Études Scripturaires:L’Église et le royaume

De mipe
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traduit de l’anglais par G. de MeuronA. Stewart

Introduction

Les dispensations de Dieu, telles qu’elles se déroulent dans l’histoire de l’homme, peuvent être divisées en certaines ères ou époques caractérisées chacune par un principe particulier. Par là nous apprenons à connaître non seulement les actes de Dieu, mais encore « Ses voies », ainsi qu’il est dit : « Il a découvert ses voies à Moïse, et ses hauts faits aux enfants d’Israël » (Ps. 103, 7). Ailleurs le Seigneur prononce cette plainte : « C’est un peuple dont le cœur s’égare et qui ne connaît pas mes voies » (Ps. 95, 10).

L’homme dans l’état adamique

Cette observation est également confirmée par l’histoire des nations, par celle d’Israël et par celle de l’Église de Dieu. Dans l’état adamique, la base des relations morales entre le Créateur et la créature était l’innocence de l’homme non encore souillé par le contact du mal et sans conscience de l’existence du péché.

L’homme dans l’état d’Énosh

En Énosh ou dans l’état de chute, au contraire, les droits de l’innocence sont perdus et la seule relation qui puisse exister entre le Dieu saint et l’homme tombé est une relation de jugement. Abel le discerna par la foi ; c’est pourquoi il s’approcha avec une victime dans les mains.

Aucune réparation purement humaine ne pouvait ni combler l’abîme creusé par le péché entre le ciel outragé et l’homme condamné, ni obtenir un rapprochement aux dépens de la justice. De là la différence entre l’offrande de Caïn et celle d’Abel. La foi de Seth reconnut aussi cette vérité, lorsqu’il appela l’enfant issu de lui, Énosh, ce qui veut dire misérable homme. Cf. Romains 7, 24 : « Ô misérable que je suis d’être homme ! » (telle est la portée de ce passage).

Mais ici apparaît un nouveau principe dans le but de rétablir les relations rompues entre Dieu et l’homme, à des conditions également satisfaisantes pour l’un et pour l’autre. La mort en jugement comble l’abîme et Dieu revêt Adam et sa femme des peaux de ces mêmes victimes, dont la mort avait répondu, en type, à leur plus urgent besoin. C’est le principe de grâce établi en la croix de Christ — la mort du propre Fils de Dieu — fondement en vertu duquel Dieu est « juste et justifiant celui qui est de la foi en Jésus » (Rom. 3, 26).

Noé et les temps de la longue patience de Dieu

Cette seconde période, qui nous montre la miséricorde unie à la justice, se termine au jugement du déluge « par lequel le monde d’alors périt » (2 Pier. 3, 6) et fait place à une troisième qui a aussi son principe caractéristique. Ici commencent, pour ce monde, les temps « des richesses de la bonté de Dieu » (dans les bénédictions de sa providence) « de son support et de sa longanimité » (voyez Rom. 2, 4 ; Gen. 8, 20-22). Et cette période, aussi bien que toutes les voies de Dieu en grâce, repose moralement sur l’expiation de Christ, qui nous est présentée ici dans le sacrifice de Noé.

Mais néanmoins, et aussi longtemps que dure cette période de longue patience, le monde demeure encore abrité sous les garanties « de l’alliance éternelle » ratifiée par Dieu à Noé. Et en la personne de ce patriarche, qui avait été témoin de la réalité du jugement et qui avait expérimenté le salut par grâce, le gouvernement du monde fut encore une fois confié aux mains de l’homme. Cette délégation renferme un principe d’obligation solennelle et de la plus haute importance pour l’Église comme pour le monde, c’est que « il n’y a point d’autorité, si ce n’est de par Dieu » (Rom. 13, 1). C’est pourquoi « résister à l’autorité, c’est résister à l’ordonnance de Dieu »[1]. Notre obéissance aux pouvoirs qui existent dépend, non pas du mérite de leur administration, mais du principe qu’ils représentent Dieu — Son autorité[2]. Qu’on se rappelle, en effet, que ce commandement fut donné sous Néron, homme aussi dénué d’autorité morale qu’un être dépravé peut l’être. Il est à peine nécessaire de faire remarquer, que « le monde qui existe maintenant » est supporté et béni en vertu de l’alliance de grâce de cette troisième période. Combien peu ce monde le reconnaît !

Appel d’Abraham

La quatrième période s’ouvre par l’appel d’Abraham. Le principe en est la sanctification ou séparation pour Dieu. Tout rapport moral entre le monde et Dieu a cessé. Satan a usurpé la place de Dieu, non seulement dans le cœur de l’homme, mais aussi dans sa conscience, et le culte du démon, l’idolâtrie, en est le résultat (1 Cor. 10, 20). L’appel d’Abraham est la séparation d’avec la religion du monde. Il ressort de là que pour jouir de la communion de Dieu, l’homme doit être séparé d’un monde que les jugements n’ont pu humilier ni la grâce amender. Or l’Éternel avait dit à Abraham : « Sors de ton pays et de ta parenté et de la maison de ton père » (Gen. 12, 1). Quelle grâce merveilleuse, que Dieu recherche ainsi la sympathie et la société de l’homme, au milieu du vaste désert de désolation morale, produit par le péché ! C’est comme l’écho affaibli de cette voix dans le jardin : « Adam, où es-tu ? ». Et cette même voix, qui se fait encore entendre journellement au moyen de mille bienfaits inaperçus, toucherait certainement les cœurs et obtiendrait une réponse, si le froid égoïsme n’en avait dès longtemps tari toutes sources de vie et d’affection. C’est encore comme ce touchant reproche fait au milieu de l’agonie et des sueurs sanglantes : « Ne pouvez-vous veiller une heure avec moi ? ». Et lorsqu’Il vint, Il les trouva endormis. Ainsi en fut-il toujours de l’égoïsme de l’homme. « Il a attendu des consolateurs, mais il n’en a point trouvé ». La raison de cet appel absolu d’Abraham ne ressort pas aussi clairement du récit de la Genèse, que du vingt-quatrième chapitre de Josué. C’est la séparation d’avec les idoles (c’est-à-dire d’avec la religion du monde) pour Dieu (voir 1 Thess. 1, 10). Dès ce moment nous n’avons plus l’histoire de l’homme comme homme ; mais seulement comme membre de la famille élue. Les Gentils ne sont plus mentionnés, si ce n’est dans leurs relations avec le peuple d’Israël.

Israël en Égypte, dans le désert et en Canaan

L’histoire des Juifs a aussi ses périodes et ses principes caractéristiques. Cela est évident, soit que nous voyions ce peuple en Égypte, dans le désert ou dans la terre promise ; soit que nous considérions sa position avant la venue du Christ, depuis la réjection de ce Messie, ou après son retour. Dans toutes les voies de Dieu on peut remarquer que, lorsque l’homme abuse d’un principe, Dieu en établit un autre ; et le dernier principe révélé devient le moyen de communication et la règle de conduite entre Lui et les hommes. Ainsi la réjection de Jésus comme le Christ et ensuite du Saint Esprit comme témoin de sa gloire (péché scellé par la mort d’Étienne), a pour conséquence le jugement et la condition actuelle d’Israël « jusqu’à ce qu’il se convertisse et soit guéri » (voyez Actes 3 et 7 ; Zach. 12, 10 ; Matt. 23, 38, 39). Ensuite le gouvernement, qui était un gouvernement d’autorité dans les mains de Moïse, devient un gouvernement de grâce dans celles d’Aaron. Puis les fonctions de juge et de sacrificateur sont réunies jusqu’à la mort de Josué qui ne laisse point de successeur. Après cela, vient la sacrificature qui, avec Éli, tombe et livre le trône de Dieu aux mains de l’ennemi. Dieu suscite alors un prophète dans la personne de Samuel. Le trône de Saül nous montre ce qu’est l’autorité charnelle, bien qu’ordonnée de Dieu, lorsqu’elle est privée des conseils de Sa sagesse et de l’aide de Sa puissance ; la honte et la confusion sont la part de ceux qui s’appuient sur le bras de la chair. En David enfin, nous avons l’établissement du pouvoir entre les mains de celui qui est selon le cœur de Dieu ; c’est en type le vrai David, le Seigneur Jésus Christ. « J’ai établi mon roi sur Sion, la montagne de ma sainteté » ; ce qui est vrai en principe, bien que non encore accompli. Tel est l’abrégé des desseins de Dieu et de Ses voies à l’égard d’Israël. Le même principe se retrouve dans l’histoire de la constitution de l’Église. La croix est la base de toute relation entre Dieu et Ses rachetés : « Aucun autre fondement ne peut être posé, si ce n’est celui qui a été posé, savoir Jésus Christ ». Voilà ce qui ne change jamais, mais ce dont les aspects peuvent varier, suivant les positions d’où on le considère, de telle sorte que tous les besoins de la foi trouvent à se satisfaire dans sa plénitude. De là vient que nous trouvons, dans les diverses phases du témoignage de l’Église, des périodes définies quoique moins palpables que dans l’histoire d’Israël et des Gentils. Et ceci ne se borne pas seulement au premier âge de l’Église, ou période d’inspiration, pendant laquelle le canon des Écritures n’étant pas encore complet, les conseils et les secrets desseins de Dieu étaient développés par les douze apôtres juifs et plus pleinement encore par les révélations faites à Paul, par l’inspiration « du Saint Esprit envoyé du ciel ». Mais dans l’histoire subséquente et non inspirée du témoignage sur la terre, nous retrouvons également des phases très distinctes, ainsi que des principes qui, tirés du dépôt de la Parole écrite et mis en lumière par le ministère d’hommes non inspirés, révèlent à la foi les voies de Dieu envers l’homme et tout spécialement les sympathies du Christ pour Son corps, l’Église, gémissant dans l’esclavage de la Babylone mystique. C’est là ce qui forme le sujet immédiat de nos recherches et se lie naturellement à la question du jour : qu’est-ce que l’Église ?

Descente du Saint Esprit, le jour de la Pentecôte

La descente du Saint Esprit, le jour de la Pentecôte, ouvre une phase nouvelle dans les voies de Dieu. Elle est la conséquence de l’entrée de l’homme dans le gloire. « Ce Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu, ayant donc été élevé par la droite de Dieu et ayant reçu du Père la promesse du Saint Esprit, il a répandu ce que maintenant vous voyez et entendez » (Act. 2, 22, 33). Il n’est pas seulement justifié, mais dans la gloire ; et élevé à la droite de Dieu le Père, Il est fait dépositaire et administrateur de la puissance divine. Le don de l’Esprit à l’Église est la justification de Ses prétentions et de Ses droits ; et l’exemption du châtiment de Babel devient un privilège caractéristique de Ses rachetés sur la terre. « Ils furent remplis du Saint Esprit et commencèrent à parler en d’autres langues, suivant que l’Esprit leur donnait de s’exprimer ». Le Saint Esprit ainsi répandu devait accréditer Jésus aux yeux et aux consciences des hommes et demeurer à jamais avec l’Église comme son Consolateur et son Guide (Jean 14 ; 16).

Mort d’Étienne

La mort d’Étienne marque une autre ère dans le témoignage de Dieu, quant à la réjection, par la nation d’Israël, de cet homme glorifié ; car Étienne le vit comme le « Fils de l’homme, se tenant à la droite de Dieu ».

Vient ensuite la conversion de Saul de Tarse ; et nous aurons à considérer plus tard les résultats imprévus et extraordinaires qui en découlèrent. Au principe impliqué dans cet événement se lie étroitement l’appel des Gentils en la personne de Corneille.

Après ces remarques, je passe par-dessus ce qu’on peut appeler la période de l’inspiration directe ou l’âge apostolique et j’arrive à ces jours de ténèbres, qui s’étendent de la mort de Paul jusqu’à nos temps, à travers l’obscurité de l’apostasie universelle. Mais la nuit la plus sombre offrira toujours une étoile pour guider le voyageur égaré dans sa route. Dieu ne s’est jamais laissé sans témoignage.

Le mystère d’iniquité, qui déployait déjà son efficace aux jours apostoliques, mais qui était contenu dans certaines limites par l’énergie du ministère de l’Esprit, se manifeste ouvertement depuis la mort de Paul. Le monde, la chair et Satan établissent alors leur trône au milieu de ce même christianisme, qui aurait dû être l’habitation de Dieu par l’Esprit. Ce ne fut cependant qu’après que le christianisme eut été formellement adopté par Constantin, qu’il se confondit, comme système, avec le monde. Alors on découvrit que le champ était plein d’ivraie ; mais les serviteurs durent subir les conséquences de leur propre infidélité, car c’est « tandis que les hommes dormaient » que le mal se fit.

Augustin

Augustin, dans le quatrième siècle, marque une période bien définie dans les annales du christianisme. C’est lui spécialement qui établit la distinction entre une église visible et une église invisible. Cette dernière expression, quoique n’ayant aucun fondement dans l’Écriture, est encore employée pour désigner « le résidu selon l’élection de grâce » (Rom. 11, 5). Et tous les témoignages subséquents, donnés par le Seigneur à Son Église, ont plus ou moins subi l’influence des doctrines de cet homme extraordinaire. Gardons-nous toutefois de confondre le témoignage, donné à l’Église par les enseignements d’Augustin, avec des erreurs évidentes provenant chez lui, soit d’une connaissance imparfaite des diverses économies (connaissance qui, dès longtemps auparavant, s’était presque entièrement perdue dans l’Église), soit des pensées et des sentiments, dans lesquels il avait été élevé par sa pieuse mais superstitieuse mère, ainsi que par son premier maître, Ambroise. Cette remarque, d’ailleurs, s’applique tout aussi justement à tous les autres docteurs non inspirés dans l’Église de Dieu. — Depuis la mort d’Augustin jusqu’à la Réformation, aucun témoignage ne se fait proprement remarquer, à moins qu’on ne rappelle en passant les martyres des Vaudois, des frères de Bohème, de Jean Huss et de Jérôme de Prague. Que tous ces hommes, malgré leurs faiblesses et leurs erreurs, aient constitué un témoignage de l’Esprit contre la tyrannie sacerdotale et la superstition croissante, c’est ce qui ne sera mis en doute par aucune personne spirituelle. Toutefois ils ne furent que les faibles précurseurs d’un jour plus glorieux, qui se leva sur le monde à l’époque de la Réformation. Ce fut dans le cloître, l’obscure cellule d’un moine d’Erfurt, que se livrèrent les premiers assauts de cette grande lutte morale qui allait ébranler la chrétienté jusqu’en ses fondements. Ce fut là que la première victoire de la lumière sur les ténèbres fut décidée dans le cœur angoissé d’un pécheur justifié. Ce pécheur était l’illustre Martin Luther.

Luther

Quels que soient les éléments étrangers que le monde, la chair ou Satan y aient mêlés, le principe de la justification de l’homme par la foi demeure comme le témoignage de l’Esprit à l’Église, dans le seizième siècle. La question du jour, alors, était que l’homme est justifié par sa foi au Seigneur Jésus Christ, sans égard à des mérites personnels, auxquels il n’a aucune espèce de droit, vu qu’il n’est qu’un pécheur perdu et condamné ; et le puissant levier, par lequel furent ébranlés les fondements mêmes de la chrétienté apostate, n’est autre chose que cette vérité : que l’âme justifiée a, par le témoignage de Dieu dans Sa Parole, la connaissance et l’assurance de son salut. « En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » (Jean 14, 20). Et encore : « Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier gît dans le mal » (1 Jean 5, 19). Voilà quelle était alors la question à l’ordre du jour.

Les Réformateurs, comme Augustin avant eux, surent discerner, dans l’élection par grâce, la valeur du trésor caché dans le champ. Mais occupés, avant tout, à retirer, des ruines de la superstition, les principes fondamentaux de l’évangile, ils laissèrent à un autre âge la mission de remettre en lumière cette pierre précieuse que, depuis les jours de Paul, « les sombres et insondables abîmes de l’océan » avaient cachée aux yeux des hommes et qui fait l’objet de la grande question du dix-neuvième siècle : Qu’est-ce que l’Église ? — C’est là, en principe, la « perle de grand prix » qui demandait, pour être appréciée à sa juste valeur, l’œil exercé d’un marchand plus expérimenté et une main plus habile qui la dégageât de tout ce qui obscurcissait son éclat primitif, pour laisser briller sa pureté, son unité et sa beauté comme « épouse », et pour réveiller dans les saints les profondes sympathies du Christ, afin qu’ils marchassent d’une manière digne de la vocation dont ils ont été appelés, « s’empressant de garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ». Cette perle est l’idéal de l’Église, telle qu’elle existait de toute éternité dans la pensée de Dieu, et le type qu’elle doit finalement et éternellement réaliser.

Quant au « trésor caché », le champ n’est pas la chose importante, mais bien le trésor, et le champ n’est pris que comme condition, comparativement sans valeur, de l’achat. « Le champ c’est le monde » ; le trésor seul est le but. Ceci, je pense, doit se lier au témoignage de Luther et de la Réformation protestante.

Mais qu’on ne pense pas que l’un de ces témoignages soit nécessairement détruit par l’autre ; nous les trouvons, au contraire, agissant tous deux jusqu’à la fin, comme des forces parallèles et égales. Et si la découverte du « trésor caché dans le champ » a été le témoignage caractéristique de la période de la Réformation, elle continue à l’être après trois siècles, sans que la découverte subséquente (découverte qui, en principe, est celle de l’économie) de « la perle » l’affaiblisse ou en abroge les droits.

Les deux sont vrais ; mais on trouvera, en en jugeant spirituellement, que le dernier ne contient pas seulement le précédent, mais qu’il en augmente encore la valeur en amenant l’âme, par plus de lumière, à une communion plus intime avec les pensées de Dieu. De sorte qu’une lumière nouvelle, communiquée par l’Esprit, ne neutralise ni n’affaiblit celle qu’Il avait donnée auparavant.

Le seizième siècle fut donc pour l’Église une période incontestablement marquée par le témoignage de l’Esprit. Or à moins que ce témoignage n’ait épuisé les choses du Christ, l’office du Saint Esprit étant de prendre ces choses et « de nous les montrer », n’est-il pas selon l’analogie et selon l’Écriture, d’attendre encore une augmentation de lumière dans les choses précédemment révélées ? « À celui qui a, il sera donné davantage », telle est la règle du Seigneur. Dans la période dont il est question, nous avons vu qu’on s’occupa moins de l’Église que de retirer, du milieu des ruines et des ténèbres des siècles précédents, les vérités fondamentales de l’évangile. De là résulte que la forme nouvelle du témoignage ne fut pas tant la conséquence de ses propres principes (par eux-mêmes plus individuels qu’organisateurs) que des circonstances accidentelles qui s’y rattachèrent.

Protestantisme

Dans l’organisation du protestantisme comme système, il s’introduisit deux éléments étrangers à la vraie nature de l’Église du Seigneur, à savoir, le monde et le pouvoir civil. Mais il serait très injuste de rendre les réformateurs, ces hommes de Dieu, responsables des résultats qui ne découlent pas légitimement de leurs principes. La vérité de l’évangile doit être bien distinguée des conséquences qui résultèrent de ce que la chair et le monde en avaient adopté la profession, soit comme mot d’ordre populaire soit comme question nationale. Le christianisme est, dans sa vraie nature, individuel et non national. Le fait que la paraphrase du psaume 46 par Luther est encore aujourd’hui le chant national de l’Allemagne protestante, prouve ce que nous disons. Les formes extérieures ou les dénominations du christianisme protestant ne sont point les fruits naturels de ses principes, mais, au contraire, les conséquences anormales, tristes et humiliantes de l’influence populaire et gouvernementale, qui échappait au contrôle des chefs réellement spirituels, employés par Dieu. Pour preuve de ceci, voyez les histoires de Saxe, de Genève, d’Angleterre, etc.

Ce serait trop nous écarter de notre sujet que de parler ici du mouvement subséquent de la dissidence. Mais on peut dire en toute vérité, et sans la moindre intention de blesser, que si, d’un côté, elle fut un témoignage de la conscience opprimée et une protestation de l’Esprit contre la violation de Ses droits, d’un autre côté, l’élément de l’influence démocratique y fut trop prépondérant, et l’homme, en combattant pour ses droits, a trop oublié sa responsabilité. De nos jours, et la plupart de ses défenseurs le déplorent, la dissidence a beaucoup perdu de sa première spiritualité, si ce n’est par un relâchement dans la discipline, du moins par la conformité de ses membres avec le monde.

