Études Scripturaires:Les saints selon la Parole

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C.F. Recordon

Les traditions font le plus grand tort au christianisme ; elles l’ont défiguré, matérialisé, corrompu dans la religion romaine ; elles l’affaiblissent et l’altèrent parmi les protestants. — Car, il ne faut pas s’abuser : pour avoir rompu avec Rome, la Réforme n’a pas rejeté tout ce qui venait de Rome. Combien de doctrines, de pratiques, de formes, de locutions n’a-t-elle pas conservées, qui ne sont qu’une défroque du papisme ! Combien n’en a-t-elle pas reçu, qui ne sont que des théories de ses docteurs et de ses théologiens ! — Combien de chrétiens ignorants ou peu éclairés, esclaves des hommes ou bigots, qui croient devoir être « extrêmement zélateurs des traditions de leurs pères », sans jamais avoir la pensée d’examiner sérieusement si et jusqu’à quel point ces traditions sont conformes à la seule règle infaillible, la Parole de Dieu ! Aujourd’hui comme aux temps où Jésus était sur la terre, les traditions humaines ont leurs ardents partisans ; les scribes, les pharisiens, les formalistes de nos jours sont toujours disposés à condamner ceux qui repoussent tout joug de d’homme et qui veulent s’en tenir « à la loi et au témoignage ». Et pourtant, maintenant comme jadis, les traditions ont constamment pour effet de rejeter le commandement de Dieu, d’annuler Sa Parole, et de dépouiller Ses enfants de quelqu’un de leurs privilèges en Christ. Aussi cet avertissement conserve toute sa force pour les disciples du Sauveur : « Prenez garde que personne ne vous dépouille au moyen de la philosophie et d’une vaine déception, selon l’institution (ou tradition) des hommes, selon les éléments du monde, et non selon le Christ » (Col. 2, 8).

En effet, chers frères, nous ne saurions trop être sur nos gardes, car nous vivons au milieu de traditions ; elles sont, pour ainsi dire, dans l’air que nous respirons. En veut-on quelques exemples ? — Presque toutes les notions qui ont cours sur l’Église et les églises ne sont que des traditions opposées à la Parole : Église visible et invisible : Tradition ! Église actuellement triomphante : Tradition ! Églises dites nationales : Tradition ! Églises dites de multitude : Tradition ! Églises à constitutions humaines : Tradition ! Clergé : Tradition ! Distinction entre ecclésiastiques et laïques : Tradition ! Succession dite apostolique ; nécessité d’une consécration ou ordination pour l’exercice du ministère ; cet exercice lui-même accordé ou octroyé seulement à certains individus qui en ont le monopole ; nomination de ces ministres, ou pasteurs, ou anciens, soit par un gouvernement, soit par un troupeau, soit par un presbytère : Traditions, traditions ! Traditions sur le culte que la plupart des chrétiens font consister en ce qui n’est point culte, se dépouillant ainsi, par un culte arbitraire, d’un des plus précieux privilèges des enfants de Dieu. Traditions sur le Saint Esprit, dont on demande l’effusion sur l’Église, comme si l’Église ne l’avait pas déjà ; en attendant une nouvelle Pentecôte, comme s’il pouvait y en avoir une, comme si nous n’étions pas sous l’économie du « Saint Esprit envoyé du ciel ». Traditions sur le dimanche, que l’on a voulu ramener au sabbat judaïque. Traditions sur la loi, sous le joug de laquelle on cherche constamment à placer les affranchis du Seigneur, au mépris des déclarations les plus expresses de l’évangile. Traditions sur ce qui concerne l’avenir, sur le retour du Seigneur, que plusieurs confondent avec la mort, et dont d’autres ont fait ce qu’ils appellent un retour spirituel. Traditions sur le règne de Christ, auquel on se permet de substituer le règne de l’évangile[1]. — Mais le temps me manquerait si je voulais énumérer seulement toutes les imaginations, que l’on a mises à la place des pensées de Dieu, et par lesquelles tant de chrétiens mal affermis sont égarés et appauvris. Grâce à Dieu, plusieurs de ces inventions ont été signalées dans ces derniers temps — et la vérité, telle qu’elle est en Christ, a été clairement annoncée et établie sur mainte doctrine naguère encore sous le boisseau. Je voudrais, si le Seigneur m’en donne la capacité, le temps et les forces, en attaquer quelques autres, en les faisant passer au creuset de l’Écriture, afin que leur néant soit manifesté. — Aujourd’hui pour commencer cet examen, je vais parler de l’abus que l’on a fait et que l’on fait encore du mot « saint », appliqué à des hommes, et si souvent employé dans un sens tout papiste, même par les plus zélés champions du protestantisme.

Je lis dans un traité religieux : « La foi qui animait Abel, Énoch, Abraham, Moïse, Samuel, Ésaïe, saint Jean, saint Pierre, saint Paul, saint Jacques, saint Jérôme, saint Augustin, saint Bernard, Calvin, Luther, Knox, Viret, Newton, Fénelon, etc. » ou du moins j’ai souvent lu des phrases analogues dans des écrits, d’ailleurs pieux et édifiants ; et je me suis demandé comment leurs auteurs ont pu les écrire. Pourquoi, s’ils disent : saint Augustin, ne disent-ils pas aussi : saint Abraham, saint Moïse ? D’où vient qu’après avoir écrit : saint Bernard, il leur paraîtrait ridicule d’écrire : saint Calvin, saint Luther, etc. ? Abraham est-il moins saint que Bernard de Clairvaux ? Viret et Calvin sont-ils moins saints que Jérôme ou le fils de la pieuse Monique ? — Ce n’est certes point leur pensée ; en parlant ainsi, ils n’ont fait que céder à une habitude traditionnelle, et s’accommoder, sans scrupule de conscience, à l’une des plus funestes hérésies du romanisme. — En effet, qu’est-ce que nous rappelle ce mot de saint, accolé à un nom d’homme ? Hélas ! pas autre chose que la canonisation papale, c’est-à-dire, selon le dictionnaire, « la déclaration du pape, par laquelle il met au nombre des saints révérés dans l’Église romain, une personne morte en odeur de sainteté ». Ainsi se forme le catalogue des saints, dont les noms sont mis au calendrier. C’est là une caste à part de personnages, au secours, à l’intercession, aux mérites desquels les pauvres catholiques romains croient pouvoir recourir. Et voilà ce que vous sanctionnez, autant qu’il est en vous, en adoptant le langage dont nous venons de parler.

