Écho du Témoignage:Remarques sur Ésaïe

De mipe
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Introduction

On se propose dans les pages suivantes de faire part de quelques pensées sur le plus étendu aussi bien que le plus sublime de tous les prophètes. Bien qu’elles n’arrivent à former guère plus qu’une table de matières assez détaillée, tous ceux qui désirent avoir une intelligence de plus en plus claire de la Parole de Dieu, seront reconnaissants du peu de secours réel qu’elles pourront leur offrir. Ce qui importe donc avant tout, ce n’est pas d’occuper le lecteur de pensées humaines, mais de lui suggérer des idées qui le ramènent nécessairement aux Saintes Écritures, qui tirent le peu d’intérêt et de valeur qu’elles peuvent avoir de cette Parole qui vit et demeure éternellement.

D’autres se sont longuement étendus sur la manière et le style d’Ésaïe. Si nous ne nous arrêtons pas là-dessus, ce n’est pas que nous croyions que l’on puisse à cet égard exagérer l’éloge, mais c’est parce que nous le jugeons pour le moins inutile auprès des personnes qui probablement parcourront ces lignes. Notre intention est plutôt de jeter un rapide coup d’œil sur l’ensemble de cette prophétie, ou tout au plus d’en examiner les parties et les divisions principales. Il existe en apparence un certain désordre dans l’arrangement du livre tel que nous le possédons, et beaucoup de commentateurs ont exposé leur manière de voir sur les rectifications à faire. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi l’on n’admettrait pas que sous une confusion apparente nous avons ici, comme dans d’autres endroits de l’Écriture, un système plus profond que celui du temps ou des circonstances. Ainsi au livre de l’Exode, après avoir décrit en partie le sanctuaire et les vaisseaux qu’il renferme, l’Esprit Saint, avant de parler du reste, passe par une brusque transition, dans les chapitres 28 et 29, au rituel pour la consécration des sacrificateurs. Et cependant cette interruption apparente sert plus que toute autre chose l’intention morale du Saint Esprit, laquelle aurait été neutralisée par un ordre naturel et mécanique, vers lequel la plupart des esprits sont si aisément portés. « La folie de Dieu est plus sage que les hommes ».

La première division de notre prophète embrasse les douze premiers chapitres. Le chapitre 1 sert de préface ; les chapitres 2-4 s’appesantissent sur « le jour du Seigneur » ; vient ensuite le chapitre 5, « le cantique du bien-aimé touchant sa vigne ». Or, il est manifeste que ce chant (dans lequel il est démontré par de nombreuses preuves que, malgré tout ce qui a été fait, la colère de Jéhovah ne s’est point détournée, mais que Sa main demeure encore étendue) est interrompu par les chapitres 6 à 9, 7 ; après quoi il reprend jusqu’à ce que nous en voyions la fin dans la destruction de l’Assyrien, le règne du Messie, et la joie et les louanges d’Israël « en ce jour-là » (chap. 10-12).

Nous n’avons pas de date pour ce « cantique », mais nous en avons tant pour le chapitre 6 que pour les chapitres 7 et 8. Il se peut que le chapitre 6 ait été révélé avant le cantique, selon que plusieurs supposent qu’il rapporte la première vision du prophète. Je ne me prononce pas à cet égard, soit pour nier soit pour affirmer, ne trouvant, ni dans la Parole ni dans la nature des faits, des preuves suffisantes pour garantir ma conclusion. Mais il me semble qu’il y a, dans la disposition des chapitres telle que nous l’avons, un ordre moral d’une beauté divine. Le chapitre 5 expose ce qui se passe entre Jéhovah et Sa vigne, et montre Israël mis à l’épreuve par les soins laborieux que Dieu avait constamment pris de lui. « Qu’y avait-il plus à faire à ma vigne que je ne lui aie fait ? ». Il ne peut dès lors que la réduire en désert, bien que la maison d’Israël soit Sa vigne et les hommes de Juda, la plante en laquelle Il prenait plaisir. Un malheur est suivi d’un malheur plus grand. Dieu convoqua les nations des bouts de la terre pour venir châtier Son peuple, sur le pays duquel sont répandues les ténèbres et la calamité. Puis, avant la fin de ces jugements racontée au chapitre 9, nous trouvons Israël éprouvé d’une manière toute différente au chapitre 6. On y voit successivement la manifestation de la gloire de Jéhovah-Messie (comp. Jean 12), l’aveuglement auquel est condamné le peuple à cause de son incrédulité, et un résidu choisi dont il n’a pas encore été question. Si donc au chapitre 5 Israël est déclaré coupable d’avoir mal répondu aux soins fidèles dont Dieu l’a constamment entouré dans le passé, au chapitre 6, malgré tout ce que la grâce peut opérer, il est encore plus condamné par la manifestation de la gloire de Jéhovah dans la personne de Christ. En conséquence, l’interruption se prolonge, et à la suite du jugement qui fond sur l’Assyrien, nonobstant la désolation infligée par lui pour un temps, elle nous montre Emmanuel, le Fils de la vierge, la complète délivrance d’Israël et son rétablissement sous le Messie, après le jour où Il était une pierre d’achoppement pour lui, et où la loi était scellée parmi Ses disciples.

Après cette parenthèse (chap. 6 à 9, 7) qui renferme la description du Messie, Son rejet par les Juifs, et la bénédiction finale sous Son règne, l’histoire générale de la nation reprend son cours. Cela est rendu très évident, après un aussi complet et aussi important épisode, par le fait que l’Esprit de Dieu revient sur les cultes du jour du prophète et sur le jugement d’Israël. Au chapitre 10, l’indignation du Seigneur contre Israël prend fin dans la destruction de son dernier ennemi, l’Assyrien. Enfin au chapitre 11 le Messie apparaît de nouveau, d’abord dans Ses voies morales, puis dans Sa royauté ; après quoi vient le chant de louanges d’Israël, au jour millénial (chap. 12).

La seconde division comprend les chapitres 13-27, mais, comme la première, elle renferme plusieurs subdivisions ou sujets séparés. Ainsi les chapitres 13 et 14 traitent de la chute de Babylone, de la destruction de l’Assyrien, de la dissolution de la Palestine, et se terminent par des paroles de compassion pour Israël et par l’établissement de Sion. Cela indique clairement qu’il s’agit des derniers jours pour le jugement et la délivrance, quelque accomplissement préliminaire qui ait eu lieu déjà qui puisse avoir rendu témoignage à la vérité de la prophétie. Ce qui est arrivé est si peu de chose ! C’est à peine l’ombre de l’avenir. Puis viennent, aux chapitres 15 et 16, « la charge de Moab », celle « de Damas » au chapitre 17 : de même que l’orgueilleux Moab doit s’humilier devant Celui qui est assis sur le trône dans le tabernacle de David, de même les nations qui bruissent comme une tempête éclatante de grosses eaux, seront aussi impuissantes à soutenir Damas qu’à écraser Israël, car bien qu’il soit dans la position la plus difficile, dès qu’il regarde à l’Éternel, l’Éternel tance l’oppresseur. On peut considérer le chapitre 18 en rapport avec celui qui le précède ; il a cependant une place à part, en ce qu’il montre la restauration d’Israël opérée, non par le Seigneur tout d’abord, mais par l’influence et l’intervention d’une puissance maritime. Mais cette politique et les résultats qu’elle promet n’aboutissent à rien ; les nations pillent et oppriment Israël comme auparavant, jusqu’à ce que le Seigneur prenne la chose en mains et agisse en grâce et en puissance.

Les chapitres suivants contiennent de nouvelles « charges », mais elles ne sont pas présentées tout à fait de la même manière après ce grand rassemblement de nations dont il est question à la fin du chapitre 17. C’est en premier lieu, aux chapitres 19 et 20, l’Égypte sur laquelle tombe le jugement (par le moyen de l’Assyrien), avant sa bénédiction finale. Suivent au chapitre 21, « la charge du désert de la mer », par laquelle est annoncée la prise de Babylone ; « la charge de Damas » et celle contre l’Arabie. Au chapitre 22, c’est « la charge de la vallée de vision » : Jérusalem même est prise, Shebna est mis de côte pour faire place à Éliakim, le type de l’Antichrist est renversé et le gouvernement de la maison de David passe entre les mains du vrai Christ. Au chapitre 23, c’est le tour de Tyr. Le chapitre 24 nous montre la manière dont le Seigneur en agit avec la terre, et le monde devenu languissant sous le poids de Sa main puissante ; bien plus, c’est l’heure où « Il visite dans un lieu élevé l’armée superbe, et les rois de la terre sur la terre » ; le jour est venu où l’Éternel règne en la montagne de Sion et à Jérusalem. Y a-t-il lieu, après cela, de s’étonner si les chapitres 25-27 sont une série de chants de victoire par lesquels les enfants d’Israël célèbrent la gloire et le caractère de Dieu, leur délivrance et Son caractère ? Nous avons vu la première division se clore par un cantique de réjouissances, le seconde se clôt par des chants de louanges ; mais si dans la première partie le bien-aimé faisait entendre un chant plaintif touchant Sa vigne qui ne produisait que péché et opprobre, il n’en est plus de même ici : « En ce jour-là, chantez la vigne fertile en vin rouge. C’est moi, l’Éternel qui la garde ; je l’arroserai de moment en moment ; je la garderai nuit et jour afin que personne ne lui fasse du mal ».

Il est évident que, comparée à la première division (1-12), la seconde (13-27) embrasse une sphère incomparablement plus vaste : la première n’ayant trait simplement qu’à Israël ; la seconde commençant par la grande puissance qui ravagea Juda et domina sur lui, continuant avec chacune des grandes nations qui étaient en rapport avec Israël, et terminant par le jugement de toutes les nations, lorsque arrive le tour du monde et que même les puissances du ciel sont ébranlées, mais qu’Israël, criblé et châtié, est réuni au son de la grande trompette pour adorer l’Éternel des armées à Jérusalem.

La troisième division (28-35) s’étend avec détails sur ce qui doit arriver à Israël à la fin du siècle. Les chapitres 28 et 29 décrivent les deux derniers assauts livrés à Jérusalem : le premier, œuvre de l’ennemi venu du Nord et qui écrasa Éphraïm en passant, a un plein succès contre la cité coupable malgré, ou plutôt à cause de son alliance avec la mort ; le second, lorsque tout semble perdu, voit l’Éternel des armées intervenir tout à coup en faveur de Jérusalem, et le flot des envahisseurs étrangers de toutes les nations disparaît comme un songe. Aux chapitres 30 et 31 l’incrédulité qui cherchait du secours en Égypte est jugée, et l’Assyrien, ce fléau de Dieu, ce chef redoutable de la coalition contre Israël, tombé sous la main de l’Éternel. Le chapitre 32 dépeint le règne du Messie en justice ; les derniers efforts prémilléniaux de l’ennemi (chap. 33) tournent à sa propre destruction, et la vengeance divine contre les peuples qui haïssent Israël prend cours en commençant par Édom (chap. 34). Dès ce moment, la bénédiction devient si abondante et si générale que le désert lui-même s’égaie et fleurit comme la rose, et que la douleur et le gémissement s’enfuient ; Dieu vient avec une rétribution ; ceux dont Il a payé la rançon retournent en Sion avec chant de triomphe, et une joie éternelle est sur leurs têtes (chap. 35).

La quatrième division (36 à 39) se compose de récits historiques intercalés entre ce que nous pouvons appeler le premier et le second volumes du livre prophétique que nous étudions : le châtiment que Dieu inflige à l’Assyrien devant Jérusalem (chap. 36 ; 37) ; le rétablissement du fils de David qui était malade à la mort (chap. 38) ; enfin la solennelle prédiction de la captivité de Babylone (chap. 39).

Après ces divers événements qui servent de transition, et fondé sur leur haute portée morale, vient le reste du livre (chap. 40-66). Les deux grands procès de Dieu avec Son peuple sont ici vidés. Le premier est relatif à l’idolâtrie dont Cyrus tira vengeance en renversant Babylone où les Juifs coupables avaient été transportés, hélas ! parce qu’ils avaient abandonné l’Éternel pour les faux dieux des Gentils. Mais tout providentiellement suscité que fût Cyrus, c’est Son serviteur, qui doit manifester le jugement aux nations, que Dieu désigne. Après cela cependant, le Messie promis est laissé de côté pour le moment. En attendant, Israël avait la responsabilité d’être le serviteur de Jéhovah, mais Israël était aveugle ; aussi Dieu l’avait-Il livré en proie à ses ennemis ; mais maintenant Il les délivre en détruisant Babylone dont la chute est pour lui le gage d’une délivrance à venir plus grande encore. Ce sujet va jusqu’à la fin du chapitre 48. Avec le chapitre 49 commence le second et le plus sérieux débat : le rejet du vrai serviteur, du Messie Lui-même. Ceci, dans les plans de sagesse et de grâce de Dieu, fraie la voie à la bénédiction des Gentils, le rétablissement de Jacob étant considéré maintenant comme peu de chose. « Je t’ai donné pour lumière aux nations », etc. Sion ne sera pourtant jamais oubliée, elle sera restaurée. Cette question se termine avec le chapitre 57 (comparez le dernier verset de ce chapitre avec le dernier de la partie précédente, c’est-à-dire chap. 48, 22).

Les chapitres 58-66 sont la conclusion. Comme du reste tout ce qui a été dit compose ce que nous avons appelé le second volume, ils ne le cèdent en rien à aucune autre partie en magnificence, en intérêt et en avantages pratiques. On peut en résumer le contenu de la manière suivante. Dans les chapitres 58 et 59, l’Esprit Saint adresse à la conscience d’Israël des considérations, si je puis parler ainsi, sur la justice, la tempérance et le jugement à venir. Leur hypocrisie met obstacle à leur bénédiction, et leur péché amène leur châtiment. Et pourtant, alors que tout espoir de salut pourrait leur être enlevé, le Rédempteur viendrait en Sion dans Sa souveraine miséricorde, et Son Esprit et Sa Parole habiteraient avec Israël et sa postérité à toujours. La gloire qui en résultera pour lui et l’état de justice dans lequel il se trouvera, sont révélés au chapitre 60. — Les chapitres 61 à 63, 6 forment une section dans laquelle le caractère de Jéhovah-Messie est tracé depuis Son premier avènement en grâce (avec la bénédiction et la gloire qu’Il était prêt et capable de répandre sur le peuple et sur le pays) jusqu’à Son retour de la scène du jugement exécutée en Édom, « le jour de la vengeance de notre Dieu ». — Ensuite, depuis le verset 7 du chapitre 63 jusqu’à la fin du 64, le prophète ne cesse d’intercéder avec ardeur auprès de l’Éternel en faveur de son peuple, faisant reposer son unique espoir sur Sa miséricorde et Sa fidélité. Les deux derniers chapitres (65 ; 66) sont la réponse du Seigneur qui y expose Sa conduite : Sa grâce envers les Gentils ; Son long support à l’égard d’Israël toujours en rébellion et prêt à retourner à sa vieille idolâtrie et à une idolâtrie pire ; le rejet et le jugement certains de la masse, bien que toutefois un résidu élu soit épargné ; l’introduction de Sa gloire au milieu de la nouvelle création à laquelle Il destine Jérusalem pour centre terrestre ; le témoignage réitéré de Sa sympathie pour les élus et de la vengeance qu’Il doit tirer des abominations du dernier jour où, s’Il bénit tout à coup Sion, Il viendra aussi soudainement plaider par le feu et l’épée avec toute chair. Après ce jugement des vivants, le résidu épargné s’avancera et proclamera, non la grâce, mais la gloire de l’Éternel ; tous les dispersés d’Israël seront ramenés, et puis toute chair aussi se prosternera devant la face de Jéhovah et aura constamment devant les yeux la condamnation des apostats.

Tel est le dessein général, tel est le caractère particulier des sections diverses du livre du prophète Ésaïe.

Première division — Chapitres 1 à 12

Chapitre 1. — Il est hors de doute que le Saint Esprit ne cesse d’avoir en vue Israël, et spécialement Juda et Jérusalem, d’un bout à l’autre de la prophétie d’Ésaïe. Souvent, il est vrai, il est parlé de jugements contre les Gentils, quelquefois de manifestations de la grâce divine à leur égard, et ceci non seulement lorsqu’Israël sera le point central d’où la bénédiction rayonnera sur la terre, mais même pendant le temps où, comme maintenant, les Juifs sont laissés de côté pour une certaine durée. Néanmoins le langage du prophète prouve d’une manière assurée que le livre pris dans son ensemble, se rapporte à l’ancien peuple de Dieu et non à l’Église des premiers-nés.

Malgré cela, comme toute l’Écriture est également inspirée de Dieu, nous trouverons ici, comme dans toutes les pages du saint Livre, de précieux enseignements, des leçons humiliantes pour le cœur de l’homme, des témoignages de la miséricorde, de la bonté, de la patience inépuisables du Seigneur, mais aussi de solennels, d’inévitables jugements contre tout mal qui se produit. Partout et en tout temps, la gloire de Dieu resplendit aux yeux de la foi de l’éclat dont elle resplendira à « tout œil » dans un jour qui se hâte rapidement. Mais le Dieu seul sage s’est plu à manifester Ses pensées et à déployer Ses voies, sous des formes variées qui étonnent et embarrassent l’esprit borné et le cœur mal disposé de l’homme. Les uns s’empressent de bannir le passé de leur mémoire, comme si la révélation des privilèges du moment était tout ; les autres, et en plus grand nombre, perdent le sentiment de la vocation actuelle de Dieu dans un amalgame, dans une inintelligente monotonie d’idées, et confondent Israël et l’Église, la loi et l’évangile, la terre et le ciel, la grâce et la gloire.

Sans doute, maintenant que le Fils de Dieu est apparu, c’est Lui qu’il est de notre devoir d’écouter ; et s’Il n’est pas le centre de nos affections, s’Il n’occupe pas dans nos cœurs la première place, c’est une chose vaine de parler de Moïse et d’Élie, de la loi et des prophètes.

Or, c’est L’écouter que de croire que l’Esprit de vérité est venu pour nous conduire dans toute la vérité, vérité dont une grande partie ne pouvait être supportée par les apôtres eux-mêmes, jusqu’à ce que la rédemption fût accomplie, et que le Fils de l’homme fût monté là où Il était auparavant. Il est donc convenable que nous recherchions dans le Nouveau Testament la portion qui nous concerne d’une manière spéciale, la révélation du mystère caché dès avant la fondation des siècles. Mais nous ne pouvons oublier, sans déshonneur pour Dieu et sans préjudice pour nos âmes, qu’il est certains principes moraux qui ne varient jamais, pas plus que Dieu ne saurait jamais rien dire ou faire qui soit au-dessous de Lui, quelle que puisse être Sa condescendance à l’égard de Ses créatures. Ainsi l’obéissance est toujours le droit sentier pour le fidèle, et la sainteté est inséparable de la nouvelle nature ; mais alors, le caractère de l’obéissance et la profondeur de la sainteté dépendent nécessairement de la mesure de lumière que Dieu dispense et de la puissance des motifs qu’Il révèle pour agir sur les cœurs. Ce qui était permis à l’époque et sous l’organisation lévitique n’est plus à sa place aujourd’hui, si nous nous soumettons à l’autorité du Sauveur. Et cela est au moins aussi exactement vrai du culte public et du service de Dieu que de la vie et des devoirs privés. C’est dans des mesures bien diverses et de bien des manières, que Dieu a parlé aux pères par les prophètes ; mais en ces jours, Il a parlé par Son Fils. D’où il résulte que l’incrédulité prend le caractère d’une résistance contre le parfait amour, la parfaite lumière, la parfaite autorité, la parfaite grâce, révélées en Celui qui est l’image du Dieu invisible, Dieu Lui-même par dessus toutes choses, béni éternellement ; tandis que la foi qui a fléchi le genou devant cette manifestation de la divinité, aime à écouter les oracles antérieurs, et à refléter la véritable lumière qui brille maintenant, aussi bien que les rayons plus faibles mais également divins qui perçaient les ténèbres de l’homme ; car toutes les promesses bénies de Dieu sont maintenant réalisées en Christ.

Dans la prophétie qui fait l’objet de notre étude, Dieu agit encore avec le peuple en tant que corps ; c’est pour cela qu’Il plaide avec lui à cause de ses iniquités, traçant un tableau complet, approfondi, minutieux de ses mauvaises voies. Car si la prophétie encourage le fidèle par la promesse assurée de la bénédiction divine qui vient, elle jette une vive et profonde lumière sur l’état actuel de ceux qui portent le nom du Seigneur ; par l’espérance qu’elle communique, elle fortifie le cœur de ceux qui se soumettent à ses saintes déclarations. En conséquence, si on la traite avec piété et révérence, elle ne peut jamais devenir populaire, quoique les notions qu’on en tire et dont on se sert d’une manière propre à exciter, puissent l’être. Mais l’Esprit s’adresse à la conscience en la présence de Dieu, et il n’est rien que l’homme repousse avec plus de force. Et tel est bien le caractère du don de prophétie (1 Cor. 14), ainsi que celui des écrits prophétiques, et la préférence des Corinthiens pour le don plus éclatant des miracles nous révèle clairement leur condition morale.

Ai-je besoin de faire remarquer comment le premier chapitre d’Ésaïe vient à l’appui des observations qui précèdent ? Quelles remontrances de la part de Dieu ! Les cieux et la terre sont appelés à écouter Ses plaintes contre Son peuple coupable. Les plus stupides de leurs bêtes de somme font honte aux enfants d’Israël. En vain ont-ils été comblés des faveurs les plus précieuses : « J’ai nourri des enfants, je les ai élevés ; mais ils se sont rebellés contre moi ». Les châtiments n’ont pas amené de plus heureux résultats (v. 5-9). Pays, villes, habitants, tout, dans la vision du prophète, apparaît désolé, ruiné par le péché ; un tout petit résidu échappe seul à la destruction.

Ces faits ne nous disent-ils rien à nous ? Il y a plus que l’Église de Dieu appelée et formée alors que tout était en chute, que l’homme, Israël, le monde, avaient été jugés moralement à la croix : il y a encore pour nous le fait que la maison de Dieu est en désordre, que les derniers temps, les temps de nombreux antichrists sont venus depuis longtemps. Le témoignage chrétien, en dépit de ses privilèges infiniment plus grands que ceux dont jouissaient les Juifs, a renié Dieu d’une manière beaucoup plus déclarée et plus étendue que ceux-ci ne l’avaient fait. Qu’est-il réservé à la masse, sinon un jugement auquel la grâce fera seulement échapper ceux qui s’humilient sous la puissante main de Dieu ? Une semblable perspective est-elle de nature à nous rendre insensibles ? Au contraire, l’esprit d’intercession accompagne invariablement une sainte attention aux déclarations prophétiques, fruits l’une et l’autre de la communion avec Dieu. Le Seigneur a trop d’amour pour Son peuple pour voir avec indifférence ses péchés, les péchés de tous les hommes ; Il doit venger les outrages faits à Sa majesté ; et ceux qui entrent dans le secret de Ses pensées ne peuvent que désirer avec toujours plus d’ardeur le bien des âmes et la gloire de leur maître. L’amour véritable n’a aucun rapport avec les œuvres infructueuses de ténèbres ; il les réprouve plutôt. Cet amour qui est de Dieu ne pèse pas non plus le péché à la même balance que la nature ; mais il sent tout de suite et profondément tout ce qui porte atteinte au Seigneur Lui-même.

Quant à Israël, il était pire encore que les païens : « Écoutez la parole de l’Éternel, conducteurs de Sodome ; prêtez l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe ! ». Ce n’était pas que le zèle religieux leur fît défaut ; ce n’était pas qu’ils ne cherchassent un remède aux iniquités manifestes de leur époque. Mais leurs remèdes étaient pire qu’inutiles (v. 10-15). Si la ruine de Sodome les menaçait, c’est qu’ils étaient au fond une vraie Sodome, et leurs sacrifices, leurs fêtes, leurs assemblées, étaient odieux au Seigneur qui refusait d’écouter leurs prières. Il n’y avait chez eux ni sincère repentance, ni tremblement devant la parole de Dieu.

Et cependant l’Éternel daigne encore les inviter à se repentir et à porter des fruits convenables à cette repentance, promettant de leur venir en aide s’ils se soumettaient à Lui et Lui obéissaient, mais les menaçant de les consumer par Son épée s’ils refusaient. La corruption universelle est alors mise à nu ; et finalement, le Seigneur montre qu’Il doit châtier Ses adversaires, et restaurer Sion dès que les idoles et ceux qui les font auront succombé sous Sa puissante main.

Chapitre 2. — Nous venons de voir que, bien que le peuple soit assuré de la bénédiction de Dieu, s’il se repent réellement, le prophète fait voir que le jugement sera d’abord exécuté contre les méchants ; puis l’Éternel rachètera Sion. Le chapitre 2 fait suite à cette prédiction et annonce non seulement le rétablisse des juges et de Jérusalem qui sera appelée la cite de justice, mais il déclare aussi que la montagne de la maison de l’Éternel sera affermie, et que toutes les nations y aborderont ; « car la loi sortira de Sion, et la parole de l’Éternel de Jérusalem. Il exercera le jugement parmi les nations, et il reprendra plusieurs peuples ; ils forgeront de leurs épées des hoyaux, et de leurs hallebardes des serpes ; une nation ne s’élèvera plus contre l’autre, et ils ne s’adonneront plus à la guerre » (v. 3, 4).

Cela est parfaitement clair aux yeux de quiconque le considère avec simplicité. Qu’on néglige le contexte, qu’on ne tienne aucun compte du fait que ce qui précède a pour préface ces mots : « Vision d’Ésaïe, fils d’Amots, laquelle il a vue touchant Juda et Jérusalem », et tout est confusion. Il va de soi que ces brillantes promesses ne se rapportent pas au retour du faible résidu de la captivité de Babylone ; mais les vues de beaucoup de chrétiens sur ce point ne sont pas moins insoutenables. Combien est pauvre, par exemple, le système de Théodoret, qui s’efforce de montrer l’accomplissement de la prophétie en question, dans la florissante unité de l’empire romain à l’époque où notre Seigneur apparut, et dans le fait que les peuples conquis dont il se composait n’étaient plus en guerre, mais se livraient à l’agriculture et répandaient sans obstacle( !) l’évangile au près et au loin ! Les essais d’interprétation qu’on a donnés depuis lors n’ont pas été plus heureux, à moins que l’on ne trouve plus d’homogénéité dans l’explication papiste qui suppose que ces prédictions se sont vérifiées au sein de l’église romaine, ou que l’on préfère se ranger à l’opinion des autres commentateurs qui donnent aux paroles du prophète un sens mystique et qui voient leur réalisation dans l’unité de tous les croyants, dans leur paix, leur parfaite sainteté, leur entière soumission aux Écritures, soit sur la terre au milieu de la vérité, soit, ainsi que le pensent quelques-uns, dans le ciel, alors que toute lutte aura cessé.

Prenez maintenant ce passage dans sa portée naturelle, et vous verrez s’évanouir toutes les difficultés. Quand l’œuvre de jugement aura pris fin, Sion sera pour toutes les nations la source de bénédictions divines, et le centre autour de laquelle elles se réuniront lorsque la paix régnera dans l’univers et que Jéhovah sera roi de toute la terre. Tout le contraire aura lieu, comme le Seigneur l’a prédit, jusqu’à la fin du siècle : « Une nation s’élèvera contre une autre nation, et un royaume contre un autre royaume ». C’est ce qui se passe actuellement. Bientôt, quand poindra l’aurore des temps nouveaux, sous la domination terrestre du Messie (Apoc. 11, 15), « une nation ne lèvera plus son épée contre l’autre, et on ne s’adonnera plus à la guerre ». Ce sera un ordre de choses dont le monde n’a jamais fait l’expérience, et si le rejet d’Israël a été la réconciliation du monde, quelle sera sa réception, sinon une vie d’entre les morts (Rom. 11) ? L’affluence de tous les peuples vers Sion ne saurait être confondue avec le rassemblement de personnes prises de leur sein dont l’Écriture parle comme étant l’Église de Dieu, alors même que nul jugement divin ne serait exécuté contre eux (et spécialement contre les Juifs) auparavant, et que cette ère de paix, de bénédiction et de gouvernement du Messie, ne coïnciderait pas avec la suprématie d’Israël, ce qui suppose une condition tout à fait distincte de celle de l’Église dans laquelle il n’y a plus ni Juif, ni Gentil, mais où Christ est tout en tous.

Ce qui suit confirme hautement les prédictions relatives à la bénédiction et à la gloire future d’Israël sous la nouvelle alliance, et au Roi qui doit régner en justice, car le prophète (v. 5), après le tableau brillant qu’il a tracé, invite la maison de Jacob à venir et à marcher dans la lumière de l’Éternel. Puis, s’adressant à Jéhovah, il reconnaît pour quels motifs Il a rejeté Son peuple au lieu de lui donner une position élevée, c’est parce qu’il s’est rempli d’orient et de tout ce que l’homme convoite et adore. Son péché ne pouvait être pardonné. Enfin, il presse la maison de Jacob de se cacher dans la poussière, à cause du jour du Seigneur qui, sans nul doute, n’a pas encore paru pour châtier l’orgueil et l’idolâtrie de l’homme. Tout esprit sincère n’a besoin que de lire ce passage dans un esprit de foi et de sainte révérence, pour se convaincre qui ni Nebucadnetsar, ni Titus, ni l’évangile n’ont rien à démêler avec l’accomplissement des jugements qu’il retrace.

Chapitres 3 et 4. — Mais quelque universel que doive être l’abaissement de l’orgueil humain, le chapitre 3 annonce un coup plus terrible encore qui doit frapper Jérusalem et Juda, non seulement dans leur vie publique et politique, mais d’une manière détaillée, minutieuse, dans la personne des filles de Sion et l’orgueilleuse petitesse de leur parure. La désolation sera tellement grande que la disette d’hommes portera les femmes à une hardiesse contraire à la modestie de leur sexe. Mais ce temps d’épreuves est suivi d’une éclatante manifestation de beauté et de gloire, et d’une abondance de miséricorde pour le résidu sauvé et saint (chap. 4). Et de même qu’autrefois la colonne de nuée couvrait le tabernacle de la présence divine, de même « le Seigneur créera sur toute l’étendue du mont Sion, et sur ses assemblées, une nuée de jour avec une fumée, et une splendeur de feu flamboyant de nuit, car la gloire se répandra partout ». Essayer de rapporter à l’évangile ces révélations de la gloire future des enfants d’Israël après qu’il aura passé par le creuset des épreuves, c’est, dans toute l’acception du mot, ce qu’on appelle tordre les Écritures. Pendant la dispensation actuelle, ils sont ennemis à l’égard de l’évangile à cause de nous ; mais ils sont bien-aimés selon l’élection à cause des pères. Quand ce jour viendra, la plénitude des nations sera entrée, et ainsi tout Israël sera sauvé. C’est un ordre de choses qui diffère complètement de tout ce qui a lieu depuis le temps actuel de la grâce jusqu’au jour du jugement, quelle que soit la miséricorde de Dieu pour les réchappés d’Israël et des Gentils : « En ce jour-là il y aura un seul Éternel et son nom ne sera qu’un ». C’est la délivrance et non la destruction de la création qui soupire encore. « Et toute la terre deviendra comme une plaine depuis Guéba jusqu’à Rimmon, vers le midi de Jérusalem, laquelle sera exaltée et habitée en sa place, depuis la porte de Benjamin jusqu’à l’endroit de la première porte, et jusqu’à la porte des encoignures, et depuis la tour de Hananeël jusqu’aux pressoirs du roi ». Ce n’est ni le passé, ni le présent ; ce n’est pas non plus l’état éternel, mais le millénium. C’est une époque de gloire, en laquelle le Seigneur répondra aux cieux, et les cieux répondront à la terre, et la terre répondra au froment, au bon vin, et à l’huile, et eux répondront à Jizreël. Le jugement divin aura effacé le péché de Sion, et la gloire se manifestera d’une manière plus bénie qu’auparavant et pour toujours. Qu’y a-t-il qui puisse former un plus frappant contraste avec notre jour de grâce patiente ?

Chapitres 5 et 6. — Ces deux chapitres font ressortir de la manière la plus frappante les voies de Dieu dans le jugement de Son peuple. Il sont tout à fait distincts l’un de l’autre. Le chapitre 6 est introduit brusquement, sans raison d’être apparente, et forme avec les chapitres 7, 8 et 9, 1-7 inclusivement, une parenthèse irrégulière, mais pleine d’intérêt et d’instruction, après laquelle la solennelle annonce de malheurs commencée au chapitre 5 reprend de nouveau dans les désastres multipliés qui fondent sur Israël et le pays, jusqu’à ce qu’ait lieu la suprême et éternelle délivrance qui doit s’accomplir au dernier jour.

Mais si les chapitres 5 et 6 diffèrent de caractère et d’époque, l’Esprit de Dieu s’est plu à les mettre immédiatement à côté l’un de l’autre pour nous donner un précieux avertissement. Ils renferment en effet le double principe ou la double règle de jugement que Dieu a coutume d’appliquer à Son peuple. Dans l’un Il regarde en arrière, dans l’autre en avant ; dans le premier Il mesure, au moyen de tout ce qu’Il a fait pour les siens, ce qu’ils auraient dû être à Son égard ; dans le second, Il les juge par la manifestation de Sa gloire au milieu d’eux. L’un répond à la loi par laquelle est donnée la connaissance du péché ; l’autre, à la gloire de Dieu à laquelle nul n’a atteint (Rom. 3, 23).

Au chapitre 5, le prophète chante à Jéhovah, son Bien-aimé, un cantique touchant Sa vigne. Moïse avait déjà (Deut. 32), dans un magnifique langage, célébré en présence d’Israël, le choix souverain et la bénédiction de Dieu, déploré les péchés et le châtiment du peuple ; mais il avait également annoncé que l’Éternel finirait par avoir compassion du pays et de ses habitants, avec lesquels les nations dispersées se réjouiraient. Notre chapitre embrasse un horizon plus restreint.

« Mon Bien-aimé avait une vigne sur un fertile coteau ; il l’environna d’une haie, en ôta les pierres et la planta de ceps exquis ; il bâtit aussi une tour au milieu d’elle, et y tailla une cuve. Or, il s’attendait qu’elle produirait des raisins, mais elle a produit des grappes sauvages ». Dieu n’avait rien négligé. Il avait placé Israël dans la position la plus favorable, s’en était fait un peuple à part, avait enlevé tous les obstacles de son chemin, l’avait comblé de Ses faveurs, lui avait accordé non seulement Sa protection, mais tous les moyens de bénédiction. « Qu’y avait-il plus à faire à ma vigne que je ne lui aie fait ? ». Pourtant tout fut inutile. Elle ne portait que de mauvais fruits. Comme Adam, Israël transgressa l’alliance. Il en est toujours de même. La responsabilité de l’homme aboutit à une ruine complète. L’homme s’éloigne de Dieu et corrompt sa voie sur la terre. « Maintenant donc, écoutez ce que je m’en vais faire à ma vigne : j’ôterai sa haie, et elle sera broutée ; je romprai sa clôture, et elle sera foulée, et je la réduirai en désert, elle ne sera plus taillée ni fossoyée, et les ronces et les épines y croîtront ; et je commanderai aux nuées de ne plus faire tomber de pluie sur elle. Or la maison d’Israël est la vigne de l’Éternel des armées, et les hommes de Juda sont la plante en laquelle il prenait plaisir ; il en a attendu la droiture, et voici l’oppression ; la justice, et voici la clameur » (v. 4-7).

Ainsi la nation, comme corps, est pesée à la balance divine et trouvée trop légère. Cela est si évident et si grave, que Dieu invite les habitants de Jérusalem et les hommes de Juda, à juger entre Lui et Sa vigne, bien qu’ils fussent eux-mêmes les arbres abâtardis dont il s’agissait. Il n’y avait pas plus à mettre en doute la bonté témoignée à Israël, que son obligation à porter du fruit pour Dieu. Mais l’obligation ne produit jamais de fruit qui convienne au Seigneur. Que pouvait-il résulter d’un pareil état de choses, sinon malheur après malheur ?

Le fait est que, sur le fondement de la responsabilité, toute créature a failli, excepté Celui-là seul qui reste éternellement le Créateur, quelle qu’ait pu être Sa profonde condescendance en s’abaissant jusqu’à revêtir une forme humaine. Or quel est le secret de la victoire pour le croyant de nos jours et dans tous les temps ? Nous devons nous élever au-dessus de ce qui appartient simplement à l’humanité, afin de marcher comme des saints ; oui, dans un sens, nous devons être au-dessus même de notre devoir, afin de l’accomplir de point en point. Comme autrefois ceux-là seuls marchaient d’une manière irréprochable selon la loi, qui regardaient au Messie promis avec une foi vivante, de même les saints peuvent maintenant glorifier Dieu par une marche sainte et juste, parce qu’ils sont sous la grâce et non plus sous la loi. Le sentiment de la délivrance et d’un état de faveur parfaite devant Dieu donne beaucoup de force là où se trouve la nouvelle vie. Je ferai observer, en conséquence, que dans le passage que nous examinons, Christ ne paraît nullement comme le moyen et le canal par lequel découle la grâce. Tout est donc ténèbres et mort sans espoir ; aussi le prophète, allant droit au but, dénonce ouvertement le mal surabondant et constant qui se trouve parmi le peuple de Dieu. Pas une ombre de consolation, pas un rayon d’espérance : rien que le péché d’Israël et le jugement de Jéhovah. À chaque péché sa rétribution. Malheur à ceux qui joignent maison à maison, champ à champ, et qui ne songent qu’à leur propre agrandissement ! L’Éternel les réduira tellement en désolation que leurs vignes et leurs terrains ne leur rapporteront que le dixième de la semence. Malheur à ceux qui courent après le plaisir et la volupté ! Ils seront emmenés captifs et le sépulcre les engloutira tous, les petits aussi bien que les grands. Quant aux pécheurs endurcis qui jettent au Seigneur un défi dérisoire ; quant aux corrupteurs, à ceux qui sont sages à leurs yeux, aux amis des méchants, aux ennemis des justes, malheurs sur malheurs les attendent : « Parce qu’ils ont rejeté la loi de l’Éternel des armées et méprisé la parole du Saint d’Israël, la colère de l’Éternel s’est embrasée contre son peuple, il a étendu sa main sur lui et l’a frappé ». Mais les calamités ne sont point épuisées. « Malgré tout cela, il n’a point fait cesser sa colère, mais sa main est encore étendue ». Telle est la charge accablante que nous verrons se réaliser aux chapitres 9 et 10. Les nations vengeresses peuvent être éloignées, mais au signal de Jéhovah, « chacune viendra promptement et légèrement ». « Et si on regarde vers la terre, voici il y aura des ténèbres et de la calamité, et la lumière sera obscurcie jusqu’au ciel ». Tel est le lot de l’homme, le lot d’Israël, là d’où Christ est absent.

La scène change complètement avec le premier verset du chapitre 6. Non que le peuple soit devenu tant soit peu meilleur ; de fait ce ne fut que lors de l’apparition de Christ que l’homme découvrit pleinement ce qu’il était et ce qu’il est. La loi prouvait que l’homme commet et aime le péché ; la présence de Christ a prouvé qu’il hait le bien, qu’il hait Dieu Lui-même manifesté dans toute Sa pureté et Son humilité, qu’il hait et la grâce et la vérité de Jésus. Ce n’est donc pas seulement le fait que l’homme était en chute et coupable ; mais lorsqu’il a eu sous les yeux un être digne sous tous les rapports de son amour, de ses hommages, de son admiration ; un être, la parfaite manifestation de ce que l’homme devait être pour Dieu et de ce que Dieu était pour l’homme, alors même il a haï cet être, il n’a pu supporter Son éclat, il ne s’est donné aucun repos jusqu’à ce qu’il L’ait éloigné de lui autant qu’il le pouvait. Pourtant nous sommes sur un terrain qui diffère d’une manière sensible et frappante, parce que c’est de la manifestation de Jéhovah, et non pas simplement de la responsabilité d’Israël, qu’il s’agit. Les deux chapitres montrent le peuple mis en jugement, seulement les principes en vertu desquels il est jugé ne sont pas du tout les mêmes.

Ce ne fut pas dans les jours de prospérité d’Ozias que le prophète fut investi de cette solennelle mission, mais dans l’année où le fils de David, autrefois heureux, mais maintenant tout couvert de lèpre, était sur le point de rendre le dernier soupir. C’est alors toutefois qu’Ésaïe vit le Seigneur assis sur un trône haut et élevé, et les pans de Sa gloire remplissaient le temple. Jamais vision aussi splendide n’avait frappé les regards humains ; mais si les séraphins qui se tenaient au-dessus de l’Éternel, Lui donnaient tout ce qui est sur la terre comme le théâtre de Sa gloire, c’était Sa sainteté qu’ils célébraient d’abord et par-dessus tout. L’effet qu’en ressentit le prophète fut instantané. Il ne crie plus : « Malheur à ceux-ci ou ceux-là », mais « malheur à moi ». Il est profondément saisi du sentiment du péché et de la ruine de lui-même et du peuple. Mais il parle en présence de Celui dont la grâce ne le cède ni à Sa gloire ni à Sa sainteté, et le remède est aussitôt appliqué : « Alors je dis : Malheur à moi ! car c’est fait de moi, parce que je suis un homme souillé de lèvres et que je demeure au milieu d’un peuple souillé de lèvres et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées. Alors l’un des séraphins vola vers moi, tenant en sa main un charbon ardent qu’il avait pris de dessus l’autel avec des pincettes ; et il en toucha ma bouche et dit : Voici, ceci a touché tes lèvres, c’est pourquoi ton iniquité sera ôtée, et la propitiation sera faite pour ton péché ». Ce n’est pas tout ; à peine a-t-il été ainsi affranchi en la présence de Dieu, que le prophète devient le zélé serviteur et exécuteur de Sa volonté : « Puis j’ouïs la voix du Seigneur, disant : Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? Et je dis : Me voici, envoie-moi. Et il dit : Va et dis à ce peuple : En entendant, vous entendrez, mais vous ne comprendrez point ; en voyant, vous verrez, mais vous n’apercevrez point. Engraisse le cœur de ce peuple et rend ses oreilles pesantes et bouche ses yeux, de peur qu’il ne voie de ses yeux, et qu’il n’entende de ses oreilles, et que son cœur ne comprenne, et qu’il ne se convertisse, et qu’il ne recouvre la santé ». Telle est la charge, et nous savons de quelle manière certaine elle trouva son accomplissement dans l’aveuglement infligé à la nation, lorsqu’elle ne confessa pas sa souillure, n’aperçut ni gloire ni beauté en Christ présent au milieu d’elle, et refusa de croire au témoignage que lui rendit le Saint Esprit quand Il fut ressuscité et exalté à la droite de Dieu (comp. Jean 12, et Actes 28). Mais, bien que l’Esprit de prophétie prononce la sentence de Dieu contre le peuple incrédule, Il est néanmoins un esprit d’intercession : « Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? Et il répondit : Jusqu’à ce que les ville aient été désolées, et qu’il n’y ait plus d’habitants, ni d’hommes dans les maisons, et que la terre soit mise en une entière désolation, et que l’Éternel ait dispersé au loin les hommes, et que celle qu’il aura abandonnée ait demeuré longtemps au milieu du pays. Toutefois, il y en aura encore en elle une dizaine, puis elle sera désolée ; mais comme la fermeté des chênes et des rouvres consiste en ce qu’ils rejettent, ainsi la semence sainte sera sa fermeté ».