Le besoin généralement senti d’union et d’action commune entre tous les membres du Christ, besoin qui, depuis quelques années, cherche à s’exprimer par l’alliance évangélique, confirme ce que nous disions, que la question du jour est : « Qu’est-ce que l’Église ? ». Qu’une génération ait souvent à supporter les conséquences de précédentes erreurs, c’est une vérité trop évidente pour avoir besoin de preuves. Les maux nombreux, dont gémit le corps du Christ déchiré, sont à la fois les conséquences humiliantes des erreurs de nos pères et de notre propre infidélité. Caleb et Josué durent rester quarante ans dans le désert à cause du péché d’Israël. « C’est ici le jugement, que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ». Il en est encore de même aujourd’hui ; c’est une chose terrible que de résister à la lumière, quel qu’en soit le canal. Tel fut le péché d’Israël ; tel est depuis dix-huit siècles le péché de l’Église de Dieu.

Il serait étranger à mon but, de montrer ici tout le sérieux et toute la portée de notre question quant aux intérêts de l’homme. Mais qu’elle intéresse gravement le gouvernement des états, aussi bien que le progrès général de la société, c’est ce que prouvent incontestablement les derniers événements et l’état présent de l’Europe, ainsi que le débat sur la question de l’éducation, engagé en France et en Angleterre entre un clergé dominateur, d’un côté, et le pouvoir civil, de l’autre.

En Angleterre même, dans le récent conflit ecclésiastique, on peut voir une tentative d’abaisser le sceptre devant la crosse. Tous ces faits envisagés dans leur relation avec la protestation nationale, le constant développement des trois principes alliés, quoique ennemis, du latitudinarisme, de la superstition et de l’incrédulité — tous ces faits et mille autres symptômes, parmi lesquels une avarice insatiable dans les entreprises commerciales du jour, et la tendance vague, mais évidente, du parti du mouvement vers le romanisme ; ces faits, dis-je, et beaucoup d’autres indications au-dehors et au-dedans, appellent avec force l’attention de tous ceux qui portent le nom du Christ, sur la solennelle question : « Qu’est-ce que l’Église ? ».

Ce n’est cependant ni pour l’homme politique, ni pour le moraliste que j’écris, mais pour les croyants en Jésus, et mon ardente prière est que ma faible plume réveille en eux le sentiment de leur responsabilité collective et individuelle.


Qu’est-ce que l’Église ?

Nous examinerons d’abord le point de vue négatif de la question, en montrant ce que n’est pas l’Église. Mais à l’entrée de nos recherches, remarquons que l’étymologie du mot Église ne jette aucune lumière sur son sens spirituel. Le terme anglais church est tout aussi ambigu que l’écossais kirk et que l’allemand kirche. Les étymologies, soit anciennes, soit modernes, ne nous apprennent rien, car le mot grec ecclèsia[3] présente la même ambiguïté. Je ne me suis arrêté à cela que pour mettre en garde contre l’erreur commune, qui consiste à croire que l’on a défini l’idée, quand on a défini le mot. Église veut dire une réunion ou assemblée quelconque, en sorte que ce qui semble d’abord signifier quelque chose, ne nous apprend rien.

L’idée abstraite est assemblée ou congrégation. Dans la pensée de l’Esprit, c’est une assemblée déterminée ou l’Assemblée par excellence. Dans le Nouveau Testament, c’est le corps de Christ, considéré soit dans son idéal et tel qu’il sera dans la gloire — soit dans sa position actuelle et universelle, vu sur la terre et comprenant tous les membres de Christ à une époque donnée ; soit enfin dans ses différentes fractions de temps et de lieu. Il n’y a aucune confusion dans les différentes applications que l’Esprit fait de ce mot, car c’est une même idée dans des phases et des modifications diverses.

Ce que nous avons donc à considérer n’est pas ce que l’homme pense, mais ce que Dieu a écrit. Par l’Église nous entendons le corps de Christ (voyez Éph. 1, 22, 23 et Col. 1, 24) et nous allons montrer :

  1. qu’elle n’est pas Sion ;
  2. qu’elle n’est pas composée de tous les rachetés ;
  3. qu’elle n’est pas le royaume tout entier, mais une partie seulement du royaume.

L’Église ne désigne pas Sion et vice-versa

1° Le Nouveau Testament étant la révélation la plus récente et celle qui se rapporte le plus directement à notre question, nous commencerons par examiner son témoignage.

Le mot Sion se trouve dans sept passages du Nouveau Testament. Cinq d’entre eux ne sont que des citations de l’Ancien Testament et ne peuvent être avancés tout au plus que comme de simples présomptions ; les deux autres sont Hébreux 12, 22 et Apocalypse 14, 1. Ce dernier décrit une vision dans laquelle figure le mont de Sion, mais comme il n’est point dit qu’il s’agisse ici de l’Église et que cela ne ressort pas davantage du contexte, il serait tout à fait téméraire de l’affirmer.

Dans Hébreux 12, 22, l’apôtre établit un contraste entre la position des Juifs, alors en Christ, sous les promesses et la jouissance de la grâce, garanties par la nouvelle alliance (10, 14-22), et celle de leurs pères sous l’ancienne alliance, c’est-à-dire entre la miséricorde et la justice, ou entre la rigueur de la loi et la douceur de la grâce. L’une crie : Éloignez-vous, car si même une bête touche la montagne, elle sera lapidée ou transpercée d’un trait ; l’autre invite « à s’approcher dans une pleine certitude de foi », et déclare que le croyant « a assurance pour entrer dans le sanctuaire par le sang de Jésus ». C’est là un langage juif et une allusion à l’économie mosaïque. Aucun emblème ne pouvait mieux exprimer ce contraste que les deux montagnes de Sinaï et de Sion. Sur la première fut prononcée la condamnation d’Israël idolâtre ; sur la seconde furent confirmées les promesses et les garanties de toutes bénédictions, suivant le principe de « l’élection par grâce ». L’une est le type de la chute et de l’inconstance de l’homme, l’autre de la grâce et de la fidélité toute-puissante du Christ. C’est donc une question de savoir si l’Église, dans son sens propre de « corps de Christ », est mentionnée dans l’épître aux Hébreux, à moins qu’on ne lui applique l’expression « d’église » ou « d’assemblée des premiers-nés ». Mais faire reposer sur un fondement aussi douteux et aussi contestable que le douzième chapitre aux Hébreux, l’assertion que Sion est l’Église, serait faire une pétition de principe ou affirmer ce qui est en question.

2° Il n’y a donc aucune preuve réellement suffisante, que Sion signifie jamais l’Église dans le Nouveau Testament. Et comme nous possédons plus de lumière sur l’Église dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament, il serait encore moins raisonnable de baser une opinion sur ce dernier. — Lorsqu’il s’agit de la vérité, on ne peut se contenter d’assertions ni de conjectures. Dans une matière aussi grave et entraînant pour chacun une si sérieuse responsabilité, nous ne devons rien recevoir d’autorité et comme de seconde main. La foi a besoin de certitude pour fondement de ses convictions et de ses actions.

3° Il n’est donc pas moins surprenant que pénible de voir à quel point a prévalu l’usage des termes de Sion et d’Église comme synonymes. Mais en remontant à l’origine de cette erreur à travers les siècles ténébreux de la grande apostasie, on ne tarde pas à voir avec un sentiment de tristesse, qu’elle n’est qu’une partie de ce grand système satanique, auquel le protestantisme lui-même n’a pas complètement échappé.

4° La première mention de Sion se trouve dans 2 Samuel 5, 7. En cet endroit elle devient la cité de David — la forteresse de Sion — le siège du trône du roi selon le cœur de Dieu — « l’élection selon la grâce » — la base des prérogatives royales et du trône de Jéhovah dans Son représentant, David, et l’habitation permanente de Dieu, bien qu’encore dans la figure d’un tabernacle. Mais nous aurons l’occasion d’en parler plus au long, lorsque nous considérerons le royaume. Notons seulement que Sion est, dans l’Écriture, un magnifique type en rapport surtout avec les espérances juives (cf. Ps. 132, 13 et 78 ; 68 ; 70).

5° On dit souvent que Jérusalem est l’Église, mais s’il en était ainsi, cela nous conduirait à cette absurdité, que l’Église a été assiégée, détruite par Titus, et dès lors foulée par les Gentils (Luc 21, 24). Les partisans de cette idée peuvent à peine attendre qu’on les réfute par des arguments sérieux. Et pourtant je ne connais aucune erreur dont l’ennemi des âmes se soit servi avec autant de succès, pour pervertir la vérité, changeant la révélation en un véritable chaos, détruisant tout ordre, confondant toutes distinctions, ne conduisant bien souvent qu’à une désespérante impossibilité de comprendre les pensées de Dieu et paralysant ainsi la véritable puissance de la Parole sur le cœur et la conscience, pour laisser au monde et à la chair une facile victoire. De là, l’état d’enfance de l’Église de Dieu quant à l’intelligence des prophéties les plus claires de l’Écriture Sainte.

L’Église ne comprend pas tous les rachetés

Parmi les choses reçues par les chrétiens comme des vérités incontestables, il en est plusieurs qui, lorsqu’on les éprouve par la Parole de Dieu, se trouvent n’avoir d’autre fondement que la tradition. Or pour toutes choses il faut en revenir « à la loi et au témoignage ». Ce fut à l’aide de cette pierre de touche, qu’au temps de la Réformation on reconnut les fondements de l’évangile et c’est elle qui, tous les jours plus, doit nous servir à éprouver ce qu’on appelle des principes ecclésiastiques, qu’il s’agisse soit de systèmes et de formes, soit de vérités plus essentielles, proposées par l’Esprit à notre attention.

Il est généralement reçu comme un axiome, que « l’Église » renferme tous les rachetés depuis Abel jusqu’à maintenant. Or c’est là ce que nous mettons en question. Nous ne pouvons admettre une telle assertion qu’autant qu’elle est dans les Écritures, et nous ne l’y trouvons nulle part.

Que le seul principe de bénédiction depuis la chute, repose sur la rédemption — la rédemption en Christ — nous l’avons déjà montré. Que ce seul fondement soit le même pour les Juifs, les Gentils ou l’Église de Dieu, c’est ce que tous les chrétiens admettent. Mais pour ce qui concerne les différences de position et les degrés de gloire terrestre ou céleste, les saints ont encore beaucoup à apprendre. Dans le onzième chapitre aux Hébreux, au sujet de ceux qui sont morts avant le témoignage établi à la Pentecôte, il est dit : « Et tous ceux-là, qui ont reçu le témoignage par le moyen de la foi, n’ont point remporté la promesse ; Dieu ayant pourvu à quelque chose de meilleur pour nous, afin qu’ils ne fussent pas consommés sans nous ». Or si c’est quelque chose de meilleur que Dieu a préparé pour nous, ce ne peut pas être exactement la même chose. Et cette différence dans la bénédiction suffit à elle seule pour renverser plusieurs conjectures qui ne reposent pas sur la Parole de vérité.

De ce que les saints sont tous édifiés sur le même fondement, il ne s’ensuit pas que tous aient une position ou des privilèges identiques. Par exemple, les saints qui ont précédé le premier avènement de Christ ne font pas plus nécessairement partie de « son corps, l’Église », que ceux, Juifs ou Gentils, qui se trouveront sur la terre après Son second avènement. L’Écriture enseigne positivement qu’il y aura des saints sur la terre après l’enlèvement de l’Église, lesquels, par conséquent, n’en feront pas partie, puisqu’elle aura déjà été consommée dans la gloire. Or si cela est possible et révélé, comme nous le montrerons bientôt, est-il impossible de concevoir que les saints qui ont vécu avant la première venue de notre Seigneur soient, eux aussi, distincts de Son corps, l’Église ?

Voici quelques-uns des innombrables passages, qui montrent que des saints juifs et gentils seront sur la terre, après que l’Église aura été consommée dans la gloire : « Et les nations de ceux qui sont sauvés marcheront à sa lumière » (de l’Église) (Apoc. 21, 24 ; comparés avec les versets 9 et 10). « Et plusieurs nations se joindront à l’Éternel en ce jour-là, et deviendront mon peuple » (Zach. 2, 11 ; 14, 16). Il n’est pas besoin de beaucoup d’intelligence pour voir combien souvent la loi, les prophètes et les psaumes nous présentent l’état d’Israël, soit immédiatement avant, soit après le retour de Jésus rejeté. Cf. Matthieu 23, 39 avec psaume 118, 25 ; — ce psaume qui célèbre le retour du Roi fut chanté par anticipation lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem (Matt. 21). Mais ceci rentre dans la question « du royaume » que nous aurons à examiner plus tard. Nous concluons donc que non seulement il est possible, mais que c’est une vérité révélée, que tous les rachetés ne sont pas compris dans « le corps » — l’Église.

Nous voyons, en outre, que Jean-Baptiste distingue trois personnes : l’Époux, l’Épouse, et l’ami de l’Époux, c’est-à-dire Christ, l’Église et lui-même. « Celui qui a l’Épouse est l’Époux, mais l’ami de l’Époux qui se tient debout et l’entend est rempli de joie à cause de la voix de l’Époux » (Jean 3, 29). Or Jean était un racheté, comme le Seigneur Lui-même en rend témoignage (Matt. 11, 11). Il est donc évident d’après cela que Jean ne faisait pas partie de l’Épouse ; et le principe est aussi bien prouvé par un seul exemple incontestable que par mille. Mais l’Église est l’Épouse, en sorte que Jean n’était pas de l’Église, en perspective. Je dis en perspective, parce que l’Église n’était pas encore fondée, comme nous le verrons bientôt. Il n’était pas même dans le royaume, puisque celui-ci n’avait pas encore été établi. « Le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui » — Jean (Matt. 11, 11, comp. à 16, 18-19). Ainsi donc l’on peut être un saint ou un racheté, sans être par là même nécessairement un membre du corps de Christ — de l’Église. Un saint peut être ou de l’Église (l’état le plus élevé), ou d’Israël, ou des nations, comme nous aurons à le voir.

Enfin, nous apprenons encore par Matthieu 16, que Christ allait fonder son Église. C’était une chose future : « sur cette pierre j’édifierai mon Église ». Si je dis : je bâtirai une maison sur ce terrain, personne n’imaginera que je l’ai déjà bâtie. Mais tous les saints qui avaient vécu et étaient morts sous les dispensations précédentes, étaient édifiés en Christ — car il n’y a aucun autre fondement. Puis donc que ces saints étaient déjà édifiés et que Christ allait édifier autre chose, c’est-à-dire Son Église, il s’ensuit que ces saints n’étaient ni cette chose ni de cette chose, quoique ayant part au même salut que nous ; autrement ils auraient été à la fois et en même temps édifiés et non édifiés. Cela nous amène à dire que

L’Église et le royaume ne sont pas la même chose, bien que celle-là soit renfermée dans celui-ci et en fasse partie

Les deux départements du royaume

Le royaume a, pour ainsi dire, deux départements, le céleste et le terrestre.

1. Dans le céleste il y aura différentes positions relativement au trône et divers degrés correspondants de gloire. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Je vais vous préparer une place » (Jean 14). Au premier rang sera l’Épouse — la femme de l’Agneau — l’Église (comparez Jean 3 et Apoc. 21).

2. Le département terrestre aura aussi ses rangs et ses degrés. D’abord Israël en évidence, puis les nations dans leurs sphères subordonnées (cf. És. 19, 25, où nous trouvons cette distinction et 60, 14, ainsi qu’une foule d’autres passages).

Mais l’expression de royaume est peut-être plus ambiguë et obscure qu’on ne le pense d’abord, et cela tient, en partie, à l’habitude que l’on a de la confondre avec celle d’Église.

Nous trouvons, par exemple, dans la Parole :

  1. Le royaume des cieux — Matthieu 3, 2 ; 25, 1, etc.
  2. Le royaume céleste — 2 Timothée 4, 18.
  3. Le royaume de Dieu — Luc 8, 1.
  4. Le royaume du Père — Matthieu 13, 43 ; 26, 29.
  5. Le royaume de Christ — Éphésiens 5, 5 ; — 2 Timothée 4, 1 ; — 1 Corinthiens 15, 24.
  6. Le royaume du Fils de Dieu — Colossiens 1, 13.
  7. Le royaume du Fils de l’homme — Matthieu 13, 41.
  8. Le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur — 2 Pierre 1, 11.

Or l’on ne doit pas confondre ces huit phases ou aspects différents, comme s’il s’agissait d’une seule et même chose. Le Saint Esprit ne fait aucune distinction sans raison. Si donc nous tenons toutes ces expressions pour identiques, nous nous jetons dans une triste confusion de pensées et nous nous engageons dans le labyrinthe des plus manifestes contradictions, « ne divisant pas bien la Parole de vérité ».

C’est là la cause de presque toutes les différences d’interprétation et de jugement parmi les enfants de Dieu. Elles sont le fruit de notre ignorance quant à la Parole de notre Père. Et rien, peut-être, n’a plus contribué à entretenir cette ignorance que la théologie systématique.

Aspirant, comme les philosophes de l’antiquité, à réduire toutes les entités en une catégorie, les théologiens n’ont pas été plus heureux dans l’explication des phénomènes de la révélation que leurs prototypes ne l’avaient été dans celle des phénomènes de la nature. « S’estimant sages, ils sont devenus fous ». Aucune combinaison de l’intelligence humaine ne pourra jamais former une catégorie adéquate[4] des vérités de l’Écriture, car cela exigerait un esprit aussi capable que le Saint Esprit dont elles émanent. En effet, toute classification doit être susceptible d’agrandissement à mesure que l’Esprit fait découvrir de nouveaux principes dans la Parole écrite. Et devant cette exigence tombent toutes les confessions de foi, car si larges et si bonnes qu’elles soient, elles restent toujours inadéquates ; or ce qui n’aide pas, empêche.

Nous avons vu par ce qui précède, que « le royaume » présente diverses phases, dont chacune est bien distinguée des autres par des circonstances particulières, mais que toutes ensemble elles forment un tout parfait dont la beauté et l’harmonie proviennent de leurs divergences et contradictions apparentes. Et ceci s’applique, comme nous l’avons déjà remarqué, à deux départements, l’un céleste et l’autre terrestre.


Du dessein de Dieu dans son aspect général

Le dessein de Dieu est que, « dans la dispensation de la plénitude des temps, Il réunira toutes choses en Christ, soit celles qui sont dans les cieux, soit celles qui sont sur la terre » (Éph. 1, 10). C’est là le but vers lequel tendent toutes Ses voies. Il ne veut pas seulement « rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 52), mais encore réunir en Christ toutes choses ; non seulement toutes personnes, mais toutes choses, en bas et en haut, dans les cieux et sur la terre. Que ce droit de primauté appartienne à Christ comme Créateur de toutes choses, c’est ce qui ressort clairement de Colossiens 1, 15, 16 ; mais nous voyons par le verset 18 qu’Il le possède aussi comme homme. Il se présente ici comme la « Tête du corps, l’Église, le commencement, le premier-né d’entre les morts ». Ces passages nous Le montrent donc dans Ses deux caractères de « premier-né » — comme Créateur et comme Rédempteur. Selon qu’il est dit : « Vous êtes accomplis en Lui qui est la tête de toute principauté et de toute autorité » (Col. 2, 10). Encore ici nous voyons Christ dans Sa double souveraineté de chef de toute principauté et autorité, et de chef de son corps, l’Église (comparez les versets 10 et 19). Il nous est révélé que Son droit à cette suprême souveraineté comme Créateur Lui appartenait, lorsqu’Il revêtit un corps avant l’accomplissement de la rédemption et de la résurrection ; mais les Écritures enseignent que ce fut après la rédemption et dans la résurrection qu’Il entra dans l’exercice de Ses fonctions et de Son pouvoir, et cela non seulement en homme, mais en homme ressuscité[5]. C’est ce qui nous est présenté, bien que dans un autre ordre d’idées, avec une force et une beauté imposantes dans ces paroles : « Qui… après avoir fait par soi-même la purification de nos péchés, s’est assis à la droite de la majesté dans les lieux hauts » (Héb. 1, 3).