Mais, prenons-y garde ; nous sacrifions, nous aussi, à la tradition, lorsque nous disons : saint Matthieu, saint Luc, saint Jean, saint Paul, saint Pierre, etc. Cela est toujours fâcheux, car nous n’avons aucun exemple de locutions semblables dans l’Écriture, et il ne peut jamais être que nuisible pour nous de vouloir être sages plus que la Parole ou autrement que la Parole. Ensuite, c’est toujours là reconnaître une caste de saints à part ; c’est imiter ceux qui, sur la négation de la sacrificature universelle des chrétiens, ont établi un sacerdoce à part, ou du moins ceux qui acceptent la sacrificature universelle, pourvu qu’elle ne soit exercée que par quelques personnes désignées pour cela. C’est maintenir et propager une très grave erreur, savoir que la sanctification et la sainteté sont essentiellement un but à atteindre, au lieu d’être avant tout un point de départ : que l’on devient saint par ses propres efforts et ses propres œuvres et non pas par la grâce de Dieu en Christ. Vous voyez, bien-aimés, que ce n’est pas ici une dispute de mots et qu’il vaut la peine de régler son langage d’après la Parole de Dieu, lorsque de telles conséquences peuvent se rattacher à l’emploi abusif d’une seule expression. Il vaut la peine aussi d’étudier cette question, la Parole à la main, pour savoir qui sont ceux qu’elle appelle saints, et ce qu’est un saint, et c’est ce que je me propose de faire aussi brièvement que possible.

On est assez généralement d’accord sur le sens des mots saint et sanctifier. On sait qu’ils signifient : mis à part et mettre à part une personne ou une chose pour qu’elle soit consacrée à Dieu.

Sous l’économie de la loi, il y avait des personnes, des lieux, des temps et des objets sanctifiés ou mis à part.

Le peuple d’Israël tout entier était, dans ce sens, un peuple sanctifié, une nation sainte (Deut. 14, 2), à part des autres peuples, séparé des autres nations par toutes ses institutions, par son culte, ses ordonnances, son sabbat, pour appartenir à l’Éternel son Dieu. C’était une sanctification de position, due avant tout au bon plaisir et à la souveraine grâce de Dieu, qui leur répète fréquemment : « Je suis l’Éternel qui vous sanctifie » (Ex. 31, 13 ; Lév. 20, 8 ; 21, 8 ; Éz. 20, 12). De là découlait pour Israël la responsabilité de se sanctifier, d’être saints dans leurs voies ; de là des commandements, tels que ceux-ci, si souvent répétés, et qui ne pouvaient être donnés qu’à un peuple mis à part : « Sanctifiez-vous donc et soyez saints ; car je suis l’Éternel votre Dieu. Gardez aussi mes ordonnances et les faites : Je suis l’Éternel qui vous sanctifie » (Lév. 20, 7, 8). Et encore au verset 26 du même chapitre : « Vous me serez donc saints ; car je suis saint, moi l’Éternel, et je vous ai séparés des autres peuples, afin que vous soyez à moi ».

Mais, dans ce peuple, tout entier saint, il y avait des personnes plus spécialement sanctifiées. Et d’abord les premiers-nés, selon ce qui était écrit : « Sanctifie-moi tout premier-né… car il est à moi » ; tel est le motif de cet ordre indiqué en Exode 13, 2, ou comme il est dit en Nombres 3, 13 : « Tout premier-né m’appartient depuis que je frappai tout premier-né au pays d’Égypte ; je me suis sanctifié tout premier-né en Israël… ils seront à moi » (cf. Luc 2, 23).

Pour pouvoir les conserver, les parents israélites devaient racheter leurs fils aînés (Ex. 34, 20). Et l’Éternel leur facilitait ce rachat, en disant : « Voici, j’ai pris les Lévites d’entre les enfants d’Israël, au lieu de tout premier-né… c’est pourquoi les Lévites seront à moi » (Nomb. 3, 12). En conséquence, les Lévites étaient particulièrement sanctifiés. « L’Éternel avait séparé la tribu de Lévi pour porter l’arche de l’alliance de l’Éternel, pour se tenir devant la face de l’Éternel, pour le servir et pour bénir en son nom » (Deut. 10, 8).

D’entre les Lévites, Dieu avait choisi la famille d’Aaron pour Lui exercer la sacrificature ; Aaron et ses fils devaient être consacrés et sanctifiés pour cela (Ex. 29, 1, 9). Les sacrificateurs étaient plus rapprochés de Dieu que leurs frères lévites et que le reste du peuple. Et parmi eux, le souverain sacrificateur était plus rapproché encore et plus sanctifié, car lui seul pouvait entrer dans le lieu très saint et porter les saints vêtements, qui lui étaient pour gloire et pour ornement, et qui le sanctifiaient (Ex. 28, 2, 3). C’était, selon la loi, le personnage le plus saint en Israël.

Quant aux lieux saints, je me borne à mentionner, en général, la terre de Canaan, qui pouvait bien s’appeler « la Terre Sainte », puisqu’elle est la terre de Jéhovah et d’Emmanuel. En Canaan, Jérusalem, la ville sainte (Matt. 4, 5 ; 27, 53). Dans Jérusalem, le temple, le saint temple, l’habitation de Dieu, la maison de prières, avec son lieu saint et son lieu très saint.

Et puis les Juifs devaient sanctifier et garder soigneusement des jours, des mois, des temps et des années : des jours, c’est-à-dire le sabbat ; des mois, c’est-à-dire les nouvelles lunes ; des temps, c’est-à-dire leurs fêtes annuelles ; des années, telles que l’année sabbatique et celle du Jubilé.

Enfin il y avait des objets sanctifiés, ou consacrés à l’Éternel, mis à part pour Lui et qui, par conséquent, ne pouvaient pas être employés à des usages profanes ou ordinaires. Tels étaient les vaisseaux et les ustensiles divers du tabernacle ou du temple. La colère de Jéhovah s’enflamma contre Belshatsar, qui avait profané les vases d’or et d’argent, enlevés au temple, en y buvant du vin avec ses mille convives. Et le jour viendra, quand l’Éternel sera roi sur toute la terre, où tout sera également sanctifié à Dieu, où les mots gravés sur la lame d’or qui ornait la tiare du souverain sacrificateur : La sainteté à l’Éternel, seront écrits jusque sur les sonnettes des chevaux, et où toute chaudière qui sera dans Jérusalem et en Juda, sera sainteté à l’Éternel des armées (Zach. 14, 20, 21).