Nous voyons donc que ce passage annonce clairement un résidu, la miséricorde se réjouissant contre le jugement, et Dieu manifestant Sa gloire dans les deux cas. Mais ce résidu une fois de retour sera réduit et émondé par la main de Jéhovah. Cependant la sainte semence, le trône de la nation subsistera, alors que le jugement aura fait son œuvre.

Chapitre 7. — Comme nous l’avons vu, le chapitre précédent renferme la révélation de la gloire de Christ et la promesse assurée d’une sainte semence après le jugement du pays et du peuple. Voici maintenant le récit important de faits survenus, non en l’année où mourut le roi Ozias, ni même sous le règne de son successeur, mais aux jours d’Achaz. On n’aurait pu autrement expliquer d’une manière claire comment la gloire de Christ était sur le point d’apparaître. Le chapitre que nous avons sous les yeux résout cette question et relie la révélation de Christ avec Son rejet et Son triomphe final et éternel (chap. 8 ; 9, 1-7) et le chapitre 7 ne traite que la première partie.

L’occasion fut l’alliance offensive de Retsin, roi de Syrie, avec Pékakh, fils de Remalia et roi d’Israël, contre Juda et contre Achaz : « Et on rapporta à la maison de David en disant : La Syrie s’est alliée à Éphraïm. Et le cœur d’Achaz et le cœur de son peuple furent ébranlés, comme les arbres des forêts sont ébranlés par le vent ». On fut en proie à une grande crainte, là où, hélas ! nulle crainte ne régnait, c’est-à-dire à Jérusalem et dans la maison de David. Il n’y avait à cela rien d’étonnant : l’héritier du trône de David, ne suivait pas les traces de David, son père ; il marchait dans les voies du roi d’Israël et pis encore ; il dépouillait Juda et péchait gravement contre l’Éternel. Saisi d’une terreur panique, et demeurant toujours éloigné de Dieu malgré son état de détresse, Achaz est rencontré par le prophète qu’accompagne son fils Shear-Jashub, et qui lui dit de la part de Dieu : « Prends garde à toi et demeure tranquille ; ne crains point, et que ton cœur ne devienne point lâche à cause des deux queues de ces tisons fumants ; à cause, dis-je, de l’ardeur de la colère de Retsin et de la Syrie, et du fils de Remalia — de ce que la Syrie a délibéré avec Éphraïm et le fils de Remalia de te faire du mal en disant : Montons en Judée, et la réveillons, et nous y faisons ouverture ; partageons-la entre nous, et établissons pour roi le fils de Tabeël, au milieu d’elle ». etc. (v. 1-6).

Combien folle et basse est l’incrédulité ! Elle se montre joyeuse et confiante sur les bords d’un volcan prêt à vomir des torrents de lave ; elle est saisie d’angoisse quand Dieu se dispose à dissiper les malheurs qu’elle redoute. Dans ce cas-ci, comment aurait-Il pu voir tranquillement un pacte entre Israël apostat et la Syrie païenne ? Ce n’était pas simplement que leur entreprise, menée à bonne fin, devait être une source d’ennuis pour Juda, mais elle devait surtout mettre de côté la race de David. C’était un coup porté au Messie, si peu que cette idée se fût présentée à leur esprit ; de sorte que la fidélité et la dignité même de Dieu se trouvaient directement engagées. Mais, « Ainsi a dit l’Éternel Dieu : Cela n’aura point d’effet et ne se fera pas ; car la capitale de la Syrie, c’est Damas ; et le chef de Damas, c’est Retsin ; et dans soixante-cinq ans Éphraïm sera froissé pour n’être plus un peuple. Et la capitale d’Éphraïm, c’est Samarie, et le chef de Samarie, c’est le fils de Remalia. Si vous ne croyez point, certainement vous ne serez point affermis » (v. 7-9).

Que les voies de Dieu sont merveilleuses ! Les efforts pour détruire, qui paraissaient si terribles à ceux contre lesquels ils étaient dirigés, alors surtout que leur conscience leur adressait des reproches, amenaient immédiatement la révélation de la ruine des destructeurs. Le chef syrien serait impuissant à protéger Éphraïm plus coupable, car sa sentence était déjà prononcée — il devait être brisé dans soixante-cinq ans de telle manière qu’il ne serait plus un peuple ; et il en fut ainsi à la lettre (2 Rois 18). Le chef de Samarie nous est également présenté dans toutes les formes ; mais qui étaient-ils l’un et l’autre pour discuter les conseils de Dieu au sujet de la race royale de David, bien qu’Achaz fût personnellement incrédule comme il l’était ? Dieu n’en est pas moins Dieu, et Sa parole subsistera éternellement, quoique, certainement, l’incrédule ne sera point affermi.

Cela n’était que le prélude de la prédiction beaucoup plus importante qui suit : « L’Éternel continua de parler avec Achaz, disant : Demande un signe pour toi de l’Éternel ton Dieu ; demande-le, soit dans le plus bas lieu, soit dans le plus haut. Et Achaz dit : Je n’en demanderai point et je ne tenterai point l’Éternel » (v. 10-12). Hélas ! que de fois l’incrédulité s’efforce de dissimuler ainsi sous des dehors hypocrites son mépris de Dieu ! Que de fois, dédaignant dans sa présomption les paroles de Sa grâce, elle revêt l’apparence du respect et de l’humilité ! Le prophète cependant discerne les mensonges de ce méchant cœur incrédule et invite la maison de David à entendre, non seulement sa répréhension, mais aussi l’annonce du signe que le Seigneur enverra : « Voici, une vierge sera enceinte, et elle enfantera un fils et on appellera son nom Emmanuel ». Quelle merveilleuse grâce que celle qui adresse une promesse semblable à un homme tel qu’Achaz ! Et pourtant la grâce condamne l’incrédulité ou tout autre péché comme jamais la loi ne l’a fait ni n’aurait pu le faire. Si Achaz avait demandé quelque signe dans ce que sa pensée pouvait embrasser, soit de la terre, soit du ciel, à quelle distance incommensurable ne serait-il pas encore resté au-dessous de ce qu’embrasse l’œil de Dieu ! Quoique l’homme refuse de demander à cause de son incrédulité, cela n’empêche pas Dieu d’accorder un signe pour Sa propre gloire, et ce signe c’est le Fils de la vierge, la postérité de la femme, Emmanuel ! Comme les pensées et les sentiments se pressent ici en foule ! La sécurité de la royale lignée de David et de ses droits, qu’était-elle de plus que la ruine prédite de l’intrigant Éphraïm, en la présence de ce signe — vérité des vérités — Dieu avec nous ? Il était toutefois l’assurance, si Sa grandeur annonçait d’autres gloires, et des gloires plus élevées, que nulle conspiration formée contré cette racine et cette postérité de David ne prospérerait.

Il est à peine nécessaire (et cependant cette remarque sera d’une grande utilité pour certains lecteurs) d’observer que le « Fils », Emmanuel, du verset 14, n’est pas « l’enfant » du verset 16 ; ce dernier indique Shear-Jashub, qui pour cette raison avait accompagné le prophète. « Mais avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre que tu as en abomination sera abandonnée par ses deux rois ». On remarquera qu’Ésaïe passe « de la maison de David », vous, à Achaz, toi (comparez v. 13, 14 avec 16, 17). Il est certain que l’enfant du prophète, Shear-Jashub, avait le caractère d’un « signe » (voyez 8, 18) bien que naturellement il fût très distinct du grand signe, le Fils de la vierge. D’après le verset 16, le roi devait apprendre que, avant que cet enfant alors présent, atteignît l’âge de discernement, les rois alliés disparaîtraient de la scène. C’est ce qui eut lieu : trois ans avaient à peine passé sur sa tête, que les rois d’Israël et de Syrie tombèrent sous les embûches ou les coups de leurs ennemis.

Le coupable Achaz et Juda devaient-ils pour cela demeurer impunis ? Nullement, ainsi que le prophète continue de le déclarer au premier : « L’Éternel fera venir sur toi et sur ton peuple, et sur la maison de ton père, par le roi d’Assur, des jours tels qu’il n’y en a pas eu de semblables depuis le jour qu’Éphraïm se sépara de Juda. Et il arrivera qu’en ce jour-là l’Éternel sifflera aux mouches qui sont au bout des ruisseaux d’Égypte, et aux abeilles qui sont au pays d’Assur. Et elles viendront et se poseront toutes dans les vallées désertes, et dans les trous des rochers, et par tous les buissons et par tous les halliers » (v. 17-19). La foi d’Ézéchias put arrêter l’exécution du jugement prononcé contre Juda, et le roi d’Assyrie fut repoussé pour un temps. Mais Josias lui-même, tout fidèle qu’il était, eut à souffrir de sa téméraire opposition « aux mouches qui sont au bout des ruisseaux d’Égypte » ; et « les abeilles du pays d’Assur », à l’appel de Jéhovah, firent sentir les piqûres de leurs aiguillons d’une manière encore plus cruelle. — « Et ce jour-là, le Seigneur rasera avec le rasoir pris à louage au-delà du fleuve, savoir, avec le roi d’Assur, la tête et les poils des pieds, et il achèvera aussi la barbe. Et il arrivera en ce temps-là qu’un homme nourrira une vache et deux brebis ; mais il arrivera que pour l’abondance du lait qu’elles rendront il mangera du beurre, car tout homme qui sera demeuré de reste dans le pays mangera du beurre et du miel. Et il arrivera en ce jour-là que tout lieu où il y aura eu mille vignes, de mille pièces d’argent, sera réduit en ronces et en épines. On y entrera avec des flèches et avec l’arc, car tout le pays ne sera que ronces et épines. Et dans toutes les montagnes qu’on essartait avec la serpe, là on ne craindra plus de voir des ronces et des épines, mais ce sera pour y jeter les bœufs, et pour y être foulées des brebis » (v. 20-25). La face du pays d’Israël devait de la sorte être entièrement transformée, et telle serait la désolation qui s’ensuivrait que le propriétaire d’une vache et de deux brebis trouverait la plus vaste étendue dans laquelle pourrait paître en liberté son maigre troupeau au milieu du désert qui devait remplacer les riches campagnes de la Palestine, et n’aurait lui-même d’autre nourriture que celle qui constitue l’aliment des hordes errantes. Quel tableau ! Oui, et les vignes les plus fertiles (comp. Cantique de Salomon, 8) devaient être réduites en champs de ronces et d’épines ; et nul ne pourrait y passer s’il n’avait pour se défendre un arc et des flèches ; et les collines dont la végétation était dirigée avec soin devaient servir de parc au gros et au menu bétail. Quels tristes détails renferment ces paroles qui annoncent à son roi le lamentable changement de la Judée !

Chapitre 8 ; 9, 1-7. — Nous connaissons déjà les deux grands sujets de la prophétie, Emmanuel et l’Assyrien : — La vierge devait enfanter un Fils, le Messie, Emmanuel ; Jéhovah devait faire venir contre l’infidèle descendant de David le roi d’Assyrie dévastateur, tout en se réservant dans Sa miséricorde un résidu.

Le chapitre à l’étude duquel nous passons contient de nouvelles et plus complètes révélations de la part du Seigneur. Le prophète reçoit l’ordre de prendre un rouleau et d’y écrire dessus au sujet d’un autre enfant qui doit lui naître et qui portera le nom mystique de Maher-Shalal-Hash-Baz. La signification en est donnée à Ésaïe : « Car avant que l’enfant sache crier : mon père ! et ma mère ! on enlèvera la puissance de Damas et le butin de Samarie, devant le roi à Assur » (v. 4), prophétie qui s’accomplit à la lettre, comme le prouvent les récits inspirés.

Mais il y a plus. « L’Éternel continua à me parler disant : Parce que ce peuple a rejeté les eaux de Siloé qui coulent doucement et qu’il s’est réjoui de Retsin et du fils de Remalia ; — pour cette cause, voici, le Seigneur s’en va faire venir sur eux les eaux du fleuve, fortes et grosses, savoir, le roi d’Assur et toute sa gloire ; et ce fleuve montera par-dessus tous ses affluents et ira par-dessus tous ses bords ; et il traversera en Juda et se débordera, et dépassera tellement qu’il atteindra jusqu’au cou, et l’étendue de ses ailes remplira la largeur de ton pays, ô Emmanuel » (v. 5-8). Nous sommes ici en présence des scènes du dernier jour, quelque type que l’on puisse supposer les avoir déjà reproduites. L’orgueilleux Assyrien remplit le pays, le pays d’Emmanuel, atteignant « jusqu’au cou » ; il est cependant non seulement arrêté et confondu, mais entièrement et pour jamais détruit.

Le peuple dans cette circonstance n’eut pas plus de foi que n’en avait eu le roi dans la scène précédente. L’un et l’autre méprisèrent les avertissements et les promesses de Dieu. C’était sur l’homme que reposait leur confiance en présence du danger. Si, d’un côté, Achaz fut saisi d’effroi à la vue des queues des deux tisons fumants, alors que l’Éternel l’engageait à dédaigner le courroux des rois alliés d’Israël et de Syrie ; de l’autre, le peuple rejeta les eaux de Siloé qui coulent doucement. Leur châtiment ne serait que justice. Le fleuve impétueux, l’Assyrien, se précipiterait sur le pays et l’inonderait. Mais n’est-ce pas « ton pays, ô Emmanuel » ? Assurément oui, et quel que soit le roi, quel que soit le peuple, quel que soit leur abaissement, Dieu ne vengera-t-Il pas l’insulte faite à Celui qui, lorsqu’Il est outragé, ne l’est pas une seconde fois ? Il ne reste pas sourd au cri de Ses élus, que ne sent-il pas pour Emmanuel ! Les peuples se sont-ils alliés ? Ils pouvaient s’en épargner la peine : ils seront brisés. Ceux des pays éloignés se sont-ils équipés ? Qu’ils prêtent l’oreille, s’ils n’ont pas peur ; qu’ils écoutent le Seigneur prononcer leur sentence : « Équipez-vous et vous serez froissés ; équipez-vous et vous serez mis en pièces. Prenez conseil, et il sera dissipé ; dites la parole et elle n’aura point d’effet, parce que Dieu est avec nous » (v. 9, 10). Ceci nous montre quel est le sentier de la foi pour l’homme pieux : le Seigneur est son unique et sûre ressource, le seul objet de sa vénération et de sa crainte au jour du malheur et à l’heure du danger présent. « Car ainsi m’a dit l’Éternel avec une main forte, et il m’a instruit de ne point aller par le chemin de ce peuple-ci, en me disant : Ne dites point : conjuration ! toutes les fois que ce peuple dit : conjuration ! et ne craignez point ce qu’il craint, et ne vous épouvantez point. Sanctifiez l’Éternel des armées lui-même, et qu’il soit votre crainte et votre épouvantement. Et Il vous sera pour sanctuaire ; mais Il sera une pierre d’achoppement et un rocher de trébuchement aux deux maisons d’Israël, en piège et en filet aux habitants de Jérusalem. Et plusieurs d’entre eux trébucheront et tomberont, et seront froissés, et seront enlacés, et seront pris. Empaquette le témoignage ; cachette la loi parmi mes disciples. J’attendrai donc l’Éternel qui cache sa face de la maison de Jacob, et je m’attendrai à lui. Me voici, avec les enfants que l’Éternel m’a donnés pour être un signe et un miracle en Israël, de par l’Éternel des armées qui habite en la montagne de Sion » (v. 11-18).

Sentir et confesser de la sorte sa faiblesse, et en conséquence se rejeter sur « l’Éternel des armées », c’est réellement, en dépit de toutes les apparences et de tous les raisonnements humains, être maître de la situation. D’une manière encore plus bénie, l’apôtre pouvait prendre plaisir dans les infirmités, dans les outrages, dans les besoins, dans les persécutions, dans les détresses qu’il endurait à cause de Christ. « Je me glorifierai donc très volontiers, avait-il dit auparavant, plutôt dans mes infirmités, afin que la vertu de Christ habite en moi ».

Ceci amène la délivrance finale, le triomphe d’Israël, bien qu’en rapport avec les événements présents et le spectacle douloureux qu’offrent les circonstances par lesquelles passe le résidu désolé, jusqu’à ce que le Seigneur se lève et opère le dénouement par la destruction de tous les ennemis. Les forces coalisées de ces derniers seront impuissantes. Ce dont avaient besoin ceux qui craignaient Jéhovah, ce n’était ni une confédération, ni un appel à tous ceux qui avaient confiance dans une semblable mesure, mais bien de rendre hommage à Jéhovah, d’en faire leur sanctuaire, bien qu’Il dût être une pierre d’achoppement aux deux maisons d’Israël, en piège et en filet aux habitants de Jérusalem elle-même.

Il est donc clair que ce qui nous est présenté ici, ce n’est pas seulement que les nations qui voulaient engloutir Israël sont condamnées à une ruine totale, mais qu’Israël lui-même vient trébucher contre la pierre d’achoppement — son propre Jéhovah le Messie. En même temps, cependant, on voit dans son sein un petit nombre d’hommes attachés au témoignage du Seigneur et reconnus comme Ses disciples, tandis qu’Il cache sa face loin du peuple pris dans son ensemble. Ils forment un résidu à part, tandis que la masse trébuche, tombe, est froissée, enlacée et prise. C’est pourquoi, dans l’épître aux Hébreux, l’Esprit Saint n’hésite pas à citer le verset 18 avec d’autres passages des Écritures (psaumes 16 et 22) pour faire voir que ceux qui sont sanctifiés sont reconnus avec Lui, non seulement avec Lui l’homme dépendant, mais aussi Celui qui sanctifie, quoiqu’Il puisse ne pas avoir honte de les appeler frères, et cela, maintenant, en plein christianisme, comme bientôt, aux derniers jours, alors que la nation est plongée dans l’aveuglement et l’incrédulité.

Les versets qui terminent le chapitre (v. 19-22) montrent l’iniquité croissante du peuple et son impie recours aux puissances de ténèbres, dans le manque de lumière où il se trouve après avoir méprisé la loi et le témoignage de l’Éternel. L’effet produit est une misère profonde, l’audace, la rage et le blasphème contre son Roi et son Dieu, enfin l’agonie du désespoir.

« Néanmoins, l’obscurité ne sera pas aussi épaisse que lorsqu’elle était affligée, au temps où il frappa d’abord légèrement le pays de Zabulon et le pays de Nephthali, et s’appesantit ensuite sur le chemin de la mer, au-deçà du Jourdain, dans la Galilée des Gentils. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et la lumière a relui sur ceux qui habitaient au pays de l’ombre de la mort » (chap. 9, 1, 2). La citation de ces paroles au chapitre 4 de Matthieu projette une grande lumière ; leur accomplissement peut s’étendre jusqu’à un jour encore à venir, et sous une forme plus complète sous certains rapports, pour autant qu’il s’agit du peuple. Que l’oppression soit plus rude encore qu’elle n’a jamais été, il y aura toujours cette différence (et que de fois on a pu la vérifier pendant la première apparition de Jésus !) qu’une grande lumière doit resplendir sur ceux qui sont plongés dans les plus profondes ténèbres et dans la plus vile abjection. Ce fut en Galilée, non à Jérusalem, que brilla surtout la grâce de Jésus. Ainsi en sera-t-il aux derniers jours : le caractère galiléen est un trait du résidu futur. Jérusalem sera la proie des plus graves et des plus mortelles erreurs. Mais la nuit la plus sombre et la plus glacée précède une aurore de joie et de gloire. C’est ce qui aura lieu pour Israël quand Celui qui était un objet de mépris et une pierre d’achoppement, mais qui n’en était pas moins Jéhovah, le bouclier et le sanctuaire du faible résidu pieux, se lèvera et inondera Son peuple de Ses éblouissantes clartés.

« Tu as multiplié la nation, tu as accru sa joie ; ils se réjouiront devant toi comme on se réjouit en la moisson, comme on s’égaie quand on partage le butin. Car tu as mis en pièces le joug dont il était chargé et le bâton dont on lui battait ordinairement les épaules, et la verge de son exacteur, comme au jour de Madian. Parce que tout choc de ceux qui se battent se fait avec tumulte, et que les vêtements sont vautrés dans le sang ; mais ceci sera comme un embrasement quand le feu dévore quelque chose. Car l’enfant nous est né, le fils nous a été donné, et l’empire a été posé sur son épaule, et on appellera son nom l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant, le Père d’éternité, le Prince de paix. Il n’y aura point de fin à l’accroissement de l’empire et à la prospérité sur le trône de David et sur son règne, pour l’affermir et l’établir en jugement et en justice, dès maintenant et à jamais. La jalousie de l’Éternel des armées fera cela » (v. 3-7). L’heure de la liberté et de la victoire a sonné, et c’est l’Éternel qui a fait cela. Mais ce n’est pas comme une guerre ordinaire ; il n’y a ni le bruit des combats, ni l’effusion du sang. Cette bataille se distingue des autres par l’incendie et l’embrasement du feu. Et il n’y a rien d’étonnant puisqu’Il est là leur proche parent rédempteur, le vrai Fils de David, jadis rejeté par Son peuple dont Il est maintenant l’orgueil, avec tous Ses titres de puissance, de louanges et de bénédictions, la perspective d’un règne sans fin, établi en justice et en jugement dès maintenant et à jamais. Oui, certainement, « la jalousie de l’Éternel des armées fera cela ».

Chapitre 9, 8 à chapitre 10. — Le prophète reprend maintenant le chant de jugement contre la nation en général, commencé au chapitre 5, et interrompu par le double épisode du chapitre 6 et des chapitres 7 ; 8 ; 9, 1-7. Ce dernier nous a présenté l’exposé particulier des voies de Jéhovah à l’égard de Son peuple ; la révélation de Sa gloire en Christ avec ses effets en jugement et en miséricorde ; l’incarnation, ou Emmanuel, le fils de la vierge, l’appui de la maison de David et l’espérance d’Israël, en dépit de la désolation du pays par les Assyriens ; la réapparition de l’Assyrien dans ce qui est maintenant le pays d’Emmanuel, et la destruction de tous les Gentils qui lui sont associés, quels qu’aient été leurs succès temporaires ; puis, une vue morale intérieure du peuple lorsque (chose étrange !) Jéhovah serait une pierre d’achoppement aux deux maisons d’Israël, mais un sanctuaire assuré pour un résidu pieux pour « ses disciples » qui devaient servir de signes et de prodiges à Israël pendant que Dieu cacherait Sa face, comme il est évident qu’Il le fait maintenant, à la maison de Jacob. Le tout se clôt pour la masse du peuple par une obscurité et un trouble tels qu’il n’y en a jamais eu ; il y a toutefois de la lumière pour les Galiléens méprisés, comme lors du premier avènement du Seigneur : ainsi, juste avant que la nation soit multipliée, l’oppression est détruite et la victoire est remportée, non par une épée humaine, mais par l’embrasement et par les flammes. Et Celui qui n’est assurément pas moins le Dieu puissant, le Prince de paix, que le Fils de la vierge, la semence de la femme, établit désormais de siècle en siècle Son règne béni.

Le verset 8 du chapitre 9 reprend la marche générale (comp. 5, 25), mais avec des allusions à quelques-unes des instructions qui font le sujet de la parenthèse, par exemple à celles qui concernent Retsin et l’Assyrien. Les versets 8-12 contiennent de nouveau l’annonce du déplaisir divin. « Le Seigneur a envoyé la parole en Jacob et elle est tombée en Israël. Et tout le peuple, Éphraïm et les enfants de Samarie le connaîtront ; ils diront néanmoins avec orgueil et avec un cœur hautain : Les briques sont tombées, mais nous bâtirons avec des pierres de taille ; les figuiers sauvages ont été coupés, mais nous les changerons en cèdres. Après que l’Éternel aura amené les ennemis de Retsin au-dessus de lui, il amènera aussi pêle-mêle les ennemis d’Israël, la Syrie du côté d’orient, et les Philistins du côté d’occident, qui dévoreront Israël à gueule ouverte ». Il est évident que jusqu’ici les dix tribus rebelles sont l’objet du jugement, et que l’orgueil de leur cœur se montre d’une manière expressive dans leur mépris des reproches de Dieu et dans la confiance qu’elles mettent en leurs propres forces. Car tel est leur ardent espoir et leur vaine arrogance, qu’elles prennent occasion de leur infraction à la volonté de Dieu pour déployer plus d’efforts que jamais : « Les briques sont tombées, mais nous bâtirons avec des pierres de taille ; les figuiers sauvages ont été coupés et nous les changerons en cèdres ». Mais la justice rétributive de Dieu a son tour. Le roi de Syrie, Retsin, se les était associées dans une ligue impie contre Juda : « Après que l’Éternel aura élevé les ennemis de Retsin au-dessus de lui, il amènera aussi pêle-mêle les ennemis d’Israël, la Syrie du côté d’orient, et les Philistins du côté d’occident, qui dévoreront Israël à gueule ouverte ». Ainsi en est-il toujours. L’infidélité recherche l’alliance du monde contre ceux qui gardent le témoignage de Dieu, mais elle ne tarde pas à prouver que l’amitié du monde est non seulement inimitié contre Dieu, mais aussi qu’elle cause la ruine de celui qui s’y attache. « Malgré tout cela, il ne fera point cesser sa colère, mais sa main sera encore étendue ».

Le tableau suivant de leur jugement (v. 13-17) présente moins une rétribution judiciaire extérieure, que l’abandon que Dieu fait d’Israël à sa démoralisation intérieure, pour avoir méprisé Ses châtiments. « Parce que le peuple ne sera point retourné à celui qui le frappait, et qu’ils n’auront pas recherché l’Éternel des armées, à cause de cela l’Éternel retranchera d’Israël en un seul jour la tête et la queue, le rameau et le jonc. L’ancien et l’homme d’autorité, c’est la tête ; et le prophète enseignant mensonge, c’est la queue. Ceux donc qui font accroire à ce peuple qu’il est heureux, se trouveront des séducteurs ; et ceux à qui on fait accroire qu’ils sont heureux, seront perdus ». Quel tableau ! La ruine d’Israël, en un seul jour, de toutes les classes, depuis ceux qui sont élevés en dignité jusqu’au plus bas peuple, « le rameau et le jonc » ! Les chefs et les administrés, tous plongés dans une ruine commune ! Et combien plus affreuse et désespérée sera cette situation, quand le Seigneur, juste juge, indigné à la vue de l’hypocrisie et de la méchanceté qui abonderont sous le voile de prétentions à la sainteté, « ne prendra point plaisir aux jeunes gens d’élite et n’aura pitié ni des orphelins, ni des veuves » ! Chez un peuple tellement dépravé, la vigueur ni la jeunesse ne Lui sont plus agréables, l’orphelinat ni le veuvage ne peuvent plus émouvoir Son cœur ; « car tous tant qu’ils sont, ce sont des hypocrites et des malins, et leur bouche ne profère que des infamies. À cause de tout cela, il ne fera point cesser sa colère, mais sa main sera encore étendue ».

Suit une description animée (v. 18, 19) de la méchanceté qui brûle comme le feu de la colère de l’Éternel obscurcissant la terre, et de la violence impitoyable du frère contre le frère. « Il ravira à main droite et il aura faim ; il mangera à main gauche et ils ne seront point rassasiés, chacun mangera la chair de son bras. Manassé dévorera Éphraïm et Éphraïm dévorera Manassé ; eux ensemble seront contre Juda. Malgré tout cela, il ne fera point cesser sa colère, mais sa main sera encore étendue » (v. 20, 21). Chaque tribu dévorera sa voisine, et toutes ensemble Juda.

Le dernier de ces châtiments infligés par voie de discipline à Israël est indiqué dans les quatre premiers versets du chapitre 10. Ici, c’est l’injustice des juges qui se mettaient à la place de Dieu Lui-même et se faisaient appeler Élohim, dieux (Ps. 82), mais qui dénaturaient de la manière la plus grave le caractère de Jéhovah et opprimaient Son peuple, surtout les personnes qui ne pouvaient se défendre. « Malheur à ceux qui font des ordonnances d’iniquité et qui dictent l’oppression qu’on leur a dictée, pour enlever aux chétifs leur droit, et pour ravir le droit des affligés de mon peuple, afin d’avoir les veuves pour leur butin et de piller les orphelins. Et que ferez-vous au jour de la visitation et de la ruine éclatante qui viendra de loin ? Vers qui recourrez-vous pour avoir du secours, et où laisserez-vous votre gloire ? ». Et voici Sa sentence contre eux : « Sans moi ils seront courbés sous les prisonniers, ils tomberont même sous ceux qui auront été tués ». Les plus élevés seront les plus abaissés, et ceux-là seront les plus maltraités qui auront abusé de leur haute position et de leur grande puissance pour exercer une avide oppression qui déshonore Dieu. « Malgré tout cela, il ne fera point cesser sa colère ; mais sa main sera encore étendue ».

Survient, au verset 5, un changement fort important. L’Assyrien désolateur apparaît une fois encore. C’est surtout son œuvre finale qui est dans la pensée de l’Esprit Saint, car c’est ici vraiment la grande catastrophe, la dernière épreuve de Jacob, en contraste avec la formule précédente si solennelle qui exprimait le sentiment que la colère de Jéhovah n’était pas épuisée. Maintenant, au contraire, le fier ennemi d’Israël est présenté comme la verge de cette colère. « Le jour de la visitation, de la ruine éclatante qui vient de loin » est arrivé. L’indignation et le courroux de l’Éternel prennent fin dans la destruction de cet ennemi. Désormais, Son irritation est détournée et Sa main n’est plus étendue.

Il est d’une extrême importance de bien comprendre que l’Antichrist, ou l’homme de péché, est un personnage entièrement distinct de celui que nous trouvons ici. Les commentateurs qui les confondent l’un avec l’autre, depuis Eusèbe jusqu’à Horsley, ne tiennent aucun compte des déclarations scripturaires. Il est clair, en effet, qu’il y aura dans la cité et le pays un roi qui fera selon sa volonté, qui siégera comme Messie et Jéhovah dans le temple de l’Éternel et sera reçu comme tel par les Juifs apostats ; et que, d’un autre côté, en opposition avec l’Antichrist qui se trouvera à Jérusalem et sera ligué avec la grande puissance occidentale, il y aura un autre chef, ennemi extérieur des Juifs, à savoir l’Assyrien, ou le roi du Nord, dont il est si souvent question dans les prophéties. Sankhérib était précisément un type de ce dernier.

C’est donc l’Assyrien qui servit le premier de verge pour châtier Israël. « Je l’enverrai contre la nation hypocrite et je le dépêcherai contre le peuple de ma fureur, afin qu’il fasse un grand butin et un grand pillage et qu’il le foule comme la boue des rues. Mais il ne l’estimera pas ainsi et son cœur ne le pensera pas ainsi ; mais il aura en son cœur de détruire et d’exterminer beaucoup de nations » (v. 6, 7). Mais il ne confessa pas Dieu en proférant ces orgueilleuses paroles : « Mes princes ne sont-ils pas autant de rois ? Calno n’est-elle pas comme Carkemish ? Hamath n’est-elle pas comme Arpad ? Samarie n’est-elle pas comme Damas ? Ainsi que ma main a soumis les royaumes qui avaient des idoles et desquels les images taillées valaient plus que celles de Jérusalem et de Samarie, ne ferai-je pas à Jérusalem et à ses dieux, comme j’ai fait à Samarie et à ses idoles ? » (v. 8-14). C’est pourquoi son arrêt fut prononcé : « Il arrivera que lorsque le Seigneur aura achevé toute son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, j’examinerai le fruit de la grandeur du cœur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux. Parce qu’il aura dit : Je l’ai fait par la force de ma main et par ma sagesse, car je suis intelligent ; j’ai ôté les bornes des peuples et j’ai pillé ce qu’ils avaient de plus précieux, et comme puissant j’ai fait descendre ceux qui étaient assis ; et ma main a trouvé comme un nid les richesses des peuples ; et ainsi qu’on rassemble les œufs délaissés, ainsi ai-je rassemblé toute la terre ; et il n’y a eu personne qui ait remué l’aile, ou qui ait ouvert le bec, ou qui ait grommelé. La cognée se glorifiera-t-elle contre celui qui en coupe ? ou la scie se magnifiera-t-elle contre celui qui la remue ? Comme si la verge se remuait contre ceux qui la soulèvent, et que le bâton s’élevât comme s’il n’était pas du bois ! C’est pourquoi le Seigneur, l’Éternel des armées, enverra la maigreur sur ses hommes gras, et par le dessous de sa gloire il allumera un embrasement tel que l’embrasement d’un feu, car la lumière d’Israël sera un feu, et son Saint sera une flamme qui embrasera et consumera ses épines et ses ronces tout en un jour. Et il mettra fin à la gloire de sa forêt et de son Carmel, depuis l’âme jusqu’à la chair ; et il en sera comme quand le guidon est défait. Et le reste des arbres de sa forêt sera aisé à compter, tellement qu’un enfant les mettrait bien en écrit » (v. 12-19). C’est la scène finale. Le Seigneur n’a pas achevé, même à présent, toute Son œuvre sur le mont de Sion et à Jérusalem. Bien plus, Il ne l’aura pas terminée aussi longtemps que l’Antichrist sera là. Quand Il en aura fini avec lui par Son apparition du ciel, il Lui restera encore à punir l’Assyrien. « Et il arrivera en ce jour-là que le résidu d’Israël, et ceux qui seront réchappés de la maison de Jacob ne s’appuieront plus sur celui qui les frappait, mais ils s’appuieront en vérité sur l’Éternel, le Saint d’Israël. Le résidu sera converti au Dieu fort et puissant. Car, ô Israël, quand ton peuple serait comme le sable de la mer, un résidu en sera converti ; mais la consomption déterminée fera déborder la justice. Car le Seigneur, l’Éternel des armées, s’en va faire une consomption même déterminée, au milieu de toute la terre » (v. 20-23). C’est alors que l’incrédulité d’Israël disparaîtra pour toujours : il ne s’appuiera plus sur le bras de la chair, Assyrien, Égyptien, ou quoi que ce soit encore. La plaie de Madian et la manière d’Égypte indiquent les traits caractéristiques de la délivrance future (v. 26).

Le chapitre se termine par une description animée de la marche de l’Assyrien descendant du nord et venant jusqu’en face de Jérusalem. « Il est venu à Aïath, il est passé à Migron, et il a mis son bagage à Micmash. Ils ont passé le gué, ils ont fait leur gîte à Guéba ; Rama s’est effrayée ; Guibha de Saül s’est enfuie. Fille de Gallim, élève ta voix ; pauvre Anathoth, fais-toi ouïr vers Laïs. Madména s’est écartée, les habitants de Guébim se sont enfuis en foule. Encore un jour, il s’arrêtera à Nob ; il lèvera sa main contre la fille de Sion, contre le coteau de Jérusalem » (v. 27-32). Ce sera pourtant inutile ; car il sera détruit et nul ne lui viendra en aide. « Voici, le Seigneur, l’Éternel des armées, ébranchera les rameaux avec force, et ceux qui sont les plus haut élevés seront coupés, et les haut montés seront abaissés. Et il taillera avec le fer les lieux les plus épais de la forêt, et le Liban tombera avec impétuosité » (v. 33-34).

Chapitres 11 et 12. — En contraste avec la destruction du fier et arrogant Assyrien tombé sous les coups de Jéhovah, le onzième chapitre renferme une remarquable et complète description du Messie ; d’abord, au point de vue moral, puis dans Son royaume, Son caractère et Ses différents traits. Elle est suivie, au chapitre 12, d’un chant de louanges, placé sur les lèvres d’Israël désormais et pour toujours béni de l’Éternel, son Saint qui habite au milieu de lui.

Il serait oiseux de chercher l’accomplissement de cette prophétie dans la personne d’Ézéchias ou de Josias ; cela ne servirait qu’à constater une fois de plus l’embarras dans lequel se trouvent les ennemis rationalistes de la révélation. Nul roi, quelque pieux et illustre qu’il ait été, parmi les successeurs d’Achaz ; nul parmi ses prédécesseurs, ni David, ni Salomon, n’ont jamais approché des termes de la prophétie, pas plus personnellement que dans les circonstances de leur règne. « L’Esprit de l’Éternel » reposait-Il sur le meilleur de ces deux princes quand il disait : « Je périrai un jour par les mains de Saül ; ne vaut-il pas mieux que je me sauve au pays des Philistins » ? Était-ce « l’Esprit de sagesse et d’intelligence », lorsqu’il contrefaisait le fou, gribouillait les portes et faisait couler sa salive sur sa barbe ? Était-ce « l’Esprit de conseil et de force », lorsqu’il amusait son hôte crédule de Gath en lui faisant les récits d’excursions fictives contre le midi de Juda, alors qu’en réalité il désolait le pays des Gueshuriens et des Amalékites sans laisser en vie un seul être qui aurait pu découvrir la ruse ? Était-ce « l’Esprit de science » qui animait David vis-à-vis d’Absalom ? Et quand il faisait le dénombrement d’Israël, agissait-il « dans la crainte de l’Éternel ? » L’affaire d’Urie était-elle une preuve que « la justice était la ceinture de ses reins, et la fidélité la ceinture de ses flancs » ? Quel roi « a frappé la terre par la verge de sa bouche et fait mourir le méchant par l’esprit de ses lèvres » ? Qui a vu le merveilleux changement dépeint dans les versets 6-9, opéré chez les bêtes féroces comme chez les plus timides animaux, et la seigneurie de l’homme reconnue à la fin par tous, devenus doux et assujettis même à un petit enfant ? Il n’est pas moins impossible de soutenir que la dernière partie du chapitre ait rencontré l’ombre même de sa réalisation à aucune époque d’Israël. L’idée de son accomplissement sous Zorobabel est absurde.

Quelques-uns voudraient-ils démontrer peut-être que cette brillante peinture du grand Roi et de Son royaume soit spirituellement réalisée dans l’Église et les bénédictions de l’évangile ? Sans descendre aussi bas que les grossières prétentions de l’ambition papale, l’interprétation spirituelle, ou plutôt mystique, qui convient au christianisme mondanisé, nous est fournie par Théodoret, et même avant lui. Cet écrivain voit la doctrine des apôtres transformer la terre en ciel, et le tableau des versets 6-8 accompli dans le spectacle qu’offraient rois, gouverneurs, généraux, soldats, artisans, serviteurs, mendiants, s’entretenant ensemble et écoutant les mêmes discours ! Selon lui, Paul au milieu des philosophes d’Athènes, c’est le jeune enfant mettant sa main au trou du basilic ; de même que la promesse faite à Pierre (Matt. 16, 18) répond à la prédiction de la disparition de tout ce qui est nuisible ! La montagne de la sainteté du Seigneur, c’est encore la sublimité, la force et l’immutabilité de Ses enseignements. Théodoret s’élève avec juste raison contre la sotte explication qui rapporte la prophétie à Zorobabel, lequel n’était gouverneur que de quelques Juifs, et ne l’était pas dans tous les cas des Gentils ; mais il est difficile d’adopter le sens qu’il lui donne lui-même, en en appelant aux Actes des apôtres et à saint Paul en particulier.

Ce mode d’interprétation est, non seulement faux par le fait, mais injuste et funeste en principe. Il confond l’Église avec Israël ; il rabaisse le caractère de notre bénédiction en Christ, du ciel à la terre ; il altère la Parole de Dieu en y introduisant une obscurité nécessaire pour l’existence de semblables applications ; il sape par la base la miséricorde et la fidélité de Dieu parce qu’il suppose que les promesses les plus précieuses, les plus absolues que Dieu a faites à Israël, lui sont cependant retirées et reçoivent une direction toute différente. Si Dieu pouvait parler et agir de la sorte à l’égard d’Israël, quelles garanties posséderaient les chrétiens ou l’Église ? L’apôtre peut faire et il fait des citations des prophètes, et de ce chapitre même d’Ésaïe, pour justifier la bénédiction des Gentils et la gloire qu’ils rendent à Dieu à cause de Sa miséricorde ; mais le même apôtre déclare que maintenant a lieu la révélation d’un mystère caché dès les siècles, le mystère de Christ et de l’Église, dans laquelle il n’y a ni Juif, ni Gentil.

Dans cette prophétie cependant, comme dans l’Ancien Testament en général, nous voyons la bénédiction distincte d’Israël, quoiqu’il y ait espérance pour les nations aussi bien que jugement contre les ennemis. Tout ceci suppose un état de choses essentiellement différent des voies de Dieu avec Son Église, pendant lesquelles Israël cesse d’être le dépositaire de Son témoignage et de Ses promesses. Car de même que les branches naturelles juives furent retranchées de l’olivier et qu’en leur place fut enté l’olivier sauvage gentil ; de même, pour n’avoir pas persévéré dans la bonté de Dieu, celui-ci sera retranché à son tour, et les branches naturelles seront entées de nouveau sur leur propre olivier : « Ainsi tout Israël sera sauvé, selon ce qui est écrit : le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les infidélités. Et c’est là l’alliance que je ferai avec eux, lorsque j’ôterai leurs péchés » (Rom. 11, 26, 27). Cependant, Israël est en partie aveuglé jusqu’à ce que la plénitude des Gentils soit entrée. Alors il saluera son Messie rejeté, et la bénédiction universelle de la terre suivra la destruction que Celui-ci fera de Ses ennemis comme début de Son règne. C’est de ce règne (et non de l’évangile, par rapport auquel les Juifs sont ennemis à cause de nous) que traitent nos deux chapitres, et, considérés à ce point de vue, tout se déroule en une harmonie parfaite dans l’ensemble comme dans les moindres détails.