La même vérité ressort encore du passage suivant : « Qu’il rende éclairés les yeux de votre intelligence, pour que vous sachiez… quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons, selon l’efficace du pouvoir de sa force, qu’il déploya dans le Christ en le ressuscitant d’entre les morts, et il l’a fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté et autorité, etc. » (Éph. 1, 18-21). Ici nous avons l’homme au-dessus de toute principauté et autorité, et cela parce qu’Il a accompli la rédemption (voyez Héb. 2, 9 ; Col. 1, 16). De même dans Philippiens 2, 8-10 : « Et étant trouvé quant à la figure comme un homme, il s’est abaissé étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et l’a gratifié d’un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, de ceux qui sont dans les cieux et sur la terre et sous la terre ».

Dans les Éphésiens, Dieu réunit toutes choses en Christ qui est la Tête de Son corps — l’Église. Dans les Colossiens, « ayant fait la paix par le sang de sa croix, il réconcilie par là toutes choses avec soi » (Col. 1, 20).

Il ne peut y avoir de bénédiction pour la créature tombée, que par un jugement, c’est-à-dire par la rédemption. Ainsi les besoins de la créature et la sainteté de Dieu se trouvent également satisfaits par le sacrifice du Fils de Dieu — le jugement du péché tombant sur Jésus innocent. Tel est, pour l’homme, le fondement de toute bénédiction, le point de départ de sa réconciliation et de son rétablissement. De là l’élévation du Fils de l’homme rejeté, à la droite de la Majesté dans les lieux très hauts (Ps. 110, 1). Mais ceci ne veut pas dire que le jugement soit la seule chose à considérer dans la rédemption. Il y a en elle non seulement jugement, mais encore expiation, rachat et délivrance, bénédictions présentes et à venir, réalisées maintenant pour la foi et qui le seront plus tard pour la création, selon le dessein de Dieu et par la puissance de Christ ; car hors de Christ l’homme n’a aucun droit.

Ceci nous est présenté d’une manière touchante en Luc 9, 58 : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel, des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». Quoique Seigneur de la création, Il a abandonné Ses droits : en Sa qualité de représentant, Il a dû racheter l’héritage avant de pouvoir le réclamer et entrer dans le repos. Il est vrai qu’Il a manifesté Sa puissance contre l’oppression ; Il a repoussé Satan par la force, étant « plus fort » que celui qui était « l’homme fort et bien armé ». Il a produit Son titre et montré Son pouvoir. Mais s’Il fût entré en possession de l’héritage sans rédemption, Il eût été tout seul, sans cohéritiers. Le grain de blé, dans ce cas, « serait resté seul », mais étant tombé en terre et étant mort, il porte beaucoup de fruit (Jean 12 ; Lév. 23, 10). Christ, l’héritier de Dieu et le chef de la création, ayant tout racheté, a droit à tout, et Dieu reconnaît et honore ce droit (Marc 16, 19). Dans le psaume 22, du verset 22 à la fin, nous avons la même vérité bénie. Ses frères — Israël et les nations sont placés sous la bénédiction par l’œuvre de la croix — et le règne appartient à l’Éternel. Il est le vrai Goël — le Boaz — la force et le Rédempteur de son peuple. Et Il est aussi Celui qui a rempli le rôle de vrai prochain et de frère (comparez Ruth 4, 5 ; Luc 10, 29 ; Deut. 25, 5).

Le royaume peut être considéré sous trois aspects différents :

  1. Le royaume en dessein.
  2. Le royaume en mystère.
  3. Le royaume en manifestation.

Le royaume en dessein

Adam dans son état normal ayant domination sur la terre

Il fut, pour autant qu’il concernait la création inférieure, révélé en Adam — l’homme dans son état normal. « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux et sur le bétail et sur toute la terre » (Gen. 1, 26, comp. à Ps. 8). Il n’est pas question ici de la position et de la domination de l’homme dans le ciel, ce qui était un « mystère » caché en Dieu et non encore révélé. Mais cette domination terrestre a été perdue par Adam pour lui et pour sa postérité ; c’est ce que nous savons par la Parole de Dieu : « Ainsi il chassa l’homme du paradis » et le droit d’y rentrer lui fut pour jamais ôté.

La domination perdue en Adam doit être rétablie en Jésus, le second Adam — le Seigneur du ciel

Dans le premier verset du psaume 8, il est fait allusion à la terre : « Que ton nom est magnifique par toute la terre ! ». Cette parole est prophétique, comme le montre son rapport, en Hébreux 2, 5, avec « le monde à venir ». Nous recevons ici un nouveau degré de lumière de Celui qui « a mis sa majesté au-dessus des cieux ». La domination, perdue pour l’homme en Adam, doit être, suivant ce psaume, rétablie en la personne de Jésus. « Le second Adam », « le Seigneur du ciel » devient le Rédempteur et le Restaurateur de « la possession qu’il a acquise », et prend la position de domination, comme « l’image du Dieu invisible », le vrai représentant de Dieu dans l’héritage terrestre. Mais ce n’est pas pour Lui seul ; Il devient le Chef d’une nouvelle race, d’une postérité spirituelle, et ainsi Son peuple est associé avec Lui à l’exercice et à la jouissance de Sa souveraineté ; l’héritier et l’héritage étant tous deux le fruit de Sa rédemption[6].

Telle nous paraît être la portée d’Ésaïe 53, 8 : « Dans son humiliation son jugement a été ôté ; mais qui racontera sa génération ? Car sa vie est ôtée de la terre » (Act. 8, 33). « Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le et nous emparons de son héritage. L’ayant donc pris, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne ». C’est pourquoi, à vue humaine, Sa succession comme héritier a été retranchée, n’ayant, selon l’estimation de l’homme, aucune postérité. Mais au psaume 22, il est dit en parlant des fruits de sa rédemption : « Une postérité le servira, elle sera comptée au Seigneur pour une génération » (v. 30). « C’est pourquoi il ne prend point à honte de les appeler ses frères » (Héb. 2, 11). C’est comme des cohéritiers rachetés qu’Il les reconnaît pour tels. De tout temps Il les connaissait comme enfants, et c’est pour les délivrer de la crainte de la mort qu’Il a participé à la chair et au sang (v. 14). Voici le nexe ou la liaison de ce passage : nous y voyons l’expression de Sa sympathie pour leurs craintes, Son ineffable amour ; mais c’est après Sa victoire sur nos ennemis, la mort et le diable, qu’Il les appelle « frères » en résurrection. Alors seulement Il pouvait se les associer comme de « saints frères », ayant fait « la purification de leurs péchés » (Héb. 1, 3). « Et celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous d’un ». Ils sont sanctifiés en Lui ressuscité, et ainsi investis de Ses droits comme « cohéritiers ».

L’homme glorifié dans les cieux — l’homme Jésus couronné, héritier et chef de la création rachetée, dans les cieux et sur la terre

Mais dans Hébreux 2, l’Esprit va plus loin que dans le psaume 8, et nous montre dans le ciel l’homme Jésus, chef de la terre rachetée. « Or maintenant nous ne voyons pas encore que toutes choses lui soient assujetties ; mais nous voyons Jésus, celui qui a été fait quelque peu inférieur aux anges, à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur ». Il y a ici un dessein touchant la terre, qui n’est pas encore accompli, mais Celui qui en est le centre, l’héritier et le chef, Jésus, est couronné comme vainqueur, et couronné dans le ciel (cf. Héb. 1, 1-3 et Héb. 3, 1). Ce n’est pas seulement comme Messie, mais comme Fils de Dieu, qu’Il nous parle maintenant des cieux (12, 25). « Jésus s’est assis à la droite du trône de Dieu » (12, 2).

Ceci nous aide à établir le rapport intime entre les départements terrestre et céleste du royaume ; car, dans le psaume 8, c’est le Fils de l’homme qui est « couronné de gloire et d’honneur », et cela comme chef de la terre, établi sur les brebis et les bœufs, les bêtes des champs, etc. ; mais, dans Hébreux 2, nous voyons que ce couronnement a lieu dans le ciel et que par conséquent celui qui est héritier et chef de toutes choses ici-bas, est un homme glorifié dans le ciel. Et en comparant ceci avec Colossiens 1, 15, 19 et Éphésiens 1, 10, nous voyons que cette suprématie embrasse « toutes choses sur la terre et dans les cieux ». De manière que le Fils de Dieu, en devenant homme, ne recouvre pas seulement l’héritage perdu par l’homme, mais accomplit une rédemption dont la valeur infinie s’étend, non seulement à la terre, mais au ciel. « Car… Christ est entré dans le ciel même » (Héb. 9, 24). « Après avoir offert un sacrifice pour les péchés » — un sacrifice efficace à jamais — « il s’est assis », n’ayant plus besoin de répéter ce qu’Il a fait une fois pour toutes. « Assieds-toi à ma droite » (Ps. 110, 1). Dans ce psaume, Ses droits comme Seigneur et Christ sont reconnus et Jéhovah se prépare à se venger de ses adversaires. Lisez-le en entier.

Tel est le royaume en dessein et dans sa plus grande étendue, embrassant toutes choses pour les réunir, les réconcilier et les rétablir. Mais cet empire universel présente divers aspects — physique, moral, terrestre et céleste — correspondant aux différentes expressions employées pour le décrire. Toutes ces lignes convergent vers un centre unique, Christ.

  1. Christ comme Fils de l’homme, Adam (1 Cor. 15, 45-47).
  2. Christ comme postérité d’Abraham (Gen. 22, 18).
  3. Christ comme Fils de David, Salomon (Luc 1, 32).
  4. Christ comme Fils de Dieu (Col. 1 ; Ps. 2, 6, 7).
Christ comme Fils de l’homme, Adam

Nous avons déjà considéré la domination du Christ, comme second Adam. Il est l’héritier, mais le dessein de Dieu n’est pas encore accompli ; « nous ne voyons pas encore que toutes choses lui soient assujetties. Toute la création soupire jusqu’à maintenant » (Rom. 8). Mais les Écritures ne peuvent être anéanties ; c’est pourquoi nous attendons, par la foi, ce jour où la « création sera délivrée de l’esclavage de la corruption », glorieux résultat de Sa rédemption. Alors, et seulement alors, s’accomplira pleinement la prophétie : « Elle te brisera la tête ». Cette parole, à la fois promesse et menace, avait déjà en principe reçu son accomplissement sur la croix, puisque là le Seigneur détruisit les principautés et les puissances, et triompha de Satan ; mais nous, nous attendons, par la foi, les résultats bénis et éternels de cette victoire, pour le jour seulement, où « tout genou fléchira, et où toute langue confessera que Jésus Christ est le Seigneur, à la gloire de Dieu le Pèrelorsqu’il aura rendu impuissante toute principauté, toute autorité et puissance, car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds ». « Car Dieu lui a assujetti toutes choses » (Ps. 8 ; 1 Cor. 15, 24, 25, 27) — ce qui a lieu pendant l’administration ou le règne médiatorial du Fils de l’homme. Puis comme grand résultat de Sa rédemption et du pouvoir qui Lui avait été délégué en tant qu’homme, « Il remettra le royaume à Dieu le Père », afin que Dieu — Père, Fils et Saint Esprit — soit « tout en tous » (1 Cor. 15, 24-28).

Christ comme postérité d’Abraham

La promesse générale, faite en Genèse 3, 15, se circonscrivit, à mesure que les hommes se multiplièrent, à une race particulière, puis à une famille, puis enfin à un seul individu. Par exemple : Adam, Seth, Sem, Abraham, David, Christ. Ce sont là les chaînons de la généalogie du Christ, comme représentant des divers intérêts symbolisés par ces chefs respectifs (voir Gen. 5 et 11).

Non seulement les desseins de Dieu, mais encore Ses promesses ont leur centre en Christ, « car toutes les promesses de Dieu sont oui et amen en Lui » (2 Cor. 1, 20). Ainsi nous voyons que la double promesse faite à Abraham, de posséder le pays et d’être en bénédiction à toutes les familles de la terre, appartient en réalité à Christ. « Or les promesses ont été adressées à Abraham et à sa postérité. Il ne dit pas : et à tes postérités, comme s’il parlait de plusieurs, mais comme parlant d’une seule : et à ta postérité, qui est le Christ » (Gal. 3, 16). La promesse est : « toutes les nations de la terre seront bénies en ta semence » (Gen. 22, 18), et les passages déjà cités, ainsi que Actes 3, 25 et Hébreux 11, 19, prouvent que cette semence est Christ. C’est toujours Christ en résurrection, qui est la base et la garantie de toute bénédiction, comme nous l’avons déjà prouvé ailleurs. Ainsi, bien que le temps de l’entier accomplissement ne soit pas encore arrivé, cependant tous ceux de la foi sont déjà maintenant « bénis avec le fidèle Abraham ». Ceux même d’entre les nations qui croient en Jésus participent, par anticipation, à la bénédiction qui littéralement est encore à venir, soit sous le rapport terrestre, soit sous le rapport céleste ; car la bénédiction que la foi reçoit maintenant et qui est comme les arrhes de la gloire à venir, ne peut jamais annuler la promesse qui reste encore à accomplir pour Abraham et pour sa race.

La foi est le seul moyen de communion et de bénédiction, mais elle nous place dans une relation céleste avec Christ, qui n’a maintenant aucune relation avec la terre, si ce n’est en dessein, étant toujours rejeté ici-bas et n’étant connu que par la foi, dans le ciel, « comme un agneau égorgé au milieu du trône » (Apoc. 5, 6). Ceci expliquera Romains 4, 13-16. La promesse faite à Abraham et à sa postérité d’hériter le monde, n’a pas encore reçu son accomplissement. Prétendre le contraire serait contredire les propres paroles du Seigneur qui a dit : « Vous n’êtes pas du monde ». Si l’on objecte que, sans être du monde, nous en sommes cependant les héritiers, je l’admets en principe, car en ce sens « toutes choses sont à nous, soit Paul, soit Apollos, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir, toutes choses sont à nous et nous à Christ et Christ à Dieu » (1 Cor. 3, 21, 22). Il en est ainsi en principe, parce que le Christ est le Seigneur de tout, y compris la mort ; mais de fait cela n’est pas vrai pour nous actuellement, puisque loin de posséder la mort, c’est elle qui bien souvent nous possède, quoique rachetés, et nous attendons, pour en être délivrés, la venue de Celui qui est Seigneur des morts et des vivants, « alors que la mort sera engloutie en victoire » (1 Cor. 15, 54). Toutes choses nous sont donc assurées en Celui « qui est ressuscité des morts et qui est devenu les prémices de ceux qui dorment ». La même vérité a souvent dans les Écritures diverses applications, ce qui parfois embarrasse le lecteur. La promesse à Abraham et à sa postérité ne sera accomplie que « lorsque la terre sera couverte de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer des eaux qui la couvrent ». L’Israël selon la chair n’a jamais possédé l’héritage promis par alliance à Abraham, et il est encore plus évident que le Christ ne le possède pas, comme « semence d’Abraham ».

L’étude complète de ce sujet comprendrait toute l’histoire d’Israël : 1° depuis l’appel d’Abraham jusqu’à la captivité de Babylone ; 2° depuis la captivité de Babylone, à travers toute la période « des temps des Gentils », jusqu’à ce que vienne « Celui à qui appartient le gouvernement » (Éz. 21, 27) ; c’est-à-dire le Seigneur Jésus Christ ; 3° depuis le retour du Christ, durant toute la période de Son règne médiatorial, de Son royaume. Il est évident que, dans le sens littéral de la promesse, la postérité d’Abraham n’a jamais encore possédé le pays.

Christ comme Fils de David, héritier du trône de David
Le trône de David n’est pas dans les cieux

Christ comme fils de David — Salomon. La généalogie que nous donne l’évangile de Matthieu, montre que Christ était le seul représentant de la maison de David, et par conséquent l’héritier du trône de David. Il fut divinement reconnu comme roi des Juifs, et c’est comme tel qu’Il fut rejeté par les Juifs et par les Gentils en la personne de Pilate (Matt. 2, 2 ; 27, 37). Cette vérité tire une nouvelle confirmation du lieu de Sa naissance, suivant l’accomplissement littéral de la parole du prophète (voir Matt. 2, 6 et Mich. 5, 2). Dans Luc 1, 32, il est formellement annoncé qu’Il possédera le trône de David Son père. Si l’on prétend qu’il s’agit ici du trône de Christ dans les cieux, nous avons deux objections à faire. 1° Le Saint Esprit nous dit que « David n’est point monté dans les cieux » (Act. 2, 34) ; or ce serait un non-sens de dire que son trône est là où il n’a jamais été lui-même. C’est, en vérité, une glorieuse réalité pour Christ et pour nous qu’Il soit monté au ciel, et qu’Il y soit assis sur le trône de Son Père, Dieu (Act. 3, 21). Mais ici il s’agit d’un tout autre Père et d’un tout autre trône, que de celui de « David son père » ; 2° Christ n’occupe pas même encore Son propre trône dans le ciel. Il est assis à la droite du trône de Dieu. Dans un autre sens, Il est sur le trône du Père (3, 21 ; Marc 16, 19 ; Héb. 12, 2). Il ne règne pas encore, Il est assis à la droite de Jéhovah, « attendant que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds » (Héb. 10, 13). Dans l’Église Il agit par le Saint Esprit, comme Seigneur, mais non comme Roi ; Il a le titre de Roi, mais Il n’en a encore ni le pouvoir ni le gouvernement (Ps. 2, 6). Bien loin de régner, Il attend maintenant qu’un autre agisse pour Lui (voir Ps. 110, 1). « Assieds-toi jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis pour marchepied de tes pieds », dit Jéhovah au Christ. Gardons-nous de confondre des choses distinctes, autrement l’Écriture ne serait plus qu’un paradoxe.

Il est donc évident que le trône de David n’est pas dans les cieux et qu’il n’y a jamais été ; or comme il est positivement déclaré que Christ doit le posséder, et que d’un autre côté, ce trône et sa souveraineté sont encore en expectative, il en résulte que la promesse nous reporte à une période future, qui se lie à la fois à l’histoire de la terre et à celle d’Israël. Cela est déclaré avec une grande force en Actes 2, 27-31, citation qui explique le psaume 16, où David, par l’Esprit, voit dans la résurrection du Christ comme la réalisation de ses espérances et l’accomplissement des promesses de Dieu à son égard : « Les saintes grâces de David qui sont assurées » furent ainsi ratifiées par la résurrection du Christ (cf. 2 Sam. 7 ; 23 ; És. 55, et Actes 13, 34 ; Jér. 33, 17). Ainsi fut accomplie en Celui dont le nom est « Jéhovah notre justice », la remarquable promesse, « que David ne manquerait jamais d’un homme assis sur le trône de la maison d’Israël ». Ce qui est littéralement vrai, bien que le représentant, qui est à la fois Fils de David et Fils de Dieu, soit pour le moment « caché en Dieu » ; « rejeté des hommes, il est vrai, mais choisi de Dieu et précieux ».

Ceci nous conduit à considérer le sujet du royaume des cieux, sujet qui se présente sous deux aspects : — le royaume en mystère — et le royaume en manifestation.

L’expression « royaume des cieux » est particulière à Matthieu. — Deux aspects du royaume, en mystère et en manifestation

« Royaume des cieux » est une expression particulière à l’évangile de Matthieu. Dans cet évangile aussi, nous avons la généalogie de Jésus comme semence d’Abraham et Fils de David, et dès le deuxième chapitre, Il est présenté comme le Roi des Juifs. C’est en tant que représentant à la fois d’Abraham et de David qu’Il a des droits au trône de David (Luc 1, 32). Ces rapports ont déjà été notés ; mais on se demande comment le trône de David et la semence d’Abraham se lient au « royaume des cieux ». Il était et il est encore difficile pour les Juifs, de comprendre comment le Fils de David pouvait aussi être le Seigneur de David (Matt. 22, 44). Mais il est d’autres mystères relativement au Messie d’Israël, qui doivent encore leur être révélés — c’est le royaume des cieux dans ses rapports avec la terre.

L’expression « royaume des cieux » semble se rapporter à ce qui est dit dans Daniel 4, 26 : « Ton royaume te sera rendu, dès que tu auras connu que les cieux dominent ». Ce qui veut dire que, lorsque le cœur de bête aura été ôté aux Gentils, représentés ici par Nebucadnetsar, l’intelligence leur reviendra, et qu’ils reconnaîtront la suprématie du gouvernement des cieux — du Dieu des cieux. Ceci contraste singulièrement avec l’orgueil de Nebucadnetsar, chef et représentant de la puissance des Gentils, versets 30, 31, orgueil qui attira sur lui le jugement de Dieu. En Daniel 7, 13, nous voyons que ce royaume du ciel ou des cieux (car c’est au pluriel) est conféré par « l’Ancien des jours » au « Fils de l’homme », qui en devient le représentant et l’administrateur.