Telles étaient, sous la loi, les personnes et les choses saintes ; telle était la sanctification toute formelle et extérieure de ce régime des ombres et des types. Ce que nous en avons dit peut néanmoins servir à jeter du jour sur la sanctification chrétienne, dont nous allons maintenant nous occuper.

Comme ce n’est que dans le Nouveau Testament que nous pouvons trouver des lumières sur une question de ce genre, je viens d’examiner plus de cent passages, dans lesquels les mots : sanctifier, sanctification, saint et sainteté se trouvent employés, en rapport avec des hommes — et voici les résultats, bénis pour moi, de cette recherche.

1° Jamais le mot saint ne se trouve accolé à un nom propre, ce qui devrait suffire pour condamner une telle locution. Il se trouve quelquefois joint à une classe ou à une catégorie d’individus. Sans parler des saints anges, puisque nous ne nous occupons que de personnes humaines, nous avons les saints prophètes (Luc 1, 70 ; Act. 3, 21 ; 2 Pier. 3, 2) ; les saints apôtres et prophètes (Éph. 3, 5) ; les saints hommes de Dieu (2 Pier. 1, 21) ; les saintes femmes d’autrefois (1 Pier. 3, 5) ; des saints qui étaient endormis et qui ressuscitèrent (Matt. 27, 52). Ce que nous avons dit jusqu’ici suffit pour nous faire comprendre la valeur et la convenance de cette épithète, appliquée à ces divers personnages ; mais remarquons qu’il n’est jamais dit : un saint apôtre, un saint prophète, une sainte femme, etc.

2° Nous n’avons trouvé qu’un seul passage où les mots saint et sanctifié désignent simplement une sanctification ou sainteté de position, qui n’implique qu’un privilège extérieur et non une grâce intérieure et salutaire ; il se trouve dans 1 Corinthiens 7, 14 : « Le mari incrédule est sanctifié en sa femme, et la femme incrédule est sanctifiée en son mari ; autrement certes vos enfants seraient impurs ; mais maintenant ils sont saints ».

3° Quant aux choses saintes ou sanctifiées, à l’exception de celles qui sont appelées ainsi selon la notion juive de ces mots, comme la ville sainte (Matt. 4, 5 ; 27, 53, etc.) ; le lieu saint (Act. 6, 13 ; 21, 28) ; la sainte montagne (2 Pier. 1, 18), nous ne connaissons qu’un seul endroit où il soit question d’objets matériels qui peuvent être sanctifiés. Nous voulons parler de 1 Timothée 4, 5 : L’apôtre nous apprend que les aliments ont été créés de Dieu, « pour être pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité ; parce que toute créature de Dieu est bonne, et qu’aucune n’est à rejeter, lorsqu’elle est prise avec actions de grâces ». Puis il ajoute : « car elle est sanctifiée par la parole de Dieu et par la prière ». Un roi de la fable avait obtenu la triste faculté de changer en or tout ce qu’il toucherait, ce qui devait le conduire à mourir de faim. Le chrétien, qui a connu la vérité et qui est fidèle et reconnaissant, a le privilège infiniment plus précieux de changer en sainte nourriture ce qui n’est qu’une nourriture tout ordinaire sur la table de l’infidèle ou du mondain. Le chrétien sait, par la Parole de son Dieu, que ces aliments lui sont donnés par le Seigneur qui les a créés. Il en rend grâces au Seigneur, et de cette manière ils sont sanctifiés et comme consacrés à Dieu.

4° Nous avons encore : le saint commandement et la loi sainte (Rom. 7, 12 ; 2 Pier. 2, 21) ; la sainte alliance de Dieu (Luc 1, 72) ; les saintes Écritures et les saintes lettres (Rom. 1, 2 ; 2 Tim. 3, 15) ; le saint appel, par lequel Dieu nous a appelés et sauvés (2 Tim. 1, 9) ; le saint baiser, par lequel les disciples se saluaient mutuellement (Rom. 16, 16 ; 1 Cor. 16, 20 ; 2 Cor. 13, 12 ; 1 Thess. 5, 26) et notre très sainte foi (Jude 20). Dans tous ces exemples, le mot saint s’explique de lui-même sans difficulté.

5° Approchons davantage de notre sujet proprement dit. Venons-en à l’Église, mais à l’Église selon la Parole et non selon les notions des théologiens. Possédant en grâce des privilèges offerts à Israël sous la condition de l’obéissance et qu’Israël a perdus sous cette responsabilité, l’Église est une sainte sacrificature et la nation sainte (1 Pier. 2, 5, 9, cf. Ex. 19, 5, 6) ; elle est le saint temple de Dieu, un temple saint en notre Seigneur (1 Cor. 3, 17 ; Éph. 2, 21), et un jour Christ se la présentera glorieuse… sainte et sans défaut (Éph. 5, 27). Ici encore il n’est pas besoin de montrer pourquoi l’Église est appelée sainte. Il suffit, pour le moment, de rappeler que Dieu a visité et visite les nations, afin d’en tirer un peuple pour son nom (Act. 15, 14) et que ce peuple, ainsi mis à part, c’est l’Église.

6° Enfin, considérons le mot saint, appliqué aux pécheurs sauvés par grâce. Arrêtons-nous d’abord un moment sur les diverses dénominations qui leur sont données outre celle de saints. On les appelle les chrétiens, les fidèles ou les croyants, les enfants de Dieu, les frères, les disciples. Je range ces noms dans l’ordre selon lequel ils me paraissent être le plus usités dans les écrits ou discours religieux, en faisant observer qu’il n’en est pas précisément de même dans le Nouveau Testament. Ainsi chacun sait que le mot de chrétien ne s’y rencontre que trois fois (Act. 11, 26 ; 26, 28 ; 1 Pier. 4, 16). L’expression de fidèle ou croyant, employée substantivement, pour désigner un chrétien ou des chrétiens, ne se trouve guère que quatre ou cinq fois, par exemple, dans 2 Corinthiens 6, 15 et 1 Timothée 4, 10, 12 ; 5, 16. Le titre d’enfants de Dieu, comme dénomination des croyants, revient assez rarement aussi. Dans le sens dont je parle, voyez Jean 11, 52 ; Romains 8, 21 ; Galates 3, 26 ; 1 Jean 5, 2. Les termes, les plus ordinaires, pour qualifier les enfants de Dieu, sont ceux de disciples, de frères, et de saints. Mais remarquons, d’abord, que si les deux premiers sont fréquemment employés au singulier, il n’en est jamais ainsi du troisième. Il est dit souvent un disciple (ainsi dans Act. 9, 10, 26 ; 16, 1 ; 21, 16) ; de même un frère ou le frère (1 Cor. 7, 12 ; 8, 11 ; Éph. 6, 21 ; Col. 4, 7 ; Philémon 7, 16, 20 ; Jacq. 1, 9 ; 2, 15) ; mais il n’est jamais dit : un saint ou le saint, en parlant d’un racheté[2]. Ensuite, le mot disciple se trouve souvent rapproché d’un nom propre (voir les passages cités ci-dessus relativement à cette dénomination) ; le mot frère se trouve parfois placé immédiatement avant ou après un nom propre ; ainsi nous avons dans Romains 16, 23 : le frère Quartus ; dans 1 Corinthiens 1, 1 : le frère Sosthène ; dans 2 Corinthiens 1, 1 ; Colossiens 1, 1 ; Philémon 1 : le frère Timothée ; dans Colossiens 4, 9 : le fidèle et bien-aimé frère Onésime ; dans 1 Pierre 5, 12 : Silvain, frère fidèle ; dans 2 Pierre 3, 15 : notre bien-aimé frère Paul ; mais jamais le mot saint n’est employé de cette manière ; jamais le Saint Esprit ne dirait et n’a dit : le saint Quartus, le saint Sosthène, saint Timothée, saint Onésime, saint Silvain, et pas davantage, saint Paul.

