. L’esprit de grâce contrastant avec l’esprit judaïque, se retrouve dans le récit de l’offrande de la pauvre veuve : mais la prophétie du Sauveur, qui suit, exige plus de détails. Le verset 6, ainsi que nous l’avons dit à la fin du chapitre 19, ne parle que de la prochaine ruine de la Jérusalem d’alors, par les Romains. La question des disciples, ici, se rapporte à ce même événement. Ils ne disent rien de la fin du siècle. Alors le Seigneur fixe les devoirs des disciples dans leurs circonstances avant cette heure-là. Au verset 8, Il dit, ce que nous ne retrouvons pas en Matthieu, que « le temps est proche » ; Il entre aussi dans beaucoup plus de détails à l’égard du ministère des disciples pendant la période dont Il leur parle. Il les encourage et leur promet les secours nécessaires pour les difficultés dans lesquelles ils se trouveraient placés : — les persécutions leur seront pour témoignage (v. 11-19). Les passages correspondants de Matthieu ne fournissent pas ces détails relatifs aux disciples ; ils présentent bien l’état général des choses dans le même sens que Luc, mais en y ajoutant la condition des Juifs et en particulier des Juifs faisant plus ou moins profession de recevoir la parole. Tout ce qui regarde le témoignage, envisagé comme s’exerçant en rapport avec Israël, mais s’étendant aux nations, se trouve au commencement du chapitre 24 de Matthieu (v. 1 jusqu’à la fin du v. 14). En Luc 21, ce témoignage est le service prochain des disciples jusqu’au moment où le jugement de Dieu mettrait fin à ce qui avait été virtuellement terminé par le rejet de Christ. Le Seigneur ne dit rien par conséquent, au verset 20, de l’abomination de la désolation de Daniel ; mais Il parle du fait du siège de Jérusalem et de la proximité de la désolation de cette ville, et non pas de la fin du siècle, comme en Matthieu. « Ce sont là des jours de vengeance » sur les Juifs, qui avaient, par leur rejet du Seigneur, mis le comble à leur rébellion. Et ainsi « Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis », c’est-à-dire les temps assignés par les conseils de Dieu, révélés par le prophète Daniel, à la durée des empires gentils. C’est la période dans laquelle nous vivons encore.

Ici, il y a un arrêt dans le discours du Seigneur parce que le sujet principal est terminé ; mais il reste la révélation de quelques événements de l’arrière-scène qui clôt l’histoire de cette suprématie des Gentils.

Il est à observer aussi, que bien que les circonstances dont Luc parle (v. 20-23), soient le commencement du jugement dont Jérusalem ne se relèvera pas jusqu’à ce que son temps de détresse soit accompli et son iniquité tenue pour acquittée (És. 40, 1, 2), cependant il n’est pas fait ici mention de « la grande tribulation ». Il y a grande colère et détresse sur le peuple, qui ont en effet pesé sur lui durant le siège de Jérusalem par Titus ; — et aussi les Juifs ont été emmenés captifs. Il n’est pas dit, comme en Matthieu : « Aussitôt après la tribulation de ces jours-là » ; néanmoins, sans désignation d’époque, et aussitôt après que sont mentionnés les temps des Gentils, voici la fin des temps qui arrive ! Il y a dans les cieux des signes, sur la terre de la détresse, un mouvement puissant dans les flots de la population humaine. Les cœurs, saisis par une alarme prophétique, prévoient des calamités, qui, encore inconnues, les menacent : car toutes les influences qui gouvernent les hommes sont alors ébranlées. — Dans ce moment-là, ils verront le Fils de l’homme, autrefois rejeté de la terre, venant du ciel avec les insignes de l’Éternel, avec puissance et une grande gloire (v. 27). C’est ce « Fils de l’homme » dont Luc nous a toujours occupés. Et ici se termine la prophétie. Nous n’y trouvons pas, comme en Matthieu, le rassemblement des élus dispersés d’entre les Juifs.

Ce qui suit (v. 28 et suiv.) se compose d’exhortations, dont le but est de faire du jour de détresse un signal de délivrance pour la foi de ceux qui, s’appuyant sur l’Éternel, obéissent à la voix de Son serviteur. Quant à la « génération » ou « race » (expression déjà expliquée en Matthieu), elle ne passera pas jusqu’à ce que tout soit accompli. — La durée du temps qui s’est écoulé depuis la destruction de Jérusalem et celui qui doit s’écouler encore jusqu’à la fin, est laissée dans l’ombre. Les choses célestes ne se comptent pas par des dates. Le moment, du reste, de l’apparition du Fils de l’homme est caché dans les conseils du Père : toutefois ciel et terre passeront, mais non les paroles de Jésus. — Ensuite, comme habitants de la terre, les disciples devaient être sur leurs gardes pour ne pas laisser appesantir leur cœur par des choses qui l’entraîneraient dans le monde au milieu duquel ils devaient être témoins. Car ce jour arriverait comme un filet sur tous ceux qui avaient ici-bas leur habitation ou qui s’y fixaient par le fait. Veiller et prier était le devoir des disciples, afin d’échapper à ces jugements et de subsister en présence du Fils de l’homme. Ici encore se retrouve le grand sujet de l’évangile de Luc : le Fils de l’homme et un état en rapport avec ce qu’Il est. Être avec Lui comme des réchappés sur la terre, d’entre les cent quarante-quatre mille marqués sur la montagne de Sion, sera un accomplissement de cette bénédiction ; mais aucun lieu n’est indiqué. En supposant fidélité chez ceux auxquels Jésus parlait personnellement, l’espérance que réveillaient Ses paroles devait s’accomplir d’une manière encore meilleure en Sa présence céleste au jour de la gloire.

Chapitre 22. — Ici commence l’historique de la fin de la vie du Sauveur. Les principaux sacrificateurs, craignant le peuple, cherchent comment ils pourront se défaire de Lui. Judas, sous l’influence de Satan, se propose comme instrument pour se saisir de Jésus, loin de la foule. Le jour de la Pâque arrive, et le Seigneur continue Son œuvre d’amour dans les circonstances où Il se trouvait. Je relèverai celles de ces circonstances qui tiennent au caractère de notre évangile, soit les changements qui ont lieu directement et immédiatement en rapport avec la mort du Seigneur. Ainsi d’abord, Jésus dit aux siens : « J’ai fort désiré de manger cette Pâque avec vous, avant que je souffre ; car je vous dis que je n’en mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu », savoir par Sa mort. Puis ayant pris la coupe, Il leur dit : « Prenez ceci et le distribuez entre vous, car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu ». Mais le Seigneur ne dit pas ici, comme Il le dit ailleurs : « Je vous dis que désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père » ; Il dit seulement : Je n’en boirai plus « jusqu’à ce que le royaume soit venu ». Si les temps des Gentils sont en vue comme une chose présente, ainsi ici, c’est la chrétienté, le royaume tel qu’il est maintenant, et non pas le millénium. Et quelle touchante expression d’affection pour Ses disciples n’avons-nous pas ici ! — Son cœur avait besoin de ce dernier témoignage d’amour avant de les quitter.

La nouvelle alliance est fondée sur le sang qui est bu ici en figure. C’en était fait de l’ancienne alliance, et il y avait besoin de sang pour établir la nouvelle. Celle-ci n’était pas encore établie (ce qui se fera avec Israël), mais, du côté de Dieu, tout était fait pour cela. Le sang n’était pas répandu pour donner force à une alliance de jugement, comme la première, mais il était versé pour ceux qui recevaient Jésus, en attendant le temps où l’alliance même se traiterait de fait avec Israël.

Les disciples, croyant à la parole de Jésus que l’un d’eux Le trahirait, mais ne se connaissant pas eux-mêmes, se demandent qui ferait cette action-là (v. 23 et suiv.), expression frappante de foi en tout ce que le Seigneur disait — car aucun, sauf Judas, n’avait mauvaise conscience — et témoignant de leur innocence. Ils pensent en même temps au royaume d’une manière charnelle, ils se disputent pour y occuper la première place, et cela en présence de la croix, à la table où le Seigneur leur donnait les derniers gages de Son amour. Il y avait de l’intégrité dans le cœur, mais quel cœur pour contenir cette intégrité ! Quant à Lui, Il avait pris la dernière place comme étant, quand on aime, la plus excellente pour l’œuvre ; elle appartenait à Lui seul. Les disciples devaient Le suivre d’aussi près que possible, et Sa grâce reconnaît qu’ils l’avaient fait comme s’Il avait été leur débiteur pour cela, pour leurs soins ici-bas au temps de la détresse. Il leur en tient compte ; et au jour du royaume, ils seront assis sur douze trônes, comme chefs de cet Israël au milieu duquel ils L’ont suivi.