« Le règne et la domination sous tous les cieux », conférés, dans Daniel, au Fils de l’homme

Or le Saint Esprit, dans Daniel, présente ce règne et cette domination comme s’exerçant sur la terre (cf. les versets 14 et 27) : « Le règne et la domination qui sont sous tous les cieux » ; c’est suffisamment clair.

Quand Il régnera, alors commencera le « royaume des cieux »

Quand donc ce royaume sera établi, le règne ou « le royaume des cieux » commencera, c’est-à-dire le gouvernement direct de ce monde par l’autorité et le conseil de Dieu, dans la personne de l’homme, « du Fils de l’homme ». Tel serait l’aspect du « royaume », pour autant du moins que cela est révélé dans l’Ancien Testament, car ses relations célestes n’y sont présentées qu’en types pour la foi.

Le royaume, dans Daniel, est intimement lié avec Israël et le Messie

Dans Daniel 9, 26, ce royaume est intimement lié avec Israël et le Messie. Une période de soixante-dix semaines (ou septaine) est « déterminée — ou divisée sur ton peuple », c’est-à-dire les Juifs, jusqu’à la consommation de la bénédiction d’Israël (v. 24). Cette période se divise en trois parties, comme suit : sept, soixante-deux, une. La première division, ou la plus courte des deux premières, fut employée à la reconstruction « des places et de la brèche » c’est-à-dire de Jérusalem, « dans un temps de détresse », ou plutôt « dans le temps le plus étroit ou le plus court » de cette période de soixante-neuf semaines, qui va depuis l’émission de la parole annonçant que Jérusalem serait restaurée et rebâtie jusqu’au Christ, « le Conducteur ou le Prince ». Cette période, dis-je, est divisée en deux parties inégales, « sept semaines et soixante-deux semaines ». Et à la fin de la seconde division, le Messie apparaît, « est retranché et n’a rien »[7]. Ainsi le royaume ne fut pas établi en puissance à Sa première apparition, mais tout au contraire, car « Jésus fut crucifié en faiblesse » (2 Cor. 13, 4). « Ainsi ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent ».

Le royaume ne fut pas établi à la première apparition de Christ

La Parole nous enseigne donc, que ce n’était pas le dessein et le conseil de Dieu d’établir Son royaume à la première apparition du Christ. C’est ce qui ressort d’Ésaïe 53, de Michée 5, 2, 3, et de Zacharie 12, 10. Dans le premier de ces passages, nous voyons la réjection du Libérateur d’Israël, de Celui qui apportait à Sion cette bonne nouvelle du salut : « Ton Dieu règne », ce qui fut accompli, en principe mais non de fait, dans la personne du Seigneur, lors de son entrée à Jérusalem (voy. Zach. 9, 9). « Réjouis-toi, fille de Sion, voici ton Roi vient à toi » (Matt. 21, 5). Ce cinquante-troisième chapitre d’Ésaïe est un interrègne de l’histoire du peuple d’Israël, durant leur réjection de Jésus, jusqu’à ce qu’ils disent : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur » (Ps. 118). Dans le chapitre suivant, nous avons un appel à la femme stérile, c’est-à-dire à Israël, qui alors est devenue « la mère heureuse de beaucoup d’enfants ». C’est Israël, dans son état de Sara, se réjouissant en Dieu son Sauveur, en conséquence de sa réception de Jésus son Roi. Michée (chap. 5) annonce le lieu de naissance de Celui « qui sera dominateur en Israël » ; mais la nation « sera abandonnée de Dieu, jusqu’à ce que celle qui est en travail (Israël) ait enfanté ». Il décrit aussi la condition des Juifs pendant que leur « maison est laissée déserte » (Matt. 23, 38). Zacharie parle du même temps, en faisant allusion à Celui qu’ils ont percé (cf. Jean 19, 37). Et alors deux des divisions de Daniel étant achevées, il en reste encore une à accomplir, savoir la dernière semaine (Dan. 9, 24). En effet soixante-dix semaines sont déterminées, et jusqu’à présent nous n’avons vu l’achèvement que de sept plus soixante-deux égal soixante-neuf ; il reste donc encore une semaine c’est-à-dire sept ans à accomplir. Que cette période de soixante-neuf semaines ou de quatre cent quatre-vingt-trois ans, fut achevée au temps de la première « manifestation du Christ à Israël », c’est ce qui est évident d’après sa propre prédication de « l’évangile du royaume » ; il disait : « le temps est accompli et le royaume de Dieu est approché » (Marc 1, 15). Selon Daniel (v. 25) cela était littéralement vrai ; « ce temps était accompli ». Et c’est pourquoi le Messie se présenta. « Il vint vers les siens (ses possessions — Τὰ ἲδια), et les siens (son peuple) ne l’ont point reçu » (Jean 1, 11). « Il est le méprisé et le rejeté des hommes » (És. 53, 3). Au point de vue chronologique, « le temps pouvait être accompli » pour l’établissement du royaume, mais, en tous cas, au point de vue moral et selon les conseils de Dieu, il en était tout autrement. Ceci ne diminue en rien la culpabilité des Juifs ; et cette accusation demeure contre eux : « Ce Jésus, livré par le conseil déterminé et par la préconnaissance de Dieu, vous l’avez pris, vous l’avez tué, l’ayant cloué par des mains iniques » (Act. 2, 23). Et encore : « Vous avez renié le Saint et le Juste et vous avez demandé qu’on vous accordât un meurtrier ; et vous avez mis à mort le prince de la vie, que Dieu a réveillé d’entre les morts… et maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance… mais Dieu a ainsi accompli les choses qu’Il avait annoncées d’avance par la bouche de tous ses prophètes, que le Christ devait souffrir » (Act. 3, 14, 15, 17, 18).

La comparaison de ces divers passages montre évidemment que la chose essentielle à considérer, en les étudiant, c’est l’élément moral, c’est-à-dire le conseil secret de Dieu ; sans cela nous pourrions arriver aux conclusions les plus éloignées de la pensée du Seigneur. Et je suis convaincu, que c’est là la source de toutes les erreurs, dans lesquelles bien des esprits supérieurs sont tombés, en calculant les nombres de l’Écriture.

Le Messie est retranché et le royaume différé

Nous avons vu qu’une semaine ou sept années des soixante-dix semaines de Daniel, divisées en trois périodes, reste à accomplir. Nous avons vu aussi qu’à la première apparition de Jésus à Israël, les deux premières périodes, comprenant soixante-neuf semaines, étaient accomplies ; et nous en concluons que, si le royaume eût été établi alors, cette dernière semaine de Daniel aurait été accomplie aussi, chronologiquement ainsi que moralement. Mais à cause du rejet du Messie, le royaume n’est pas établi en puissance. C’est à ce sujet que le Seigneur dit aux Juifs : « Le royaume de Dieu vous sera ôté, et il sera donné à une nation qui en produira les fruits » (Matt. 21, 43). Puis Il ajoute : « Et celui qui tombera sur cette pierre (qui est Lui-même) sera brisé (c’est-à-dire les Juifs) ; et quant à celui sur qui elle tombera (c’est-à-dire les Gentils) il sera réduit en poussière » (v. 44 comparé avec Rom. 9, 33 ; Dan. 2, 45). La pierre, que Dieu posa alors en Sion, fut rejetée et devint « une pierre d’achoppement et un rocher de chute » (És. 8, 14 ; 28, 16). Cette pierre « réprouvée des hommes », est ôtée de la terre et élevée aux cieux, où elle est connue de la foi, « choisie de Dieu et précieuse… pour vous qui croyez » (1 Pierre 2, 7).

De là le reproche que le Saint Esprit adresse aux conducteurs de Jérusalem : « Lui est la pierre qui a été méprisée par vous qui bâtissez » (Act. 4, 11). Il est ici question de Jésus dans le ciel. Ce passage est la continuation du troisième chapitre, où l’apôtre leur dit qu’ils ont « mis à mort le Prince de la vie », mais qu’ils l’ont fait par ignorance (v. 17) et que s’ils se repentent, Dieu leur enverra de nouveau ce Jésus qu’ils ont « méprisé et rejeté », et « que le ciel doit retenir jusqu’au rétablissement de toutes choses » (v. 21). Remarquez qu’il ne leur dit pas : Repentez-vous et vous serez enlevés vers Jésus ; mais : Repentez-vous et Dieu vous enverra ce Jésus que le ciel doit retenir seulement pour un temps — jusqu’au rétablissement de toutes choses. Tous les prophètes, depuis Samuel et ceux qui ont suivi, ont annoncé d’avance ces jours (v. 24).

Appel de Samuel

Or l’appel de Samuel marqua, dans les voies de Dieu à l’égard d’Israël, une période tout aussi distincte que l’appel d’Abraham en marque une dans Ses voies à l’égard des Gentils. Éli était alors le représentant de Dieu, le seul oint du Seigneur, car le roi n’était pas encore ordonné. Dans la chute de la sacrificature en Éli et en ses fils, nous trouvons le principe qu’aucune bénédiction ne pouvait être établie d’une manière sûre entre les mains de l’homme. La sacrificature seule n’était pas suffisante pour répondre aux nouveaux besoins et elle se montra incapable de protéger l’arche — la gloire de Jéhovah — confiée à sa garde. L’arche, trône de Dieu sur la terre, fut prise et la suffisance de la grâce de Dieu démontrée par l’appel d’un petit enfant entièrement en dehors de l’ordre de choses établi. « De la bouche des enfants et de ceux qui tètent Dieu fonde sa force ». Là où l’ordre et la règle manquent, Dieu agit en dehors même de ce qu’Il a Lui-même établi ; Il agit hors de l’ordre, mais en puissance. En conséquence, Samuel, par l’énergie de l’Esprit Saint, remplit l’interrègne entre la sacrificature retranchée (c’est-à-dire l’état d’I-Cabod d’Israël) et l’établissement du royaume en la personne de David, l’homme selon le cœur de Dieu, « l’élu selon la grâce », et le type de la royauté de Jésus, le vrai David.

Chute de la sacrificature

Ceci montre l’à-propos de l’allusion faite dans Actes 3, 24. Tout était en confusion au temps de l’appel de Samuel. Par son moyen, l’énergie de l’Esprit répondit aux besoins de la position, quoique l’arche ne fût pas rétablie ; elle était encore en captivité. Le trône de Jéhovah ne fut restauré que lorsque David, comme roi, eut été établi sur la montagne de Sion (2 Sam. 5, 7 ; 6, 2, 12, 16. Comp. avec Ps. 132, 2, 13, 14).

Le trône de Jéhovah n’est pas rétabli avant David

L’état d’Israël était alors analogue à celui où il se trouvait lors du témoignage de Pierre. « Il n’y avait point de roi en Israël ». Tout était en désordre, et « les temps du rétablissement de toutes choses » dépendaient du retour de Jésus comme roi, selon cette parole : « J’ai sacré mon Roi sur Sion, la montagne de ma sainteté. Je raconterai le décret : l’Éternel m’a dit : Tu es mon Fils, je t’ai aujourd’hui engendré » (Ps. 2, 6, 7). Mais que cette parole soit liée à la résurrection du Christ, cela est évident d’après Actes 13, 33, où ce même passage est appliqué à Jésus ressuscité. Et plus loin, nous voyons que les saintetés assurées de David ne sont établies que dans le Christ ressuscité. Les privilèges confiés à d’autres mains ont été perdus, mais toutes les grâces sont assurées en Jésus. Il était l’espérance de Son peuple.

La mort d’Étienne clôt le témoignage du royaume à Israël

« Les temps du rétablissement de toutes choses » se rapportent aux Juifs dans le passage dont nous nous occupons ; mais dans le conseil de Dieu et dans son accomplissement futur, cette expression va bien plus loin ; elle embrasse le « rassemblement en un de toutes choses, tant de celles qui sont aux cieux que de celles qui sont sur la terre » (Éph. 1, 10). Mais ceci se lie à Jésus comme « Chef de toute principauté et de toute puissance ». Et comme la nation d’Israël refusa de reconnaître l’Héritier et le Roi, lorsqu’Il lui fut présenté sur la terre, elle continue à le rejeter de même, maintenant qu’Il lui est offert du ciel. Les Juifs repoussent le message de Pierre, et ils lapident Étienne, qui voit les cieux ouverts et qui leur parle de Jésus comme « du Fils de l’homme étant à la droite de Dieu » (Act. 7, 56). Cet événement met fin, en réalité, pour le moment, au témoignage du royaume, rendu à Israël comme nation. Je dis pour le moment, car l’évangile du royaume doit encore être proclamé comme témoignage et alors « viendra la fin », et pour les Juifs et pour les Gentils, suivant Matthieu 24, 14 ; 28, 19. Cet évangile ou cette proclamation ne doit pas être confondu avec le témoignage de la grâce, rendu maintenant dans l’Église et par l’Église.

Israël ayant ainsi rejeté Christ et « dans les jours de sa chair » et dans Sa résurrection, et ayant repoussé le témoignage du Saint Esprit, rendu par les apôtres et prophètes, qui lui avaient été envoyés, « leur maison est laissée déserte » ; ils ne verront plus le Christ, jusqu’à ce que la prophétie du verset 26 du psaume 118, soit accomplie pour eux. Alors, et seulement alors, le royaume des cieux sera établi en puissance et les « temps du rétablissement de toutes choses » seront venus.

Le témoignage du royaume borné à Israël

Le temps étant « accompli », la proclamation du royaume commence par le témoignage de Jean-Baptiste : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux s’est approché » (Matt. 3, 2). Ensuite, Jean lui-même ayant été mis en prison et son témoignage ayant pris fin, Jésus reprend cette proclamation en disant : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux s’est approché » (4, 17). Dans le dixième chapitre, ce même évangile est commis aux douze apôtres, avec cette stricte injonction : « Ne sortez pas au chemin des nations ». Leur message ne devait être adressé qu’à la maison d’Israël, et cela nous montre le rapport intime qui existe entre le royaume et les Juifs. Au verset 23, le Seigneur leur rappelle que leur mission serait sans fruit. La prédication qu’ils devaient faire était toujours la même : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux s’est approché ». Elle était accompagnée des puissances du royaume ; ils guérissaient les malades et ressuscitaient les morts. C’étaient là les « signes ou puissances du siècle à venir » (Héb. 6, 5). Dans le chapitre 11 de Matthieu, Jésus reproche aux Juifs leur incrédulité. Dans le douzième chapitre, nous les voyons pécher contre le Saint Esprit et refuser de reconnaître l’autorité de Jésus, et de Le recevoir en conséquence. C’est pourquoi le Seigneur les désavoue comme nation, ce qu’Il montre d’une manière frappante dans Son refus de reconnaître, en « sa mère et ses frères », aucun autre lien que ceux qui ont été reconnus de Dieu. Il ne s’agit plus de ceux auxquels Il est uni par les liens de la nature, mais de ceux qui « pratiquent la volonté de son Père qui est dans les cieux » (v. 49, 50). Depuis ce moment le royaume cesse d’être prêché, et le Seigneur le présente à la foi sous un autre point de vue, c’est-à-dire comme le royaume en mystère.

Christ comme Fils de Dieu
Reconnu et couronné dans le ciel. Ses relations avec la terre suspendues mais non abandonnées

Nous avons déjà considéré les droits de Christ à la suprématie et au royaume en Ses différentes qualités de Fils de l’homme, de semence d’Abraham et de Fils de David, et nous avons vu qu’Il n’a encore été pleinement reconnu sur la terre sous aucun de ces divers caractères. Mais, dans Hébreux 2, nous Le voyons reconnu dans le ciel et « couronné » là « de gloire et d’honneur ». En conséquence Ses relations avec la terre sont suspendues, quoique Ses droits sur elle comme Son héritage, ne soient pas abandonnés. Il n’est pas maintenant connu ici-bas, sauf dans « son corps, l’Église », où Il est présent en Esprit, tandis que Ses membres souffrants et dans la faiblesse sont les objets de Sa sympathie, et attendent la venue de Sa puissance qui les investira de la gloire. Ainsi tous ceux qui maintenant « connaissent le Véritable », ne Le connaissent que comme étant dans le ciel. Leurs relations sont célestes, de même que leur appel. Mais le titre à la souveraineté des deux départements du royaume, « les cieux et la terre », appartient au Christ dans les trois caractères dont nous avons parlé, quoique cela ne paraisse pas encore, car « il est caché en Dieu » (Col. 3, 3). Il manifestera bientôt tous ces droits, non seulement comme Fils de l’homme, mais comme Fils de Dieu. Cela est présenté d’une manière frappante en Melchisédec (Gen. 14, 18). Il sort au devant d’Abram pour saluer et bénir, en sa personne, la victoire de la foi, ayant en ses mains le « pain et le vin », symboles du royaume dans son établissement et dans ses joies. Il bénit Abraham et reçoit le tribut de ses dîmes — le moindre est béni par le plus grand. En comparant tout ceci avec Hébreux 7, il n’y a pas de difficulté à voir, dans ce sacrificateur royal, le Fils de Dieu en figure.

Le titre à la souveraineté des deux départements du royaume, « les cieux et la terre », Lui appartient

Ici donc se trouve un personnage dont les droits sont supérieurs soit à l’alliance, soit aux promesses : car « il bénit celui qui avait les promesses ». Cela nous reporte à un temps antérieur à l’appel d’Abram, et nous dévoile le dessein éternel de Dieu en Christ. Il est « sacrificateur du Dieu très-haut, possesseur des cieux et de la terre ». Non seulement les deux départements du royaume Lui appartiennent, mais ils se rencontrent, pour ainsi dire, en Sa personne, en tant que représentant de Dieu, et Il forme le lien et le moyen de communion entre le ciel et la terre ; Il reçoit l’hommage de la foi obéissante, Il est le canal sacré des bénédictions d’une grâce, tout aussi opportune qu’elle était inattendue, le représentant parfait de la justice, le gage de la paix venant du ciel ; roi de justice et roi de paix.

Il est sacrificateur du Dieu Très-haut, possesseur des cieux et de la terre, Roi de justice et Roi de paix

Mais cet illustre personnage est pour le moment « caché en Dieu », assis à Sa droite comme le Seigneur[8] reconnu du ciel (Ps. 110, 1). Et dans l’intérieur du voile, Jésus est entré pour nous comme « précurseur », ayant été fait souverain Sacrificateur éternellement selon l’ordre de Melchisédec (Héb. 6, 20). Maintenant « notre vie est cachée avec Lui, et quand Lui qui est notre vie aura été manifesté, alors nous aussi serons avec Lui manifestés en gloire » (Col. 3). Toutes les relations de Son peuple avec Lui sont maintenant célestes : « frères saints, participants » non de l’appel terrestre — qui est encore à venir — mais « de l’appel céleste ». C’est là le principe de l’épître aux Hébreux. Il n’y est pas question de l’Église mais du royaume (12, 28) et des relations de la foi avec Jésus connu dans le ciel. Cela se voit aussi d’une manière remarquable dans la confession de Nathanaël : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël » ; et dans la réponse du Seigneur : « Désormais vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme » ; cette parole montre l’union en Sa personne, pendant Son règne, des relations célestes et terrestres.

Caché en Dieu — toutes les relations de Son peuple avec Lui sont maintenant célestes

Ceci nous ramène à Colossiens 1, 12, 20, lorsque toutes choses seront réconciliées en Christ tant au ciel que sur la terre. Cette période est encore à venir ; en attendant, il y a un interrègne ou le royaume en mystère.