Observons encore que si, pour désigner les sauvés, on fait plus ou moins usage de tous les autres titres dont nous venons de parler, il est rare, parmi les chrétiens de langue française du moins, que l’on emploie le terme de saints. Il semble que l’on en a peur ou qu’on le regarde comme trop présomptueux. Sauf dans la phrase reçue : « les assemblées de tes saints » et dans cet article du soi-disant Symbole des apôtres : « la communion des saints », on l’évite soigneusement ; on craindrait, semble-t-il, de s’en servir pour indiquer les fidèles, en général, mais bien plus encore quand on voudrait parler des chrétiens d’une localité[3]. Et pourtant il est, dans ces deux sens, très habituel aux écrivains sacrés du Nouveau Testament. D’où peut venir cette divergence, au sujet de cette expression, entre les saints hommes de Dieu et les chrétiens de nos jours ? Probablement de ce que l’on a perdu de vue la vraie acception du mot saint, de ce qu’on le prend plutôt dans le sens que lui donnent les dictionnaires que dans sa signification selon Dieu.

Or il est toujours fâcheux et souvent dangereux de s’écarter, en parlant de choses révélées, du langage de la Parole. On ne peut laisser les mots sans laisser aussi les idées exprimées par ces mots : ici, il s’agit d’idées ou de pensées de Dieu que nous ne pouvons négliger ou ignorer impunément. Il est donc de toute importance que nous ayons des notions justes sur ce que sont les saints. Or ces notions, où pourrions-nous les chercher et les obtenir si ce n’est dans les saintes Lettres, qui seules peuvent nous rendre sages à salut ? Ouvrons donc le Nouveau Testament (car j’ai parlé déjà de la sainteté selon l’Ancien) et voyons à qui le nom de saint y est donné ; de là nous pourrons déduire la vraie portée de ce mot, tout en apprenant comment de pauvres pécheurs deviennent des saints ; et nous terminerons par quelques considérations sur la sainteté ou la sanctification pratique.

Ce qui nous frappe d’abord, c’est que jamais cette épithète n’est donnée dans les évangiles aux disciples du Sauveur. Elle n’apparaît que dans les Actes, après que l’Église est née, après qu’elle a reçu le baptême du Saint Esprit et la sanctification de l’Esprit. La première fois qu’elle se rencontre, c’est en Actes 9, 13, dans la bouche d’un disciple nommé Ananias, qui parle ainsi de Saul au Seigneur : « J’ai entendu dire… combien de maux il a faits à tes saints dans Jérusalem ». Voilà les disciples appelés les saints de Jésus. Dès lors cette expression sert très fréquemment à désigner, soit les croyants de telle ou telle localité, soit l’ensemble des élus.

Ainsi, dans la première acception, nous avons entre autres, les passages suivants : Actes 9, 32 : « Pierre… descendit vers les saints qui habitaient Lydde » ; ibid. verset 41 : Après avoir rendu la vie à une disciple du nom de Tabitha, Pierre la leva, et ayant appelé les saints (de Joppé, évidemment) et les veuves, il la leur présenta vivante ; Actes 26, 10, où Paul dit que, autrefois, à Jérusalem, il emprisonnait beaucoup de saints. Voyez encore les adresses de quelques lettres de l’apôtre des Gentils, où ce titre est donné à ceux auxquels il écrit (Rom. 1, 7 ; 1 Cor. 1, 2) ; 2 Cor. 1, 1 : « avec tous les saints qui sont dans toute l’Achaïe » ; Éph. 1, 1 : « aux saints qui sont à Éphèse » ; etc. Voyez, de plus, les nombreux passages où Paul fait mention de son voyage à Jérusalem « pour le service des saints », ou de la collecte en faveur des pauvres d’entre les saints, qui étaient à Jérusalem (Rom. 15, 25, 26, 31 ; 1 Cor. 16, 1 ; 2 Cor. 8, 4 ; 9, 1, 12). — Voyez encore, dans les salutations à la fin des épîtres, cette dénomination appliquée soit aux frères, au milieu desquels l’apôtre se trouve, soit à tous ceux auxquels il s’adresse, soit aussi à une partie de ces derniers. Ainsi, 2 Corinthiens 13, 12 et Philippiens 4, 22 : « Tous les saints vous saluent » ; Philippiens 4, 21 : « Saluez chaque saint dans le Christ Jésus » ; Hébreux 13, 24 : « Saluez… tous les saints » ; Romains 16, 15 : « Saluez Philologue… et tous les saints qui sont avec eux ». — Remarquez enfin des passages, tels que ceux-ci : 1 Corinthiens 6, 1, 2 : « Quelqu’un d’entre vous… ose-t-il bien aller en jugement devant les injustes, et non pas devant les saints ? Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? Et si le monde est jugé par vous etc. » ; 1 Corinthiens 14, 34 : « Comme dans toutes les assemblées des saints, que vos femmes se taisent dans les assemblées » ; 1 Thessaloniciens 5, 27 : « Que cette lettre soit lue à tous les saints frères ».