Mais Jésus devait passer par la mort, et comme Ses disciples L’avaient suivi jusqu’ici, et ne pouvaient, en tant qu’hommes vivant sur la terre, Le suivre plus loin, quelle occasion pour l’Ennemi de les cribler ! Tout ce qui appartenait à un Messie vivant était renversé de fond en comble, et la mort était là. Qui y passerait ? Satan voulait en profiter et cherchait les disciples pour les cribler. Jésus (car ils ne pouvaient y échapper, vu qu’Il devait y passer Lui-même et que leur espérance était en Lui) ne cherche pas à épargner ce crible à Ses disciples. Il faut que la chair soit mise à l’épreuve de la mort ; mais Jésus intercède pour que la foi de l’un des siens, qu’Il nomme spécialement, ne défaille pas. Simon, ardent selon la chair, était plus que tous exposé au danger d’une fausse confiance provenant de cette chair ; il savait se conduire, mais là elle ne pouvait le soutenir. Toutefois, étant l’objet de la grâce de la part du Seigneur, sa chute serait le moyen de sa force. Sachant désormais ce que c’était que la chair, d’un côté, et la perfection de la grâce, de l’autre, il serait capable de fortifier ses frères. Pierre prétend sortir de tout victorieusement — même dans les choses où il allait entièrement faillir. Le Seigneur l’avertit brièvement de sa chute prochaine. Jésus en prend occasion de prévenir les disciples que tout allait changer dans leur position et dans les principes sur lesquels leurs relations avec Lui étaient fondées : au lieu d’un Messie qui prenait soin d’eux sur la terre, c’était un Sauveur rejeté et monté en haut, et eux extérieurement laissés et exposés aux flots de ce monde. Pendant Sa présence ici-bas, vrai Messie, Emmanuel, Il les avait garantis de toutes les difficultés en les envoyant parmi les Juifs. Ils n’avaient manqué de rien. Désormais (le royaume ne venant pas encore en puissance), ils seraient comme Lui en butte aux mépris et à la violence, et humainement parlant, ils auraient à prendre soin d’eux-mêmes. Pierre, toujours prompt, prenant les paroles de Christ à la lettre, a eu la permission d’exprimer sa pensée en présentant deux épées. Le Seigneur l’arrête par une parole qui lui montre l’inutilité d’aller plus loin : les disciples n’étaient pas alors en état de le faire. Quant à Jésus, Il suit avec une tranquillité parfaite Ses habitudes de chaque jour. Pressé en esprit par ce qu’Il allait arriver, Il exhorte les disciples à prier pour ne pas « entrer en tentation » ; c’est-à-dire pour que si, en marchant avec Dieu, ils étaient mis à l’épreuve, ces moments-là leur devinssent une occasion d’obéir à Dieu et non de s’éloigner de Lui. Car il y a en effet de tels moments permis de Dieu, où tout est mis à l’épreuve par la puissance de l’Ennemi.

La dépendance du Seigneur comme homme est ensuite mise en scène de la manière la plus frappante. La scène entière de Gethsémané et la croix, en Luc, représentent l’homme dépendant entièrement. Il prie ; Il se soumet à la volonté de Son Père, et un ange Le fortifie, c’était leur service envers le Fils de l’homme[41] ; — puis dans un combat qui atteignait les profondeurs de Son âme, Il prie plus instamment. Homme dépendant, Il est parfait dans Sa dépendance. L’intensité du combat augmente Sa relation avec Son Père. Quant aux disciples, ils sont accablés par l’ombre seulement de ce qui faisait prier Jésus ; ils se réfugient dans l’oubli que donne le sommeil : mais le Seigneur, avec la patience de la grâce, répète Son avertissement. Ensuite arrive la troupe de ceux qui venaient pour Le prendre (v. 47 et suiv.) ; et Pierre confiant, quand il est déjà averti, et dormant à l’approche de la tentation quand Jésus prie, frappe de l’épée quand Jésus se laisse mener comme un agneau à la boucherie, et ensuite, hélas ! renie Jésus, quand Celui-ci confesse la vérité. Mais quelque soumis que soit le Sauveur à la volonté de Son Père, Il fait voir clairement que Sa puissance ne L’a point abandonné, et cela en guérissant le mal que Pierre avait fait au serviteur du souverain sacrificateur. Après quoi, Il se laisse emmener en se contentant de faire remarquer à la troupe que c’était « leur heure et le pouvoir des ténèbres » ; triste et terrible association de choses !

Dans toute cette scène se montre la soumission complète de l’homme, tandis que la puissance de la mort est sentie au plus haut degré comme épreuve ; mais à part ce qui se passait dans Son âme et devant Son Père (en quoi se voit la réalité de ces deux choses), on trouve chez Lui la plus parfaite tranquillité, et le calme le plus doux vis-à-vis des hommes[42], une grâce en un mot qui ne se dément pas. Aussi quand Pierre L’a renié, comme son Maître le lui avait prédit, Jésus regarde vers lui au moment opportun, sans être distrait par tout l’appareil de Son procès inique ; et Pierre fléchit devant ce regard (v. 62). Quand maintenant on questionne Jésus, Ses réponses sont brèves, parce que Son heure était venue. Soumis à la volonté de Son Père, Il acceptait de Sa main la coupe que les juges, qui ne faisaient qu’accomplir la volonté de Dieu, Lui apportaient. Il ne répond pas lorsqu’on veut qu’Il déclare s’Il est le Christ — ce n’était plus temps de le faire ; — on ne Le croirait pas, et on ne Lui répondrait pas s’Il leur posait des questions qui feraient ressortir la vérité ; on ne Le libérerait pas non plus. Mais, ainsi que nous l’avons vu si souvent en lisant cet évangile, Jésus déclare ouvertement quelle place prendrait, dès cette heure-là, le Fils de l’homme : Il serait assis à la droite de la puissance de Dieu. On voit aussi que c’est la place qu’Il prend dès ce moment-là ; et ceux qui L’entourent en tirent tout de suite cette conséquence : « Tu es donc le Fils de Dieu » ? (comp. Dan. 7). Jésus rend témoignage à cette vérité : « Vous dites vous-mêmes que je le suis » ; — et tout est fini. Ainsi Jésus laisse indécise la question qui Lui a été posée, s’Il est le Messie ; pour Israël cette question était hors de place, puisqu’Il allait souffrir : mais Il se déclare le Fils de l’homme, qui va entrer dans la gloire, et le Fils de Dieu.

Chapitres 23 et 24. — C’en était fait d’Israël quant à sa propre responsabilité. La gloire céleste du Fils de l’homme et la gloire personnelle du Fils de Dieu allaient bientôt éclater ; et afin que tout soit accompli, Jésus est livré aux Gentils. Ceux-ci, dans l’évangile qui nous occupe, ne sont pas présentés comme volontairement coupables. On trouve, sans doute, chez eux une indifférence qui est une injustice flagrante en pareil cas, et une insolence inexcusable ; mais Pilate fait ce qu’il peut pour délivrer Christ, et Hérode désappointé, le renvoie sans jugement : la volonté positive de Lui nuire est toute entière du côté des Juifs. C’est là le caractère de cette partie de l’historique dans l’évangile selon Luc. Pilate aurait aimé ne pas se charger d’un crime inutile, et il méprisait les Juifs ; mais ceux-ci voulaient que Jésus fût crucifié et ils demandent qu’on relâche Barabbas, homme séditieux et meurtrier (v. 20-25)[43]. Aussi le Seigneur, allant au Calvaire, annonce aux femmes qui pleuraient sur Lui avec des sentiments naturels de pitié, que c’en était fait de Jérusalem — qu’elles n’avaient pas à pleurer sur Son propre sort, mais sur le leur — qu’il viendrait sur Jérusalem des jours auxquels elles estimeraient heureuses celles qui n’avaient jamais été mères, des jours auxquels on chercherait en vain un abri contre la frayeur et le jugement : car si en Lui, l’arbre vert, ces choses s’accomplissaient, que deviendrait l’arbre sec du judaïsme sans Dieu ?

Cependant le Seigneur, au moment de Son crucifiement, intercède pour Israël, disant : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (v. 34) ; intercession à laquelle le discours que Pierre fait aux Juifs (Act. 3), est la remarquable réponse par le Saint Esprit descendu du ciel. Aveuglés entièrement, les principaux des Juifs, aussi bien que le peuple, insultent Jésus comme ne pouvant pas se délivrer, ignorant que cela était impossible, s’Il était un Sauveur ; tout leur était ôté. — Dieu établissait un autre ordre de choses, fondé sur l’expiation, une puissance de vie éternelle par la résurrection. — Affreux aveuglement duquel les pauvres soldats n’étaient imitateurs que selon la malignité de la nature humaine ; mais le jugement d’Israël était dans leur bouche, et de la part de Dieu, sur la croix. Celui qui était sur cette croix était le roi des Juifs ; bien abaissé, sans doute, car un malfaiteur pendu à Ses côtés pouvait l’outrager ; mais placé là par l’amour, pour le salut éternel et présent des âmes, comme cela se manifeste dans le moment même. Les paroles insultantes par lesquelles on reproche au Sauveur de ne pouvoir se délivrer Lui-même de la croix, trouvent leur réponse dans la conversion du malfaiteur qui doit aller rejoindre Jésus ce jour-là même dans le paradis. Ce récit est la démonstration frappante du changement auquel cet évangile de Luc nous conduit. — Le roi des Juifs, du propre aveu de ceux-ci, n’est pas délivré ; Il est crucifié : c’est la fin des espérances de ce peuple. Mais en même temps un pécheur grossier, converti par la grâce sur le gibet même, va droit au paradis : une âme est éternellement sauvée. Ce n’est plus le royaume, comme on voit, mais une âme hors du corps dans le bonheur avec Jésus. On peut remarquer ici comment la présentation de Christ met en action la méchanceté du cœur humain. Aucun malfaiteur n’aurait pu se moquer ou adresser des reproches à l’un de ses compagnons sur le gibet. Mais du moment où Christ se trouve là, c’est ce qui Lui arrive.