Je ne puis que me joindre à la pensée de quelques autres pour trouver très significative l’allusion faite à la racine d’Isaï. Ailleurs le Messie est considéré comme fils de David, ou est même appelé David ; ici Il est un rameau du tronc d’Isaï, un jet, un bourgeon de ses racines, en vue, paraîtrait-il, d’attirer l’attention sur l’infime condition dans laquelle la race royale serait tombée à la naissance du Christ. C’est du sein de cette famille, alors qu’elle n’occupait aucun rang distingué en Israël, que David fut pris et oint pour occuper le trône. Le prophète désigne l’élévation d’un plus grand que David, non pas de la gloire qui avait été déjà conférée à la maison, mais d’une manière qui suggère plus tôt l’idée d’une condition obscure. De ce tronc humble et bas jadis, humble et bas une fois encore, surgit l’espérance d’Israël, Celui sur qui l’Esprit reposait sans mesure ; ou, comme Pierre le prêcha, Dieu oignit Jésus de Nazareth du Saint Esprit et de puissance. Ici cependant, ce n’est pas dans l’activité de la grâce parmi les infirmités des hommes et les oppressions du diable, mais en vue de Son gouvernement complètement soumis à Jéhovah. Il gouverne, non selon l’apparence mais avec équité, dans la crainte de l’Éternel. Tel est l’effet de la puissance qui reposait sur Lui. « Il lui fera sentir la crainte de l’Éternel, tellement qu’il ne jugera point sur la vue de ses yeux, et ne reprendra point sur l’ouïe de ses oreilles ; mais il jugera avec justice les chétifs, et il reprendra avec droiture pour maintenir les débonnaires de la terre » (v. 3-4). Le Saint Esprit dépeint la convenance morale du Messie pour Son règne terrestre. Je dis, Son règne terrestre, cela ne fait pas l’ombre d’un doute pour tout esprit libre de préjugés et de préventions. C’est d’ailleurs confirmé par la suite du verset 4 : « Il frappera la terre par la verge de sa bouche et fera mourir le méchant par l’esprit de ses lèvres ». Ici tout commentaire d’homme est superflu ; 2 Thessaloniciens 2, 8 jette sur ce passage une lumière divine. L’apôtre inspiré l’applique à la destruction future, par le Seigneur, de l’inique, l’homme de péché, produit de l’apostasie du christianisme, le même personnage, sans nul doute, que celui que l’apôtre bien-aimé décrit en 1 Jean 2, 22 : « Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Celui-là est l’Antichrist, qui nie le Père et le Fils ». Ce dernier témoignage nous aide à lier le tout. 2 Thessaloniciens 2 l’envisage spécialement comme le résultat qui doit être manifesté de ce mystère d’iniquité déjà à l’œuvre alors sans être vu. Ésaïe montre, non seulement le grand ennemi extérieur, l’Assyrien, jugé au chapitre 10 ; mais au chapitre 11, 4, il nous présente l’ennemi intérieur, « le méchant », que les apostats accepteront comme leur Messie, détruit par le vrai Messie apparaissant en gloire. 1 Jean 2 le décrit, d’abord, comme celui qui refuse de reconnaître la gloire messianique de Jésus, puis dans son plein caractère d’Antichrist (aussi bien que comme le menteur), niant le Père et le Fils, c’est-à-dire la gloire de Christ telle qu’elle est révélée dans le christianisme.

Après avoir assisté à la mise de côté de l’Antichrist à la fin de cette économie, nous voyons se déployer à nos regards le règne du vrai Christ et ses effets bienfaisants. « Et la justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité la ceinture de ses flancs. Le loup demeurera avec l’agneau et le léopard gîtera avec le chevreau, le veau, le lionceau et le bétail qu’on engraisse seront ensemble, et le lion mangera du fourrage comme le bœuf. Et l’enfant qui tette s’ébattra sur le trou de l’aspic, et l’enfant qu’on sèvre mettra sa main au trou du basilic. On ne nuira et on ne fera aucun dommage à personne dans toute la montagne de ma sainteté, parce que la terre aura été remplie de la connaissance de l’Éternel comme le fond de la mer des eaux qui le couvrent » (v. 5-9). C’est le monde ou la terre habitable à venir dont nous parlons (Héb. 2) — non les cieux, mais la terre, et en particulier, le pays d’Israël, sous Celui à qui il appartient de régner. Quel motif y a-t-il pour mettre en doute le parfait et littéral accomplissement de cette prophétie ? Je n’ai jamais entendu à son endroit d’objections sérieuses, si ce n’est de quelques esprits sadducéens qui ne connaissent ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Pourquoi trouverait-on incroyable que Dieu, pour honorer le règne de Jésus, changeât non seulement la face, mais les mœurs, les penchants de la nature animée, délivrant la créature des liens de la corruption sous lesquels elle gémit maintenant ?

Les Psaumes célèbrent ce grand jour avec des hymnes de joie ; les prophètes ne gardent pas le silence à son sujet ; à diverses reprises l’apôtre Paul en parle comme d’un événement attendu avec certitude par les chrétiens, prêt à arriver dès que Christ apparaîtra, et les enfants de Dieu avec Lui. Il y a un vide profond dans tout système comme dans tout cœur qui n’attend pas le jubilé du monde ; sans cela, la terre semblerait créée pour être ravagée par Satan ; tandis que, pour quiconque est là-dessus enseigné de Dieu, s’il y avait une simple créature qui ne fût pas ouvertement assujettie au Fils de l’homme exalté, l’ennemi pourrait Le frustrer de Sa juste récompense et de Ses droits suprêmes. En ce jour nous verrons (car nous ne le voyons pas encore) toutes choses placées sous Ses pieds : le jugement divin des vivants, exécuté par Christ, en sera la cause déterminante, ainsi que nous l’avons recueilli du verset 4 mis en regard de 2 Thessaloniciens 2.

Mais ce n’est pas tout : Israël doit être reçu de nouveau afin que le monde sache ce que sont des morts rendus à la vie : « En ce jour-là, il arrivera que les nations rechercheront la racine d’Isaï, dressée pour être l’enseigne des peuples, et son séjour ne sera que gloire. Et il arrivera encore ce jour-là que le Seigneur mettra sa main une seconde fois pour acquérir le résidu de son peuple qui sera demeuré de reste en Assyrie, en Égypte, à Pathros, à Cush, à Élam, à Shinhar, à Hamath, et dans les îles de la mer » (v. 11, 14). Ceux-là font l’œuvre de l’ennemi qui soutiennent que ces écritures sont accomplies, ou en voie de s’accomplir. Sauf le principe général (très apparent dans l’évangile) — que les Gentils cherchent, espèrent et trouvent une bénédiction éternelle en Christ, c’est une scène tout entière à venir. La personne du Messie a été révélée ; et nous savons combien véritablement l’Esprit a habité en Lui sur la terre et combien Son humiliation a manifesté toutes les grâces qui étaient convenables à l’homme à l’égard de Dieu, ou à Dieu à l’égard de l’homme, dans le Christ Jésus qui était d’ailleurs Dieu par-dessus toutes choses, béni éternellement. Mais Il n’est pas encore assis sur Son trône, et n’exerce pas non plus Sa royauté ici-bas ; et le résidu de Son peuple n’a pas encore été recueilli du nord, du midi, de l’orient et de l’occident. Supposerions-nous pour cela que Son bras est raccourci ? qu’Il a abandonné Ses desseins les plus chers, et que Ses dons et Sa vocation sont sujets à repentance ? Tel n’est pas notre Dieu. Est-Il le nôtre seulement, et non pas aussi celui des Juifs ? Oui, Il est également le leur : « Et il élèvera l’enseigne parmi les nations, et assemblera les Israélites qui auront été chassés, et recueillera des quatre coins de la terre ceux de Juda qui auront été dispersés. Et la jalousie d’Éphraïm sera ôtée, et les oppresseurs de Juda seront retranchés, Éphraïm ne sera plus jaloux de Juda et Juda n’opprimera plus Éphraïm » (v. 12, 13). L’histoire morale d’Israël sera retournée aussi complètement que l’histoire naturelle devra être refaite à nouveau pour la création inférieure. Les vieilles rancunes, les vieilles rivalités, trop bien connues après Salomon, disparaissent pour Israël rétabli. Quant à ses intrigants voisins, qu’ils se montrent, ils seront détruits à jamais, « ils voleront sur le collet aux Philistins vers la mer, ils pilleront ensemble les enfants d’orient ; Édom et Moab seront ceux sur lesquels ils jetteront leurs mains, et les enfants de Ammon leur obéiront ». Édom, Moab et le chef des enfants de Ammon parviendront à échapper à l’Assyrien, le roi puissant du nord (Dan. 11, 41), mais non aux mains d’Israël « de faible devenu fort ». Le Seigneur sera vu sur les enfants de Sion et Ses dards porteront comme l’éclair, et le Seigneur, l’Éternel, sonnera du cor et marchera avec les tourbillons du midi (Zach. 9, 14).

En conséquence, aux versets 15-16, nous voyons le Seigneur exercer une action surnaturelle sur la nature extérieure en faveur de Son peuple, alors qu’Il extermine à la façon de l’interdit la langue de la mer d’Égypte, qu’Il frappe le fleuve sur ses sept bras, au point qu’on peut le traverser à pied sec, et qu’il y a un chemin pour le résidu de Son peuple demeuré de reste en Assyrie, comme il y en eut un pour Israël, au temps qu’il remonta du pays d’Égypte. Dans toute cette dernière partie, l’interprétation mystique se trouve absolument en défaut ; des prodiges plus merveilleux que la destruction des troupes de Pharaon signalent la délivrance finale d’Israël, de l’Égypte et de l’Assyrie, sous les yeux d’une génération incrédule et contredisante.

Le chant du chapitre 12 clôt cette section. Il est divisé en deux parties : la première (v. 1-3) est la louange d’Israël pour ce que Dieu a été et est pour lui ; la seconde (v. 4-6) est l’extension de ses louanges par toute la terre, bien que Sion soit le centre où Dieu habite.

Deuxième division — Chapitres 13 à 27

Chapitres 13 à 14, 27. — Nous entrons ici dans l’étude d’une nouvelle section de notre prophète. Nous aurons moins à nous occuper d’Israël que précédemment, bien que, cela va sans dire, nous le rencontrions sur notre chemin. Il n’est pourtant pas l’objet direct de cette portion de la prophétie ; elle s’occupe plutôt des nations et de leur jugement amené par des circonstances alors imminentes pour « la fin des siècles ».

Cette dernière expression qui revient si fréquemment dans l’évangile de Matthieu, s’applique à cet état de choses durant lequel Israël se trouve sous la loi et sans son Messie. La nouvelle économie, au contraire, sera caractérisée par son entrée dans la nouvelle alliance. Son Messie régnera alors sur lui en gloire. L’Ancien Testament nous présente non seulement ces économies, mais aussi les temps qui les ont précédées, de même que le Nouveau révèle l’éternité qui doit les suivre. Pratiquement parlant, le Nouveau comme l’Ancien Testament parlent de ces deux économies en connexion avec Israël : celle dont le cours se poursuivait lors de la venue et du rejet de Christ, et celle qui doit commencer quand Il reviendra en gloire. « En ce siècle-ci » il y a un mélange de bien et de mal qui doit avoir pour dénouement une lutte terrible dans laquelle tomberont la bête et le faux prophète. Le siècle à venir part du moment où Satan est lié, alors que le Seigneur Jésus gouverne la terre avec un déploiement de puissance et de gloire.

Ainsi la différence des siècles est d’une importance incalculable. Si vous ne distinguez pas le siècle actuel de celui qui est à venir, tout doit être confusion, non seulement dans vos pensées, mais dans votre marche. Présentement c’est une question de grâce et de foi, le mal ayant extérieurement la faculté de triompher, comme nous le voyons à la croix. Dans le monde à venir, le mal sera jugé ouvertement et subjugué, tandis que le bien sera exalté par toute la terre et remplira le monde entier de la connaissance de Jéhovah et de Sa gloire. La fin du siècle est donc évidemment future, et c’est bien ainsi que l’Écriture l’exprime. Par conséquent, c’est de « ce présent siècle mauvais » que la mort de Christ nous a délivrés ; le siècle nouveau sera bon, et non mauvais, aussi sûrement qu’il est à venir. Si de l’Église nous regardons à Israël, nous pouvons supposer que pour lui, le siècle a commencé avec sa mise sous la loi en l’absence de son Messie ; le siècle nouveau prendra naissance lorsque Israël recevra son Messie, non plus à venir, mais revenu et dans l’éclat de Son règne ; car la présence du Messie dans l’humiliation n’a pas interrompu le siècle ; encore moins le rejet qu’Israël a fait de Lui a-t-il amené le siècle nouveau. Seulement il y a maintenant en activité une autre œuvre puissante de Dieu, basée sur la gloire céleste de Christ et la présence personnelle du Saint Esprit, et marquée ici-bas par l’Église de Dieu. Pendant l’existence de cette dernière, la miséricorde découle sur les Gentils, à tel point que nous pouvons l’appeler la parenthèse gentile de miséricorde. Avant, et tout à fait distincts de l’Église, il y avait les temps des Gentils, alors que Dieu, dans Sa providence, donna aux Gentils de prendre le gouvernement du monde en commençant par Nebucadnetsar, la tête d’or de la grande statue ; cette dispensation peut être appelée la parenthèse gentile de jugement. Celle-ci, comme la précédente, est comprise dans « ce siècle-ci » ; et l’une et l’autre subsistent encore. Le siècle nouveau sera introduit par la venue du Seigneur sur les nuées du ciel.

Il en résulte dès l’abord un important changement, à savoir, la délivrance d’Israël repentant, et la comparution des nations pour le jugement des vivants dès que le Fils de l’homme sera entré dans Son règne (comp. Matt. 25 ; Apoc. 11 ; 20). Dans la première partie d’Ésaïe, nous avons vu le jugement d’Israël et ensuite sa bénédiction finale. C’est de cette manière que Dieu procède toujours : quand Il juge, Il commence par Sa propre maison. C’est ce qui fait dire à Pierre que « le temps est là où le jugement doit commencer par la maison de Dieu », d’où il démontre que « si le juste est difficilement sauvé, où paraîtra l’impie et le pécheur ? ». Mais Dieu a entrepris de sauver les justes, malgré toutes les difficultés, malgré la multitude prodigieuse d’oppositions et d’épreuves, malgré leur extrême faiblesse. Tout cela rend la tâche rude, il est vrai ; mais ce qui est pour nous insurmontable ne sert qu’à manifester la gloire de Dieu. Il a surmonté le grand obstacle, nos péchés. Y a-t-il un péché, un seul péché qui ait pu arrêter Christ ? N’a-t-Il pas pour le croyant effacé tous les péchés à la croix ? Mais s’il n’y a pas de difficultés pour Dieu, il y en a beaucoup pour nous, et ce mot, « le juste est difficilement sauvé », est en rapport avec les dangers auxquels nous sommes exposés. S’il en est ainsi, quelle sera la fin de l’impie ? L’apôtre Pierre applique cette parole au chrétien et regarde au monde à venir sous le jugement lorsque le Seigneur apparaîtra. Dans l’Ancien Testament, ce n’est pas l’Église, mais Israël qui est en question ; mais Dieu commence invariablement par ce qui Lui tient de plus près. En vertu de ce principe, dans les douze premiers chapitres Israël a paru sur le premier plan du tableau, bien que d’autres aient incidemment attiré l’attention.

Mais, à partir de cette section, pendant une douzaine de nouveaux chapitres, les Gentils sont placés à l’avant-scène, bien que nous rencontrions au milieu le jugement de Jérusalem ; cette partie se termine par la dissolution de la terre et la punition en haut de ceux qui sont le plus élevés. Dieu nous a montré le jugement de Sa propre maison ; maintenant arrive successivement le tour des nations qui sont en relation avec Son peuple.

En premier lieu vient Babylone, car c’était la grande puissance gentile à laquelle il avait été permis de prendre possession de Jérusalem ; et Dieu montre que s’Il peut se servir des étrangers pour châtier Son peuple, Il ne tardera pas à agir différemment et à leur demander compte de leur cruelle oppression, parce qu’au lieu de se borner à être des instruments de châtiment, ils ont pris leur plaisir à détruire. Babylone peut d’autant moins échapper qu’elle est orgueilleuse de sa puissance, sans conscience à l’égard de Dieu, et qu’elle est de plus aussi la principale source de l’idolâtrie. Elle doit, de toutes les nations, être la première appelée en jugement. Ainsi, l’étude dans laquelle nous entrons maintenant n’est pas l’examen de la maison de Dieu en Israël, mais le jugement du monde et des nations, en commençant par Babylone. Observons cependant que, si le Saint Esprit prend note de ce qui arrivait aux Juifs (mentionnant expressément la ruine du pays et du peuple qui était imminent, quand celui-ci serait emmené captif à Babylone), Il ne se borne jamais aux châtiments infligés, si graves soient-ils. Ceci indique précisément la différence entre ce qu’est Dieu et ce qu’est l’homme. Si l’homme parle, l’application de ses paroles est forcément limitée. Ce que Dieu dit renferme invariablement un sens fécond, qui ouvre de larges horizons, manifeste ce qu’Il a en vue pour se révéler et glorifier Christ. C’est là, je pense, la signification de la règle scripturaire établie par 2 Pierre 1, 20 : « Aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même ». Appliquez-la seulement à quelque événement particulier, et vous détruisez le plan de Dieu ; elle peut renfermer sans doute cet événement ; mais toute la prophétie a trait aux conseils de Dieu en rapport avec la gloire de Son Fils.

Et tel est le but du témoignage de l’Esprit. Cela est vrai de toute l’Écriture, car Christ est l’objet que Dieu s’est proposé en donnant l’Écriture tout entière. Dieu ne pense pas seulement à l’homme, à son salut, si béni qu’il soit. Il ne pense pas non plus simplement à Israël ou à l’Église. Dieu pense à Christ qui Lui est plus précieux que tout le reste. C’est en vertu de Christ qu’il peut y avoir un plan conçu et réalisé à l’égard d’un monde tel que celui-ci. Car il n’est pas possible que la créature puisse avoir par elle-même une valeur intrinsèque aux yeux de Dieu. Ce qui provient de la volonté souveraine ou de la toute-puissante main de Dieu, peut cesser d’être. Celui qui a créé a le pouvoir de détruire. Mais en Christ on a ce que rien, il nous est permis de le dire en toute vénération, n’est capable de détruire. Tous les efforts de l’homme ou de Satan pour Le renverser ou Le déshonorer n’ont servi, dans la suprême et gracieuse sagesse de Dieu, qu’à faire éclater Sa gloire qui surpasse toute intelligence. Ainsi nous arrivons à la grande vérité pour notre marche quotidienne : nous avons affaire avec quelqu’un dont rien ne peut épuiser l’amour, et dont les voies sont parfaites ; nous avons affaire avec Lui, jour après jour, à nous reposer sur Lui, à nous attendre à Lui, à compter sur Son admirable sollicitude pour nous. Christ est digne de la confiance de nos cœurs, et cette confiance ne peut Lui être accordée sans que la bénédiction en découle. Ainsi Dieu se montre plus grand que tout ce qui peut être contre nous. En dehors de Christ, il n’est rien, même de ce qu’Il a fait Lui-même, qui ne soit bientôt, en tant qu’ayant été rattaché à l’homme sur la terre, recouvert d’un nuage. Cela s’étend plus loin encore. Les anges ont abandonné leur premier état. Regardez les créatures les plus élevées, ou la beauté en dehors de Christ, qu’avez-vous ? La terre, jadis si belle, n’est-elle pas un désert ? L’homme n’a-t-il pas fait naufrage moralement ? Les Israélites avaient été conduits dans le désert pour célébrer une fête à l’Éternel ; mais, à Son grand déshonneur, ils firent et adorèrent un veau d’or. Dans l’Église de Dieu, appelée à manifester l’unité de l’Esprit et à refléter ici-bas la gloire céleste de Christ, que de brèches, de divisions, de sectes, d’hérésies, de confusions et toute espèce de mauvaises œuvres ! Quelle coupable ignorance du Père ! Quel hardi reniement du Fils ! Quel flagrant péché contre le Saint Esprit ! Et cet état de choses va s’aggravant et se développant de plus en plus, de sorte que bientôt aura lieu l’apostasie et la manifestation de l’homme de péché dans sa forme finale.

Nous sommes, pour ainsi dire, à la fin de l’histoire du christianisme, à la veille de ce jugement qui ne sommeille point ; mais, grâces à Dieu, avant tout nous attendons des cieux notre Sauveur, espérance bénie que la mondanité et l’incrédulité peuvent faire perdre de vue, mais qui ne s’évanouira jamais, parce qu’elle ne repose sur rien moins que le Seigneur Jésus. Il vient ; et aussi sûrement qu’Il vient, nous avons le centre de toute bénédiction atteint pour nos corps et pour toutes choses, absolument comme nous l’avons à présent par la foi pour nos âmes. Quelle découverte ç’a été pour quelques-uns de nous, que la prophétie a le même centre que le reste de l’Écriture, et que son centre en Christ est d’autant plus évident qu’elle ne peut se renfermer dans les limites d’un accomplissement passé, mais qu’elle regarde toujours en avant pour sa parfaite réalisation dans l’avenir ! Peu importe ce que c’est ; tout acquiert de l’importance dès l’instant que la pensée de Dieu est occupée de Son bien-aimé Fils. Et c’est Son Fils qui doit frapper les derniers coups de jugement ; Il en agira avec l’homme, d’abord par des moyens providentiels, et ensuite en personne.

Du chapitre que nous étudions en ce moment, nous pouvons recueillir ces deux choses : une application préparatoire aux temps du prophète ou à ceux qui les avoisinent, mais le seul accomplissement adéquat réservé pour le grand jour, qui est encore à venir. Il est facile, par exemple, de voir que les versets 6-10 parlent de signes plus grands que ceux qu’on a jamais vérifiés. On ne saurait franchement affirmer que ces choses aient eu lieu à la lettre ; cependant l’Esprit de Dieu n’hésite pas à les rattacher à la chute de Babylone. Parler d’hyperbole ou d’exagération, c’est faire preuve d’une profonde ignorance de l’Écriture et de la puissance de Dieu. Je comprendrai qu’un infidèle tînt un pareil langage ; mais du moment où vous vous mettez à supposer que l’Esprit de Dieu a pu volontairement tomber dans l’exagération, vous ébranlez l’autorité de toute la Parole. S’Il grossit outre mesure un jugement temporel, qui m’assure qu’Il ne met pas la même exagération dans les tableaux de la grâce et de la rédemption éternelle ? Et dans ce cas, où est le terrain pour une solide paix avec Dieu ? Admettez-vous, oui ou non, que le Saint Esprit dit toujours la vérité ? Ce principe reçu, il faut veiller à ce qu’il soit appliqué. Ainsi, restreindre la scène en question au jugement passé de Babylone, c’est limiter la Parole de Dieu et accuser le Saint Esprit d’exagérer. C’est simplement nous qui ne comprenons pas et nous égarons. Combien il importe par conséquent que nous soyons de petits enfants en malice et des hommes faits en intelligence ! Nous pouvons bien fuir avec horreur un chemin qui conduit à une fin aussi déshonorante pour la Parole de Dieu. D’un autre côté, que le Saint Esprit avait réellement en vue un accomplissement passé, c’est ce que je tiens pour non moins vrai que le fait qu’Il regardait en avant vers un autre accomplissement beaucoup plus éloigné.

Aux versets 15-17, il est parlé d’un jugement temporel ; c’est une description, non de ce qui aura lieu quand le Seigneur jugera, mais de la manière inique dont l’homme assouvit sa colère sur son compagnon. Les versets 18 et 19 présentent le tableau d’une ruine complète : Babylone a été jugée ; un désastre et une destruction peut-être sans précédents ont frappé cette orgueilleuse cité ; et ceci, nous le savons, s’effectua sous l’influence de Dieu, par suite de la jonction des Mèdes et des Perses commandés par Cyrus.

Mais évidemment, le Seigneur emploie ici le langage le plus énergique pour montrer que c’est Son jour. Quand on lit le Nouveau Testament aussi bien que l’Ancien, il importe extrêmement de se faire une idée nette et précise du vrai caractère et de la signification de ces mots : « le jour du Seigneur ». Ce n’est pas la même chose que la « venue » du Seigneur pour nous prendre à Lui. Quand Il viendra, les saints morts ressusciteront et les saints vivants seront transmués ; ce n’est pas là « le jour du Seigneur », et jamais cet événement n’est ainsi nommé dans les Écritures. Il est un chapitre (2 Pier. 3) qui semble présenter quelque difficulté ; mais elle ne provient, en réalité, que de la confusion où l’on se trouve, car tout devient clair dès que l’on distingue les deux phrases et les pensées dans l’un comme dans l’autre passage. Ce que disent les moqueurs des derniers jours, c’est «  est la promesse de son avènement ? » etc. La réponse de l’Esprit de Dieu est celle-ci, que le jour du Seigneur viendra, qu’il viendra comme un voleur dans la nuit pour juger la méchanceté sur la terre. Ils ne font aucun cas des chrétiens qui nourrissent cette brillante espérance, la venue de leur Maître ; eh bien, le Saint Esprit les menace du terrible jour du Seigneur. Le Seigneur ne nous est jamais présenté sous l’image d’un voleur venant dans la nuit, excepté quand il est nettement question de jugement, comme c’est le cas à propos de Sardes (Apoc. 3). En 1 Thessaloniciens 5, l’Esprit se sert de la comparaison du voleur, en parlant du jour du Seigneur prêt à tomber sur le monde, et non par rapport aux saints qui attendent Christ.

La vérité vraie, c’est que l’expression « la venue du Seigneur » peut s’appliquer à Sa présence avant qu’Il soit manifesté à tout œil, tandis que « le jour du Seigneur » désigne cette parole et cet aspect de Son action qui inflige un juste châtiment au monde et nous Le présente comme jugeant en équité. C’est là le jour du Seigneur, jour de ténèbres et de ruine pour les pécheurs ; il n’y a pas un mot touchant la résurrection des justes qui sont morts, ni de la transmutation des vivants ; tous les traits propres au Nouveau Testament, vous les trouverez là et là seulement. Dans l’Ancien il y a la conduite du Seigneur vis-à-vis d’Israël, dont Il juge la méchanceté, mais qu’Il finit par bénir, et Son long support à l’égard des Gentils jusqu’à ce qu’arrive le jour de la visitation. Ceci explique le langage d’Ésaïe 13. L’Esprit de Dieu a en vue le jugement du monde entier par le Seigneur, c’est pourquoi ce jugement est appelé « la journée de l’Éternel ». Ce sera le terme de l’intervalle pendant lequel l’homme est laissé libre de faire sa propre volonté et de se glorifier. Ce sera la manifestation des voies morales de Dieu lorsque tout ce qui est élevé sera abaissé, et que le Seigneur et les humbles qu’Il aime seront exaltés à jamais. Dès l’instant que l’Esprit de Dieu entrevoyait ce jour, c’en était assez pour faire de Babylone vouée à la destruction, l’objet d’une intervention toute prochaine de Dieu. La vérité de la prophétie était de la sorte attestée par un accomplissement partiel à cette époque même. Babylone servait la première d’exemple comme auparavant Sodome et Gomorrhe. Si, physiquement, ce n’était pas d’une manière manifeste un jugement divin, moralement, c’était un événement prodigieux qui imprimait un cours tout nouveau à l’histoire du monde. La chute de la Perse n’était, en aucune manière, un type du jugement final réservé au monde ; la ruine de la Grèce n’avait non plus aucune signification à cet égard. Le jugement de Rome aura ce caractère, il est vrai, mais il est encore futur. Elle a passé comme les autres par des secousses répétées et a été à deux doigts de sa perte, mais elle s’est toujours relevée. Le jour vient où Rome reprendra sa splendeur et son prodigieux pouvoir, alors qu’elle sera le centre d’un empire restauré ; mais ce ne sera que pour recevoir son arrêt final des mains de Dieu. La destruction passée de Babylone est un type de celle de Rome. Quand Babylone tomba, les enfants d’Israël furent délivrés ; il n’y eut rien de semblable lorsque la Perse fut assujettie à la Grèce ou la Grèce à Rome.

Ainsi la chute de la première des grandes puissances gentiles typifie celle de la dernière, alors qu’Israël sera définitivement affranchi, converti, délivré spirituellement aussi bien que comme nation, et sera, par cela même, établi le représentant de la gloire de Jéhovah sur la terre.

Aussi, dans le chapitre suivant (14), l’Esprit de Dieu annonce-t-Il la délivrance d’Israël. La liaison est naturelle. Le renversement de Babylone implique l’émancipation d’Israël. Ce fait a donc beaucoup plus d’importance que l’histoire de toute autre puissance ; le passé de Babylone figure simplement la chute de ce vaste pouvoir qui lui a succédé, et qui tient jusqu’au bout les Juifs « dans l’esclavage et reste maître de la sainte cité ». Les Israélites doivent avoir pour serviteurs ceux-là mêmes auxquels ils obéissaient. Dès l’instant que cette gloire est réservée à Israël et cette merveilleuse délivrance aux Juifs, on comprend comment « elle se moquera du roi de Babylone ». Car il n’est question de nul autre que de la dernière tête de la bête, comme Nebucadnetsar était la première. Quoique le roi de Babylone représente le personnage qui à la fin tiendra les Juifs en captivité, ce serait se tromper gravement que de s’imaginer que ce sera un roi de la Babylone du pays de Shinhar. Je rappelle cette idée uniquement pour montrer qu’elle repose sur un principe erroné. Beaucoup de gens pensent que la Babylone d’autrefois sera rétablie aux derniers jours. Ils admettent qu’il y aura à la lettre une autre cité dans la plaine de Shinhar. Je crois cette opinion essentiellement fausse. Le Nouveau Testament nous décrit la physionomie de la Babylone à venir, et la ville de l’Apocalypse contraste étrangement avec la cité chaldéenne. Celle-ci était bâtie dans une plaine ; la Babylone future sera assise sur sept montagnes. Ainsi, tout homme d’une instruction ordinaire devrait comprendre quel sera l’emplacement de la Babylone à venir. Il n’y a qu’une ville qui réponde proverbialement à ce caractère, parmi les Gentils, les Juifs et les chrétiens. Partout elle a acquis une désignation d’après la circonstance, à tel point que si l’on parle de la cité aux sept collines, on trouverait difficilement un enfant tant soit peu bien élevé qui ne répondît : « Ce doit être la célèbre ville de Rome ». C’est là la cité qui doit aux derniers jours acquérir le même genre d’importance que Babylone possédait au commencement du siècle. Le siècle a commencé avec Babylone et finira avec le personnage appelé dans l’Apocalypse « la Bête ». Dans le livre de Daniel figurent quatre bêtes ; mais l’une d’elles est appelée « la Bête », comme étant la dernière qui existât ; et si elle a disparu, c’est pour reparaître une fois encore avant le jugement. Dieu fait du vieil ennemi le type de celui qui doit plus tard s’élever contre Son peuple. Le dernier représentant de la puissance de Babylone figure donc celui qui jouira d’un pouvoir analogue contre les saints de Dieu aux derniers jours. Au chapitre 17 de l’Apocalypse le principe général est excessivement clair, sans la supposition forcée d’une métropole en Chaldée où l’homme devrait non seulement bâtir la ville, mais avant tout créer sept collines. Un autre point que mentionne le Saint Esprit, c’est le gouvernement de la ville sur les rois de la terre, et non le contrôle exercé sur l’empire sous le symbole de la femme qui monte la Bête. — Enfin la Babylone apocalyptique est caractérisée par son passage du paganisme à l’anti-christianisme. Les déclarations d’Ésaïe nous donnent la clef de ce que nous rencontrons dans la Révélation de Jean. Il serait difficile de dire que le langage si expressif des versets 12-14 ait eu sa pleine et parfaite application dans la personne de Nebucadnetsar ou celle de Belshatsar. Il y avait chez l’un l’orgueil et une confiance illimitée en soi-même, et chez l’autre la dégradation et une luxure profane ; mais la description de ce passage ne se vérifiera bien qu’à la fin des jours et pas avant. Après avoir occupé une place si élevée, le superbe doit être abaissé comme jamais monarque babylonien ne l’a été (v. 15).

Je ne m’appesantis sur le reste du chapitre que pour noter la déclaration contenue dans les versets 24, 25. Quelques interprètes supposent que le roi de Babylone et l’Assyrien sont une seule et même personne ; c’est une erreur générale, surtout parmi les savants. Il est clair que le dernier état est quelque chose qui est ajouté à la chute de la Babylone déjà jugée. Vient alors l’Assyrien, avec lequel le Seigneur agit dans Son pays d’une manière sommaire. Ceci s’accorde parfaitement avec ce qu’on peut recueillir d’autres parties de la Parole de Dieu.

Si nous jetons maintenant un regard sur l’histoire passée d’Israël, nous verrons l’Assyrien venir le premier, son armée détruite, et lui-même renvoyé dans son pays pour y être massacré par ses fils rebelles dans la maison de son dieu. L’étonnante destruction de ses troupes symbolisait la chute de « l’Assyrien » aux derniers jours, et pas autre chose. C’était longtemps avant que Dieu eût permis à Babylone d’occuper le premier rang. Ce fut après la disparition de Ninive que Babylone obtint la suprématie. L’Assyrien n’était jamais parvenu à la domination du monde, mais Babylone l’obtint, en qualité de chef établi de Dieu, après que la royale maison de David fut devenue un appui de l’idolâtrie, suivant le peuple de Dieu dans ce qu’il aimait, l’abomination des païens. Dieu invita le roi de Babylone à prendre le sceptre du monde, ce qu’il fit. Babylone fut toujours renommée pour ses nombreuses idoles ; et puisque celui que Dieu s’était choisi pour témoin était devenu idolâtre, le plus méchant pouvait bien avoir la suprématie aussi bien que le meilleur. C’est ainsi que Babylone fut élevée au gouvernement du monde. Cela arriva, de fait, postérieurement à la destruction de l’Assyrien, que nous avons vue dans d’autres chapitres (8 et 10). Ici, au contraire, Babylone est jugée en premier lieu ; puis vient l’Assyrien qui est frappé dans le pays du peuple de Dieu. Pourquoi cela ? Parce que le Saint Esprit prend ici les circonstances de l’Assyrien aussi bien que celles du roi de Babylone, non comme une histoire des temps passés, mais comme un tableau de ce qui doit avoir lieu aux derniers jours ; or, aux derniers jours, le pouvoir représenté par Babylone sera détruit le premier, après quoi celui que figure l’Assyrien sera renversé à son tour. Ceci est en complète harmonie avec la description typique ou prophétique des derniers jours ; au lieu que si vous le limitez au passé, il ne s’y adapte qu’imparfaitement et on ne peut le bien comprendre. Tandis que l’Esprit de Dieu fait passer l’Assyrien après Babylone, il est certain qu’autrefois l’Assyrien fut le premier en date, Babylone ne vint qu’ensuite. Bientôt Babylone sera frappée sous le règne du dernier représentant de la puissance de la Bête, et cela en rapport avec les Juifs ; la puissance qui répond au roi d’Assyrie viendra après, alors que Dieu s’occupera des dix tribus d’Israël.

Que le Seigneur daigne nous rendre capables de mettre à profit toute l’Écriture, en usant pour notre instruction et notre affermissement, aussi bien que pour notre rafraîchissement et pour notre joie ! Tout contribue à nous montrer que les jouissances et les honneurs mondains auront pour dénouement la destruction et un amer désappointement. Notre affaire est de travailler à l’œuvre que le Seigneur nous confie. Il sauve les âmes pour qu’elles soient unies à Christ dans le ciel. Notre responsabilité consiste à poursuivre dans le sens de Ses pensées de miséricorde envers les pécheurs, et de Son amour pour ceux qui sont attachés au nom de Son Fils.

Chapitres 14, 28 à 16. — La division des chapitres est ici singulièrement malheureuse ; les cinq derniers versets du chapitre 14 forment une section à part, et les deux chapitres suivants embrassent le même sujet. Ce qui ajoute à la confusion, c’est l’insertion du signe du nouveau paragraphe au verset 29 du chapitre 14[1], tandis que le verset 28 fait partie réellement de la nouvelle charge, non contre Babylone ou l’Assyrien, mais du jugement de Dieu contre les Philistins.

« L’année en laquelle mourut le roi Achaz, cette charge-ci fut mise en avant. Toi, toute la contrée des Philistins, ne te réjouis point de ce que la verge de celui qui te frappait a été brisée, car de la racine du serpent sortira un basilic et son fruit sera un serpent brûlant qui vole ». La mort d’Achaz pouvait naturellement exciter les espérances des Philistins qui avaient été tenus assujettis sous la forte main de son grand-père Ozias. Il est écrit de celui-ci en 2 Chroniques 26, 4, qu’« il fit ce qui est droit devant l’Éternel, comme avait fait Amatsia son père. Il s’appliqua à rechercher Dieu pendant les jours de Zacharie, homme intelligent dans les visions de Dieu : et pendant les jours qu’il rechercha l’Éternel, Dieu le fit prospérer ; car il sortit et fit la guerre contre les Philistins, et fit une brèche à la muraille de Gath et à la muraille de Jabné et à la muraille d’Asdod ; et il bâtit des villes dans le pays d’Asdod et parmi les autres Philistins. Et Dieu lui donna du secours contre les Philistins et les Arabes qui habitaient à Gur-Baal, et contre les Maonites. Et même les Ammonites donnaient des présents à Ozias ; de sorte que sa réputation se répandit jusqu’à l’entrée d’Égypte, car il s’était rendu fort et puissant ». — Or, maintenant, non seulement Ozias mais Achaz étaient morts. « La verge de celui qui frappait » le pays des Philistins était brisée. L’ennemi avait appris à mépriser Juda pendant les jours de l’infidèle Achaz. « Car le Seigneur avait humilié Juda à cause d’Achaz roi d’Israël, parce qu’il avait dépouillé Juda et avait transgressé les commandements de l’Éternel ». Qui était son fils pour qu’ils eussent peur de lui ? Qu’ils ne se hâtent pourtant pas trop de triompher, car « de la racine du serpent sortira un basilic et son fruit sera un serpent brûlant qui vole ». Cette menace commença à s’accomplir sous le règne d’Ézéchias dont il est rapporté (2 Rois 18, 8) qu’« il frappa les Philistins jusqu’à Gaza et ses confins depuis les tours des gardes jusqu’à la forteresse ».

Mais je ne vois pas pour quel motif on supposerait que cette charge fait exception au reste, alors surtout que l’énergie du langage désigne une destruction plus terrible que celle infligée par ce pieux roi de Juda. Son parfait accomplissement aura lieu par conséquent aux derniers jours. C’est alors réellement qu’on verra la double application du pouvoir divin, quand, d’un côté, les plus misérables seront repus et les pauvres reposeront en assurance, et que, de l’autre, Jéhovah non seulement brisera la verge, mais tuera la racine de la Philistie par la famine, et détruira ce qui sera resté en elle. Au verset suivant (31), le prophète éclate avec une ardente animation ; il invite la porte à hurler et la ville à crier : « Toi, tout le pays des Philistins, sois comme une chose qui s’écoule ; car une fumée viendra de l’aquilon, et il ne restera pas un seul homme dans ses habitations ». Ainsi, voilà les Philistins sous le coup de la menace d’une force écrasante, extraordinaire, qui balaiera tout sur son passage. Ici encore, la fin est une promesse de délivrance pour les Juifs pieux : « Que répondra-t-on aux ambassadeurs de cette nation ? On répondra que l’Éternel a fondé Sion, et que les affligés de son peuple se retireront vers elle ».

Les chapitre 15 et 16 renferment la charge de Moab. Quel tableau de désolation et de malheur d’autant plus senti qu’il est inattendu et soudain ! Les Philistins n’avaient pas plus offensé Dieu en se réjouissant des calamités survenues à Israël, que les Moabites par leur suprême arrogance et leur confiance illimitée dans leurs propres forces. « Parce que Ar de Moab a été ravagée de nuit, il (Moab) a été défait, parce que Kir de Moab a été ravagée de nuit, il a été défait » (15, 1). Telle me paraît être la portée exacte de ce verset. Ainsi affaiblis par la perte de leurs places fortes, surprises l’une après l’autre à leur grande consternation, les Moabites sont supposés monter dans leurs hauts lieux pour y pleurer, avec les signes d’une profonde et universelle affliction, tant en public qu’en particulier, et cela à tel point que, aux confins du pays, les soldats eux-mêmes jettent des cris lamentables tout comme le sexe le plus faible (v. 2-4). Le prophète ou celui qu’il personnifie ne peut s’empêcher d’être attristé à l’aspect des malheurs de Moab, et il continue à décrire la désolation, la misère et le carnage jusqu’à la fin du chapitre.

Au commencement du chapitre 16, Moab est engagé à envoyer l’agneau au dominateur de la terre, du rocher du désert à la montagne de la fille de Sion. Ceci semble se rapporter au tribut qu’il payait autrefois. Après que David l’eut subjugué, il envoyait des présents à ce roi. « Il battit aussi les Moabites, et les mesura au cordeau, les faisant coucher par terre : et il en mesura deux cordeaux pour les faire mourir, et un plein cordeau pour leur donner la vie sauve ; et le pays des Moabites fut à David, sous cette condition qu’ils lui seraient sujets et tributaires » (2 Sam. 8, 2). En avançant dans leur histoire, nous trouvons que le roi de Moab possédait de grands troupeaux, et avait coutume de payer au roi d’Israël un tribut de cent mille agneaux, et d’autant de moutons avec leur laine. Le prophète semble vouloir rappeler à Moab cette obligation, le menaçant autrement de calamités plus grandes encore prêtes à fondre sur ses filles (v. 2). « Mets en avant le conseil, fais l’ordonnance, sers d’ombre comme une nuit au milieu du midi ; cache ceux qui ont été chassés et ne décèle point ceux qui sont errants. Que ceux de mon peuple qui ont été chassés séjournent chez toi, ô Moab ! Sois-leur une retraite contre celui qui fait le dégât ; car celui qui usait d’extorsion a cessé, le dégât à pris fin ; ceux qui foulaient sont consumés de dessus la terre. Et le trône sera établi par la gratuité, et sur ce trône sera assis en vérité, dans le tabernacle de David, quelqu’un qui jugera, qui recherchera le droit, et qui se hâtera de faire justice » (v. 3-5). Le prophète dans son second avertissement touche à l’horrible péché par lequel Moab a offensé l’Éternel. Avait-il donné un refuge à ceux qui avaient été chassés d’Israël ? Ou bien avait-il pris avantage de leur état de détresse pour les frapper et les trahir ? L’esprit prophétique contemple à travers Ézéchias, le vrai fils de David, lequel régnera en justice alors que le dernier oppresseur et spoliateur sera venu à sa fin.