Citons maintenant des passages où ce mot s’applique à tous les enfants de Dieu, en général : Jude dit de la foi (v. 3), « qu’elle a été transmise une fois aux saints. Les Éphésiens (1, 15), les Colossiens (1, 4) et Philémon (v. 5) se faisaient distinguer par leur amour pour tous les saints. Paul mentionne avec éloge ceux de la maison de Stéphanas, qui s’étaient donnés pour le service des saints (1 Cor. 16, 15). Le travail de l’amour, que les fidèles Hébreux avaient fait valoir pour le nom de Dieu, consistait en ce qu’ils avaient servi les saints et les servaient encore (Héb. 6, 10). Paul exhorte les fidèles de Rome à subvenir aux besoins des saints (Rom. 12, 13). Il loue les veuves qui ont le témoignage d’avoir lavé les pieds des saints (1 Tim. 5, 10). Il dit à Philémon (v. 7) : « Les entrailles des saints ont été mises en repos par ton moyen, mon frère ». Il recommande aux frères de Rome de recevoir la sœur Phœbé, en notre Seigneur, d’une manière digne des saints (Rom. 16, 2) ; et à ceux d’Éphèse, de prier « pour tous les saints » (Éph. 6, 18). Il nous apprend que le mystère, caché dès les siècles, a maintenant été manifesté à ses saints (Col. 1, 26) ; que les Gentils croyants ne sont plus étrangers, mais concitoyens des saints ; que les dons, accordés par Jésus à Son Église, ont tout premièrement pour but, le perfectionnement des saints (Éph. 2, 19 ; 4, 12). Il demande au Père de notre Seigneur Jésus Christ pour les saints d’Éphèse : qu’ils soient capables de comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur et la longueur etc. (3, 18). Il nous dit que l’Esprit intervient selon Dieu pour les saints (Rom. 8, 27). Il donne le nom de frères saints, à tous ceux qui sont participants de l’appel céleste (Héb. 3, 1).

Dans tous ces exemples, il s’agit de l’ensemble des saints qui sont sur la terre, ou de l’Église, corps de Christ. Voici des passages, où le même mot désigne la réunion générale de tous les enfants de Dieu dans la gloire. Il nous est ordonné de rendre grâces au Père, qui nous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière (Col. 1, 12). Il est parlé des richesses de la gloire de cet héritage de Dieu dans les saints (Éph. 1, 18), et de l’arrivée de notre Seigneur Jésus Christ avec tous ses saints (1 Thess. 3, 13 ; cf. Zach. 14, 5 et Jude 14). Et quand le Seigneur Jésus viendra exercer la vengeance avec un feu de flamme, nous savons qu’Il sera, en ce jour-là, glorifié dans Ses saints (2 Thess. 1, 10) ; — et que les saints jugeront le monde (1 Cor. 6, 2).

Mon but, en faisant ces nombreuses citations, sera pleinement atteint, si tous mes chers lecteurs sont maintenant convaincus comme moi, que le mot saints, appliqué aux croyants, indique une position dans laquelle la grâce les place tous également. Il sont tous saints de la même manière, au même titre et au même degré. Ils sont tous saints, comme ils sont tous sauvés et parce qu’ils sont tous sauvés. Il n’y a point de différence entre eux sous ce rapport. Le seul passage qui semblerait, à première vue, contenir une allusion à divers degrés entre les saints, ne fait au fond que montrer l’humilité de l’apôtre Paul, qui dit, Éphésiens 3, 8 : « À moi, le moindre de tous les saints[4], a été donnée cette grâce ».

Qu’est-ce donc que les saints, selon la Parole ? Ce sont tous ceux pour les péchés desquels Jésus Christ s’est donné Lui-même, afin de les arracher du présent siècle méchant. Balaam, contemplant Israël du sommet des coteaux, s’écriait : « Voilà, ce peuple habitera à part, et il ne sera point mis entre les nations » (Nomb. 23, 9). Un autre ennemi d’Israël, Haman, disait au roi Assuérus, en parlant des Juifs : « Il y a un certain peuple dispersé entre les peuples,… et qui toutefois se tient à part, duquel les lois sont différentes de celles de tous les autres peuples »… (Esth. 3, 8). Eh bien ! ce que les Juifs étaient par leurs institutions, ce que beaucoup d’entre eux sont encore de nos jours, d’une manière légale et extérieure, l’Église le réalise spirituellement. Elle est le peuple particulier de Jésus Christ, qui l’a rachetée et purifiée de toute iniquité. Ceux qui la composent par la foi sont bourgeois des cieux ; ils sont morts et leur vie est cachée avec Christ en Dieu ; quoique dans le monde, ils ne sont pas du monde comme Jésus n’était pas du monde. Ils sont donc saints, ou mis à part[5] de la génération tortue et perverse pour être à Dieu qui les a aimés en Jésus Christ. Et remarquez-le bien, ils sont tous également saints, avant d’avoir fait aucune œuvre et indépendamment de toute œuvre de leur part.

Mais recherchons plus exactement et demandons à la Parole de quelle manière nous sommes ainsi rendus saints ou sanctifiés. Voici la réponse qu’elle nous donne, ou les divers moyens de la grâce de Dieu qu’elle indique, comme autant de causes de ce résultat béni.

Avant tout, il y a l’élection éternelle de Dieu, qui « nous a élus en Christ avant la fondation du monde, pour que nous fussions saints et sans défaut devant lui dans l’amour » (Éph. 1, 4) et ailleurs : « Élus selon la préconnaissance de Dieu le Père, dans la sanctification de l’Esprit… » (1 Pierre 1, 2). Aussi Jude (v. 1) s’adresse « aux appelés, sanctifiés en Dieu le Père, et conservés par Jésus Christ ».

Il y a ensuite l’appel de Dieu, qui « ne nous a pas appelés à l’impureté, mais dans la sanctification » (1 Thess. 4, 7).

Il y a la foi en Jésus Christ, qui dit Lui-même à Son serviteur Paul : « Je t’envoie vers les Gentils pour ouvrir leurs yeux,… afin qu’ils reçoivent le pardon des péchés et un lot entre ceux qui sont sanctifiés par la foi en moi » (Actes 26, 18).

Il y a notre union avec Christ dont la conséquence est aussi notre sanctification ; c’est pourquoi il est dit : « tous les saints dans le Christ Jésus » (Phil. 1, 1 ; 4, 21), et « les sanctifiés dans le Christ Jésus » (1 Cor. 1, 2).

Il y a Jésus, considéré d’une manière générale dans ce qu’Il est et dans ce qu’Il a fait, Jésus « qui nous a été fait, de la part de Dieu, sanctification, aussi bien que sagesse, justice et délivrance » (1 Cor. 1, 30) ; Jésus dont il est dit : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés viennent tous d’un » (Héb. 2, 11).