Le royaume en mystère

Il prend maintenant plus d’extension, sans distinction de nation ou de sol

C’est là le sujet du treizième chapitre de Matthieu. Dans la série des sept paraboles, le Seigneur enseigne trois choses : 1° L’effet que la semence, « la parole du royaume », produirait sur le sol où elle tomberait ; car cette parole du royaume qui, jusqu’au onzième chapitre, avait été limitée aux « brebis perdues de la maison d’Israël », prend ici plus d’extension et elle est semée sans distinction de nation ou de sol. 2° Les caractères sous lesquels le royaume paraîtrait dans le monde ; c’est-à-dire qu’il deviendrait un moyen de développement du mal sous diverses formes. Cette idée est présentée dans les paraboles de « l’ivraie », du « grand arbre » et du « levain caché jusqu’à ce que le tout soit levé ». Je ne m’arrête pas ici à ces trois différents caractères du mal ; d’autres l’ont déjà fait. 3° Dans les trois dernières similitudes, qui, pour le dire en passant, ne reçoivent pas le nom de paraboles, car elles sont adressées à ceux du « dedans » — et il n’y a point de paraboles pour la foi — nous apprenons à connaître le bien, qui est caché aux yeux de la foule, au milieu de la masse de mal moral qui se trouve dans le monde. Le bien, ou ce qui est précieux, est un secret connu de la foi ; c’est « le trésor caché », la « perle trouvée » et « les bons poissons » renfermés dans le filet, mais qui ne sont séparés que lorsque le filet est tiré. Chaque jour semble confirmer ce fait, dont j’ai déjà dit un mot dans l’introduction, que ces trois dernières paraboles sont, dans un certain sens, en rapport avec les économies et qu’elles deviennent les traits caractéristiques de témoignages respectifs. Et s’il est vrai que la connaissance du « trésor caché dans le champ » soit le témoignage caractéristique de la Réformation, et que « la perle trouvée » représente le caractère réel et la valeur de l’Église, il s’ensuit que le prochain et dernier trait distinctif sera l’acte de tirer le filet sur le rivage et de séparer les bons poissons des mauvais. Et ici, je voudrais faire remarquer que c’est un fait frappant et propre à réveiller l’attention, que ce mystère — l’Église — qui avait été caché en Dieu et qui n’avait point été donné à connaître jusqu’à ce qu’il fût révélé à Paul, ait été perdu de vue depuis la mort de cet apôtre jusqu’à nos temps. Tout chrétien doit considérer sérieusement que la connaissance de ce mystère est, par conséquent, ce qui constitue le témoignage caractéristique du dix-neuvième siècle. Car dans l’histoire ecclésiastique nous ne trouvons pas trace de la connaissance du caractère réel de l’Église, « corps de Christ », et de son « appel céleste ». Cela était perdu pour l’Église ; de là vient son identification avec le monde et toutes les tristes conséquences qui en découlent.

Le royaume, que l’évangile de Matthieu nous présente d’une manière mystique, ne doit pas être confondu avec l’Église

Il est évident que l’histoire du royaume en mystère, que nous trouvons en Matthieu 13, était présentée comme future quant au temps où elle fut donnée, et l’on ne peut douter que ce récit ne nous représente le royaume, tel qu’il se manifeste dans la chrétienté. Nous le voyons dans ce chapitre d’une manière mystique, et nous ne devons pas le confondre avec l’Église, car en réalité l’Église n’est pas le sujet des révélations de cette partie de la Parole de Dieu. Il s’agit d’un royaume, ayant le nom de reconnaître un chef dans le ciel, tandis qu’en même temps son autorité est virtuellement mise de côté par le monde, la chair et le diable ; et cela au cœur même de son royaume. Telle est la forme sous laquelle le christianisme apparaît dans le monde. Il ne faut pas beaucoup de perspicacité pour discerner, combien ce tableau est déplorablement fidèle. Aussi qu’elle sera terrible, la fin de tout cela en jugement, à l’apparition du Seigneur Jésus Christ ! « Le champ, c’est le monde ». Avant l’exécution du jugement, l’ivraie — les chrétiens purement professants — est liée en faisceaux pour être brûlée. Cela se fera par l’action de la providence. Les principes, alors en activité, grouperont les hommes en « faisceaux », suivant leur communauté d’intérêts, de goûts, etc. Combien n’y a-t-il pas, déjà maintenant, de ces principes à l’œuvre dans les sphères intellectuelle, morale, physique. Jamais depuis le rassemblement de la tour de Babel, le principe d’association n’a été aussi puissant qu’aujourd’hui[9].

Tout, jusqu’à la conscience, doit lui céder le pas. C’est au point que si, dans les assemblées où les intérêts les plus élevés des hommes sont discutés, un membre essayait de rendre témoignage pour Dieu, cela serait considéré non seulement comme inconvenant, mais comme une violation de toutes les règles, tant les hommes ont peur de blesser les préjugés les uns des autres ; il faudrait alors abandonner ou sa place ou sa conscience. On verra que ce principe de concession mutuelle, ou plutôt cet abandon de tout principe, sera poussé si loin, que, cas échéant, toute distinction entre la vérité et la fausseté finira par être engloutie dans l’océan toujours croissant d’un latitudinarisme sans limite. Mais l’ivraie sera liée en faisceaux et laissée sur le champ, jusqu’au moment où le jugement fondra sur elle ; alors le blé aura déjà été recueilli en sûreté dans le ciel (voyez Matt. 13, 30). Voilà le sort terrible dénoncé à « ce présent siècle mauvais », qui se hâte vers sa fin.

Tel est le royaume en mystère ! Vaste système recouvert du nom de Christ, mais, hélas ! du nom seulement ; système qui fait profession de reconnaître le gouvernement du Christ, maintenant dans le ciel, mais qui, en même temps, est devenu le trône de Satan et le moyen de développer, sous l’apparence du bien, les plus affreux caractères du mal (Apoc. 2, 13). Cependant c’est encore le royaume de Christ, dont le titre y est reconnu, et c’est pourquoi Il enverra Ses anges ou messagers — agents — « et ils recueilleront hors de son royaume toutes les occasions de chute et ceux qui pratiquent l’iniquité, et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matt. 13, 41, 42). C’est là la fin du royaume en mystère, non pas la fin du monde, comme les personnes ignorantes le disent, mais du siècle dans lequel nous vivons.

Le royaume en manifestation

Je m’étudierai à être bref sur ce sujet, les bornes de cet ouvrage n’admettant pas de grands développements. En outre, mon objet n’est pas tant le royaume lui-même, mais plutôt les rapports qu’il a avec l’Église ou le mystère.

Divers caractères de Christ et aspects sous lesquels Il est présenté comme Fils de l’homme et Fils de Dieu — Créateur de toutes choses

Nous avons déjà fait allusion aux deux départements du royaume, le céleste et le terrestre, et nous avons montré comment ils ont l’un et l’autre leur centre en Christ, comme « héritier de toutes choses ». Cette expression renferme en elle-même tous les divers caractères du Christ et les différents aspects sous lesquels Il nous est présenté, comme Fils de l’homme, et comme Fils de Dieu — Créateur de toutes choses. Comparez avec Dan. 7, 13, 14 ; Héb. 2, 7, 9 ; Col. 1, 15, avec 18, 19 ; Héb. 1, 2, avec 5 ; Jean 5, 27.

Le complément ou l’accomplissement des temps ou des précédentes économies

Nous avons aussi vu que toutes les dispensations précédentes se terminent au Christ et conduisent à une économie finale, qui est appelée, à cause de sa distinction et de sa prééminence, « l’administration de la plénitude des temps » (Éph. 1, 10). Ce sera le complément ou l’accomplissement des temps ou des diverses manifestations de Dieu dans les précédentes économies. Toutes jusqu’alors ayant manqué, Dieu en détermine une nouvelle, dans laquelle Il accomplira ce qui jusque-là n’avait pu être fait, savoir de « rassembler en un (Christ) toutes choses, soit celles qui sont dans les cieux, soit celles qui sont sur la terre »[10]. Cette dispensation, en tant que économie de médiation et de pacification, est finale, et, comme telle, parfaite ; étant le dernier anneau de la chaîne des voies de Dieu avec l’homme, jusqu’à ce qu’Il se manifeste aux hommes et demeure éternellement avec eux, lorsque « Dieu sera tout en tous ». Voir 1 Corinthiens 15, 25 ; Apocalypse 21, 3, 5 ; 22, 4.

Le royaume en manifestation porte divers noms, suivant l’aspect sous lequel il est considéré. Quoique cette dénomination ne soit pas scripturaire, on est convenu de l’appeler :

Le règne personnel — le jour du jugement — le jour du Seigneur — le millénium — Christ règne — la terre remplie de la gloire du Seigneur

1° Le règne personnel, où Christ sera visible, en contraste avec Sa position actuelle, où Il est « caché en Dieu ». Alors Il apparaîtra, Il sera manifesté en « majesté », ainsi qu’Il le fut déjà une fois sur la montagne de la transfiguration, qui n’était qu’un type de ce qui était à venir. Comparez Matthieu 17, Marc 9, Luc 9, avec 2 Pierre 1, 16-18.

2° C’est le jour ou la période du jugement, en contraste avec la période ou le « jour du salut » — de la grâce (2 Cor. 6, 2 ; 2 Pier. 3, 7). Durant cet espace de temps qui commence et finit par un jugement (2 Thess. 1, 7-10 ; Apoc. 20), le trône est établi, et Jésus s’y étant assis juge, administre et bénit (És. 2, 3, 4 ; 11, 4, 5, 10 ; 65, 17-25 ; Mich. 4). Les citations seraient sans fin, « tous les prophètes… ont annoncé d’avance ces jours » (Actes 3, 24).

3° « Le jour du Seigneur » (2 Pier. 3, 10) ; parce que, alors, Celui qui fut le « rejeté par les hommes » sera honoré et adoré — tout genou fléchira devant Lui et toute langue confessera que le Seigneur, c’est Jésus Christ (Phil. 2).

4° « Le jour de Dieu », en contraste avec « le jour de l’homme » (1 Cor. 4, 3 et 5).

5° « Les temps du rétablissement de toutes choses » (Act. 3, 21).

6° « Le jour de Christ », de l’Oint, représentant de Dieu dans le gouvernement et la bénédiction (2 Thess. 2, 2 ; Ps. 2, 6).

7° Le millénium, ou les mille ans, dans ses rapports avec le temps et la terre (Apoc. 20, 4 ; 5, 10).

Cette liste pourrait facilement être allongée. Je mentionne seulement ces sept dénominations pour les personnes qui sont alarmées de la pensée que le règne du Seigneur implique quelque chose de charnel, parce que, durant cette période de gouvernement et de jugement, Il sera personnellement présent et se manifestant soit à ceux qui seront sur la terre, soit à ceux qui seront dans le ciel, suivant la position respective de chacun dans la gloire. On pourrait avec tout autant de raison élever cette objection contre le premier avènement du Christ, et contre Ses apparitions subséquentes à Ses disciples après Sa résurrection. En outre, au point de vue moral, une semblable objection fait craindre qu’il n’y ait quelque chose de sérieusement erroné chez celui qui la met en avant, et qu’il ne confonde ce qui est corporel avec ce qui est charnel dans ce qui concerne notre adorable Sauveur.

Le royaume, règne personnel ou jour du jugement, commencera par le jugement « des vivants ». Alors ce règne étant établi en justice, toutes choses seront gouvernées avec justice et bénédiction. Dans le département terrestre, « ceux qui ont faim et soif de la justice seront rassasiés ». Ce que le monde a toujours recherché, depuis le temps de Caïn, sera réalisé. « L’effet de la justice sera la paix, et le fruit de la justice, le repos et la sécurité éternellement » (És. 32, 17). « Un roi régnera en justice » et ce roi sera le Seigneur Jésus Christ. Alors la terre sera remplie de la gloire du Seigneur (Ps. 72).

Les jugements mentionnés dans l’Apocalypse et la dernière semaine de Daniel, accomplis avant le millénium

J’ai à peine besoin de faire remarquer que les jugements mentionnés dans l’Apocalypse seront exécutés avant l’arrivée de cette période ; ils en seront comme les précurseurs. Avec eux, la dernière des soixante-dix semaines de Daniel et le « temps de détresse » du chapitre 12, seront accomplis. Les Juifs comme peuple de Dieu reprendront leur place naturelle au milieu des nations ; le voile étant ôté de dessus le cœur du résidu, le psaume 119 et d’autres deviendront l’expression de leurs sentiments. Sa « parole sera une lampe à leurs pieds » et ils marcheront dans ses voies. En Son nom « ils seront justifiés et glorifiés » : « Israël boutonnera et s’épanouira ; et ils rempliront de fruit le dessus de la terre habitable » (És. 27, 6). Les relations entre la famille céleste et la terrestre seront non seulement établies, mais manifestées. La Jérusalem d’en bas étant le pur reflet de la Jérusalem d’en haut, Israël marchera à la lumière de l’Église dans la gloire, et les nations marcheront à la lumière d’Israël.

Les « temps des Gentils » seront terminés par les pieds de la grande statue et leur autorité détruite par la « pierre coupée de la montagne sans mains ». Christ et ses saints commenceront à régner (Dan. 2, 44 ; 7, 27). C’est là la fin de la suprématie des Gentils. Dès lors les nations des sauvés auront toujours une position subalterne et dépendante. Israël sera comme la rosée du Seigneur — un centre de lumière — puissance et bénédiction, une nation sainte et une sacrificature royale (Ex. 19, 6 ; És. 11, 10 ; 19, 25 ; 60, 3 ; Jér. 16, 19). Non seulement les Gentils reconnaîtront leur dépendance (Ps. 18, 43), mais abandonnant les idoles, ils adoreront le seul vrai Dieu (Matt. 28, 19, 20 ; Zach. 14, 16 ; És. 56, 7 ; Matt. 21, 13). « Et en toi (Abraham) et en ta semence (Christ) toutes les nations de la terre seront bénies » (Gen. 22, 18).

Non seulement « les temps des Gentils » seront accomplis, mais la « plénitude des Gentils sera entrée » (Rom. 11, 25). Ils ont abusé de leur autorité, lorsqu’ils avaient le gouvernement du monde, et ils sont tombés ; ils ont abusé de leurs privilèges (spirituels) en ne demeurant pas dans la bonté de Dieu, et ils doivent être « retranchés ». C’est là proprement, et non pas l’Église, ce qui fait le sujet du chapitre 11 de l’épître aux Romains, l’abus du privilège et le jugement qui en est la suite.

Scène finale du règne personnel — Gog, résurrection et jugement éternel des méchants morts

Il y a plusieurs événements et différentes phases de jugement, qui se rattachent au retour du Seigneur pour prendre possession de son royaume (Luc 19, 12). En Matthieu 24 et 25, nous avons quatre de ces phases représentées par les paraboles du méchant serviteur, des vierges qui ont une position plus élevée dans le témoignage, des talents et du jugement des nations. Mais ces quatre phases ne renferment pas tout. Nous avons la destruction de Babylone qui précède le retour de Christ, celle de l’Antichrist qui en est le premier résultat ; puis vient celle de Gog, lors de sa première invasion (Apoc. 18 et 19 ; Éz. 38, 11). La scène finale du règne personnel ou des mille ans nous présente Gog encore une fois, puis elle se termine par la résurrection et le jugement éternel des méchants morts (Apoc. 20, 11).

L’Apocalypse — Droits de Christ à l’héritage terrestre, son trône dans le ciel, non encore reconnu sur la terre

Un mot sur l’Apocalypse. Je la considère sous six points de vue généraux, sans entrer dans les détails. Il y est question, en général, des droits du Christ à l’héritage terrestre, après que ces droits sont reconnus dans le ciel (11, 18). C’est un débat entre Christ et les nations — ceux « qui détruisent la terre ».

Chapitre 1. Nous y voyons Jésus Christ premier-né d’entre les morts dans ses relations avec les témoignages existants. Les chapitres 2 et 3 nous montrent ces témoignages — assemblées ou églises — le jugement que le Seigneur porte sur chacune d’elles et le châtiment ou la récompense, résultant de ce jugement.

Les chapitres 4 et 5 sont un abrégé du conseil de Dieu. Nous y voyons Son trône dans le ciel, non encore reconnu sur la terre ; Sa puissance cependant est à la disposition du lion de la tribu de Juda. Celui-ci, quoique possédant toute puissance, n’agit encore qu’en grâce ; Il est là « comme un agneau qui a été égorgé », caché en Dieu, tandis qu’un autre use de Sa puissance en Sa faveur (Ps. 110, 1). Jusqu’au chapitre 19 de ce livre, le Seigneur n’est connu que par la foi comme l’Agneau, et Ses serviteurs, dans les différentes scènes qui sont mises sous nos yeux, Le « suivent », non pas encore comme le Roi ; c’est là ce qui se trouve au chapitre 19, mais comme « l’Agneau, où qu’il aille ». Ils reconnaissent Ses droits, jouissent de Ses sympathies et ont part à Ses souffrances (19, 4).

Le chapitre 5 nous montre, en principe, la création bénie, en suite de la rédemption, dans le chœur universel (v. 13).

L’Église ne se trouve pas dans l’action du livre ; elle est représentée dans le ciel

L’Église ne se trouve pas dans l’action du livre, c’est-à-dire depuis le chapitre 5, jusqu’au 21. Dans le chapitre 4, elle est représentée dans le ciel par « vingt-quatre anciens assis autour du trône, revêtus de vêtements blancs ». C’est un gouvernement parfait (douze plus douze égal vingt-quatre), dirigé par une sagesse parfaite. Les anciens sont vêtus de blanc, c’est une sacrificature royale.

Les chérubins ou êtres vivants, au milieu du trône, et autour du trône, pleins d’yeux — d’intelligence — semblent être occupés de l’Agneau, centre des conseils de Dieu. Il n’est pas fait mention ici de leurs roues, le moment d’agir sur la terre n’étant pas encore arrivé. Les ailes montrent la relation des chérubins avec le ciel ; les roues, leur relation avec la terre (Éz. 10, 9).

C’est proprement au chapitre 6 que commence l’action du livre. L’Agneau seul peut dévoiler les pensées secrètes de Dieu, cachées jusque-là. Ceux qui par la foi habitent en esprit dans le ciel, voient dans l’ouverture du livre la sentence de la terre. Il y a, dans cette ouverture des sceaux, quelque chose de bien solennel pour les saints de Dieu. Il est naturel à cette occasion de demander : Pourquoi donc cela a-t-il été scellé si longtemps pour l’Église ? La réponse est bien simple : parce que maintenant le temps est approché et que le mot d’ordre du Seigneur est celui-ci : « Oui, je viens promptement ».

Le Seigneur Jésus n’apparaît sur la scène qu’au chapitre 19, où Il conduit les armées du ciel qui participent à Son triomphe. Il écrase l’Antichrist — « la bête et le faux prophète », lie Satan, et Son autorité et Son règne commencent.

Son règne se termine en jugement, comme nous l’avons déjà dit. Les chapitres 20, 14 ; 21 ; 22 donnent, en principe, l’état éternel, la création restaurée, sanctifiée et bénie. Dieu et l’Agneau sont la lumière et le centre de tout.

C’est ici une brève et imparfaite esquisse. Pour entrer pleinement dans mon sujet, il faudrait des volumes, et n’écrivant que pour les simples, je ne puis pas l’approfondir davantage.


L’Église, corps de Christ

Le mot église se trouve pour la première fois dans le seizième chapitre de Matthieu, et se rapporte à quelque chose à venir qui n’existait pas encore. C’est ce que nous avons déjà montré. De plus nous avons vu que l’Église ne renferme pas tous les rachetés, qu’elle n’est pas Sion, et enfin qu’elle n’est pas « le royaume », mais une chose distincte. Examinons maintenant ce qu’elle est.

Un mystère — dispensation particulière de la grâce de Dieu, confiée à Paul « par révélation »

1° L’Église est appelée un « mystère » qui, en d’autres générations, n’a point été donné à connaître aux fils des hommes (Éph. 3, 5). Or l’histoire et les espérances d’Israël étaient déjà connues ; elles remplissent une grande partie de l’Ancien Testament. L’histoire et le jugement des Gentils, aussi bien que leur bénédiction future sous le Christ, sont de même annoncés dans l’Écriture. Enfin la nature et l’établissement du royaume faisaient aussi l’objet d’une révélation. En tout cela il n’y avait aucun « mystère », c’étaient des choses déjà « données à connaître ». Pour l’explication de ce mystère, nous devons donc chercher quelque autre chose qui n’eût pas été révélée auparavant.

2° Le mystère de l’Église est une dispensation particulière de la grâce de Dieu, communiquée à Paul « par révélation » : « c’est par révélation qu’il m’a fait connaître ce mystère ». Ce langage n’aurait pas pu être employé à l’occasion d’une chose déjà révélée. Dans Romains 16, 25, il est aussi parlé « du mystère qui a été tu dès les temps éternels ». Et dans Colossiens 1, 24, 26, nous lisons : « J’accomplis, à mon tour, ce qui manque des tribulations du Christ en ma chair, pour son corps, qui est l’Église… le mystère caché dès les siècles et dès les générations. Et maintenant il a été manifesté à ses saints ». Il est donc bien évident d’après ces passages, qu’ils s’appliquent à quelque chose qui n’était pas révélé dans l’Ancien Testament.