Je voudrais dire quelques mots sur la condition de l’autre malfaiteur et sur la réponse de Christ. On trouve chez ce malfaiteur tous les signes de la conversion et de la foi la plus remarquable. La crainte de Dieu, le commencement de la sagesse, est là — une conscience droite et énergique. Il ne dit pas à son compagnon « et justement », mais « nous y sommes justement », reconnaissant la parfaite justice sans péché de Jésus que ce pauvre pécheur témoigne être le Seigneur, quand Ses propres disciples L’ont abandonné et renié. Et tout cela a lieu dans le moment où il n’y avait aucun signe de la gloire ni de la dignité de la personne de Jésus, dans le moment où les hommes ne voyaient dans Celui-ci qu’un être semblable au brigand, et où Son royaume n’était qu’un sujet de moquerie dans la bouche de tous. Le pauvre malfaiteur est enseigné de Dieu ; tout lui est clair. Il est aussi certain que Christ aura le royaume, que s’Il régnait actuellement en gloire. Tout son désir est que Christ veuille se souvenir de lui alors ; et quelle confiance en Christ il témoigne par la connaissance de Sa personne, malgré son crime qu’il avoue ! Cela montre combien Christ remplissait son cœur, et comment sa confiance dans la grâce, par sa clarté, faisait disparaître la honte humaine, car qui aurait aimé qu’on se souvînt de lui dans la honte d’un gibet ! L’enseignement divin est particulièrement manifesté ici. Ne savons-nous pas par cet enseignement que Christ était sans péché, et être assuré de Son royaume, c’était une foi au-dessus de toutes les circonstances. Le malfaiteur seul devient la consolation de Jésus sur la croix, et pour répondre à sa foi, Jésus doit penser à ce paradis qui attendait Son âme pour le moment où Il aurait achevé l’œuvre que Son Père Lui avait confiée. L’état de sanctification où était ce pauvre homme, par la foi, n’est pas moins à remarquer. Dans l’agonie de la croix, lors même qu’il croit que Jésus est le Seigneur, il ne cherche en Lui aucun soulagement à ses maux corporels, mais demande au Seigneur de se souvenir de lui dans Son royaume, en venant pour régner, préoccupé qu’il est d’une seule pensée, celle d’avoir sa portion avec Jésus. Il croit au retour du Sauveur, à la résurrection, au royaume, quand le Roi est crucifié, rejeté, et que, selon l’homme, il n’y avait plus d’espoir pour la délivrance du peuple sur la terre ; mais la réponse de Jésus va plus loin que la révélation de ce qui est propre à cet évangile, Il introduit, comme objet d’attente prochaine, non le royaume, mais la vie éternelle, le bonheur de l’âme. À ce qu’avait demandé le malfaiteur, que Jésus se souvînt de lui quand viendrait Son règne, Jésus répond qu’il n’attendrait pas, pour jouir du bonheur, jusqu’à ce jour de gloire manifeste et visible au monde : mais que, ce jour-là même, le pauvre pécheur croyant serait avec Lui en paradis : — précieux témoignage et parfaite grâce ! Jésus crucifié était plus que Roi, Il était Sauveur. Le pauvre malfaiteur en était le témoignage, il était la joie et la consolation du cœur du Seigneur, prémices de l’amour qui les avait placés l’un à côté de l’autre, où, si le pauvre brigand portait, de la part de l’homme, le fruit de ses péchés, le Seigneur de gloire en portait le fruit de la part de Dieu, traité Lui-même comme un malfaiteur dans la même condamnation. Par une œuvre inconnue à l’homme, sauf à la foi, les péchés de son compagnon étaient loin pour toujours, ils n’existaient plus, leur souvenir n’était plus pour lui que le souvenir de la grâce qui les avait ôtés et qui en avait nettoyé pour toujours son âme, la rendant à l’instant propre pour entrer dans le paradis comme Jésus Lui-même, son compagnon ici-bas.

Enfin, ayant tout accompli, le Seigneur encore plein de force, rend Lui-même Son esprit à Son Père ; Il le Lui confie, dernier acte de ce qui faisait toute Sa vie, savoir la parfaite énergie du Saint Esprit, agissant dans une parfaite confiance en Son Père et sous Sa dépendance. Il remet Son esprit à Son Père, et Il expire ; car c’était la mort qu’Il avait devant Lui, mais la mort avec une foi absolue de confiance en Son Père, la mort avec Dieu par la foi, et non celle qui sépare de Lui. À ce moment-là, la nature se voile, comme pour proclamer que Celui qui l’a créée, a quitté le monde (v. 44-46) : tout est ténèbres ; — mais d’un autre côté, Dieu se révèle : le voile du temple se déchire de haut en bas. Dieu jusque-là s’était caché dans l’obscurité, et le chemin des lieux saints n’était pas encore manifesté, mais maintenant il n’y a plus de voile : ce qui a ôté le péché fait luire l’amour parfait de Dieu, et la sainteté de Sa présence fait la joie de l’âme et non son tourment. Ce qui nous introduit en présence de la sainteté parfaite sans voile, abolit le péché qui nous empêchait de nous trouver là. Notre communion est avec Lui par Jésus, nous sommes saints et irrépréhensibles devant Lui en amour.

Frappé de tout ce qui s’est passé, le pauvre centurion — tel est l’effet de la croix sur la conscience — reconnaît que le Jésus qu’il a crucifié, était certainement l’homme juste (v. 47). Je dis : l’effet sur la conscience, parce que je ne prétends pas dire que la chose allât plus loin chez le centurion. On voit un effet semblable chez les spectateurs qui entouraient la croix ; ils s’en vont en se frappant la poitrine, voyant que quelque chose de solennel était arrivé, que l’on s’était fatalement compromis avec Dieu (v. 48).

Mais le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, avait tout préparé pour l’ensevelissement de Son Fils qui L’avait glorifié en se livrant à la mort. Dans Sa mort, Il est avec le riche (És. 53, 9). Joseph, homme juste qui n’avait pas consenti au péché de son peuple, place le corps du Sauveur dans un sépulcre où personne n’avait été mis encore. C’était le jour de la préparation avant le sabbat ; mais le sabbat s’approchait. Les femmes qui avaient accompagné le Sauveur jusque-là, lors de Sa mort, tout ignorantes qu’elles fussent, fidèles à l’affection qu’elles avaient eue pour Lui, pendant Sa vie, voient où Son corps a été déposé et vont préparer ce qu’il fallait pour l’embaumer. Luc ne parle de ces femmes qu’en général ; et nous suivrons son récit tel quel : les détails se trouveront ailleurs (v. 49-56, et chap. 24, 1-11).

Les femmes viennent, trouvent la pierre enlevée et le sépulcre ne contenant plus le corps de celui qu’elles avaient aimé ; mais, en perplexité à ce sujet, elles voient deux anges à côté d’elles, qui leur demandent pourquoi elles viennent chercher le vivant parmi les morts, et ils leur rappellent les paroles si claires de Jésus Lui-même, prononcées en Galilée. Elles, étant retournées, vont annoncer ces choses à tous les disciples qui ne peuvent croire leur récit ; mais Pierre court au sépulcre où il voit tout en ordre ; et il s’en va étonné de ce qui venait d’arriver (v. 12). Il n’y avait en tout ceci aucune foi en la parole de Jésus, ni en ce que disaient les Écritures. Mais dans le voyage à Emmaüs, le Seigneur fait le rapprochement de ces Écritures avec ce qui Lui était arrivé, dévoilant aux esprits des deux disciples encore préoccupés de la pensée d’un royaume terrestre, que, selon ces Écritures qui révèlent les conseils de Dieu, Christ devait souffrir et entrer dans Sa gloire, un Christ rejeté et céleste. Il réveille en eux cette attention ardente qui absorbe le cœur quand il est touché ; ensuite il se révèle à eux en rompant le pain, acte qui était la figure de Sa mort, non que ce qu’Il ait fait là fût la célébration de la cène, mais cet acte particulier se rattachait dans sa signification au fait solennel rappelé aussi par la cène : — alors les yeux des disciples sont ouverts et Jésus disparaît. C’était bien réellement Lui, mais Lui ressuscité, qui venait de leur exposer le contenu des Écritures, et qui se présentait vivant avec les symboles de Sa mort. Les deux disciples s’en retournent à Jérusalem.

Le Seigneur s’était déjà montré à Simon, et cette apparition dont nous n’avons pas d’autres détails, est mentionnée par Paul (1 Cor. 15), comme étant la première dont les apôtres jouirent. Pendant que les deux disciples, ayant trouvé les onze assemblés et ceux qui étaient avec eux, racontaient ce qui leur était arrivé, Jésus se présente Lui-même au milieu d’eux ; mais leurs pensées ne s’étaient pas encore faites à la vérité de Sa présence en résurrection ; ils ne savent pas réaliser l’idée de la résurrection du corps ; aussi la présence de Jésus les agite. Le Seigneur fait servir leur trouble (très naturel, humainement parlant) à notre bénédiction, en leur donnant les preuves les plus sensibles que c’était bien Lui ressuscité qu’ils voyaient, et Lui avec le corps et l’âme qu’Il avait avant Sa mort ; Il les invite à Le toucher, et Il mange devant eux[44] ; pas de doute donc que ce ne fût Lui.