Il y a l’œuvre de Jésus et, en particulier, Son sacrifice et Sa mort : « Il vous a maintenant réconciliés par le corps de sa chair, par le moyen de sa mort, pour vous présenter saints et sans défaut… devant lui » (Col. 1, 22). « Le Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin qu’il la sanctifiât… » (Éph. 5, 25, 26). Et encore : « C’est par cette volonté [de Dieu] que nous sommes sanctifiés, au moyen de l’offrande du corps de Jésus Christ, faite une seule fois… car par une seule offrande, il a consommé à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb. 10, 10, 14).

Il y a le sang de Jésus, « car si le sang des taureaux et des boucs… sanctifie, quant à la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ… purifiera-t-il votre conscience des œuvres mortes… » (Héb. 9, 13, 14). C’est le sang de l’alliance par lequel le peuple a été sanctifié, car « Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par le moyen de son sang, a souffert hors de la porte » (Héb. 10, 29 ; 13, 12).

Il y a l’ascension de Jésus et Sa séance actuelle à la droite de Dieu, où il est notre avocat auprès du Père. Ainsi il est mis à part, pour un temps et personnellement, du monde et même de l’Église. « Ainsi il est séparé des pécheurs, et élevé au-dessus des cieux » (Héb. 7, 26). C’est là, je pense, le vrai sens de ces paroles qu’il adresse au Père, en recommandant Ses disciples à Sa garde : « Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité » (Jean 17, 19 ; cf. 16, 7, 13).

Il y a l’Esprit de Dieu, expressément nommé le Saint Esprit, l’Esprit de sainteté. « Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut, dans la sanctification de l’Esprit et la foi de la vérité » (2 Thess. 2, 13 ; cf. 1 Pier. 1, 2 déjà cité). Paul a reçu de Dieu la grâce d’être ministre de Jésus Christ auprès des nations, en exerçant l’office sacré de l’évangile de Dieu, « afin que l’offrande des nations soit agréée, étant sanctifiée par l’Esprit Saint » (Rom. 15, 15, 16). Le même apôtre, après avoir énuméré diverses classes de pécheurs, au sujet desquelles il déclare qu’ils n’hériteront point du royaume de Dieu, ajoute en s’adressant aux saints de Corinthe et par conséquent à tous les saints de tous les lieux et de tous les temps : « Et c’est là ce qu’étaient quelques-uns d’entre vous ; mais vous avez été lavés ; mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés, par le nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu » (1 Cor. 6, 11). N’est-ce pas là encore ce que nous enseigne cette écriture (Tite 3, 4-6) : « Dieu… nous a sauvés… selon sa miséricorde, par le moyen du lavage de la renaissance et du renouvellement de l’Esprit Saint, qu’il a répandu sur nous richement par Jésus Christ notre Sauveur », et tant d’autres passages relatifs à l’œuvre du Saint Esprit en nous ?

Il y a enfin la Parole de Dieu, cette Parole qui constitue « le lavage d’eau », par lequel Jésus purifie Son Église (Éph. 5, 26) ; cette Parole dont Il parle ainsi aux disciples : « Vous êtes déjà purs, à cause de la parole que je vous ai annoncée » (Jean 15, 3), et dans la prière qu’Il adresse pour eux au Père, Il dit : « Sanctifie-les par ta vérité ; ta parole est la vérité » (Jean 17, 17).

On le voit avec la dernière évidence : cette œuvre est de Dieu et tout entière de Dieu, le Père, le Fils, et le Saint Esprit. L’homme n’y est absolument pour rien. Il est sanctifié, comme il est justifié et en même temps qu’il est justifié, par la pure grâce de Dieu, l’œuvre parfaite de Jésus et l’opération de l’Esprit Saint en lui. C’est de là qu’il doit partir pour marcher dans l’obéissance et pour vivre saintement. C’est ce que la Parole lui rappelle, c’est ce qu’il doit se rappeler lui-même s’il veut porter des fruits qui soient à la gloire de Dieu. « Comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur… » (Col. 3, 12). « Que ni la fornication, ni aucune impureté ou avarice ne soient même nommées parmi vous, comme il convient à des saints » (Éph. 5, 3).

Nous ne dirons donc pas, comme on l’entend répéter par tant de chrétiens, comme on le lit dans tant d’écrits religieux : la justification s’opère une fois pour toutes, mais la sanctification est uniquement une œuvre de toute la vie ; non, mais avec la Parole, nous répéterons : « Nous sommes sanctifiés ». Et en effet, il faut être saint pour faire des œuvres de sainteté, tout comme il faut être pommier pour produire des pommes. Ces œuvres sont une conséquence du salut du pécheur qui, ayant été affranchi du péché et asservi à Dieu, a son fruit en sanctification, et pour fin la vie éternelle. Maintenant nous comprendrons que la sainteté pratique consiste essentiellement à réaliser notre position et à marcher selon notre caractère de saints ; à demeurer dans la sanctification où le Seigneur nous a placés. Ce n’est donc pas, comme le disait un frère, courir après une voiture qui s’appelle sanctification et que nous n’atteindrions jamais, car ici aussi cela ne vient pas du courant ; mais c’est savoir et croire que nous sommes dans cette voiture, c’est y demeurer afin de demeurer dans le chemin de la sainteté qu’elle parcourt et d’arriver au but auquel elle conduit, c’est-à-dire à la perfection. C’est ainsi qu’il est dit des femmes, qu’elles seront sauvées… « pourvu qu’elles demeurent dans la foi, et l’amour, et la sanctification avec modestie » (1 Tim. 2, 15). Nous sommes sanctifiés comme nous sommes en Christ, nous avons à demeurer dans la sanctification tout comme à demeurer en Christ. Et c’est là ce qui sanctifiera notre vie, soyons-en bien sûrs : en effet, il n’est pas possible de vivre habituellement dans la conscience et le sentiment de notre sanctification en Christ, sans que par là même, nos pensées, nos affections, notre volonté, nos paroles et notre conduite soient rendues saintes.