Les versets qui suivent (6-12) décrivent une fois de plus l’orgueil de Moab et sa chute humiliante, lorsque, en dépit de sa fierté, « Moab hurlera sur Moab, chacun hurlera » et que la campagne rivalisera avec les villes, en étendue de dévastation. Le prophète pleure de nouveau à l’aspect de l’infortune de l’ennemi autrefois superbe, qui prie dans son sanctuaire, et qui « ne peut rien obtenir ».

Le verset suivant montre que, quelle que soit la pesanteur de cette charge sur Moab, « dans trois ans, tels que sont les ans d’un mercenaire (c’est-à-dire, je suppose, exactement comptés, comme on le ferait dans une position semblable), la gloire de Moab sera avilie, avec cette grande multitude, et le résidu sera petit, ce sera peu de chose ». Que ceci ait été accompli à la lettre, c’est ce que ne saurait mettre en doute le croyant, bien que nous ignorions de quelle manière le fait s’est opéré, si ça été par le moyen du roi de Juda, ou par l’Assyrien.

Il est inutile d’ajouter que l’accomplissement littéral de la prophétie aura lieu lors de la grande crise future ; il est certain en effet que le dernier roi du Nord tombera sur Moab, et que les enfants d’Israël sous leur Messie mettront les mains sur lui. Comparez Ésaïe 11, 14, avec Daniel 11, 41. Rien ne prouve plus clairement que, tout ignorés ou peu connus qu’ils soient maintenant, il restera des représentants de cette nation à la fin du siècle pour prendre part à la suprême catastrophe, humiliante pour l’homme, mais qui tournera à la gloire de Dieu, lorsque le peuple élu sera en entier sauvé, rétabli par la miséricorde divine dans le pays de son héritage, et jouira de la suprématie qui lui a été promise.

Chapitre 17. — Si nous admettons que ces prophéties, quelque accomplissement qu’elles puissent avoir reçu dans le passé, ont pour centre le jour du Seigneur, de quelle manière pourrons-nous lever la difficulté qui a trait aux divers peuples et aux villes qui jadis firent souffrir Israël ? Comment devons-nous expliquer que ces prophéties ont en vue un jour futur, alors que nous voyons que ces peuples n’existent plus, ou qu’il n’en reste que d’imperceptibles débris ? Nous répondons que la même difficulté s’applique à Israël. Nul ne sait avec clarté ou certitude où sont les dix tribus ; il ne semble pas non plus que ce soit l’affaire de personne de s’en préoccuper à l’avance. Laissons-les dans l’obscurité dans laquelle Dieu a jugé bon de les mettre. Nous savons, si nous croyons Sa Parole, que, aussi sûrement qu’Il a préservé le résidu dispersé des dix tribus, aussi sûrement Il amènera de leurs retraites les descendants des dix. Nous savons que non seulement les Juifs proprement dits doivent être rétablis, mais aussi l’antique nationalité d’Israël. C’est à cela que les douze tribus espèrent parvenir (Act. 26, 7). Les douze tribus formant une seule nation dans le pays, et un seul et même roi régnera sur elles toutes. « Il n’y aura plus deux nations, et elles ne seront plus jamais divisées en deux royaumes ». Toutes les promesses seront accomplies jusqu’au dernier trait de lettre. L’Écriture ne peut pas être anéantie.

Alors même que nous n’ayons pas vu de signes, pourquoi douter ? Avons-nous besoin de semblables preuves ? C’est démontrer la faiblesse de notre foi que de demander un signe. La Parole de Dieu est la meilleure assurance ; sachons nous reposer sur elle.

Si Dieu a déclaré qu’il en sera ainsi, nous sommes en droit d’attendre qu’Il fera sortir les dix tribus de leurs retraites, qu’Il les arrachera aux lieux dans lesquels elles ont péché, et qu’Il les purifiera. Nous sommes loin de connaître à fond même le petit globe sur lequel nous vivons. Certaines parties du monde étaient autrefois bien mieux connues qu’elles ne l’ont été plus tard, jusqu’à ces derniers temps. De récentes découvertes, par exemple, confirment les descriptions que des auteurs anciens ont laissées sur l’Afrique et le centre de l’Asie. Les dix tribus peuvent fort bien habiter quelqu’une de ces contrées à peine explorées, ou surgir tout à coup du sein d’une nation avec laquelle elles se sont longtemps confondues ; nous ne sommes pas tenus de préciser le pays qu’elles habitent. Dieu a promis de les ramener dans leur pays, et cela d’une manière spéciale : elles doivent de nouveau traverser le désert ; là, elles seront débarrassées des transgresseurs qu’elles renfermeront dans leur sein, et qui n’atteindront jamais le pays, au lieu d’y être détruits, comme les Juifs apostats. La destinée des dix tribus diffère donc entièrement du sort des deux. Il ne sera pas plus difficile à Dieu de faire concourir les événements à ces deux fins que de circonscrire dans les limites qui Lui conviendront les descendants des Gentils, ces anciens ennemis de Son peuple, soit au près, soit au loin. Le fait est que c’est le même principe de foi qui accepte et explique les deux choses, de même que c’est l’incrédulité qui trouve là-dedans une difficulté. Ces remarques sont applicables à la plupart de ces chapitres.

Il y a ensuite des personnes qui se méprennent étrangement sur la portée des images hardies des prophètes, comme s’ils les employaient pour présenter les sujets qu’ils traitent sous une forme énigmatique, sinon ambiguë. C’est une grande erreur. Leur but n’est pas de voiler le sens de leurs déclarations, mais bien de les rendre plus expressives et plus énergiques. Des hommes, qui s’efforcent de détourner les chrétiens de l’étude des prophéties, insistent sur ces métaphores, comme si leur emploi suffisait à démontrer jusqu’à l’évidence que leur signification est douteuse. Rien n’est plus contraire à la réalité : les auteurs inspirés ont eu recours, comme les auteurs profanes, à une espèce de licence poétique pour illustrer, rendre sensible, et renforcer par des images la portée de leurs déclarations, mais dans aucun cas en vue de mystifier leurs auditeurs ou leurs lecteurs. Chez eux les figures ont un sens aussi précis, et seulement plus fort, que les expressions simples, littérales. Les entretiens eux-mêmes de la vie ordinaire abondent en métaphores et en similitudes ; qu’y a-t-il d’extraordinaire à ce que le caractère poétique des prophéties fournisse l’occasion d’en faire un usage plus fréquent ?

De plus la difficulté de comprendre les Écritures consiste moins dans leur style figuré que dans la profondeur même des pensées. Il n’est peut-être pas dans la Parole de Dieu de chapitre plus profond que le premier de saint Jean. Et pourtant ce dont on y est frappé tout d’abord, c’est l’excessive simplicité du langage de l’apôtre. Aussi dans certains endroits les professeurs de grec ont-ils l’habitude de mettre son évangile entre les mains des élèves qui commencent à étudier cette langue. Malgré cela, on ne trouverait pas dans les livres saints de révélation ou d’exposé de la vérité plus substantiel, plus rempli de grandes et profondes pensées, plus propre à pénétrer d’admiration le lecteur réellement spirituel, quelle que soit la grâce qui y est déployée en Christ. Ces réflexions prouvent combien dénuée de fondement est l’idée qu’il ne s’agirait ici que d’une pure question de mots. La difficulté gît moins dans l’obscurité du langage que dans les hautes vérités que proclament les écrits sacrés ; elle provient surtout de nos ténèbres morales, de notre défaut de familiarité avec la pensée de Dieu, de ce que nous jugeons selon l’apparence, à l’aide de notre esprit ou de nos sentiments naturels, au lieu de recevoir les choses d’en haut, et de lire la Parole inspirée à la lumière de Christ. Loin d’être la partie la moins intelligible des Écritures, les prophéties sont beaucoup plus aisées à interpréter qu’on ne se l’imagine communément. Il importe avant tout de commencer par y croire ; l’intelligence vient ensuite, et cela rapidement. S’il est permis de comparer entre elles les diverses parties des Écritures, il demeure hors de doute que le Nouveau Testament contient les plus profondes des révélations divines ; et dans le Nouveau Testament, il n’est pas de livres qui nous aident plus que ceux de saint Jean à pénétrer dans la connaissance de ce que Dieu est ; eh bien ! qui oserait soutenir que, parmi les écrits de saint Jean, les épîtres, l’évangile soient moins profonds que l’Apocalypse ? Personne, j’en suis convaincu, à moins qu’on ne les ait étudiés trop superficiellement pour pouvoir prononcer un jugement autorisé.

Ce qui précède peut amener quelque âme à examiner les prophéties dans un esprit plus enfantin, se souvenant toujours que Dieu regarde en avant à la grande crise qui doit précéder le jour du Seigneur. Il pense à Son Fils bien-aimé ; et ce qui donne de l’importance aux prophéties, c’est qu’elles déroulent la scène de Ses intérêts. Les Juifs sont le peuple duquel le Seigneur Jésus daigna naître selon la chair ; ils ont manifesté ce qu’ils étaient pour Lui. Il Lui reste à démontrer ce qu’Il veut être pour eux. Il se propose d’avoir un peuple terrestre (Israël), aussi bien qu’un peuple céleste (l’Église) pour Sa gloire. La Parole de Dieu ne vise à rien moins que cela ; si ce n’est pas accompli, ce n’en est pas moins toujours dans les desseins de Dieu, lesquels ont déjà été en partie réalisés. De là découle le principe pour l’interprétation de toute la prophétie : elle doit être à la gloire du Seigneur Jésus dans Ses relations avec Israël et les nations sur la terre. Je parle des prophéties de l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament revêt un autre caractère : son sujet est le Seigneur Jésus en rapports avec la chrétienté, mais confirmant aussi, en outre, les oracles relatifs à Israël.

Ceci peut expliquer pourquoi le Seigneur, dans le champ prophétique, attache de l’importance à une petite localité ou à une petite nation. Israël était d’une grande valeur à Ses yeux à cause du Messie ; et Ses propres conseils ne sont pas morts s’ils dorment. C’est pour ce motif également que du jour où Dieu retirera le voile de dessus Son ancien peuple d’Israël, les vieux antagonistes de celui-ci commenceront à reparaître. Il y a là quelque chose qui m’intéresse profondément. De même qu’il y a une résurrection pour chaque individu, et que le corps doit ressusciter pour que soit manifesté tout ce qui a été fait dans le corps, car c’est par le corps que l’âme agit, ainsi en sera-t-il de ces nations. C’est une destinée analogue : elles reparaîtront en même temps qu’Israël, et Dieu les distinguera d’après leurs noms primitifs, et non d’après ceux qu’elles pourront avoir portés dans la marche de l’histoire de l’humanité. Le Seigneur remontera aux origines ; et en conséquence, ce que nous avons, c’est leur jugement rattaché avec les derniers jours, et non pas seulement celui qui est tombé sur elles depuis longtemps déjà. Elles vont jusqu’à la fin. Quelques prophéties peuvent avoir reçu leur accomplissement dans le passé plus entièrement que d’autres, mais, cette différence admise, toutes elles envisagent l’avenir.

La dernière génération fera comme ont fait les pères ; alors aura lieu le jugement. C’est ainsi que Dieu en agira avec les nations. Elles manifesteront la même inimitié pour Israël, le même orgueil envers Dieu, qu’auparavant. Ce principe peut paraître rigoureux à quelques-uns, mais il est on ne peut plus juste. Si un enfant a grandi connaissant le déshonneur de son père, l’opprobre et le châtiment qui l’ont frappé, ne devrait-il pas éprouver, pour peu qu’il existe de la droiture dans son cœur, une répulsion particulière pour le péché de l’auteur de ses jours ? Il devrait avoir constamment présent à l’esprit le souvenir de ce malheur. Mais s’il tournait la chose en plaisanterie, et qu’il en prit occasion pour marcher dans la même voie, ne serait-il pas de toute justice qu’il fût condamné à un châtiment plus sévère encore, puisqu’il avait pour le retenir, non seulement la voix de la conscience universelle, mais aussi, dans sa propre famille, un exemple frappant, qui aurait dû parler à son cœur d’enfant et exercer sur sa conduite une profonde influence ?

C’est là précisément le principe des voies de Dieu dans Son gouvernement. L’homme doit tenir un compte sérieux des événements passés ; et Dieu qui agit justement, jugera l’homme suivant l’expérience qu’il aurait dû acquérir. Les leçons du passé sont un avertissement pour l’avenir. Les nations dont nous nous sommes entretenus, apparaîtront donc de nouveau, et au lieu de tirer enseignement et profit des exemples de leurs pères, elles suivront exactement la même route, et feront une nouvelle tentative pour détruire le peuple de Dieu.

C’est ce que nous voyons en Ésaïe 17. Damas, situé au nord de la Terre sainte, était une cité très ancienne et très renommée de la Syrie (voir Genèse 15). Elle n’est plus à cette heure qu’un monceau de ruines — les villes environnantes ne sont que des parcs de brebis (v. 1-2). Et de même qu’autrefois la Syrie et Éphraïm conspirèrent à leur propre ruine contre le royaume du fils de David, de même encore le trait remarquable de ce jugement est que le Seigneur en agira avec Son peuple aussi bien qu’avec leur ancien allié. Il n’y aura point de forteresse en Éphraïm, ni de royaume à Damas, ni dans le reste de la Syrie. Ils seront comme la gloire des enfants d’Israël, dit l’Éternel des armées. Et il arrivera en ce jour-là que la gloire de Jacob sera diminuée, et que la graisse de sa chair sera fondue. Et il en arrivera comme quand le moissonneur cueille les blés, et qu’il moissonne les épis avec son bras ; il en arrivera, dis-je, comme quand on ramasse les épis dans la vallée des Rephaïm. Il fera le recensement de tous les scandales et punira les transgresseurs ; Il fera servir leur inimitié à nettoyer l’aire du pays d’Israël  ; Il agira en jugement avec Son peuple. Les nations peuvent se bercer du trompeur espoir qu’elles feront du mal à Israël ; mais leur conspiration sera une attaque dirigée contre Dieu, qui la fera tourner au bien des siens. Cela nous est présenté dans ce passage : « Mais il y demeurera quelques grappillages, comme quand on secoue l’olivier et qu’il reste deux ou trois olives au bout des plus hautes branches, et qu’il y en a quatre ou cinq que l’olivier a produites dans ses branches fruitières, dit l’Éternel, le Dieu d’Israël. En ce jour, l’homme tournera sa vue vers celui qui l’a fait, et ses yeux regarderont vers le Saint d’Israël. Et il ne jettera plus sa vue vers les autels qui sont l’ouvrage de ses mains, et il ne regardera plus ce que ses doigts auront fait, ni les bocages, ni les tabernacles » (v. 6-8).

Il est bien évident par là qu’il s’exercera alors, dans le pays d’Israël, un jugement qui distinguera entre les uns et les autres. Comparez chapitre 28, qui renferme la description du fléau débordant. « En ce jour les villes de sa force qui auront été abandonnées à cause des enfants d’Israël, seront comme un bois taillis et des rameaux abandonnés, et il y aura désolation. Parce que tu as oublié le Dieu de ton salut, et que tu ne t’es point souvenue du rocher de ta force, à cause de cela tu as transplanté des plantes tirées de lieux de plaisance et tu as planté des provins d’un pays étranger. De jour tu auras fait croître ce que tu auras planté, et le matin tu auras fait lever ta semence ; mais la moisson sera enlevée au jour que l’on voulait en jouir, et il aura une douleur désespérée » (v. 9-11). Mais ensuite arrive la rétribution. « Malheur à la multitude de plusieurs peuples qui bruient comme bruient les mers, et à la tempête éclatante des nations qui font du bruit comme une tempête éclatante d’eaux impétueuses. Les nations grondent comme grondent les grandes eaux… Il les menace, et elles fuient au loin, chassées comme la balle des montages au souffle du vent, comme la poussière par un tourbillon. Quand vient le soir, voici, c’est une ruine soudaine ; avant le matin, il n’y a plus personne. Telle est la part de ceux qui nous dépouillent, tel est le sort de ceux qui nous pillent » (v. 12-14). À quelle époque ces prédictions ont-elles reçu leur accomplissement, depuis qu’Ésaïe les a proférées ? Quand les nations se sont-elles ainsi rassemblées et ont-elles été dispersées ? C’est au contraire Israël qui a été brisé et semé aux quatre vents des cieux. Il n’est pas question ici d’une nation victorieuse du peuple de Dieu, mais d’un rassemblement de toutes les nations qui n’attendent que le matin pour engloutir Israël ; mais avant le matin, elles ne sont plus. Certainement cela aura lieu, car la bouche de l’Éternel a parlé.

Chapitre 18. — Le chapitre que nous abordons se rattache à la ruine des nations, prédite à la fin de la section précédente, et forme cependant une scène assez distincte pour qu’elle mérite une place à part. Il en est un appendice profondément intéressant, d’autant qu’il est étranger à la nouvelle charge par laquelle s’ouvre le chapitre 19, et qui distingue le jugement de l’Égypte du sujet que nous avons sous les yeux. Ce point est à noter, car certains chrétiens, entre autres Vitringa, ont faussement supposé que l’Égypte est « le pays qui fait ombre avec des ailes », du verset 1, que les Égyptiens sont le peuple auquel le message est envoyé (v. 2) et qui doit apporter des offrandes à l’Éternel (v. 7). Que le lecteur ne soit point surpris de cette confusion chez un commentateur si savant et si distingué, car c’est à peine s’il se trouve dans Ésaïe une portion qui ait donné lieu à des vues plus divergentes et à plus d’erreurs manifestes de la part d’hommes distingués, depuis Eusèbe de Césarée (qui voyait dans ce passage la Judée aux temps apostoliques envoyant l’évangile au monde entier, interprétation fondée, sur le ἀποστελλων… ἐπίστολὰς βιϐλίνας des Septante), jusqu’à Aria Montanus qui l’appliquait à l’Amérique convertie à Christ par la prédication et les armes des Espagnols.

La saine intelligence du chapitre dépend de l’idée que c’est la nation juive qu’ont en vue les versets 2 et 7, et cela, non aux jours de Sankhérib, mais au moment de la crise future. Quelques expressions, surtout au verset 1, peuvent être obscures, mais la pensée générale est d’une grande clarté et d’un puissant intérêt.

« Le pays qui fait ombre (ou qui bruit) avec des ailes, qui est au-delà des fleuves de Cush » (c’est-à-dire au-delà du Nil et de l’Euphrate), désigne une contrée en dehors des limites de ces nations qui, jusqu’aux jours du prophète, avaient menacé Israël ou avaient eu à faire avec lui. L’Égypte et l’Assyrie étaient les deux principales de ces puissances ; car il y avait un Cush asiatique aussi bien qu’un Cush africain. Le pays en question s’étend (il n’est pas nécessairement contigu, il peut être à une certaine distance), au-delà de ces deux contrées. Ce pays, comparativement éloigné, épouse la cause d’Israël ; mais sa protection doit être inefficace, quelques bruyantes que doivent être ses manifestations et ses tentatives. L’emploi du terme « ailes » pour suggérer l’idée d’un abri pour les opprimés et les faibles, est trop commun pour qu’il soit besoin de preuves.

Le second verset montre, en outre des traits qui viennent d’être allégués comme caractérisant ces futurs alliés des Juifs, qu’ils sont une puissance maritime ; en effet, ils envoient leurs messagers sur de légers vaisseaux (littéralement, des vaisseaux de « jonc » ou de « papyrus ») à la surface des eaux. Israël est l’objet de leurs préoccupations : « Allez, messagers rapides, vers la nation forte et vigoureuse, vers ce peuple redoutable depuis qu’il existe, nation puissante et qui écrase tout, et dont le pays est ravagé par les fleuves ». L’application de cette description à l’Égypte ou à l’Éthiopie a considérablement influé sur l’idée que l’on s’est formée d’après les épithètes employées ici, mais je ne vois pas de motif suffisant pour mettre en doute l’exactitude de notre version qui, en les attribuant à Israël, donne un sens clair et satisfaisant. La différence entre ce peuple et le pays mentionné dans le premier verset, qui envoie ses messagers et ses navires à la recherche du peuple dispersé, auparavant si formidable, mais ravagé récemment par un ennemi plein d’impétuosité, repose non sur des points insignifiants d’une critique de mots, mais sur la forme générale du contexte, que tout lecteur chrétien est à même d’apprécier dans sa propre langue.

Jusqu’ici nous avons vu l’intervention de ce pays innommé, dépeint comme le soi-disant protecteur d’Israël, et poursuivant, à l’aide de ses légers navires, sa bienveillante mission à la recherche de ce peuple dispersé.

Mais entre en scène quelqu’un qui arrête le zèle de l’homme (v. 3, 4). Il est fait appel à l’attention de tous ; de grands événements se préparent ; on en voit, on en entend les signes précurseurs : « Vous tous, habitants du monde et habitants du pays, sitôt que l’enseigne sera élevée sur les montagnes, regardez, et sitôt que le cor aura sonné, écoutez, car ainsi m’a parlé l’Éternel. Je me tiendrai tranquille, mais je regarderai sur mon domicile arrêté ». Dieu ne favorise pas cette entreprise. L’homme déploie de l’activité ; Jéhovah demeure tranquille et veille. « C’est comme la chaleur brûlante juste avant que brille l’éclair, comme la nuée de rosée au temps de la chaude moisson » ; il y a un intervalle de profond repos et d’attente, après les puissants efforts faits pour rassembler les Juifs sous le patronage de la nation maritime des versets 1 et 2. Tout avait semblé réussir ; mais qu’est l’homme sans Dieu ? « Mais avant la moisson, sitôt que le bouton sera venu en sa perfection et que la fleur sera devenue un raisin qui mûrit, il coupera les rameaux avec des serpes, et il ôtera les sarments, les ayant retranchés ». Ainsi le plan échoue entièrement. Tout paraissait annoncer un prompt rétablissement pour Israël et les espérances nationales semblaient être sur le point de se réaliser, lorsque Dieu est venu réduire tout à néant et laisser les anciennes passions des Gentils contre Israël se donner libre cours. Le résultat est qu’ils « seront tous abandonnés aux oiseaux de proie des montagnes et aux bêtes de la terre ; les oiseaux de proie passeront l’été sur leurs cadavres, et les bêtes de la terre y passeront l’hiver » (v. 5, 6).

Ce n’était pas le temps du Seigneur ; et pourtant ce l’était. Car, « en ce temps-là des offrandes seront apportées à l’Éternel des armées par le peuple fort et vigoureux, par le peuple redoutable depuis qu’il existe ; nation puissante et qui écrase tout, et dont le pays est ravagé par les fleuves ; elles seront apportées à la demeure de l’Éternel des armées, sur la montagne de Sion » (v. 7).

Ainsi sera châtié le présomptueux espoir de l’homme, aussi bien que les nouvelles manifestations de la fureur des nations qui voudraient faire une fois de plus leur proie du pauvre peuple de Jéhovah, mais Son peuple toujours aimé. Car aussi sûrement qu’elles s’efforcent de déchirer Israël, aussi sûrement Il apparaîtra au milieu de la désolation, et de Sa main puissante accomplira ce que l’homme tente aussi vainement d’opérer que d’empêcher. À cette même époque, les Juifs se donneront en offrande à Jéhovah ; ils ne viendront pas les mains vides, mais dépouillés d’eux-mêmes avec des cœurs humbles et reconnaissants envers le Seigneur, sur la montagne de Sion ; ils se réfugieront dans les bras de Son éternelle miséricorde, après avoir définitivement échappé à la fureur des Gentils.

Chapitres 19 et 20. — Le premier de ces deux chapitres renferme la charge de l’Égypte, suivie, dans le second, d’une action symbolique imposée au prophète en personne, en signe de l’assujettissement auquel doivent être réduites l’Égypte et l’Éthiopie. Le sens général en est tellement clair, que les explications demeurent superflues.

« Voici, l’Éternel est monté sur une nuée rapide ; il vient en Égypte ». Ainsi le prophète annonce hardiment, avec l’expression de la vérité morale, le renversement certain du grand royaume que la sagesse de l’ancien monde, une avilissante idolâtrie, et d’abondantes richesses avaient particulièrement signalé. À quoi serviront ces fameux remparts, ces fossés profonds qui les entourent, si Jéhovah vient, monté sur une nuée rapide, « et condamne l’Égypte à l’humiliation et à la ruine » ? Plus qu’impuissant sera l’appel aux fausses divinités, car « les idoles tremblent devant Lui, et le cœur des Égyptiens tombe en défaillance ». Des dissensions intestines et la guerre civile (v. 2) ajouteront leurs horreurs aux assauts triomphants du dehors ; et la ruine sera consommée par suite de conseils insensés, aussi bien que par l’abrutissement de tout l’esprit national, car en réponse au recours qu’ils auront à leurs vieux systèmes de superstition et de sorcellerie, Dieu les livrera aux mains de maîtres sévères et à la domination d’un roi cruel (v. 1-4).

Non seulement le Seigneur anéantira les fortifications du pays, mais Il détruira aussi ses appuis intérieurs, tout ce qui fait sa gloire et en quoi repose sa confiance. Car n’est-ce pas ici ce grand dragon d’Ézéchiel « qui se couche au milieu de ces fleuves et qui dit : Mon fleuve est à moi, et je l’ai fait pour moi » ? Oui, c’est bien le même, c’est bien de lui qu’Ésaïe parle dans cette prédiction : « Les eaux de la mer tariront, et le fleuve deviendra sec et aride ; les rivières seront infectes ; les canaux seront bas et desséchés ; les joncs et les roseaux se flétriront, ce ne sera que nudité le long du fleuve, à l’embouchure du fleuve ; tout ce qui aura été semé près du fleuve se desséchera, se réduira en poussière et périra. Les pêcheurs gémiront ; tous ceux qui jettent l’hameçon dans le fleuve seront attristés, et ceux qui étendent des filets sur les eaux se lamenteront. Ceux qui travaillent le lin peigné et qui tissent des étoffes blanches, seront dans la confusion. Les soutiens du pays seront dans l’abattement ; tous les mercenaires auront l’âme angoissée » (v. 5-10).

Au verset suivant, le prophète se met à censurer cette puissance orgueilleuse sur un point dont elle était particulièrement fière et qui faisait sa grandeur tant à ses propres yeux qu’à ceux des autres hommes. Qui n’a pas entendu parler « de la sagesse des Égyptiens » ? Qui ne sait que leur science et leur civilisation étaient très développées, alors que les nations les plus renommées de l’occident qui, les premières, aspirèrent à la souveraineté du monde, n’étaient pas encore sorties de leur ignorance et de leur sauvage barbarie ? « En vérité, les princes de Tsoan ont perdu la raison ; les sages ministres de Pharaon sont stupides dans leurs conseils. Comment osez-vous dire à Pharaon : Je suis fils des sages, fils des anciens rois ? » — « Où sont-ils tes sages, s’écrie le prophète dans son superbe défi, où sont-ils ? Qu’ils te fassent donc des révélations, et qu’ils te découvrent ce que l’Éternel des armées a résolu contre l’Égypte » (v. 11, 12).

Hélas ! que de gens sont encore plongés dans la même sécurité charnelle ! Que d’hommes de nos jours, à l’exemple des conseillers de Pharaon, se reposent sur leur propre habileté, trop sages pour saisir les solennelles déclarations de la prophétie, pas assez pour se préserver d’une folle superstition ou d’une incrédulité plus folle encore ! Les sages de la chrétienté n’ont-ils pas pour maxime que la prophétie ne peut pas être comprise jusqu’à ce qu’elle soit accomplie et que l’événement ait ainsi fixé son interprétation ? J’ose déclarer qu’on ne saurait avancer une idée moins raisonnable et plus positivement contraire à la Parole de Dieu. Parmi les fidèles de l’Ancien Testament, il n’en est aucun qui ne proteste contre cette coupable erreur ; car parmi eux tous, il n’en fut pas justifié un seul qui ne regardât en avant, se confiant pour son âme et pour tous ses intérêts spirituels en quelque chose qui était encore complètement renfermé dans le sein de l’avenir. Et les croyants de la nouvelle alliance seraient-ils appelés de Dieu à être moins fidèles, à moins réaliser ce qui est à venir, eux qu’éclaire une révélation incomparablement plus lumineuse ! Et ce serait nous, nous à qui Dieu a révélé par Son Esprit ce que l’un de Ses serviteurs les plus privilégiés d’autrefois appelait des choses que « l’œil n’avait point vues, que l’oreille n’avait point entendues, et qui n’étaient point montées au cœur de l’homme » ! Même en nous plaçant sur le terrain de la raison, de cette raison dont quelques-uns tirent tant vanité, que peut-il y avoir de plus contraire à cela, puisque Dieu a donné à Son peuple, c’est incontestable, une révélation prophétique ? Est-ce la seule portion des Écritures qui doive être mise au ban de l’intelligence humaine ? Un pareil scepticisme est dangereux, c’est une folie ; c’est un vrai suicide : car de même que le point capital, le centre de la prophétie, est l’approche du jour du Seigneur, qui doit juger l’orgueil, l’irréligion, l’idolâtrie, la rébellion contre Dieu, qui seront trouvées alors sur la terre et particulièrement dans la chrétienté — il sera trop tard pour les hommes, avant qu’ils croient, d’attendre cet événement qui démontrera la vérité des prophéties par leur destruction. Bref, à tout point de vue, la maxime en question est aussi fausse que dangereuse. En réalité elle revient à exclure tout usage direct de la prophétie quelle qu’elle soit ; car elle refuse d’entendre ses avertissements jusqu’à ce que sa voix soit entièrement changée. La prophétie accomplie devient en effet de l’histoire plutôt qu’elle ne reste prophétie, et elle a pour résultat, qui n’est pas d’une petite valeur, de réduire au silence les ennemis de Dieu, plutôt que de faire entendre à Son peuple, comme le fait la prophétie, des paroles de répréhension et d’encouragement.

Mais revenons à notre étude. « Les princes de Tsoan (ancienne ville de la basse Égypte, appelée Tanis par les auteurs profanes), sont fous ; les princes de Noph (la Memphis des Grecs — Os. 9, 6) sont dans l’illusion ; les chefs des tribus égarent l’Égypte ; l’Éternel a répandu au milieu d’elle un esprit de vertige, pour qu’ils fassent chanceler les Égyptiens dans tous leurs actes, comme un homme ivre chancelle en vomissant. Et l’Égypte sera hors d’état de faire ce que font la tête et la queue, la branche de palmier et le roseau ». Le jugement de Dieu vient confondre leur politique.

Je ne veux pas nier que dès les temps du prophète, ces prophéties n’aient pas eu une certaine mesure d’accomplissement. Seulement qu’on ne s’en prévale pas pour exclure leur complet accomplissement qui reste encore à se réaliser.

Il est dans la manière d’Ésaïe, comme d’ailleurs dans celle de la plupart des prophètes, d’être richement compréhensive de sujets, de points de vue. Il fut alors suffisamment accompli de la prophétie, pour l’assurance du fidèle ; mais tout cela ne fut pas plus qu’un témoignage à ce plein et intégral payement que Dieu veut encore faire, à l’honneur tant de Ses propres paroles que du Seigneur Jésus, quand Sa gloire sera manifestée et qu’Il entrera dans Son règne (Apoc. 11). « En ce jour l’Égypte sera comme des femmes ; elle tremblera et aura peur, en voyant s’agiter la main de l’Éternel des armées, quand il la lèvera contre elle. Et le pays de Juda sera pour l’Égypte un objet d’effroi : dès qu’on lui en parlera, elle sera dans l’épouvante, à cause de la résolution prise contre elle par l’Éternel des armées » (v. 16, 17). L’Égypte a son rôle à jouer au moment des terribles convulsions qui précéderont l’apparition du Seigneur ; et c’est à cela que se rapporte le chapitre que nous étudions et qu’il faut comparer avec Daniel 11, 40-43. Il rassemblera en dehors de ce pays une partie de Son peuple dispersé (Ésaïe 11), et dans la poursuite de cette opération, Il détruira la langue de la mer d’Égypte, puis Son souffle puissant s’appesantira sur le fleuve dont Il frappera les sept bras.

Mais la miséricorde se glorifiera par-dessus le jugement ; en ce même temps-là, lorsque l’Égypte sera comme des femmes qui tremblent sous la main de Jéhovah, et que la simple mention de Juda la frappera de terreur, « en ce temps-là, il y aura cinq villes au pays d’Égypte qui parleront la langue de Canaan, et qui jureront par l’Éternel des armées ; l’une d’elles sera appelée ville de la délivrance. En ce même temps, il y aura un autel à l’Éternel au milieu du pays d’Égypte, et sur la frontière un monument à l’Éternel. Ce sera pour l’Éternel des armées un signe et un témoignage dans le pays d’Égypte ; ils crieront à l’Éternel à cause des oppresseurs, et il leur enverra un sauveur et un défenseur pour les délivrer. Et l’Éternel sera connu des Égyptiens, et les Égyptiens connaîtront l’Éternel en ce jour-là ; ils offriront des sacrifices et des oblations, ils feront des vœux à l’Éternel et les accompliront. Ainsi l’Éternel frappera les Égyptiens ; il les frappera, mais il les guérira ; et ils se convertiront à l’Éternel, qui les exaucera et les guérira » (v. 18-22). Il est évident par là que le Seigneur délivrera l’Égypte et la fera revivre.

Les efforts des commentateurs pour expliquer ces versets sont aussi nombreux que vains ; et c’est à juste titre qu’il n’y a que ténèbres pour eux, parce qu’ils n’aperçoivent pas le rapport de ce passage à Christ, à Christ qui sera alors la gloire de Son peuple d’Israël, dont Il est maintenant méprisé. Origène, Eusèbe, etc., l’appliquent à la fuite en Égypte (Matt. 2), au renversement de l’idolâtrie et à l’extension du christianisme ; Jérôme pense qu’il fait allusion à la dévastation de l’Égypte par Nebucadnetsar ; la plupart des interprètes modernes admettent en partie le point de vue de Jérôme et le rapportent, historiquement, aux désastres amenés par les guerres avec Sankhérib, Nebucadnetsar, Psammétique et les Romains ; et, d’une manière mystique, à la glorieuse diffusion de l’évangile dans le passé, le présent et l’avenir. Ces spéculations n’ont pas besoin d’être réfutées ; les indiquer, c’est les condamner suffisamment. La relation du passage controversé avec la crise à venir, qui est la véritable, est encore plus confirmée par les perspectives bénies que nous laissent entrevoir les derniers versets du chapitre. « En ce même temps, il y aura une route d’Égypte en Assyrie : les Assyriens viendront en Égypte et les Égyptiens en Assyrie ; et les Égyptiens avec les Assyriens serviront l’Éternel. En ce même temps, Israël sera la troisième nation unie à l’Égypte et à l’Assyrie. Ce sera une bénédiction au milieu de la terre, que bénira l’Éternel des armées, en disant : Bénis soient l’Égypte mon peuple, l’Assyrie œuvre de mes mains, et Israël mon héritage ! ». Ce n’est pas une scène céleste qui nous est présentée là, mais une scène terrestre. Il n’est pas question de l’état actuel de l’Église, où il n’y a ni Juif, ni Gentil, et où Christ est tout en tous, mais de futures bénédictions abondantes quoique progressives, accordées aux nations. Il ne s’agit pas davantage de la présente dispensation durant laquelle l’ivraie est mêlée au bon grain, mais des temps à venir pendant lesquels tous les scandales seront éloignés de la scène sur laquelle le grand Roi régnera en justice. Cette nation, si fière de sa sagesse naturelle, l’antique oppresseur d’Israël auquel elle a été si souvent en piège, sera humiliée jusque dans la poussière, et du fond de la poussière criera à l’Éternel Dieu d’Israël qui lui enverra un puissant défenseur, et elle Le connaîtra et L’adorera, Lui qui l’a frappée mais qui la guérira et la sauvera. Car depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant, le nom de Jéhovah sera grand parmi les Gentils ; partout l’encens du sacrifice montera vers Lui en offrande agréable. Il n’est donc pas surprenant qu’un autel doive être élevé à l’Éternel au milieu du pays d’Égypte, ainsi qu’un monument sur la frontière pour être pour l’Éternel des armées un signe et un témoignage dans le pays.

Et qu’adviendra-t-il du second oppresseur d’Israël ? Le Seigneur n’a-t-il qu’une bénédiction pour l’ennemi étranger ? N’en a-t-il pas réservé une autre en faveur des Assyriens ? Oui ; le superbe adversaire du nord et de l’est aura sa part, lui aussi, des riches bénédictions de l’Éternel : « En ce même temps, il y aura une route d’Égypte en Assyrie ». Les anciennes jalousies, les vieilles discordes disparaîtront à jamais ; la bonne harmonie, une généreuse confiance, une mutuelle sympathie cimenteront l’alliance fondée sur la connaissance du vrai Dieu. « Les Assyriens viendront en Égypte et les Égyptiens en Assyrie, et les Égyptiens avec les Assyriens serviront l’Éternel ». Heureux seront-ils, bien qu’alors nul ne soit méprisé ni pauvre ! « En ce jour, Israël sera la troisième nation, unie à l’Égypte et à l’Assyrie ». C’est-à-dire qu’Israël sera l’une des trois nations mentionnées ici et choisies pour occuper une position de faveur particulière durant l’époque milléniale. Le Seigneur les bénira en disant : « Bénis soient l’Égypte mon peuple, l’Assyrie œuvre de mes mains, et Israël mon héritage ! ». Ainsi se réalisera encore la promesse adressée à Abraham : « Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai, et je rendrai ton nom grand, et tu seras en bénédiction. Quiconque te bénira sera béni, et quiconque te maudira sera maudit ; et en toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Mais même ici, il me semble que la vraie place d’Israël est maintenue, et que le rang des autres est nettement distingué du sien par la sagesse de Dieu, quelque immense que soit Sa bonté pour les autres ; car si l’Égypte et l’Assyrie sont appelées à Le glorifier, Israël n’en porte pas moins le glorieux titre d’héritage de Jéhovah.

Nous apprenons par le chapitre 20, que les Assyriens ravagèrent l’Égypte avec les Éthiopiens, et emmenèrent des prisonniers. L’histoire garde, je crois, le silence sur ce fait ; mais il n’en est pas de même de la prophétie qui déclare que l’Égypte n’échappera pas au roi du Nord (le dernier Assyrien), dans les derniers temps.

Chapitres 21 et 22. — Le premier de ces chapitres, tout court qu’il soit, renferme trois sentences, trois jugements : contre Babylone (v. 1-10) ; contre Duma (v. 11-12), et contre l’Arabie (v. 13-17).

« Oracle sur le désert de la mer. — Comme s’avance l’ouragan du midi, il vient du désert, du pays terrible. Une vision redoutable m’a été révélée. L’oppresseur opprime, le dévastateur dévaste. — Monte, Élam ; assiège, Mède ! Je fais cesser tous les soupirs ». On ne saurait le mettre en doute, ce me semble, il est ici question de la grande capitale chaldéenne ; l’ordre donné aux Mèdes et aux Perses de monter et de l’assiéger l’indique déjà ; ce qui achève de le prouver, c’est le tableau si pittoresque que renferment les versets 3-5 de la soudaine destruction qui transforme la nuit de plaisir en nuit de terreur et de mort pour le monarque et sa cour : « C’est pourquoi mes reins sont remplis d’angoisses ; des douleurs me saisissent comme les douleurs d’une femme qui accouche ; les spasmes m’empêchent d’entendre, le tremblement m’empêche de voir. Mon cœur est en défaillance, la terreur s’empare de moi ; la nuit de mes plaisirs devient une nuit d’épouvante. On dresse la table, la garde veille, on mange, on boit… Debout, princes ! Oignez le bouclier ! » — Le verset 9 contient la preuve décisive de ce que nous avançons, et le nom de Babylone s’y trouve clairement exprimé. Le prophète personnifie la ville ou son peuple.

Il y a cependant quelque chose à remarquer dans les mots employés pour désigner la reine déchue du monde ; il y a évidemment un lien entre ce titre énigmatique : « Oracle sur le désert de la mer », et celui qui s’applique à Jérusalem, au commencement du chapitre 22 : « oracle sur la vallée des visions ». De même que l’élévation et la gloire du premier empire gentil ne furent souverainement permis de Dieu qu’à la suite de l’idolâtrie désespérante de Juda et de Jérusalem, de même le jugement de Babylone était le moment de la délivrance pour le résidu juif, le type de l’intervention finale de Dieu vis-à-vis du dernier détenteur de la puissance qui commença avec la tête d’or de la grande statue. Il y a de la sorte une corrélation entre ces deux villes, Jérusalem et Babylone, soit historique, soit symbolique ; et la dernière est désignée par ces mots : « le désert de la mer » ; la première par ceux-ci : « la vallée des visions ». Jérémie dans sa vision (chap. 51, 42), contemple la mer montant sur Babylone et la couvrant de la multitude de ses flots. De fait, nous savons à quel état de destruction fut réduite cette cité où trônait l’orgueil humain, et dans quelle désolation elle est restée jusqu’à ce jour.

Dans les versets 6 à 10 nous sont présentés les deux chefs envahisseurs et la double nationalité de leurs armées. La sentinelle atteste sa vigilance et rapporte ce qu’elle a vu ; sa déclaration est suivie de la solennelle nouvelle de la chute de Babylone, et le prophète met le sceau à la vérité de cette annonce.

Vient ensuite « l’oracle sur Duma » (v. 11, 12), qui était limitrophe de l’Idumée, s’il n’en faisait pas partie intégrante. « On me crie de Séhir : Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle répond : Le matin vient, puis la nuit. Si vous voulez interroger, interrogez ; convertissez-vous et revenez ». Le cri édomite est un cri de fier mépris et d’orgueilleuse sécurité. La courte réponse qui suit est remplie d’une sérieuse remontrance. Qu’ils ne se confient pas à l’éclat du matin ; car les ténèbres et les dangers de la nuit sont bientôt là ; néanmoins une porte est encore ouverte pour la repentance : « Revenez ! ».

Quant à « l’oracle sur l’Arabie », il y a peu de chose à en dire. Les steppes de l’Arabie n’offriraient pas contre la tempête un refuge plus sûr que les rochers et les montagnes d’Édom. Ce ne sont pas seulement les caravanes de Dedan qui sont recommandées à la pitié et aux soins des habitants de Théma, mais une ruine complète doit être, dans l’espace d’une année, le lot des vaillants archers des enfants de Kédar.