Il y avait encore une chose importante à leur communiquer — base d’une foi vraie : les paroles de Christ et le témoignage des Écritures. C’est ce qu’Il place devant eux. Mais deux choses étaient encore requises : premièrement, la capacité de comprendre la Parole. Jésus ouvre donc leur intelligence pour entendre les Écritures, et secondement Il les établit comme témoins capables de dire, non seulement : Il en est ainsi, car nous l’avons vu — mais aussi : Il en devait être ainsi, parce que Dieu l’a dit dans Sa Parole, et le témoignage de Christ a été accompli, confirmé dans Sa résurrection. — Maintenant la grâce manifestée en Jésus rejeté des Juifs, en Jésus mort pour nos péchés et ressuscité pour le salut de nos âmes, doit être annoncée à toutes les nations, c’est-à-dire la repentance et la rémission des péchés. C’est une grâce manifestée à la suite de la résurrection de Jésus, lorsqu’Il a fait la paix et donne la vie selon la puissance de Sa résurrection, lorsque la purification du péché étant faite, le pardon est déjà accordé dans le don de la vie. En même temps, on devait commencer là où la patiente grâce de Dieu reconnaissait encore un lien par l’intercession de Jésus, mais qui ne pouvait être atteint que par la souveraine grâce, et où le péché le plus aggravé rendait le pardon plus nécessaire, et cela par un témoignage qui, venant d’en haut, devait agir avec Jérusalem, comme il agissait avec tous. Ils devaient prêcher la repentance et la rémission des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Le Juif, enfant de colère comme les autres, devait rester sur le même pied que ceux-ci. Le témoignage venait d’une plus haute source, où la différence de Juif et de Gentil, la différence entre le formalisme légal du premier et le péché plus grossier du dernier pouvait être distinguée, bien qu’Il l’envoie encore : « au Juif premièrement ».

Mais il fallait encore quelque chose pour l’accomplissement de cette mission, savoir la puissance : il fallait que les disciples restassent à Jérusalem jusqu’à ce qu’ils fussent revêtus de la puissance d’en haut, d’où Jésus allait leur envoyer le Saint Esprit par Lui promis, et duquel les prophètes mêmes avaient parlé. — Après avoir béni Ses disciples, les cieux et la grâce céleste caractérisant Ses relations avec eux, Jésus se sépara d’eux et fut élevé dans le ciel, et eux revinrent à Jérusalem avec joie (v. 48-53).

On aura remarqué que le récit de Luc est très général ici et renferme les grands principes sur lesquels sont basées la doctrine et les preuves de la résurrection. On y trouve l’incrédulité du cœur naturel dépeinte d’une manière frappante dans des récits simples et touchants ; l’attachement des disciples à leur propre espérance du royaume ; la peine avec laquelle la doctrine de la Parole s’empare de leur cœur, quoiqu’il s’ouvre avec joie à cette doctrine à mesure qu’ils la réalisent ; la personne de Jésus ressuscité, encore un homme, l’excellente personne qu’ils avaient connue ; la doctrine de la Parole ; l’intelligence de la Parole donnée ; la puissance de l’Esprit accordée — tout ce qui tenait à la vérité et à l’ordre éternel des choses mis en évidence. Toutefois, Jérusalem, encore reconnue comme point de départ de la grâce sur la terre selon les dispensations de Dieu envers elle, n’est pas, même comme localité, un point de contact et de liaison entre Jésus et Ses disciples. Ce n’est pas de là qu’Il les bénit, bien que, selon les vues de Dieu envers la terre, ce fût là qu’ils dussent attendre le Saint Esprit. Mais pour ce qui concerne les disciples eux-mêmes et leurs rapports avec Lui, le Seigneur les conduit jusqu’à Béthanie, d’où Il était parti pour se présenter à Jérusalem comme roi. C’est dans ce lieu que s’était accomplie la résurrection de Lazare ; c’est là qu’Il avait été reçu par cette famille, type le plus frappant du caractère du résidu qui s’attache à Sa personne maintenant rejetée, avec des espérances meilleures. C’était là que Jésus s’était retiré quand Il avait accompli pour les Juifs Son témoignage, afin que Son cœur pût se reposer pendant quelques moments au milieu de ces bien-aimés qu’Il aimait et qui, à leur tour, L’aimaient par la grâce. Et c’est là aussi que, quant aux circonstances extérieures, Il établit le lien entre le résidu attaché à Sa personne, et le ciel : et de là Il est enlevé en haut.

Jérusalem n’est que le point de départ public des apôtres, pour leur ministère, comme elle avait été le dernier lieu de la scène de Son propre témoignage. Quant aux apôtres eux-mêmes, leur souvenir de la personne de Jésus, séparé d’avec eux, se lie à Béthanie et au ciel ; et c’est de là que le témoignage devait venir pour Jérusalem même. Ceci est d’autant plus frappant, si nous le comparons avec Matthieu. Là, le Seigneur va en Galilée, le lieu d’association avec le résidu juif, il n’est pas fait mention de l’ascension, et la mission confiée aux disciples est exclusivement envers les nations ; c’était rapporter à ceux-ci ce qui avait été confié aux Juifs avec défense de le réintroduire désormais.

Note. — J’ai suivi strictement le passage du texte, et j’ajoute à ce qui vient d’être dit, quelques développements, en liant cet évangile-ci aux autres :

Il y a deux côtés distincts dans les souffrances de Christ : 1° ce qu’Il a souffert, Lui, homme, sous la puissance de Satan, dans Sa lutte avec la puissance de l’ennemi qui avait l’empire de la mort — ceci en communion avec Son Père et en Lui présentant Ses requêtes ; — 2° ce qu’Il a souffert pour accomplir l’expiation du péché, lorsque portant nos péchés, Il fut fait péché pour nous, et buvant la coupe que la volonté de Son Père Lui avait donnée à boire. En méditant sur l’évangile de Jean, je m’étendrai davantage sur le caractère des tentations du Sauveur ; ce que je ferai seulement remarquer ici, c’est qu’au commencement de la vie publique de Jésus, le tentateur s’est appliqué à détourner Jésus de l’obéissance en Lui présentant les attraits des privilèges qui Lui appartenaient comme Messie et comme Fils de l’homme, ou des choses qui pouvaient Lui être agréables comme homme, auxquelles Sa propre volonté pouvait collaborer. Satan aurait désiré faire sortir Christ, étant Fils, de la place qu’Il avait prise comme serviteur. Christ, par simple obéissance, a lié l’homme fort quant à cette vie, puis retournant en Galilée par la puissance de l’Esprit, Il l’a dépouillé de ses biens. Ôter les péchés et porter nos péchés étaient une autre chose. Alors repoussé, Satan Le quitta « pour un temps » ; mais en Gethsémané, le voilà revenu ; et cette fois, c’est avec la frayeur de la mort qu’il se présente, afin de jeter de l’angoisse dans le cœur du Sauveur. Et Jésus devait passer par la mort ; et la mort n’était pas seulement la puissance de Satan, mais le jugement de Dieu sur l’homme, si l’homme devait être délivré, car c’était la portion de l’homme ; et Jésus seul en y entrant pouvait en briser les chaînes. Jésus s’était fait homme pour que l’homme pût être non seulement délivré, mais glorifié ; aussi la détresse de Son âme fut complète : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort ». L’âme du Sauveur était donc ce que doit être celle de l’homme devant la présence de la mort, quand Satan y déploie toute sa puissance, avec la coupe du jugement de Dieu qui n’était pas encore bue ; seulement Christ y était dans la perfection, car c’est une partie de la perfection que d’être mis à l’épreuve dans tout ce qui était possible à l’homme. Mais Jésus fait avec larmes des requêtes et des supplications à Celui qui pouvait Le sauver de la mort. Pour le moment, l’agonie augmente, car présenter la source de sa souffrance à Dieu, rend la souffrance plus sensible : c’est ce qui arrive dans nos petits combats. Mais ainsi la question est résolue en perfection devant Dieu. Son âme est entrée avec Dieu dans ce qui l’éprouve : aussi Jésus prie avec plus d’instance. Maintenant, il est indispensable qu’Il boive cette coupe, par Lui placée devant les yeux du Père, et que Satan Lui présente comme la puissance de la mort pour Son âme. Mais pour obéir à Son Père, Jésus la prend en paix ; et alors la boire n’est que l’obéissance parfaite, au lieu d’être la puissance de Satan — quoiqu’elle dût absolument être bue.

Sur la croix, Jésus, Sauveur de nos âmes, entre dans la seconde phase de Ses souffrances ; Il passe sous la mort, comme jugement de Dieu. Séparation de l’âme de la clarté de la face de Dieu — tout ce que cette âme qui ne jouissait de rien que de la communion avec Dieu, pouvait souffrir d’une telle privation, le Sauveur l’a enduré selon Sa mesure parfaite de communion avec Dieu, interrompue dans ce moment solennel. Et Il rendait cependant gloire à ce Dieu disant : « Et toi, tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d’Israël » (Ps. 22, 3). La coupe de la colère (car je laisse de côté les outrages et les insultes des hommes ; — nous pouvons y avoir part) la coupe était donc bue ; mais qui dira l’horreur de cette souffrance ! C’était la mort avec ses vraies douleurs, comprise comme Dieu la comprend, et sentie selon la valeur de Sa présence divinement connue, dans un homme qui dépendait de cette présence en tant qu’homme. Mais tout est accompli ; et ce que Dieu exigeait à l’égard du péché, est fait, est épuisé, et Dieu est glorifié par cette œuvre ; de sorte qu’Il n’a qu’à bénir celui qui vient à Lui par un Christ vivant, et qui a été mort, et qui vit éternellement comme homme devant Dieu.