Le mystère n’était pas que les Juifs et les Gentils fussent également sauvés par Christ

3° Le mystère n’était pas que les Juifs et les Gentils fussent, les uns et les autres, également sauvés par Christ. Ce fait, loin d’être caché, avait été pleinement et clairement révélé. Le Seigneur le déclare Lui-même : « Il en viendra des régions de l’Orient et de l’Occident, et ils seront à table dans le royaume des cieux » (Matt. 8 ; voyez Rom. 10, 20). « Je me suis fait rechercher de ceux qui ne me demandaient point » (És. 65, 1, 2).

« C’est pourquoi, je te confesserai hautement parmi les nations ». « Nations, réjouissez-vous avec son peuple ». « Louez le Seigneur, vous, toutes les nations » (Rom. 15, 9-11). Voyez encore Amos 9, 11, 12, et Actes 15, 14, 17 — « Siméon a raconté comment Dieu a, pour la première fois, visité les nations, afin d’en prendre un peuple pour son nom ; et les paroles des prophètes s’y accordent, selon qu’il est écrit : Après ces choses, je retournerai et je réédifierai la tente de David qui est tombée… en sorte que le reste des hommes recherchent le Seigneur, ainsi que toutes les nations sur lesquelles mon nom est invoqué ». Ce fait, que le nom du Seigneur serait invoqué sur les Gentils, était révélé par les prophètes de l’Ancien Testament : ce n’était donc point un secret. Mais dans ce passage remarquable, nous ne voyons en aucune manière l’Église — le mystère. Tout ce qu’il nous apprend, c’est que, lorsque la maison de David sera rétablie, ce qui aura lieu par le trône de Christ, qui est à la fois « la racine et la postérité de David », les Gentils aussi seront placés sous la bénédiction. Il s’agit ici des bénédictions découlant du royaume. Les connaissances de Jacques ou des douze n’allaient pas alors au-delà. Et même cette application du passage d’Amos montre qu’il s’était fait un progrès décidé chez eux depuis le moment où, dans leur peu d’intelligence, ils avaient demandé à Pierre de rendre compte de son entrée chez Corneille (Act. 11, 2). Le préjugé national était si puissant en eux, qu’il fallut une vision pour ouvrir l’intelligence de Pierre et lui faire reconnaître les Gentils comme participants de la vie. Que le Dieu d’Israël avait un peuple parmi les Gentils aussi bien que parmi les Juifs, voilà tout ce que Pierre comprit de la vision, mais rien de plus. Le mystère était encore caché. Comme nous l’avons vu en parlant du royaume, le témoignage jusqu’à la mort d’Étienne, était que Dieu avait élevé à la gloire, dans le ciel, ce Jésus qui avait été rejeté, et qu’Il « attendait là que ses ennemis fussent mis pour son marchepied », alors que Son « peuple serait de franche volonté au jour de sa puissance » (Ps. 110, 1, 3) ; et que le « jour de sa puissance » commencerait, lorsque Israël se repentirait (Act. 3, 4 ; Os. 5, 15 ; Mich. 5, 3). Le Roi vint en Sion, mais Il fut méprisé et crucifié ; puis Il ressuscita des morts et fut reçu dans le ciel. Il fut de nouveau présenté à Israël et de nouveau refusé (Act. 3, 26). Tout ceci se termine par l’accusation d’Étienne.

L’Église dans le désert — la congrégation d’Israël

4° On pourrait objecter que nous avons « l’Église dans le désert » mentionnée par Étienne, et nommée en Actes 2, 47.

Mais cette difficulté s’évanouit, si l’on considère l’ambiguïté du mot église. En Actes 7, 38, cette expression désigne simplement le camp ou la congrégation d’Israël. Dans le verset 47 du chapitre 2 des Actes, il s’agit d’une assemblée ou réunion qui, de fait, était bien l’Assemblée aux yeux de Dieu et en réalité l’Église, mais non pas encore dans la pleine intelligence de son caractère et de sa vocation. C’était ce qui lui restait à apprendre. La grâce de Dieu s’arrêtait encore sur Jérusalem et le témoignage de l’espérance d’Israël se trouvait dans l’assemblée — l’Église — réunie au nom de Jésus. « Il nous a suscité une corne de salut en la maison de David son serviteur » (Luc 1, 69). Telle était encore l’espérance d’Israël, mais maintenant cette espérance reposait sur un Christ rejeté. Dans le chapitre 8 des Actes, nous voyons le Saint Esprit agissant dans la Samarie, comme s’il était en chemin pour aller vers les Gentils, comme Jésus l’avait fait auparavant après avoir été rejeté par Jérusalem (comparez avec Jean 4). Le neuvième chapitre raconte la conversion de Saul, accompagnée d’une nouvelle révélation, celle de l’unité de Christ et de ses membres : « Je suis Jésus que tu persécutes » (9, 5). Et Saul commença aussitôt à prêcher dans les synagogues que Jésus était le Fils de Dieu. C’est là un fait important, qui marque une ère nouvelle dans les voies de Dieu. Il nous révèle cette glorieuse vérité, que la Tête dans le ciel souffre dans ses membres ici-bas, car ils sont un.

Saul prêche dans les synagogues que Christ est le Fils de Dieu — point capital et qui marque une ère nouvelle dans les voies de Dieu

5° Qu’il y ait là quelque chose de différent de ce qui avait été jusqu’alors donné à connaître même à ceux qui étaient apôtres avant l’appel de Saul, c’est ce qui est bien évident. Paul appelle ce qui lui a été révélé « mon évangile ». C’est encore plus frappant dans l’original, Romains 16, 25 : « Selon mon évangile et la prédication de Jésus Christ, selon la révélation du mystère » ; c’est-à-dire la prédication de Jésus Christ, qui est suivant le « mystère tu dès les temps éternels et maintenant manifesté ». Dans un autre endroit, il appelle ce témoignage « l’évangile de la gloire » (1 Tim. 1, 11). Et nous avons déjà remarqué la différence qu’il y a entre cet évangile et celui « du royaume ». En Galates 2, 2, il est dit encore : « Et j’y montai d’après une révélation ; et je leur exposai (à Pierre, Jacques, etc.) l’évangile que je prêche parmi les nations, et en particulier à ceux qui sont considérés, de peur que je ne courusse ou n’eusse couru en vain ». Il est bien évident que, si l’évangile de Paul et celui de Pierre avaient été les mêmes, le premier n’aurait point eu besoin d’user d’une semblable précaution pour faire connaître ce qui aurait déjà été connu de tous ; et bien plus, la mission de Paul à Jérusalem aurait été sans but, car Pierre lui-même avait déjà prêché Christ aux Gentils (Act. 10). Cependant il y monta par révélation ; il avait un ordre spécial du Seigneur pour y aller et cela dans ce but spécial. Les douze durent comprendre que c’était là un point capital ; pour eux c’était une chose nouvelle. C’est là ce qui rend Paul si jaloux de sa mission apostolique, distincte de tout autre, et complètement indépendante de tous ceux qui avaient été avant lui. — « Je ne l’ai reçue ni apprise d’aucun homme, mais par le moyen d’une révélation de Jésus Christ » (Gal. 1, 12). Et encore : « Lorsqu’il a plu à Dieu de révéler son Fils en moi » (non à moi mais en moi, c’est-à-dire par le Saint Esprit habitant en lui et l’unissant vitalement à Christ dans la gloire ; c’était une chose toute nouvelle), « afin que je l’annonçasse parmi les nations, aussitôt je ne consultai ni la chair ni le sang, et ne montai point à Jérusalem vers les apôtres qui l’avaient été avant moi » (v. 17). Il est évident, d’après ces passages, que Paul était un apôtre sui generis, et que ceux qui s’efforcent de confondre son apostolat avec celui des douze, tombent dans une confusion complète, soit quant à l’Église, soit quant au royaume.

Évangile de Paul, prédication du mystère révélé qui lui avait spécialement été donné à connaître — Union personnelle avec Celui qui est le Fils de Dieu — le chef dans la gloire

Ce que Paul appelle « mon évangile », c’est la prédication du mystère révélé, qui lui avait été tout spécialement donné à connaître. Puis, joint à cela, et, en principe, à sa base, c’était le Fils de Dieu en lui — « Christ en vous, l’espérance de la gloire ». « Le mystère… manifesté à ses saints, auxquels Dieu a voulu faire connaître quelle est parmi les nations la richesse de la gloire de ce mystère, qui est Christ en vous, l’espérance de la gloire » (Col. 1, 26, 27). Ces paroles sont la belle et énergique expression de l’union personnelle avec Celui qui est le Fils de Dieu — le chef dans la gloire. Et, comme conséquence, Jésus glorifié est, pour la foi de Son peuple, le gage de tout ce qu’il attend ; et le Saint Esprit, par le moyen duquel cette union est opérée et maintenue, est les arrhes qui garantissent que, lorsque Celui qui est notre vie apparaîtra, nous aussi nous paraîtrons en gloire avec Lui (Col. 2, 1-3). Voilà l’essence de l’évangile ou de la prédication de Paul. Ce n’était donc pas seulement une amplification ou un développement plus complet de ce qui avait déjà été donné, bien que la croix soit le fondement de tout, mais c’était essentiellement une chose nouvelle, la révélation de cette merveilleuse vérité, que nous sommes maintenant, quoique dans la faiblesse et dans la souffrance ici-bas, unis au Fils de Dieu dans la gloire. La sanctification intérieure de ceux qui réalisent cette vérité doit être en rapport avec elle, et la conséquence en est une séparation de cœur et d’intention, d’avec ce présent siècle mauvais par lequel Jésus a été rejeté, et dont Il nous a rachetés et retirés (Gal. 1, 4). Des vues moins élevées sur Christ, fussent-elles même vraies, ne peuvent opérer cette séparation ni produire ces fruits. Il faut pour cela Sa puissance de vie dans l’âme ; et les instincts de cette vie s’unissent avec les intercessions de l’Esprit dans l’Épouse, pour soupirer après Son apparition. « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ». Et comme réponse à ce cri, Jésus dit : « Oui, je viens promptement » (Apoc. 22, 17, 20).

Les deux témoignages de Paul concernant l’Église et le royaume marchent parallèlement

Mais si c’était là la dispensation de l’évangile commise à Paul, il n’a cependant jamais perdu de vue « le royaume ». Dans son ministère, en effet, les deux témoignages concernant l’Église et le royaume, marchent pour ainsi dire parallèlement (comparez Act. 24, 15 ; 26, 6, 7 ; 28, 20). « C’est à cause de l’espérance d’Israël que je suis entouré de cette chaîne ». Et encore : « Il leur exposait le royaume de Dieu, en rendant témoignage et leur persuadant les choses qui regardent Jésus » (v. 23). Puis il leur cite Ésaïe 6, qui annonce l’aveuglement des Juifs, et il ajoute : « Le salut de Dieu a été envoyé aux Gentils » (v. 28). « Il demeura deux ans entiers, est-il dit encore,… prêchant le royaume de Dieu et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ » (v. 31). Ces deux témoignages, quoique distincts, sont cependant unis, et, dans un sens, inséparables. On ne peut prêcher l’un avec intelligence, sans annoncer en même temps l’autre. C’est dans les épîtres de Paul que nous trouvons le mystère dévoilé, car c’est là que sont déposés les enseignements les plus profonds du Seigneur. Ayant déjà vu, combien ces deux choses — l’Église et le royaume — sont distinctes dans leur nature, nous comprendrons maintenant plus facilement qu’elles le soient aussi dans la prédication qui en est faite. L’apôtre était au fond, dans sa propre personne, un type à la fois de l’une et de l’autre. Il était le type de la conversion d’Israël — « un exemple de ceux qui plus tard croiraient en lui (Jésus) pour la vie éternelle » (1 Tim. 1, 16) ; et de plus, il était le serviteur de l’Église (Col. 1, 25). Nous voyons donc clairement que, si Paul possédait, en commun avec les douze apôtres juifs, le témoignage du royaume, il avait, en outre, une mission distincte, qui lui avait été conférée par une révélation du Seigneur : c’était « le mystère » — l’Église — le corps de Christ, dont il était, en un sens unique, le serviteur. Cette circonstance faisait de lui un apôtre spécial, différent des douze et dans un sens que ceux-ci ne pouvaient pas comprendre. Une autre chose qui marque cette distinction, c’est que les douze furent appelés et établis par le Seigneur dans la chair, et qu’ils Le connaissaient selon la chair, tandis que Paul ne Le connut que dans la gloire (2 Cor. 5, 16). Le fait est que l’appel de Paul fut une suspension virtuelle et non une annulation de l’apostolat du royaume qui était confié au douze. Je ne parle pas de leur ministère, car, sur ce point, il y eut, au contraire, entente entre Paul et Pierre, afin d’éviter toute confusion, et pour que l’un ne bâtit pas sur le fondement posé par l’autre (Gal. 2, 9). En sorte que, si, d’abord, leur mesure d’intelligence pût différer (et il est évident qu’il en fut ainsi, puisque Paul monta à Jérusalem pour instruire Pierre — Gal. 2) ; et si, humainement parlant, ils purent tendre à des buts différents, il n’en était cependant pas ainsi dans la pensée du Seigneur, car le fruit de leur ministère fut l’Église — le corps ; les sujets du royaume devenaient les membres du Christ. C’est ainsi que les nombreux Juifs convertis par Pierre, comme un résidu d’Israël, furent renfermés dans ce qui était alors le dessein de Dieu, l’Église (voyez Rom. 9, 24 ; Éph. 1, 11, 13 ; 2, 16). Et bien que l’aspect ostensible du témoignage rendu le jour de la Pentecôte et jusqu’à la mort d’Étienne, fût en rapport avec le royaume, cependant ce royaume n’ayant pas été établi en puissance, ses sujets déjà rassemblés furent introduits dans une « chose meilleure », en vertu de leur union avec Jésus rejeté ici-bas, mais glorifié dans le ciel. C’est ce qui est ensuite donné à connaître par une révélation nouvelle et spéciale, comme un mystère qui avait été « caché en Dieu dès le commencement du monde » (Éph. 3, 9).

Le mystère — plusieurs phases — 1. Le corps de Christ ; 2. formé de Juifs et de Gentils ; 3. la plénitude de Celui qui remplit tout en tous

Ce mystère peut être considéré sous plusieurs aspects.

1° C’est le corps de Christ (Col. 1, 24).

2° C’est un corps formé de Juifs et de Gentils : — cohéritiers et du même corps — de telle sorte que toute distinction nationale cesse et que tous deviennent, dans cette union les uns avec les autres et avec Christ, un homme nouveau ; ils sont, les deux ou les uns et les autres, un seul corps, réconcilié avec Dieu par la croix (Éph. 2, 16).

C’est là tout autre chose que le simple fait de Juifs et Gentils sauvés.

Abraham conserve son caractère juif bien distinct et c’est ce que font aussi les Juifs et Gentils sauvés dans les dispensations précédentes, et il en sera encore de même dans la dispensation future. Le mystère n’est donc pas, que les Gentils soient sauvés, aussi bien que les Juifs, mais bien, qu’ils deviennent un seul et même corps, le corps de Christ, et ressuscité en Lui. Cela n’est pas dit de Juifs ou de Gentils comme tels (voyez Ex. 18, 12 ; És. 55, 7).

3° Ce corps est appelé la plénitude ou le complément de Celui qui remplit tout en tous (Éph. 1, 23) ; ou, comme cela est exprimé en substance, l’Église est l’achèvement du Christ. De là vient que, dans 1 Cor. 12, 12, elle est appelée Christ : « Comme le corps est un et qu’il y a beaucoup de membres, de même en est-il de Christ ». C’est ce qui est exprimé d’une manière plus frappante encore, dans Éphésiens 5, 30, 32 : « Nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os ; les deux seront une seule chair : Ce mystère-là est grand ; or je parle de Christ et de l’Église ». Il est fait ici allusion à Adam et Ève, et ce sont les paroles d’Adam qui sont ici rapportées : — « À cette fois, celle-ci est os de mes os, et chair de ma chair ; on la nommera hommesse, parce qu’elle a été prise de l’homme » (Gen. 2, 23[11]).

L’essence ou la vie d’Ève existait avant sa manifestation. Elle ne fut pas tant une création qu’un développement de ce qui existait déjà en Adam. De même, la vie de son corps, l’Église, préexistait en Christ ; et Lui, ayant dans la mort passé à travers le sommeil antitypique d’Adam, apporte en ressuscitant, comme résultat de la rédemption — « la vie et l’immortalité mises en évidence par l’évangile ». Son corps est tiré de Lui-même. Christ et Son Église sont un. Quel profond mystère en effet (Gen. 1, 27 ; 2, 21, 22) !

La vocation céleste est un autre caractère du mystère

4° La vocation céleste est un autre caractère du « mystère ». C’est le résultat de la réjection ici-bas de Celui qui n’est maintenant connu que dans le ciel. Là l’Église est, en principe, en esprit, bénie en Lui — « bénie de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ » — « ressuscités ensemble et fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Jésus Christ » (2, 5, 6). « Inconnue » ici-bas, lieu de l’appel terrestre d’Israël, mais connue en Christ dans le ciel, où nous serons avec Lui à jamais (Jean 14, 3) : telle est la vocation de l’Église, parce que c’est la propre vocation de Christ Lui-même et qu’elle est une avec Lui. Aussi est-elle invitée à « marcher d’une manière digne de la vocation dont elle a été appelée » (Éph. 4, 1). « Frères saints, participants de la vocation céleste », sont aussi appelés (en Héb. 3, 1) ceux qui ne voient pas encore toutes choses mises sous les pieds de Jésus, mais qui, cependant, par la foi, Le contemplent couronné dans le ciel. Toutes leurs relations sont avec Lui et par conséquent célestes. Lui, le premier, comme « précurseur », est devenu participant de cette vocation céleste, et nous, nous le devenons en Lui et avec Lui (voyez Héb. 2, 9 ; 3, 1 ; 6, 20). L’Église en a donc fini avec la terre, car elle « est morte et ressuscitée avec Christ » (Col. 3).

L’Église, comme morte et ressuscitée avec Christ, en a fini avec la terre

Jusqu’ici nous avons considéré l’idée abstraite ou, si je puis m’exprimer ainsi, l’idéal de l’Église, telle qu’elle existait dans la pensée éternelle du grand architecte et telle qu’elle sera manifestée, lorsque « Christ se la présentera à lui-même, une Église glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais, au contraire, sainte et sans défaut » (Éph. 5, 27) — parfaitement « conforme à l’image du Fils de Dieu », lequel est le pur et resplendissant reflet de Lui-même (Rom. 8, 29). C’est là ce qui aura lieu, « selon le dessein arrêté dès les siècles, qu’il a formé en Jésus Christ notre Seigneur » (Éph. 3, 11 ; Apoc. 19, 7 ; 21, 9, 23).

L’Église renferme tous les saints depuis le jour de la Pentecôte jusqu’à son enlèvement à la rencontre du Seigneur dans la gloire

Il est évident que ce corps renfermera tous les saints qui ont existé ou qui existeront, depuis sa fondation au jour de la Pentecôte jusqu’à l’enlèvement de l’Église au-devant du Seigneur dans la gloire. Le Seigneur s’adresse ainsi au Père : « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du monde… Et je ne suis plus dans le monde. Et ceux-ci sont dans le monde… ils ne sont pas du monde… de même que moi je ne suis pas du monde… Or je ne prie pas seulement pour eux, mais aussi pour ceux qui croiront en moi par le moyen de leur parole ; afin que tous soient un ». Il n’est pas besoin de faire remarquer que, lors de sa formation comme corps à la Pentecôte, l’Église embrassait tous les saints contemporains. Il est bien évident encore que le témoignage de l’Église continuera aussi longtemps qu’elle sera sur la terre. Mais après qu’elle aura été enlevée, une autre espèce de témoignage sera suscité, à savoir : — la proclamation de « l’évangile du royaume » (comparez Matt. 10 ; 24, 14). « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par toute la terre, en témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin » (du siècle) (Matt. 28, 19). Ce témoignage doit être subséquent à celui de l’Église, car il se rattache à « la fin du siècle » (ou de la dispensation de la longue patience de Dieu), or cette fin du siècle ne se rapporte jamais à l’Église, qui est céleste dans son appel et dans ses relations. Le résultat de ce témoignage subséquent sera le rassemblement des sujets « du royaume » ; car l’Église ayant été retirée de la scène de son témoignage ici-bas, « le siècle » achèvera sa course, de la même manière, dans un certain sens, que si rien n’était arrivé, depuis que le royaume fut offert à Israël, au nom de Jésus ressuscité comme Seigneur et Christ (Act. 2 ; 3).