Toute la prophétie du chapitre 22 est dirigée contre Jérusalem. Elle peut avoir eu un accomplissement anticipé du temps du prophète, mais seulement en partie. C’est tellement vrai que Vitringa a toutes les peines du monde à fournir une apparence de démonstration historique en réunissant la double invasion des Assyriens sous Sankhérib, et des Chaldéens sous Nebucadnetsar ; encore ne parvient-il à ce résultat qu’à l’aide d’une violente interversion, en plaçant le mouvement chaldéen aux versets 1 à 5 (comp. 2 Rois 25, 4-5), et celui des Assyriens dans le passage qui fait suite, auquel correspondent 2 Chroniques 32, 2-5. En admettant que la prophétie ait reçu là une première application, il en résulte une forte présomption que ce chapitre, aussi bien que le précédent et tous ceux que nous avons vus, se rapporte au grand jour au matin duquel se réglera le compte des nations, et dans tout son cours celui des individus, c’est-à-dire au jour où les secrets des cœurs seront manifestés. On peut trouver étrange que des croyants soient satisfaits d’un si faible acompte de la part de Celui qui paie jusqu’au dernier quadrant. L’esprit qui taxe d’illusoire l’attente de l’accomplissement ponctuel de l’ensemble de ces prophéties, dans tous leurs détails, à l’exception de ceux qui sont expressément limités à une époque déterminée pour certaines particularités, est un esprit d’ignorance ou d’incrédulité, ou même, ce qui n’est pas rare, de l’une et de l’autre.

Les premiers versets nous montrent la ville passant de l’animation et d’une joie bruyante, à la plus vive inquiétude et à une crainte mortelle, ses défenseurs tombant non sous les coups de l’épée, mais ignominieusement massacrés, ses chefs en fuite et faits prisonniers, au point que le prophète ne peut que se détourner et répandre des larmes amères, car ce trouble, cet écrasement, cette confusion étaient envoyés par le Seigneur, l’Éternel des armées.

Les versets qui suivent montrent l’inutilité et l’impardonnable péché du peuple de Dieu de recourir à des mesures humaines, quand c’est Dieu qui en agit avec lui en jugement. Dans de telles circonstances, il n’a qu’à s’incliner devant la main qui le châtie et à accepter la punition que le Seigneur juge convenable de lui infliger, se souvenant qu’Il est plein des compassions les plus tendres, et que la miséricorde se glorifie vis-à-vis du jugement. Ici le peuple ne s’humiliait point, ni ne reconnaissait les voies de Dieu. « Les derniers retranchements de Juda sont forcés, et en ce jour tu visites les armures de la maison de la forêt. Vous regardez les brèches de la ville de David, car elles sont nombreuses ; et vous retenez les eaux de l’étang inférieur. Vous comptez les maisons de Jérusalem et vous abattez les maisons pour fortifier la muraille. Vous faites un réservoir entre les deux murs pour les eaux de l’ancien étang, mais vous ne regardez pas vers celui qui a voulu ces choses, et vous ne voyez pas celui qui les a préparées de loin. Le Seigneur, l’Éternel des armées vous appelle en ce jour à pleurer et à vous frapper la poitrine, à vous raser la tête et à ceindre le sac. Et voici de la gaité et de la joie ! On égorge des bœufs et l’on tue des brebis, on mange de la viande et l’on boit du vin : mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! — L’Éternel des armées me l’a révélé : non, ce crime ne vous sera point pardonné que vous ne soyez morts, dit le Seigneur, l’Éternel des armées ». — Le peuple de Dieu s’efforçait d’échapper par les ressources de la politique — voie funeste qui le conduit à un sadducéisme ouvertement licencieux.

La fin du chapitre nous met sous les yeux le rejet de l’indigne Shebna qui s’était traîné jusqu’au poste de premier ministre, le plus rapproché du trône, qui ne vivait que pour lui-même et qui ne se préoccupait que de sa renommée et de sa gloire, après même qu’il serait mort (v. 15-19). Éliakim, le serviteur de Dieu, est appelé en conséquence à prendre, à la place de Shebna, les rênes du gouvernement. Éliakim sera un père pour Jérusalem et Juda ; la clef de la maison de David sera mise sur son épaule avec une pleine autorité et un pouvoir sans bornes. Nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître ici le type de Christ renversant l’Antichrist ; et le fait même de la réunion de circonstances historiques du passé sans allusion à aucune date, comme nous l’avons vu, et avec des personnages qui n’occupaient pas officiellement, ni l’un ni l’autre, le poste le plus élevé, et toutefois sont décrits en des termes qui révèlent une domination et une puissance dépassant la plus élevée ; ce fait, dis-je, prépare l’esprit à voir dans les événements du dernier jour dans la Terre sainte le seul accomplissement plein et entier de cette portion de l’Écriture.

Chapitre 23. — Voici le dernier des jugements dénoncés contre certaines localités — « la charge de Tyr ». Cette cité est le type de la gloire commerciale du monde : riche, corrompue, orgueilleuse, mais prise et détruite, après un long siège, par Nebucadnetsar. Sa ruine est prédite, non seulement dans le chapitre qui nous occupe, mais aussi dans Ézéchiel 26 à 28. Tyr était le centre du commerce de l’ancien monde, le grand entrepôt de tous les objets de confort et de luxe, le trait d’union, par les vaisseaux de Tarsis, entre l’orient et l’occident. Sa chute ne pouvait par conséquent qu’affecter péniblement et d’une manière générale les habitants de la terre, d’autant plus que ses rivaux pour le commerce étaient plus rares que de nos jours. Et pourtant, même à notre époque, combien la destruction de l’une des cités modernes les plus commerçantes, se ferait ressentir jusqu’aux extrémités du monde ! Nous savons d’ailleurs que le siège eut une durée tout à fait extraordinaire, trente ans ; nous n’avons pas besoin de parcourir toutes les données prophétiques (Éz. 29)[2] pour comprendre les difficultés qu’eut à surmonter le conquérant chaldéen ; mais l’effet moral produit par la chute de la cité fut d’autant plus sensible. Ce fut à tel point que Tyr et Sidon demeurèrent un avertissement frappant et proverbial des jugements divins, ainsi que nous le montrent les propres déclarations de notre Seigneur.

« Lamentez-vous, vaisseaux de Tarsis ! car elle est détruite : plus de maisons ! plus d’entrée ! C’est du pays de Kittim que la nouvelle leur en est venue » (v. 1). Il semble qu’il n’est pas nécessaire de s’écarter du sens ordinaire du mot Kittim, ici non plus qu’au verset 12, par lequel le savant Bochart comprend les Cuthéens ou Babyloniens, et la signification de la phrase paraît être : « leur captivité vient du pays des Cuthéens ». Il n’y a rien non plus dans le nom de Kittim qui oblige à rapporter cet oracle ou pillage de la nouvelle Tyr, bâtie dans une île, à Alexandre le Grand, ainsi que le font Luther et autres. Le prophète invite à deux reprises les navires renommés de Tarsis à se lamenter au sujet de la ruine de ce vaste marché, et leur donne à entendre que, bien qu’il n’y ait là ni maisons, ni ports pour les recevoir, les fâcheuses nouvelles seraient annoncées dans le lointain occident. « Soyez muets d’effroi, habitants de la côte, que remplissaient les marchands de Sidon, les passagers sur mer ! À travers les vastes eaux, le blé du Nil, la moisson du fleuve, était pour elle un revenu ; elle était le marché des nations » (v. 2-3). Quel changement ! quel silence dans ces lieux où naguère se pressaient les marchands de Sidon, où les trésors du Nil étaient amoncelés ! « Le marché des nations », maintenant un désert ! — « Sois confuse, Sidon ! car la mer, la forteresse de la mer, a dit : Je n’ai point eu de douleurs, je n’ai point enfanté, je n’ai point nourri de jeunes gens, ni élevé de jeunes filles » (v. 4). Sidon était trop alliée, trop étroitement unie à Tyr, pour ne pas ressentir le douloureux contrecoup de sa chute ; et comme c’était en Tyr qu’elle s’était glorifiée jusque-là, la ruine de celle-ci ne pouvait que l’affaiblir ; dès lors, la mer, selon une hardie mais heureuse figure, pleure sa désolation ; que lui reste-t-il de sa race, maintenant que Tyr n’est plus ? « Selon le bruit qui a été touchant l’Égypte, ainsi sera-t-on en travail, quand on entendra le bruit touchant Tyr » (v. 5). Les Sidoniens, quoiqu’ils tirassent directement plus de profit de l’Égypte que de toutes les autres nations étrangères, devaient néanmoins souffrir de la ruine de Tyr autant que de la ruine de leur grande source de richesses du sud. Les versets 6 et 7 renferment un appel direct aux Tyriens eux-mêmes, et raillent leurs orgueilleux marchands sur les revers qui les attendaient, juste récompense de leurs actions. « Passez à Tarsis ! Lamentez-vous, habitants de la côte. Est-ce là votre ville joyeuse ? Elle avait une origine antique, et ses pieds la mènent au loin séjourner à l’étranger ». Loin d’attirer les navires de Tarsis, ils doivent aller et se lamenter, eux, les hommes de ce pays qui avait la mer pour ceinture, dont la cité retentissait de cris joyeux et dont les années d’orgueilleuse sécurité étaient seulement moins anciennes que Sidon, mais plus prospères et plus éminentes ! Oui, il faut qu’ils aillent et se traînent tristement, péniblement, en quête d’un asile dans quelque pays étranger.

Et pourquoi cela ? Qui a frappé et abattu la fière cité phénicienne ? « Qui a pris cette résolution contre Tyr, la dispensatrice des couronnes, elle dont les marchands étaient des princes, et les trafiquants des personnages considérés dans le monde ? » (v. 8). La réponse se trouve au verset 9. C’est l’Éternel des armées qui a pris cette résolution, pour blesser l’orgueil de tout ce qui brille, pour couvrir d’opprobre tous les grands de la terre. « Parcours librement ton pays, pareille au Nil, fille de Tarsis ! Plus de joug ! Il a étendu sa main sur la mer ; il a fait trembler les royaumes ; l’Éternel a donné des ordres sur Canaan, pour la destruction de ses forteresses ; et il a dit : Tu ne te livreras plus à la joie, vierge déshonorée, fille de Sidon ! Lève-toi, passe chez les Kittéens ! même là il n’y aura pas de repos pour toi » (v. 9–12). Les raisons morales ne sont pas données ici en entier ; il faut, pour les connaître toutes, consulter d’autres prophètes. Mais on trouve nettement accusés l’opposition du Seigneur à l’orgueilleuse cité, Son dédain pour la gloire de l’homme, Son mépris pour tous ceux qui se confient en des appuis terrestres. Même dans leur exil, les Tyriens ne devaient pas trouver le repos. Le verset suivant indique les moyens auxquels il se propose de recourir : « Vois les Chaldéens qui n’étaient pas un peuple, ces habitants du désert pour qui l’Assyrien a fondé un pays ! Ils élèvent des tours, ils renversent les palais de Tyr, ils les mettent en ruines » (v. 13). Les Chaldéens dont la nationalité, par rapport à l’antiquité de Tyr, était de date récente, apparaissent au prophète comme les destructeurs de Tyr. Tel semble bien être le sens de ce passage, sens que confirme d’ailleurs la nouvelle invitation adressée aux navires de Tarsis de se lamenter (v. 14).

Mais le conquérant cède à son tour sous le bras d’un vengeur. Babylone tombe ; et l’espace de soixante-dix ans qui vit le retour du résidu de Juda, se reproduisit pour Tyr, mais ce fut le renouvellement de ses voies impures, du trafic vénal des voluptés et de la corruption des peuples.

« En ce temps-là, Tyr sera mise en oubli soixante-dix ans, ce que dure la vie d’un roi. Au bout de soixante-dix ans, il en sera de Tyr comme de la courtisane dont parle la chanson : — Prends la harpe, parcours la ville, courtisane oubliée ! Joue bien, chante beaucoup, pour qu’on se souvienne de toi ! — Au bout de soixante-dix ans, l’Éternel visitera Tyr, et elle retournera à son salaire impur ; elle se prostituera avec tous les royaumes de la terre, sur la face du globe » (v. 15–17). Néanmoins, le dernier verset donne à entendre que même cette scène prophétique, quoiqu’ayant eu dans le passé un si grand accomplissement, n’est pas sans son côté lumineux pour le jour où toute la terre sera dans la joie : « Mais son gain et son salaire impur seront consacrés à l’Éternel ; ils ne seront ni entassés ni conservés ; (comme aux anciens jours, et lorsque les iniques tromperies de l’avarice s’introduisaient dans le commerce,) car son gain sera pour ceux qui se tiennent devant l’Éternel, afin de les nourrir abondamment et de les vêtir avec magnificence ». La fille de Tyr se présentera un don à la main, quand le roi mettra son affection dans la beauté de son épouse terrestre (Ps. 45).

Chapitre 24. — Le prophète aborde maintenant un plus vaste sujet. Jusqu’ici nous avons eu dix « charges », les charges des nations, depuis Babylone jusqu’à Tyr, ce qui n’a pas empêché Jérusalem d’être comprise dans ces jugements qui, ayant pour point de départ des circonstances locales, aboutissent à « la fin du siècle », alors que Dieu renversera l’orgueil rebelle de la terre. Dans le présent chapitre, la scène s’élargit : le pays et le peuple d’Israël en deviennent le centre, et nous y découvrons, non le grand trône blanc devant lequel les morts, les méchants, se tiennent et sont jugés, mais le moment de la rétribution universelle de la terre de la part de Dieu, « le jour du Seigneur », sans restriction, dans toute sa portée, jour dont les crises précédentes, telles que celles qui concernaient Babylone et l’Égypte, n’étaient que l’ombre et les précurseurs.

« Voici, l’Éternel dévaste le pays et le rend désert ; Il en bouleverse la face et en disperse les habitants. Et il en sera du sacrificateur comme du peuple, du maître comme du serviteur, de la maîtresse comme de la servante, du vendeur comme de l’acheteur, du prêteur comme de l’emprunteur, du créancier comme du débiteur ». Évidemment il n’y a point ici de limites. De même que le verset 1 nous montre le pays dévasté, bouleversé, anéanti sous l’action divine, ainsi le verset 2 décrit un renversement impitoyable de toutes les positions parmi les habitants. « Le pays sera entièrement dévasté et livré au pillage, car l’Éternel a prononcé cette parole ». S’il est difficile d’appliquer des expressions si fortes et d’un sens si étendu aux jours d’Antiochus Épiphane, comme le font quelques commentateurs, encore moins peut-on passer sous silence le verset 4 : « Le pays est triste, épuisé ; les habitants sont abattus, languissants ; les chefs du peuple sont sans force ». Avec quel soin le Saint Esprit met également en garde contre un moyen auquel a trop généralement recours l’incrédulité — le langage hyperbolique d’un prophète emporté par la passion ! « L’Éternel a prononcé cette parole » (v. 3).

Vient ensuite le terrain moral sur lequel Dieu se place pour juger et exécuter rigoureusement Ses jugements. « Le pays était profané par ses habitants ; car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, rompaient l’alliance éternelle. C’est pourquoi la malédiction dévore le pays, et ses habitants portent la peine de leurs crimes ; c’est pourquoi les habitants du pays sont consumés et il n’en reste qu’un petit nombre ». Ce n’est point ici un jugement purement providentiel, c’est un châtiment très étendu et divin, dont Dieu a parlé, presque depuis le commencement. Énoch aussi, le septième homme depuis Adam, prophétisa de ces choses. Le coup depuis longtemps prédit, depuis longtemps imminent, tombera enfin, ainsi que le déclare Ésaïe dans ce passage, et que Jude le déclarera plus tard.

« Le moût est triste, la vigne est flétrie ; tous ceux qui avaient le cœur joyeux soupirent. La joie des tambourins a cessé, la gaité bruyante a pris fin, la joie de la harpe a cessé. On ne boit plus de vin en chantant, les liqueurs fortes sont amères au buveur. La ville déserte est en ruines, toutes les maisons sont fermées, on n’y entre plus. On crie dans les rues parce que le vin manque ; toute réjouissance a disparu ; la gaité est bannie du pays. La dévastation est restée dans la ville, et les portes abattues sont en ruines » (v. 7–12). Tel est, dans sa triste réalité, le tableau du mal. La désolation s’étend sur le pays et sur la ville. Néanmoins, comme toujours, Dieu met à part un résidu : « Il en sera au sein du pays, au milieu des peuples, comme quand on secoue l’olivier, comme quand on grappille après la vendange. Ils élèveront leur voix, ils pousseront des cris de joie ; depuis la mer ils célébreront avec allégresse la majesté de l’Éternel. Glorifiez donc l’Éternel dans les lieux où brille la lumière ; dans les îles de la mer glorifiez le nom de l’Éternel, Dieu d’Israël » (v. 13-16). C’est là évidemment une description des justes qui, en Israël, acquerront de l’élévation à mesure que les jugements divins abattront leurs fiers oppresseurs.

Cependant le verset 16 montre combien profondément le prophète, entrevoyant l’épreuve des âmes pieuses, déplore l’humble condition du résidu, la lâche défection et la ruine de la masse d’Israël : « Du bout de la terre nous entendons chanter : Gloire au juste ! Mais moi je dis : Je suis perdu ! je suis perdu ! malheur à moi ! Les pillards pillent, et les pillards s’acharnent au pillage. — L’effroi, la fosse et le filet sont sur toi, habitant du pays ! Celui qui fuit devant les cris d’effroi tombe dans la fosse, et celui qui remonte de la fosse se prend au filet ; car les écluses d’en haut s’ouvrent et les fondements de la terre sont ébranlés. La terre est violemment secouée, la terre se brise par éclats, la terre chancelle. La terre chancelle comme un homme ivre, elle vacille comme une cabane ; son péché pèse sur elle, elle tombe et ne se relève plus. En ce temps-là, l’Éternel visitera l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés, et les rois de la terre sur la terre. Ils seront assemblés captifs dans une prison, ils seront enfermés dans des cachots, et, après un grand nombre de jours, ils seront châtiés. La lune sera couverte de honte, et le soleil de confusion, car l’Éternel des armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem ; il régnera dans la gloire en présence de ses anciens » (v. 16-23).

Le chapitre entier, et spécialement les derniers versets (v. 21-23) mettent en pleine lumière les difficultés désespérantes de ceux qui confondent les choses terrestres avec les choses célestes et refusent de voir la portion en réserve pour Israël au dernier jour, alors que le jugement est tombé sur la terre habitable. Des écrivains aussi anciens que Théodoret reconnaissent le but ultérieur de la prophétie, quelle que soit la mesure d’accomplissement qu’ils puissent trouver qu’elle ait eu dans le passé. « Le discours contient une double prédiction : il indique à la fois ce qui est survenu aux ennemis à différentes époques, et ce qui aura lieu à la fin du siècle présent ». Mais alors, immédiatement après, il fait cette observation, particulièrement inintelligente, que le second verset décrit un état de choses réellement postérieur à la résurrection. Le jugement des vivants est ignoré de lui. Le fait est qu’il n’y a pas ici un seul mot touchant les morts ressuscités ou les âmes rendant compte de leurs actes, mais c’est de la crise de la terre et du monde atteint et languissant sous la main puissante de Dieu, qu’il est expressément question et à diverses reprises. Le langage, il est vrai, est extrêmement énergique, et semble parfois avoir en vue la dissolution de toutes choses, comme cela a souvent lieu dans le style prophétique où la prédiction du changement remarquable qui introduira le millénium, contient une allusion plus ou moins cachée à la disparition de la terre et des cieux actuels et à la venue de l’état éternel. Mais la fin du chapitre prouve clairement que le principal but du Saint Esprit est ici de dépeindre cette terrible et universelle catastrophe que doivent suivre des temps de rafraîchissement pour Israël et pour la terre, et dont Dieu a parlé par Ses saints prophètes depuis le commencement du monde.

Si profonde, cependant, et tellement vaste est l’action de Dieu, que les armées des anges n’y échappent pas plus que les plus fiers potentats d’ici-bas. « En ce temps-là, l’Éternel visitera l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés, et les rois de la terre sur la terre ». Les esprits du mal avaient jusque-là trompé l’homme, déshonoré Dieu, cherché à corrompre toute grâce presque depuis le commencement. Mais le temps est venu où les anges seront jugés aussi bien que les hommes vivants, d’un jugement même bien plus terrible que celui du déluge. La puissance des cieux, oui des cieux et pas seulement de la terre, sera ébranlée. Mais bien loin que ce soit là encore la disparition du temps dans l’éternité, « la lune sera couverte de honte et le soleil de confusion, car l’Éternel des armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, Il régnera dans la gloire en présence de ses anciens ». C’est le jour dont parlait Zacharie (chap. 14) longtemps après le retour de la captivité, jour où l’Éternel sera roi sur toute la terre : « En ce jour-là il n’y aura qu’un seul Éternel, et il n’y aura que son nom seul. Tout le pays sera transformé, assimilé à la plaine, de Guéba à Rimmon au midi de Jérusalem, qui sera éminente et assise sur son sol, de la porte de Benjamin jusqu’au lieu de la première porte, jusqu’à la porte de l’angle, et de la tour de Hananeël aux pressoirs du roi ». Était-il possible de faire usage de termes plus précis pour exclure toute interprétation mystique, ou plus appropriés pour soutenir les espérances d’Israël, lesquelles devaient reposer sur la pierre vivante contre laquelle ce peuple est allé se heurter jusqu’à ce jour ?

Chapitre 25. — Ce que nous avons dit de la portée du chapitre 24 sur la fin du siècle est entièrement confirmé par celui que nous allons étudier maintenant et qui nous présente le prophète, en qui le peuple est personnifié, élevant les cœurs des Israélites à Dieu par la louange. Ils célèbrent les faits merveilleux de l’Éternel, et reconnaissent que Ses voies sont de tout temps fidélité et vérité : « Ô Éternel ! tu es mon Dieu, je t’exalterai, je célébrerai ton nom, car tu as fait des choses merveilleuses ; tes desseins conçus à l’avance se sont fidèlement accomplis. Car tu as réduit la ville en un monceau de pierres, la cité forte en un tas de ruines ; la forteresse des barbares est détruite : jamais elle ne sera rebâtie. C’est pourquoi les peuples puissants te glorifient, les villes des nations puissantes te révèrent. Tu as été un refuge pour le faible, un refuge pour le malheureux dans la détresse, un abri contre la tempête, un ombrage contre la chaleur ; car le souffle des tyrans est comme l’ouragan qui frappe une muraille. Comme tu domptes la chaleur dans une terre brûlante, tu as dompté le tumulte des barbares ; comme la chaleur est étouffée par l’ombre d’un nuage, ainsi ont été étouffés les chants de triomphe des tyrans » (v. 1-5). Le jugement de Dieu s’exécute contre les puissants et contre leur ville. C’est sur la terre habitable que s’appesantit Sa main, comme à la fin du chapitre précédent c’était contre les cieux et contre la terre que s’exerçait son action. Il n’est pas question de l’état éternel. D’un autre côté, il n’y a pas lieu de l’appliquer aux circonstances actuelles. C’est un nouvel état de choses qui n’existe pas maintenant ; car s’il y a un endroit sur la terre où, moins qu’ailleurs, le Seigneur semble régner, c’est bien Jérusalem et la montagne de Sion. Le pays élu d’Israël est en la possession des Turcs ; ils le gouvernent depuis des centaines d’années ; et avant qu’il fût un objet de dissensions pour les rois de la terre et les sectateurs de Mahomet, il a été le grand champ de bataille sur lequel se sont rencontrés l’orient et l’occident ; et, jusqu’à l’époque où nous vivons, Dieu a permis que les adorateurs de la Mecque parussent y avoir remporté la victoire. Depuis que la croix a été dressée, Dieu ne maintient plus la gloire de Son Fils en rapport avec le mont de Sion. Le Fils de Dieu a été rejeté et est mort sur la croix. Depuis lors toute relation avec le monde est brisée, tout lien avec le Juif est rompu, et nul homme n’a vu le Seigneur de gloire, sinon le croyant.

Auparavant le monde Le contemplait ; Il était vu des hommes et non pas seulement des anges. Il apparaissait aux yeux de l’humanité, Dieu manifesté en chair. Mais quand l’homme Le repoussa, tout rapport avec le monde comme monde prit fin. Nul incrédule ne Le vit après Sa résurrection ; Il ne se montra qu’à ceux qu’Il avait choisis pour être Ses témoins. Bientôt après élevé au ciel, Il s’assied à la droite de Dieu, d’où Il viendra pour juger les vivants et les morts. C’est une grande erreur de confondre le jugement des vivants avec le jugement des morts. L’Écriture montre qu’un long intervalle, du caractère le plus frappant, sépare ces deux jugements l’un de l’autre. Sans doute, dans un certain sens, il peut y avoir une continuation de jugement des vivants tout le long de la durée des mille ans ; mais le jugement sera exécuté avant que le Seigneur commence à régner ; et à la fin de Son règne, aura lieu le jugement des morts.

Tandis qu’on demeure parfaitement assuré du jugement des morts, tandis que l’on considère comme une vérité divine qu’il y aura une résurrection tant des justes que des injustes, beaucoup sont demeurés étrangers à cette autre vérité, que le Seigneur de gloire doit reparaître dans ce monde, suspendre le cours des affaires humaines et intervenir en jugement contre la culpabilité de l’homme (pas encore contre les morts, ce qui viendra plus tard). Avant de frapper les morts, le jugement divin tombera sur les vivants depuis les plus élevés jusqu’aux plus humbles. C’est à ceci que faisait allusion notre Seigneur lorsqu’Il avertissait Ses disciples des jours qui devaient venir. Ainsi Mathieu 24 et 25, et Luc 17 et 21, sauf une partie de ce dernier chapitre, se rapportent exclusivement à ce temps et à ces événements. Certains passages des livres saints parlent seulement du jugement des morts, d’autres embrassent à la fois la portion des saints ressuscités pour jouir de la gloire céleste avec Christ et disent comment les morts seront jugés selon leurs œuvres. Le croyant est sauvé selon la valeur de l’œuvre de Christ ; celui qui est jugé selon ses propres œuvres est perdu pour toujours. Nul enfant de Dieu, s’il était jugé sur ce fondement-là, ne serait sauvé ; car pour peu qu’il fût jugé, Dieu devrait le juger selon Sa justice, et selon une mesure qui n’est rien moins que Christ Lui-même, car il faut que nous soyons aussi purs que Christ pour pouvoir être des compagnons convenables pour Lui. Mais sur ce terrain tout espoir est perdu : tout repose maintenant sur ceci, que Jésus est mort pour nos offenses et qu’Il est ressuscité pour notre justification, et non pour notre jugement. Quelle est aux yeux de Dieu la valeur de l’œuvre que Christ a accomplie ? Est-ce seulement un salut partiel ? Ou bien est-il le lot de quelques croyants ? Si ce n’est pas un salut parfait pour tous les pécheurs, pour tous, même pour les plus indignes des croyants, ce n’est pas ce que Dieu nous envoie, ce n’est pas une juste et digne réponse à la croix de Christ. Or c’est en ceci précisément qu’éclate toute la portée du salut que Christ a effectué, c’est que c’est un salut parfait, qui délivre de tout péché, qui place les plus grands pécheurs sur un nouveau terrain en leur qualité de chrétiens, rois, sacrificateurs, enfants de Dieu. Il résulte de là que notre travail consiste à nous confier en Lui, à Lui obéir, à souffrir avec Christ et pour Christ, tandis que nous attendons Son retour des cieux, savoir notre libérateur, Jésus, lequel jugera Ses adversaires.

Il est évident qu’il y a deux classes d’hommes qui seront ressuscités des morts : notez bien que je ne dis pas ressuscités en même temps ; l’Écriture ne le dit pas non plus. Il est dit que « l’heure vient où ceux qui sont dans les sépulcres en sortiront, ceux qui ont bien fait en résurrection de vie, et ceux qui ont mal fait en résurrection de jugement »[3]. Tout ceci est complètement vrai, mais il n’y a pas un mot sur leur sortie simultanée. Il s’en suit que, tandis que les deux sorties peuvent être appelées chacune une résurrection des morts, celle des justes seule est ou peut être appelée une résurrection d’entre les morts, le reste étant encore laissé dans la tombe. D’après Apocalypse 20, il est également clair qu’un millier d’années au moins s’écouleront entre la résurrection des justes et celle des injustes. Quiconque lit sans préjugés la Révélation de saint Jean ne peut s’empêcher de reconnaître que les justes morts doivent ressusciter les premiers pour régner avec Christ, et qu’ensuite, après le règne terrestre, les autres morts ressusciteront pour être jugés selon leurs œuvres ; c’est de ceux-ci qu’il est dit que quiconque ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie, fut jeté dans l’étang de feu. Il n’y a pas un mot au sujet de ceux dont les noms avaient été écrits. Lorsque Dieu juge d’après les œuvres, il ne saurait en résulter que la destruction. Les mauvaises œuvres abondent dans les livres des méchants ; aussi le livre de vie ne renferme-t-il pas un seul de leurs noms.

Ces pensées se rattachent étroitement à ce qui fait l’objet de notre étude. Ici le Seigneur se montre, non pas caché dans les cieux, mais apparaissant des cieux pour régner. Il ne règne pas sur la terre maintenant. Ce n’est que dans des esprits frivoles, spéculatifs, des hommes de savoir peut-être, qu’un rêve aussi insensé se fait jour. Il est certain que si, dans l’histoire du christianisme, il est une époque particulièrement sombre, ténébreuse, c’est celle qui va de Constantin à la Réformation, les siècles de ténèbres comme on les appelle. Il ne manque pourtant pas d’hommes instruits qui prétendent que ce fut pendant ce temps-là que Christ exerça Son règne, de l’an 320 à l’an 1320( !), c’est-à-dire la période des plus désolantes ténèbres par laquelle le christianisme ait encore passé ! Augustin faisait commencer ce règne avec Christ et l’étendait aux âges suivants. Cette manière de voir est mauvaise ; l’autre est pire encore, quoique soutenue par Grotius. Toutes deux ont exercé une énorme influence dans le monde. Le célèbre Hollandais, en matière d’érudition, était à même d’en remontrer à la plupart des hommes, mais quand il s’agissait de la Parole de Dieu, il était aussi embarrassé qu’auraient pu l’être saint Pierre ou saint Jean sur le domaine de ses spéculations favorites. Dans les choses divines, la sienne est de nulle valeur, sauf comme travail d’esclave, pour les hommes d’un jugement spirituel et pour les humbles, car ce sont les débonnaires que Dieu a promis de guider. C’est une grossière erreur de supposer qu’un homme interprète sainement les Écritures par le fait qu’il est érudit, joignît-il même à ce titre celui de chrétien.

Que mon lecteur, s’il ne le sait pas déjà, cherche et voie s’il ne doit pas venir un temps où le Seigneur, qui est maintenant dans le ciel à la droite de Dieu, quittera le séjour de la gloire pour établir Son règne ici-bas avec la cité élue pour capitale terrestre de Son royaume. Me demanderez-vous d’où provient un tel attrait pour ce lieu ? Certainement il a été un sujet de péché, de tristesse, de honte, de rivalité entre l’orient et l’occident, et de profonde humiliation pour l’ancien peuple de Dieu. Mais permettez-moi de vous demander, même en me plaçant sur votre terrain, s’il est un lieu sur la terre qui suscite tant et de si grandes idées, qui soit aussi étroitement lié à tout ce qui est cher au cœur du croyant ? Là apparut, là mourut le Seigneur de gloire ; c’est Sa ville, la ville du grand Roi. Pourquoi donc ne viendrait-Il pas la reprendre pour Lui-même ? Est-il indigne de Lui de pardonner, de bénir, de sanctifier et d’élever Jérusalem à la face du monde, en surmontant par Sa bonté le mal dont elle s’est rendue coupable ? L’Écriture annonce très clairement que le Seigneur y doit venir et en faire comme la métropole de Son royaume terrestre. Je ne prétends pas que le Seigneur doive habiter littéralement sur la terre, mais Il sera roi sur elle. Pourtant la Parole déclare qu’Il posera Son pied sur le mont des Oliviers. Il est seulement nécessaire de maintenir, pour la vérité de Son futur royaume, qu’Il viendra d’une manière visible, frappera la terre, y établira Son règne, et remplira l’univers des effets bénis de Sa gloire. L’Écriture montre qu’Il sera présent et se manifestera ; mais quelle sera la longueur, l’étendue, la durée de Son règne, c’est ce qu’il ne m’appartient pas de dire ; car je ne sache pas que l’Écriture donne la solution de ces questions-là. Et comme il y a un lieu particulier, il est aussi un peuple sur lequel repose Sa faveur ; ce sont Jérusalem et le peuple juif.

Mais qu’adviendra-t-il des chrétiens ? Doivent-ils se trouver confondus avec les Juifs dans Jérusalem, ainsi que l’affirmaient les anciens Kiliastes ? Est-ce là l’espérance chrétienne ? Une semblable idée dénote la plus profonde ignorance. Le chrétien est même à présent béni de droit dans les lieux célestes, d’où il régnera sur la terre. Alors, les Juifs rassemblés et convertis seront dans le pays et la ville qui leur ont été promis et sur lesquels l’œil du Seigneur veille continuellement, car c’est une vérité divine, que, jamais Il ne retire un don, ni ne se repent d’une promesse. Il a pu se repentir d’avoir créé l’homme, mais ce n’était pas là une promesse ; c’était un simple exercice de Sa volonté. Mais Dieu ayant choisi Israël et l’Église, Il ne s’est jamais repenti de les avoir choisis l’un ou l’autre, bien que l’un et l’autre aient été infidèles, car Il veut bénir. Il bénit ; et n’importe les difficultés, Il bénira toujours. Cela, nous pouvons le tenir pour sûr ; les desseins de Dieu sont immuables. L’homme et la terre peuvent subir des changements, mais le conseil de Dieu doit s’accomplir. Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. Il a donné le pays d’Israël aux pères. Il a promis de faire leur postérité bénédiction. Il a associé Son propre Fils avec les Israélites selon la chair afin que, en dépit de leur péché à la croix, en vertu de Sa grâce à cette même croix, un fondement inébranlable de bénédiction fût posé pour le moment où ils seront élevés à un faîte de grandeur terrestre tel qu’il n’en est point réservé de pareil à aucun autre peuple ici-bas. Quand le Seigneur viendra pour régner, Il aura mis à l’abri dans la maison du Père Son peuple céleste. Il aura fait sortir les saints endormis hors de leurs sépulcres, et transformé les vivants à la ressemblance de Sa propre gloire. Tous les chrétiens devraient faire de cet événement l’objet de leur attente. Quand ils seront ainsi ravis en haut, le Saint Esprit aura le terrain libre pour agir au milieu des Juifs. L’Esprit de Dieu n’opère pas à la fois, en vue de deux buts différents, l’un céleste, l’autre terrestre. Mais ici nous Le trouvons à l’œuvre parmi les Juifs qui ne sont pas comme l’Église enlevés au ciel, mais qu’attend la bénédiction sous le règne de leur Messie sur la terre.

Notre Seigneur donc, après être venu et avoir mis à part les chrétiens, morts et vivants, pour être avec Lui en haut, reportera sur les Juifs Sa sollicitude et commencera d’agir en vue de les préparer comme Son peuple pendant Son règne. C’est ce dont il est question ici. Le point central de Son royaume terrestre est la montagne de Sion et Jérusalem. C’est là ce qui donne au règne de David une telle importance dans la Parole de Dieu. Il était le type élu du Seigneur, non seulement dans Son humiliation, mais aussi dans Sa gloire. Il eut aussi à combattre et à renverser Ses ennemis, ce qui Lui fit donner le nom « d’homme de sang ». Notre Seigneur exécutera d’abord le jugement, bien qu’Il ne permette pas, comme David, que quoi que ce soit vienne gêner ou souiller l’œuvre ; mais Il agira avec la sainte autorité de Dieu Lui-même, en donnant cours à Sa colère et à Son indignation ; tout sera parfait et exécuté selon la justice. En ce jour le Seigneur bouleversera l’univers entier, punissant « l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés », c’est-à-dire sur le théâtre même de leurs souillures, « et les rois de la terre sur la terre ». Les Juifs croyants d’alors chanteront cet hymne évidemment en rapport avec l’expérience qu’ils auront faite de la fidélité de Dieu. Ils n’implorent pas Dieu comme Père par l’Esprit d’adoption, car ils ne sont pas chrétiens ; ils seront croyants, mais des croyants juifs. C’est se tromper grossièrement que de parler d’Abel, d’Énoch, d’Abraham, de David ou de Daniel comme de chrétiens. Ils étaient tous des saints, mais non pas des chrétiens. Non seulement c’est après la venue de Christ que les disciples furent pour la première fois appelés chrétiens, mais la position dans laquelle les croyants furent alors introduits par l’œuvre de Christ et le don de l’Esprit est essentiellement différente. Il serait difficile pour un croyant de nos jours de tomber dans une erreur plus grossière, car elle mêle le présent, l’avenir et le passé, confond les diverses manifestations de la volonté de Dieu, émousse le tranchant de la Parole, met obstacle à la pleine bénédiction et au témoignage de l’Église, et porte atteinte à la gloire de Dieu autant qu’il est possible à l’homme de le faire.

Aujourd’hui sans doute, en présence de la croix, et le Saint Esprit se trouvant en personne sur la terre, les vieilles distinctions de Juif et de Gentil s’effacent devant le sentiment de la ruine dans laquelle ils sont tous tombés moralement par le péché et la mort. Mais à Sa venue, le Seigneur disposera les Israélites à Le recevoir selon les prophètes, et ils deviendront les témoins de Ses compassions non moins que de Sa gloire ici-bas, de même qu’ils sont présentement les ennemis obstinés de l’évangile et de la grâce de Dieu envers les Gentils.

Dans ce chant, ils tiennent un langage qui convient à des Juifs. Si un chrétien invoquait Dieu comme Jéhovah, sans doute ce serait vrai en soi, mais ce serait une manière de s’adresser à Dieu très inintelligente pour un chrétien ; il montrerait par là qu’il n’a pas l’intelligence de sa position. Pour nous il y a un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus Christ. Jéhovah est le nom donné à Dieu, considéré dans Son gouvernement, tandis que celui de Père a été pour la première fois révélé en rapport avec Son bien-aimé Fils, et nous est permis maintenant, en vertu de la rédemption, à nous qui croyons en Lui. C’est pour cela que Christ, dès qu’Il fut ressuscité des morts, dit : « Va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17). Christ, par Sa mort et Sa résurrection, nous a introduits dans la même place que Lui-même. Le Seigneur ne perdait jamais ce point de vue quand Il était sur la terre, aussi n’invoquait-Il jamais Dieu comme Jéhovah, parce que le Nouveau Testament Le présente en rapport avec le christianisme. Mais l’Ancien Testament déclare que le Seigneur aura un peuple qui Le connaîtra Lui et le Père comme Jéhovah. Ceci suffit pour indiquer la différence, et j’ai présenté ces remarques pour montrer qu’il est ici parlé d’une autre classe de personnes, non de chrétiens, mais de Juifs, qui reconnaissent Dieu sous ce titre qu’Il s’est donné avec l’Israël des anciens jours. Lorsque Dieu choisit Moïse, Il lui ordonna d’aller et de Le faire connaître au peuple comme Jéhovah, ajoutant qu’Il n’avait pas été jusque-là connu sous ce nom. Ainsi se révéla-t-Il dès le début de Son intervention parmi les Israélites ; ainsi apparut-Il toujours dans le cours de leur histoire nationale. Ce n’est pas que le nom de Jéhovah n’existât pas antérieurement, mais Dieu ne l’avait jamais pris auparavant pour le titre sous lequel Il voulait être reconnu comme le Dieu d’Israël. C’est le prophète qui parle en faveur d’Israël ; il éclate en un cantique de louanges et lui communique un caractère personnel en faveur du peuple, au verset 1. Que sont ces choses merveilleuses ? La mort et la résurrection de Christ ? Il n’y a pas un mot de cela. Ce devraient être là les sujets de nos entretiens. Ainsi, le matin du jour du Seigneur, lorsque nous nous rassemblons, nos cœurs sont remplis d’actions de grâces. Nous avons les œuvres encore plus merveilleuses de Dieu en Christ, la nouvelle création et le Saint Esprit envoyé des cieux.

Ici Israël est supposé occupé des choses merveilleuses que Dieu a accomplies pour sa délivrance (v. 2, 3) ; car Dieu sera intervenu et aura déployé Sa puissance pour délivrer Son ancien peuple de ses plus redoutables ennemis. Les Juifs parlent de la ruine que Dieu a infligée autour d’eux. Aussi longtemps qu’ils méconnaissent leurs péchés et restent indifférents à la vérité divine, exclusivement appliqués à s’enrichir et à être les banquiers du monde, on sera heureux de se servir d’eux et de les laisser seuls. Mais dès l’instant où Dieu les fait sortir de leur présente dégradation spirituelle et morale, quand les os secs sont réunis, lorsque leurs cœurs se tournent vers le Messie qu’ils ont rejeté, toutes les nations s’élèveront contre eux, et les déchireront une fois de plus. Comment le savons-nous ? La Bible débarrasse le croyant de toute conjecture. Les personnes qui n’étudient pas la parole prophétique ne peuvent se livrer qu’à des hypothèses sur l’avenir. Il ne saurait y avoir pour elles aucune certitude ; y prétendre, ce serait présomptueux de leur part. Mais quand on s’incline devant la Bible et qu’on y croit, on est en demeure, par les enseignements du Saint Esprit, d’avoir la lumière même de Dieu. Si nous n’en jouissons pas, c’est uniquement la faute de notre incrédulité.

« L’Éternel des armées prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de mets succulents, un festin de vins vieux, de mets succulents, moelleux, de vins vieux, clarifiés. Et sur cette montagne, il enlèvera le voile qui voile tous les peuples, et la couverture qui couvre toutes les nations. Il anéantit la mort pour toujours ; le Seigneur, l’Éternel essuie les larmes de tous les visages ; il fait disparaître de toute la terre l’opprobre de son peuple, car l’Éternel a parlé » (v. 6-8). L’Esprit de Dieu fait allusion à la résurrection. Ainsi l’apôtre dans 1 Corinthiens 15, 54, fait l’application du commencement du verset 8 : « Quand ce corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce mortel aura revêtu l’immortalité, alors la parole qui est écrite s’accomplira : la mort a été engloutie en victoire ». La résurrection correspond à la délivrance d’Israël qui sera elle-même « une vie d’entre les morts » pour le monde (Rom. 11, 15). Ainsi le premier grand coup porté à la mort aura lieu à cette époque. Alors la carrière de l’homme prendra fin, et le Seigneur Jésus, venant avec Ses saints ressuscités, recevra Son ancien peuple et déchirera le voile étendu sur toutes les nations. La terre n’est l’objet d’aucune délivrance avant ce temps-là.