Quant aux souffrances de Christ dans Son corps, toutes réelles qu’elles fussent, les insultes et les menaces des hommes n’étaient que comme la préface de Ses souffrances, qui, en Le privant comme homme de toute consolation, Le laissaient entièrement dans la place du jugement comme étant fait péché, de Ses souffrances[45] qu’Il endurait en rapport avec le jugement du péché, lorsque Dieu, qui aurait été Sa pleine consolation, L’avait abandonné ; c’était là la source de l’affliction, laissant tout le reste dans l’oubli.



  1. C’est-à-dire, quant au contenu de cet évangile. Le récit du dernier voyage du Seigneur se rendant à Jérusalem commence au chapitre 9 et continue jusqu’au chapitre 18. Au verset 31 de ce chapitre est mentionné le fait qu’Il monte à Jérusalem, et dès lors l’évangéliste donne surtout une série d’instructions d’une portée morale et montre les voies de Dieu en grâce qui vont être introduites. Au verset 35 du chapitre 18, nous trouvons l’aveugle de Jéricho déjà mentionné comme formant le début de la dernière visite du Seigneur à Jérusalem.
  2. L’union des motifs et de l’inspiration que les incrédules ont voulu mettre en contradiction se trouve à chaque page de la Parole ; aussi ces deux choses ne sont-elles incompatibles que dans l’esprit borné de ceux qui ne connaissent pas les voies de Dieu. Dieu ne peut-Il donc point donner des motifs et par ces motifs engager un homme à entreprendre une tâche quelconque, et puis le diriger parfaitement et absolument en tout ce qu’il fait ? Eût-ce été même une pensée humaine (ce que je ne crois pas), si Dieu l’approuvait, ne pouvait-Il pas veiller sur l’exécution, afin que le résultat fût entièrement selon Sa volonté ?
  3. Les expressions « εὗρες χάριν », tu as trouvé grâce et « ϰεχαριτωμἐνη », favorisée par la grâce, n’ont pas du tout la même signification. Personnellement, Marie avait trouvé grâce, de sorte qu’elle ne devait pas craindre ; mais Dieu, dans Sa souveraineté, lui avait accordé cette grâce, cette faveur immense d’être la mère du Seigneur ; elle était en cela l’objet de la faveur souveraine de Dieu.
  4. Voyez, au verset 45, ce que dit Élisabeth : « Bienheureuse est celle qui a cru ! ».
  5. Néhémie 9, 36, 37.
  6. Je ne doute nullement que la seule vraie traduction de ce passage ne soit : « Le recensement même n’a eu lieu que lorsque Cyrénius était gouverneur de la Syrie », ou, si l’on veut, « a premièrement eu lieu quand Cyrénius, etc. ». Le Saint Esprit rapporte cette circonstance pour faire voir qu’une fois le dessein de Dieu historiquement accompli, ce n’est que plus tard qu’on a donné suite au décret de l’empereur. Ce passage qui, pour moi, est simple et clair dans son texte, a donné lieu à beaucoup de discussions.
  7. C’est-à-dire comme un petit enfant. Il n’a pas paru comme le premier Adam sortant dans sa perfection des mains de Dieu : Il est fils de l’homme, et né de femme, ce qu’Adam n’était pas.
  8. Cette citation nous conduit à une connaissance glorieuse à la fois de ce qui avait lieu alors et de notre bénédiction. L’intérêt spécial de Dieu est dans les fils des hommes ; la sagesse (Christ est la sagesse de Dieu) fait les délices de l’Éternel tous les jours, se réjouissant en la partie habitable de sa terre, avant la création, suivant Son dessein, et Ses délices dans les fils des hommes. Son incarnation en est la preuve certaine. En Matthieu, nous avons notre Seigneur, lorsqu’Il prend Sa place avec le résidu, pleinement révélé. C’est dans le Fils, prenant cette place comme homme et étant oint du Saint Esprit, que toute la Trinité est pleinement révélée. C’est une merveilleuse révélation des voies de Dieu.
  9. C’est le même mot lorsqu’il est dit de Christ : « En qui j’ai trouvé mon plaisir ». Il est beau de voir ces êtres célestes célébrer sans arrière-pensée l’élévation d’une autre race à cette place glorieuse, par l’incarnation de la Parole. C’était à la gloire de Dieu, et cela leur suffisait. Combien cela est beau !
  10. Il prenait cette place au milieu du résidu pieux et avec lui, dans l’acte qui les distinguait de ceux qui ne se repentaient pas ; cette place était celle qui convenait au peuple, le premier acte de la vie spirituelle. Le résidu qui entoure Jean représente le vrai Juif prenant sa vraie place devant Dieu. C’est là que Christ entre avec lui.
  11. Remarquez ici que Christ n’a pas, comme Étienne, un objet dans le ciel sur lequel fixer Son attention. Lui est l’objet du ciel. Il est l’objet d’Étienne par le Saint Esprit, lorsque les cieux s’ouvrent devant le premier martyr. Sa personne demeure toujours clairement en évidence, même lorsqu’Il met Son peuple dans la place qu’Il occupe, ou lorsqu’Il s’identifie avec lui. Voyez sur ce sujet l’évangile de Matthieu.
  12. Je ne parle pas ici de l’union de l’Église avec Christ en haut ; mais de ce qu’Il a pris place avec le résidu qui vient à Dieu par la grâce, amené par l’efficace de Sa Parole et par la puissance de l’Esprit. C’est, je présume, la raison pour laquelle nous voyons tout le peuple être baptisé, et alors Jésus vient et s’associe avec eux.
  13. Remarquez ici que c’est comme oint de l’Esprit Saint, et conduit par Lui, que Jésus va pour être tenté, et qu’Il revient dans la même puissance. Aucun n’était perdu, et cette puissance se manifestait aussi bien dans le résultat, en apparence négatif, d’avoir vaincu, qu’ensuite, dans la manifestation miraculeuse de cette puissance envers les hommes.
  14. Quand un homme touchait un lépreux, il était impur. Mais ici, la grâce opère, et Jésus qui ne pouvait être souillé touche le lépreux (Dieu en grâce, sans souillure, mais homme, touchant l’objet souillé pour le nettoyer).
  15. L’appel de Pierre est plus général en ceci qu’il se rattache à la personne du Christ. Cependant, quoique Pierre fût pêcheur d’hommes (un mot employé évidemment en contraste avec les poissons, dont il était occupé), il a exercé son ministère plus particulièrement en rapport avec Israël : mais c’est la puissance dans la personne de Jésus qui a gouverné son cœur, de sorte que, pour le fond, cette influence était une chose nouvelle ; toutefois elle a été exercée dans la sphère des rapports du Messie avec Israël, quoique s’étendant plus loin. C’est à la fin du chapitre 7 et au chapitre 8, que nous entrons sur un terrain en dehors des limites étroites d’Israël.
  16. Comparez Job 33 et 36, et Jacques 5, 14-15, le premier, en dehors des économies, et Jacques sous le christianisme. En Israël, c’est le Seigneur Lui-même en grâce souveraine.
  17. Christ né sous la loi, s’y soumettait ; mais c’est autre chose. Ici, c’est la puissance divine agissant en grâce.
  18. Mais ici aussi le Seigneur, en donnant les raisons pour lesquelles les disciples ne suivent pas les institutions et les ordonnances de Jean et des pharisiens, rattache ces raisons aux deux principes que nous avons déjà signalés, savoir Sa position au milieu d’Israël, et la puissance de la grâce qui en franchissait les limites. Le Messie, l’Éternel Lui-même était au milieu d’Israël dans cette grâce d’après laquelle l’Éternel s’appelait : « Je suis l’Éternel qui te guérit » (Ex. 15, 26). Il y était malgré la chute du peuple sous la loi, malgré son assujettissement aux Gentils ; — au moins Il était là, pour la foi, dans la suprématie de la grâce. Ceux qui Le reconnaissaient pour le Messie, l’époux d’Israël, pouvaient-ils jeûner lorsqu’Il était présent ? Il les quitterait, sans doute ; ce serait leur temps pour jeûner. De plus, Il ne pouvait (car c’est toujours impossible) adapter le drap neuf du christianisme au vieil habit du judaïsme (par sa nature incapable de recevoir son énergie ou de s’adapter à la grâce) usé en même temps, comme dispensation, par le péché, et sous lequel, en jugement, Israël était assujetti aux Gentils.
    Ensuite, la puissance de l’Esprit de Dieu en grâce ne saurait se restreindre aux ordonnances légales : elle les détruirait par le fait même de sa force. L’appel de Lévi violait, et de la manière la plus publique, tous les préjugés des Juifs. Leurs propres compatriotes servaient d’instruments d’extorsion à leurs maîtres, et leur rappelaient de la manière la plus pénible leur assujettissement aux Gentils. Mais le Seigneur était là en grâce pour chercher les pécheurs.
    Ce qui est mis ici devant nos yeux par le Saint Esprit, est la présence du Seigneur ; ce sont les droits qui se rattachent nécessairement à Sa personne et à Sa grâce souveraine entrée au milieu d’Israël, mais dépassant nécessairement les limites de cette nation, et, en résultat, mettant de côté le système légal qui ne pouvait recevoir le nouvel état de choses. C’est là la clef de tous les récits qui viennent de nous occuper ; et encore, dans ce qui suit à l’occasion du sabbat. Le premier cas dont il est question (chap. 6, 1-5) montre la suprématie que Sa personne glorieuse donnait au Seigneur sur ce qui était le signe de l’alliance elle-même. L’autre cas (chap. 6, 6-11) fait voir que la bonté de Dieu ne peut abandonner ses droits et sa nature ; Il voulait faire du bien, même en un jour de sabbat.