Il résulte de là que ce témoignage concordera avec celui de la dernière semaine de Daniel, et en conséquence les Juifs reparaissent sur la scène (voyez Dan. 11, 33 ; 12, 3 ; Apoc. 7, 4 ; 14, 1).

Le rassemblement des sujets du royaume

L’Église étant déjà dans la gloire, et Satan précipité du ciel sur la terre, les événements se presseront avec une rapidité sans égale dans l’histoire du monde. On verra se succéder le règne court mais terrible de l’Antichrist, la grande tribulation, et, pour clore la scène, le Seigneur Jésus Christ comme « l’héritier — le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » — apparaîtra en personne pour écraser Ses ennemis, alors réduits à être le marchepied de Ses pieds. « Le trône sera établi en justice », et le règne médiatorial du Fils de l’homme commencera.

La venue du Seigneur pour juger le monde ne doit pas être confondue avec Sa venue pour enlever Son Épouse — l’Église

Mais nous ne devons pas confondre cette venue du Seigneur pour juger le monde, avec Sa venue pour enlever auprès de Lui Son Épouse, l’Église. L’espérance de l’Église est en harmonie avec sa vocation. Déjà glorifiée en principe dans son Chef — (« ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » — Rom. 8, 29, 30), elle n’attend que Son apparition pour paraître elle aussi avec Lui en gloire (Éph. 5, 30 ; Col. 3, 3). En sorte que demander quelle est l’espérance de l’Église, c’est demander au fond quelle est celle de Jésus Lui-même. Or écoutez l’expression des désirs de Jésus en Jean 17, 23, 24 ; et dans 1 Thessaloniciens 1, 10, il est dit : « Pour attendre des cieux son Fils ». « Car le Seigneur lui-même avec un cri de commandement, avec une voix d’archange et avec une trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts dans le Christ se relèveront premièrement. Ensuite nous, ceux qui seront vivants et restés, nous serons ravis ensemble avec eux (les morts en Christ) dans les nuées, à la rencontre du Seigneur en l’air ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thess. 4, 16, 17). En tout ceci, il ne s’agit que de l’Église. C’est dans 2 Thessaloniciens 1, 7-10, qu’il est parlé du jugement du monde. L’enlèvement de l’Église est un événement qui ne touche le monde en aucune manière, si ce n’est qu’alors la lumière et le témoignage de la grâce lui seront ôtés avec elle. Quand le Seigneur vient en jugement, c’est bien du monde qu’il est question. Alors les saints, au lieu d’être jugés, jugeront et les hommes et les anges (voyez 1 Cor. 6, 2, 3).

Le jour du jugement, toute la période du règne du Fils de l’homme

L’expression jour du jugement est ambiguë et l’idée qu’on s’en forme vulgairement n’est point scripturaire. De fait, elle désigne dans la Parole la période tout entière du règne du Fils de l’homme, et dans un certain sens, elle est synonyme de celles de règne personnel« des temps du rétablissement de toutes choses » — et de millénium. Ce ne sont là que différentes phases d’une même chose. Le règne médiatorial commence et se termine par un jugement. Il commence par le jugement des vivants et se termine par celui des vivants et des morts (comparez 2 Thess. 1, 7 ; Matt. 25 et Apoc. 20, 14, 15).

Le premier jugement des vivants est le commencement de ce règne du Seigneur, le dernier en est la scène finale, qui précède le moment où le Seigneur « remet le royaume à Dieu » (1 Cor. 15, 24). Ce jour du jugement qui est mentionné en 2 Pierre 3, est appelé « le jour du Seigneur ». Il durera des centaines d’années et comprendra plusieurs événements. Pierre rapporte les principaux, et il met ces terribles réalités en contraste avec les temps actuels, qui sont ceux « du long support et de la patience de Dieu », pendant lesquels les hommes se moquent même de Dieu avec une impunité apparente. Mais alors ils connaîtront, que ce qui est appelé « leur jour » et, pour la même raison, le jour de Dieu, « est venu ».

L’Église en rapport avec le temps

Nous avons maintenant à considérer l’Église dans sa relation avec le temps. Sous ce rapport aussi, elle est en harmonie avec sa nature élevée et ses glorieuses destinées. Depuis sa fondation à la Pentecôte, jusqu’à sa consommation dans la gloire, il y a toujours eu et il y aura toujours sur la terre un corps appelé l’Église, reconnu de Dieu et dans lequel le Saint Esprit habite. Ce corps renferme tous les saints existant simultanément sur la terre à un moment donné ; quelque séparés qu’ils soient par la distance, quelque divisés même qu’ils puissent être entre eux, Dieu les considère comme un, et Il s’adresse à eux dans Sa Parole comme étant un. Les séparations locales ne peuvent jamais, dans la pensée de Dieu, altérer cette unité. « Un seul corps, un seul Esprit », telle est l’estimation du Seigneur. Et ne doit-elle pas être aussi la nôtre ? Cette unité est la conséquence de l’union de tous les membres du corps, d’abord avec Christ comme Tête ; en second lieu, les uns avec les autres, comme étant tous en Lui. Ce n’est pas ici une union volontaire dans sa nature, mais involontaire, car c’est une union dans la vie. C’est là ce qui fait la différence essentielle entre l’Église et une simple association. Les membres d’une association peuvent avoir entre eux divers liens intellectuels, moraux, physiques, et c’est la reconnaissance de ces liens qui détermine ce qu’est leur union. Le fait de notre naissance peut nous rendre naturellement membres d’une nation ou d’une famille, mais même ces circonstances involontaires d’union ne nous présentent pas une image exacte de l’union de l’Église, quoique, dans un sens moral, les notions qui s’y rattachent puissent être employées à dépeindre l’union et l’unité de l’Église. L’unité du corps humain est l’image que le Saint Esprit emploie pour décrire l’unité du corps de Christ. Elle a sa source dans la vie. Mes mains, mes bras entrent dans l’unité de mon corps, parce que, en tant que ses membres, ils participent à une seule et même vie, et obéissent à un même esprit. Il en est de même quant à l’unité de l’Église de Dieu. Tous les membres ne forment qu’un seul tout, parce qu’ils participent à une vie commune, et sont mus par la volonté d’un seul et même esprit. Si mon doigt est une partie de mon corps, ce n’est pas là une affaire de volition, mais bien de nécessité ; heureuse nécessité, il est vrai, que je ne voudrais pas changer. De cette union découlent des affections, des sympathies, des instincts, dont l’exercice prouve la vigueur de la vie intérieure. Et les diverses relations coordonnées, subordonnées, respectives et mutuelles, qui en résultent, répandent dans toutes les parties l’union d’un seul tout actif et harmonieux. L’agent de cette union et la puissance de l’unité qui en est la conséquence, c’est le Saint Esprit, « ce même Dieu qui opère toutes choses en tous » (1 Cor. 12, 6).

Dans le chapitre 4 de l’épître aux Éphésiens, nous voyons qu’il y a « un seul corps et un seul esprit ». Et d’après d’autres passages des Écritures, nous apprenons que ce qui constitue l’unité du corps, c’est le seul Esprit, le Saint Esprit. Ainsi dans 1 Corinthiens 12, 12-14, on lit : « Car comme le corps est un, quoiqu’il ait plusieurs membres, et que tous les membres de ce seul corps, quoiqu’ils soient plusieurs, ne forment qu’un corps, de même en est-il de Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour (être) un seul corps… car le corps n’est pas un seul membre, mais plusieurs ». Il est évident d’après cela que c’est le baptême du Saint Esprit qui constitue l’unité du corps. Et il est affirmé, au verset 27, que ce corps est le corps de Christ. En comparant les passages suivants (Act. 1, 8 ; 2, 4 ; 10, 47 ; 11, 16), on voit clairement ce que signifie le baptême du Saint Esprit.

Abel, Abraham et d’autres sauvés, mais non membres l’un de l’autre. Il n’est jamais parlé d’eux comme étant un seul corps ou comme étant le corps de Christ

On comprend aisément que des saints comme Abel, Abraham et d’autres puissent être sauvés en tant qu’individus, sans qu’il y ait nécessairement entre eux une unité de corps. Et c’est en cela que consiste, dans un certain sens, la différence entre la vie que nous possédons et celle des saints qui ont précédé l’Église (aussi bien que de ceux qui seront convertis après son enlèvement). Ces saints, même en étant contemporains, et participants de la vie, n’étaient pas, par là même, « membres les uns des autres ». Il en aurait été ainsi, si l’unité eût consisté simplement dans la possession de la vie, et non dans le baptême d’un seul Esprit pour un seul corps. Jamais il n’est parlé de ces saints comme étant un seul corps ou le corps de Christ. Jean 7 met cette vérité hors de toute espèce de doute : « Or, il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui, car il n’y avait pas encore d’Esprit Saint, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (v. 39, comparé avec Act. 19, 2). Ce dernier passage est bien remarquable. Ces disciples, qui ne connaissaient rien de plus que l’enseignement de Jean-Baptiste, savaient pourtant par cet enseignement même que le Saint Esprit devait être donné (voyez Matt. 3, 11). Le sens exact de ce verset est donc : « Nous n’avons pas ouï dire que le Saint Esprit soit, c’est-à-dire qu’il ait encore été donné ». Ces disciples étaient déjà dans le corps, car le Saint Esprit avait été donné ; mais ils ne le savaient pas et ils avaient besoin d’en être instruits. De même pour Apollos (voy. Act. 18, 25). Tous étaient déjà réellement incorporés à l’Église, mais ce ne fut qu’alors qu’ils entrèrent dans la jouissance de ses privilèges. « Ainsi », est-il ajouté, « le Saint Esprit vint sur eux, et ils parlaient des langues » (v. 6). Lisez ce passage.

L’habitation du Saint Esprit, trait caractéristique de l’Église — un seul corps en Christ

L’habitation du Saint Esprit est ce qui caractérise l’Église et ce qui distingue ses membres — en faisant d’eux un seul corps en Christ — des saints qui ont existé auparavant.

Ce corps sur la terre, temple du Saint Esprit — habitation de Dieu par l’Esprit

Ce corps donc, en tant que vu sur la terre, est le temple du Saint Esprit, l’habitation de Dieu par l’Esprit (2 Cor. 6, 16 ; Éph. 2, 22). Il est vrai aussi, et c’est une conséquence de cette première vérité, que chacun des membres du corps est individuellement un temple du Saint Esprit ; car c’est un seul et même Saint Esprit habitant aussi bien dans chaque membre que dans l’ensemble des membres. Mais le mode d’action du Saint Esprit dans le corps, diffère de Son action dans l’individu. Il agit sur le corps en tant que corps de Christ, maintenant l’unité de l’ensemble dans la mesure de chaque partie. Pour ce qui est de l’individu, Il entretient l’union de l’âme avec Christ : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit » (1 Cor. 6, 17). Il nourrit les affections qui conviennent aux relations de l’âme avec Christ et avec Son corps, l’Église, et Son énergie se déploie suivant la place qu’occupe chaque membre individuellement dans le corps.

Ce corps sur la terre est « l’habitation de Dieu ». Dieu l’Esprit demeure en lui pour le soutenir et l’animer ; de là l’exhortation : « Vous empressant de conserver l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix ». Et la raison qui l’appuie : « Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous êtes appelés dans une seule espérance de votre appel ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Éph. 4, 3-5). Chaque saint est responsable du maintien de cette unité ou de cette action d’un seul Esprit dans le corps universel ; la mettre de côté, n’y pas avoir égard, c’est mettre de côté l’autorité du Seigneur — « un seul Seigneur ». Est-ce là ce que font les chrétiens ? Ne s’efforcent-ils pas, en bien des cas, de maintenir une pluralité, pour ainsi dire, au lieu de l’unité de l’Esprit ? Les systèmes ecclésiastiques des hommes ne nient-ils pas, à la fois, que le corps est un et que l’Esprit est un aussi ? La souveraineté d’un seul Seigneur n’est-elle pas mise en question par la suprématie de l’homme, exercée dans ce corps même dont Christ est Seigneur et Chef ? La volonté de l’homme n’a-t-elle pas comme défié la volonté du Saint Esprit ? Ce sont là de solennelles questions, auxquelles chaque conscience répondra devant le Seigneur[12].

L’Église sur la terre, considérée sous deux aspects, sa constitution intérieure et son témoignage extérieur

L’Église sur la terre doit être considérée sous deux aspects différents : 1° dans sa constitution intérieure, 2° dans son témoignage extérieur. En l’une et en l’autre, l’autorité est le Seigneur Jésus, et la puissance l’Esprit Saint. Telles sont les deux conditions essentielles, auxquelles doit satisfaire un corps quelconque pour qu’il soit une église. Si l’autorité du Seigneur exprimée dans la Parole, y est peu estimée, si elle est remplacée par la sagesse ou les convenances de l’homme, un tel corps n’a nullement le droit de s’appeler une église. Ou si, d’un autre côté, la simple énergie humaine, énergie intellectuelle ou autre, est substituée à l’opération du seul Esprit, la place du Saint Esprit dans le corps est virtuellement niée ; — en d’autres termes, Dieu est mis de côté pour faire place à l’homme.

1. Quant à la constitution intérieure de l’Église, nous la trouvons dans 1 Corinthiens 12. L’existence et l’organisation du corps sont par l’Esprit (comparez v. 13, 27 et 4). « Les diversités d’opérations » ne sont pas attribuées aux talents des hommes, comme aujourd’hui, mais à Dieu. Dans le corps, chaque vaisseau a sa place et sa fonction particulière, mais l’exercice de ces fonctions ne se fait pas par l’esprit de l’homme, mais par celui de Dieu. C’est Lui qui emploie le vaisseau. « À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit pour l’avantage commun » (v. 7) ; c’est-à-dire pour l’édification du corps. Si l’on objecte que ces instructions se rapportent à un état de choses particulier, je l’admets ; mais je demande pourquoi cet état n’existe plus. Parce que, en ceci, comme en toute autre chose, l’homme a gâté l’œuvre de Dieu et a changé l’ordre que Dieu avait établi. Si l’on dit que ces instructions sont locales et ne s’appliquent qu’à Corinthe, je le nie ; car elles sont adressées à tous les saints — « à tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre » (1, 2). Ceci est universel et quant au temps et quant aux lieux. Le nier, c’est nier l’inspiration de l’épître. Si l’on objecte encore, qu’il est fait mention ici de dons qui n’existent plus dans l’Église, je demanderai : Qui vous l’a dit ? Ils peuvent ne pas être manifestés, je l’admets ; mais n’être pas manifesté ou ne pas exister sont deux choses très différentes. Nier la présence d’un don, parce qu’on ne le voit pas, cela équivaut à nier la présence du Saint Esprit. La présence de l’Esprit dans l’Église n’est pas un fait qui tombe sous les sens, mais une affaire de foi (Jean 16, 13 ; 14, 16). Si je sais que l’Esprit est dans le corps, je sais aussi qu’Il est souverain et qu’Il « distribue ses biens à chacun en particulier selon qu’Il le veut » (1 Cor. 12, 11). Si donc l’Église Le possède aujourd’hui, et nous savons qu’elle Le possède, Il peut distribuer Ses biens maintenant comme alors… Ce n’est pas la présence du don, mais la présence de l’Esprit, qui est la question importante.

J’admets bien que nous ne voyons pas maintenant la manifestation des mêmes dons que l’Église possédait jadis. Mais si Apollos exerçait son ministère de nos jours, son don serait-il attribué au Saint Esprit ou à des talents supérieurs ? À cette dernière cause dans la plupart des cas ! Apollos passerait pour un homme de talent ! Voilà où l’Église en est venue ! N’est-ce pas une chose bien sérieuse ?

Les dons miraculeux enlevés

Il y a trois raisons, entre beaucoup d’autres, qui peuvent moralement expliquer comment il se fait que certains dons, appelés miraculeux, ont été retirés.

Premièrement — Ces dons n’avaient pas tant pour but l’édification du corps, que la confirmation, aux yeux du monde, du caractère divin de l’évangile. « Selon que le témoignage du Christ a été confirmé parmi vous ». « Les langues servent de signe, non pour les croyants, mais pour les incrédules » (1 Cor. 14, 22, comp. Marc 16, 17, 20). Mais comme le témoignage de Christ a maintenant une certaine place reconnue dans le monde, des signes semblables ne l’accréditeraient pas de la même manière. Et à cause de leur rapport avec l’œuvre de Satan dans les derniers jours, les miracles jetteraient plutôt du doute sur le témoignage, bien loin de servir à le confirmer.

Deuxièmement — L’Église étant dans un état d’apostasie tel, qu’elle renie virtuellement la seigneurie de Jésus, et qu’elle contriste et éteint positivement le Saint Esprit, cet Esprit ne pourrait pas manifester Sa puissance — (celle de Christ, car les dons de l’Esprit sont la manifestation de la puissance de Celui qui est monté en haut, Éph. 4, 8)… de manière à accréditer un système comme celui qui est maintenant appelé l’église chrétienne ; ce serait commettre Son nom, en l’attachant au mal même qu’Il vient juger (Jude 14, 15), et identifier Christ avec le monde, qui est devenu l’équivalent de l’Église, ou comme on dit, le « monde chrétien » (Jean 15, 19).

Troisièmement — Quoiqu’il y ait encore à présent, comme autrefois en Israël, un « résidu, qui gémit et qui soupire, à cause de toutes les abominations qui se commettent au-dedans » (Éz. 9, 4), cependant il ne se trouve pas un corps de saints, constitué de manière à ce que le Seigneur puisse l’accréditer par une investiture de puissance. Le résidu, qui s’échappa de Babylone, fut replacé sous la bénédiction ; mais il avait perdu les insignes de la royauté : il n’avait plus ni trône, ni urim et thummim. Ainsi en est-il aujourd’hui. Là où deux ou trois sont rassemblés au nom de Jésus, Il est au milieu d’eux, non pas pour les investir d’une puissance extérieure — ce serait comparativement un pauvre gage de son amour — mais pour réjouir leurs cœurs affligés — pour consoler, pour édifier et pour bénir.

Tous les dons pour l’édification se trouvent encore

Tous les dons qui sont pour l’édification du corps se trouvent encore maintenant. Ce peut être dans une faiblesse comparative, mais enfin ils se trouvent, et ils sont la preuve de l’amour et de la fidélité du Sauveur (voy. Rom. 12). Ces dons, nous les voyons encore. Le chapitre 4 des Éphésiens nous dévoile, pour ainsi dire, ce douaire de l’épouse, gage de l’amour et preuve de la puissance de Celui qui est monté en haut. Et ces dons doivent subsister « jusqu’à ce que nous parvenions tous… à la mesure de la stature de la plénitude du Christ » (v. 13). Ce sont ceux « d’apôtres[13], de prophètes, d’évangélistes, de pasteurs et de docteurs » (v. 11). Ils demeurent toujours — peu importe le temps et le lieu de leur manifestation — pour les besoins de l’Église.

Jugement sur Ananias et Sapphira, etc.