« L’Éternel a parlé ». Pourquoi parle-t-Il ici de cette manière ? N’est-ce pas parce qu’Il a prévu l’incrédulité de l’homme ? La preuve spéciale de la voix du Seigneur est ici, le cœur orgueilleux de l’homme Lui étant bien connu, ainsi que toutes les illusions des sages et des insensés, séduisants et étant séduits. Il savait que, lorsqu’on en viendrait aux jugements annoncés, on dirait : Cela concerne les Juifs ! et quand on arriverait aux bénédictions : C’est pour nous ! Tout le bien, ils le prennent pour l’Église ; tout le mal, ils le laissent à Israël ; mais même là, ils détruisent la conscience par le mensonge qui considère les jugements comme passés. Et, en ce jour-là, l’on dira : « Voici, c’est notre Dieu, en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés ; c’est l’Éternel en qui nous avons confiance : soyons dans l’allégresse et réjouissons-nous de son secours ! car la main de l’Éternel repose sur cette montagne ; et Moab est foulé sur place, comme la paille est foulée dans une mare à fumier. Au milieu de cette mare, il étend ses mains, comme le nageur les étend pour nager. Mais l’Éternel abat son orgueil, et déjoue les artifices de ses mains. Il renverse, il précipite les fortifications élevées de tes murs, Il les fait crouler à terre, jusque dans la poussière » (v. 9-12).

Nous devons examiner de qui Dieu parle ; il est question de jugements contre Israël et contre la chrétienté, et de bénédictions pour Israël et pour l’Église. Nous avons déjà montré qu’il s’agit ici des Israélites ; le langage employé ne convient qu’à eux. Ils parlent d’eux-mêmes, non à notre manière, comme enfants de Dieu, mais comme Son peuple, et de jugements, comme introduisant leur bénédiction. La terre viendrait à être dissoute que notre bénédiction n’en serait ni diminuée, ni augmentée. Lorsque Christ viendra, Il nous prendra simplement à Lui-même, transformés à Son image, en dehors de cette scène de péché, de faiblesse et de souffrance, dans Sa propre demeure céleste ; tandis qu’ici : « En ce jour, l’on dira : Voici, c’est notre Dieu en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés. C’est l’Éternel en qui nous avons eu confiance : soyons dans l’allégresse et réjouissons-nous de son secours ! » (v. 9). Ils ne sont pas encore sauvés. Tel n’est pas actuellement notre cas, excepté quant au corps. Étudiez le Nouveau Testament et vous verrez qu’en ce qui concerne l’âme, il nous faut être sauvés dès maintenant, et si nous croyons, nous le sommes. Il s’agit évidemment ici d’une autre classe de gens, des Juifs qui ont attendu dans l’opprobre la venue de Jéhovah, et qui s’écrient lorsqu’Il apparaît en gloire : « Voici, c’est notre Dieu en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés ». Ce n’est point pour nous, mais pour eux que « la main de l’Éternel reposera sur cette montagne ». Notre portion à nous est dans les cieux. « Cette montagne » est le centre élevé de la gloire terrestre. Et, en conséquence, vient aussitôt le nom d’une orgueilleuse nation ennemie, réduite à l’humiliation. Est-ce que les chrétiens attendent l’assujettissement de Moab ? Cette transformation en masse des prophètes juifs en chrétiens tend à ridiculiser l’Écriture, et bien des hommes sont affermis dans leur incrédulité en voyant ces grossières applications faites à l’Église chrétienne. Il y a dans les prophètes des vérités générales, des principes généraux qui s’appliquent à nous, qui nous regardent en propre, car tous les prophètes aussi bien que la loi sont destinés à notre usage. Toute l’Écriture est inspirée et utile ; mais il est absurde d’en inférer qu’elle ne s’occupe jamais que de nous. « La loi est bonne, dit saint Paul, si quelqu’un en use légitimement », et ainsi en est-il des prophètes ; nous devons les écouter, non en Juifs, mais en chrétiens.

Il est donc parfaitement clair que, dans le passage qui nous occupe, il est question non des chrétiens, ni de l’Église de Dieu, mais d’Israël. Qu’avons-nous à faire avec Moab, en tant qu’un ennemi ? et un ennemi qui doit être foulé aux pieds ? Aspirons-nous à fouler nos ennemis, fût-ce même la papauté romaine ? C’est bien une prophétie de l’Écriture, mais elle ne se rapporte point à nous ; nous devons en faire notre profit et en bénir Dieu, mais ce n’est pas à nous, c’est à Israël qu’elle a trait. Il foulera aux pieds sur la terre ses anciens ennemis, au nombre desquels figure Moab.

Chapitre 26. — Nous trouvons ici un nouveau cantique qui doit être chanté dans le pays de Juda. Bien que la fin du précédent chapitre ne porte pas cette qualification, elle n’en est pas moins une explosion de louanges après l’ébranlement des cieux et de la terre ; celui-ci nous montre le peuple célébrant plus hautement encore ce que Dieu a fait pour Juda.

Si nous portons nos regards sur Israël, nous serons frappés du contraste qui existe entre sa condition actuelle et celle dans laquelle il sera bientôt placé. Voici comment saint Paul en parle en Romains 1, 18 : « Car la colère de Dieu est révélée du ciel contre toute impiété (c’est-à-dire la méchanceté des Gentils en général), et toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout en vivant dans l’iniquité (celle d’Israël) ». Voici, au contraire, ce qu’en dit Ésaïe : « Ouvrez les portes, et la nation juste et fidèle y entrera » (v. 2).

Aux derniers jours, le peuple d’Israël, du moins en majorité, aura abandonné la vérité. À l’époque de la première venue de Christ, on pouvait dire que « le salut venait des Juifs » ; ils possédaient la vérité, mais en vivant dans l’iniquité. Ils conservaient pour la plupart, à l’exception des sadducéens, la forme de la saine doctrine. Mais avant que le Seigneur vienne pour la seconde fois, la masse de la nation aura perdu de vue la vérité, et un mensonge, la grande imposture des derniers jours, le mensonge de l’Antichrist, aura usurpé chez elle la place de la vérité de Christ. Quant à l’iniquité, elle sera la même.

Le passage qui nous occupe offre avec tout cela un contraste béni ; il y est question d’un résidu que Dieu transformera en une nation puissante et qui est appelé « la nation juste et fidèle ». Au verset 3, il ne s’agit plus seulement d’une profession générale, chacun réalise individuellement cette position. Autrefois on l’appelait « la nation sainte » prise dans son ensemble ; à l’avenir, et quelle consolation pour nos âmes dans cette pensée ! ce nom sera une réalité pour chacun de ses membres séparément.

Pendant longtemps l’Église a joui très peu de ses privilèges collectifs à cause de la mondanité, du légalisme, des divisions et des erreurs sans nombre qui l’avaient envahie. Mais maintenant qu’il a plu à Dieu de lui montrer l’importance des bénédictions qu’elle possède comme corps, ses membres courent le danger d’oublier qu’ils doivent veiller avec encore plus de soin à leur position individuelle. C’est d’une importance capitale de connaître la position du chrétien et celle de l’Église, mais il faut ensuite bien considérer comment on s’y comporte. Notre force dépend de ce qui se passe entre notre âme et Dieu qui, dans Sa gracieuse et vigilante sollicitude, veille sur Ses saints individuellement. Ceux-ci, en conséquence, n’oublient point les bénédictions publiques répandues sur le peuple de Dieu ; mais il y a en outre la marche personnelle des saints qui se reposent sur Dieu et prennent souci de Sa gloire, tandis que Lui, de Son côté, garde leurs âmes dans une paix parfaite ; le cœur s’appuie sur Dieu Lui-même. Car peu importe la nature des bénédictions : si Dieu Lui-même n’est pas l’objet de nos cœurs, elles tournent toujours à mal ; c’est pourquoi il est dit : « parce qu’il se confie en toi ». Les Juifs dont parle le prophète n’ont pas seulement compris la bonté de Dieu et les merveilles qu’Il avait accomplies en leur faveur, ils Le connaissent aussi Lui-même et se confient en Lui. C’est une chose extrêmement précieuse pour l’âme que cette intelligence personnelle de Dieu et cette confiance personnelle en Dieu. Je n’ai pas besoin d’ajouter que c’est ce à quoi Dieu regarde de nos jours d’une manière peut-être plus intime encore qu’alors, bien que tout ce qui ait jamais été fait dans ce sens sur la surface du monde entier ait été complètement éclipsé, sauf une seule exception, et cette exception c’est Christ, et nous pouvons ajouter l’Église qui est Son corps. Rien ne peut surpasser le dernier Adam ; rien ne saurait être comparé à la croix de Christ, et ce sera la portion dont nous jouirons et dont nous nous glorifierons même dans l’éternité.

Remarquons aussi que dans les divers exposés de tout ce qui doit échoir aux Israélites, il n’est jamais prononcé une parole qui permette de supposer qu’ils entrent dans les profondeurs des voies de Dieu, à la croix, comme c’est attendu de nous maintenant. Qu’y a-t-il de plus doux que la manière dont ils comptent sur leur délivrance et mettent leur confiance en Dieu ! Mais vous ne trouvez jamais dans leur bouche des paroles comme celle-ci : « Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu’en la croix de notre Seigneur Jésus Christ ». Rien n’eût été pourtant plus facile pour Dieu, si cela avait été en harmonie avec leur position, que de parler de la sorte ici. Mais nous, nous sommes appelés à une telle communion avec Dieu à l’égard de Son Fils et de Sa croix aussi bien qu’à l’égard du ciel, qu’il est impossible d’en trouver une semblable dans l’Ancien Testament.

Ceux qui ont la fausse idée que c’est une seule et même chose, perdent le discernement de la valeur de l’Écriture. Il en résulte également pour leurs âmes un amoindrissement considérable de bénédictions. Au verset 4, l’Éternel, Jéhovah, apparaît ; la raison pour laquelle Il est présenté comme le Rocher des siècles est indiquée au verset 5 : « Il a renversé ceux qui habitaient les hauteurs », etc. Ce sera la nation que l’Éternel aux derniers jours revêtira d’un pareil honneur, après qu’elle aura été abaissée de toute manière par les Gentils. De là leur cantique : car alors Dieu n’hésitera pas à les bénir pleinement. Il est touchant de voir comment Dieu insiste sur tout ce qu’Il a fait pour leur délivrance et leur bien. Mais Il s’est toujours attaché à abaisser ce qui est élevé et orgueilleux, en rapport avec les Israélites. Ils auront passé par de terribles épreuves, et auront supporté le pénible reproche d’être un peuple entièrement abandonné.

Un petit nombre de Juifs pieux contrediront complètement le mensonge de Satan, quand les chefs de leur nation et les masses dans les régions de l’occident se seront livrés à l’Antichrist. Un petit résidu méprisé tiendra encore ferme pour le Seigneur, et persistera à repousser celui qui se présentera comme le véritable Messie. Il sera demeuré fidèle en face de la mort, et c’est ce résidu que nous voyons ici louant Dieu « parce qu’Il a aplani le sentier du juste » (v. 7). Il est doux de penser que son triomphe sera dû non à sa puissance, ni à ses connaissances, mais à sa seule confiance en Jéhovah et à sa foi en Sa Parole. Mais ces quelques Juifs pieux n’entreverront qu’une faible lueur, car ce sont les âmes auxquelles fait allusion le chapitre 50 d’Ésaïe, qui les montre comme marchant dans les ténèbres et n’ayant point de clarté. Pareille chose ne pourrait être dite d’un chrétien, quoiqu’il puisse tomber dans une pareille situation, car il a vu Christ, la lumière de la vie, la vraie lumière. Il peut n’avoir qu’une obscure perception de Christ ; néanmoins Christ est devant son âme et ne cesse pas de briller, car il n’est pas vrai que, là où la lumière de la grâce a brillé une fois, Dieu la retire de nouveau. L’affaiblissement provient du chrétien : ce n’est jamais la lumière qui se retire, mais c’est l’homme qui est infidèle et qui ferme les yeux. Le Saint Esprit est descendu du ciel pour demeurer avec le chrétien à jamais. Celui-ci peut ne pas marcher toujours selon la lumière, mais il est en elle, comme croyant, et il ne peut pas ne pas y être ; oui, il est maintenant lumière dans le Seigneur. Le chrétien marche dans la lumière aussi longtemps qu’il confesse le nom de Christ. Il ne marche jamais dans les ténèbres, il peut ne pas jouir de la lumière, mais c’est tout autre chose.

Le langage opposé est très répandu dans la chrétienté, parce que l’on confond la position du chrétien avec celle du peuple juif, qui doit sous peu marcher dans les ténèbres, avant que sa lumière ait apparu, et que la gloire de Jéhovah se soit levée sur lui. Il se peut que quelques Israélites ne marchent pas ainsi dans les ténèbres : leur piété fera certainement contraste avec l’incrédulité du plus grand nombre ; ce seront « les intelligents ». Mais le trait caractéristique de ces justes sera que, quoiqu’ils marchent de la sorte dans les ténèbres, cependant, comme ils auront été touchés par l’Esprit de Dieu et sauront que ce qui est de Dieu ne peut jamais contracter alliance avec le péché, ils refuseront de reconnaître que les idoles et l’Antichrist puissent être de Dieu. Ainsi ils passeront à travers le feu, avec une mesure extrêmement faible sans doute de connaissance de Dieu, mais du moins seront-ils fidèles à ce qu’ils ont reçu, et seront-ils conduits à louer Dieu (v. 7). Ils sont rendus dignes qu’il soit parlé d’eux comme « des justes ». Ainsi maintenant, il y a pour les croyants danger aussi bien qu’erreur à ne pas prendre la position des saints de Dieu ; car s’ils la déclinent, ils ne sentent pas la responsabilité de leur marche. Il en est comme des relations terrestres : si des maîtres ou des serviteurs ne maintiennent pas les uns vis-à-vis des autres leur position respective, ils ne se comporteront jamais dans la vie pratique comme cela leur convient réciproquement. Reconnaître notre véritable position, ce n’est point de l’orgueil, mais plutôt devoir et sagesse. Si vous n’êtes occupé que de vous-même, vous tomberez assurément dans l’orgueil, mais c’est de toute justice et de toute importance de connaître Dieu dans les relations dans lesquelles Il a daigné nous placer avec Lui.

L’Esprit de Dieu conduit les justes en question à s’écrier : « Ainsi nous t’attendons, ô Éternel, sur le chemin de tes jugements ; notre âme soupire après ton nom et après ton mémorial » (v. 8). C’est là le chemin qu’ils avaient suivi ; ils L’avaient attendu dans le sentier de Ses jugements ; nous, nous Le suivons dans la grâce, et comptons paraître avec Lui en gloire. — « Mon âme te désire pendant la nuit, et mon esprit te recherche au-dedans de moi ; car, lorsque tes jugements s’exercent sur la terre, les habitants du monde apprennent la justice » (v. 9). Nous avons ici de nouveau le caractère individuel. Pour ce qui concerne le monde, la patience de Dieu aura eu pour résultat le plus terrible rejet de la vérité. Pour le moment, Dieu supporte les voies de l’homme. Il ne l’a pas livré à ses propres conjectures et à ses ténèbres ; mais Il a fait briller Sa lumière dans la personne de Christ, laissant les hommes à eux-mêmes, tout en agissant par Sa Parole et Son Saint Esprit. Selon l’apparence extérieure, c’est comme si Dieu ne faisait pas attention à ce qui se passe ici-bas, et cela après que Sa parfaite lumière a resplendi par le moyen de Christ sur le monde. La grâce qui apporte le salut est apparue aux hommes. Le pardon a été offert aux méchants ; c’est là ce qui se poursuit à l’heure qu’il est. « Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend point la justice ; mais, est-il ajouté, il agit mal dans le pays de la droiture, et il n’a point égard à la majesté de l’Éternel » (v. 10). L’évangile n’est qu’un témoignage ; il ne gouvernera pas, il ne peut pas gouverner le monde. Quand les jugements de Dieu s’appesantiront quelque part sur la terre, les habitants apprendront la droiture. De là autre chose : au verset 11, Jéhovah vient, la main haute, pour juger. La première réponse déclare qu’ils « ne l’aperçoivent point » ; mais, est-il ajouté, « ils verront ton zèle pour le peuple, et ils en seront confus ; le feu consumera tes ennemis. — Éternel ! tu nous donneras la paix, car tout ce que nous faisons, c’est toi qui l’accomplis pour nous. Éternel, notre Dieu, d’autres maîtres que toi ont dominé sur nous, mais c’est grâce à toi seul que nous invoquons ton nom » (v. 11-13).

Et qu’est-il dit ensuite d’Israël ? « Ceux qui sont morts ne revivront point ; des ombres ne se relèveront point » (v. 14). Ce langage est sans doute figuré. Si nous nous rapportons à la résurrection, nous savons que les méchants doivent ressusciter aussi bien que les justes, c’est-à-dire qu’il y aura une résurrection de tous les hommes justes et injustes. Les Gentils oppresseurs d’Israël doivent ressusciter lors de la résurrection de jugement, aussi bien que tous les autres impies. Par conséquent, quand il est dit ici : Ils « ne revivront point », l’Esprit ne parle pas de la résurrection proprement dite du corps, mais du complet renversement du sort des Gentils et d’Israël dans ce monde. Ces vieux maîtres ne doivent plus vivre ni reparaître sur la scène terrestre. Ces quelques mots suffiront pour montrer que les expressions ici employées sont figurées.

Au chapitre 25, 8, il est dit : « Il engloutira la mort en victoire ». Ceci, nous le tenons de Dieu Lui-même, sera réalisé dans la résurrection proprement dite du corps, quand les saints sortiront du tombeau. Mais au chapitre 26, cette allusion à la résurrection est employée comme une figure, car le contexte prouve qu’elle ne peut se rapporter à ce fait même ; si elle s’y rapportait, ce serait nier la résurrection des injustes. C’est là le vrai critère pour l’intelligence de tout passage de la Parole : Quand on met en avant un texte contre ce qu’on sait être la vérité, il faut toujours examiner ce qui précède et ce qui suit, ce dont il s’agit aux yeux de Dieu. Dans le passage qui nous occupe, il est évident qu’il est question de la manière dont, en ce jour-là, le Seigneur en agira avec les Gentils qui ont fait peser leur joug sur Israël. Mais n’est-il pas avéré, demandera quelqu’un, que ces Gentils sont morts ? — Assurément, répondrai-je, mais il n’est pas vrai de soutenir qu’ils ne ressusciteront point. Il serait peut-être inutile d’insister là-dessus si l’on n’appliquait pas cette portion du chapitre 26, à la résurrection dont il est parlé au verset 8 du chapitre 25. Nous ne devons jamais tordre l’Écriture, mais nous incliner devant elle. Il faut maintenir les passages relatifs à une résurrection des corps, mais il est dangereux de faire une application identique d’autres passages qui ne sont que des figures, car on pourrait en inférer que la résurrection ne sera que partielle. De fait, comme nous le savons, tous les hommes doivent ressusciter : « L’heure vient à laquelle tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et ressusciteront » (Jean 5, 28, 29). Nous avons là la déclaration la plus formelle que tous, justes et injustes, briseront les liens du tombeau. Dans notre passage, au contraire, les méchants ennemis d’Israël « ne revivront point ». Jean enseigne clairement la résurrection de tous les hommes, bons et mauvais ; Ésaïe 26, 14 a recours à une figure de résurrection ou de non-résurrection pour calmer les craintes d’Israël et l’affermir contre ses ennemis. « Ceux qui sont morts ne revivront point ; des ombres ne se relèveront point ; car tu les as châtiés, tu les as anéantis, et tu en as détruit tout souvenir ». Mais qu’avait-il été fait pour la nation ? « Tu as accru la nation, ô Éternel, tu as accru la nation ; tu es glorifié ; tu as reculé les limites du pays » (v. 15). — Il n’est pas question de la résurrection du corps. Il serait impossible de dire, dans un passage où il en serait parlé, que Dieu a éloigné les saints ressuscités jusqu’aux extrémités de la terre. Combien c’est vrai, appliqué à Israël !

Ainsi encore aux versets 16-18 : « Éternel, dans la détresse ils t’ont recherché ; ils se sont répandus en prières quand tu les as châtiés. Comme une femme enceinte, sur le point d’accoucher, se tord et crie au milieu de ses douleurs, ainsi avons-nous été loin de ta face, ô Éternel ! Nous avons conçu, nous avons éprouvé des douleurs, et, au moment d’accoucher, ce n’était que du vent : le pays n’est pas une délivrance, et les habitants du monde ne sont pas nés ». En repassant leur conduite antérieure, ils verront qu’ils n’ont pas accompli la volonté de Dieu. Ils n’avaient pas été placés dans un courant de bénédictions divines ; ils avaient suivi les mauvaises voies des Gentils et avaient attiré la malédiction sur leur propre tête ; le nom de l’Éternel était blasphémé à cause d’eux. Mais maintenant il est dit : « Que tes morts revivent ! que mes cadavres se relèvent ! ». Puissantes et tendres paroles ! Le Seigneur réveille les Israélites, en les appelant Ses cadavres. Il n’est pas question de la mort du corps, mais d’un réveil national. La fille se réveille de son long sommeil, et le Seigneur parle des Juifs (Son peuple si longtemps mort) comme de Ses morts. Eux, pour ce qui les concerne, reconnaissent qu’ils sont tout aussi mauvais que les autres nations, mais il y a cette différence que le Seigneur les appelle siens. « Alors même qu’ils soient morts, semble-t-il dire, ils sont pourtant à moi ». C’est la nation juive qui a été comme un cadavre que le Seigneur, dans Sa grâce, semble avoir pris plaisir à s’approprier comme Son corps mort qu’Il fait revivre. Ainsi Abraham avait éloigné son mort de sa vue. Ici Dieu les appelle pour leur inoculer une nouvelle vie. — « Que mes cadavres se relèvent ! ». Plusieurs peuvent croire que notre interprétation est sujette à discussion ; un ou deux passages suffiront pour démontrer son caractère scripturaire.

En Ézéchiel 37 les termes de la figure sont tout aussi forts qu’ici ; l’Esprit de Dieu montre au prophète une vallée remplie d’ossements desséchés. « Ils étaient extrêmement secs ». — « Ces ossements reprendront-ils vie ? » telle fut la question (v. 3-5). — « Voici, j’introduirai en vous un esprit, afin que vous repreniez vie » (v. 6). La vision se réalise : les os se rapprochent et se recouvrent de chair. Ces ossements redressés et couverts de chair correspondent aux morts d’Ésaïe, qui sortent de leurs tombeaux ; ils sont la maison d’Israël : « Que tes morts revivent ! » dit-il. Le parallèle entre Ézéchiel 37 et Ésaïe 26 permet, au moins, de présumer avec toute apparence de vérité, que si la figure de la résurrection est employée dans l’un pour représenter le réveil d’Israël, elle peut l’être aussi dans l’autre. Or il est certain que telle est la signification de la vision d’Ézéchiel, nous en avons pour garantie l’interprétation inspirée qui la suit. Ce n’est pas l’exposé de nos propres pensées, c’est l’explication expresse, formelle du Saint Esprit. À cette lumière nous pouvons considérer Ésaïe 26 où se trouve la même image.

Osée nous montre la même figure, aussi bien que Daniel 12, 2 : « Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, et les autres pour l’opprobre et une ignominie éternelle ». Si l’on détourne le sens de ce passage pour l’appliquer à une résurrection du corps, nous ferons remarquer d’abord qu’il ne parle pas d’une résurrection de tous, mais seulement de plusieurs. En second lieu, observez qu’en même temps les uns doivent se réveiller pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre et l’ignominie. Nous devons abandonner la doctrine de la première résurrection, séparée par mille ans et plus de la seconde mort (Apoc. 20), pour fonder sur ce passage de Daniel une vraie sortie des tombeaux. Tout devient au contraire très clair et très explicite dès qu’on l’applique, comme ceux d’Ézéchiel et d’Ésaïe, au réveil d’Israël, ou des Juifs que Dieu tirera de leur état actuel d’abaissement, bien que quelques-uns d’entre eux doivent manifester une méchanceté et un orgueil funestes. Le reste sera réveillé et animé d’une vie divine. C’est là une autre confirmation de la vérité de notre interprétation.

Le verset 20 est d’ailleurs assez significatif : « Va, mon peuple, entre dans ta chambre… jusqu’à ce que l’indignation soit passée ». Ceux qui expliquent le contexte à la lettre par une résurrection, sont fatalement conduits à l’erreur (car un tel système ne signifierait pas autre chose) que les saints ressuscités resteraient sur la terre pendant que la colère divine passerait. On comprend jusqu’à un certain point qu’ils s’appuient sur le fait que quelques-uns doivent passer par la tribulation, quoique ce ne soit pas la même chose que la colère. Mais il est clairement question d’hommes vivant ici-bas et non d’hommes transmués. Dieu commande aux Juifs d’entrer dans leurs chambres jusqu’à ce qu’Il ait donné cours à Sa colère contre les nations. Est-ce là ce que nous attendons ? Ne devons-nous pas être enlevés à cette scène terrestre et entrer dans la maison du Père en haut ? Nous ne sommes pas un peuple terrestre, mais un peuple céleste. Nous savons que le Seigneur doit venir nous prendre pour être avec Lui là où Il est, et qu’une fois les chrétiens ravis au ciel, les Juifs seront appelés à remplir sur la terre le rôle qui leur est réservé. Le petit résidu sera douloureusement éprouvé, et la généralité de la nation recevra le faux Christ. C’est quand aura lieu le jugement des vivants qu’il sera dit : « Entre dans tes chambres ». Dieu ne leur préparera pas une demeure céleste, ils doivent entrer dans leurs chambres, ce qui désigne toujours quelque lieu de refuge et de sécurité terrestre. Tout ceci rend parfaitement claire l’explication que nous donnons du passage, et montre que Dieu ne parle pas des saints célestes, mais du résidu juif aux derniers jours, auquel est assuré un port de refuge. Ce n’est pas comme Abraham : c’est ici notre place ; Israël se trouvera plutôt dans la position de Lot, car il sera au milieu même de la scène du jugement. Lot entra dans sa chambre (c’était pour lui Tsoar), quand survinrent les jugements ; mais quant à Abraham, il demeura complètement en dehors de cette scène ; et même, avant que le jugement n’eût lieu, il savait mieux que Lot ce qui allait arriver. Sa position, sa communion, son expérience différaient totalement de celles de son neveu. Ainsi nous serons ravis auprès de Christ et introduits dans la maison du Père ; puis, quand le Seigneur viendra pour exécuter le jugement, nous viendrons aussi avec Lui.

Chapitre 27. — Ce chapitre clôt la section prophétique que nous venons d’étudier. C’est « en ce jour-là ». Il est évident que le chapitre 28 introduit une division nouvelle.

La grande crise a éclaté. Non seulement Jéhovah descend du lieu qu’Il habite pour châtier les habitants de la terre à cause de leurs iniquités ; non seulement la terre est obligée de dévoiler ses actes sanguinaires, et ses meurtres ne seront plus cachés, mais de plus grands événements ont lieu. Car, « en ce jour, l’Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux, et il tuera le monstre qui est dans la mer ». C’est l’exécution du jugement divin contre le pouvoir de Satan, figuré par des expressions parfaitement appropriées pour décrire son inimitié à l’œuvre contre Israël parmi les Gentils (v. 1). « Le jour du Seigneur » embrasse non seulement les mille ans, mais un peu plus.

En conséquence, l’Esprit passe aux voies du Seigneur envers les siens : « En ce jour-là, chantez ainsi sur la vigne : C’est moi, l’Éternel, qui la garde ; à tout instant je l’arroserai ; de peur qu’on ne l’attaque, nuit et jour je la garderai » (v. 2-3). Sa sollicitude n’a jamais fait défaut, quelles qu’aient été les circonstances par lesquelles aient passé Son pays ou Son peuple. Quand Il porte une fois encore Ses regards sur la terre, et par conséquent sur Israël, Sa vigilante bonté se montre toujours la même en leur faveur : « Il n’y a point en moi de colère ; mais si l’on me donne des ronces et des épines à combattre, je marcherai contre elles, je les consumerai toutes ensemble ; à moins que l’on ne me prenne pour refuge, que l’on ne fasse la paix avec moi » (v. 4, 5). Ce langage semble passablement obscur, si l’on en juge par les divergences qui séparent les commentateurs et par la difficulté de se prononcer d’une façon impartiale. Mais en admettant que notre traduction rende la pensée fidèle de l’original, le Seigneur, d’un côté, défie Ses adversaires et les prévient de leur ruine certaine, de l’autre Il offre Sa protection comme le seul moyen de paix et de sécurité. Le verset suivant n’a pas besoin d’explication : « Dans les temps à venir, Jacob prendra racine, Israël fleurira et poussera des rejetons, et il remplira la terre de ses fruits ». Tel est le dessein de l’Éternel, et il s’accomplira.

À proprement parler ce n’était pas un dessein, c’était le résultat d’une patiente et persévérante discipline dans Ses voies envers Israël. « L’Éternel l’a-t-il battu comme Il a battu ceux qui le frappaient ? L’a-t-il tué comme Il a tué ceux qui le faisaient mourir ? C’est avec mesure que tu l’as châtié par l’exil, en l’emportant par le souffle impétueux du vent d’orient. Ainsi le crime de Jacob a été expié ; et voici le fruit du pardon de son péché : l’Éternel a rendu toutes les pierres des autels pareilles à des pierres de chaux réduites en poussière ; les statues et les idoles ne se relèveront plus. Car la ville forte est solitaire, c’est une demeure délaissée et abandonnée comme le désert ; là, pâture le veau, il s’y couche et broute les branches. Quand les rameaux sèchent, on les brise ; des femmes viennent pour les brûler. C’était un peuple sans intelligence : aussi celui qui l’a fait n’a point eu pitié de lui ; celui qui l’a formé ne lui a point fait grâce » (v. 7-11). Ainsi Dieu se conduisait autrement envers Israël qu’envers ses ennemis. Il le châtia fidèlement à cause de son orgueil, de ses rébellions et de son incrédulité, mais Il ne fit pas peser sur lui les inflexibles jugements par lesquels Il détruisit leurs adversaires communs. Il y avait là aussi des massacres ; mais qu’était-ce en comparaison de ceux que les Juifs doivent opérer avant que ce jour de rétribution arrive ? Dans leur cas, le jugement était tempéré par la miséricorde ; l’action de Dieu était mesurée. Dans Ses débats ou Son procès avec eux, Il daignait plaider ; et même quand survenaient les plus amères épreuves, Il les adoucissait gracieusement et même les arrêtait à l’égard d’Israël ; et plus que cela, car il y avait aussi profit moral quand toute trace d’idolâtrie devait être réduite en poussière comme des pierres de chaux. Il n’est donc pas étonnant qu’à travers tant de changements, les œuvres des hommes passent, la ville forte soit solitaire, l’habitation délaissée et abandonnée comme le désert, que les veaux y paissent, que les femmes se servent pour leur feu des branches sèches et brisées, car hélas ! la folie du peuple a amené nécessairement cette ruine.

Toutefois, ici encore, comme ailleurs, la grande tribulation est le précurseur immédiat d’une délivrance plus grande : « En ce temps-là, l’Éternel secouera des fruits, depuis le cours du fleuve jusqu’au torrent d’Égypte, et vous serez ramassés un à un, enfants d’Israël » (v. 12). Le juge de toute la terre agira selon la justice, mais Il donnera cours à Sa souveraine miséricorde pour sauver. Il fera passer par le crible et ramassera les Israélites un par un. De plus, « en ce jour, on sonnera de la grande trompette, et alors reviendront ceux qui étaient exilés au pays d’Assyrie et ceux qui étaient fugitifs au pays d’Égypte ; et ils se prosterneront devant l’Éternel, sur la montagne sainte, à Jérusalem » (v. 13). Mes lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici n’éprouveront aucune difficulté ni aucun doute pour déterminer la véritable application de ces paroles. Il s’agit de la trompette de Matthieu 24 et non de celle de 1 Thessaloniciens 4, ou de 1 Corinthiens 15. Les deux dernières se font entendre au moment de l’appel que Dieu adresse aux saints célestes ; notre chapitre, aussi bien que le passage en question du premier évangile, décrit l’invitation de l’Éternel à Israël de se rassembler du nord et du midi, pour adorer le Seigneur sur la sainte montagne à Jérusalem.

Troisième division — Chapitres 28 à 35

Chapitre 28. — Ce chapitre, qui se lie étroitement au vingt-neuvième, nous donne un aperçu clair et détaillé des voies de Dieu envers Son peuple et Son pays, et spécialement à l’égard de Jérusalem, aux derniers jours. Israël doit se flétrir comme une fleur, Jérusalem passer par des douleurs amères, mais être glorieusement délivrée pour toujours. Il me semble qu’on peut voir clairement combien il est impossible d’appliquer ce que le Saint Esprit annonce ici comme un ensemble de prédictions, à un événement passé quelconque. Nous devons donner une portée plus éloignée et plus précise à ces malheurs dénoncés par le prophète. Si simple que la chose puisse être, elle est d’une importance extrême. Car même de nombreux chrétiens s’attendent à un progrès graduel (pas seulement un témoignage) de l’évangile. Ils espèrent que par la bénédiction du Saint Esprit, répandue sur la prédication de la Parole, les nations y seront peu à peu amenées ; que le mal moral, l’incrédulité, toutes les formes de superstitions, tout l’orgueil et toute la mondanité de l’homme, disparaîtront insensiblement à mesure que l’influence du Saint Esprit s’exerçant sur les cœurs, les remplira de justice, de paix et de joie, et qu’ainsi le monde en général reflétera la volonté et les voies de Dieu. Aux yeux de ces personnes, il paraît étrange d’entendre affirmer qu’il y aura un changement complet de dispensation ; que Dieu, après nous avoir retirés d’ici-bas pour être avec Christ en haut, doit rendre aux Israélites leur prééminence dans leur propre patrie, non pas les convertir simplement et les introduire dans l’Église chrétienne, mais les amener à se repentir et à recevoir leur Messie, lorsqu’ils jouiront des promesses qui les concernent proprement et qu’ils seront entrés dans la nouvelle alliance faite exprès pour eux, la gloire de Jéhovah brillant sur Sion, eux-mêmes étant élevés au-dessus de toutes les nations qui prendront alors une place d’infériorité, consciente et volontaire, vis-à-vis d’Israël, et rivaliseront entre elles à qui rendra le plus d’honneur aux élus de l’Éternel. Tout ceci, avec ses nombreuses et solennelles conséquences, suppose une telle révolution dans les idées des gens, que les chrétiens plus familiarisés avec les Écritures, peuvent difficilement concevoir quel bouleversement cela opère dans la foi de ceux qui ne sont pas versés dans l’étude de la prophétie, combien c’est contraire aux opinions reçues, et quel coup de mort cela porte à ce qui est considéré comme l’espérance légitime de l’Église. Si nous nous adressons à la Parole de Dieu comme à la source unique de toute vérité et à la sûre pierre de touche de tous les préjugés, nous reconnaîtrons qu’il n’y a rien de plus clair ; car ici est nettement rapportée une vision du terrible coup destiné à Éphraïm, qui est non seulement le nom d’une tribu particulière, mais la désignation générale des dix tribus réunies sous cette tribu principale. Juda et Éphraïm sont les deux titres par lesquels les prophètes distinguent la plupart du temps les deux maisons d’Israël. Ce qu’Ésaïe déclare ici, c’est le malheur prêt à fondre spécialement sur Éphraïm, c’est-à-dire sur ce que nous appelons les dix tribus. Ce détail nous fournit les moyens de juger du temps et des circonstances de son accomplissement, car à aucune époque, l’histoire est là pour le prouver, des jugements tels que ceux qui sont décrits dans ce chapitre, ne s’appesantirent sur les Juifs. Les autres (c’est-à-dire Israël) furent emmenés en captivité en Assyrie, et ne furent jamais, comme peuple, rétablis dans le pays. Ésaïe écrivait alors que ce terrible coup avait déjà frappé Israël, et il se transporte aux derniers jours, aux jours même où Christ sera uni, d’abord par la foi, puis par Ses délivrances et Sa gloire, au résidu de Juda. En consultant l’histoire de Juda dans le passé, nous ne pouvons y découvrir le moindre rapport de Christ avec Juda, rien qui corresponde à ce recours à la pierre éprouvée, sauf dans ces disciples qui, à une époque plus éloignée, abandonnèrent la synagogue pour l’Église. Les dix tribus avaient été transportées auparavant, et les deux tribus furent plus tard emmenées à Babylone, d’où revint seulement un résidu de Juda peu considérable. Par conséquent, la prophétie n’a pas encore été accomplie, et elle doit l’être. Il ne saurait y avoir de règle d’interprétation plus évidente et plus sûre que celle-là. L’Écriture ne peut pas être anéantie : il faut que la Parole de Dieu se vérifie tôt ou tard. C’est à la fin de la dispensation actuelle que viendra le moment favorable pour la pleine réalisation de la prophétie. C’est pourquoi la question, dans le cas que nous étudions, est de savoir s’il est arrivé quelque événement qui reproduise trait pour trait les jugements dont le prophète menaçait les dix tribus et Juda, ainsi que Jérusalem — que ces choses n’ont jamais reçu leur réel et complet accomplissement, c’est ce qui sera manifeste à mesure que nous poursuivrons.

« Malheur à la couronne superbe des ivrognes d’Éphraïm, à la fleur fanée qui fait l’éclat de sa parure, sur la cime de la fertile vallée de ceux qui s’enivrent. Voici venir, de par le Seigneur, un homme fort et puissant, comme un orage de grêle, un ouragan destructeur, comme une tempête qui précipite des torrents d’eaux ; il la fait tomber en terre avec violence ». Je ne pense pas que cette ivresse doive être prise à la lettre. Elle représente l’état d’excitation, de stupéfaction, le manque de ressources d’Éphraïm, abandonné à lui-même, à ses voluptés, et ayant honte du vrai Dieu. Ce que l’ivresse est pour les hommes avec ses désastreux effets, tels sont dans un sens moral pour Éphraïm son orgueil et sa folie. À quelque époque que cela doive s’accomplir, ce sera réalisé évidemment en Israël comme tel.

« En ce jour, l’Éternel des armées sera une couronne éclatante et une parure magnifique pour le reste de son peuple ; un esprit de justice pour celui qui est assis au siège de la justice, et une force pour ceux qui repoussent l’ennemi jusqu’à ses portes ». — Mais la condition de Juda était-elle meilleure ? — « Eux aussi, ils chancellent dans le vin, et les boissons fortes leur donnent des vertiges ; sacrificateurs et prophètes chancellent dans les boissons fortes ; ils sont absorbés par le vin, ils ont des vertiges à cause des boissons fortes ; ils chancellent en prophétisant, ils vacillent en rendant la justice. Car toutes les tables sont pleines de vomissements, d’ordures ; il n’y a plus de place ». — En vain Dieu était-Il allé au-devant de leur faiblesse, et leur avait-Il donné la nourriture des enfants (v. 9, 10). Il faut qu’Il intervienne encore et cela ne saurait tarder : « C’est par des ennemis aux lèvres balbutiantes et au langage barbare, que l’Éternel parlera à ce peuple ». Ce ne sera plus par des conseils comme ceux qu’on donne aux enfants et dont ils n’avaient tenu aucun compte, mais par la voix d’ennemis qui les flagelleront. Ils n’ont pas voulu de Ses paroles de repos pour ceux qui étaient fatigués ; ils auront pour les conduire une nation qu’ils ne comprendront point. — C’était un jugement en conséquence de leur incrédulité !

Aussi l’Assyrien est-il représenté comme un orage de grêle descendant du nord sur Éphraïm, orage puissant et terrible, fléau débordé, dont le seul bruit donnera l’épouvante. C’est le roi du nord tel qu’il est dépeint en Daniel 11. J’ai déjà attiré l’attention sur la supposition erronée que le personnage qui doit apparaître comme « le roi » dans la Palestine, est le seul danger des Juifs. Nul doute que, tout en régnant sur eux, il ne soit au fond l’un de leurs pires ennemis. Car que peut-il y avoir de plus affligeant ou de plus désastreux que de posséder près de soi quelqu’un auquel on s’est attaché comme à un ami et qui se transforme en adversaire des plus cruels ? Tel sera le cas lorsque l’Antichrist apparaîtra au milieu des Juifs et régnera accepté par eux comme le Messie. L’Antichrist sera, en mal et en fausses prétentions, ce que Christ est en fait et en vérité. Bien que Jésus fût Dieu, cependant quand Il vint comme homme parmi les hommes, Il n’affirma jamais Ses droits comme Dieu, dans Sa marche ordinaire ici-bas ; pourtant la gloire de Sa personne était manifeste à l’œil de la foi. Il ne fit jamais usage de Sa divinité pour éloigner les épreuves, les souffrances, ou le mépris que les hommes Lui témoignaient. Il s’attendait à Dieu et se confiait en Lui. Son obéissance en tant qu’homme contribua d’autant plus, à cause de Sa dignité divine, à montrer qu’Il voulait affronter toute honte, tout opprobre, la mort même de la croix, afin que Dieu le Père fût glorifié. L’Antichrist, au contraire, profitera de tous les moyens que Satan met à sa disposition (et Satan le revêtira d’une puissance telle, que jamais l’homme n’en avait possédée auparavant sur la terre), et recourra à toute espèce d’influence, de miracles et de prodiges. Il en résultera que les Juifs, qui de tout temps ont regardé aux dons extérieurs et aux prodiges, l’accepteront et l’adoreront comme le Messie, comme Jéhovah leur Dieu, à Jérusalem. C’est là le personnage dont la seconde épître aux Thessaloniciens nous signale la venue. Sur lui spécialement doit fondre le jour du Seigneur, quoique ce jour doive, dans le cours entier des jugements, aller de la destruction de l’Antichrist jusqu’à la fin des mille ans. Toute cette période ne sera pas seulement consacrée au déploiement de la gloire divine, mais à l’exécution, à certains intervalles, du jugement réservé à ceux qui y mettent obstacle. Ainsi, des autres ennemis du Seigneur, le principal est ce roi du Nord, le fléau assyrien qui s’abat sur Éphraïm. Il est clair que cet ennemi est en dehors de la Terre Sainte, tandis que l’Antichrist régnera dans le pays, où il sera reçu par les Juifs ; ce sera même probablement un Juif, car sans cela il lui serait difficile de se faire passer pour le Messie. Mais l’autre ennemi du dehors, quoiqu’il se présente comme doué d’un esprit pénétrant (Dan. 8), apparaîtra plutôt comme un antagoniste, comme un roi cruel, et un être qui prospérera puissamment par la fraude.