Il est un très petit nombre de préceptes, directement[6] relatifs à la sanctification pratique. Nous ne disons pas cela pour en affaiblir l’importance ; car n’y en eût-il qu’un, cela suffirait amplement pour que le chrétien, soumis à la Parole, dût y faire sérieusement attention. Toutefois en nous rappelant la multitude de déclarations (dont nous avons cité la plupart), qui établissent l’état de sanctification et de sainteté du croyant, en principe et en dehors de toute œuvre de sa part, une réflexion nous préoccupe et nous frappe : c’est encore un contraste entre les pensées de l’homme, même du chrétien, et les pensées de Dieu. — N’est-il pas vrai, en effet, que c’est le côté pratique de la sanctification qui domine presque exclusivement dans les idées que les saints se forment sur ce sujet, ainsi que dans les méditations, les discours, les sermons sur cette importante matière ? L’autre côté, celui que l’on peut nommer le côté de Dieu, de cette question, est bien rarement, bien peu considéré ; il est extrêmement négligé — ce qui contribue à jeter ou à laisser bien des âmes dans la confusion et dans le trouble. « Il fallait, disait Jésus, il fallait faire ces choses-ci, et ne pas laisser celles-là ».

Examinons maintenant et pour terminer ces passages, qui ont trait à la sainteté pratique ; nous possédons, dans ce qui précède, tous les éléments nécessaires pour en avoir l’intelligence selon Dieu. Nous commençons par 1 Thessaloniciens 4, 3, 4 : « C’est ici la volonté de Dieu, votre sanctification ; que vous vous absteniez de la fornication ; que chacun de vous sache posséder son propre vase en sanctification et en honneur ». Oui, c’est bien là la volonté de Dieu, car c’est par cette volonté que nous sommes sanctifiés (Héb. 10, 10). « L’ayant voulu, Il nous a enfantés par une parole de vérité » (Jacq. 1, 18) et par là même Il nous a mis à part pour être à Lui, comme des prémices de Ses créatures ; et Il veut que nous sachions nous tenir à part et nous conserver sans tache de la part du monde. C’est en cela surtout que, devant notre Dieu et Père, consiste la dévotion pure et sans souillure.

1 Pierre 1, 15, 16 : L’apôtre, après avoir exhorté les frères à espérer parfaitement dans la grâce qui leur a été apportée en la révélation de Jésus Christ, leur recommande de marcher comme des enfants d’obéissance ; puis il ajoute : « De même que celui qui vous a appelés est saints, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite », puisqu’il est écrit : Soyez saints, parce que je suis saint ». — Dieu nous a faits Ses enfants, et nous a ainsi sanctifiés ; Il nous a rendus participants de la nature divine. Maintenant Il veut que, dans Sa maison, la famille manifeste dans tous les détails de sa vie le caractère du Père : Il est saint et Il nous a appelés dans la sanctification ; de là découle pour nous cette responsabilité : « Soyez saints dans toute votre conduite ».

Hébreux 12, 14 : « Recherchez la paix avec tous, et la sanctification, sans laquelle nul ne verra le Seigneur » : « Veillant à ce que personne ne se prive de la grâce de Dieu », est-il écrit immédiatement après, et la sanctification fait partie de cette grâce. Sans laquelle sanctification nul ne verra le Seigneur : en effet, il est dit encore : « Bienheureux ceux qui sont purs de cœur ; parce qu’ils verront Dieu » (Matt. 5, 8). Et qui sont ceux qui sont purs de cœur, sinon ceux qui, par la foi, sont placés sous l’aspersion du sang de Jésus qui nous purifie de tout péché (1 Jean 1, 7 ; Tite 2, 14 ; Act. 15, 9), et par conséquent nous sanctifie ou nous met à part d’un monde plongé tout entier dans le mal ? C’est pourquoi nous pouvons dire : « Nous savons que nous sommes de Dieu » (1 Jean 5, 19). Eux seuls, les sanctifiés, ont eu le privilège de voir le Seigneur Jésus après Sa résurrection, comme Il le leur avait annoncé (Jean 14, 19, 22 ; Act. 13, 31 ; 1 Cor. 15, 5-8). « Et comme ce qui est réservé aux hommes, c’est de mourir une fois, après quoi il y a un jugement ; de même le Christ, ayant été offert une fois pour porter sur lui les péchés d’un grand nombre, sera vu une seconde fois sans péché, par ceux qui l’attendent pour le salut » (Héb. 9, 27, 28). Eux seuls, savoir ceux dont les péchés ont été portés par le Christ, ceux qui L’attendent, eux seuls Le verront, quand Il viendra en grâce et pour le salut, c’est-à-dire pour le rachat de nos corps et notre introduction dans la gloire : eux seuls, savoir les sanctifiés, ceux qui sont ici soigneusement mis à part des hommes dont l’unique attente est la mort et le jugement. — « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu,… et nous savons que, lorsqu’il aura été manifesté, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3, 2). — Eh bien ! (car dans l’épître aux Hébreux l’apôtre s’adresse tantôt aux Juifs, qui sont attirés à l’évangile, tantôt à ceux qui l’ont reçu) eh bien ! s’il s’agit des premiers, qu’ils recherchent ou poursuivent la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur ; qu’ils la recherchent en allant à Jésus, en croyant en Jésus, qui nous a été fait sanctification et qui nous sanctifie ; que personne ne se prive, par incrédulité, de cette précieuse grâce de Dieu. S’il s’agit de Juifs devenus chrétiens et par là même sanctifiés, mis à part des autres Juifs, qu’ils demeurent et marchent dans la sanctification où la grâce de Dieu les a placés en Christ ; qu’ils la recherchent, la poursuivent dans tous les détails de la vie : Étant sanctifiés, qu’ils se sanctifient. C’est ainsi qu’il est dit aux saints : « Vous êtes morts… » puis comme conséquence : « Faites donc mourir vos membres qui sont sur la terre » (Col. 3, 3, 5). Et de même : « Vous êtes sauvés, vous êtes parfaits… opérez donc votre propre salut avec crainte et tremblement ; car c’est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire par sa bienveillance » (Phil. 1, 28 ; 3, 15 ; 2, 12, 13).

Et c’est aussi là, pensons-nous, l’esprit du précepte contenu en 2 Corinthiens 7, 1. — L’apôtre a recommandé aux saints de Corinthe de marcher selon leur mise à part, en ne se mettant pas sous un même joug avec les incrédules. À l’appui de cette recommandation, il leur rappelle qu’ils sont le temple du Dieu vivant, et leur applique, en conséquence, cet ordre et cette promesse de l’Ancien Testament : « C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux et vous séparez, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous recevrai. Et je vous serai pour père, et vous, vous me serez pour fils et pour filles, dit le Seigneur Tout-puissant » ; car ce n’est qu’en réalisant notre sanctification ou, ce qui est la même chose, en demeurant en Jésus et en marchant dans la lumière, que nous avons communion avec le Père, conscience et jouissance de tout ce qui tient à nos privilèges de fils et de filles du Tout-puissant. — Puis Paul ajoute : « Ayant donc ces promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, achevant notre sainteté dans la crainte de Dieu ». — Cette sainteté s’achève ou se réalise[7] en sortant du milieu des incrédules, en se séparant, en se purifiant de toute souillure, et c’est bien là encore ce qui convient à des saints.