  19. Ceci est un point important. Avoir part au repos de Dieu est le privilège distinctif des saints du peuple de Dieu. L’homme ne le possédait pas à la chute et cependant le repos de Dieu n’en demeure pas moins la portion spéciale de Son peuple. Il ne l’a pas obtenu sous la loi. Mais avec chaque institution nouvelle sous la loi, Dieu insiste de nouveau sur le sabbat, cette expression formelle du repos de premier Adam, et Israël en jouira à la fin de l’histoire de ce monde. Jusque-là, comme dit le Seigneur, dans cette précieuse parole : « Mon Père travaille… et moi je travaille ». Pour nous, le jour du repos n’est pas le septième jour, cette fin de la semaine du monde, mais bien le premier jour, le jour après le sabbat, le commencement d’une nouvelle semaine, d’une nouvelle création, le jour de la résurrection de Christ, le point de départ d’un nouvel état pour l’homme, dont la création qui nous entoure attend l’accomplissement, tandis que nous sommes devant Dieu en Esprit, comme Christ l’est Lui-même. De là vient que le sabbat, le septième jour, le repos de la première création sur un terrain humain et légal, est toujours rejeté dans le Nouveau Testament, bien qu’il ne soit vraiment mis de côté que lorsque le jugement sera exécuté ; mais, comme ordonnance, le sabbat mourut avec Christ dans la tombe où Il le passa — seulement il avait été donné à l’homme comme une faveur. Le jour du Seigneur est notre jour, avant-goût béni du repos céleste.
  20. Je puis remarquer ici que lorsque l’ordre chronologique est suivi dans Luc, c’est le même ordre que celui de Marc, l’ordre des événements eux-mêmes ; non pas comme en Matthieu où les faits sont placés de manière à faire ressortir le but de l’évangile. Seulement Luc introduit de temps en temps une circonstance qui a pu se passer à un autre moment afin d’illustrer le sujet présenté historiquement. Mais au chapitre 9, Luc arrive au dernier voyage à Jérusalem (v. 51), et dès lors suivent une série d’instructions morales jusqu’au chapitre 18, 31 ; ces instructions ont sans doute été pour la plupart sinon toutes données durant la période du voyage, mais elles n’ont guère à faire avec les dates.
  21. Proprement : « un terrain uni » sur la montagne.
  22. Ceci cependant n’a pas trait à la nature d’une manière intrinsèque, car en Christ, il n’y avait pas de péché. Le mot que nous traduisons par « parfait » n’a pas non plus ce sens-là. Il signifie quelqu’un qui a été instruit à fond, qui a été complètement formé par l’enseignement de son maître, omnibus numeris absolutus. Il sera semblable à son maître, dans tout ce en quoi il a été formé par lui. Christ était la perfection ; nous croissons en Lui en toutes choses, « selon la mesure de la stature de la plénitude du Christ » (cf. Col. 1, 28).
  23. Nous avons vu que ceci est précisément le sujet que l’Esprit a en vue dans notre évangile.
  24. Pour expliquer l’expression du verset 47 : « Ses nombreux péchés sont pardonnés, car elle a beaucoup aimé », il faut distinguer entre la grâce révélée dans la personne de Jésus et le pardon qu’Il annonçait à ceux qui avaient été touchés par cette grâce. Le Seigneur pouvait faire part de ce pardon, et Il le révèle à la pauvre femme. C’était ce qu’elle avait vu en Jésus Lui-même, ce qu’Il était pour des pécheurs tels qu’elle-même, qui, par la grâce, avait fondu son cœur et produit cet amour. Elle ne pense qu’à Lui : Il a pris possession de son cœur, de manière à en exclure d’autres influences. Ayant su que Jésus était là, elle entre dans la maison de l’orgueilleux pharisien sans s’inquiéter d’autre chose que du fait que Jésus est là : la présence de Jésus répondant à toutes les difficultés ou les empêchant de s’élever. Elle voyait ce que Jésus était pour un pécheur, et quelle ressource trouvait en Lui le plus malheureux et le plus honni des hommes. Elle sentait ses péchés comme les fait sentir cette parfaite grâce qui, ouvrant le cœur, gagne la confiance  ; et elle aimait beaucoup. La grâce qui était en Christ avait produit son effet : cette femme aimait Jésus à cause de cet amour ; c’est pourquoi le Seigneur dit : « Ses nombreux péchés sont pardonnés, car elle a beaucoup aimé ». Ce n’était pas que pour cela l’amour de la femme fût méritoire ; mais Dieu révélait ce glorieux fait, que les péchés de celui qui avait eu le cœur tourné vers Dieu, étaient pleinement pardonnés, quelque nombreux et abominables qu’ils fussent. Il y a bien des âmes tournées vers Dieu qui aiment Jésus et ne savent pas que leurs péchés sont entièrement pardonnés. Jésus prononce ici sur leur cas, et les renvoie en paix avec autorité. C’est une révélation ou une réponse faite aux besoins et aux affections produits par la grâce dans le cœur, rendu repentant par la révélation de cette grâce dans la personne de Christ. Si Dieu se manifeste dans ce monde et avec un tel amour, Il doit mettre de côté dans le cœur toute autre considération. Et sans qu’elle s’en rendît compte, cette pauvre femme était la seule qui, dans cette circonstance, agît selon les convenances ; car elle appréciait la toute-importance de Celui qui était là, un Dieu Sauveur : et Lui étant présent, qu’importaient Simon et sa maison ? Jésus devait faire oublier tout le reste. Souvenons-nous de ceci. Le commencement de la chute de l’homme a été le manque de confiance en Dieu, provenant de la suggestion trompeuse de Satan, prétendant que Dieu avait refusé ce qui pouvait rendre l’homme pareil à Lui. Une fois la confiance en Dieu perdue, l’homme cherche à se rendre heureux en faisant sa volonté propre : les convoitises, le péché, la transgression en sont la suite. Christ, c’est Dieu dans Son amour infini regagnant la confiance du cœur de l’homme envers Dieu. La culpabilité ôtée et le pouvoir de vivre pour Dieu, sont autre chose et se trouvent dans la place qui leur est propre par Christ, comme le pardon se trouve à sa place ici. Mais, par grâce, la pauvre femme avait senti qu’il y avait au moins un cœur dans lequel elle pouvait mettre sa confiance, et que c’était le cœur de Dieu.
    Dieu est lumière et Dieu est amour. Ce sont là deux noms essentiels de Dieu et on les trouve en rapport avec chaque conversion véritable. Ces deux attributs de Dieu se rencontrent à la croix ; le péché y est amené en pleine lumière, mais une lumière qui révèle parfaitement l’amour. Ainsi dans le cœur la lumière révèle le péché, c’est-à-dire Dieu le révèle comme lumière, mais cette lumière est donnée en amour parfait pour le faire. Le Dieu qui montre les péchés est là en amour parfait pour les montrer. Christ était tel dans ce monde. En se révélant, Il doit être ces deux choses ; ainsi Christ était l’amour dans ce monde, mais Il en était la lumière. Il en est de même pour le cœur. L’amour, par grâce, donne la confiance ; et ainsi la lumière est admise avec joie, et en se fiant à cet amour, tout en se voyant dans la lumière, le cœur a pleinement rencontré le cœur de Dieu : il en était ainsi de cette pauvre femme. C’est là que le cœur de l’homme et Dieu se rencontreront toujours et c’est là seulement qu’ils peuvent se rencontrer.
    Le pharisien ne possédait pas ces choses. Il se trouvait dans une obscurité profonde, sans amour et sans lumière. Dieu, manifesté en chair, était dans sa maison et il ne voyait rien ; il se contentait d’affirmer que Jésus n’était pas un prophète. Quelle scène étonnante à contempler que ces trois cœurs. Celui de l’homme, comme tel, se reposant sur une fausse justice humaine ; celui de Dieu et de la pauvre pécheresse se rencontrant parfaitement. Qui donc était l’enfant de la sagesse ? car le récit dans son entier n’est qu’un commentaire de cette expression. Et notez que, si Christ a subi le mépris sans en rien dire, Il ne demeurait pourtant pas insensible à la négligence qui Lui avait refusé les attentions les plus élémentaires. Pour Simon, Jésus n’était qu’un pauvre prédicateur, dont il jugeait les prétentions ; certainement il ne Le tenait pas pour un prophète. Pour la pauvre femme, Il était Dieu en amour, mettant son cœur à l’unisson du sien quant à ses péchés et quant à elle-même, car elle avait mis sa confiance dans l’amour. Notez également que c’est en s’attachant étroitement à Jésus que l’on trouve la vraie lumière : ici, quant à une révélation efficace de l’évangile ; dans le cas de Marie de Magdala, quant aux privilèges les plus élevés des saints.
  25. Il est excessivement intéressant de considérer les parts respectives des disciples, et des femmes. Celle de ces dernières est la bonne part, ainsi que nous l’avons fait remarquer. Nous les retrouvons à la croix et au sépulcre alors que tous les disciples, sauf Jean, s’étaient enfuis ; et encore, lorsque les femmes appellent les disciples au sépulcre, ceux-ci s’en retournent chez eux, après avoir constaté Sa résurrection.