D’après les chapitres 28 et 29, il est question de deux attaques contre Jérusalem. L’ennemi marche d’abord sur Éphraïm, après avoir envahi la Terre Sainte par le nord qui est sa direction naturelle. Il abaisse l’orgueil d’Éphraïm (v. 3), et Dieu permet qu’il remporte aussi sur Jérusalem un succès partiel. « Écoutez donc la parole de l’Éternel, hommes moqueurs, vous qui dominez sur ce peuple de Jérusalem. Vous avez dit : Nous avons fait une alliance avec la mort, nous avons fait un pacte avec le séjour des morts ; quand le fléau débordé passera, il ne nous atteindra point, car nous avons la fausseté pour refuge et le mensonge pour abri. C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement fondée ; celui qui la prendra pour appui, n’aura point hâte de fuir. Je ferai de la justice une règle, et de la droiture un niveau ; et la grêle emportera le refuge de la fausseté, et les eaux inonderont l’abri du mensonge. Et votre alliance avec la mort sera détruite, et votre pacte avec le séjour des morts ne subsistera point ; quand le fléau débordé passera, vous serez pour lui comme ce qu’on foule aux pieds ». — Trouvons-nous rien de semblable dans l’histoire du passé ? Si, par cas, l’on se reportait à Sankhérib et à son armée (2 Rois 18), qu’y a-t-il là de pareil, si ce n’est simplement un type préparatoire ? Son pouvoir ne fut-il pas totalement abaissé devant les Juifs (chap. 19) ? N’était-ce pas un pieux descendant de David qui régnait alors à Jérusalem ? Éphraïm n’avait-il pas été balayé plusieurs années avant ? Il est évident, il est certain que Sankhérib n’a jamais remporté d’avantages sur Jérusalem, tandis que le pouvoir en question doit être victorieux d’Éphraïm, et réduire ensuite Juda à l’extrémité. Remarquez ici le langage du prophète : « Écoutez la parole de l’Éternel, hommes moqueurs, vous qui dominez sur ce peuple de Jérusalem » (v. 14). La vérité est que, lorsque Sankhérib marcha contre Jérusalem, le pieux roi Ézéchias qui la gouvernait, au lieu de faire alliance avec la mort, implora le secours de l’Éternel contre le moqueur roi d’Assyrie. Il s’ensuivit que l’Ange de l’Éternel frappa l’armée assyrienne au point qu’il n’en tomba pas moins de cent quatre-vingt-cinq mille hommes. À moins que l’Assyrien n’attaque une fois encore les Juifs, il n’est pas un événement dans le passé qui ne soit l’opposé de ce que nous avons ici.

Que les rationalistes, si bon leur semble, puisqu’ils nient l’Esprit de Dieu, concluent que le livre est dans l’erreur ; les croyants peuvent être assurés que les faits relatés dans ce chapitre ont trait aux jugements des derniers jours. De paresseux lecteurs, des commentateurs inintelligents ou imbus de préjugés peuvent glisser légèrement sur les points importants de la prophétie, se bornant à faire tourner ce qu’ils peuvent à l’édification : mais dès qu’on s’attache étroitement au texte, il faut accepter la vérité des faits à venir, sous peine de tomber dans le rationalisme ou l’incrédulité. Il est parfaitement certain qu’il n’est encore rien arrivé qui réponde à cette prophétie. On ne peut donc en inférer légitimement que deux choses — ou la prophétie reste à accomplir, ou le pseudo-prophète a donné carrière à son imagination ou s’est rendu coupable de mensonge. Le chrétien croit au contraire que Dieu n’a rien écrit inutilement, et que toute parole, qui n’a pas été encore accomplie, doit se réaliser de point en point, dans le cours de ces actes merveilleux à l’aide desquels Dieu fera du pays d’Israël le tombeau de l’orgueil et de la puissance de l’homme.

Alors Dieu apparaîtra pour la délivrance éternelle du malheureux Israël ; et ce peuple, maintenant si fameux pour son rejet obstiné de Christ, ira porter avec enthousiasme jusqu’aux bouts de la terre la nouvelle des miséricordes divines. Quel contraste avec ce qui a lieu présentement ! Les Israélites seront ramenés dans leur patrie, et ils y seront bénis, quand l’Éternel des armées régnera sur la montagne de Sion. Maintenant Dieu n’a pas de pays qui soit à Ses yeux particulièrement saint. La Terre, sainte dans Ses plans, est pour le moment la possession des Turcs. C’est un pays stérile, bien que les preuves de sa fertilité ne manquent pas au sein de cette aridité même. Comment un si complet changement s’effectuera-t-il ? Lorsqu’il sera réalisé, Dieu poussera Israël à construire un temple magnifique. Les sacrificateurs, fils de Tsadok, feront leur service dans un ordre parfaitement réglé selon Dieu. Le pays sera partagé entre les douze tribus d’une nouvelle manière. Tout ceci, et d’autres choses encore, nous est exposé dans les derniers chapitres du prophète Ézéchiel. Les preuves abondent ailleurs pour quiconque est tant soit peu familiarisé avec la prophétie. Les traits caractéristiques du temps où nous vivons sont le rejet d’Israël, l’appel des Gentils, la formation de l’Église unie à Christ en haut par le Saint Esprit ici-bas, l’Église dans laquelle il n’y a ni Juifs ni Gentils. Ainsi le caractère de la bénédiction pour l’homme est entièrement altéré. Au lieu d’être extérieurement honorés, les Juifs sont chassés et dispersés, et ont encore à passer par de cruelles tribulations. C’est nous, et non pas eux, qui sommes actuellement le peuple de Dieu, les enfants de Dieu. Nous jouissons de la paix en Christ, mais dans le monde nous avons des afflictions. Dans les jours qui viennent, tout sera changé : Dieu, au lieu de rejeter les Juifs, les établira de nouveau dans leur propre pays, tournera vers Lui leurs cœurs, étouffera toute tendance qui pourrait exister en eux à se confier dans les ordonnances ou dans les idoles qui seront détruites à jamais, au lieu qu’auparavant ils mêlaient l’idolâtrie au culte de Jéhovah, et repoussaient leur Messie. Il est clair qu’il faut qu’un nouvel ordre de choses ait été introduit. Les prophéties peuvent nous conduire à admettre ce changement, mais comment s’effectuera-t-il ? À la suite de jugements contre Israël et surtout ses ennemis, plus terribles que le monde n’en a jamais vus ; ce ne sera pas seulement une grande nation qui sera frappée, mais l’orient et l’occident, tous les anciens ennemis des Juifs, représentés par leurs descendants. Tous les peuples de la terre, en un mot, y figureront. La conséquence sera que Dieu jugera toutes les nations et bénira enfin Son ancien peuple, selon les promesses qu’Il a faites aux pères, lesquelles se réaliseront alors pour les enfants. Pour que ce changement s’opère, il faut non seulement que ces jugements soient exécutés, mais aussi que les saints célestes aient été enlevés en haut auprès du Seigneur, car, aussi longtemps que l’Église subsiste ici-bas, il est impossible, moralement parlant, que Dieu accomplisse ces événements d’un caractère absolument opposé. Car il est contraire à toute analogie que Dieu agisse en même temps selon deux principes contraires. Par exemple, comment pourrait-Il à la fois rendre et refuser la gloire extérieure aux Juifs ? Comment formerait-Il l’Église et dans le même temps restaurerait-Il et reconnaîtrait-Il Israël ? Si de nos jours un Juif vient à croire et reçoit le baptême du Saint Esprit, il devient membre du corps de Christ, tandis que nous trouvons dans les prophètes qu’aux derniers jours, un Juif pieux restera Juif. L’Esprit le régénérera sans nul doute, mais il se trouvera dans sa patrie, et au lieu de souffrir, il recevra des bénédictions terrestres. Ce sont donc deux états de choses tout différents. Le Nouveau Testament nous en fournit la clé. Avant de travailler au sein d’Israël, le Seigneur doit ravir l’Église au ciel. Aussi dans l’Apocalypse, la grande et première leçon est-elle que, lorsque « les choses qui sont », ou les sept églises, auront pris fin, et que ceux qui sont présentement de vrais croyants auront été glorifiés avec le Seigneur dans le ciel, Dieu entreprendra une œuvre nouvelle parmi les Juifs et les Gentils, qui seront les uns et les autres bénis, mais d’une manière différente. Probablement les Juifs retourneront dans leur pays encore incrédules, et Satan les poussera à proclamer l’un des leurs comme Messie ; ce Messie les amènera peu à peu à l’adorer, lui et une idole. On trouvera peut-être qu’il est aventureux d’affirmer que des hommes civilisés, christianisés, puissent tomber dans une pareille folie et adorer des idoles ou l’Antichrist. Mais l’Écriture est explicite à cet égard ; elle dit positivement que ceux qui aujourd’hui se vantent de leurs progrès, de leurs connaissances, de leur religion, tomberont à cette époque dans l’abîme de l’anti-christianisme et l’idolâtrie. Toute l’Europe occidentale y sera entraînée avec la plupart des Juifs. Dieu aura probablement éloigné tous ceux qui sont vraiment chrétiens. Alors éclatera l’apostasie, quoiqu’au milieu de ce mal effrayant l’Esprit de Dieu agisse, surtout chez quelques Juifs qui, à travers ces scènes, demeureront fidèles à Dieu, dont les uns mourront pour la vérité, dont les autres survivront dans la chair — résidu que Dieu se réservera pour s’en faire comme un nouvel Israël. Il viendra au milieu de cette méchanceté, Il exécutera Ses jugements contre les impies, et préservera le résidu épargné, qui deviendra l’instrument choisi pour répandre la vérité durant la période milléniale.

Quand le Saint Esprit dit : « Vous avez dit : Nous avons fait une alliance avec la mort » (v. 15), il n’y a pas lieu de supposer que ces paroles doivent être prises pour une confession. Dieu exprime plutôt leur mal réel et leur vrai danger. Ils peuvent se glorifier de leur alliance, mais ils ignorent que c’est avec le sépulcre qu’ils l’ont contractée. Ils sont induits à accepter un faux Messie, dont le pouvoir sera manifesté comme étant de Satan, mais ils ne connaissent pas la tromperie. Des hommes n’oseraient pas déclarer ouvertement qu’ils ont conclu un pacte avec le diable ; il faut être dans une situation qui n’est pas naturelle pour reconnaître pareille chose ; et la Parole de Dieu ne nous impose pas une semblable interprétation. J’imagine que ce passage se rapporte à ceux qui s’allient pour échapper au roi du Nord. Cela ressemble fort à une entente entre la Bête et le faux prophète. La puissance que l’Écriture désigne sous le nom de la Bête, c’est l’empereur de l’Occident, le dernier souverain de l’empire romain dans sa réapparition. Il y a même de nos jours un homme vivant, dont l’esprit est fixé sur un projet semblable. C’est une chose remarquable que, dans ces dernières années, ce projet soit entré dans le cerveau d’un personnage qui a prouvé qu’une idée fixe le gouverne. Ce n’est pas un fait absolument nouveau que ces efforts tentés de réorganiser l’empire avec Rome pour capitale. Le plan consiste, non à renverser les autres nations européennes, mais à les transformer en royaumes dépendants, ayant chacun son roi, sous l’autorité d’un chef suprême. Que ce soit là la théorie d’un monarque vivant, ce n’est pas plus douteux qu’il ne l’est qu’un autre a eu cette idée avant lui. J’ajoute qu’il s’est mêlé lui aussi, comme son prédécesseur, des affaires de la Terre Sainte, et que tous deux ont cherché à s’appuyer sur Rome. Des chrétiens avaient expliqué les prophéties dans ce sens longtemps avant la guerre des lieux saints ou l’occupation de Rome. Ils ne déduisaient pas leur manière de voir des événements politiques, mais de l’Écriture. Évidemment il s’élèvera un grand pouvoir que la Bible appelle « la Bête », ou l’empire romain rétabli, avec sa constitution particulière, lequel, au lieu de déposer les divers souverains de l’Europe, leur constituera des royaumes distincts, nominalement indépendants, mais en réalité placés sous la suprématie de l’empereur qui, par conséquent, est la partie contractant alliance avec les Juifs apostats, de concert avec leur roi, l’Antichrist ; l’empereur occidental étant le chef politique, comme le prophète-roi, le chef spirituel de la chrétienté alors véritablement l’anti-chrétienté. Ainsi Jérusalem qui a été le berceau de la chrétienté professante en sera le tombeau. Quant au personnage particulier qui dans tout cela jouera le principal rôle, il n’en est rien dit. Il sera révélé en son temps. Le grand point est la manifestation des chefs à Jérusalem et à Rome. Rome sera le centre d’un empire terrestre, avec des rois séparés, mais dépendants dans l’Europe occidentale, ayant chacun leur royaume sous la sujétion à un seul et même chef. C’est là l’un des traits caractéristiques. L’autre consiste en ce que les Juifs seront dans leur propre pays, et qu’ils seront placés sous l’autorité, non de Christ, mais de l’Antichrist.

Une fois les Juifs en Palestine, le reste du grand drame se déroulera ; ils ne tarderont pas à avoir le chef qui leur est annoncé. Alors aura lieu la scène dont il est question aux versets 14 et 15 de notre chapitre. Afin de se mettre à l’abri du grand oppresseur du nord ou du fléau débordé, ils contractent une alliance avec « la Bête ». En vain comptent-ils échapper. En ce même temps Dieu s’attachera les cœurs d’un petit nombre de Juifs fidèles, qui reconnaîtront que le prince méchant ne peut être leur Messie, que le vrai Dieu est un Dieu saint, que Son serviteur, le Roi qui leur a été promis, doit être, non un homme de péché, mais un homme de justice. Ils repousseront le faux Messie et d’un cœur repentant s’écrieront : Béni soit celui qui vient au nom de Jéhovah ! Ce sont là les personnes désignées par l’expression « celui qui croit » (v. 16). Les autres complotent, font des préparatifs, et espèrent échapper au fléau débordé. Mais non ; Dieu permettra qu’ils soient foulés aux pieds (v. 17-20) ; Il ne les laissera pas échapper. La première attaque contre Jérusalem réussira. Au chapitre suivant nous voyons un résultat tout différent, alors que le peuple dans la ville a été purifié et que Jéhovah intervient (comp. Zach. 13 et 14).

Ainsi Jérusalem est le grand champ de bataille des nations et le théâtre principal des jugements de Dieu. Je ne parle pas maintenant du dernier et éternel jugement, du grand trône blanc, car ceci n’a rien à faire avec la terre. Les cieux et la terre auront passé auparavant. Il faut se rappeler qu’il doit y avoir un jugement de la terre habitable, non seulement un jugement des morts, mais aussi et d’abord des vivants. Tout homme baptisé professe que Christ doit venir pour juger les vivants et les morts. Combien de personnes comprennent ces paroles et y croient ? Tout n’aura pas lieu en même temps. Nous parlons ici du jugement des vivants. La raison pour laquelle Jérusalem devient le théâtre des jugements de Dieu contre les nations est que Jérusalem, Juda et le peuple d’Israël sont le centre choisi de Dieu parmi les nations. Aux derniers jours Il renouera Ses relations premières avec Israël, quoique sur un terrain meilleur et éternel.

Quelles paroles solennelles que celles des versets 14-29 pour les hommes moqueurs qui gouvernent à Jérusalem ! En vain invoqueront-ils des bénédictions passées ou des privilèges actuels ; Jéhovah se lèvera « pour faire son œuvre, son œuvre étrange, pour exécuter son travail, son travail inouï ». Il n’aime pas la vengeance ; Il se plaît à la miséricorde ; mais les moqueurs Lui sont odieux, et surtout en Sion. C’est pourquoi Il a résolu de consumer toute la terre. Il est le Dieu qui ne change point ; qu’ils ne présument pas de Son long support. Ce n’est pas toujours pour l’homme le temps de labourer, ni toujours celui de semer ; le temps de battre le grain arrive, et on le bat suivant ses espèces et de différentes manières. Ainsi en sera-t-il des jugements dont Dieu frappera la terre. « Cela aussi vient de l’Éternel des armées qui est admirable en conseils, et magnifique en moyens ».

Chapitre 29. — Comme les remarques du précédent chapitre s’appliquaient en quelque mesure à celui-ci, nous pourrons être plus bref. Il s’ouvre par le siège de Jérusalem par « l’Assyrien », qui revient si souvent dans les prophéties : « Malheur à Ariel, à Ariel, cité qu’habitait David ! Ajoutez année à année ; que les fêtes accomplissent leur cycle ! Puis, je réduirai Ariel à l’extrémité ; il y aura des plaintes et des gémissements, et la ville sera pour moi comme un Ariel ». Ariel, le lion de Dieu, désigne Jérusalem, que l’orgueilleux étranger menace de la destruction. En dépit des grands noms et de tout ce qui se rattache à elle dans le passé, elle est actuellement plongée dans une profonde détresse. Un délai ne saurait empêcher son humiliation. Des fêtes ou des sacrifices seraient impuissants à conjurer l’orage. L’indignation de Dieu est déchaînée, et ne s’est pas encore arrêtée, jusqu’à ce que la ville soit pour Lui comme un Ariel, Son lion. « Je t’investirai de toutes parts, je te serrerai de près par des postes armés, et j’élèverai contre toi des retranchements. Tu seras abaissée, ta parole viendra de terre, et les sons en seront étouffés par la poussière ; ta voix sortira de terre comme celle d’un spectre, et c’est de la poussière que tu murmureras tes discours ». C’est-à-dire que la terreur produira des effets semblables aux sons et au langage affectés par les personnes qui pratiquaient la nécromancie. « Mais la multitude de tes ennemis sera comme une fine poussière ; cette multitude de guerriers sera comme la balle qui vole, et cela tout à coup, dans un instant. C’est de l’Éternel des armées que viendra le châtiment, avec des tonnerres, des tremblements de terre et un bruit formidable, avec l’ouragan et la tempête, et avec la flamme d’un feu dévorant » (v. 1-6).

On voit clairement combien tout cela appuie et confirme ce qui a trait au grand roi du Nord dans les derniers temps. Sankhérib n’en était qu’un type. Les commentateurs, qui ne le comprennent pas, tombent dans une désespérante perplexité. Les uns, l’appliquant à l’ennemi typique, ne peuvent sortir de la difficulté, qu’Ésaïe prédit expressément (et ce fut bien le cas), que Sankhérib ne devait pas entrer dans la ville de Jérusalem, ni décocher de flèche contre elle, ni venir devant ses murs avec un bouclier, ni l’entourer d’une levée (chap. 37, 33). Les autres supposent que c’est le siège par les Romains que le prophète a en vue ; mais cette opinion est formellement contredite par l’intervention de Jéhovah à la dernière extrémité, pour la délivrance de Jérusalem et la ruine complète de ses ennemis. La vérité est qu’il s’agit du siège qui aura lieu à la fin de la dispensation actuelle, lorsque la grande confédération des nations du nord-est sera dissoute après avoir d’abord remporté des succès sur les Juifs. Comparez avec Zacharie 12 à 14, qui rapporte les mêmes événements, ainsi qu’avec les psaumes 83 ; 110, 2, 6 ; et Michée 4, 11 ; 5, 4-15. Les versets 7 et 8 viennent à l’appui de cette conclusion. « Comme il en est d’un songe, d’une vision nocturne, ainsi il en sera de la multitude des nations qui combattront Ariel, de tous ceux qui l’attaqueront, elle et sa forteresse, et qui la serreront de près. Comme celui qui a faim rêve qu’il mange, puis s’éveille, l’estomac vide, et comme celui qui a soif rêve qu’il boit, puis s’éveille, épuisé et languissant, ainsi il en sera de la multitude des nations qui viendront attaquer la montagne de Sion ». L’idée de Calvin qu’il s’agit de troupes ramassées de divers côtés par les Juifs pour défendre leur capitale, et qui menacent de n’être qu’un rebut inutile, cette idée est indigne de la réputation du réformateur. Ce passage annonce nettement la destruction, aux derniers temps, des ennemis d’Israël conduits par celui que préfigurait l’Assyrien. Ils seront aussi désappointés de ne pas saisir leur proie que l’est un homme affamé ou altéré lorsqu’il voit échapper un festin que son imagination lui faisait entrevoir en rêve.

Le prophète passe ensuite à la description de l’état moral des Juifs eux-mêmes, car pour que Dieu leur fît subir une telle épreuve, il fallait qu’ils fussent dans une condition fâcheuse, quelle que pût être la miséricorde du Seigneur et la joie qu’ils pouvaient éprouver une fois le jugement terminé : « Soyez stupéfaits et étonnés ! Fermez les yeux et devenez aveugles ! Ils sont ivres, mais ce n’est pas de vin ; ils chancellent, mais ce n’est pas l’effet des liqueurs fortes. Car l’Éternel a répandu sur vous un esprit d’assoupissement, et il a bandé vos yeux ; il a jeté un voile sur les prophètes et sur vos chefs les voyants. Toute la révélation est pour vous comme les mots d’un livre cacheté, que l’on donne à un homme qui sait lire, en disant : Lis donc cela ! et qui répond : Je ne le puis, car il est cacheté ! ou comme un livre que l’on donne à un homme qui ne sait pas lire, en disant : Lis donc cela ! et qui répond : Je ne sais pas lire » (v. 9-12). Israël était spirituellement aveugle et sourd aux leçons de Dieu. Il lui était infligé un sommeil dans lequel étaient plongés savants et ignorants sans distinction.

Hélas ! ils étaient des formalistes, des hypocrites, aussi attachés aux enseignements des hommes qu’ignorants de la Parole de Dieu. C’est pourquoi, par un châtiment divin, leur sagesse doit périr (v. 13-14). Leurs efforts pour se cacher du Seigneur ou être indépendants de Lui sont inutiles. Dieu, en définitive, demeure Dieu, et l’homme n’est qu’une argile entre les mains du potier (v. 15, 16). Si c’est là une solennelle vérité, c’est aussi une parole consolante et bénie. Car « voici, encore un peu de temps et le Liban se changera en verger, et le verger sera considéré comme la forêt. En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre, et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres, les yeux des aveugles verront. Les malheureux se réjouiront en l’Éternel, et les pauvres triompheront par le saint d’Israël. Car le violent ne sera plus, le moqueur aura fini, et tous ceux qui veillaient pour l’iniquité seront exterminés, ceux qui condamnaient les autres en justice, tendaient des pièges à qui défendait sa cause, et violaient par la fraude les droits de l’innocent » (v. 17-21). Bientôt l’état de choses sera complètement changé : non seulement le fier Assyrien sera abaissé et humilié, et Israël exalté, mais l’insensibilité coupable du peuple fera place à une intelligence et à un zèle spirituels. La douce influence de l’Esprit produira un accroissement de bénédiction et de joie ; la violence, la moquerie et l’iniquité seront jugées et disparaîtront. « C’est pourquoi, ainsi parle l’Éternel à la maison de Jacob, lui qui a racheté Abraham : Maintenant Jacob ne rougira plus, maintenant son visage ne pâlira plus. Car, lorsque ses enfants verront au milieu d’eux l’œuvre de mes mains, ils sanctifieront mon nom, ils sanctifieront le saint de Jacob et ils craindront le Dieu d’Israël. Ceux dont l’esprit s’égarait acquerront de l’intelligence, et ceux qui murmuraient recevront instruction » (v. 22-24).

Chapitres 30 ; 31. — Nous abordons un sujet sur lequel jusqu’ici s’est portée faiblement l’attention, et sur lequel l’Esprit de Dieu s’étend avec développement. Puisqu’il se présente à nous dans le chapitre que nous allons étudier, nous en dirons quelques mots. Je veux parler de la condition morale d’Israël, telle que la révélation de Dieu la démontre et l’en convainc. Car ce n’est pas simplement de délivrance qu’il s’agit dans tous ces chapitres, ni d’une délivrance accordée par 1’Éternel, uniquement dans Sa grâce, en une époque de ruine ; mais le Seigneur y est aussi comme le Seigneur juste qui manifeste Son amour pour la justice. Il y avait sujet de démontrer que Dieu ne pouvait moralement supporter la condition d’Israël. Celui-ci était plongé dans l’aveuglement, dans un aveuglement religieux qui, à la fin, était un aveuglement judiciel. Le Saint Esprit en trace le tableau de diverses manières. Jetons un rapide coup d’œil sur ce qui nous est exposé ici.

Le premier trait du mal commis par Israël, et qui excite l’indignation de Dieu, c’est sa descente en Égypte. Qu’un peuple béni de Dieu, auquel ont été promises des bénédictions encore plus précieuses que celles qu’il a goûtées — des bénédictions que la grâce divine doit répandre sur lui aux derniers jours, bénédictions les meilleures possibles pour un peuple sur la terre — qu’un tel peuple descendît en Égypte pour y chercher un appui, c’était chose non seulement humiliante pour lui, mais surtout déshonorante pour Dieu. Aussi le Saint Esprit, après nous avoir montré la délivrance des Juifs, revient-Il en arrière et indique-t-Il de quoi ils ont été délivrés. Dieu fait ressortir l’un après l’autre les divers caractères du mal, et montre qu’il entraîne fatalement la ruine. Cependant Il retire Israël de toutes ses détresses, et finit par le bénir comme Son propre peuple. Il est particulièrement consolant, en étudiant les voies de Dieu, d’apprendre qu’Il ne se borne pas à délivrer du danger, des ennemis du dehors, de Satan, mais aussi de toutes les diverses formes du péché. Il ne déguise pas habilement le mal, mais, chapitre après chapitre, Il le met à nu, bien que le châtiment que ce mal entraîne, paraisse devoir amener la destruction du peuple. Seulement, en même temps que nous voyons le côté sombre, Dieu se montre intervenant en grâce, enlevant les pièges de dessous les pas de Ses bien-aimés, rétablissant dans leur pays ceux qui sont dispersés, et assurant le triomphe de Sa grâce aussi bien que celui de Sa justice. C’est pour cela qu’Il dit, au verset 1 : « Malheur aux enfants rebelles, qui prennent conseil, mais non pas de moi ». Ces paroles renferment quelque chose de solennel ; mais ce qui l’est plus encore, c’est de penser combien elles peuvent s’appliquer à nous-mêmes. Quoiqu’enfants de Dieu, la pente de nos cœurs est de suivre nos propres jugements, car la chair ne vaut pas mieux chez le chrétien que chez les autres hommes. Toutes les fois que nous prenons conseil de nous-mêmes, nous pouvons être assurés que le même caractère de mal que l’Esprit du Seigneur reprochait à Israël, est à l’œuvre au-dedans de nous.

Recourir aux directions de la sagesse naturelle dans les difficultés par lesquelles nous passons, est pour nous ce qu’était pour Israël descendre en Égypte, c’est-à-dire qu’il recherchait la sagesse charnelle, dont l’Égypte était le symbole dans l’ancien monde. Il n’y avait pas sous ce rapport de contrée plus distinguée dans l’histoire des nations. Plus tard, la Grèce et Rome prirent le dessus, mais ce fut longtemps après l’époque à laquelle se rapportait la vision d’Ésaïe comme fait historique. Elles ne furent guère, dès le principe, autre chose qu’un ramassis de hordes barbares. Nulle part on n’aurait rencontré la sagesse humaine au même degré qu’en Égypte. Le grand Assyrien qui envahit la Judée se distinguait moins par sa sagesse que par ses vastes ressources et les forces dont il disposait. L’Égypte s’enorgueillissait au contraire de sa sagesse — comme s’il n’y avait pas un Dieu souverainement sage ! — se reposait sur l’expérience de l’homme, car elle était l’une des plus anciennes puissances qui eussent atteint un rang prééminent. Versée comme elle l’était dans la politique de l’ancien monde, elle avait acquis une immense réputation pour sa connaissance des moyens de résoudre les difficultés de nation à nation, de maintenir la paix, la prospérité, etc.

Les Israélites, menacés par les Assyriens, recherchèrent l’appui de l’Égypte : je parle maintenant du fait auquel la prophétie qui nous occupe s’applique littéralement. Bien qu’il ait eu lieu du temps d’Ésaïe, cependant le caractère de la prophétie montre qu’elle ne saurait être limitée à cette époque ; elle ne s’accomplit alors qu’en très faible partie. Mais entre les deux termes de l’infidélité passée et future d’Israël qui, dans ses difficultés, a recours à la sagesse du monde, il y a pour nous une sérieuse leçon dans la pression de toute épreuve qui se rapporte au témoignage de Dieu ; le cœur est fortement enclin à faire face à des épreuves terrestres par des voies mondaines. On est porté à penser qu’il n’est pas possible de surmonter par des moyens spirituels, les efforts du monde contre nous ; et ainsi il y a danger de recourir aux armes charnelles en vue d’échapper. N’est-ce pas la même chose que nous trouvons ici ? Et pourtant, qui est-ce qui a du cœur pour les enfants de Dieu et pour la vérité et qui ne connaisse les dangers de cela ? Si nous ne le voyons pas, c’est, j’en suis sûr, parce que nous sommes nous-mêmes sous l’influence du monde. Le sentiment du danger, la frayeur qui s’empare de nos esprits, la crainte que nous fassions face à la chair par la chair, c’est là ce dont Dieu se sert pour nous amener à regarder à Lui. Dieu ne posera jamais Son sceau sur ce principe : dépendre de moi ; au contraire, la grande leçon qu’enseigne toute la vie de Christ est tout l’opposé. Il vécut par le Père ; aussi lisons-nous que « celui qui se nourrit de lui vivra par Lui ». Cela signifie que c’est dans la dépendance d’un autre, savoir de Christ, que se trouvent la joie, la force et la sagesse du chrétien. Nous recueillons ceci avant que survienne la difficulté. Alors, « je puis tout par Christ qui me fortifie ».

Là où nous manquons souvent, c’est lorsque nous agissons de notre propre mouvement. Si nous voulons nous tracer un plan, au lieu de prier dans un sentiment de véritable dépendance de Dieu, il y a sujet de craindre pour nous-mêmes. N’est-ce pas outrager le Dieu dont l’oreille est toujours ouverte à nos requêtes ? Et toutefois qui ne sait que c’est à cela, plus peut-être qu’à toute autre chose, que nous sommes le plus enclins ?

Voilà donc où se trouve, à mon avis, la leçon morale du chapitre — prendre conseil, mais non pas de Dieu. En conséquence (v. 1-7), Dieu fit que le pays d’Égypte devint le moyen d’aggraver profondément le mal d’Israël. Si nous examinons le Nouveau Testament pour nous conduire au milieu de ces difficultés, nous y trouverons exactement la même vérité. Quand l’apôtre ne parle que des tribulations ordinaires, nous avons la même leçon en d’autres termes. Ainsi il nous recommande de faire que notre douceur soit connue de tous les hommes, parce que le Seigneur est proche ; de faire monter nos prières vers Dieu avec des actions de grâces, au lieu d’être préoccupés ou anxieux à l’égard de quoi que ce soit, ce qui ne veut pas dire que nous devions être sans souci, mais nous ne devons pas nous laisser absorber par les préoccupations.

Notre force, est-il dit ici, est de nous tenir tranquilles ; nous avons droit d’attendre que Dieu intervienne en notre faveur ; ce droit, Il nous l’a conféré Lui-même. Nous pouvons en être parfaitement assurés, il ne s’agit pas de ce que sont les circonstances ; même en supposant qu’il y ait quelque chose à juger en nous, si nous le disons à Dieu, ne nous écoutera-t-Il pas ? Il ne peut se renier Lui-même. Il doit renier celui qui porte le nom de Christ. Celui qu’Il couvre de honte, c’est Son enfant qui s’est égaré ; mais bien loin que ce soit là une preuve qu’Il ne l’aime pas, cela prouve au contraire combien Il l’aime. Cependant, si les hommes se permettent d’aller au-delà de ce qu’Il juge convenable pour discipliner Son enfant, Il prend aussitôt la verge ; et rien ne saurait être plus terrible que lorsque l’adversaire dépasse le châtiment prescrit, et s’abandonne à sa propre haine. Alors Dieu se lève dans Son indignation, et agit conformément à Sa majesté ; la grâce même de l’évangile ne saurait L’en empêcher. Voyez, par exemple, la seconde épître à Timothée. Si des personnes portant le nom de Christ sont entraînées par leur zèle charnel et combattent contre la vérité de Dieu ou contre les messagers de cette vérité, Dieu peut se servir d’elles pour sévir contre les péchés de Son peuple. Dieu sait comment abaisser les siens quand ils se sont enflés à cause de quelque chose qui est en eux, ou de la grâce qu’Il leur a conférée. Mais quand les limites d’une juste réprimande sont dépassées, malheur à ceux qui luttent contre eux, couvrant du nom de Dieu leur esprit de vengeance ou de jalousie. Il est évident que la grâce même de l’évangile fait d’autant plus ressortir cette conduite ; car elle paraît d’autant plus terrible que Dieu doit en agir ainsi au milieu de ceux qui parlent si hautement de Son amour.

Les évangiles aussi mettent en lumière, dans les paroles de notre Seigneur Lui-même, la perversité de la lutte contre ce que Dieu accomplit même par le moyen de pauvres et faibles disciples. C’est là pour nous la grande leçon : nous n’avons pas à prendre conseil de nos cœurs, ni à recourir à la force de l’homme. Quand nous nous appuyons sur le bras de la chair, nous nous écartons du sentier chrétien ; tandis que Dieu a montré Sa force sur le fondement qui contient toute la bénédiction de grâce pour les pécheurs, à savoir la mort et la résurrection ; c’est toujours ainsi qu’elle se manifeste pour le chrétien. L’épreuve sera probablement très lourde ; elle paraîtra devoir anéantir ; mais aussi sûrement qu’il y aura apparence de mort, aussi sûrement il y aura peu après réalité de résurrection. Que personne ne perde courage. La croix est le canal direct de la bénédiction pour les enfants de Dieu. Il en a été strictement de même quand nous avons été conduits à Dieu. Nous savions ce que c’était que ressentir les horreurs de la conviction du péché, car Dieu était en voie de nous amener, pour la première fois, dans une position de bénédiction particulière. Il en a toujours été ainsi. Tel a été le cas d’Abraham ; et la profondeur de la souffrance est toujours proportionnée à la grandeur de la bénédiction qu’elle précède. Isaac leur fut donné quand le patriarche avait cent ans, et que Sara n’était pas plus capable d’enfanter qu’une morte. Ils se trouvaient tous deux dans une impuissance absolue, et pourtant ils devaient attendre un fils. Même après la naissance et le développement de l’enfant de la promesse, Abraham eut à le restituer, à offrir son fils unique en sacrifice à Dieu. Mais aussitôt que la simplicité et la fidélité de son cœur furent manifestées et que le sacrifice eut été offert en principe, l’ange de l’Éternel arrêta sa main. Combien Isaac lui fut plus précieux, lorsqu’il fut, pour ainsi dire, l’enfant de la résurrection. Ainsi en est-il de toutes nos bénédictions, peu importe lesquelles. Il faut que nos sentiments soient brisés, que nous réalisions la crucifixion pratique du moi, si nous voulons connaître comment Dieu bénit ; nos bénédictions doivent passer par le moule de la mort et de la résurrection.

C’est en Celui qui est mort et ressuscité que nous viennent toutes nos bénédictions. Pour être pratiquement bénis, il faut que nous marchions, moralement, par la même voie. Toutes nos espérances naturelles doivent être déçues, tous les objets de nos désirs détruits. Quand Dieu, dans Sa fidélité, nous visite par l’épreuve, notre premier mouvement est de chercher à fuir. Israël descend en Égypte, au lieu de se tenir tranquille dans la parfaite assurance que Dieu est la souveraine sagesse et l’unique puissance. Il se dirige vers le pays de la sagesse et de l’habileté humaines. Si Dieu n’eût pas été là, s’ils n’eussent pas été Son peuple, on eût pu comprendre cette conduite ; mais la chose étant comme elle est, quelle folie ! Et pourtant, c’est là la folie de nos cœurs. N’en avons-nous pas conscience ? Prenons garde, que si nous n’en avons pas le sentiment humiliant, la raison n’en soit précisément que nous sommes habitués à agir de cette manière. Nous avons besoin de veiller plus attentivement à tirer profit de cette leçon. La force des Juifs était de se tenir tranquilles au lieu de se jeter du côté de l’Égypte. Il devait être écrit dans un livre, « à perpétuité, à jamais », qu’ils étaient « des enfants qui ne voulaient pas écouter la loi de l’Éternel » (v. 8, 9). C’était même là le pire de tout ; la rébellion pouvait être pardonnée, les enfants menteurs pouvaient avoir honte de leurs mensonges. « Ne nous prophétisez pas la vérité » (v. 10), c’est-à-dire ce qui est selon Dieu. Nous ne devons pas supposer qu’ils tenaient réellement ce langage. Nous lisons souvent dans les évangiles que Jésus répondit en bien des cas où pas une seule question ne Lui avait été adressée. Pourquoi l’Esprit de Dieu dit-Il que Jésus répondit, quand Il n’était pas interrogé ? Parce qu’Il connaissait les pensées de leurs cœurs. Il répondait non à ce qu’ils avaient dit, puisqu’ils avaient gardé le silence, mais à ce qu’Il savait qu’ils auraient dit, s’ils l’avaient osé, à ce qu’Il savait être l’objet de leurs préoccupations. Ici pareillement, les Juifs n’entrent pas dans de longs discours, mais ce qui nous est rapporté est l’expression vraie des sentiments et des actions que Dieu connaissait et voyait en eux. Ils n’aimaient pas la vérité qui mettait sous leurs yeux leur rébellion et leurs mensonges ; ils s’efforçaient de l’éviter et de la fuir. C’est précisément ce qui est indiqué ici : « Pourquoi ne pas mettre à profit les ressources qu’offrent les hommes, alors que Dieu ne fait plus de miracles en leur faveur ? ». Dieu avait choisi Israël pour qu’on pût voir un peuple dont la force était dans le Seigneur et qui prouvât combien il est précieux pour une nation de se confier au Dieu vivant, dans toutes ses affaires publiques ou privées. Tout devait être réglé par la loi de l’Éternel, terme technique qui désigne l’Ancien Testament. Les Israélites étaient destinés à servir d’exemple pratique de la bénédiction qui reposerait sur un tel peuple et un tel pays. Descendre en Égypte, c’était délaisser Dieu pour l’homme ; s’ils eussent demandé conseil, ils auraient appris que Dieu ne les enverrait jamais dans cette Égypte d’où Il les avait retirés. Mais ils ne Le consultent point, ils agissent avant de L’avoir interrogé ; peut-être ensuite L’ont-ils prié à ce sujet. Mais qu’est-ce que prier Dieu de bénir une entreprise faite sous l’impulsion de la volonté propre ? Demandons-Lui ce qu’Il veut que nous fassions avant d’agir. Il se peut que Dieu veuille que nous ne fassions rien, ou qu’Il nous communique Ses directions par le moyen d’un de Ses enfants, car Dieu n’entend pas que nous suivions chacun une ligne de conduite tellement indépendante. Il agit sur les uns par les autres ; Il veut nous faire sentir que nous sommes membres les uns des autres ; mais quelle que puisse être la valeur des avis des uns ou des autres, chacun doit être responsable vis-à-vis de Dieu. Le danger consiste à mettre l’homme à la place de Dieu. Les hommes n’en estiment pas plus leur semblable pour cela, car lorsque nous nous abandonnons à notre propre volonté et que notre conseiller est ferme pour le bien, il en résultera bientôt que celui qui se mettait un jour à la place de Dieu, peut se trouver le lendemain à la place du diable. C’est là la chair : tantôt elle déifie la créature, tantôt elle la ravale au rôle de démon.

Ce à quoi nous devons nous attacher, par conséquent, c’est à regarder à Dieu ; et c’est précisément la première recommandation adressée ici : « vous tenant tranquilles » (v. 15). Mais il y a plus. Dans le chapitre précédent, il était question de la Parole de Dieu, que la chair traitait comme un livre fermé ; mais il faut s’attendre à Dieu aussi bien qu’a Sa Parole. Dieu n’a jamais autorisé l’homme à considérer l’Écriture indépendamment de Lui ; au-dessus de la Bible, il y a Dieu Lui-même. Non pas que Dieu puisse jamais s’élever contre Sa propre Parole, mais ce n’est que par Lui qu’il est possible d’en saisir l’application. Car la Bible ne nous a pas été simplement donnée pour que nous regardions à elle, mais pour que, par elle, nous regardions à Dieu. Ce n’est pas un livre d’histoire ou d’excellents discours ; c’est la voix du Dieu vivant qui parle à nos âmes. Quand on la lit dans cet esprit de soumission à Dieu, la relation et l’attitude de l’âme changent complètement ; on est délivré du danger de confondre la Parole sainte avec ses propres idées ou sa propre volonté. Tandis que lorsque la Parole vous conduit à vous relever vers Dieu en prières, alors ce n’est ni la prière sans la Parole, ni la Parole sans la prière, choses qui sont l’une et l’autre excessivement dangereuses, l’une conduisant au fanatisme, l’autre au rationalisme. C’est pour cela que l’apôtre dit : « Je vous recommande à Dieu et à la Parole de Sa grâce ». Il faut regarder à Dieu pour pouvoir profiter de Sa Parole, et du sein même de cette Parole, regarder de nouveau à Lui pour la comprendre avec fidélité et simplicité. Ici, Israël avait failli, ainsi que l’atteste le chapitre 29. Aussi le voyons-nous, au chapitre 30, recourir à celui de ses plus proches voisins capable de lui prêter le concours de la sagesse humaine, en lutte avec la sagesse et la grâce de Dieu qui l’engageaient à s’appuyer sur Lui : « C’est pourquoi ainsi parle le saint d’Israël : Puisque vous rejetez cette parole, que vous vous confiez dans la violence et dans les détours, et que vous les prenez pour appuis, cette iniquité sera pour vous comme une crevasse qui menace ruine et fait saillie dans un mur élevé, dont l’écroulement arrive tout à coup, en un instant. Il la brisera comme se brise un vase de terre que l’on casse sans ménagement, et dont les débris ne laissent pas un morceau pour prendre du feu au foyer, ou pour puiser de l’eau à la citerne » (v. 12-14). Telle était l’Égypte. La chair est d’ordinaire rusée et perverse ; mais Dieu la juge selon son caractère propre. Elle est toujours remuante et prétend aboutir à quelque résultat. Elle peut avoir un aspect imposant, mais elle est promptement anéantie et condamnée par le Seigneur. « En vous tenant tranquilles et en repos, vous serez délivrés ; c’est dans le calme et la confiance que sera votre force, mais vous ne l’avez point voulu. Vous avez dit : Non ! nous nous enfuirons sur des chevaux ! C’est pourquoi vous vous enfuirez ; et : nous monterons des coursiers légers ! C’est pourquoi on ne sera pas moins léger à vous poursuivre » (v. 15, 16). Dieu fera d’eux un exemple signalé, et montrera que les ressources dans lesquelles ils se confiaient n’étaient que des filets dans lesquels ils sont tombés. Veulent-ils fuir ? La terreur les poursuivra ; — cherchent-ils leur secours dans une fuite rapide ? Rapide aussi sera la vengeance de leurs ennemis. Dieu se sert constamment des objets terrestres comme de la verge qui fustige l’insensé.