2. Le témoignage extérieur de l’Église découle de sa constitution intérieure et consiste dans l’exercice de ses fonctions et de ses dons en présence du monde. C’est ce qui fut évident à son inauguration le jour de la Pentecôte (Act. 2, 12). Elle fut alors investie de la puissance visible de son Chef ressuscité qui, l’ayant rachetée par Son propre sang, la relevait de la malédiction de Babel ; car ils parlaient « en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (v. 4). C’était là « la ville située sur une montagne ». L’Église était présentée aux hommes et aux anges comme « la colonne et l’appui de la vérité ». Mais cette puissance n’était pas son seul témoignage auprès du monde ; elle avait aussi des lettres de créance purement morales. Le jugement d’Ananias et de Sapphira prouva que le Dieu de vérité et de sainteté habitait dans Son temple. Et non seulement cela, mais elle possédait, dans l’exercice de ses dons ordinaires, une force morale qui pénétrait jusqu’au cœur, qui découvrait et révélait l’état de la conscience de l’incrédule, en sorte que, « tombant sur sa face, il adorait Dieu et déclarait que Dieu était véritablement au milieu d’elle » (1 Cor. 14, 24, 25). Ce n’était point là l’effet de quelque puissance extraordinaire, mais simplement le pouvoir de la vérité sur la conscience. Ce pouvoir nous reste, Dieu en soit béni ! et il peut encore maintenant porter les mêmes fruits, quoique dans la faiblesse. Mais il y a de plus la place de l’évangéliste ou prédicateur qui va, sous sa propre responsabilité individuelle, annoncer Christ à ceux « qui n’en ont point entendu parler ». Ce don demeure aussi, et même il se manifeste de nos jours d’une manière bénie soit dans la chrétienté, soit dans les contrées païennes ; bien que ce ne soit que d’un petit nombre de ces chers serviteurs de Christ qu’on puisse dire : « car c’est pour son nom qu’ils sont partis sans rien recevoir des nations » (3 Jean 7). En effet l’Église se trouve dans un tel état de chute, que des associations volontaires pour les missions sont substituées à l’action de l’Esprit dans le corps de Christ, et qu’on va même jusqu’à demander à un monde incrédule les fonds nécessaires pour cette œuvre. Et non seulement la bourse, mais aussi le patronage et les titres pompeux du monde sont recherchés en faveur des messagers du saint Jésus. Ne sont-ce pas là des signes effrayants ? Tandis que l’épouse d’Abraham était captive, lui-même était enrichi des dons de Pharaon : dons qui l’honoraient et le dégradaient à la fois. Quel tableau de l’Église en captivité !

Nous avons déjà vu que la vraie question n’est pas de savoir si l’Église possède des dons propres à son édification et au témoignage qu’elle a à rendre devant le monde, mais si elle possède encore le Saint Esprit. Or ceci, je le répète, est une affaire de foi, alors même que les preuves extérieures manqueraient. Mais elles ne manquent pas : des dons sont encore dans le corps, par cette raison que c’est le corps de Christ — l’Église (lisez Col. 2, 19). Le fait est que le corps, ayant perdu le sentiment de son union avec la Tête, a eu recours aux ressources du talent et de l’instruction, pour subvenir à ses besoins moraux, contristant ainsi l’Esprit et ne retenant point dans la foi et par expérience, « celui qui est la tête et duquel tout le corps, au moyen des jointures et des liens, étant bien coordonné et étroitement uni, s’accroît d’un accroissement de Dieu ». Aucun des systèmes ecclésiastiques inventés par les hommes ne satisfait à ces conditions. Où sont « les jointures et les liens » ? Où est cet « accroissement du corps dans la mesure de chaque partie » ? Hélas ! nous les chercherions en vain. L’homme a mis de côté l’ordre établi de Dieu pour le remplacer par le sien propre.

La pensée de rétablir l’Église est une folie

Finalement, devons-nous abandonner la manière de faire de Dieu ou celle des hommes ? Dans la Parole nous trouvons l’ordre de Dieu. Dans l’état de choses actuel, nous avons la confusion de l’homme. Entreprendrons-nous de réformer les masses ? Ce serait une entreprise sans espoir, et tout à fait au-dessus de notre portée. Aucune culture ne pourra jamais changer l’ivraie en bon grain. Le trésor est caché — la perle est invisible — et les bons poissons sont enfermés dans le filet. Le principe de la foi est d’agir avec Dieu. L’obéissance consiste à cesser de mal faire — à cesser de nous identifier avec ce que nous trouvons être opposé à Dieu. Il faut, en général, se défier des mouvements collectifs. La conscience est une chose individuelle. Il y a toujours un refuge dans le nom de Jésus, pour les âmes qui fuient la captivité de la Babylone morale — c’est-à-dire de tout ce pêle-mêle confus de principes religieux, moraux, commerciaux et politiques, qui nous environne.

Quant à la pensée de rétablir l’Église, c’est une folie. Rassembler les saints autour de Christ et dans l’espérance de Son retour, c’est le service — l’amour obéissant (comp. Jean 14, 3 ; Jude 23). Une assemblée de saints, réunis aujourd’hui au nom de Jésus, prenant sur eux la honte et le péché de l’Église, comme Daniel le faisait autrefois pour le péché d’Israël (Dan. 9), et s’en humiliant sous la puissante main de Dieu ; une telle assemblée, dis-je, ne peut pas s’attendre à recouvrer tout ce que l’Église a perdu, mais elle peut attendre les sympathies de Jésus et y compter. « Il ne peut se renier lui-même ». Et si elle se place, non pas sous la dépendance de l’homme, ni d’un ordre humain, mais de Dieu, le Saint Esprit subviendra à ses besoins. Non seulement Il emploiera ce que ces vaisseaux possèdent, soit par leurs naturelles dispositions, soit par leurs acquisitions spirituelles, mais Il donnera davantage ; car il y a une adaptation naturelle du vaisseau ou de l’individu, aussi bien qu’un don accordé. Une telle assemblée, aussi longtemps qu’elle resterait dans sa position de faiblesse, serait bénie, pouvant s’appliquer la parole qui fut adressée une fois à la petite troupe d’Israël : « Ne craignez point » (Agg. 2, 5). Mais elle ne jouirait pas seulement de plusieurs privilèges, elle aurait encore une responsabilité particulière, à cause de sa profession de soumission à Christ. Le Seigneur la tiendrait pour responsable de la sainteté de Sa maison et du maintien de l’unité de l’Esprit non seulement dans son sein, mais dans le corps de Christ. Car, alors même que plusieurs des saints désavoueraient et même mépriseraient une telle position, cela n’affaiblirait en aucune manière sa responsabilité, soit à l’égard du Seigneur, soit à l’égard de l’Église. Ce n’est pas une question d’autorité, mais d’amour obéissant. Et quand une semblable petite réunion, demeurant dans une position ecclésiastique selon la Parole, serait seule au milieu des ruines de l’Église, sa position n’en serait pas moins la même moralement, et son témoignage aurait la même valeur sur les consciences de l’Église entière, que si elle comptait ses membres par milliers. Car le principe d’un témoignage ne dépend pas du nombre de ceux qui le rendent. Et nous avons pour tous les cas un directeur infaillible dans la Parole, et un guide dans le Saint Esprit.

Une telle assemblée, réunie, non sur le terrain de l’unité de jugement, mais sur celui de l’unité de la vie, trouverait en Jésus, la Tête, tout ce qui lui serait nécessaire : réunie, dis-je, non pas comme association volontaire, ce qui serait le fruit de la volonté de l’homme et non de celle de Dieu, et par conséquent sectaire — mais dans une position qui affirme l’unité du corps de Christ, et qui reconnaît le fait d’une seule vie et de l’habitation intérieure d’un seul Esprit comme étant le lien vital de tous. Ainsi l’unité de jugement ne serait pas le lien, car cela en ferait une secte, mais ceux qui composent cette assemblée se réuniraient comme membres de Christ et membres les uns des autres. Il est évident, d’après les Écritures, que c’est là la seule position dans laquelle la foi puisse se placer maintenant avec intelligence. Tout autre ne peut être que le fruit de l’ignorance ou de la présomption — en un mot, du monde.

On objectera peut-être que de semblables réunions ont existé et sont tombées. Oui, mais elles étaient seulement analogues et non identiques. Cette même accusation pourrait être portée contre l’église de Corinthe. Elle tomba d’une manière effrayante, mais Christ ne tombe pas. Elle reconnaissait pourtant encore sa dépendance du Saint Esprit ; aussi fut-elle relevée, après que son péché eut été jugé (1 Cor. 5, 4). On peut affirmer, sans crainte d’être réfuté, qu’elle ne peut jamais tomber, l’assemblée qui, regardant au Seigneur et s’attendant à Lui seul, reconnaît pratiquement la présence du Saint Esprit, comme l’unique puissance avouée par l’Écriture dans la maison de Dieu. Mais une assemblée peut paraître dans cette position, lorsque moralement, devant Dieu, elle a cessé de la maintenir, si même elle l’a jamais maintenue réellement. Voilà toute la différence. Dire que les « deux ou trois qui s’assemblent au nom du Seigneur » (j’entends, qui le font spirituellement) peuvent tomber, ce serait accuser la fidélité du Seigneur, car Il promet « d’être au milieu d’eux » (Matt. 18, 20). Mais s’ils reconnaissent un élément quelconque, autre que ceux qui sont fournis par l’Esprit de Christ, ils abandonnent leur vraie position et le Seigneur est, je le dis avec respect, relevé de Sa promesse, car on a cessé alors de se rassembler en Son nom. C’est là une chose solennelle et digne de la sérieuse considération des saints.

La question entre Dieu et l’Église est celle de la présence du Saint Esprit ; et la position d’un résidu au milieu des ruines est une position de foi.

Apostasie de l’Église comme témoignage visible

L’apostasie de l’Église dans son témoignage visible est admise par tous les protestants. De là leur séparation du romanisme par la Réformation. Mais prétendrait-on que la Réformation ait établi tout ce que l’Église avait perdu ? « Quel est donc ce bêlement de brebis à mes oreilles ? ». Nous avons retiré de dessous les ruines de la superstition plusieurs vérités précieuses. Mais où est l’ordre de la maison de Dieu ? Où est le corps ecclésiastique, n’importe son nom ou ses prétentions, qui corresponde dans toutes ses parties et ses proportions au modèle original de l’Église ? Je n’offenserai personne en répondant : Nulle part. La sagesse de l’homme et l’autorité du monde ont fatalement réussi à substituer l’ordre humain à l’ordre divin.

Le Saint Esprit fut peu consulté dans la restauration de l’édifice. C’est là une vérité pour l’Angleterre, comme pour l’Allemagne ou pour Genève. Et tous ces divers systèmes, bien qu’ils puissent réclamer la vénérable prescription de trois cents ans, s’ils sont éprouvés par les Écritures et pesés à la balance du sanctuaire, sont trouvés légers ; mais nos premières et quelques-unes de nos meilleures associations d’idées s’y rattachent et par une étrange conséquence avec nous-mêmes, nous les respectons et les soutenons parce que ce sont nos préjugés.

Le jugement du témoignage entre les mains des Gentils prédit (Rom. 11)

« L’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns se retireront de la foi » (1 Tim. 4, 1). Ce sujet d’avertissement tient une grande place dans les épîtres et il nous est pleinement exposé dans Matthieu 13 et dans l’Apocalypse, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer. Le jugement de ce qu’on peut appeler le témoignage dans les mains des Gentils, est prédit dans le chapitre 11 des Romains : « Si tu demeures en cette bonté ; autrement, toi aussi, tu seras retranché » (v. 22) ; c’est-à-dire comme Israël l’a été. Il n’est pas question ici de l’Église — du corps — mais du témoignage de Dieu confié aux Gentils ; et parce que l’homme, dans cette dernière position, s’est trouvé indigne de cette confiance, le jugement à venir est sa portion (comme système). Et la loi et le témoignage, qui ont été cachetés « parmi mes disciples »[14], seront de nouveau confiés à Israël (comp. Dan. 12, 9). « Ces paroles sont closes et cachetées (pour Israël) jusqu’au temps de la fin ». Alors « tout Israël sera sauvé » et les oracles de Dieu lui seront de nouveau remis (Rom. 3, 2 ; 11, 26).

L’apôtre Pierre nous avertit en disant : « Vous donc, bien-aimés, puisque vous le savez d’avance, soyez sur vos gardes ; de peur que, entraînés ensemble par l’égarement des abominables, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté » (2 Pier. 3, 17). Voyez l’importance donnée ici à la parole prophétique ! Le chapitre 2 de 2 Thessaloniciens met devant nous l’origine, le développement et le jugement de cette apostasie, dans son double caractère, ecclésiastique et civil. Déjà du temps de l’apôtre, ce mystère d’iniquité déployait son efficace et Paul nous annonce qu’il continuera à croître sans interruption, jusqu’à ce qu’ayant atteint son plus haut degré de développement, il se résume dans « l’homme de péché, le fils de perdition » (v. 4).

Avertissement contre le mystère d’iniquité, qui doit se résumer dans l’homme de péché

Il est maintenant généralement admis par les personnes qui s’occupent des prophéties, que cet « homme de péché » est le même que la « petite corne » et le roi faisant selon sa volonté, de Daniel (chap. 7 ; 11), le même aussi que l’antichrist de Jean. Et nous voyons ainsi comment les diverses dispensations de Dieu sur la terre sont comme autant de lignes qui convergent vers un seul point — le jugement. De sorte que le jugement du judaïsme apostat et celui de la chrétienté apostate se confondent avec le jugement de l’impie et blasphématoire infidélité. Car quelque étrange que cela puisse paraître d’abord, ces trois systèmes sataniques subiront leur condamnation en la personne d’un représentant commun — l’homme de péché (comp. Matt. 12, 43, 45 ; 23, 32 ; Dan. 7, 21, 27 ; 1 Jean 2, 18 ; Apoc. 19, 19). Ceci nous ramène à la dernière semaine de Daniel, dont la première phase sera le développement de Babylone, qui est ensuite détruite (Apoc. 17, 16) ; et sa dernière phase est « le roi — l’antichrist — l’homme de péché ». Christ paraît alors pour juger les vivants. Ses ennemis Lui sont mis pour marchepied. Et le temps vient, où les saints du Très-haut — ou des hauts lieux — reçoivent le royaume, et où commence le règne médiatorial du Fils de l’homme (Dan. 7, 27).

Je ne fais qu’effleurer ces sujets ; les traiter à fond nous mènerait trop loin.

Le siècle se termine par le jugement

Ce siècle-ci aboutit donc au jugement. Que sa génération y pense peu ! « Lorsqu’ils diront : Paix et sûreté ! alors une ruine subite viendra sur eux, comme les douleurs de l’enfantement sur celle qui est enceinte, et ils n’échapperont point » (1 Thess. 5, 3). Terribles paroles, qui devraient réveiller le peuple de Dieu, l’arracher aux rêves du jour, aux illusions de ce monde et le ramener à la réalité ! N’est-il pas affreux de voir ce pauvre monde abusé compter sur des siècles de paix et de bénédiction qui ne viendront jamais, et y compter jusqu’à ce que le Juge des vivants et des morts paraisse pour les appeler à Sa barre ? Notre place à nous, chrétiens, est d’être séparés du monde, de vivre pour Dieu comme « ressuscités avec Christ », pour dire aux pécheurs qui périssent que l’arche est encore ouverte — pour les supplier de chercher un refuge auprès de Jésus — afin de trouver miséricorde, et de se mettre à l’abri de la colère à venir sous l’aspersion de son précieux sang.

Toutes les dispensations précédentes aboutissent à un seul et même moment final, l’apparition de Christ.

  • La dispensation de Noé ou les temps de la longue patiente de Dieu, datant du déluge (Gen. 8, 21).
  • Israël selon la chair depuis Abraham.
  • Israël dans l’état d’I-Cabod — le trône étant captif.
  • Israël dans l’état de Lo-Ammi, pendant que les Gentils règnent.
  • Les temps de la domination des Gentils, datant de la captivité de Babylone.
  • « Jusqu’à ce que la plénitude des nations soit entrée » — privilèges en grâce (Rom. 11).



La condamnation de la chrétienté purement professante est ensuite scellée dans le jugement de « la grande prostituée » et, lors de sa dernière transformation, dans celui du « faux prophète » (comp. Apoc. 17, 1 ; 19, 20). Ce n’est pas là une affaire d’opinion, mais de fait. Et cette parole est solennelle : « Si quelqu’un veut être ignorant, qu’il ignore » (1 Cor. 14, 38). Et celle-ci plus terrible encore : « Que celui qui agit injustement agisse injustement encore » (Apoc. 22, 11). L’Épouse de Christ est pour toujours en sûreté et à l’abri de ces alarmes. Longtemps avant la crise, elle sera enlevée à la rencontre de son Seigneur dans la gloire. Telle est l’espérance de l’Église. Puisse être là aussi l’objet de son ardent désir. Elle n’aura pas besoin d’autre motif que Son amour, s’il en est ainsi, si Jésus lui inspire cette prière : « Viens », car « l’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Oui, viens, Seigneur Jésus ! Amen » (Apoc. 22, 17, 20).




  1. Le péché de Cham, puni par des jugements sur sa postérité jusqu’à nos jours, fut de mépriser l’autorité de Dieu en la personne de Son représentant en chute.
  2. Et dans cette vérité de Dieu, nous trouvons l’antidote des théories gouvernementales, empoisonnées, du jour, et la seule digue morale à opposer au mouvement démagogique du dix-neuvième siècle. Les saints n’ont heureusement rien à faire avec le gouvernement de ce pauvre monde. Le chemin de la paix et du devoir est pour eux dans l’obéissance et cela « à cause de la conscience ».
    Il nous est donné de souffrir avec Christ durant Sa réjection : « lorsqu’il apparaîtra, nous paraîtrons aussi avec Lui en gloire » (cf. Rom. 13, 5 ; Phil. 1, 29 ; Éz. 21, 27 ; Col. 3, 3 ; 1 Cor. 6, 2). Si maintenant nous souffrons d’être « méconnus », alors nous serons bien « connus » (2 Cor. 6, 9 ; Jean 17, 23).
  3. D’où vient le mot français église. (Trad.)
  4. Pour faciliter l’intelligence de ces termes philosophiques aux lecteurs qui en auraient besoin, nous dirons que : Entité est « ce qui constitue l’être ou l’essence d’une chose ». Catégorie, « sorte de classe dans laquelle les anciens philosophes rangeaient plusieurs choses qui sont de différente espèce, mais qui conviennent à un même genre ». Prototype, « modèle ». Adéquate, « entier, parfait ». (Éditeur)
  5. Voyez Ps. 68, 18 : D’Adam, en l’homme, ou, en Adam, chef de la nouvelle création.
  6. Ceci expliquera l’emploi, dans le psaume 8, du mot Énosh qui ne peut pas s’appliquer strictement à notre Seigneur ; mais qui est très beau et très expressif, lorsque nous voyons le peuple du Seigneur, identifié avec Lui comme Fils de l’homme, par la mort et la résurrection, dans les bénédictions qui Lui appartiennent de droit.
  7. « Il n’aura rien » ou « il n’aura personne ». L’auteur pense avec d’autres personnes compétentes, que c’est là le vrai sens des paroles traduites ordinairement par : « mais non pas pour soi ».
  8. Adonaï, Κύριος, Seigneur.
  9. Le palais de cristal de la grande exposition de Londres en 1851, est un symbole non équivoque de ce principe.
  10. Affirmer, comme on l’a fait, qu’il n’y a qu’une économie ou dispensation, c’est non seulement confondre le principe caractéristique des voies de Dieu, en faisant du jour de grâce et du jour de jugement une seule et même chose en principe ; mais, en outre, c’est aller jusqu’à mettre en question la nécessité et l’efficace de la rédemption. Mais la rédemption — la croix — est la base sur laquelle, pour ainsi dire, reposent les droits du Christ. « Il est celui qui vit, et qui a été mort… vivant aux siècles des siècles ; le premier-né d’entre les morts » (Apoc. 1, 5, 18). Cf. Ps. 2, 8, et Actes 13, 23.
    Les siècles ont été formés par le Christ (Héb. 1, 2). Ce sont des périodes distinctes dans les voies de Dieu avec l’homme, et signalant ces voies. Il est parlé de « ce siècle-ci et du siècle qui est à venir » (Matt. 12, 32). Ailleurs, « la moisson est l’achèvement du siècle » (13, 39). Et, « je suis avec vous jusqu’à l’achèvement du siècle » (28, 20). Et encore : « les puissances du siècle à venir » (Héb. 6, 5), où les résultats de la rédemption seront manifestés par le rétablissement et la réconciliation de toutes choses.
  11. Comparez Genèse 5, 1, 2, qui exprime bien cette unité mystique : « Il leur donna le nom d’homme » ; ou plutôt : « Il appela leur nom Adam ».
  12. Le romanisme, en substituant l’uniformité à l’unité, en mettant l’autorité à la place de la vie, usurpe la place de Dieu dans la conscience, et produit, par la crainte, des fruits d’hypocrisie au lieu de l’obéissance de la foi.
  13. Le mot « apôtre » n’a pas le même sens ici que lorsqu’il est question des douze ou de Paul ; il désigne des agents spéciaux de Christ pour Son Église, dans diverses périodes de son histoire (Luther, par exemple), agents qui, sans être nécessairement inspirés, sont pourtant envoyés par Christ.
  14. De Christ — És. 8, 16.