  26. Remarquez aussi ici que Ses prières ne sont pas offertes seulement à l’occasion des actes de puissance ou des témoignages rendus à la gloire de Sa personne en réponse à ses prières. Son entretien avec les disciples sur le changement qui allait s’accomplir dans les dispensations de Dieu, cet entretien dans lequel Il parle de Ses souffrances et leur défend de dire qu’Il est le Christ, est également introduit par la prière. Retiré avec eux dans un lieu éloigné du bruit du monde, Il présente Ses requêtes à Dieu. L’abandon de Son peuple pour un temps, préoccupe Son cœur autant que la gloire. Au reste, Il épanche Son cœur avec Dieu, quel que soit le sujet qui Le préoccupe selon les voies de Dieu.
  27. Il s’agit du déploiement du royaume et non de l’Église dans les lieux célestes. Je pense que les mots « ils entraient » doivent se rapporter à Moïse et à Élie. Mais la nuée couvrit aussi les disciples. Cependant nous sommes transportés au-delà de cette scène terrestre. Le mot « couvrit » est le même que les Septante emploient en parlant de la nuée qui vint remplir le tabernacle. En Matthieu nous apprenons que c’était une nuée lumineuse. Il s’agissait donc du Shekina de gloire qui avait été avec Israël dans le désert — je pourrais l’appeler, la demeure du Père. La voix du Père en sortait. C’est là qu’ils entrent, et c’est cela qui, en Luc, remplit les disciples de frayeur. Dieu avait parlé à Moïse depuis la nuée ; maintenant les disciples y pénètrent. Ainsi, outre le royaume, nous trouvons ici la vraie demeure des saints. Luc seul nous montre ce côté-là. Nous y voyons le royaume, Moïse et Élie dans la même gloire que le Fils, d’autres hommes vivants sur la terre, mais aussi la demeure éternelle des saints.
  28. Remarquez aussi que si Jésus fait voir à Ses disciples la gloire du royaume et l’entrée des saints dans l’excellente gloire où se trouvait le Père, Jésus descendit aussi sur cette terre pour y trouver la croix et la puissance de Satan, là où nous avons à marcher.
  29. Ces trois passages indiquent successivement chacun une espèce d’égoïsme : l’égoïsme personnel, l’égoïsme de corps (celui qui se rattache à un corps auquel on est associé), et l’égoïsme qui se revêt d’une apparence de zèle pour le Christ, mais qui ne porte pas Son image, égoïsme plus subtil que les autres, et qui est plus difficilement aperçu de l’homme.
  30. Remarquez que lorsque la volonté de l’homme agit, il ne sent pas les difficultés, mais il n’est pas qualifié pour l’œuvre. Quand il y a un appel véritable, les obstacles se font sentir.
  31. Nous trouvons ici, verset 25 et plus loin chapitre 13, 34, des exemples de cet ordre moral de Luc, duquel nous avons parlé. Les témoignages du Seigneur sont parfaitement en place, et aident beaucoup à comprendre toute la suite du passage ; tandis que leur position ici jette une grande lumière sur leur propre portée. Il ne s’agit pas d’ordre historique : ce n’est nullement ici la question. La position qu’Israël, que les disciples, que tous prenaient par suite du rejet du Christ qui aurait lieu, forme le sujet dont l’Esprit s’occupe. Ces passages s’y rapportent et montrent très clairement où en était ce peuple qui avait été visité par Jésus, quel était son vrai caractère, comment dans Ses conseils Dieu a introduit les choses célestes par le moyen de la chute d’Israël, et enfin comment se lie avec le rejet de Christ par le peuple, cette introduction des choses célestes, de la vie éternelle et du salut des âmes. — La loi n’était pourtant pas violée : seulement, elle était de fait remplacée par la grâce qui, en dehors de la loi, opérait ce qu’elle ne pouvait opérer par la loi. C’est ce que nous verrons en poursuivant notre étude de ce chapitre.
  32. On peut remarquer que le Seigneur n’emploie jamais les mots vie éternelle, en parlant du résultat de l’obéissance. « Le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle ». S’ils avaient été obéissants, cette vie aurait pu être sans fin ; mais de fait et en vérité, maintenant que le péché était survenu, l’obéissance n’était pas le chemin pour obtenir la vie éternelle, et le Seigneur ne l’énonce pas.
  33. Ce n’est pas, comme les hommes disent : Où est votre cœur là est votre trésor — mon cœur ne s’y trouve pas ; mais : « Là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur ».
  34. Ici, se trouve la portion céleste de ceux qui attendent le Seigneur pendant Son absence. C’est le caractère du vrai disciple regardant vers le ciel, tandis qu’ici-bas le service est sa place. — Le Seigneur a aussi été serviteur ici-bas (Jean 13, 1-4), et en montant en haut comme notre Avocat, Il devient serviteur pour nous laver les pieds, pour notre bonheur dans le ciel. Au chapitre 21 de l’Exode, l’esclave qui avait accompli son service, s’il ne voulait pas sortir libre, était amené aux juges, et on le fixait à la porte par une alène qui lui perçait l’oreille en signe de servitude perpétuelle. Jésus, à la fin de Sa vie terrestre, avait parfaitement accompli Son service envers le Père. — Au psaume 40, Il dit que Dieu Lui avait creusé les oreilles, c’est-à-dire « formé un corps » (Héb. 10), ce qui est la position de l’obéissance (comp. Phil. 2, 6-8) et l’incarnation. Or ce service avait été accompli dans Sa vie d’homme sur la terre, mais Il nous avait trop aimés, et Il avait trop aimé le Père, dans le caractère de serviteur, pour abandonner ce service ; et à Sa mort, Son oreille a été percée, selon Exode 21, et Il est demeuré serviteur pour toujours, étant toujours homme maintenant pour nous laver les pieds. Plus tard, Il le sera encore quand Il nous prendra à Lui-même dans le ciel, selon le passage que nous étudions. Quel glorieux tableau de l’amour de Christ !
  35. C’est une chose précieuse à constater ici que, quel que soit le mal dans l’homme, il contribue toujours et malgré tout à l’accomplissement des conseils de la grâce de Dieu. L’incrédulité de l’homme refoulait l’amour divin dans le cœur de Christ ; il n’était pas affaibli pour cela, mais il ne pouvait se répandre au-dehors et s’exprimer. Mais le plein effet de cette incrédulité à la croix, ouvrit les écluses de l’amour divin qui se répandit sans empêchement en faveur même du plus vil pécheur, dans une grâce qui règne par la justice. Ce passage est singulièrement intéressant et précieux.
  36. Résumons ici, dans une note, le contenu de ces deux chapitres 12 et 13, afin de mieux comprendre les enseignements qui s’y trouvent. Dans le chapitre 12, le Seigneur parle en vue de détacher du monde les pensées de tous : celles des disciples, Il les dirige vers Celui qui dispose de l’âme comme du corps ; Il les encourage par la promesse des soins fidèles du Père, ainsi que par Son dessein de leur donner le royaume. En attendant, ils doivent être étrangers et pèlerins, ne se donnant aucun souci à l’égard des circonstances par lesquelles ils passent ici-bas. Quant à la foule, le Seigneur lui fait voir que l’homme, dans l’état le plus prospère, ne saurait s’assurer un jour d’existence ; mais Il ajoute à ceci une révélation positive. Ses disciples devaient L’attendre constamment du jour au lendemain ; et non seulement le ciel serait leur portion, mais là ils jouiraient de tout dans le repos. Ils seraient assis au banquet, le Seigneur Lui-même les servant : c’est la portion céleste de l’Église au retour du Seigneur. La part de l’Église est le service, jusqu’à ce qu’Il vienne, et ce service exige une vigilance incessante. Alors ce sera le tour de Jésus de servir ceux qui auront été fidèles pendant Son absence. — Nous avons ensuite l’héritage des disciples, le jugement de l’église professante et celui du monde. L’enseignement de Jésus produisait la division, au lieu d’établir un royaume avec puissance, mais Jésus devait mourir ; et ainsi est amené un autre sujet, le jugement présent des Juifs. Ils étaient en chemin avec Dieu pour aller vers le jugement. (Chap. 13) Le gouvernement de Dieu ne se manifesterait pas en distinguant les méchants en Israël par des jugements partiels : — tous devaient périr, s’ils ne se repentaient. Le Seigneur soignait le figuier pour la dernière année, et si le peuple de Dieu ne produisait pas du fruit cela gâtait Son jardin ; c’était hypocrisie que de professer la loi en l’opposant à un Dieu présent avec eux, à ce Dieu qui leur avait donné la loi. — Quant au royaume, il ne doit pas s’établir par la puissance du Roi manifestée sur la terre ; il croîtra d’une petite semence, jusqu’à ce qu’il soit devenu un immense système de pouvoir ici-bas, et une doctrine qui, comme système religieux, pénétrera toute la masse. — Interrogé sur le nombre du résidu, Jésus insiste sur l’entrée par la porte étroite de la conversion et de la foi en Lui ; car plusieurs qui désireront entrer dans le royaume ne le pourront pas, quand le Maître de la maison s’étant levé, c’est-à-dire Christ rejeté par Israël, la porte sera fermée. En vain diront-ils qu’Il a été dans leurs villes : des ouvriers d’iniquité ne peuvent entrer dans le royaume ! Le Seigneur s’occupe ici entièrement des Juifs : ceux-ci verront dans le royaume les patriarches, les prophètes, des Gentils même de tous pays, tandis qu’eux seront laissés dehors. Cependant l’accomplissement du rejet de Christ ne dépendait pas de la volonté de l’homme ou du faux roi qui, au dire des pharisiens, cherchait à se débarrasser de Lui. Les desseins de Dieu et l’iniquité de l’homme, hélas ! s’accomplissaient ensemble ; Jérusalem devait combler la mesure de son iniquité ; il ne se pouvait qu’un prophète pérît hors d’elle : — mais alors, c’est sur la responsabilité de l’homme que retombe le rejet de Jésus.