Quelle est la réponse que fait le Seigneur quand Il en vient à cela ? Rien n’est plus terrible que la condamnation qu’Il prononce. Mais s’Il traite rigoureusement ici-bas Son peuple coupable, n’est-ce pas toujours pour le bénir finalement ? S’Il manifeste le pauvre état de Ses enfants, s’Il abat leur orgueil, s’Il jette le trouble dans leurs rapports avec ceux que dans un moment pénible ils Lui ont préféré, c’est qu’Il a des vues merveilleuses de grâce. Retourner à Lui, même avec des os brisés, c’est une chose bénie. Combien magnifique est l’élan du prophète : « Cependant l’Éternel attend pour vous faire grâce ; et ainsi il sera exalté (non pas en retranchant Israël, mais) en ayant pitié de vous ; car l’Éternel est un Dieu de justice : heureux tous ceux qui se confient en lui. Oui, peuple de Sion, habitant de Jérusalem, tu ne pleureras plus ; il te fera grâce quand s’élèvera ton cri ; dès qu’il l’aura entendu, il te répondra. Le Seigneur vous donnera du pain dans l’angoisse, et de l’eau dans la détresse ; ceux qui t’instruisent ne se cacheront plus, mais tes yeux verront ceux qui t’instruisent. Tes oreilles entendront derrière toi la voix qui dira : Voici le chemin, marchez-y ! car vous iriez à droite, ou vous iriez à gauche » (v. 18-21). Dieu avait laissé toute cette affliction s’appesantir sur Son peuple ; Il avait Lui-même attendu et avait été exalté ; pourquoi ? Pour faire grâce. L’ennemi pouvait montrer sa malice, Israël sa faiblesse et sa préférence coupable de la chair à Dieu, Dieu Lui-même permettait tout cela, afin de n’avoir autre chose à faire que de tirer Son peuple de l’abîme dans lequel il était tombé, et de le bénir comme il n’avait jamais été béni auparavant, sans que nul obstacle vînt cette fois s’opposer à l’effusion de Son amour. Il attend après lui, et s’Il diffère, c’est pour lui accorder des bénédictions encore meilleures (v. 19-22). Il sera relevé moralement, et tirera vengeance de ce qui a séduit précédemment son cœur. « Vous tiendrez pour souillé l’argent qui recouvre vos idoles et l’or dont elles sont revêtues. Tu en disperseras les débris comme une impureté. Hors d’ici ! leur diras-tu » (v. 22).

Puis viennent le bonheur extérieur, la bénédiction intérieure et la gloire d’en haut.

« Alors il répandra la pluie sur la semence que tu auras mise en terre, et le pain que produira la terre sera gras et nourrissant ; en ce même temps, ton bétail paîtra dans de vastes prairies. Les bœufs et les ânes qui labourent la terre mangeront un fourrage salé, qu’on aura vanné avec la pelle et le van. Sur toute haute montagne et sur toute colline élevée, il y aura des ruisseaux, des courants d’eau, au jour du grand carnage, à la chute des tours. La lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus grande, comme la lumière de sept jours, lorsque l’Éternel bandera la blessure de son peuple et qu’il guérira la plaie de ses coups » (v. 23-26).

Telle est la délivrance que Dieu opérera en faveur d’Israël. Mais que devient l’Assyrien ? Israël est béni, mais l’Assyrien n’est pas jugé ; Israël a été méchant, mais l’Assyrien s’est montré impitoyable. Après en avoir fini avec Israël, Dieu doit se tourner vers ses ennemis, comme il est dit dans Ésaïe 10 : « Quand le Seigneur aura terminé toute son œuvre sur la montagne de Sion », alors il détruira les Assyriens (v. 27, 28). Ils ne sauront pas que c’est Dieu qui les pousse du côté de la Terre Sainte, et s’imagineront tomber sur ce pays et sur ses habitants comme sur une proie facile ; c’est là précisément que Dieu les attend pour venger Son peuple (v. 28). Il y a même plus ici que lors du jugement de l’Égypte ; là, Israël mangeait, mais c’étaient des herbes amères. Il n’en est plus de même au jour du jugement qui vient ; ce n’est pas à cette partie de la Pâque qu’il est comparé, mais au chant de leurs fêtes sacrées (v. 29). Ce n’est pas un simple jugement providentiel — Dieu agissant à distance et se bornant à détruire un peuple pour en élever un autre. C’est l’intervention de Dieu d’une manière éclatante ; il y aura déploiement de la justice divine (v. 30-32). C’est la verge du châtiment de Dieu qui frappera les plus rudes coups sur l’Assyrien. Quant à Israël, il jouira d’un bonheur et d’une joie qu’il n’avait jamais connus auparavant. Dieu épousera si visiblement sa cause, qu’Il fera éclater ses chants de louange les plus magnifiques et tous les signes de la confiance en Dieu. Cette prédiction a-t-elle jamais été, depuis Ésaïe, accomplie en Palestine ? A-t-on ouï parler de faits semblables, même au temps de Sankhérib ? Israël était déjà en captivité, et Juda était peu après traîné loin de son pays par le roi de Babylone. Ici, au contraire, il est question de triomphe, de paix, de gloire et de bénédiction. Le pouvoir infini de Dieu a renversé pour toujours les ennemis d’Israël. Cette prophétie doit donc recevoir une réalisation plus complète que celles qu’elle a pu recevoir jusqu’à maintenant.

Verset 33. Il ne s’agit pas dans ce passage d’une simple dévastation. Un bûcher est préparé ; ceci montre clairement quand et comment la chose aura lieu. Topheth (le bûcher) est le symbole du jugement de la part de Dieu, qui vient. Il sera « pour le roi », et non pas « vraiment pour le roi ». Cette expression vraiment (vers. angl.) a induit souvent en erreur en faisant confondre deux personnages importants. Je ne nie pas que le mot rendu par vraiment ne puisse être traduit de la sorte dans certains cas, mais la signification première en est bien plus, même, et c’est justement celle qui convient ici. L’important est que le bûcher est préparé, non seulement « pour l’Assyrien », mais aussi « pour le roi ». Le roi et l’Assyrien sont tellement différents et opposés l’un à l’autre qu’il était nécessaire de révéler que la même condamnation était réservée à tous deux. La mauvaise traduction provenait de ce que les traducteurs ignoraient cette différence et s’imaginaient, en outre, que le roi et l’Assyrien étaient un seul et même personnage. « Le roi », c’est ce faux Messie qui se montrera parmi les Juifs aux derniers jours. Reçu en son propre nom, il se donnera pour le vrai Oint, tout en étant en réalité l’envoyé du diable. La conséquence en est que le bûcher ou le feu de l’enfer est préparé pour lui. L’essentiel est que Dieu prépare le même feu pour tous les deux, non seulement pour l’Assyrien, mais aussi pour le chef de la méchanceté d’Israël, pour « le roi ». Pour lui le feu du bûcher est préparé, aussi bien que pour son ennemi l’Assyrien. C’est de cette merveilleuse manière que Dieu le précipitera dans l’enfer, sans attendre le jour du jugement, avant même d’y jeter le diable. De peur que nous n’eussions pensé qu’il serait le seul, il est dit : « même pour le roi », cet autre personnage qui régnera sur les Juifs sera également désigné par le Seigneur pour être traité de même façon. Les expressions figurées employées représentent une réalité terrible.

Le chapitre 31 est un bref commentaire moral et un résumé succinct de celui qui précède. En quels termes touchants le prophète met en garde contre le danger que fait courir l’Égypte d’abandonner l’Éternel : « Lui aussi cependant, il est sage, il fait venir le malheur, et ne retire point ses paroles (auxquelles Israël s’efforcerait en vain d’échapper) ; il s’élève contre la maison des méchants (israélites ou non) et contre le secours de ceux qui commettent l’iniquité ». La protection du Seigneur envers les justes se manifestera au jour où Il jugera ceux qui secourent et ceux qui sont secourus. Il agira de Sion, et pas seulement du ciel. « Car ainsi a parlé l’Éternel : Comme le lion, comme le lionceau gronde sur sa proie, et, malgré tous les bergers rassemblés contre lui, ne se laisse ni effrayer par leur voix, ni intimider par leur nombre ; de même l’Éternel des armées descendra pour combattre sur la montagne de Sion et sur sa colline. Comme des oiseaux qui déploient les ailes sur leur couvée, ainsi l’Éternel des armées étendra sa protection sur Jérusalem : Il protégera et délivrera, il épargnera et sauvera. Revenez à celui dont on s’est profondément détourné, enfants d’Israël ! En ce jour, chacun rejettera ses idoles d’argent et ses idoles d’or, que vous vous êtes fabriquées de vos mains criminelles. Et l’Assyrien tombera sous un glaive qui ne sera pas celui d’un homme, et un glaive qui ne sera pas celui d’un homme le dévorera ; il s’enfuira devant le glaive, et ses jeunes guerriers seront asservis. Dans son effroi, il franchira sa forteresse, et ses chefs trembleront devant la bannière, dit l’Éternel qui a son feu dans Sion, et sa fournaise dans Jérusalem ».

Chapitre 32. — L’œuvre entière une fois terminée à Jérusalem, le Seigneur nous apparaît dans Son règne, car c’est Lui et nul autre que représente le personnage dont il est ici parlé. « Puis, voici, un roi régnera selon la justice », etc. C’est ici un état de choses totalement différent de ce qui se passe au temps actuel, car c’est la grâce qui présentement règne par la justice en vie éternelle, et non point, si je puis ainsi parler, la justice par la gloire dans le gouvernement du monde. Au jour que ce chapitre envisage, le Seigneur Jésus prendra justement en main le sceptre de la terre, et principalement du pays d’Israël. Toutes les nations seront indirectement placées sous Son règne, car il y aura un seul roi sur toute la terre, non par la mise de côté des autres rois, comme nous le savons, mais par le maintien d’un gouvernement central suprême. Les autres rois seront obligés de se soumettre à l’autorité du Seigneur, laquelle subsistera sans interruption durant toute la période milléniale. C’est pour cela qu’elle est appelée « le royaume éternel », car il ne sera pas transmis à un autre et durera aussi longtemps que la terre. À la fin des mille ans, il sera prouvé d’une manière terrible que la condition de l’homme n’a pas changé dans son essence ; car les nations se rassembleront alors contre « la cité bien-aimée », la Jérusalem terrestre, et environneront le camp des saints. Ceci sera permis afin de prouver cette vérité solennelle que la gloire n’améliore pas plus le cœur que la patience et la longanimité actuelles de Dieu. Lorsque les jugements de Dieu contre les mauvaises œuvres ne sont pas exécutés, les cœurs des hommes s’endurcissent dans la méchanceté ; quand ils frappent la terre, le monde apprend la justice, mais hélas ! la leçon est vite oubliée.

Le Seigneur régnera en justice, et Il exercera un empire bienfaisant jusqu’à la fin ; mais il sera démontré une fois de plus que le cœur n’est pas plus changé par ce moyen-là que sous l’influence de l’évangile aujourd’hui, à moins qu’il n’ait été reçu dans la conscience par la puissance du Saint Esprit. La possession d’une nouvelle nature est nécessaire. Il faut que l’homme soit né de nouveau pour voir le royaume de Dieu ou pour y entrer. Il sera alors évident que la nouvelle naissance est requise non seulement pour avoir part à l’héritage céleste, mais aussi pour les choses terrestres de ce royaume (Jean 3). C’est en rapport avec la partie terrestre qu’il est question d’un roi régnant selon la justice. Le chapitre 20 de l’Apocalypse montre combien ce déploiement de gloire est totalement impuissant à rendre tant soit peu meilleur le cœur de l’homme. À un point de vue plus élevé, loin de demeurer sans effet, il y aura pendant ce temps une manifestation surprenante de ce qui amènera à louer Dieu, et c’est à cela qu’il est fait allusion ici. Et quelle preuve de l’égoïsme de nos cœurs que nous ne pensions pas davantage à ce temps béni qui vient ! Ce qui ne vient pas pourtant de ce que l’on n’y croit pas. Mais que Dieu nous donne de penser encore plus non seulement à un monde mis en liberté, mais à ce que c’est de voir Christ là où Il est dans la bénédiction céleste. C’est de l’aveuglement aussi. Car, pour l’amour, qu’y a-t-il qui soit autant notre portion que ce qui est à Lui ? Nous sommes en outre trop enclins à faire peu de cas de la délivrance de la création, qui est maintenant en travail, pendant les mille ans, et cela parce que nous nous identifions si peu avec les intérêts de Christ. Tout ce qui Le glorifie devrait nous être extrêmement cher. De plus, nous serons en relation avec la terre, quoique notre chez-nous doive être le ciel. Nous régnerons avec Christ sur elle. Dieu fera des saints ressuscités les intermédiaires de Sa gloire, et les canaux féconds de Sa bonté en ce jour glorieux. Ceci ne montre-t-il pas le fol égoïsme de nos cœurs, que nous soyons si peu remplis des pensées et des sentiments qui conviennent à de telles perspectives ? Il nous est abondamment révélé qu’il y a une espérance infiniment plus douce, à savoir que nous serons avec Christ Lui-même dans la maison du Père. Voir Sa gloire là est de beaucoup plus précieux qu’aucun héritage auquel nous pussions avoir part. Mais si nous regardons autour de nous et que nous considérions tous les péchés, toutes les misères, toutes les souffrances, toutes les afflictions d’un monde éloigné de Dieu, quelle joie ne trouvons-nous pas dans cette vérité que le jour est près où il nous sera donné de dire même des Juifs encore incrédules : « Leurs iniquités sont pardonnées, et leur péché est couvert ». Dieu ne sera-t-Il pas magnifié ? Un résidu d’Israël ne suffit pas : tous seront sauvés. Enfin les miracles de Christ sont appelés les puissances du siècle à venir parce qu’ils étaient une manifestation de l’énergie divine dans l’homme, énergie dont l’exercice a pu être suspendu, mais qui ne lui sera jamais enlevée. Mais elle est toujours en Christ, quoique l’Église puisse ne pas savoir comment compter sur Lui pour l’exercer, ou comment l’appliquer à une création dans le besoin. Mais nous devrions savoir qu’elle se trouve en Christ, pour qu’on la tire de Lui par la foi, et que Dieu nous a punis de notre basse condition chrétienne en retirant la manifestation de ces ornements extérieurs, dont Il nous avait doués. Il est bon cependant de se rappeler qu’elles existent toujours en Christ, et qu’Il vient, et que la fin de la présente économie verra s’exercer le glorieux pouvoir de cet homme exalté, l’Église aussi étant unie à Lui et toute bénédiction ayant libre cours à l’exclusion de tout mal. Voilà ce que décrit à l’avance le chapitre qui nous occupe.

Aussi longtemps que Dieu ne réprime pas le mal, la grâce règne, et actuellement, c’est la grâce seule qui peut délivrer. Mais quand le pouvoir du mal sera frappé (et le Seigneur le frappera avant le millénium), c’est le roi qui gouvernera. Ce sera le royaume de Dieu administré par l’homme exalté, Christ, et une pensée bénie, c’est que Dieu a toujours eu en vue Son exaltation. Le péché d’Adam ne fut pas la chute de l’homme seulement, mais celle aussi de toute la création inférieure, car tout l’ensemble fut ruiné du moment où l’homme se séparait de Dieu. Adam n’était pas un simple individu, mais un chef de race. En conséquence, tout dépend désormais de la venue d’un autre homme, le Seigneur Jésus, qui a obtenu un titre, non pour se créer des droits dont Il n’avait pas besoin, mais pour que nous en eussions en vertu de Son sang, de Sa mort et de Sa résurrection. Il en résulte que pour le croyant la gloire de Christ est salutaire et non destructive. Mais ils perdent beaucoup de sa splendeur, ceux qui n’appuient pas sur cette scène de gloire. La marque distinctive c’est le Seigneur régnant selon la justice ; et de plus, Celui qui règne ainsi sur la terre c’est un homme, et pas seulement une personne divine. Dieu mettra toutes choses sous l’homme qui est mort et ressuscité en puissance rédemptrice, aussi véritablement qu’Adam entraîna dans sa chute l’humanité et la création. Si le monde devint un désert de ronces et d’épines, ce fut par suite de la chute de l’homme. Le croyez-vous ? Croyez donc aussi que le second Adam serait frustré d’une grande partie de Son héritage, s’Il ne délivrait pas non seulement les croyants, mais aussi la création, et s’Il ne la gouvernait pas avec puissance et gloire. Ce règne futur est nécessaire pour justifier la fidélité de Dieu, faire ressortir la valeur de Christ et les résultats de Son œuvre, et montrer à Ses côtés Son Épouse. Il est donc utile de considérer la scène où cet homme béni régnera ainsi selon la justice. Ceci serait vrai en dehors de notre portion avec Lui, pour laquelle nous devons retourner au Nouveau Testament. Le sujet du prophète est la terre ; nous appartenons au ciel. Il s’ensuit que c’est au Nouveau Testament à révéler la maison du Père et le ciel, qui n’est plus fermé, mais ouvert d’abord à Christ, puis par conséquent à nous, afin que nous puissions nous tenir dans la paix et la joie en la présence de Dieu. Quel thème différent de celui de l’Ancien Testament qui met toujours en avant la terre comme scène du règne selon la justice ! Sur la terre, c’est la puissance judiciaire qui gouverne. Une verge de fer, un sceptre de justice, voilà ce dont le Seigneur se sert pour briser l’orgueil du monde.

Mais le prophète fait aussi pressentir la paix et la consolation. Le Seigneur apparaît ici « comme un abri contre le vent et un couvert contre l’orage, comme des ruisseaux dans la sécheresse, comme l’ombre d’un grand rocher dans une contrée aride » (v. 2). Le monde avait longtemps souffert des effets du péché, sinon du péché lui-même. Maintenant vient la bénédiction. « Et les yeux des voyants ne seront plus aveugles, et les oreilles des auditeurs seront attentives ; et le cœur des hommes légers sera avisé pour comprendre, et la langue des bègues habile à parler nettement. L’impie ne sera plus appelé noble, ni le fourbe nommé magnanime ; car l’impie profère l’impiété et son cœur pratique le mal pour commettre l’impiété, et pour tenir contre l’Éternel le langage de l’erreur, pour laisser à vide l’âme de l’affamé, et manquer de breuvage celui qui est altéré ; et les armes du fourbe sont funestes, il médite la fraude pour perdre le misérable par des discours menteurs, quand bien même l’indigent expose son droit. Mais le noble pense à ce qui est noble, et dans ce qui est noble il se maintient » (v. 3-8). Ce ne sont pas, comme nous le voyons maintenant, les hommes qui semblent posséder toutes les belles qualités et qui, mis à l’épreuve, n’ont point de cœur pour les choses divines, point d’amour pour le nom de Jésus, point de souci de Sa gloire. Ici, il n’en sera pas de même. La bénédiction coulera à flots, le mal sera jugé, tout ce qui est honteux disparaîtra. Personnes et choses seront manifestées et revêtues de leur vrai caractère. L’homme réalisera pour la première fois sur la terre la destination en vue de laquelle il avait été créé. Ceci est en contraste avec toutes les déceptions de l’injustice qui s’est étalée et s’étale encore ici-bas. Nous connaissons l’incertitude des jugements humains, nous savons comment les hommes s’attachent aux apparences et les gardent. Il n’y aura plus alors de vaine parade. Les ressources inépuisables de la miséricorde divine produiront de bons fruits, et à la lumière resplendissante de Dieu, tout ce qui est faux sera mis à découvert. Si le mal apparaît, le Seigneur le jugera. Pendant le millénium il y aura des cas demandant vengeance, Dieu ne manquera pas de frapper le mal d’une manière sommaire. Là, les hommes auront constamment sous les yeux le spectacle solennel de Sa colère (Ésaïe 66), d’autant plus terrible alors qu’il n’y aura aucune tentation au mal. En conséquence, ceux qui sont les objets de la malédiction de Dieu seront frappés immédiatement afin de maintenir dans les cœurs une salutaire horreur pour le mal.

Ceci conduit l’Esprit de Dieu à donner un avertissement qui sera nécessaire surtout parce que la bénédiction d’Israël ne s’opérera pas en un seul jour. Il y aura un temps destiné à cribler. De même que nous savons que ce sera le cas pour Israël dans le désert, de même aussi il y aura à Jérusalem un autre mode d’action à l’égard des Juifs proprement dits. Même quand le Seigneur apparaît pour leur délivrance, c’est une erreur de supposer que tout soit fini du coup. Le Seigneur détruira successivement les ennemis qui environnent la terre sainte, et se servira d’Israël comme d’un instrument pour exécuter Ses jugements (És. 11 ; 63 ; Mich. 5 ; Zach. 9 ; 10). Il enverra Ses armées et traitera les nations de diverses manières. À Son apparition des cieux, Il opère par Sa propre puissance. Les Juifs n’auront rien à faire avec le jugement de la bête et du faux prophète ; mais Dieu se servira des Israélites pour renverser les peuples qui représenteront alors leurs anciens voisins, et que l’envie poussera une fois encore contre eux. Il se souviendra de ce que firent leurs ancêtres, et il les frappera définitivement, en voyant qu’ils conservent et montrent le même esprit jusqu’à la fin. Ainsi le Seigneur agira entièrement en justice, et Israël aura besoin d’un avertissement préalable, c’est, je pense, la portée de ceci : « Femmes insouciantes, debout ! Entendez ma voix ! Filles qui vous rassurez, écoutez mes discours ! Dans un an et quelques jours vous tremblerez, vous qui vous rassurez ; car c’en est fait de la vendange, et la récolte des fruits n’arrivera pas. Ayez de l’effroi, insouciantes ! Tremblez, vous qui vous rassurez ! Déshabille-toi, ôte tes vêtements et ceins tes reins du cilice ! On gémit, en se frappant le sein, sur les campagnes délicieuses et sur la vigne féconde. Sur le sol de mon peuple poussent les ronces et les épines, oui, dans toutes les maisons où est la joie, dans la ville où est la gaîté, car le palais est abandonné et la cité bruyante est solitaire ; la colline et la tour seront pour longtemps parmi les cavernes, la joie des onagres, le pacage des troupeaux, jusqu’à ce que sur nous l’Esprit soit répandu d’en haut, et que le désert devienne un verger, et que le verger soit estimé à l’égal de la forêt. Alors, dans le désert habitera la justice, et l’équité dans le verger aura son séjour » (v. 9-16). C’est une allusion à ce qui précède la prise de possession par le Seigneur de Sa place et de Son règne dans le pays. Il doit y avoir des afflictions jusqu’à ce que l’Esprit soit répandu (v. 15). Alors s’opère le grand changement en Israël. Ce n’est pas sans doute une habitation du Saint Esprit dans le cœur des croyants comme maintenant, car c’est chose évidente qu’Il habite actuellement dans l’Église d’une manière toute spéciale. Mais en ce jour-là il y aura une effusion du Saint Esprit aussi réelle qu’au temps présent. C’est une erreur de s’imaginer que le règne du Seigneur est incompatible avec telle manifestation de l’Esprit. Il sera à cette époque répandu en grande abondance. Maintenant, s’il est permis de parler ainsi d’une personne divine, c’est plutôt Sa période de profondeur que d’étendue. L’action qui ne s’exerce pas actuellement en étendue, s’exerce en profondeur. Alors au contraire ce qui n’apparaîtra pas en profondeur se répandra en étendue. Ce sera l’époque d’une large effusion sur toute chair ; présentement, cela est vrai en principe seulement, et c’est dans ce sens qu’en Actes 2 est rappelé le passage de Joël 2, et non comme si le résultat entier avait été obtenu.

Le temps actuel sur la terre est l’opposé d’une manifestation de justice. Le Juste a été rejeté des hommes. La justice de Dieu L’a mis ressuscité à Sa droite et a justifié ceux qui croient en Lui. Alors, ce sera le roi ; venant et s’asseyant sur Son propre trône (non pas un roi rejeté exalté sur le trône de Son Père) ; tout sera juste. Dans Ses pensées de grâce, notre Seigneur Jésus laisse de côté pour le moment Ses droits terrestres juifs, et les conseils célestes sont accomplis et révélés pendant qu’Il est en haut. Le Père L’a fait asseoir à Sa droite, et Lui a dit, pour ainsi parler : « Tu régneras ; seulement, en attendant que tu sois assis sur ton propre trône, viens et siège à côté de moi sur le mien ». Avant que Christ ne vienne des cieux, les Juifs (tout au moins un résidu d’entre eux) L’auront accueilli dans leurs cœurs. Alors Il viendra, là ou ils sont, pour les bénir sur la terre, les gouverner, et accomplir dans les enfants les promesses faites à leurs pères. En conséquence, lorsque les chrétiens seront enlevés de ce monde à la venue de Christ, les Juifs seront convertis au temps voulu, de manière à être le peuple terrestre du Seigneur, qui accomplira au milieu d’eux en leur faveur les promesses de leur gloire terrestre que leur fait la prophétie, et non seulement cela, mais le Saint Esprit sera également répandu sur eux. Ce grand changement terrestre résulte de l’effusion de l’Esprit d’en haut. Ésaïe parle de ronces et d’épines jusqu’à ce que l’Esprit soit répandu sur eux (v. 15). Au lieu d’être dans l’ordre qui lui convient, tout aura besoin d’être restauré autour du seul centre véritable. Tout ce qui concerne la terre et les Juifs est maintenant dans la confusion et le désordre, mais l’Esprit sera répandu d’en haut, et alors quel changement ! Ainsi deux choses sont nécessaires pour qu’arrive ce temps de bénédiction : le roi régnant en justice, et l’effusion d’une puissance spirituelle spécialement et parmi les Juifs, mais aussi sur les Gentils. Dieu ne fera défaut en rien. Alors « le désert deviendra un verger, et le verger sera estimé à l’égal d’une forêt » ; alors « dans le désert habitera la justice » ; oui, au lieu d’être le recours des voleurs, justice habitera. Au lieu de la convoitise soupirant avec nous une envie après le champ fertile, il y aura la droiture. Ainsi l’œuvre de la justice sera la paix, et ses effets le repos et la sécurité pour toujours. Les intentions et les voies seront droites : tout est gouverné avec bénédiction. « Et mon peuple habitera une demeure de paix, et des domiciles assurés, et des lieux tranquilles et sûrs. Mais il grêlera à la chute de la forêt, et la ville ennemie s’abîmant croulera. Heureux vous qui semez dans un sol arrosé et laissez sans entraves le pied du bœuf et de l’âne ! » (v. 18-20). Le peuple de Dieu sera protégé et prospérera en paix, quoi qu’il arrive de ses ennemis. Pour lui une bénédiction assurée prend la place de la frayeur et du mal.

Chapitre 33. — L’Esprit de Dieu, après nous avoir présenté un tableau béni du Roi-Messie régnant en justice, met ici en contraste un spoliateur que notre prophète ne nomme pas expressément. Mais il n’est pas difficile de le reconnaître, si l’on se reporte à la dernière prophétie d’Ézéchiel qui décrit une puissance gentile ennemie. Il est remarquable qu’Il parle là de Gog, comme de quelqu’un qui avait été auparavant annoncé. D’où il est certain que cette puissance pillarde n’est pas particulière à ce dernier prophète qui nous dit dans son chapitre 38, 8-13 : « Pendant un long temps tu seras visité… Dans ce temps-là des pensées s’élèveront dans ton cœur, et tu formeras de funestes projets et tu diras : J’envahirai le pays ouvert, je fondrai sur ces hommes paisibles, vivant tous dans la sécurité, habitant sans murailles, et n’ayant ni verrous, ni portes, pour enlever du butin et emporter des dépouilles, pour porter la main sur des ruines de nouveau habitées, sur un peuple recueilli du milieu des peuples, qui s’est remis au soin des troupeaux et au négoce et habite les hauteurs du pays. Sheba et Dedan, et les marchands de Tarsis, et tous leurs hommes puissants le diront : Est-ce pour enlever du butin que tu arrives ? pour emporter des dépouilles que tu as réuni les troupes ? pour prendre de l’argent et de l’or, des troupeaux et des biens, pour faire un grand butin ? ». Le chapitre suivant montre en détail que s’il y a quelque chose qui puisse paraître incompatible avec leur sécurité, si Dieu permet qu’il se forme un noir nuage au-dessus de la Palestine, ce nuage à la fin crèvera sur leurs ennemis, non sur Israël. Il semble qu’il s’agisse du même ennemi dont il est question ici. C’est le suprême effort de la coalition formée contre Israël, coalition qui amène la destruction terrible des nations assemblées, et surtout de l’Orient, où Israël n’aura qu’à s’emparer de leurs armes, et où les vainqueurs ne seront occupés qu’à ensevelir les morts, et à piller les armes et le butin de leurs envahisseurs détruits.

Je ne doute pas que l’Assyrien ou le roi du Nord, qui doit paraître à la fin, ne soit décrit dans ce passage. Gog, je pense, aura alors exécuté ses projets depuis longtemps formés contre Constantinople et l’empire turc avec ses principales dépendances. Maintenant « l’Assyrien » est un sujet familier à la prophétie ; ce fait peut servir à faire comprendre la déclaration qu’ils étaient connus auparavant. Il doit évidemment avoir existé à son endroit des prédictions antérieures à l’époque d’Ézéchiel, quoique quelques-unes puissent avoir annoncé des événements qui n’ont point été mis en écrit. C’est ainsi, pour le dire en passant, que quelques-uns se sont trop préoccupés d’établir que les apôtres n’ont jamais écrit autre chose que ce que nous avons d’eux. Il suffit de savoir que tout ce qui était destiné à servir d’une manière permanente à l’Église et à glorifier Dieu nous a été conservé. Il est certain que les apôtres enseignaient (2 Thess. 2), et peuvent fort bien avoir écrit des choses qu’il n’était pas dans les vues de Dieu de nous laisser parvenir comme faisant partie de l’Écriture. Mais ce que nous possédons porte un cachet de perfection qui, à mon avis, exclut une addition quelconque. Que ce ne soit pas une idée du tout exorbitante, c’est évident par le fait que les apôtres ont prononcé une foule de discours qui ne sont pas rapportés au livre des Actes. Sans doute nous avons une très faible partie de leurs prédications, de même que les évangélistes furent conduits à faire un choix parmi tout ce que le Seigneur avait fait. Y ajouter autre chose aurait été plutôt encombrer l’Écriture. Des communications plus nombreuses de la part des apôtres eux-mêmes auraient nui à la perfection de la Parole écrite. Nous devons avoir confiance en Dieu. Il a manifesté Sa volonté en ceci, que tout ce qu’Il avait destiné à servir à l’instruction permanente de l’Église a été gardé par Sa puissance contre les attaques de milliers et de milliers d’adversaires, qui se seraient fait un plaisir de détruire les Écritures, s’ils l’avaient pu. Jamais plus la chrétienté n’avait manifesté un tel éloignement de la Parole de Dieu comme de nos jours. Mais les efforts de l’ennemi n’aboutissent qu’à mettre en lumière la puissance du Seigneur, Sa sagesse et Sa bonté pour tous ceux qui L’aiment, comme aussi ils amèneront la ruine de ceux qui Le haïssent et Le méprisent.

Reprenons notre sujet : Le chapitre 33 d’Ésaïe est le seul qui se rapporte à la lettre du chef du Nord d’Ézéchiel, à moins que nous n’identifions aussi l’Assyrien avec cette puissance, ce qui me semble dans certaines limites être vrai à la fin. Quoi qu’il en soit, les traits moraux de cet ennemi sont assez nettement décrits : « Malheur à toi, dévastateur, qui n’as pas encore été dévasté, et spoliateur qu’on n’a pas dépouillé ! Quand tu auras achevé tes ravages, tu seras ravagé ; quand tu auras fini de dépouiller, on te dépouillera » (v. 1). Cet ennemi cupide paraît être le dernier qui vient, et ainsi est très distinct du « roi du Nord », titre qui n’est pas limité à la fin. Mais assurément c’est un chef de même espèce, insatiable et perfide. L’Esprit maintenant amène le prophète comme personnifiant les Israélites fidèles à crier au Seigneur : « Éternel, sois-nous propice, nous nous attendons à toi ! Sois notre bras chaque matin et notre aide au temps de la détresse ! À ta voix tonnante, les peuples fuient, à ton lever les nations se dissipent. On ramasse votre butin, comme ramasse la sauterelle : on s’y précipite, comme la locuste se précipite » (v. 2-4). Qu’il est précieux d’avoir pour appui le bras du Seigneur qui combat vaillamment pour nous. Mais quelle terrible destruction quand de fiers et innombrables ennemis ramassent leur butin, comme ramassent les sauterelles et les locustes. C’est le Seigneur qui agit, aussi Son œuvre peut bien être merveilleuse devant nos yeux : « L’Éternel est élevé, car il habite les lieux très hauts, il remplit Sion de justice et d’équité. Et ce sera la sécurité de tes jours ; la sagesse et la science sont une riche source de salut ; et la crainte de l’Éternel, c’est là son trésor » (v. 5, 6). Ainsi Jéhovah Lui-même les a pris par la main, tout devient ruine pour Israël, et ses orgueilleuses espérances sont à jamais détruites. Notez qu’à cette même époque, Sion sera remplie de justice et de jugement. La sentence qui a frappé la bête et le faux prophète, et la chevalerie d’Europe est une leçon entendue en vain. Aveuglé par la superstition aussi bien que par l’ardent désir d’un empire universel, Gog rêve de détruire Israël, ne croyant pas à la présence de Christ, ou Le prenant pour un simple roi humain. Ainsi ils marcheront également vers leur propre ruine.

Les versets suivants retracent les détresses du peuple de Dieu et son désespoir avant que la délivrance apparaisse. Le danger ne se fait jamais autant sentir que lorsque la bénédiction, de laquelle nous nous croyions sur le point d’être mis en possession, est de nouveau compromise : « Voici, leurs guerriers poussent des cris au-dehors ; les messagers de paix pleurent amèrement. Les chemins sont désolés : on cesse de pratiquer les sentiers. Il rompt l’alliance, méprise les villes, et ne fait aucun cas des hommes. Le pays est en deuil et languit ; le Liban est confus, dans la douleur ; Saron ressemble au désert, Basan et le Carmel perdent leurs feuilles » (v. 7-9). Mais, comme on dit, l’extrémité de l’homme est l’opportunité de Dieu ; ainsi l’éprouveront les Juifs. « Maintenant je vais me lever, dit l’Éternel, maintenant me dresser, maintenant m’élever ». Avait-Il châtié rudement Son peuple, et l’ennemi insolent demeurerait-il impuni ? « Dans vos flancs vous portez du foin et vous enfanterez de la balle ; votre souffle est un feu qui vous consumera. Et les peuples seront embrasés, calcinés ; ronces coupées, ils brûleront au feu » (v. 10-12). C’est le Seigneur qui se charge de leurs ennemis et qui leur parle de la sorte. La chaux peut être dure, mais le feu finit bien par la réduire en poudre ; les épines peuvent embarrasser ceux dont elles entravent la marche, mais chacun sait qu’une fois coupées, elles brûlent en un clin d’œil.

Au verset 13, l’attention est attirée sur le remarquable déploiement des voies de Dieu, aussi bien que sur les effets de ces épreuves qui font ressortir le vrai caractère des hommes, même en Sion : « Écoutez, peuples lointains, ce que j’ai fait, et vous qui êtes près, connaissez ma puissance ». Vient aussitôt la description la plus animée de l’alarme des impies, et des divines assurances de ceux qui craignent le nom du Seigneur et marchent selon la justice : « En Sion les pécheurs tremblent, le frisson saisit les impies : — Qui de nous tiendra devant le feu consumant ? Qui de nous tiendra devant les flammes éternelles ? — Celui qui est dans la voie de la justice, et qui parle selon la droiture, qui méprise les gains extorqués, qui secoue sa main pour ne point recevoir de dons corrupteurs, qui se bouche les oreilles pour n’être point complice de meurtres et qui ferme ses yeux pour ne point voir le mal, celui-là habitera un séjour éminent, des rochers fortifiés seront sa citadelle, son pain lui sera donné et son eau ne tarira pas » (v. 14-16).

Suit (v. 17-19) une sublime description d’Israël dans son état conscient de bénédiction. Ils contempleront le Roi dans Sa beauté, non plus enfermés dans une ville assiégée, mais libres de regarder jusqu’aux parties les plus éloignées du pays ou de la terre. Leurs cœurs songeront à la terreur, désormais heureusement et à jamais dissipée ; il leur sera particulièrement doux de jeter un regard en arrière, de penser à la délivrance qu’on n’aurait jamais dû oublier, alors que les plus sages étaient en faute — en faute en comptant sur les moyens humains, comme s’ils pouvaient être de quelque utilité — en faute en oubliant le seul vrai Rédempteur, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous. D’un autre côté ils ne verront, ni n’entendront plus l’ennemi étranger, mais ils regarderont à Sion, à la montagne de Sion que l’Éternel aimait : « Contemple Sion, la ville de nos fêtes ! Tes yeux verront Jérusalem, un séjour tranquille, une tente qu’on ne lève plus, dont les pieux ne sont plus arrachés, dont nulle corde n’est détachée. Car là l’Éternel dans sa magnificence nous tient lieu de rivières, de larges fleuves ; un vaisseau à rames n’oserait y passer, un navire puissant n’oserait y voguer. Car l’Éternel notre juge, l’Éternel notre législateur, l’Éternel notre Roi est celui qui nous sauve » (v. 20-22).

N’est-ce pas chose entièrement vaine d’appliquer des paroles comme celles-ci aux jours d’Ézéchias avec quelques anciens interprètes, ou à ceux des Macchabées avec d’autres, ou bien aux temps évangéliques avec de modernes commentateurs irréfléchis ? Même à supposer qu’à aucune de ces époques les circonstances par lesquelles a passé le peuple juif aient eu le moindre rapport avec ce langage énergique du prophète, ce qui n’est pas du tout admis, qui, à l’approche de la captivité, en présence d’un continuel asservissement aux puissances gentiles, d’une dispersion encore plus calamiteuse sous les Romains, dispersion dont les effets se font sentir encore de nos jours, qui, dis-je, oserait affirmer que Jérusalem a pu être considérée comme un séjour tranquille, comme une tente qu’on ne lève plus ? Comment donc est-il possible d’appliquer à cette cité, que les Gentils foulent encore aux pieds, cette déclaration précise et extrêmement bénie : « Ses pieux ne sont plus arrachés, nulle corde n’est détachée » ? Transportez au contraire cette situation dans l’avenir, et tout change ; la difficulté disparaît, et il n’y a rien d’étonnant, « car là l’Éternel dans sa magnificence nous tient lieu de rivières, de larges fleuves ». De cette manière, il n’est pas nécessaire de briser les liens qui unissent la prophétie à sa base historique, ni de détourner les consolations de ceux dont elle est destinée à adoucir et dissiper les tristesses, en proportion de la simplicité et de la force de leur foi. Non, quelque soulagement que nous puissions y trouver, quelques espérances d’un triomphe futur que nous puissions recueillir des riches jouissances qu’elle nous offre par anticipation, réjouissons-nous de ce qu’ici Dieu parle d’Israël affligé, battu de la tempête, d’Israël qui en ce jour-là trouvera en Jésus de Nazareth son Seigneur longtemps méconnu, l’Éternel des armées, lequel se manifestera comme une sauvegarde meilleure que ces larges fleuves dont Babylone et Ninive pouvaient se glorifier au mépris de Jérusalem. Un fleuve a ses dangers aussi bien que sa beauté, ses avantages et ses moyens de protection ; ces deux cités l’ont bien prouvé, chacune à sa manière, à leurs dépens. Jérusalem possède tous ces privilèges sans les périls qui s’y rattachent, et elle a incomparablement plus en Jéhovah. Que si nul vaisseau à rames ne peut y passer, que si nul navire puissant ne peut y voguer, Jéhovah n’est-Il pas son juge, son législateur, son roi, et ne met-Il pas ainsi Israël au-dessus de toutes les nations de la terre ? Et pourquoi irions-nous porter atteinte à Ses droits pour faire valoir les nôtres, nous qui sommes appelés à prendre place dans la gloire des lieux célestes, et qui sommes l’objet de l’amour du Sauveur comme Son Épouse, en haut ?

Pour Jérusalem, le roi, alors, sera ses délices, sa gloire et sa forteresse. Le plus puissant d’autrefois n’a-t-il pas été renversé lorsqu’un simple fils typique de David a été là, regardant à celui qui sûrement y régnera avant qu’il soit longtemps ? Et que sera-ce quand l’Assyrien, dans sa dernière phase, quand Gog essaiera de s’emparer de Sion, à la fin de cet âge ? « Tes cordes sont lâches, ne tiennent point leur mat ferme, ni les voiles tendues. Alors le butin et les dépouilles en abondance sont partagés, même les boiteux prennent part au pillage ». Le triomphe d’Israël est complet, et d’autant plus complet, que la main du Seigneur combat pour eux, et non la leur. « Et aucun habitant ne dit : Je suis malade ! Au peuple qui y habite, le péché est pardonné ». Heureux le peuple qui se trouve dans un cas semblable ; oui, heureux ce peuple dont l’Éternel est le Dieu. Trois fois heureux ceux qui maintenant peuvent se réjouir dans l’espérance d’Israël, sachant qu’ils ont eux-mêmes une meilleure portion en Christ, et dans un pays meilleur, à savoir, le ciel.



  1. Cela a été corrigé dans la traduction actuelle de la Bible. (Éd.)
  2. Zacharie 9 me semble faire plutôt allusion au chef macédonien qui ravagea sans pitié, du nord au sud, les villes maritimes de la Phénicie et de la Palestine. C’est là du moins l’occasion historique, car le Saint Esprit, là comme ailleurs, a en vue les dernières luttes et les futurs triomphes d’Israël sous le Messie.
  3. « Condamnation », quoique tel soit l’effet du jugement, n’est pas le sens exact de l’expression. C’est là un exemple de la manière dont certains hommes communiquent leur propre pensée à un mot, et affaiblissent en réalité la portée du passage qui le contient.