« Si quelqu’un se purifie de ces choses, il sera un vase à honneur, sanctifié et bien utile au Maître, ayant été préparé pour toute bonne œuvre » (2 Tim. 2, 21). Sanctifié en pratique comme il l’est en principe ; mis à part comme vase à honneur : c’est l’homme fait qui, à cause de l’habitude, a le sens exercé à discerner le bien et le mal (Héb. 5, 14) ; ou l’homme de Dieu accompli, entièrement formé pour toute bonne œuvre (2 Tim. 3, 17). C’est celui qui comprend cette exhortation de Paul et qui s’y conforme de cœur et de vie : « Je vous exhorte donc, frères, par les miséricordes de Dieu, à présenter vos corps comme une victime vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est votre culte selon la Parole » (Rom. 12, 1). Cette victime est agréable à Dieu, parce qu’elle est sainte, et elle est sainte, en tant qu’elle appartient à Dieu par Jésus Christ.

Il est dit de même de la vierge : « Celle qui ne se marie pas s’inquiète des choses du Seigneur, pour être sainte et de corps et d’esprit » (1 Cor. 7, 34) ; ce qui me paraît analogue à ce qui est dit, au verset 32, de celui qui ne se marie pas, savoir qu’il s’inquiète des choses du Seigneur, et des moyens de plaire au Seigneur.

La prochaine arrivée du jour du Seigneur, dans lequel les cieux et la terre passeront, et l’attente de Jésus pour notre réunion autour de Lui doivent être pour nous de puissants mobiles à l’obéissance et à la sainteté pratique : « Puis donc que toutes ces choses se dissolvent, quels devez-vous être en sainte conduite, et en piété, attendant et hâtant l’arrivée du jour de Dieu… C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant ces choses, empressez-vous à être trouvés par lui sans tache et sans défaut dans la paix » (2 Pier. 3, 11-14).

« Et cela, quand nous considérons la saison, parce que c’est ici l’heure de nous réveiller du sommeil ; car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru. La nuit est avancée et le jour s’est approché ; rejetons donc les œuvres des ténèbres, et soyons revêtus des armes de la lumière » (Rom. 13, 11, 12).

Oui, frères saints, prenons gardes à nous-mêmes et à nos voies, prenons garde les uns aux autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres ; n’abandonnant pas le rassemblement de nous-mêmes… mais nous exhortant, et d’autant plus que vous voyez approcher le jour (Héb. 10, 24, 25). Oui, le jour approche, tout doit se trancher, se dessiner de plus en plus ; la chose sainte et la profane doivent se distinguer et ne plus se confondre. Le peuple de Dieu doit de plus en plus manifester sa mise à part du monde en s’en séparant, et les mondains, de leur côté, iront en empirant, séduisant et étant séduits. Bientôt cette parole aura son accomplissement, en jugement pour les infidèles, en avertissement pour les saints : « Le temps est proche. Que celui qui est injuste, soit injuste encore ; et que celui qui est souillé, se souille encore ; et que celui qui est juste, soit encore justifié ; et que celui qui est saint, soit encore sanctifié » (Apoc. 22, 11).

Dieu aime les saints et, parce qu’Il les aime et qu’Il les reconnaît pour Ses fils, parce qu’Il veut leur bonheur et qu’Il ne peut point y avoir de bonheur pour eux en dehors de l’obéissance filiale, Il ne leur épargne ni exhortations, ni motifs, ni corrections, ni jugements, afin qu’ils aient part à Sa sainteté (Héb. 12, 10). Comme un cultivateur habile et sage, Il émonde le sarment qui porte du fruit en Christ, afin qu’il porte plus de fruit. Gloire et grâces à notre Dieu et Père !

« Et maintenant, frères, je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, qui peut vous édifier et vous donner un héritage parmi tous les sanctifiés » (Act. 20, 32). Que le Seigneur vous fasse augmenter et abonder en amour les uns à l’égard des autres et à l’égard de tous… pour affermir vos cœurs sans reproche dans la sainteté, devant notre Dieu et Père, à l’arrivée de notre Seigneur Jésus Christ avec tous ses saints » (1 Thess. 3, 12, 13).

« Or que le Dieu de paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et que votre esprit entier, et l’âme, et le corps, soit gardé sans reproche à l’arrivée de notre Seigneur Jésus Christ ! Celui qui vous appelle est fidèle, et il le fera » (1 Thess. 5, 23, 24).



  1. Et lorsque, sur ces divers points, un écrivain ou un prédicateur se permet de penser autrement que la foule, aussitôt les critiques religieux, les docteurs, ceux qui se posent en régulateurs de la doctrine et en législateurs de l’Église, de s’élever à l’envie contre ce qu’ils appellent des vues particulières, qui n’ont pourtant d’autre tort que d’être particulières à la Bible.
  2. Nous lisons, en Marc 6, 20 : « Hérode craignait Jean, le connaissant pour un homme juste et saint ». Je ne connais pas un autre emploi analogue du mot saint. Toutefois il n’est pas dit : « pour un saint ».
  3. Les frères, en Angleterre, sont plus simples et plus scripturaires que nous à cet endroit. Ils ne craignent nullement, en général, de parler des saints, comme la Bible.
  4. On devrait même traduire : « À moi, (qui suis) moins que le moindre de tous les saints » ; si l’on voulait rendre la force du mot original, qui est le comparatif d’un superlatif.
  5. Quand Jésus dit, Jean 10, 36 : « Moi que le Père a sanctifié, et qu’il a envoyé dans le monde », cela veut dire, je pense, qu’il a d’abord été mis à part avant d’être envoyé, et c’est ainsi qu’il est « l’Agneau égorgé dès la fondation du monde » (Apoc. 13, 8) ; comme l’agneau de Pâque était mis à part quatre jours avant d’être égorgé.
  6. Nous disons directement, c’est-à-dire en mentionnant spécialement la sainteté ou la sanctification. La plupart des préceptes, nous le savons, ont plus ou moins rapport à la sainteté pratique, dont ils donnent, en quelque sorte, les détails.
  7. Le verbe grec signifie aussi réaliser.