    Ensuite, le Seigneur prononce des paroles magnifiques, comme ferait Jéhovah Lui-même. Que de fois ce Dieu de bonté aurait voulu rassembler sous Ses ailes les enfants de Sion ; mais ils ne l’avaient pas voulu ! Si ce rassemblement eût dépendu de la volonté de l’homme, il y aurait eu séparation et désolation complète, ce qui de fait s’accomplissait alors. Tout lien avec l’Éternel était maintenant rompu de la part d’Israël vis-à-vis de Lui, mais non du côté de l’Éternel à l’égard d’Israël. La part du prophète était de compter sur la fidélité de son Dieu, assuré qu’il était que la relation fondée sur Ses promesses ne pouvait manquer ; et que, si le jugement arrivait, ce ne serait que pour un temps ; il pouvait demander : « Jusques à quand ? » (És. 6, 11 ; Ps. 79, 5). La misère est complète quand il n’y a pas de foi pour tenir ce langage (Ps. 74, 9). — Ici donc, le grand prophète est repoussé ; mais, fondé sur les droits de Sa grâce, Il leur annonce, comme étant l’Éternel, et sans qu’ils le Lui demandent, la fin de leur désolation : « Vous ne me verrez point jusqu’à ce qu’il arrive que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». Cette manifestation subite des droits de Sa divinité même, et de Sa divinité en grâce, quand, eu égard à leur responsabilité, tout était perdu, quels qu’eussent été les soins de Sa bonté, est d’une beauté que rien ne peut surpasser. C’est Dieu Lui-même qui se montre quand toutes Ses voies sont terminées.
    Il résulte du résumé ci-dessus que le chapitre 12 nous donne la portion céleste de l’Église — le ciel — et la vie à venir ; et que le chapitre 13, y compris les versets 54-59 du chapitre 12, nous présente le gouvernement d’Israël et de la terre avec la forme extérieure de ce qui est venu le remplacer, quand Jésus est rejeté et le judaïsme mis de côté.
  37. Les chapitres 15 et 16 nous présentent l’énergie souveraine de la grâce, ses fruits et ses conséquences, placés en contraste avec toute bénédiction terrestre apparente, avec le gouvernement de Dieu envers Israël sur la terre, et l’ancienne alliance. Le chapitre 14, avant de nous introduire dans cette pleine révélation, nous montre la place que l’on devait prendre dans un monde tel que celui-ci, en vue de la justice distributive de Dieu ou du jugement qu’Il exécutera quand Il viendra. L’élévation de soi-même dans ce monde conduit à l’abaissement, tandis que s’abaisser soi-même, s’anéantir selon ce que l’on est, d’un côté — et de l’autre, agir en amour, nous procure l’élévation de la part de Celui qui juge moralement. — Vient ensuite la responsabilité découlant de la présentation de la grâce, et ce qu’il en coûte de s’en acquitter dans un monde tel que celui-ci. En un mot, le péché existant ici, s’élever soi-même c’est lui satisfaire, c’est l’égoïsme, c’est aimer le monde où le péché se déploie ; on s’abaisse moralement, et moralement on est loin de Dieu. — L’amour agissant, c’est représenter Dieu aux hommes de ce monde ; — toutefois, c’est en renonçant à tout, que nous devenons Ses disciples.
  38. Le cas de l’homme aveugle à Jéricho est, comme cela a déjà été indiqué, le commencement (dans tous les évangiles synoptiques) des derniers événements de la vie de Christ ici-bas.
  39. En Luc, la venue du Seigneur à Jéricho est rapportée comme un fait général en rapport avec Son voyage tout entier dont il est question à partir du chapitre 9, 51. C’est effectivement en sortant de Jéricho qu’Il voit l’aveugle. Nous n’avons ici que le fait général, rapporté ainsi afin de donner au récit dans son ensemble — à l’histoire de Zachée et à celle de l’aveugle — sa place morale.
  40. Je ne doute pas que Zachée n’expose à Jésus ce qu’il faisait habituellement auparavant. Néanmoins, c’était le salut qui entrait ce jour-là dans sa maison.
  41. Des détails du plus profond intérêt apparaissent si l’on compare cet évangile à d’autres : détails qui démontrent de la manière la plus frappante le caractère de l’évangile qui nous occupe. En Gethsémané, le combat du Seigneur est présenté d’une manière plus intense par Luc que par aucun des autres évangélistes ; mais sur la croix nous trouvons Jésus au-dessus des souffrances qu’Il doit traverser. Elles ne sont pas exprimées ; Il les domine. Ce n’est pas le côté divin qui ressort, comme en Jean. Dans ce dernier évangile, il n’y a pas d’agonie en Gethsémané ; quand le Seigneur se nomme, Ses adversaires reculent et tombent à terre. Sur la croix, nous n’entendons pas Son cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », mais Il remet son esprit entre les mains de Dieu. En Luc, il n’en est pas ainsi. À Gethsémané, nous voyons l’homme de douleurs, un homme qui réalise dans toute sa profondeur l’abîme de souffrances qui se trouve devant Lui et qui regarde à Son Père : « Étant dans l’angoisse du combat, il priait plus instamment ». Sur la croix nous avons Celui qui, comme homme, s’est courbé devant la volonté de Son Père ; nous voyons le calme de Celui qui, quelles que soient la douleur et la souffrance, se trouve au-dessus de ces choses. Il dit aux femmes qui se lamentent de pleurer sur elles-mêmes et non pas sur Lui, le bois vert, car le jugement approche. Il prie pour ceux qui Le crucifient ; Il parle de paix et de joie divine au pauvre brigand converti. Il allait entrer dans le paradis avant l’apparition du royaume. La même chose est présentée quant à Sa mort. En Jean, Il remet Son esprit ; ici : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ». Dans la mort, Il confie Son esprit à Celui qu’Il connaît, Lui, l’homme qui connaît Dieu comme Son Père et croit en Lui comme tel. En Matthieu nous avons l’abandon de Dieu et ce que ressent alors le cœur de Christ. Ce caractère de notre évangile révélant Christ comme un homme parfait, et comme l’homme parfait par excellence, est du plus profond intérêt. Il traverse Ses souffrances avec Dieu, puis, dans une paix parfaite, Il les domine. Sa confiance en Son Père est absolue, même jusque dans la mort, dans ce chemin où aucun homme n’avait marché jusqu’alors, où aucun des rachetés ne devra jamais marcher. Si le Jourdain regorgeait par-dessus tous ses bords au temps de la moisson, l’arche cependant ouvrait dans les profondeurs du fleuve un chemin par lequel le peuple de Dieu pouvait pénétrer à pied sec jusque dans son héritage.
  42. Il est excessivement frappant de voir Christ traverser chaque circonstance dans laquelle Il se trouvait, selon Sa perfection divine. Ces circonstances ne servent qu’à faire ressortir cette perfection. Il les sentait, mais ne se laissait gouverner par aucune d’entre elles ; Il les rencontrait, mais restait toujours Lui-même. Cette vérité est merveilleusement démontrée ici. Il prie en réalisant pleinement ce qui L’attend, la coupe qu’Il devra boire ; Il s’en revient et avertit Ses disciples ; Il les reprend doucement et excuse Pierre — comme s’ils cheminaient encore en Galilée — car, dit-Il, la chair est faible ; puis, Il s’en retourne et Son angoisse devient plus profonde encore en présence de Son Père. La grâce convenait quand Il s’adressait à Pierre, mais l’angoisse était Sa part en la présence de Dieu ; Il manifestait la grâce avec Pierre ; Il était dans l’angoisse à la pensée de la coupe qui L’attendait.
  43. Ce forfait volontaire des Juifs est raconté aussi dans des termes expressifs dans l’évangile de Jean, c’est-à-dire leur crime national. Pilate les traite avec mépris, c’est alors qu’ils disent : « Nous n’avons pas d’autre roi que César ».
  44. Rien ne peut être plus touchant que la manière avec laquelle Il entretient leur confiance en Celui qu’ils ont connu, homme, tel qu’il avait été auparavant, homme toujours, bien que dans un corps spirituel. « Touchez-moi », dit-Il, « voyez… que c’est moi-même ». Béni soit Dieu, Il est pour toujours un homme, le même que nous avons connu, dans Son amour parfait, au milieu de notre faiblesse.
  45. Le psaume 22 est l’appel de Christ à Dieu devant la violence et la méchanceté de l’homme, quand Il se trouve là abandonné et fait péché devant Dieu, mais toutefois parfait dans cette position. Christ a tout souffert de la part de l’homme — hostilité, injustice, désertion, reniement, trahison, et ensuite, quoique se confiant en Dieu, l’abandon. Mais quel tableau que celui du seul homme juste, qui avait placé Sa confiance en Dieu, et qui doit déclarer ouvertement et à tous, à la fin de Sa carrière, qu’Il était abandonné de Dieu !